Cinq ans après le lancement de l'Oculus Rift, où en est la réalité virtuelle... et où va-t-elle ?

Après quatre années de développement, le premier casque de réalité virtuelle grand public arrivait sur le marché fin mars 2016. Un début qui se fit en fanfare, malgré les nombreux défis qui restaient à relever. Cinq ans plus tard, la technologie n'est pas morte, mais n'a pas non plus conquis le monde. Ce marché, bien que confidentiel, n'a pas cessé de croître, et pourrait même être – finalement – en train de vivre une rapide expansion. A l'occasion de cet anniversaire, L'Usine Digitale revient sur les temps forts, fait le point sur la situation, et regarde vers le futur.

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Cinq ans après le lancement de l'Oculus Rift, où en est la réalité virtuelle... et où va-t-elle ?

Le 28 mars 2016 sortait l'Oculus Rift. Fruit de quatre années de développement au milieu desquelles la start-up Oculus fut rachetée par Facebook, le lancement de ce premier vrai casque de réalité virtuelle grand public aura sonné le coup de départ pour ce secteur pétri de défis technologiques complexes.

Cinq ans plus tard, quel bilan pour la réalité virtuelle ? On peut dire sans ambages que le marché n'a pas atteint la taille qu'espéraient ses plus ardents partisans. Pour autant, la technologie a prouvé sa valeur et a fait mentir les cassandres qui la pensaient mort-née. Comme souvent avec les nouvelles technologies, l'adoption est moins rapide qu'escompté et l'impact à long terme plus profond qu'attendu. Cela étant dit, bien des choses ont changé.

Une innovation technologique soutenue
Sur le plan technologique, beaucoup de progrès ont eu lieu en très peu de temps. A sa sortie, l'Oculus Rift n'avait pas encore de contrôleurs dédiés à la VR (ils ne sortiront que 9 mois plus tard), et il utilisait un système de tracking à base de capteurs externes (tout comme les concurrents qui l'ont rapidement suivi, le HTC Vive et le PlayStation VR). Il nécessitait aussi d'être raccordé par câble à un ordinateur équipé d'une carte graphique haut de gamme, et ne permettait que des déplacements dans l'espace très limités.

En comparaison, le nouveau casque signé Facebook, l'Oculus Quest 2, intègre sa propre puissance de calcul et n'a besoin d'aucun appareil ou accessoire externe pour fonctionner. Ses contrôleurs restent proches des Oculus Touch d'origine, qui ont réellement défini cette catégorie et inspirés tous les produits concurrents, mais il peut aussi détecter directement les mouvements des mains pour des interactions plus naturelles. Surtout, sa résolution d'affichage est de 1832 x 1920 pixels par œil, contre 1080 x 1200 pour le Rift.

Les écrans étant très proches des yeux et magnifiés par des lentilles spéciales, cette augmentation de la densité de pixels est beaucoup plus flagrante que sur un écran de télévision ou d'ordinateur et renforce considérablement l'immersion. Mais au-delà de ces détails techniques, le plus important est sans doute le prix. Là où l'Oculus Rift coûtait 699 euros sans les contrôleurs Touch (vendus 199 euros), le Quest 2 vaut 349 euros tout compris.
 


L'adoption s'accélère avec le Quest 2
Cette accessibilité financière, couplée aux performances réhaussées, explique sans doute le succès commercial du Quest 2. Car la sortie de ce casque est peut-être le point d'inflexion qu'attend l'industrie depuis cinq ans. Chaque casque successif d'Oculus a rapidement surpassé son prédécesseur. L'Oculus Rift S, bien que faisant des compromis, a été le casque pour PC le plus populaire du marché dès sa sortie et jusqu'à l'arrêt de sa commercialisation. L'Oculus Quest, premier casque 6DoF tout-en-un, est sorti en même temps que le Rift S et s'est immédiatement envolé loin devant lui.

Quant au Quest 2, sorti en septembre 2020, il a dépassé en six mois non seulement les ventes totales du premier Quest, mais de tous ses prédécesseurs combinés (y compris l'Oculus Go), a révélé Andrew Bosworth, VP of AR/VR chez Facebook, dans une interview donnée à Bloomberg le 29 mars. Ces informations sont évidemment à relativiser. Facebook ne dévoile pas les chiffres de ventes de ses casques, mais ils n'ont, selon toute vraisemblance, jamais dépassés les 5 millions d'unités vendues jusqu'ici. Le Quest 2 sera sans doute le premier à passer cette barre, voire même celle des 10 millions.

Le PlayStation VR, un beau succès pour Sony
Si cette rétrospective s'est focalisée sur Facebook jusqu'à présent, c'est parce qu'il est indéniable qu'il s'agit du premier acteur du secteur. Premier arrivé sur le marché, premier par les sommes investies en R&D, premier du fait de ses ambitions à long terme. Mais il n'est pas le seul, ni même celui qui a connu le plus de succès jusqu'ici. Le constructeur japonais Sony, via sa division PlayStation, s'est aussi intéressé très tôt à cette technologie. Son PlayStation VR, accessoire de la PlayStation 4, se sera vendu à plus de cinq millions d'unités malgré certaines limitations technologiques, et il travaille désormais sur son successeur qui accompagnera la PlayStation 5 (mais dont la sortie n'aura pas lieu cette année).

Bientôt plus de joueurs VR que Mac sur Steam

Cinq années qui furent aussi parsemées d'échecs

Comme tous les marchés, la réalité virtuelle a connu son lot de perdants. Il ne reste presque plus d'entreprises spécialisées dans la vidéo immersive. Jaunt, Lytro, NextVR, Within... Toutes ont pivoté ou été rachetées. Les efforts de Google se sont aussi soldés par des échecs. La plateforme Daydream, qui devait prendre la suite de Cardboard, n'a jamais vraiment pris son essor. Google y a mis fin officiellement en 2019.

Les casques pour smartphones n'ont pas survécu de manière générale, car ils n'offraient pas une expérience suffisamment qualitative. Le partenariat de Samsung et Oculus n'aura d'ailleurs pas résisté à la mort du Gear VR. Même constat d'échec pour l'écosystème Windows MR, que seul le HP Reverb sauve de l'oubli. Quant à HTC, un temps présenté comme un poids lourd du secteur, sa position n'a fait que s'affaiblir avec le temps. Il semble aujourd'hui vouloir se spécialiser sur une niche de marché.

Le troisième grand acteur du marché est Valve, l'éditeur de la plateforme d'achat de jeux dématérialisés Steam. Un temps partenaire d'Oculus (avant son rachat par Facebook), puis du fabricant taïwanais HTC, Valve se concentre sur le marché du jeu sur PC, pour lequel Steam est hégémonique. Au mois de mars 2021, 2,30% des utilisateurs de Steam étaient équipés d'un casque de réalité virtuelle. En 2020, le nombre d'utilisateurs de Steam a dépassé les 120 millions, ce qui donne une estimation de 2,75 millions de joueurs équipés de casques VR. Un chiffre modeste, mais en constante augmentation depuis cinq ans. C'est déjà près de trois fois plus que les utilisateurs de Linux, et à ce rythme cela dépassera bientôt les possesseurs de Mac sur la plateforme.

A noter que plus de la moitié des casques VR utilisés sur Steam sont de marque Oculus, et ce depuis l'été 2019. Aujourd'hui, c'est le Quest 2 qui domine avec près d'un quart des utilisateurs (24,25%). En effet, bien que fonctionnant sans ordinateur, il peut être connecté à un PC (par câble ou en Wi-Fi) pour tirer parti de jeux requérant plus de performances. Il est suivi par le Rift S (20,96%) et le casque maison de Valve (16.37%). Au total, 58% des utilisateurs de Steam utilisent des produits Oculus. Une indication que l'entreprise a su trouver le bon rapport qualité-prix.

Les Jeux, le nerf de la guerre
On l'aura compris, le premier marché pour les casques de réalité virtuelle reste celui du jeu vidéo. Intrinsèquement lié à la 3D temps réel, le secteur vidéoludique se prête naturellement à cette technologie. Il y constitue donc la grande majorité des contenus disponibles. Et ces contenus sont l'autre aspect déterminant pour la réussite de cette technologie, car sans usages, rien ne motive à l'achat. Là encore les progrès sont notables.
 


Bien que les technologies sous-jacentes soient les mêmes, développer pour la réalité virtuelle est un exercice particulier, soumis à des contraintes spécifiques (par exemple en matière de déplacements) et qui requiert souvent de nouveaux paradigmes de game design. Les choses ont aussi beaucoup évolué sur ce plan au cours des cinq dernières années. Les développeurs de tous bords ont appris ce qui fonctionne bien ou moins bien et les jeux ont progressivement gagné en complexité et en raffinement.

Un écosystème financièrement viable
Et le marché est désormais proche d'être financièrement viable sans soutien externe. Le 19 février, Facebook a révélé que 60 applications pour la boutique Quest ont dépassé le million de dollars de revenus. Cela représente à peu près un tiers des titres disponibles sur la plateforme (la curation étant assez sévère pour garantir un niveau de qualité élevé). En septembre 2020, lors de la sortie du Quest 2, seules 35 applications étaient dans ce cas.
 


Le champion toutes catégories est sans conteste Beat Saber. Fruit du travail d'un petit studio tchèque indépendant, il s'est vendu jusqu'ici à plus de 4 millions d'unités toutes plateformes confondues (au prix de 29,99 euros), avec plus de 40 millions de chansons additionnelles achetées par la suite. Facebook a racheté le studio en novembre 2019.

Superhot VR, issu d'un studio polonais et financé par Oculus, a dépassé le million d'unités vendues sur Quest en février 2021, largement porté par le Quest 2. Un score d'autant plus impressionnant que le jeu est sorti à l'origine en 2016. Le jeu de tir en battle royale Population: One fait quant à lui parti des titres à avoir engrangé plus de 10 millions de dollars sur Quest, tout comme Onward, un jeu de simulation militaire par équipe.

Les jeux "AAA" arrivent... mais il faudra de la patience
Ces succès sont suffisamment encourageants pour que Facebook évoque un passage d'ici quelques années à l'échelle AAA, qui correspond aux jeux à très grand budget (se comptant en dizaines de millions de dollars). Cela a notamment été évoqué le 17 mars, lors d'une présentation à la Game Developers Conference, par Mike Verdu (VP of Content chez Facebook Reality Labs) et Jason Rubin (VP of Play chez Facebook).

L'entreprise a déjà financé plusieurs jeux au budget conséquent sur PC (écosystème Rift), comme Lone Echo (développé par Ready at Dawn), Stormland (Insomniac Studios), Asgard's Wrath (Sanzaru Games) ou plus récemment Medal of Honor: Above and Beyond (Respawn Entertainment). Il a aussi officialisé en septembre 2020 un partenariat avec l'éditeur français Ubisoft portant sur les licences Assassin's Creed et Splinter Cell. Des rumeurs font par ailleurs état d'un partenariat (non confirmé officiellement jusqu'ici) avec le développeur japonais Capcom autour de la série Resident Evil.

Si la priorité est désormais aux jeux plus "légers" pouvant tourner sur la puce mobile du Quest 2, l'appétence des joueurs pour les titres ambitieux est indéniable. Le succès aussi bien commercial que critique de Half-Life: Alyx, développé par Valve et publié sur Steam le 23 mars 2020, en est l'une des preuves incontournables. Facebook en est bien conscient.
 


Dans un long billet de blog retraçant les cinq dernières années par le biais de témoignages internes, Mike Doran, Director of Production chez Oculus Studios (l'entité qui gère le financement et la publication de jeux VR au sein de Facebook), explique que les jeux en développement deviennent plus grands et complexes et que leur temps de création s'allonge en conséquence. Des propos similaires à ceux de Jason Rubin lorsque L'Usine Digitale l'avait interviewé en septembre 2017.

Une vision à long terme
D'après Mike Doran, les prochains "gros" jeux en cours de développement sous l'égide d'Oculus Studios arriveront sur le marché dans les deux ans à venir. Cependant il évoque aussi des titres prévus pour "les trois, cinq, sept années à venir" qu'il décrit comme particulièrement ambitieux. On notera que Lone Echo 2, titre très attendu, a été annoncé en septembre 2017 et n'est toujours pas sorti. L'année dernière, Facebook a racheté Ready at Dawn, le studio chargé de son développement.

Avec l'essor du Quest 2 et l'arrivée d'ici fin 2022 du PlayStation VR 2, il est aussi prévisible que d'autres grands éditeurs tiers comme EA, Activision, Take 2 ou Square Enix finiront par s'intéresser à ce marché. Reste Microsoft, qui a racheté énormément de studios depuis cinq ans mais considère officiellement que la VR n'est pas une priorité. Difficile également d'anticiper la stratégie de Nintendo en la matière, qui y a trempé un orteil avec son jeu Labo mais peut parfois se montrer très conservateur.

En attendant, Facebook travaille déjà sur ses deux prochaines générations de casques (les Oculus Quest 3 et 4). Leur sortie n'aura pas lieu avant plusieurs années, mais comme l'explique Mark Zuckerberg, CEO de Facebook : "à cause de la façon dont le matériel est développé, il faut savoir au même moment à quoi vos trois prochains produits vont ressembler." Dans cette même interview au média The Information, datée du 8 mars, il laisse entendre que ces prochains modèles seront capables de capturer les mouvements des yeux et du visage, ce qui permettra plus de réalisme et de spontanéité lors des interactions sociales.
 


Les jeux vidéo ne sont qu'un début
L'un des éléments qui caractérisent Facebook, c'est que sa vision ne se limite pas au seul marché du jeu vidéo. L'entreprise voit aussi dans la VR le futur de la visioconférence et même du travail de bureau. On notera que le monde professionnel s'en est déjà emparé pour certains cas d'usage, notamment la conception 3D (voir ce qu'en dit Bugatti) et la formation, pour lesquels cette technologie est clairement une révolution. Les exemples ne manquent pas : Dassault Aviation, Saint-Gobain, Johnson & Johnson, Walmart...

Son autre rôle, plus subtil, va être de préparer la voie pour les futures lunettes de réalité augmentée. Aussi bien pour permettre aux développeurs d'applications d'expérimenter que pour parfaire les briques technologiques nécessaires, qui sont souvent communes à la réalité virtuelle et augmentée. C'est aussi a priori la stratégie que compte suivre Apple. D'après plusieurs observateurs, l'entreprise de Tim Cook prépare la sortie d'un casque VR pour l'année prochaine. Cinq ans après le Rift, le marché de la réalité virtuelle est donc loin de s'éteindre. Il semble au contraire s'apprêter à passer un cap.

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