Un jour dans l'histoire

Le réalisme atmosphérique d'Edward Hopper

Lighthouse at Two Lights by Edward Hopper

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Par RTBF La Première

Le peintre Edward Hopper compte parmi les plus grands artistes du XXe siècle. Alors que l’Américain s’inspire des grands maîtres européens de la lumière, on le qualifie volontiers de peintre du 'silence et du vide', de l’absence et de l’attente aussi. Il est le témoin de l’évolution de la société d’outre-Atlantique.

Plongeons dans la réalité atmosphérique d’Edward Hopper, en compagnie d'Anne Hustache, historienne de l’art.

Je crois que l'humain m'est étranger. Ce que j'ai cherché à peindre, ce ne sont ni les grimaces, ni les gestes des gens. Ce que j'ai vraiment cherché à peindre, c'est la lumière du soleil sur la façade d'une maison.

Né en 1882 dans l'Etat de New-York, Edward Hopper grandit dans une famille sans problème, dans un univers essentiellement féminin. Ce sont des baptistes qui vivent dans une simplicité, une moralité, une rigueur qui marqueront l'artiste.

Sa chambre d'enfant est très éclairée, la lumière se découpe sur le mur. Ce sera certainement l'une de ses premières inspirations. "Sans le rai de lumière, l'oeuvre de Hopper n'aurait pas cet impact", souligne Anne Hustache.

Dès ses 12 ans, il témoigne d'une inclination pour le dessin, il croque à l'encre ce qui l'entoure, il s'intéresse à l'aquarelle. Il suivra des cours d'illustrateur par correspondance, travaillera aussi la caricature, puis partira pour New York. 

"Morning sun", Edward Hopper, 1952
"Morning sun", Edward Hopper, 1952 © Columbus Museum Of Art, Ohio

Entre Ash Can School et impressionnisme

New York est alors devenue la seconde puissance industrielle. L'urbanisation rapide a créé de nombreux quartiers très pauvres, dont les peintres veulent témoigner. Il y a à l'époque une volonté de donner plus d'ampleur et de reconnaissance à l'art américain, avec une préférence pour le réalisme. Le professeur Robert Henri fait partie de l'Ash Can School, ou école poubelle, qui stimule ce type de sujets. Hopper sera son meilleur élève.

Un autre professeur, William Merritt Chase, va plutôt l'ouvrir à l'impressionnisme, inspiré de l'art de l'Europe et de Paris. Hopper tentera de trouver un style qui convient aux deux tendances. Pour ce faire, il complètera sa formation en partant en voyage en Europe, en Angleterre, à Amsterdam, en Belgique mais surtout à Paris. Il sera très influencé par Degas, Caillebotte, mais aussi par Courbet, Watteau. Très cultivé, très francophile, il s'intéresse aussi à la littérature française.

Dans ses oeuvres peintes autour du Louvre, on ressent déjà ce que sa peinture deviendra : des univers vides, des architectures.

Mais que peindre ?

Edward Hopper évoquera souvent la difficulté et le temps qu'il met à peindre. Il peint très lentement, 300 toiles dans toute sa longue vie, ainsi que des aquarelles, alors qu'il a commencé à peindre très jeune et a vécu jusqu'à près de 85 ans.

"C'est parce qu'il se demandait toujours : qu'est-ce qu'il faut peindre ? On sent qu'il cherche. C'est un peu un processus de maturation, comme pour un film où on prend plusieurs scènes", explique Anne Hustache.

L'esquisse qui vaut la peine de se transformer en tableau, pour moi, n'existe que deux ou trois fois par an.

Edward et Jo

Jusqu'au milieu des années 20, Edward Hopper gagne sa vie comme illustrateur et dessinateur de pub. Il peint le dimanche, pendant ses loisirs et ses voyages en voiture à travers l'Amérique. Il apprend à se défaire de l'influence française et à synthétiser les formes. Il va éclaircir sa palette. Il peint les ports, les marins, les phares.

Il épouse Josephine Verstille Nivison, une artiste rencontrée pendant ses études à New York. Ce sera un mariage houleux, mais uni par l'amour de la culture française et de l'art. Jo va avoir un effet majeur sur lui. Elle sera son unique modèle, même pour des figures masculines. Elle croit dans l'oeuvre de son mari, c'est elle qui le pousse à exposer à ses côtés.

Plus il gagnera en notoriété et en confiance, plus elle perdra confiance en son propre art. Et lui ne s'intéressera pas à son travail, bien au contraire, il aura des mots très méprisants.

Jo ira jusqu'à dire que toutes les toiles qu'ils produisaient ensemble étaient leurs enfants, parce qu'elle estimait y avoir pris autant part, mais les siennes étaient des bâtards ou des morts-nés.

Nighthawks by Edward Hopper
Nighthawks by Edward Hopper © Tous droits réservés

Le peintre de l’attente

Les toiles de Hopper sont réfléchies pendant des mois, contrairement à ses aquarelles, beaucoup plus spontanées. Il commence par se balader, par prendre le métro aérien, par regarder dans les fenêtres. Il dessine ensuite de mémoire, comme pour aller à l'essentiel. Il construit ses oeuvres comme des scénarios, en les annotant, en faisant poser Jo. C'est un très long cheminement.

On parle de réalisme atmosphérique, parce que Hopper ne veut pas y mettre d'interprétation, explique Anne Hustache. Il est l'observateur silencieux. Ce que l'on perçoit dans son travail, c'est le silence et, à travers les personnages, l'attente. Il a su peindre ce que c'est que l'attente et l'ennui.

Il enlève le superflu, au point de rendre ses décors presque impersonnels. "C'est peut-être pour cela qu'il préfère placer ses personnages dans des chambres d'hôtel, parce qu'elles expriment parfaitement ce côté impersonnel."

>>> Suivez ici la suite de l'entretien >>>


>>> A voir : le très beau film Edward et Jo Hopper, un si violent silence, de Catherine Aventurier.


 

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