Odilon Redon, le prince des rêves

Odilon Redon, Tête laurée, vers 1882. Fusain, 50 × 36,5 cm, collection particulière
Odilon Redon, Tête laurée, vers 1882. Fusain, 50 × 36,5 cm, collection particulière
Odilon Redon, Tête laurée, vers 1882. Fusain, 50 × 36,5 cm, collection particulière
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"Rien ne se perd chez moi". À travers son imagerie onirique, ses textures somptueuses et son usage de la couleur, Redon a cherché à créer un équivalent pictural de sa propre psyché.

Avec
  • Dario Gamboni Professeur honoraire d'histoire de l'art, Université de Genève

Il a élaboré, profondément, assez lentement une poésie visuelle, unique, simple d’apparence qui nous permet immédiatement de reconnaître son monde mystérieux, suggestif, troublant, mais toujours inspiré par ses visions intérieures plutôt que par les éclats lumineux du réel. Un univers qui nous pénétre lentement et que l’on oublie pas, comme le ferait une musique ou un texte profond. Il a intitulé son premier album lithographique qu’il composa en 1878 « Le rêve » titre que Odilon Redon considèrera être la clef de son œuvre et qui le fut assurément. Associé aux avant-gardes de son époque, exactement informé des débats esthétiques, des découvertes de la science, des conjectures spirituelles de son temps, comme de la littérature et de la musique, il maintint son chemin et ses interrogations jusqu’à atteindre, par une voie différente de ses amis symbolistes ou impressionnistes, une expression que l’on ne dit pas abstraite mais qui y conduit cependant. Qui parvient en tout cas à une musicalité obtenue par le jeu des formes et des couleurs au-delà de la ressemblance, au fond par un ébranlement émotionnel qu’il provoque chez le regardeur, comme le feraient les lumières projetées d’un vitrail dans lesquelles on ne pourrait pas deviner l’image que la fenêtre retient mais seulement sa probabilité dans la couleur. Odilon Redon a eu du succès, tardivement peut-être mais il parvint à imposer son écriture plastique toujours retenue, une expression de l'en-deçà, de l’indirect, dans laquelle la virtuosité ne cherche jamais à faire effet. Des amis fidèles l’accompagnèrent. Célèbres parfois, Huysmans, Mallarmé, mais aussi moins connus de nous comme deux de ses plus grands collectionneurs et surtout amis complices Andries Bonger et Gustave Fayet ainsi que leurs épouses.

Avec ceux-ci, et d’autres bien sûr, comme Emile Bernard, il entretint des relations épistolaires, suivies et décisives pour la compréhension de son art.

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Un livre avait été publié en 1923 reprenant des fragments de sa correspondance, mais cette fois-ci trois ouvrages considérables viennent d’être édités par les éditions Cohen & Cohen : Sans adieu et Redon retrouvé, qui permettent de lire selon le souhait, longtemps reporté, de la veuve d’Odilon redon, Camille, les plus de 300 lettres que l’artiste envoya à son collectionneur, en sachant bien qu’il écrivait pour l’histoire… Cette publication épistolaire, avec celui dont Redon disait qu'il comprenait tout ce qui est beau, reprend 20 ans d’échanges. Elle était attendue depuis un siècle. Elle est donc accompagné de deux autres volumes qui en retirent et en illustrent très généreusement toute la richesse... l’un qui élucide les apports nouveaux et étudie les personnages et les circonstances, et l’autre publie une iconographie inédite et extra dont la reproduction de deux carnets permettant de se glisser dans la pensée de l’œuvre en train de se faire...

Ces livres qui font appel à plusieurs auteurs ont été accompagnés, dirigés inspirés par le célèbre historien Dario Gamboni que j’ai la joie de recevoir ici ! ! ! et je me réjouis de nous laisser entrainer avec lui aujourd’hui vers "le centre mystérieux de la pensée", ainsi qu’il intitula un de ces livres sur Gauguin, titre qui conviendrait bien à Redon également..

Les mémoires et correspondances d'Odilon Redon :

  • Sans adieu : Andries Bonger-Odilon Redon, correspondance 1894-1916, Andries Bonger, Odilon Redon, sous la direction de Dario Gamboni et Merel van Tilburg (Cohen&Cohen avril 22)
  • Redon retrouvé : œuvres et documents inédits, sous la direction de Dario Gamboni, Laurent Houssais, Pierre Pincho (Cohen&Cohen juin 22)
Odilon Redon, Orphée, s.d. Pastel sur papier marouflé sur toile, 45 × 46 cm, collection particulière
Odilon Redon, Orphée, s.d. Pastel sur papier marouflé sur toile, 45 × 46 cm, collection particulière

Lecture des textes par Sophie Daull

Chargée de recherche : Maurine Roy

En partenariat avec BeauxArts Magazine.

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