Des agences sans guichets et sans argent

Quelques présentoirs disséminés de-ci de-là dès l’entrée franchie. L’espace est dégagé, permettant au client de s’aventurer au gré de son inspiration ou de ses besoins. Une large baie vitrée au fond de la pièce donnant sur un jardin verdoyant.Edito: Belges, champions demain de la R&D ?

P.D.-D.
Des agences sans guichets et sans argent
©Bernard Demoulin

Quelques présentoirs disséminés de-ci de-là dès l’entrée franchie. L’espace est dégagé, permettant au client de s’aventurer au gré de son inspiration ou de ses besoins. Une large baie vitrée au fond de la pièce donnant sur un jardin verdoyant. Au centre, un tronc d’arbre ceinturé par des sièges, eux-mêmes séparés par des tables sur lesquelles reposent journaux et magazines. Trois ordinateurs sont à la disposition de tous, pour surfer en toute quiétude. Une musique d’ambiance bien apaisante berce l’ensemble.

Tout cela a un parfum de lounge d’aéroport ou de boutique vendant des GSM. Il s’agit pourtant d’une agence bancaire de la Deutsche Bank, ouverte cette semaine dans la banlieue de Gand. Nom de code : "db Concept Store".

La Deutsche Bank n’est pourtant pas la première banque, loin s’en faut, à avoir banni les guichets impersonnels de ses agences pour ouvrir l’espace et les rendre bien plus conviviales que les succursales d’antan : ING, BNP Paribas Fortis et, plus récemment, Dexia Banque ont entamé une profonde refonte de leur réseau. On peut même parler de révolution.

"Le client doit se sentir à l’aise", explique Steve De Meester, responsable de la distribution à la Deutsche Bank. Dans la toute nouvelle agence de Sint-Denijs-Westrem, deux employés sont chargés d’accueillir les clients comme s’ils étaient dans un "magasin Zara". "On leur laisse un peu de temps avant de les aborder, comme dans un magasin de vêtements". Si le client décline toute aide, il pourra continuer à fureter dans l’agence. "Il peut se rendre où il veut, un peu comme s’il était sur Internet où personne ne lui dit où il doit cliquer. Ce concept veut être un lieu de rencontre entre les clients et notre offre bancaire afin qu’ils connaissent mieux nos produits et utilisent mieux notre offre", poursuit Steve De Meester.

Le "Mur de solutions" évoque tous les besoins potentiels d’un client, que ce soit en épargne, en placement ou encore en succession. Pour Steve De Meester, c’est la toute grande différence avec la concurrence : "Dans les autres banques, les clients sont confrontés à des produits. Chez nous, nous évoquons leurs besoins". Evoquer leurs besoins et plus si affinités, notamment au 1er étage de l’agence qui, là, n’a rien de décoiffant.

La Deutsche Bank va tester le concept avant de l’appliquer en tout ou en partie dans son réseau actuel, voire dans de nouvelles agences.

Chez la concurrence, justement, c’est déjà de l’histoire ancienne. Plus de 200 agences ouvertes - les "Proxi" - chez ING, ont déjà vu le jour. BNP Paribas Fortis en a pour l’instant une quarantaine à son actif et Dexia Banque nonante Le concept est partout un peu le même : un espace "self" avec des automates où le client peut retirer et verser de l’argent, ensuite un espace accueil ouvert destiné à vous diriger vers la bonne personne ou à effectuer des opérations courantes et, enfin, un espace avec des bureaux, clos cette fois, pour les discussions appelant plus de confidentialité.

Cette rupture avec le passé est apparemment appréciée par les clients. "Une barrière est tombée", explique Eddy De Ridder, responsable du projet nouveau concept chez Dexia. Auparavant, les clients se retrouvaient face à un mur de guichets, totalement impersonnel. Désormais, c’est plus convivial. "Ce que nos clients apprécient le plus, c’est de pouvoir serrer la main de la personne qui les accueille alors que ce n’était pas possible auparavant".

Dans l’espace conseil de l’agence rue de la Loi, à Bruxelles, le salon d’attente fait penser à un... salon, avec fauteuils, table, journaux, télévision et... machine à café dont les tasses sont éclairées par un jaune très "flash". Le bleu Dexia est banni au profit de couleurs que l’on peut retrouver, justement, dans son propre salon. "Cela donne l’impression au client qu’il est chez lui. Un client qui est à son aise va plus facilement parler de lui".

Surtout, le personnel de l’agence est plus disponible pour conseiller le client puisque pas mal de tâches naguère confiées aux guichetiers doivent désormais être effectuées par le client via des automates (voir ci-dessous). "Cela permet au personnel d’avoir un vrai contact avec les clients. Cela nous permet de remettre le client au centre de nos préoccupations. Cela nous apporte beaucoup de valorisation plutôt que d’être un rond-de-cuir derrière une vitre,", témoigne Stéphane Sabeau, directeur de l’agence Université de BNP Paribas Fortis à Ixelles, qui a adopté le nouveau concept en février dernier.

L’environnement plus convivial et une plus grande disponibilité du personnel permettent aussi - voire surtout? - , de mieux faire tourner le business. "Un client se trouvant dans un environnement plus sympathique est plus disposé à s’asseoir", poursuit-il. Et plus disposé à discuter et à souscrire à l’un ou l’autre produit. "Nous performons mieux que dans les agences traditionnelles. Si nous faisions par exemple dix ventes par jour avec le concept traditionnel, nous en faisons maintenant douze ou quatorze".

"Les changements de concept ont été faits pour répondre aux attentes des clients qui attendent de notre part plus de conseils. Nous n’avons pas changé de concept pour vendre plus mais pour donner un service supérieur aux clients", souligne pour sa part Alain Hoskens, directeur de l’agence Dexia rue de la Loi.

La formule donne de tels résultats qu’ING compte rénover 140 agences en 2010 contre 120 cette année. Chez Dexia, le programme continue sur sa lancée. C’est tout dire.

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