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Essais

McLaren 765LT Spider : l’art de l’électronique

ESSAI – Version extrême de la 720S, la McLaren 765LT entend représenter ce qui se fait de plus rapide et sauvage chez le constructeur de Woking. Le plus surprenant reste la facilité avec laquelle on tient un rythme indécent, grâce à une électronique incroyablement efficace, marque de fabrique de McLaren.

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McLaren 765LT Spider - 19

La McLaren 765LT Spider entend combiner efficacité maximale sur circuit et conduite cheveux au vent.

Challenges - N. Meunier

Le nom de McLaren compte parmi les plus célèbres de l’histoire du sport automobile. Pourtant, cela ne fait que dix ans que la marque britannique produit des voitures de route à un rythme régulier. Face à la réputation presque mystique de concurrents comme Ferrari et Lamborghini, il a fallu jouer des coudes. Aujourd’hui encore, McLaren n’a pas la notoriété de ses rivaux italiens et ses modèles n’ont pas la même tenue à la cote sur le marché de l’occasion. Par contre, ses supercars sont parvenues à se forger un caractère bien particulier, dont la dernière en date, la 765LT Spider est sans doute la meilleure représentante.

Le suffixe LT entend se raccrocher à la brève histoire de McLaren en dehors de la Formule 1. Sous l’impulsion du génial ingénieur Gordon Murray, le constructeur de Woking a présenté en mai 1992 sa première voiture de route, la F1. Evidemment, avec un tel nom et un tel pedigree, cette supercar n’a pas été imaginée pour parader dans les rues de Monaco, où elle a été dévoilée. Une version destinée à la compétition a bien vite suivi, et s’est illustrée en remportant les 24 heures du Mans en 1995. Pour la saison 1997, l’auto fut profondément remaniée et allégée. Elle ne put se glorifier d’un palmarès aussi édifiant que la première mouture, mais son élégante silhouette à l’arrière allongée, qui lui a valu le surnom de "Long Tail" (longue queue) est restée dans les mémoires. Au point de désigner aujourd’hui les versions les plus extrêmes de la gamme McLaren.

La McLaren 765LT? Une 720S taillée pour la piste!

En fait de longue queue, la McLaren 765LT n’adopte qu’un aileron arrière spécifique, qui fait office d’aérofrein en se redressant à la verticale lors des forts freinages. Par rapport à la 720S dont elle dérive, la silhouette n’est donc pas radicalement transformée. C’est dans le détail que se joue la différence, avec de nombreux éléments aérodynamiques qui portent la longueur totale à 4,60 m, soit 6 cm de plus que la 720S (lire notre essai de la McLaren 720S Spider). La plupart de ces appendices sont réalisés en carbone, ce qui trahit la volonté d’allègement maximal de McLaren sur ce modèle, qui s’en tient à 1.388 kg tous pleins faits pour cette version Spider décapotable. C’est 80 kg de moins que la 720S Spider, à condition de se contenter de la définition de base qui se passe de climatisation et de radio (disponibles en option gratuite). C’est aussi seulement 49 kg de plus que la version coupé de la 765LT.

Si McLaren a fait subir ce régime minceur à sa supercar, c’est qu’elle se veut, comme tous les modèles portant le badge LT, une monture idéale pour les sorties sur circuit. Voilà qui répond à une demande de la clientèle, une bonne part des possesseurs de McLaren utilisant régulièrement leurs bolides sur piste. En contrepartie, il faut accepter quelques désagréments en conduite coulée, à commencer par les vibrations qui se propagent dans l’habitacle. Les supports moteurs sont plus rigides que la 720S, certes pour limiter l’inertie en virages, mais aussi et surtout pour que les occupants se sentent plus connectés à la mécanique. Ce serait une bonne idée si la gestion de la boîte automatique à double embrayage (à l’étagement plus court que sur la 720S) n’égrenait pas aussi vite ses sept rapports, en maintenant le moteur sous 1.500 tr/min, où les tremblements apparaissent franchement désagréables. Dommage, car la transmission demeure bien plus réactive que celle d’une Lamborghini Huracan, par exemple. On en vient à utiliser les palettes au volant en ville, pour placer le V8 dans une plage de régime qui lui convient mieux. A basse vitesse, la 720S est bien plus civilisée.

Autre contrainte: une garde au sol abaissée par rapport à la 720S, de 5 mm. Mieux vaut ne pas oublier d’engager le système de levage du nez, d’une pression au bout du commodo inférieur droit, sous peine de frotter la lame aérodynamique en carbone sur les ralentisseurs. A l’opposé, on est très surpris du confort de suspension. L’amortissement est certes ferme, mais beaucoup moins que sur n’importe quelle Porsche 911, même la Turbo S à la vocation nettement moins radicale. Il faut dire que cette 765LT Spider, comme toutes les McLaren issues de la "Super Series" (le haut-de-gamme du constructeur de Woking, si on excepte les modèles spéciaux en série limitée) fait appel à une suspension de conception particulière. Les amortisseurs à commande électronique, gérés individuellement, permettent de se passer de barre antiroulis. Malgré un tarage plus ferme que la 720S, cette 765LT Spider nous a laissé sans voix, après un passage sur une route pavée au revêtement très inégal, où nous n’avons pas été secoués le moins du monde. Sidérant pour un modèle de cette catégorie!

Un V8 de 765 ch qui fait parler la poudre

Mais une McLaren n’est pas faite pour rouler en ville, sa fiche technique en témoigne. Comme le nom de cette 765LT Spider l’indique, la puissance du V8 biturbo de 4,0 litres (dont les origines remontent aux prototypes Nissan engagés aux 24 heures du Mans à la fin des années 1990) a été revue à la hausse, pour se fixer à 765 ch. Cela grâce à l’adoption de pistons en aluminium forgé spécifiques, d’un joint de culasse en titane (chipé à la Senna, un modèle en édition limité optimisé pour un usage sur circuit), et d’une ligne d’échappement du même métal. Les chiffres annoncés parlent d’eux-mêmes: l'accélération de 0 à 100 km/h est expédiée en 2,8 secondes, alors qu’on franchit la barre des 200 km/h en 7,2 secondes et celle des 300 km/h en 19,3 secondes. Une Bugatti Chiron annonce 2,4 secondes de 0 à 100 km/h et 6,1 secondes de 0 à 200 km/h. La différence certes réelle, paraît ridicule quand on sait que la française avance une cavalerie de 1.500 ch et que sa transmission intégrale assure une motricité supérieure. Voilà qui montre le savoir-faire des ingénieurs de McLaren, qui parviennent à faire parler la poudre avec une simple propulsion allégée au maximum.

Au-delà des chiffres, il y a la manière. La moindre pression du pied droit plaque instantanément les occupants dans les baquets, c’était attendu. Ce qui est époustouflant, c’est l’absence totale d’inertie du V8, qui grimpe dans les tours à une vitesse ahurissante, et semble même reprendre un second souffle peu avant la zone rouge. Cela s’accompagne d’un râle méchant, qui souligne l’efficacité de la mécanique à défaut de se révéler réellement mélodieux. Il est possible d’en profiter de manière encore plus intense en ouvrant le toit de cette version Spider, ou tout simplement en abaissant la petite vitre située juste derrière les sièges. Au lever de pied à hauts régimes, la sonorité du V8 s’accompagne de véritables détonations qui s'échappent des quatre sorties d’échappement en titane.

La boîte de vitesses parvient à suivre la cadence, ce qui n’est pas une mince affaire: sur nombre de voitures au moteur aussi frénétique, le délai entre une pression sur la palette et le passage effectif du rapport fait qu’on bute sur le rupteur. La réaction semble ici télépathique. Le passage de vitesse est parfaitement simultané avec la pichenette sur la palette en carbone. Cela semble encore plus immédiat que sur la 720S, déjà extrêmement rapide, même si McLaren assure que la vitesse de passage n'a pas été améliorée. Seul l'étagement de boîte plus rapproché permet des accélérations plus franches.

Une électronique au top

Evidemment, le train arrière est débordé par une telle cavalerie, surtout que notre essai s'est déroulé sur des routes partiellement humides, et avec des pneus hiver Pirelli Sottozero, qui remplaçaient les Trofeo R délicatement mis au point sur-mesure par le manufacturier italien pour la 765LT. Les 800 Nm de couple mettent à mal la motricité mais quelle importance? Car l’électronique, qu’on a envie de débrayer sur une Lamborghini pour mieux profiter d’une connexion brute avec une mécanique sans artifice, fait ici partie intégrante de l’expérience de conduite. L’antipatinage est d’une célérité remarquable et d’une efficacité absolue. Mettre le pied au plancher sur une portion de bitume humide et bosselé se traduit par de brefs cris du moteur, à chaque fois que les roues arrière s’emballent pendant quelques microsecondes, le temps que l’électronique ne dompte la cavalerie. On apprend à faire confiance à cette aide précieuse, qui génère des coups de boutoirs sauvages dès que l’adhérence et de nouveau au rendez-vous. L’osmose avec la mécanique est moins naturelle que sur d’autres supercars, en particulier à moteur atmosphérique, mais les frissons sont bel et bien là.

La même sauvagerie est sensible au freinage. Les disques en carbone-céramique livrés de série sont mordus par des étriers repris de la Senna. La force de ce système, dimensionné pour un usage sur circuit avec des pneus adéquats, a tôt fait de saturer les Pirelli Sottozero si on écrase la pédale. Mais là encore, l'électronique est souveraine: l’ABS jugule parfaitement le blocage, et ne s’affole pas sur les bosses. Avec une décontraction incroyable, l’auto a conservé son cap lors d’un fort freinage en entrée de courbe bosselée malgré les amortisseurs avant qui atteignaient alternativement leurs butées sous la contrainte. Ce genre de situations révèle la qualité de la mise au point.

Agile, mais inexploitable sur route

Assez large (1,93 m et même 2,16 m avec les rétroviseurs), et surtout extrêmement rapide, la McLaren 765LT Spider n’est guère à l’aise sur les routes étroites et sinueuses. Elle se révèle pourtant diaboliquement efficace dans les virages. Lorsqu’on entre en courbe en conservant le pied sur le frein, le nez est comme happé par le point de corde. La direction, à assistance électro-hydraulique, plus directe que sur la 720S, est d’une précision absolue. On perçoit avec une clarté absolue la déformation du flanc du pneu lors de l’inscription dans les grandes courbes rapides. Deux regrets tout de même. Elle s’avère moins légère que celle de la 720S, encore plus facile à mener sur route. D’autre part, elle subit un peu plus le relief de la chaussée, avec des remontées dans le volant sur les revêtements inégaux, qui s'explique par un angle d'ouverture du train avant légèrement supérieur: 4 minutes d'arc contre 1 minute d'arc sur la 720S.

Les différences entre les modes de conduite sont subtiles mais sensibles. Il est possible de régler différemment l’ensemble moteur/boîte et le châssis selon trois niveaux: Confort, Sport et Track. Pour ce faire, il convient de tourner les molettes de la console centrale sur le réglage choisi, puis d’appuyer sur le bouton "Active". Cette ergonomie peut paraître saugrenue à première vue mais se révèle en fait une idée géniale. Il suffit en effet d’un simple appui sur le bouton "Active" pour un réglage sage lors d’une traversée de village, et d’une deuxième, à la sortie, pour retrouver le paramétrage précédent, sans avoir à tout sélectionner de nouveau. Autre point spectaculaire: le combiné d’instruments se replie à la demande pour ne plus afficher que les informations essentielles sur sa tranche (vitesse, régime et rapport engagé). Idéal en conduite rapide.

Sur circuit, l’esprit de la Senna

Notre essai sur route a laissé entrevoir les capacités phénoménales de la McLaren 765LT Spider. Comme sa sœur la 720S, elle parvient à distiller du plaisir même à des allures assez raisonnables, ce qui n’est pas un mince exploit sur une auto de cette catégorie, qui plus est bardée d’électronique. Mais cela nous a surtout convaincus que ses pleines capacités sont inexploitables ailleurs que sur un circuit, si possible de belles dimensions. Pas plus l’organisation de cet essai, qui s’est présenté au dernier moment, que les pneus montés sur notre exemplaire ne nous ont laissé la possibilité d’organiser un test sur piste. Alors nous nous en remettons à l’avis d’expert de nos confrères britanniques d’Evo, qui ont peu tester la McLaren 765LT Spider sur le circuit de Navarra, en Espagne.

"Sur piste, ce ne sont pas les performances en ligne droite qui sont le plus impressionnantes, mais plutôt la manière dont la 765LT Spider freine, ainsi que son équilibre en courbe", estime Steve Sutcliffe. "Il y a beaucoup de la Senna. Ce n’est pas une voiture dans laquelle on arrive et on déconnecte toutes les aides électroniques. Il y a ces modes de réglages très bien dosés, et le système Drift Control". Ce programme électronique permet au pilote de laisser l'arrière à dériver à l’accélération en virage selon un angle prédéterminé, qui limite tout risque de perte de contrôle. "Ce n’est pas un simple mode Sport que l’on active ou désactive. Cela permet de manière subtile de vous laisser plus ou moins de latitude en fonction de votre envie et du profil de piste rencontré. C’est brillant! Et c’est une voiture si facile."

Une autonomie problématique

La consommation peut paraître accessoire sur une supercar telle que la McLaren 765LT Spider. Il nous a semblé rigoureusement impossible de descendre sous 14 l/100 km, et il vaut mieux compter sur une moyenne de 22 l/100 km en exploitant de temps en temps les capacités du moteur. Le véritable problème provient de l’autonomie. Avec un appétit qui flirte avec les 60 l/100 km en conduite rapide (ce qui est normal sur ce type d’auto), la jauge descend très, très vite. La faute en revient à un réservoir trop petit. McLaren ne communique pas son volume mais, arrivé à la station-service avec moins de 10 km d’autonomie annoncé au tableau de bord, nous n’avons pu ravitailler que de 58 litres. Sur circuit ou en montagne, il est donc possible de vider le plein en une centaine de kilomètres, ce qui peut se révéler problématique d’un point de vue logistique.

La McLaren 765LT Spider correspond exactement à ce qu’elle promet. Certes, elle est moins fluide et intuitive que la 720S Spider sur route, mais là n’est pas sa destination. Taillée pour le circuit où elle donne le meilleur d’elle-même, elle apparaît d’une facilité déconcertante grâce à son électronique ultra performante. Et c’est là que réside le tour de force et le savoir-faire de McLaren. Si les supercars du constructeur britannique sont extraordinaires, c’est parce qu’elles parviennent à se révéler d’une redoutable efficacité grâce à une gestion électronique poussée, tout en continuant à flanquer le frisson à leur pilote. A ce jeu, la 765LT est assurément celle qui remplit le mieux son contrat, d’autant plus en version Spider, où l’on est encore plus en communion avec la mécanique une fois le toit ouvert. Voilà qui explique aussi le tarif élevé, de 372.500 € hors options et hors malus, supérieur de plus de 80.000 € à la 720S Spider. Mais c’est presque une affaire face à sa principale rivale, la Lamborghini Aventador SVJ Roadster qui s’affiche à 459.810 €. Et il s’agit là d’une dernière chance: les 765 exemplaires prévus du coupé 765LT ont tous été vendus, le Spider limité au même nombre reste seul au catalogue, sans doute pour quelques mois seulement. Cela signera le glas de cette génération de supercar lancée en 2017, qui sera très certainement remplacée par une évolution profonde dans un avenir proche.

McLaren 765LT Spider
  • Performances incroyables
  • Confort étonnant
  • Plaisir même à basse vitesse
  • Facilité de conduite
  • Autonomie ridicule
  • Vibrations à bas régime
  • Inexploitable sur route
  • Direction un peu sensible aux bosses
  • Performances5/5
  • Comportement routier4/5
  • Confort4/5
  • Aspects pratiques2/5
  • Prix/équipements3/5
  • Qualité de présentation4/5
  • Consommation4/5

 

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