Bulletin N. 256

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Bulletin N. 256 Institut des Frères des Écoles Chrétiennes Octobre 2017 Directeurs de la publication : F. Robert Schieler FSC - F. Diego Muñoz FSC Rédacteur en chef : F. Alexánder González FSC agonzalez@lasalle.org Designer : Davián Martínez Ribón davian.martinez@gmail.com Frères des Écoles Chrétiennes Maison Généralice, Rome Service Communication et Technologie : Ilaria Iadeluca, Leda Simeoni, Alexánder González FSC, Fabio Parente, Luigi Cerchi. comunicazione@lasalle.org Photos: Archives du Service Communication et Tehcnologie, Maison Généralice - Rome. Services de la communication du District Antilles – Mexique Sud, District lasallien de Bogota, District ANZPPNG, La Salle France et Projet Fratelli

Nous remercions l’équipe des traducteurs de l’Institut.

#NousSommesLaSalle #300LaSalle

LASALLIeNS sANs fRoNTIèReS


Créativité et courage: vivre la promesse du 39e Chapitre général

5 Présentation 7 50 ans sont passés, riches d’imprévus et de grâces

14

La force de marcher ensemble vers l’avenir

20 De nouvelles reponses a des situations nouvelles 29 Rallumons le feu de nos lampes

36 Femmes lasalliennes : passé et présent 45 Un avenir d’espérance 52 Le caractère laïc de l’institut

63 Un tresor necessaire 72

Education Lasallienne: Une reponse au monde d’aujourd’hui

80 Le courage de vivre dans une espérance évangelique radicale 92 Références


Signum Fidei

Présentation T

rois ans après la fin du Concile Vatican II, et six

tion actuelle de l’Amérique latine à la lumière du Concile.

mois après le 39e Chapitre général, la Maison

Dans le continent chrétien par excellence, qui était en

Généralice de l’Institut avait offert une anthologie de

proie à de profondes inégalités sociales, il était encore

textes capitulaires (Bulletin Nº 194 du mois de juil-

possible de promouvoir un dialogue pastoral avec la

let 1968). À cette époque, certains des grands prota-

réalité de la majorité de la population qui vivait dans

gonistes du Chapitre assumaient les tâches les plus

la pauvreté.

importantes du nouveau gouvernement de l’Insti-

E

tut. D’autres continuaient à offrir un soutien sûr à la

n 1968, le monde vivait dans une agitation

nouvelle dynamique qu’on avait pressentie à travers

constante. Les États-Unis d’Amérique et l’Union

le monde lasallien. Dans ce bulletin mémorable ap-

des Républiques Socialistes Soviétiques ont maintenu

paraissent les noms des Frères Charles-Henry, Mau-

une guerre froide qui mettait constamment en dan-

rice-Auguste, Paul-Antoine Jourjon, Michel Sauvage,

ger la paix dans le monde. Ces deux puissances mi-

Patrice Marey, José Pablo Basterrechea, Bernard Mé-

litaires essayaient des armes nucléaires et lançaient

rian, André-Léon, Ruggero di Maria, Aubert-Joseph,

des sondes dans l’espace ; cette année-là, Apollo 8 est

Paul Griéger Vincent Ayel, Celestine Luke ... Chacun y

entré dans l’orbite lunaire, augmentant ainsi les pos-

offrira sa contribution tout au long de la nouvelle pé-

sibilités d’un atterrissage sur la Lune. Le monde sui-

riode intercapitulaire et imprimera sa marque per-

vait attentivement la guerre du Vietnam et l’invasion

sonnelle sur l’ensemble de l’Institut.

soviétique de la Tchécoslovaquie. La révolution dans les universités françaises en mai 68, à Paris, et le mas-

L

’Église catholique connaissait alors un souffle de

sacre des étudiants sur la Plaza de las Tres Culturas à

vitalité qui rendait possible un dialogue avec le

Mexico deviendront des symboles pour une jeunesse

monde moderne. Bien sûr, son aggiornamento conci-

qui voulait construire un avenir différent : «interdit

liaire avait contesté les anciens paradigmes et forcé

d’interdire». Les XIXes Jeux olympiques au Mexique,

les catholiques à quitter leur zone de confort. Les do-

l’assassinat de Martin Luther King, le film de Stanley

cuments de Vatican II étaient étudiés avec intérêt, et

Kubrick intitulé 2001 : l’odyssée de l’espace, font égale-

les nouvelles pratiques liturgiques et pastorales exi-

ment partie de l’histoire de cette année. Sans aucun

geaient alors la formation des chrétiens adultes pour

doute, la planète se rétrécissait ; nous avions besoin

s’approprier la Parole de Dieu, la doctrine officielle de

de rêver à la conquête de l’espace.

l’Église et les nouvelles coutumes. À Medellín, la Deuxième Conférence des évêques d’Amérique latine lan-

A

u moment de la publication du Bulletin 194 en

çait un puissant message : L’Église dans la transforma-

1968, l’Institut ne faisait que commencer à as-

5


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

similer le contenu de la Déclaration sur le Frère dans

caractère laïc de l’Institut, le passé et le présent des

le monde d’aujourd’hui et le projet final des Règles et

femmes lasalliennes enrichissent les perspectives à

Constitutions. Le 39e Chapitre général avait choisi de

peine rêvées par les capitulants de 1967. Enfin, le Bul-

nourrir sa fidélité au Fondateur, de relever le défi et

letin termine par une réflexion qui nous invite à l’es-

lire les signes des temps. Il était important de faire voir

pérance basée sur la radicalité de l’Evangile.

aux Frères la profondeur des changements déjà pré-

B

vus : une nouvelle christologie, une nouvelle anthropologie, une nouvelle ecclésiologie ... et une nouvelle pédagogie devenaient nécessaires pour répondre aux

eaucoup de ces articles comportent des questions qui mènent à la réflexion et à la discussion,

personnelle et communautaire. Les lecteurs sont in-

besoins des enfants et des jeunes du monde entier, en

vités à y apporter leurs propres expériences et pers-

particulier des défavorisés à cause de la pauvreté, de

pectives concernant cette importante moitié du siècle

la guerre, de la drogue ou de la solitude. Aujourd’hui,

de l’histoire de l’Institut.

près de cinquante ans plus tard, nous sommes surpris

J

par l’immensité des défis que devaient affronter nos Frères en 1967.

e voudrais terminer cette présentation en reprenant les paroles du Frère Charles-Henry, Supé-

rieur général de l’époque :

C

e Bulletin 256 de octobre 2017 célèbre 50 ans de la publication de la Déclaration sur le Frère dans

... Cette Déclaration doit contribuer à affirmer

le monde d’aujourd’hui. Les Frères et les lasalliens qui

davantage en tous nos cœurs une vertu aposto-

représentent la diversité actuelle de l’Institut ont été

lique par excellence : l’assurance de celui qui se

invités à offrir leur réflexion personnelle et commu-

sent appelé par le Seigneur, envoyé aux hommes

nautaire sur quelques thèmes essentiels développés

pour les servir, et qui a conscience que la force de

alors par le 39e Chapitre général. A cause de leurs

l’Esprit agit en lui pour le rendre meilleur servi-

multiples engagements il n’a pas été permis à tous d’y

teur de Dieu et de la jeunesse (Bulletin 194, p. 9).

répondre. Je remercie tous ceux qui ont rendu pos-

N

sible cette publication.

N

ous commençons par un regard historique sur

ous sommes en train de célébrer un itinéraire partagé et le récit continu d’un Institut

qui

poursuit son chemin vers l’avenir. Que le Seigneur

les cinquante dernières années de l’Institut. Ce

continue de nourrir notre espérance, Frères et Lassa-

cadre nous permet d’aborder des questions clés : la

liens, pendant que nous travaillions sans relâche pour

Règle et le Livre du gouvernement parus à ce moment

la gloire de Dieu, à travers le ministère de l’éducation,

unique de l’Institut. Plus tard, quelques sujets spé-

accompagnés fraternellement par la prière et le té-

cifiques : consécration et vœux, l’ascèse et la prière,

moignage de nos Frères aînés. Frère Robert Schieler, fsc

la vie communautaire et la pédagogie lasallienne. Le

Supérieur général

6


50 ans sont passés, riches d’imprévus et de grâces Signum Fidei

FRÈRE ALAIN HOURY, FSC, ARCHIVES LASALLIENNES LYON, FRANCE

Membres de l’Église, les Frères vivent dans ce monde, et doivent être attentifs aux problèmes qui surgissent à chaque époque. Ils partagent les espérances et les inquiétudes des hommes. Et les signes des temps font ressortir aussi l’importance de leur mission dans le monde actuel, ainsi que l’urgence d’une rénovation de leur vie religieuse, de leur ministère apostolique, de leur présence aux hommes.

Déclaration 8, 1

7


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

1967. COMMISSION DE RÉDACTION DE LA DÉCLARATION.

Le printemps d’un temps nouveau

L

e Chapitre général de 1966-1967 a été pour les Frères de ma génération la première perception d’un Institut qui cherchait vraiment à

réécrire sa Règle, alors qu’à la retraite de 30 jours préparatoire à ma profession perpétuelle en 1963, j’avais entendu dire : “Notre Règle n’est plus adaptée, mais il faut la suivre parce que c’est notre Règle”. Le Concile n’était pas encore terminé et j’en ai suivi les étapes en faisant mes études de théologie à l’Institut Catholique de Paris.

8


Signum Fidei

C

’est avec enthousiasme et fierté que j’ai participé, à

Des fruits amers de l’évolution du monde

la rue de Sèvres, avec des jeunes Frères étudiants

de divers pays, à l’étude des derniers projets de Règle qui donnaient envie d’aller beaucoup plus loin dans la “rénovation adaptée” demandée par le Concile.

L

a Déclaration a été pour moi le texte majeur : elle

M

ouvrait un chemin de conversion dans la fidélité

créatrice à nos origines, sans en reproduire la littéralité. J’aurais voulu que le Prologue de la Règle donne

ai 1968 semble à certains l’image inversée du monde à construire : un Assistant de plus

s’opposera désormais aux orientations du Chapitre.

le ton à toute la Règle, mais il n’avait pas recueilli les

L’agitation autour des conférences au CIL du Frère

2/3 pour être inclus dans la Règle. J’ai appris que, sur

Charles-Henry Buttimer et à propos de quelques

l’injonction de la Congrégation des Religieux, il avait

Frères se proclamant de la “stricte observance” en

fallu élire au plus tôt le Supérieur et ses Assistants,

France inquiète les esprits. J’ai récemment trouvé

“Très Honoré Frère, vous ne trouvez pas que le changement demandé par le Chapitre va trop vite ? – Peut-être, mais nous avons tellement de retard qu’il ne faut pas traîner !” avant d’avoir pu adopter les lignes de fond de la réno-

le supplément à l’historique d’une communauté en

vation : et quelques Assistants territoriaux s’étaient

1974 : “L’avenir de l’Institut étant trop incertain, nous

trouvés dans la petite minorité qui avait voté contre

ne croyons pas honnête de proposer à des jeunes de ren-

les textes majeurs du Chapitre. Cela a dû être dur à

trer chez nous.” Suicidaire ! À la croisée de la crise de

vivre dans le Conseil du Supérieur !

l’école et de l’engagement apostolique dans l’Église,

J

notre Institut se découvre fragile. e garde le souvenir du passage du Frère Charles

A

Henry à la rue de Sèvres. Un Frère d’âge mûr l’in-

vril 1975, en deux jours le Nord Vietnam prend le

terroge : “Très Honoré Frère, vous ne trouvez pas que

contrôle du Sud : les Frères Vietnamiens perdent

le changement demandé par le Chapitre va trop vite ?

sur le coup leurs œuvres, le droit de se recruter et leur

– Peut-être, mais nous avons tellement de retard qu’il

existence même. Un groupe de Frères Vietnamiens

ne faut pas traîner !”. Et à la retraite du District, je me

en formation débarque à Paris, et se transportera

suis rendu compte du décalage entre tel Capitulant,

aux USA : pour quel avenir ? S’ils étaient prêtres, ils

que les deux longues sessions du Chapitre avaient fait

auraient encore dans leur pays une certaine liberté

cheminer, et le commun des Frères qui n’avaient lu

d’action et de quoi se nourrir.

que le courrier du Chapitre.

9


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

L

e Frère Visiteur du Vietnam demande au Chapitre de 1976 une dérogation pour son district mais le Chapitre en reste au “caractère exclu-

sivement laïc de l’Institut” (Circulaire 403, 47), et ce Frère Visiteur quittera l’Institut pour devenir prêtre.

Le Chapitre de 1976 supprime les Assistants et lance les Régions

C

’est surtout cela que les Frères retiennent de ce Chapitre : désormais, un Conseil plus restreint assistera le Supérieur sans que les

Conseillers aient une responsabilité territoriale. Il va falloir constituer des Régions : c’est relativement facile pour la France qui, depuis 1966, forme une seule Assistance et qui a tenu en 1968-1969 un Chapitre national auquel j’ai participé ; mais certaines Régions, comme l’Afrique, doivent partir de zéro

D

e nombreux Frères ont quitté l’Institut, et pas seulement en France : les noviciats se vident, se ferment. Maître des novices, je peux re-

prendre l’enseignement, faute de candidats. La comparaison des chiffres est inquiétante : en 1962, il y avait 1.291 novices dans l’Institut ; on en comptera 130 en 1978. Comment remobiliser les Frères ? Le Chapitre, dans un premier temps, demande aux Conseillers de publier les textes qu’ils viennent d’adopter : avec des instruments de réflexion, de partage et de prière, paraîtront ainsi, sous forme de circulaires successives pour faciliter leur assimilation. Et le Frère José Pablo Basterrechea consacre une lettre pastorale à la manière dont Le Service éducatif des pauvres se vit dans l’Institut avec des exemples significatifs. Une bouffée d’oxygène pour tous.

D

evenu Visiteur, je vois qu’en peu de temps, la présence des Frères dans nos écoles deviendra critique. En même temps se développe,

de la part d’un certain nombre de nos professeurs laïcs – qui sont nos collaborateurs, pas encore des “partenaires” –, la demande d’une forma-

10

“Nous avons découvert à votre contact que votre pédagogie est née d’une expérience de Dieu. Faitesnous partager cette expérience pour que nous puissions écrire notre propre page dans l’histoire de l’Institut.”


Signum Fidei

tion lasallienne : “Nous avons découvert à votre contact que votre pédagogie est née d’une expérience de Dieu. Faitesnous partager cette expérience pour que nous puissions écrire notre propre page dans l’histoire de l’Institut.” Avec le temps, le thème de la “Mission Partagée” sera pris en compte dans les Chapitres généraux. Ces Chapitres sont des grâces mais aussi un poste d’observation de l’évolution de l’Institut, en complément des 15 ans (1993-2008) que je vivrai à Rome.

1986 et la situation de la mission lasallienne

L

e 41e Chapitre n’a pas seulement préparé le texte de la Règle pour son approbation définitive par la Congrégation pour les Religieux et les

Instituts Séculiers (CRIS). Il faut aussi prendre des décisions en fonction de la situation actuelle de l’Institut. Je me souviens du discours de clôture du Frère John Johnston évoquant les lieux où l’Institut est supprimé et ce qu’ont vécu les Frères du Liban ces douze dernières années. “Et que dire de nos Frères dans plusieurs pays d’Amérique centrale, au Sri Lanka, en Irlande du Nord, en Afrique du Sud ?” (Circulaire 422, 21).

L

e Chapitre demande à chaque Région de tendre à consacrer 10% de ses Frères “pour rendre service dans les régions du monde qui ont le plus besoin de leur compétence et de leur présence” (id., 6) ; en 1993, ce sera l’appel

“100 +” (Circulaire 435, 27), adopté après un échange particulièrement riche. Le 41e Chapitre prête attention à tous ceux qui sont associés avec nous dans notre famille internationale. Le message aux membres de la “Famille lasallienne” et celui aux Frères ouvrent des thèmes qui prendront un grand développement dans les Chapitres suivants : la “Mission Partagée”, les Districts et les Frères qui vieillissent, et le besoin d’une vitalité spirituelle renouvelée. De plus, vu l’accélération des changements dans le monde, et l’Église, les Chapitres généraux se célébreront désormais tous les 7 ans.

“pour rendre service dans les régions du monde qui ont le plus besoin de leur compétence et de leur présence” 11


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

En syntonie avec l’approfondissement de la pensée de l’Église

(n° 234 d’avril 1991) présente une action d’envergure internationale ; et celui sur L’enseignement supérieur dans notre Institut (n° 236 d’avril 1992) souligne la croissance rapide du nombre d’étudiants : ceux-ci finiront par constituer 1/3 des destinataires directs de la mission de l’Institut. L’Association Internationale des Universités Lasalliennes (AIUL) sera de plus en plus sollicitée pour travailler en lien avec les priorités retenues par les pro-

S

ans nous enfermer dans un cadre chronologique, je

chains Chapitres, notamment le 45e Chapitre (Circu-

peux rappeler ici quelques grands textes qui nous

laire 469, 3.20-25).

ont aidés à entrer dans une nouvelle lecture de notre

Des laïcs lasalliens invités dès le 42e Chapitre (1993)

mission et de la place des Frères dans l’Église. Christifideles Laici (la richesse de la vocation des laïcs) et La dimension religieuse de l’éducation dans une école catholique (1988) ; Evangelii Nuntiandi (1976, après le synode sur l’Évangélisation), Mutuae Relationes (1978, les relations entre les Supérieurs religieux et l’Évêque diocésain)

V

et Vita Consecrata (1996, la vie religieuse et les autres

ingt Consultants participent à l’étape de ce

formes de vie consacrée). Et pour les thèmes qui devien-

Chapitre portant sur la “Mission Partagée”, au

dront “Justice, paix et intégrité de la création” : la Lettre

sein de 6 commissions mixtes. Plus tard, se tiendront

au cardinal Roy (1971) qui approfondit Pacem in Terris ;

les Assemblées Internationales de la Mission Éducative

et Sollicitudo Rei Socialis (1987), qui prolonge Populorum

Lasallienne (AIMEL de 2006 et 2013) dont quelques

Progressio, met en garde contre un développement seu-

membres présenteront les orientations aux Chapitres de

lement économique. Les textes parus depuis 2000 sont

2007 et 2014 : des structures permanentes se mettront

dans toutes les mémoires, jusqu’à Laudato Si’.

en place à tous les niveaux. Le 42e Chapitre parle aussi des “Droits de l’Enfant”, la Convention des Nations Unies

L

a dimension mondiale de l’Institut est plus qu’un

étant devenue loi internationale en 1990 : encore un thème

fait géographique, c’est aussi un signe fort de la

récurrent, cher au Frère John Johnston qui créera une

sainteté : béatification en 1989 du Frère Scubilion à l’île

fondation pour cet objectif, particulièrement nécessaire

de La Réunion, canonisation du Frère Miguel (1984) et de

quand sévit une crise migratoire sans précédent et que

nombreux Frères martyrs en Espagne, dont le premier

des enfants sont exploités, otages ou soldats.

saint argentin, Frère Benito de Jesus, Hector Valdivieso Saez, de la communauté de Turón (1999). C’est aussi un puissant stimulant pour la recherche pédagogique, en lien avec le Bureau International Catholique de l’En-

L

e 43e Chapitre (2000) se saisit de la question du déséquilibre démographique de l’Institut : prolongation

de la vie dans les pays plus développés économiquement,

fance (BICE) et le Bureau International du Travail (BIT)

et crise des vocations qui affecte pratiquement toutes

auxquels participe l’Institut. Le Bulletin de l’Institut sur

les congrégations apostoliques et tous les diocèses, alors

le Prix Noma, Alphabétisation et promotion de la culture

même que surgissent dans l’Église de nouveaux mouve-

12


Signum Fidei

ments et congrégations qui attirent des vocations de jeunes. L’avenir demande des regroupements de Districts et la création de fonds de retraite, en plus des fonds pour la formation et pour la coopération missionnaire : cette multiplication de fonds interroge quelques Frères. Ce n’était pas la pratique de notre Fondateur et cela ne va-t-il pas nous priver de sommes nécessaires au service éducatif des pauvres ? On verra l’utilité de ces réserves pour le Darfour ou le transfert du noviciat de Kinshasa.

L

a Règle prévoit que 10 Délégués peuvent être désignés par le Frère Supérieur : c’est insuffisant pour compenser notre déséquilibre démogra-

phique. Le Frère Álvaro Rodriguez obtient de pouvoir nommer un nombre suffisant de jeunes Frères (moins de 40 ans), tant pour leur faire partager l’expérience formatrice qu’est un Chapitre général que pour les associer davantage aux décisions qui les concerneront au premier chef : ils seront 13 au 44e Chapitre (2007) et, en juillet 2013, une réunion internationale des jeunes Frères précédera le 45e Chapitre (2014) qui bénéficiera de leur dynamisme et de leurs propositions.

C

e 45e Chapitre (2104) lance pratiquement un appel à une refondation et envisage des mesures d’urgence : “Nous en sommes au point où

“nous devons apporter notre appui à la refondation de l’Institut pour les réalités d’aujourd’hui.”

certains Districts n’auront plus de Frères pour être Visiteurs ou pour animer les communautés de Frères, ou même répondre à leurs besoins matériels. Dans les quelques années qui viennent, l’Institut aura besoin d’un nouveau modèle d’administration et d’animation de ces Districts.” (Circulaire 469, 1.23). Et la lettre pastorale de Noël 2016 du Frère Robert Schieler, Un unique appel, plusieurs voix, nous transmet la conviction de l’un de nos Frères aînés : “nous devons apporter notre appui à la refondation de l’Institut pour les réalités d’aujourd’hui.”

U

n fil conducteur de ces 50 années ? Je dirais “L’Association pour le Service Éducatif des Pauvres, Une dimension essentielle de notre vie de

Frère des Écoles Chrétiennes” (id., 2) : sa finalité nous invite à nous ouvrir

ensemble à l’imprévu de Dieu dans le monde des jeunes “loin du salut”.

13


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

La force de marcher ensemble vers l’avenir FRÈRE ARSENIO TURIÉGANO FSC, ARLEP FRÈRE CHRISTOPHER PATINO FSC, SAN FRANCISCO DISTRICT LA NOUVELLE-ORLÉANS FRÈRE FRANCISCO DE LA ROSA FSC, LEAD FRÈRE HOSSAM NASSI FSC, MOYEN-ORIENT FRÈRE JHONMAR SÁNCHEZ FSC, DISTRICT LASALLISTA NORANDINO FRÈRE RAOUL TRAORÉ FSC, AFRIQUE DE L’OUEST Le charisme du Fondateur ne concerne des institutions que par la médiation d’hommes. Saint JeanBaptiste de La Salle a fondé dès l’abord une communauté vivante de frères auxquels il a fait partager son idéal apostolique et qui ont ensuite transmis cet idéal à d’autres hommes. La fidélité aux intentions spécifiques du Fondateur et à l’histoire de l’Institut est donc confiée aux hommes vivants que nous sommes tous, et c’est comme tels que nous devons poursuivre notre recherche Déclaration 7,1

14


Signum Fidei

prendre les préoccupations de ceux qui cherchent le

Introduction

salut en dehors de l’Evangile. Cette conviction de voir la réalité et d’être impressionné par elle, naissait de l’expérience du Fondateur et produisait un mouve-

i

l y a 50 ans, l’Institut des Frères des Écoles Chré-

ment vers un engagement radical dans la promotion

tiennes terminait un Chapitre général qui voulait

humaine et d’évangélisation.

moderniser et donner un sens à notre vie spirituelle et apostolique. La préparation et le développement de Vatican II avaient créé chez les capitulants et l’Insti-

tut tout entier une série d’attentes concernant notre

E

n reprenant la Déclaration, les Règles et Constitutions d’il y a 50 ans, nous avons fait une réflexion

sur les défis que depuis lors, ne cessent de nous inter-

identité et notre mission en tant que religieux laïcs.

peler dans la deuxième décennie du XXIe siècle :

Le charisme du Fondateur, les signes des temps, une nouvelle ecclésiologie ... tous ces éléments ont permis

͂​͂ L’exigence d’une évaluation approfondie de notre

aux Frères de la fin des années soixante de se com-

vie communautaire pour la renouveler, en reconsidé-

prendre à partir d’une évolution et d’une recherche

rant ses objectifs, ses programmes et méthodes, en

dynamique. Ce fut le début d’une nouvelle époque de

particulier ceux qui favorisent l’ouverture aux nou-

l’Institut.

velles réalités sociales. ͂​͂ La reconnaissance de l’objectif de l’Institut, qui est

E

n tant que jeunes Frères, en lisant les documents

toujours l’éducation humaine et chrétienne par l’école

de ce moment historique, nous voyons quelle pro-

comme un moyen privilégié - mais pas exclusivement

fondeur il y avait eu dans la préparation et la réflexion

- et la mission du Frère comme ambassadeur de Jé-

du 39e Chapitre général. Même aujourd’hui ses textes

sus-Christ et dispensateur des mystères de Dieu à

restent source d’inspiration pour nous. Lorsque nous

travers l’exercice du ministère de la Parole.

relisons la Déclaration du Frère dans le monde d’au-

͂​͂ La nécessité d´accompagner nos étudiants dans

jourd’hui les Règles et Constitutions de 1967, nous

leur recherche du sens de la vie, et les possibilités in-

sommes conscients de la nécessité qu’avaient ces

finies offertes par l’école pour proposer la suite de Jé-

Frères de répondre aux exigences d’une Église et

sus-Christ dans le plein respect de la liberté. ͂​͂ Le désir des Frères de collaborer avec tous les inter-

d’une société dans la fidélité à la nature même de l’Institut: le service éducatif des pauvres.

venants dans le domaine de l’éducation, avec l’Eglise et les différents mouvements pastoraux étroitement

E

liés avec ceux qui y sont impliqués.

n effet, les deux documents affirmaient le caractère religieux et laïque du Frère, consacré à

A

Dieu pour procurer sa gloire par l’annonce explicite

vec tout cela, il est facile de faire un parallèle entre

de l’Evangile au service éducatif des enfants et des

cette situation et ce que nous vivons en tant que

jeunes, en particulier les pauvres. Les membres de

membres du 45e Chapitre général, où nous avons ex-

l’Institut ont été appelés à entendre la voix de l’injus-

primé notre intention claire de lire les nouveaux signes

tice, des peuples qui n’avaient pas encore atteint un

des temps. Bien sûr, cet exercice implique de nouvelles

développement conformément à la dignité de la per-

compétences, de nouvelles sensibilités et de nouvelles

sonne humaine ; ils ont aussi été envoyés pour com-

positions dans un monde qui ne cesse de nous étonner.

15


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Règle née au 45e Chapitre général

L

a Règle actuelle, approuvée par le Saint-Siège en septembre 2015, nous la comprenons comme un texte inspirant et dynamique qui

réaffirme l’essence de notre foi comme Frères; c’est un instrument qui oriente notre chemin à la suite de Jésus-Christ comme religieux laïcs, centrant notre consécration sur la Sainte Trinité. Cette option nous la vivons avec le charisme de fondation et l’engagement pris pour le service éducatif des pauvres dans le monde, comme Frères avec les laïcs, dans le partage de la mission éducative. Notre option est écrite dans le réalisme et la pluralité d’un Institut qui se développe sur la diversité. C’est la voix de nos Frères, passés et présents, qui s’exprime : « Nous l’avons toujours été, c’est ce que nous sommes aujourd’hui et c’est ce que Dieu veut que nous soyons dans l’avenir ».

La Règle actuelle, approuvée par le Saint-Siège en septembre 2015, nous la comprenons comme un texte inspirant et dynamique qui réaffirme l’essence de notre foi comme Frères; c’est un instrument qui oriente notre chemin à la suite de Jésus-Christ comme religieux laïcs, centrant notre consécration sur la Sainte Trinité.

L

a structure de la Règle montre le pari pour le vœu d’association et le déploiement de la mission lasallienne comme éléments essentiels de

notre identité. Il joue le rôle de la boussole parce que nous nous tournons vers lui lorsque nous avons besoin de guider toutes nos actions et de discerner les situations que nous rencontrons sur le chemin. En outre, il nous relie à nos racines où s’inscrit l’esprit du Fondateur et des premiers Frères, insistant sur notre travail accompli « ensemble et par association ».

16


Signum Fidei

L

es réalités contemporaines auxquelles se réfère la

Frères des Districts fragiles; l’approfondissement

Règle fondent la nécessité de notre institut dans

qu’il faut faire concernant la vigueur de la vie com-

le monde qui nous enracine dans une fidélité créa-

munautaire - couplé avec l’engagement envers les

trice en tant que disciples de Jésus à l’exemple du Fon-

pauvres et les plus vulnérables - et l’invitation à aller

dateur lui-même. En plus de renouveler la compré-

aux périphéries du monde.

hension de notre mission, à la suite de l’appel de Dieu,

N

ces réalités nous invitent à nous associer et à partager ces liens avec ceux qui se sont engagés quotidienne-

ous sommes fortement défiés par la crise des vocations et le départ des jeunes Frères de

ment avec le charisme et veulent offrir une réponse

l’Institut; la perte de la foi, l’indécision ou manque

continuelle aux besoins des enfants et des jeunes.

de clarté en ce qui concerne le processus associa-

N

tif qui existe dans certains endroits; la dépendance ous insistons une fois de plus: tous ces besoins

financière des Districts et le manque d’initiatives

ont un impact sur la façon dont nous imagi-

locales pour arriver à l’autosuffisance; la peur de

nons la communauté lasallienne de l’avenir; cer-

perdre le caractère évangélisateur des institutions

tainement il ne sera pas possible de penser notre

lasalliennes, en tant que témoins de la foi dans le

ministère éducatif sans un sentiment associatif très

monde éducatif.

fort. Cette expérience est à la racine de notre être en tant que Frères : les enfants, les jeunes et les adultes auxquels nous avons été envoyés et avec qui nous vivons tous les jours le service éducatif. D’autre part,

L

a Règle, en tant que document vivant, continue de nous inviter à discerner sur notre condition

d’être Frère aujourd’hui. Elle continue de nous invi-

le pape François nous invite à retrouver la fraîcheur

ter au renouvellement et au changement; à approfon-

de l’Evangile, en gardant l’espérance, ravivant la

dir notre vie personnelle et communautaire interne;

joie et en nous ouvrant à une diversité ecclésiale qui

à donner une formation - au Frère qui entre dans

renforce chacun de nous dans son appel. Nous com-

l’Institut et au lasallien qui s’engage dans l’éducation

prenons que chaque vocation occupe un lieu théo-

- conçue pour répondre aux nouvelles exigences de

logique spécifique au sein de l’Eglise et qu’elles sont

la société, pour penser aux endroits où nous pour-

complémentaires.

rions être envoyés avec un projet et une mission dé-

A

finis, pour assurer notre présence parmi les enfants vec le 45e Chapitre général, nous avons été in-

et les jeunes, avec une façon originale de vivre et

terpelés sur: le désir d’approfondir notre tra-

d’annoncer l’Evangile.

vail en tant que catéchistes, en renforçant

la for-

Perspectives d’avenir

mation et l’accompagnement tout au long de notre vie comme Frères; le zèle missionnaire pour l’évangélisation, pour répondre aux besoins éducatifs des enfants et des jeunes, en particulier les pauvres; l’avancement technologique qui crée des dépendances et d’immenses possibilités pour l’apostolat; la poursuite de l’autonomie financière et le soins des

N

ous rappelons que l’Institut et sa mission sont l’œuvre de Dieu et la nôtre. Saint Jean-Baptiste

de La Salle a toujours fait confiance à la Providence

17


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

et nous devons suivre son exemple, mais pas de façon

rences renforcent les différentes façons de suivre Jé-

passive. Tout comme nous disons que la présence la-

sus-Christ et le déploiement de la mission ; ceci nous

sallienne dans le monde est d’une grande nécessité, il

invite à donner plus de place aux laïcs et à respecter

est aussi valable de souligner l’énormité des travaux

l’identité de chacun en fonction des options qui sont

qui restent à faire. Nombreux sont les chemins qui

faites pour le bien d’un plus grand nombre. ͂​͂ Promouvoir de nouvelles présences dans le monde

restent à découvrir. Nous croyons qu’on peut y arriver :

est vital pour nous placer dans l’Institut d’au͂​͂ Rechercher une spiritualité intégrée et consolidée :

jourd’hui et commencer à prioriser de nouvelles

cette dimension nous renvoie à comprendre que ce

réponses à long terme. Il est bon de nous poser la

qui nous soutient et nous donne de la profondeur est

question sur quel type d’Institut nous voulons dans

une spiritualité unifiée. C’est une insistance sur la vie

quelques années, et la façon de mener à bien sa mis-

religieuse qui à partir du 44e Chapitre général s’est

sion. Mais les réponses sont urgentes et doivent être

fortement réaffirmée. Il est nécessaire de promouvoir

consensuelles. L’Institut doit prendre des risques

l’approfondissement de notre vie intérieure et l’ur-

sur de nouveaux scénarios; il est appelé à s´ inventer

gence d’être témoins visibles de la fidélité les uns aux

de nouveau et nous avec lui, voir où et qui sont ceux

autres et à notre mission évangélique et ecclésiale.

qui ont besoin de nous, avec les communautés itiné-

Nous devons rester enracinés dans notre consécra-

rantes, dans les écoles et les collèges, faisant de la

tion à la très Sainte Trinité et vivre pleins de foi, quel

métaphore la frontière une réalité. ͂​͂ Créer une culture des vocations et savoir accompa-

que soit notre âge ou la capacité de participer direc-

gner : parce que les itinéraires de formation actuels

tement à l’apostolat éducatif. ͂​͂ Encourager et permettre les changements appro-

nous lancent dans l’aventure de l´ accompagnement

priés : La direction que doit prendre à l’avenir l’Institut

centré sur les vocations. La pastorale nous caractérise,

part des initiatives visant à promouvoir une vie reli-

mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Il faut des

gieuse renouvelée qui répond aux besoins des pauvres,

personnes formées qui puissent guider les autres et

en rejetant le conformisme et allant à contre-courant.

les amener à des endroits où elles ne sont pas arrivées

Garder la foi et l’espérance en temps de crise, comme

eux-mêmes. Donc, nous encouragerons à suivre Jésus

leaders pour guider et accompagner ceux qui nous sont

au style de La Salle dans de nombreux contextes.

confiés. Nous sommes dans une époque qui a besoin

͂​͂ Examiner de plus près les réalités du ministère de l’édu-

d’évangélisation à partir de l’innovation et la créativi-

cation et de l’évangélisation : nous devons réapprendre à

té pour comprendre la puissance du leadership évan-

écouter les signes des temps à partir d’un environne-

gélisateur et essayer d’être une présence fraternelle

ment de communication en conflit. De ce fait, il sera im-

entre nous, les laïcs et les jeunes.

portant pour nous d’utiliser correctement la technolo-

͂​͂ Évaluer les différentes vocations lasalliennes comme

gie comme l’un des moyens privilégiés pour maintenir

complémentaires : nous croyons que notre vocation de

le contact avec le monde, nous permettant d’aller au-de-

Frères est toujours d’actualité et la vivre authenti-

là des frontières, vers un plus grand nombre d’enfants,

quement inspirera aux autres à répondre à l’appel de

de jeunes et d’adultes avec un message d’évangélisation

Dieu suivant notre style de vie. D’autre part, les diffé-

de promotion humaine et chrétienne.

18


Signum Fidei

Nous marchons vers l’avenir

N

ous sommes convaincus que l’avenir de l’Institut sera brillant. Notre engagement dans la mission éducative vécue dans un esprit de foi

et en communauté, devra continuer à répondre aux besoins des enfants et des jeunes, en particulier des pauvres. Sur la base de notre expérience du 45e Chapitre général, notre fragilité est une source d’espérance. Nous devons la reconnaître et en même temps être prêts à répondre hardiment aux besoins qui se manifestent dans le monde.

L

’exemple même de la persévérance de notre Fondateur qui reprend la direction de l’Institut après une période de crise devrait nous ame-

ner à continuer de dire oui à l’œuvre du Seigneur. Par conséquent, nous croyons que l’Institut devrait favoriser la poursuite d’une vie communautaire où la fraternité, la prière et la simplicité d’un style de vie soient vraiment vivants, encourageants pour que les Frères puissent s’engager directement dans l’apostolat éducatif pour répondre à l’appel d’aller au-delà des frontières, provoquant l’audace de l’éducation de l’Evangile.

E

n tant que jeunes Frères nous avons hérité d’une histoire qui n’a pas de prix et qui devient féconde dans notre propre spiritualité et dans

le ministère de l’éducation mis en œuvre aujourd’hui. Ce qui a lieu dans l’Institut nous fait participer à la construction de son processus évolutif et nous invite à mettre à jour notre condition, non seulement dans les réseaux sociaux, mais aussi dans notre environnement, comme religieux et éducateurs, appelés à procurer la gloire de Dieu et écouter les voix qui crient dans notre service évangélisateur.

Nous sommes convaincus que l’avenir de l’Institut sera brillant. Notre engagement dans la mission éducative vécue dans un esprit de foi et en communauté, devra continuer à répondre aux besoins des enfants et des jeunes, en particulier des pauvres. 19


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

De nouvelles reponses a des situations nouvelles FRÈRE FABIO CORONADO PADILLA FSC, FRÈRE ISRAEL JOSÉ NERY FSC ET FRÈRE PAULO PETRY FSC RÉGION LATINOAMÉRICAINE LASALLIENNE (RELAL)

LE FR. SUPÉRIEUR GÉNÉRAL NICET-JOSEPH ET LES FRÈRES DU CONSEIL GÉNÉRAL (APPELÉ ALORS: LE RÉGIME), AVANT LA CÉLEBRATION DU 39E CHAPITRE GÉNÉRAL EN 1966.

20


Signum Fidei

Si le Chapitre général entend assurer la cohésion et la spécificité de l’Institut dans la fidélité à ses origines, il affirme aussi la liberté intérieure de chaque Frère, et la bénéfique diversité des charismes. L’unité n’est pas dans l’uniformité, mais dans l’harmonieuse complémentarité, selon le mot de Saint Paul: “Il y a diversité de dons, mais c’est le même Esprit” et encore: “A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun” (I Cor 12,4-7).

Déclaration 14,4

Introduction 1

C

inquante ans après, les directives tracées pour le Gouvernement de l’Institut et pour la Formation dans le “Livre du Gouvernement” –

document issu du 39e Chapitre général - sont déjà une réalité vivante dans la vie quotidienne des Frères. Plus encore, ils se sont ajustés, améliorés et enrichis avec les années. Dans l’ensemble, ils sont patrimoine et héritage reçus de ceux qui nous ont précédés du signe de la foi et ont rêvé d’une vie religieuse lasallienne nouvelle et différente.

N

ous, les Frères de 2017, sommes témoins que tout ce qui a été écrit là-bas a été prophétique et visionnaire, et qu’avec la mise en œuvre

progressive surgit une manière de vivre le charisme lasallien actualisé et rénové, qui se constitue dans notre forme habituelle d’être Frères aujourd’hui. Nous, les Frères de la deuxième décennie du XXIe siècle, sommes le résultat de ces cinquante années de continuelles transformations dans le gouvernement et la formation de l’Institut.

1 Nous présentons les réflexions à partir de la lecture des pages 41 à 45 du Bulletin de l’Institut, N° 194 (Version française), juillet 1968, relatif aux Actes du 39e Chapitre général tenu en deux sessions, une en 1966 et l’autre en 1967. C’était le chapitre destiné à la rénovation de l’Institut à la lumière de Vatican II (1962-1965), conformément à ce qui était demandé par le Décret conciliaire Perfectae Caritatis. Ces pages du Bulletin 194 traitent de deux thèmes différents. Le premier, du Livre du Gouvernement ; le second des Etapes de Formation des Frères des Ecoles Chrétiennes : Postulat, noviciat, scolasticat et formation permanente. Le format a mis en relief le titre “Livre du Gouvernement”, ce qui porte à croire que les thèmes relatifs aux Etapes de Formation font partie de ce livre. Ce qui aurait été correct de notre point de vue actuel, ce serait de faire ressortir aussi, de même que le titre du livre du Gouvernement, celui des Etapes de la Formation Religieuse”.

21


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Entre deux époques

C

omme Frères, nous devons être conscients que nous sommes immergés entre une époque qui

est déjà terminée et une nouvelle qui commence. L’ensemble de l’Institut, pendant les derniers cinquante ans, a répondu aux appels et défis du monde moderne. Grâce à l’actualisation et à la mise à jour de ses us et coutumes, il accoucha progressivement d’une nouvelle manière d’être lasallien, celle que nous avons aujourd’hui. Cependant, le monde transmoderne contemporain qui est en train d’apparaître, nous interpelle de nouveau. Il s’y donne la conjonction et l’échange solidaire entre les cultures – quelquesunes millénaires, d’autres plus récentes -, où à partir d’un respect mutuel et d’un échange critique des traditions, savoirs et patrimoines culturels et scientifiques, on cherche à construire une société plus équitable et juste, sans guerres ni colonialismes d’aucune sorte. En conséquence, les nouvelles générations, les nouveaux sujets et les nouveaux scénarios mondiaux nous appellent et nous défient de nouveau à continuer de construire une nouvelle étape de vie religieuse lasallienne à partir de ce qui a été déjà atteint.

U

n cinquantenaire arrive à son apogée, celui de l’adaptation des lasalliens à la modernité, un

nouveau cinquantenaire commence, celui de la réponse des lasalliens à la transmodernité, d’elle surgira une vie consacrée lasallienne inédite qui est à construire.

22

Un cinquantenaire arrive à son apogée, celui de l’adaptation des lasalliens à la modernité, un nouveau cinquantenaire commence, celui de la réponse des lasalliens à la transmodernité, d’elle surgira une Vie Consacrée lasallienne inédite qui est à construire.


Signum Fidei

Le changement qui est arrivé

L

recteurs. L’autorité était verticale et était administrée du centre à la périphérie, sans aucun rôle important de la base. Le passage s’est alors produit, pour que les Frères, à tous les niveaux, assument une responsabilité personnelle et collective dans le destin de l’Institut ;

a rénovation vécue dans l’Institut par les Frères au cours de cinquante dernières années a pro-

͂​͂ D’une gouvernance autoritaire vers une gouver-

duit un changement de paradigme, le passage d’une

nance collégiale : le premier rôle était exclusif de ceux

vie religieuse infantile (totalement dépendante) à

qui exerçaient des postes de direction, souvent sous la

une vie religieuse adulte (avec autonomie respon-

contrainte, concentrant aussi bien le pouvoir législatif

sable). Autrement dit, un changement dans le modèle

que le pouvoir exécutif. Cela donna lieu à un exercice de

qui donne forme à notre vie, le passage d’un modèle

pouvoir et à la prise de décisions participative, coopé-

de “dépendance” à un modèle d’”interdépendance”,

rative et de collaboration. La gouvernance du pouvoir

subsidiaire et coresponsable aussi bien dans le gou-

législatif passa aux Chapitres Généraux et Chapitres de

vernement que dans la formation. Parmi les traits

District ; et le pouvoir exécutif au Supérieur Général

les plus caractéristiques, nous pourrions signaler

avec le rôle principal du Conseil Général, le Visiteur à

les suivants :

l’aide du Conseil du District et du Conseil de Mission et le Directeur de la Communauté avec l’appui des Frères

Sur le Gouvernement de l’Institut

membres de chaque fraternité ; ͂​͂ D’une gouvernance bureaucratique à une gouver-

E

lle fut excellente, la décision du coordinateur, le

nance charismatique-entreprenante : Si ce qui avait été

théologien Frère Michel Sauvage, de poser le fon-

premier, c’était la supervision pour la mise en pratique

dement théologico-pastoral au thème délicat de l’”au-

des normes et de la Règle, il y a un virage vers la su-

torité”, selon les progrès de la théologie de ce temps

pervision pour le risque, c’est-à-dire, pour le discer-

de l’histoire, les années 60, mettant en relief le sens

nement des signes des temps et lieux du corps de la

de l’autorité à partir de la Très Sainte Trinité et, en

société dans son ici et maintenant de l’ensemble, de la

conséquence, de l’Eglise et de l’Institut des Frères

Région, du District, et/ou de la Communauté. Comme

des Ecoles Chrétiennes. Cependant, dans le contexte

stratégie apparaît la culture des projets : projet per-

de l’époque, on regardait l’Autorité, principalement,

sonnel, projet communautaire, projet éducatif, budget

voire exclusivement, comme un pouvoir de comman-

communautaire.

dement, de contrôle, de hiérarchie, de doctrine, de ͂​͂ D’une gouvernance pour les Frères à une gouvernance

discipline et d’ordre. En révisant les derniers 50 ans,

pour la Famille Charismatique : Si le Livre du Gouverne-

nous remarquons que nous sommes passés :

ment du 39ème Chapitre Général n’a eu l’intuition de ͂​͂ D’un gouvernement centralisé à un gouvernement

ce trait dans aucun de ses linéaments, il est vrai que

décentralisé : L’autorité était fortement liée au Supé-

tout ce qu’il a proposé va permettre son affleurement

rieur général, aux Assistants, aux Visiteurs, aux Di-

postérieur. Ainsi, d’une mission éducative lasallienne

23


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

avec le premier rôle exclusif des Frères, on débouche

de décisions, le principe de la subsidiarité devrait

sur une mission éducative lasallienne partagée avec

couvrir aussi la reconnaissance et le rôle important

des éducateurs lasalliens laïcs. Alors, on a créé des

des laïcs dans notre charisme éducatif.

Conseils et des Assemblées MEL à niveau de l’Institut,

Sur la formation des Frères

de la Région, du District. La gouvernance lasallienne s’est guidée par « ensemble et par association ».

A

u moment du 39e Chapitre général, la portée

L

es temps ont changé et la théologie a avancé. Et

et le contenu de l’expression “formation reli-

en ce qui concerne l’Autorité, à partir de la vie et

gieuse” étaient réduits et celle-ci s’appliquait, avec

des enseignements de Jésus-Christ, des changements

un sens particulier, à la vie religieuse consacrée. Mais

se sont produits, même quant à la vision trinitaire.

le monde, l’Eglise et les congrégations religieuses ont

L’autorité est de plus en plus comprise comme un

changé. En conséquence, aujourd’hui et pour le futur,

partage et un service (lavement des pieds), mais aussi,

il est important de savoir que l’expression « formation

se comprend-elle comme capacité de coordonner les

religieuse » a acquis un sens plus large et différent

dons, les charismes, les talents, les convivialités et les

par rapport à celui des années 60. A cette époque-là,

tâches vers une croissance des personnes, de la com-

l’expression était limitée à la “formation des Frères

munauté, de l’Eglise, de l’Institut et l’efficacité de la

religieux de La Salle ». Aujourd’hui, il faut reconnaître

mission assumée par les Frères et les Laïcs, dans un

que la formation ne peut être déconnectée de la vie

esprit d’Association.

communautaire et de la mission éducative qui aujourd’hui est portée ensemble et par association entre

C

’est pourquoi, en plus de souligner la richesse

Frères et laïcs. Pour cela, on a créé ensemble des pro-

de la réflexion du Frère Michel Sauvage, dans le

cessus et des itinéraires pour la formation.

contexte de l’époque (années 60), il est capital d’insister sur une autre manière de voir le thème de l’Autorité dans le christianisme et, certainement, dans l’Eglise catholique et les Instituts de vie religieuse,

D

ans les années 60, quand un jeune homme se présentait pour être Frère lasallien, on se ba-

sait sur la prémisse que “la famille, l’école et l’Eglise”

parmi lesquels est notre Institut, c’est-à-dire, l’Auto-

avaient offert la formation de base à ce garçon, dans

rité comme service.

le sens humain, chrétien, citoyen et ecclésial. Actuellement, avec tous les changements opérés dans les

I

l y a une donnée que le Frère Michel Sauvage a ef-

familles, dans l’école, dans l’église et dans le monde,

fleurée et qu’il serait bon de reprendre, car elle est

nous devons offrir aux candidats à la vie religieuse,

toujours essentielle de nos jours : le principe et la pra-

d’abord, une formation humaine, chrétienne et reli-

tique de la subsidiarité. En face de dangereuses ten-

gieuse, avant de les admettre dans les processus de

dances de concentration du pouvoir dans les mains

formation propres au Frère de La Salle. Sans cette

de l’autorité constituée avec des restrictions de plus

base, la formation permanente serait destinée à

en plus sévères de l’importance de la communauté lo-

l’échec. L’option pour la suite de Jésus-Christ, comme

cale, de la participation communautaire dans la prise

Frère de La Salle, exige la formation de l’être humain,

24


Signum Fidei

dans toutes ses dimensions, une formation humaine,

lectuel et scientifique, le monde de l’éduction exigeait

chrétienne et ecclésiale. En regardant notre histoire

des titres universitaires. En conséquence, les Frères qui

récente, nous pouvons voir le chemin parcouru, là où

étudiaient par eux-mêmes ou exclusivement dans les

nous sommes passés :

maisons de formation, entraient dans les campus universitaires pour poursuivre des études dans toute sorte

͂​͂ D’une formation globalisée à une formation incul-

de connaissances. L’expérience apprit que dans la for-

turée : d’un concept universel de formation, dicté à

mation de base, il fallait donner la priorité aux études

partir du centre de l’Institut, à un concept de forma-

bibliques, théologiques, catéchétiques, pastorales et

tion intégrée dans les régions, dans chaque pays, créé

pédagogiques et dans une étape postérieure aux autres

par et pour les Frères de chaque portion d’Institut. On

domaines scientifiques.

parle alors de projet de formation de District. ͂​͂ D’une formation massifiée à une formation personnalisée : d’une formation commune à tous à une formation où la personne apparaît comme centrale et protagoniste. Des modèles de formation, on passe donc à parler de visions et d’itinéraires de formations. ͂​͂ D’une formation pour la régularité et la sainteté à une formation pour la croissance et la maturité humaine : d’un idéal de formation qui conduisait à copier dans sa propre

L’option pour la suite de JésusChrist, comme Frère de La Salle, exige la formation de l’être humain, dans toutes ses dimensions, une formation humaine, chrétienne et ecclésiale.

͂​͂ D’une formation initiale seulement à une formation permanente : Immergés dans un monde en changement permanent, il n’était pas possible de former, comme on faisait depuis des décennies, une fois pour toutes. On impose l’apprentissage qui dure toute la vie, permanent, l’actualisation permanente, le recyclage incessant. Devient alors prioritaire une formation qui aujourd’hui est permanente. Pour obtenir cet objectif, on crée des cours, des séminaires, des rencontres au niveau régional et d’Institut. Le Centre International Lasallien

vie ce que disait la Règle en cherchant la perfection dans

(CIL) devint le protagoniste sans pareil. On pense qu’il

la sainteté, on passe à des horizons de formation où ce

faut une formation adaptée pour la croissance de toute

qui compte en premier, ce sont les meilleurs processus

la personne, dans toutes les dimensions de la vie. Il ne

et pratiques pour le développement de la personnalité

s’agit pas de privilégier un aspect de la formation, soit le

dans un processus qui dure toute la vie. On parle alors

religieux, soit le côté professionnel. On cherche à assu-

d’itinéraires de formation. On travaille avec l’identité

rer et valoriser la dimension communautaire de notre

narrative.

vie consacrée au-delà des projets personnels et de la promotion personnelle.

͂​͂ D’une formation autodidacte à une formation professionnelle universitaire : Il ne suffisait pas que chaque

͂​͂ D’une formation centrée sur les Frères protago-

Frère fît son propre chemin de développement intel-

nistes exclusifs de la mission à une formation pour être

25


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

animateurs de communautés avec un sens apostolique :

Nous pouvons signaler au moins deux éléments qui ont

Sous cet aspect aussi, le Livre du Gouvernement du

eu de profondes répercussions pas toujours positives

39e Chapitre général n’est pas arrivé à envisager l’ave-

dans cette histoire.

nir mais les dynamismes

L

e premier a surgi à Devant ce panorama, mettre qu’on l’atteigne cause de l’élan pour surgit spontanément un éliminer le modèle de plus tard. Donc, la formation pensée uniquement sentiment de gratitude dépendance si enraciné pour les Frères s’oriente pendant des décennies. pour tous les Frères du vers la qualification des Un modèle paternaliste 39ème Chapitre Général enfantin, heureusement membres de la famille charismatique, dans son qui, avec leur faculté de supprimé, et que personne n’oserait aujourd’hui ressens d’appartenance, de risque et d’innovation, susciter. Cependant un guide et de mission. Les programmes classiques nous ont laissé en héritage tel processus a fait naître de formation pour les les bases pour un avenir dans l’Institut tout un Frères dans leur domaine courant d’individualisme meilleur dont nous et de recherche de l’autopropre de vie consacrée laïque se renforcent et les jouissons tous maintenant, réalisation égocentrique programmes de forma- une nouvelle Vie Religieuse et narcissiste. Les comtion pour Frères et Laïcs munautés se sont translasallienne qui répond à un dans la ligne de la misformées en fédérations sion éducative partagée nouveau monde émergeant. d’individus indépendants, qu’il a proposés vont per-

apparaissent.

les Districts en fédérations de communautés indépendantes et l’Institut en

Bilan d’une époque

une fédération de secteurs indépendants. Le droit à décider comment vivre, où vivre, et quel genre de service rendre a été prioritaire comme valeurs permanentes

D

evant ce panorama, surgit spontanément un sen-

de toute vie consacrée lasallienne. Nos communautés

timent de gratitude pour tous les Frères du 39e

et Districts se sont transformés en havres pour des in-

Chapitre général qui, avec leur faculté de risque et d’in-

dividus centrés sur eux-mêmes. Il n’a pas été facile de

novation, nous ont laissé en héritage les bases pour un

reprendre le courant de l’équilibre entre ce qui est per-

avenir meilleur dont nous jouissons tous maintenant,

sonnel, communautaire et institutionnel.

une nouvelle vie religieuse lasallienne qui répond à un nouveau monde émergeant. Mais il ne faut pas oublier que toute transformation profonde de l’être et de l’activité d’une Congrégation comme la nôtre comporte des limitations et des ombres dans notre cheminement.

L

e second élément est apparu comme conséquence du premier. La décentralisation a dégénéré jusqu’à

transformer pratiquement l’Institut en un archipel d’îles sans la relation et l’interaction propres d’une Congréga-

26


Signum Fidei

tion internationale globalisée. Le Centre de l’Institut à

sommes. Nous avons réussi à tracer et à vivre une vie

Rome s’est affaibli et a perdu son rôle de leader, les Dis-

religieuse lasallienne adulte et indépendante. Mais une

tricts et les communautés locales se sont renforcés mais

nouvelle époque très différente par rapport à la pré-

aussi déconnectés les uns des autres et ont perdu le sens

cédente surgit qui nous invite à repenser et inventer

de la Région. Il n’a pas été non plus facile de reprendre

de nouveau notre charisme lasallien. Nous disposons

une harmonieuse collaboration d’ensemble d’un style

d’un capital symbolique merveilleux, celui de nou-

nouveau sans l’étouffant centralisme romain mais sans

velles pratiques de formation et de gouvernement qui

la totale indépendance non plus qui atomisait le travail.

ont prouvé leur efficacité et nous permettent d’avan-

Enfin, une nouvelle époque est apparue.

cer d’un pas sûr vers de nouvelles voies. Notre identité est plus claire et plus précise que jamais. Nous conti-

La nouvelle vie qui naît

E

nuons à approfondir et à construire une spiritualité communautaire pleine de mystique, de prophétie et d’espérance. Nos fraternités, bien que numériquement petites, nous ont permis de mieux vivre l’Evangile et de

n scrutant l’avenir, nous nous rendons compte que

partager la vie et la mission avec un grand nombre de

nous ne sommes plus ce que nous étions, mais

Laïcs lasalliens enthousiasmés par la spiritualité et la

nous ne sommes pas non plus satisfaits de ce que nous

pédagogie de Monsieur De La Salle.

27


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Comment sera la gouvernance du futur ?

N

ous ne le savons pas. Nous ne pouvons que nous risquer à dire qu’elle continuera avec les bonnes pratiques dont nous avons hérité de la

construction collective des cinq dernières décennies. La direction et l’animation globale des lasalliens sera assurée par le centre de l’Institut en interconnexion avec les Régions et les Districts.

U

n gouvernement collaboratif, interdépendant et en permanente interaction avec les Frères, les Laïcs et toutes les personnes de bonne vo-

lonté qui participent des différents charismes éducatifs dans l’Eglise. Une gouvernance de plus en plus en réseau régional et international, interculturel, interinstitutionnel et intercongrégationnel.

Comment sera la formation du futur ?

N

ous ne le savons pas non plus. Il y a toujours eu de nouvelles générations, elles se succèdent les unes aux autres dans le temps sans so-

lution de continuité. Il s’ensuit que les personnes âgées, les adultes, les jeunes et les enfants vivent en un même laps de temps, les nouvelles générations avec celles qui achèvent leur cycle vital.

L

e cours de l’histoire se caractérise par une constante alternative ou un enchevêtrement aussi bien du choc des générations que du dialogue

intergénérationnel. C’est à l’intérieur de cette dynamique historique que la formation déploie un de ses buts les plus importants, être le pont, la connexion entre ceux qui commencent l’itinéraire de la vie religieuse lasallienne et ceux qui se trouvent en plein ou à la fin de ce même itinéraire. C’est un partage de manières de vivre, d’expériences et des connaissances. Un échange de cosmovisions, de valeurs et de traditions culturelles.

N

ous entrevoyons une formation qui associe ce que le passé a de meilleur avec ce qui est nouveau, une formation à base de confiance et de

témoignage, dans une ambiance de vie et qui prépare pour la transparence, la solidarité, la vie communautaire, la mission partagée, la compétence et la direction. Une formation de plus en plus proche de Dieu et plus solidaire des pauvres dans des communautés missionnaires inter charismatiques et intercongrégationnelles ouvertes aux nouvelles frontières.

28


Signum Fidei

Rallumons le feu de nos lampes FRÈRE SYLVAIN CONSIMBO FSC, DIRECTEUR DU NOVICIAT À BOBO DIOULASSO FRÈRE. ESTEBAN DE VEGA FSC, DIRECTEUR DU NOVICIAT À MADRID FRÈRE. VINCENT FERNANDEZ FSC, DIRECTEUR DU NOVICIAT À LIPA FRÈRE THOMAS JOHNSON FSC, DIRECTEUR DU NOVICIAT À CHICAGO FRÈRE ARNO LUNKES FSC, DIRECTEUR DU NOVICIAT À PORTO ALEGRE

Les moyens de formation, si excellents soient-ils, ne sauraient dispenser aucun Frère de sa propre responsabilité. C’est à chacun qu’il incombe, en réponse à l’appel incessant de l’Esprit, de tout mettre en œuvre pour mieux réaliser sa vocation personnelle. Toute formation profonde est une ascèse : il faut souvent reconvertir son regard, l’ouvrir à des perspectives encore nouvelles, ne jamais s’installer dans la tranquille possession d’une technique. Telle est la condition d’un authentique rayonnement éducatif et spirituel.

Déclaration 15,2

29


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Introduction

D

Quelle est la qualité de la lampe et de l’huile que nous utilisons ?

ans un temps de grandes transitions, le 39e Chapitre général a discerné les chemins de renouveau

dont l’Institut avait besoin pour mieux répondre aux joies et aux espoirs du monde actuel. Même au milieu des difficultés, ce Chapitre a fait apparaître un esprit de rénovation permanente. Cet esprit nous a amenés à regarder tous les jours les besoins des enfants et des jeunes gens loin du salut et à rallumer le feu de nos

L

e 39e Chapitre général nous a aidés à réaliser la qualité de notre propre consécration comme

Frères. Les documents de ce Chapitre, en parti-

lampes afin d’éclairer le chemin alors que nous mar-

culier la Déclaration, nous ont incités à rechercher

chons avec eux. Les questions qui ont inspiré ce re-

une synthèse vivante de tous les aspects de notre

nouveau peuvent aussi nous aider aujourd’hui : Quelle

vocation. Trois aspects de cette intégration, entre

est la signification de la consécration religieuse dans

autres, semblent être au cœur de la Déclaration : l’in-

le monde d’aujourd’hui ? Pourquoi continuons-nous

tégration des éléments constitutifs, les racines bap-

à être des Frères religieux aujourd’hui ? Quel est le

tismales de notre consécration et l’unité des vœux

but d’être Frères aujourd’hui ? Que disons-nous au

dans la consécration. Peut-être aujourd’hui ces idées

monde ? Notre vie et notre message sont-ils vraiment

nous semblent-elles évidentes, mais ce sont les fon-

importants pour les gens d’aujourd’hui ?

dements d’une aventure de renouveau que nous vi-

N

vons encore. ous, les auteurs de cet article, qui travaillons tous directement dans la formation des Frères, nous

voudrions encourager tous les Lasalliens à prendre conscience du parcours qu’ils ont parcouru en 50 ans.

L

’harmonie et la synthèse vivante entre les différentes dimensions est sans aucun doute

une richesse particulière qui donne l’unité à la vie

Nous voulons contribuer à ce mouvement de rénova-

consacrée du Frère et évite toute dichotomie. Plus de

tion fondé sur notre consécration baptismale et reli-

séparation entre la vie de prière et la vie apostolique.

gieuse afin de rechercher ensemble la volonté de Dieu

Saint-Jean-Baptiste de La Salle ne l’avait pas et nous

dans la meilleure réponse possible aux besoins édu-

a prévenus sérieusement contre elle. La tâche de la

catifs des enfants, des jeunes et des adultes.

mission est une expression de la consécration et un encouragement à la vivre. En tant que lieu d’écoute

A

fin d’organiser notre réponse, nous présentons

des personnes, la mission fait de la consécration

1: les points centraux découlant du 39e Chapitre

l’occasion d’écouter la Parole de Dieu qui, à son tour,

général concernant la consécration et les vœux; 2: la

l’éclaire et la promeut. La vie communautaire est

manière dont ces idées se sont développées au cours

en même temps la médiation de la consécration et

des 50 dernières années; 3: la centralité de la foi qui

la proclamation missionnaire de l’amour que Dieu

anime notre consécration; enfin, les défis que nous

désire pour l’humanité en Jésus-Christ, « afin qu’ils

percevons pour l’avenir immédiat.

soient tous un pour que le monde croie ».

30


Signum Fidei

C

ette intégration se manifeste aussi dans la continuité et la nouveauté spécifique de la consécration par rapport au baptême. Tous les chrétiens ont, par leur baptême, un

apostolat qui a son origine dans la mission que le Fils reçoit du Père. Le baptême n’est pas associé au péché originel, mais plutôt à notre appel à être disciples et apôtres.

L

a notion ancienne de vie consacrée comme un état de perfection séparé du « monde » pour le salut personnel a été changée par la notion de consécration pour une mission de dis-

ponibilité pour le peuple de Dieu et de l’immersion dans le monde comme témoins. La vie religieuse tout comme l’Église elle-même, est comprise comme une mission. C’est une mission.

E

nfin, l’unité se manifeste aussi dans la relation entre la consécration et les vœux. La consécration est exprimée par les vœux plus comme une unité que par chaque vœu

séparé. En fait, les vœux ne sont pas des instruments pratiques pour réaliser quelque chose, pour rendre la vie consacrée plus rentable, mais, dans leur ensemble, ils sont une manifestation de l’amour de Dieu qui consacre et qui compte sur nous. Dans cette manière de penser, la consécration donne l’unité et le sens à tous les engagements qu’elle inspire.

L

a Déclaration est le résultat d’un processus de réflexion, de dialogue et de discernement qui a permis aux Frères du monde entier de s’identifier dans leurs affirmations de renou-

vellement personnel et communautaire. Cependant, ce n’était pas en principe un point d’arrivée, mais un point de départ. Les réponses données par la Déclaration ont laissé de la place à de nouvelles questions.

“La cruche d´huile ne se videra pas” (1R 17,14)

A

près le 39e Chapitre général, le renouvellement n’a pas été un processus régulier. Nous avons vécu une période de conflits et de réactions qui ont entraîné la perte de nombreux

Frères, la diminution de nouvelles vocations et la croissance du partage de la mission et du charisme avec des Laïcs. Au début, les réactions très diverses des Frères évoluaient vers une polarisation entre deux positions extrêmes de l’Institut : ceux qui voulaient le renouveau, le changement et l’insertion dans le monde et ceux qui voulaient maintenir les pratiques et les conceptions traditionnelles de la vie religieuse. Les premiers étaient enthousiastes, parfois avec de fausses attentes, ou regardant les changements sans traiter les exigences concrètes d’une pédagogie pour les assumer. Les autres se sont sentis menacés par les changements qui ont suivi le Concile et ont cherché alors à revenir ou, du moins, à ne rien supprimer sans assurer une structure de remplacement.

31


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

L

’une des conséquences de ces changements dramatiques pour de nombreux Frères était l’accent exagéré mis sur la réalisation de soi et l’individualisme en

réaction à l’uniformité imposée auparavant. Bien d’autres Frères ont senti la perte de l’unité et de la fraternité, et cette « vie commune », caractérisée par de nom-

breuses pratiques communautaires traditionnelles, s’est affaiblie. Un exemple de ces conflits au niveau de l’Institut est le rapport présenté par la Commission « Consécration et vœux » en 1975 et son rejet l’année suivante par le 40e Chapitre général.

E

n même temps que nous vivions ces conflits, nous commencions à redécouvrir la notion originale d’association lasallienne grâce au travail de Michel

Sauvage et d’autres chercheurs lasalliens. Vingt ans et deux Chapitres généraux plus tard, nous avons retrouvé l’articulation du vœu d’association et peu à peu ce vœu nous a aidé à décrire notre vocation originale et distincte comme partenaires les uns avec les autres, en communauté, motivés par la foi et consacrés à la mission d’une éducation humaine et chrétienne des jeunes, en particulier des pauvres.

L

a Déclaration ne mentionnait pas le vœu d’Association, il est vrai, mais les points centraux qui y sont soulevés sont la semence de l’idée que, pour le

Frère, les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance sont unifiés par le vœu d’association. De vœu spécifique, il est devenu un parapluie qui englobe tous les vœux et leur donne un sens différent qui nous est propre. Ce vœu nous aide à approfondir la conscience de notre identité unique au sein de l’Église. Dans nos origines, l’association était la manière concrète de vivre notre consécration à Dieu pour la mission. Tout le reste nous est venu par surcroît.

A

ujourd’hui la Règle nous présente notre consécration avec un seul dynamisme charismatique qui exprime notre spécificité et unité à travers le vœu

d’association pour le Service éducatif des pauvres avec le vœu de stabilité. Les vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté complètent la séquence, nous identifiant à tous les autres religieux. Il est certain que dans l’avenir nous continuerons la réflexion sur notre propre consécration pour trouver une manière encore plus cohérente de l’exprimer à travers les vœux.

L

e mouvement de réflexion au cours des 50 dernières années a donné continuité et nouveauté aux idées de la Déclaration. Ses fruits ne sont pas seule-

ment pour nous. Beaucoup de ses inspirations se reflètent dans le document de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Aposto-

32

Aujourd’hui la Règle nous présente notre consécration avec un seul dynamisme charismatique qui exprime notre spécificité et unité à travers le vœu d’association pour le Service Educatif des pauvres avec le vœu de stabilité.


Signum Fidei

lique : « Identité et Mission du Frère Religieux dans l’Église ». Cela nous a pris beaucoup de temps, mais nous pouvons déjà trouver des signes d’un meilleur équilibre qui a remplacé le conflit initial. Nous avons apprécié le partage de la mission et d’y avoir invité de nombreux Laïcs. Beaucoup d’entre eux ont assumé cette mission dans laquelle nous travaillons ensemble pour le bien des jeunes, non seulement comme un travail rémunéré mais comme une attitude de vie et une vocation. Et dans la mesure où ils plongent dans cette dimension, ils enrichissent l’expérience de notre propre vocation dans une véritable communion d’identités complétées par la mission. Dans le parcours de ce long itinéraire la centralité de la foi a été notre point de repère. L’Évangile de Jésus est là pour nous guider vers chacun de nos voisins.

“Que votre lumière brille” (Mt 5,16)

L

a centralité de la foi est notre apanage, comme l’a clairement indiqué saint Jean-Baptiste de La Salle et même davantage dans le contexte ac-

tuel où nous courons le risque sérieux de transformer la foi en Dieu qui s’est révélé à nous, dans une fabrication de Dieu lui-même. L’expérience centrale de Jésus est ce qui a motivé l’œuvre de La Salle et ce qui soutient notre vie.

«O

uvrons-nous » à la lumière du Christ, parce que notre lumière vient du Christ, lumière éternelle. Nous ne brillons pas

par nous-mêmes, mais par le mystère de notre relation avec Jésus-Christ, comme engagement de qualité et de fécondité dans notre vie consacrée et notre mission au niveau personnel, communautaire et de l’Institut. S’ouvrir à Dieu pour être rempli de sa lumière est le défi permanent auquel nous sommes confrontés en tant que chrétiens et comme religieux. Ce défi de-

vient plus pressant dans un monde qui offre tout à l’homme d’aujourd’hui pour combler ses yeux, sa tête et son cœur.

«N

ous ouvrir », « partager » et « offrir » nous permettent de regarder avec plus de clarté et d’amplitude ce qui est arrivé à

notre environnement et vers où nous allons. En ces cinquante ans, il y a eu de nombreuses transitions, situations et changements perturbateurs qui ont affecté nos contextes. En tant que Frères, nous avons essayé de

33


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

maintes façons de trouver le sens à ces changements pour mieux lire les « signes des temps » et rendre nos œuvres proactives, responsables, pertinentes et efficaces. Malgré les difficultés réelles, rendons grâce à Dieu pour avoir réveillé en nous le souci de répondre avec nos vies à la réalité qui nous défie.

A

l’heure actuelle, il y a un intérêt croissant à fonder notre identité et nos initiatives sur la perspective du Fondateur et des premiers Frères. Dans la Circulaire 466, « Ils s’ap-

pelleront Frères », nous trouvons le résumé de ce que nous sommes et de ce que nous devons être et faire dans nos œuvres et dans notre monde en constante évolution. Nous sommes invités et mis au défi de garder les pieds sur terre afin que nous dialoguions avec le monde, à l’envisager sans chercher à nous isoler ou à nous en protéger, sans céder ni renoncer à nos normes et valeurs. Ce dialogue doit être enraciné dans notre tradition lasallienne de foi et de zèle, nous laissant affecter par les réalités du monde en constante évolution.

“Faites ce qu’il vous dit” ( Jn 2,5)

S

ans connaître l’avenir ou vouloir faire des prédictions, considérons trois domaines auxquels nous devons accorder une attention particulière, car ils présentent un potentiel de

rénovation frappant, dans la mesure où nous acceptons les défis que nous proposons.

P

remièrement, nous voyons une moindre proportion de Frères dans la mission. On pourrait dire que nous passons de la visibilité numérique à la visibilité de la « levure ».

L’Institut continue à connaître une diminution des vocations de Frères et une diminution du nombre, en particulier des Frères actifs. Cette réalité nous incite à vivre plus authentiquement comme témoins face à nos étudiants et les autres lasalliens. Ce déclin nous offre l’occasion d’approfondir notre sens de la mission et le partage dans nos institutions pour être plus efficaces et aller au-delà des barrières que nous nous sommes imposées. Mais ce déclin offre aussi le défi de la formation des Frères et des Laïcs lasalliens. Si nous ne le faisons pas efficacement avec l’aide de l’Esprit, la profondeur de notre spiritualité lasallienne pourrait disparaître, ce qui rendrait vide notre héritage, rien qu’une étiquette de prestige.

D

euxièmement, nous constatons une compréhension plus unifiée et intégrée de notre vocation. L’occasion qui nous est présentée est une invitation à vivre une profonde

vie spirituelle qui inspire profondément notre vie communautaire, notre mission et notre témoignage.

34


Signum Fidei

L

e défi est de maintenir une vie spirituelle nourrie par la situation actuelle et la réponse du projet de la communauté apostolique. Ce

sera plus difficile, mais aussi plus nécessaire, dans les secteurs qui ont une proportion plus élevée de Frères qui vieillissent.

T

roisièmement, nous voyons de nouvelles façons de répondre aux pauvres dans tous les sens du mot « pauvre ». Nous développons

notre créativité et mettons en pratique l’association avec les Laïcs pour atteindre ceux qui ont le plus besoin de nous. Le défi est de parvenir à un équilibre entre nos Districts et institutions dans des circonstances où les plus pauvres parmi eux luttent pour survivre alors que d’autres, avec plus de ressources, sont au service des plus riches. Si nous ne faisons pas face à ce défi nous pourrions facilement tomber dans la situation d’avoir des écoles seulement pour ceux qui peuvent se le permettre.

A

ces trois défis s’ajoute un autre qui a à voir avec l’ensemble de notre vie et qui implique la conversion de celle-ci. La conversion n’est

On pourrait dire que nous passons de la visibilité numérique à la visibilité de la « levure ».

possible qu’avec un profond désir de renouvellement, de formation et de perspectives engagés. Nous parierons sur l’avenir et la vie du charisme dans la formation - non seulement dans la formation intellectuelle, mais dans une formation qui permette de comprendre toute la vie comme un processus permanent de conversion à la volonté du Père, en communion et coresponsabilité avec le processus qui peut et doit être vécu avec d’autres Frères. Il nous en coûtera de le mettre en œuvre. Nous avons vécu des situations où le personnel a prévalu sur la communauté et où la communauté n’a ni autorité ni force pour élargir la vie et la capacité de réponse de chaque Frère à vivre un processus continu de fidélité créative.

D

e nouvelles générations viennent à la recherche d’une vie fraternelle, d’une réponse communautaire réelle à l’appel à une mission impliquant toute la vie. Elles les cherchent avec toute leur fragilité et parfois avec

l’incohérence des esprits jeunes et idéalistes, mais avec honnêteté. Nous devons les aider à vivre dans l’amour de grandes causes et de bons projets ; sans toutefois se limiter aux causes et aux projets, mais en buvant à la source ; parce que si on ne boit pas à la source et on n’est pas aidé à le faire en communauté, la vie s’assèche et le cœur finit par n’avoir plus de racines. Celui qui est nourri par la source, cependant, jouira d’une force qui ne dépendra pas de ses seules ressources, parce qu’il « ressemble à un arbre planté au bord des eaux, qui tend ses racines vers le courant : il ne redoute rien quand arrive la chaleur, son feuillage reste vert ; dans une année de sécheresse, il est sans inquiétude, et ne cesse pas de porter du fruit » ( Jr 17.8). Si c’est le Seigneur qui nous soutient, vers qui nous levons les yeux, notre vie jouira d’une vitalité sans fin, notre être et notre action connaîtront une unité profonde, et nous porterons beaucoup de fruit.

35


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

SYMPOSIUM DE FEMMES LASALLIENNES, SALTILLO, MEXIQUE. MAI 2017

Femmes lasalliennes : passé et présent DR. ROXANNA EUBANK UNIVERSITÉ SAINTE MARIE DU MINNESOTA

Le renouveau de l’école exige des maîtres formés selon les besoins de l’homme moderne. « C’est avant tout des maîtres qu’il dépend que l’école catholique soit en mesure de réaliser ses buts et ses desseins » (G.E.M.8). Un Institut international voué à l’éducation de la jeunesse scolaire contribuera comme il le doit au renouvellement de l’école dans la mesure d’abord où il concentrera ses efforts sur la valorisation de la vocation enseignante.

Déclaration , 48, 1

36


Signum Fidei

Introduction ͂​͂ D’abord, elle a donné un aperçu du monde de La

A

u 39e Chapitre général de 1967, on n’a guère

Salle et des femmes qui l’ont soutenu, lui et les pre-

mentionné le rôle passé, présent ou à venir des

miers maîtres dans leur travail.

femmes dans les œuvres lasalliennes. Les documents

͂​͂ Ensuite, elle s’est penchée sur des figures de reli-

capitulaires déclarent que les Frères pouvaient

gieux et religieuses dans la France du XVIIe siècle, of-

désormais tenir des écoles mixtes et enseigner

frant une perspective historique sur l’association entre

dans des classes mixtes. Pour significatif que soit

ces hommes et ces femmes pour la mission.

ce changement, il n’annonçait pas que les femmes commençaient à apporter leur soutien à l’éducation lasallienne. En fait, les femmes sont présentes tout le long de l’histoire fondatrice, non comme enseignantes ou élèves, mais dans bien d’autres rôles déterminants.

T

rish Carroll, une lasallienne de la Région PARC, nous

rappelle qu’il n’est pas étonnant que les Frères aient écrit l’histoire lasallienne pour des Frères. Ils se sont concentrés sur leur propre évolution. C’est compréhensible. Rien ne pouvait leur faire prévoir la diversité actuelle des écoles lasalliennes. Il est important que nous ne réécrivions pas l’histoire, mais que nous y ajoutions. L’étude des femmes lasalliennes ne change pas

notre

histoire

partagée,

U

ne autre retraite de femmes lasalliennes s’est tenue dans la RELAN en 2014. En 2017, des re-

traites de femmes lasalliennes étaient prévues en Nouvelle-Zélande et au Mexique. Un grand intérêt

Nos filles ont besoin de savoir quelque chose sur ces femmes comme base historique. Nos garçons ont besoin de voir comment les femmes contribuent au projet éducatif.

mais elle nous offre un aperçu

semble se manifester dans le réseau lasallien pour le rôle des femmes, depuis l’histoire de la fondation jusqu’à nos jours.

L

’intérêt porté au rôle des femmes

dans

l’évolution

constante de l’éducation lasallienne vient de considérations très diverses et parmi celles-ci, la première est certainement la nécessité de trouver un modèle féminin lasallien pour toutes les élèves et enseignantes. Nos filles ont besoin d’apprendre quelque chose sur ces femmes qui sont une réfé-

de la naissance de l’Institut des Frères des Ecoles

rence historique. Nos garçons ont besoin de voir com-

Chrétiennes.

ment les femmes contribuent au projet éducatif. Tous les Lasalliens sans exception gagnent à mieux com-

C

arroll a été une des premières personnes à me-

prendre comment l’association et la mission partagée

ner une recherche sérieuse sur ce sujet. Elle l’a

entre Frères et Partenaires par-delà les frontières de

présentée à la première retraite de femmes lasalliennes, parrainée par la Région PARC, qui s’est tenue en Thaïlande en 2012. A cette retraite, elle a présenté son travail sur deux sujets très importants :

genre se manifestent dans notre réalité vécue.

P

lusieurs histoires lasalliennes nous parlent de la contribution faite par les femmes à La Salle et aux

37


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Histoire Perrette Lespagnol

P

errette Lespagnol, grand-mère maternelle et marraine de La Salle, a eu une influence parti-

culière dans la vie de La Salle. C’était une femme de dévotion, qui apprit à sa fille, la mère de La Salle, à partager la même dévotion.

C

’est probablement dans sa maison et sous sa sur-

premiers maîtres. Des femmes ont financé les écoles, fourni abri et nourriture, proposé leurs conseils et

veillance que naquit le petit Jean-Baptiste. Elle

chérissait son petit-fils et il était souvent chez elle. A

envoyé leurs propres enfants dans les écoles. Par leurs

la mort des parents de la Salle Perrette lui donna son

apports, ces femmes ont contribué à aider les pre-

amour de grand-mère et plus encore. Elle présidait le

mières écoles à survivre.

conseil de famille qui décida de la répartition des biens. C’était une femme avisée qui conseillait le jeune La Salle

L

e présent article commence par une brève description de cette histoire, suivi d’un commentaire sur

les femmes dans les ministères lasalliens aujourd’hui. Ce ne sera qu’un tour d’horizon rapide des sujets abordés, les lecteurs ne devront donc pas considérer cette présentation comme étant exhaustive.

dans les affaires comme sur les questions familiales.

E

lle soutint le travail de Jean-Baptiste dans le ministère de l’éducation et prit soin des frères plus jeunes

de La Salle. Elle eut toujours un rôle important dans la vie de La Salle jusqu’à sa mort en 1691, à l’âge de 73 ans.

38


Signum Fidei

U

Madame Maillefer

la lettre de Madame Maillefer, La Salle se trouvait,

ne des femmes les plus intéressantes dans l’his-

providentiellement, dans un parloir voisin. Sœur

toire de la fondation est Madame Jeanne Dubois

Françoise invita La Salle à se joindre à la réunion, et à

de Maillefer. L’histoire de Madame Maillefer est ra-

participer au travail de fournir une école aux garçons

contée dans la plupart des livres sur l’histoire de la

pauvres.

fondation. Il y a cependant des différences significatives dans les histoires qu’on raconte sur elle. Blain la décrit comme une femme repentie qui abandonna une vie de vanité pour se consacrer aux pauvres. D’autres

P

lusieurs questions se posent sur l’évènement de cette réunion. Fut-il un accident providentiel ? Fut-il or-

ganisé par Françoise Duval ? Nous ne le saurons peut-

suggèrent que son comportement était en accord avec

être jamais avec certitude, mais ce que nous savons,

celui qu’on attendait de sa classe sociale et que son

c’est que Madame Maillefer fut le catalyseur dans la

dévouement aux pauvres est attesté par ses œuvres

fondation de la première école de garçons à Reims, et

charitables.

que Françoise Duval incita La Salle à faire un premier

M

pas vers son engagement à l’égard de l’école pour les adame Maillefer et son mari étaient des bien-

garçons pauvres. Cette école, ouverte par Adrian Nyel

faiteurs généreux. Ils financèrent l’ouverture

et plus tard supervisée par La Salle, est souvent qua-

d’écoles pour les filles pauvres à Rouen. Comme il

lifiée de « première école lasallienne ».

y avait déjà des écoles de filles qui prospéraient à Reims, berceau de la famille Maillefer, elle décida de financer une école pour les garçons. Elle connaissait bien le travail d’Adrian Nyel qui avait ouvert des écoles pour les garçons pauvres à Rouen, et elle lui donna donc une lettre de présentation à apporter à

Madame des Croyères

L

a contribution de Sœur Françoise Duval ne se limita pas à cette « rencontre providentielle ».

Sœur Françoise vint aussi en aide à Nyel : elle lui trou-

sœur Françoise Duval, directrice de l’école des Sœurs

va un financement pour la deuxième école qu’il ouvrit

du Saint Enfant Jésus à Reims. La lettre de Madame

à Reims en le présentant à Madame des Croyères, une

Maillefer prépara ainsi le terrain pour une rencontre

bienfaitrice des Sœurs du Saint Enfant Jésus. Il est

entre Nyel et le Fondateur. Elle espérait avoir un accès

possible que Madame des Croyères se soit un peu mé-

à la structure politique de l’Eglise à Reims.

fiée de cet homme débordant d’ardeur venu de Rouen,

S

mais quand elle apprit que l’abbé de La Salle était en-

Sœur Françoise Duval

gagé en faveur des écoles, Madame des Croyères de-

œur Françoise, Directrice des Sœurs du Saint Enfant Jésus, connaissait bien l’abbé de La Salle.

Il avait préparé les papiers et mené les négociations auprès de la structure politique de l’Eglise en France pour obtenir les Lettres Patentes pour les Sœurs.

manda à le rencontrer.

E

lle connaissait La Salle depuis le travail administratif qu’il avait réalisé précédemment pour

les Sœurs du Saint Enfant Jésus. Elle le respectait et

Etant donné qu’il avait l’expérience dans le monde

lui faisait confiance. Après avoir rencontré La Salle,

politique et social de l’Eglise à Reims, il serait un ex-

elle indiqua qu’elle ne financerait la seconde école de

cellent conseiller pour Nyel. Quand Nyel arriva avec

Reims qu’à la condition que La Salle prît une part plus

39


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

active à l’école. Elle lui demanda de veiller à la qua-

vie à reconstruire l’église de Parménie ainsi que des

lité de l’instruction religieuse et à la bonne conduite

logements pour retraitants. Pendant sept ans, elle

des maîtres. Il accepta. Madame des Croyères mourut

vécut à côté de la chapelle avec deux autres femmes

avant d’avoir finalisé cet arrangement dans son tes-

et quelques chèvres, dans une hutte de torchis et de

tament. Ses héritiers, connaissant son enthousiasme

branchages. Elles n’avaient ni feu ni eau, et peu de

pour ce projet, honorèrent pleinement sa promesse et

nourriture. Elle parvint néanmoins par sa persévé-

accordèrent la dotation.

rance à créer le sanctuaire à la Bienheureuse Vierge.

L

Q

que La Salle devienne le Fondateur des Frères des

vécu leur vie en réponse à l’appel de Dieu. Tous deux

Ecoles chrétiennes. L’engagement de La Salle envers

avaient fait pour cela des sacrifices significatifs.

’insistance de Madame des Croyères pour que la Salle s’implique personnellement auprès des

maîtres précipita l’étape suivante qui contribua à ce

sa promesse à Madame des Croyères l’amena à tenter un certain nombre de méthodes pour améliorer la conduite des maîtres. Il renforça leur emploi du temps et fut présent à leur maison de façon plus régulière. Cependant, il n’était pas à l’aise avec la profondeur chrétienne ni la maîtrise de soi dont faisaient preuve les maîtres d’école. Finalement, La Salle invita les maîtres d’école à vivre dans sa maison. Bernard11 insiste sur l’importance de cet évènement dont il fait le centre de

uand elle et La Salle se rencontrèrent en 1714, ils étaient âgés, selon les critères du XVIIIe siècle :

Louise avait 68 ans et La Salle 63. Tous deux avaient

L

a Salle aurait préféré rester à Parménie, célébrer la messe et offrir la direction spirituelle aux pè-

lerins qui venaient là. Sœur Louise avait besoin d’un directeur spirituel pour l’œuvre des retraites.

L

e fait que La Salle ait été un homme aussi spirituel et réfléchi a dû pousser Louise à souhai-

ter qu’il reste. On ne peut pas minimiser le sacrifice

notre histoire fondatrice lorsqu’il écrit : « Car ce n’est

qu’elle fit lorsqu’elle dit à La Salle qu’il devait honorer

que de cela que dépendait l’édifice de la société des

son vœu d’obéissance aux Frères. Elle avait passé sa

Frères des Ecoles chrétiennes, et c’est en ce lieu qu’un

vie à construire la chapelle et le centre de retraites de

départ fut pris pour en poser les fondations ».

Parménie. Elle était enthousiaste de la contribution

S

de La Salle à cette œuvre, et pourtant, elle lui conseil-

Sœur Louise Hours

la de partir et de rejoindre les Frères.

œur Louise Hours est peut-être la mieux connue des femmes de l’histoire fondatrice. La plupart

des biographies de La Salle la décrivent comme une bergère illettrée qui fonda la maison de retraite de Parménie. C’est exact mais ce n’est qu’une partie de ce qui a fait d’elle une femme aussi extraordinaire.

L 1

P

Les mères

armi les femmes de l’histoire de la fondation, les moins étudiées sont peut-être les mères des pre-

miers élèves. Les familles des artisans et des pauvres travaillaient vaillamment pour subvenir à leurs besoins. La pauvreté et la faim faisaient partie de leur

ouise Hours, une femme profondément religieuse,

précarité réellement vécue au quotidien. La moindre

appelée localement « Sœur Louise », consacra sa

difficulté financière pouvait dévaster une famille.

cf. Maillefer D. F. E. & Bernard (1996)

Pour que les familles survivent, chaque membre de-

40


Signum Fidei

CONFÉRENCE MONDIALE DE FEMMES 2017, AUCKLAND, NOUVELLE-ZÉLANDE. JUILLET 2017

vait apporter sa contribution. Les femmes, dans cette classe, faisaient pratiquement les mêmes travaux que les hommes. Elles ne recevaient pas la même compen-

U

ne fois qu’un garçon en bonne santé était né, il était l’avenir de la famille. Sa contribution à la

viabilité économique de la famille était cruciale. La

sation que les hommes et ne pouvaient pas faire partie

plupart des familles d’artisans faisaient travailler

des corporations d’artisans. Cependant leur maigre

leurs enfants dans l’atelier familial dès qu’ils étaient

salaire pouvait faire la différence entre la pauvreté et

en âge de tenir un marteau. Quand ces pères et mères

une vie de mendiants sans toit.

choisissaient d’envoyer leurs garçons à l’école, c’était clairement un sacrifice considérable.

C

es femmes connaissaient un taux élevé de mortalité infantile et maternelle. Le taux de mortalité mater-

nelle est estimé à un décès maternel pour 10 naissances. Comme il était commun pour une femme d’avoir cinq

C

’était la mère qui devait veiller à ce que le fils ait du pain à emporter à l’école pour les repas, des

habits décemment raccommodés, les cheveux épouil-

grossesses ou davantage, leur risque de mort en couches

lés et, à de rares occasions, qu’il ait pris un bain. Elle

était de 50% au cours de leurs années de fertilité.

pouvait l’emmener par la main jusqu’à l’école, mais jamais elle ne pouvait s’introduire entre dans ses murs.

L

es taux de mortalité infantile étaient encore plus

Essentiellement, les mères livraient leurs biens les

élevés. On estime que 42% des bébés ne survi-

plus précieux aux Frères et au grand inconnu. Dans

vaient pas à leur premier anniversaire. Les femmes

un monde où chaque jour était une lutte pour la sur-

retournaient au travail dès que possible après l’accou-

vie, c’est impressionnant ce que ce simple acte de foi

chement, laissant souvent leur bébé aux soins d’une

et d’espoir pour l’avenir révélait.

nourrice. Les enfants mis en nourrice avaient un taux de mortalité plus élevé que ceux gardés par leur mère.

41


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

PROYECTO FRATELLI, LÍBANO

Les femmes hors de France

Q

des femmes. De plus, les rigueurs du métier de l’enseignement étaient épuisantes. Les Frères avaient be-

uand Jean-Baptiste de La Salle a commencé

soin de cuisinières et de personnel d’entretien pour

son œuvre des écoles pour les fils des artisans

soutenir l’effort de garder toute leur concentration

et des pauvres, le monde était un endroit très diffé-

sur leur tâche d’enseignants. Les femmes ont fourni

rent par rapport à celui où nous vivons aujourd’hui.

l’essentiel de ce soutien.

Les hommes qui se sont associés à La Salle se sont concentrés entièrement sur l’éducation des garçons. Au cours de la croissance de l’Institut, davantage d’hommes ont rejoint les Frères des Ecoles chré-

U

n exemple bien digne d’être noté est celui de Rosella Mary (Mme F. W.) Colquhoun, Affiliée FSC.

Rosella vivait dans sa ville natale de la Nouvelle-Or-

tiennes. Le monde des Frères des Ecoles chrétiennes

léans dans le Territoire de la Louisiane, aux Etats-

est resté presque complètement, mais pas exclusive-

Unis, et fréquentait la Paroisse Saint Patrick. En 1853,

ment, masculin, jusqu’au Chapitre de 1967. Comme

pendant une épidémie de fièvre jaune, elle remar-

les Frères se répandaient au-delà de la France, ils

qua que les Frères nouvellement arrivés de France

avaient besoin de bienfaiteurs généreux pour soute-

n’étaient pas à la Messe. Elle apprit qu’ils étaient tous

nir leur œuvre. Beaucoup de ces bienfaiteurs étaient

malades de la fièvre jaune. Elle se rendit à la résidence

42


Signum Fidei

des Frères et insista pour les soigner. D’abord, le frère Adronis, Directeur de la communauté, refusa. Néanmoins Rosella persista. Elle refusa de quitter la résidence. Elle dormait sur le plancher, soignait, nourrissait et faisait le nettoyage pour les Frères gravement malades. Elle demeura sans quitter la résidence jusqu’à la guérison du dernier Frère. En 1869, l’institut des Frères des Ecoles chrétiennes lui conféra officiellement le diplôme d’affiliation. Les Frères l’appelaient « Mère Colquhoun ». Depuis le départ des Frères de la Nouvelle-Orléans en 1900 jusqu’à sa mort en 1911, elle pria pour le retour des Frères à la Nouvelle-Orléans.

D

es histoires similaires se sont souvent produites au cours de l’expansion de l’œuvre des Frères hors de

France. Beaucoup des histoires des Frères et de ces femmes sont perdues dans la nuit des temps. Il est essentiel que nous diffusions celles que nous retenons dans notre mémoire lasallienne.

L

’influence considérable des femmes sur l’éducation lasallienne moderne est un secteur sous-étudié de l’héritage

de la famille lasallienne. Tout au cours des deux premiers siècles, nos écoles lasalliennes n’avaient pas le droit d’employer des femmes. C’était peut-être la politique officielle, mais la plupart des Frères reconnaîtront qu’il y avait des femmes qui travaillaient dans les écoles et soutenaient leur mission depuis bien longtemps. Souvent, en temps de guerre, il était nécessaire d’engager une femme comme enseignante lorsqu’on ne pouvait trouver aucun enseignant homme.

L

e 39e. Chapitre général de l’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes a décidé que les Frères pouvaient enseigner

dans des écoles mixtes et les diriger. Suite à ce Chapitre historique, l’augmentation du nombre de femmes, enseignantes et élèves, est significative dans les institutions lasalliennes. Notre réseau a donc des écoles pour filles et garçons, ce que les premiers Frères auraient jugé impensable.

43

Des histoires similaires se sont souvent produites au cours de l’expansion de l’œuvre des Frères hors de France. Beaucoup des histoires des Frères et de ces femmes sont perdues dans la nuit des temps. Il est essentiel que nous diffusions celles que nous retenons dans notre mémoire lasallienne.


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Les écoles Lasalliennes à l’époque moderne

E

n 2016, le Supérieur général des Frères des Ecoles chrétiennes, le Fr. Robert Schieler, a publié les données d’une enquête démographique sur les œuvres lasalliennes dans le monde entier. Parmi ces données on

trouve une analyse, décomposée par genres, des personnes employées dans les œuvres lasalliennes.

E

n 2016, les femmes laïques constituaient le groupe le plus nombreux parmi les employés (54%). On peut trouver aujourd’hui des femmes dans tous les rôles professionnels des œuvres lasalliennes. Dans les Régions

PARC, RELAL et RELEM, les femmes constituent la majorité des employés, tandis que dans la RELAN elles sont approximativement 49% de la population, et dans la RELAF les femmes sont approximativement 26% des employés des œuvres lasalliennes. On trouvera ci-dessous un tableau des données fournies par l’Institut en 2016 :

PARC

RELAF

RELAL RELEM

RELAN TOTAL

Frères FSC

250

224

569

281

155

1479

Religieux non-FSC

39

83

176

73

84

455

Laïcs hommes

7098

2469

12248

11753

5393

38961

Laïcs femmes

9920

958

16164

20420

5330

52792

TOTAL

17307

3734

29157

32527

10962

93687

L

a catégorie « Religieux non-FSC » comprend les religieux d’autres ordres et des prêtres, et elle n’est pas décomposée par genres.

N

ous n’avons pas de données quantifiables sur le nombre d’élèves masculins et féminins dans nos écoles. Il est possible que des Régions ou Districts recueillent individuellement ces informations, mais elles ne

sont pas disponibles sous forme consolidée. Ce renseignement pourrait être essentiel pour placer en contexte la réalité actuelle de l’éducation lasallienne.

L

e Symposium international sur la Recherche lasallienne a consacré une discussion en table ronde à la recherche sur les femmes lasalliennes depuis 2014. Les participants, en tant que communauté de chercheurs,

se sont rendu compte que cela constitue un riche terrain de recherche. Il en résulte que plusieurs études sont actuellement engagées : des études sur les femmes lasalliennes modernes en position de leadership ; les lettres adressées par Jean-Baptiste de La Salle à des femmes ; l’association d’hommes et de femmes ; et les femmes dans l’histoire lasallienne. Ceci est magnifique, mais il reste encore tant à découvrir. Etant donné le basculement démographique phénoménal des œuvres lasalliennes des 50 dernières années, nous devons vraiment faire mieux. Il nous faut comprendre notre passé et notre présent pour préparer notre avenir. Nous devons cela à nos élèves.

44


Signum Fidei

Un avenir d’espérance FRÈRE ANTONIO BOTANA, FSC DISTRICT ARLEP La communauté scolaire ne se formera que suscitée par la communauté éducative dont la richesse est faite de la diversité et de l’unité de ses membres. C’est pourquoi, les Frères sont heureux de collaborer avec les laïcs qui fournissent à la communauté éducative l’apport irremplaçable de leur connaissance du monde, de leur expérience familiale, civique, syndicale. Ils font en sorte que les laïcs soient en mesure de tenir leur place dans toute la vie de l’école : dans la catéchèse, les mouvements apostoliques, les activités périscolaires, voire dans les responsabilités d’administration et de direction.

Déclaration 46, 3, § 2.

45


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Les temps changent : la nouveauté surgie au 39e Chapitre général.

A

l’époque sociale et ecclésiale qui a suivi le Concile Vatican II, le Chapitre général de 1966-

A

vec la conscience de ces changements, le Chapitre propose dans ses documents une com-

munauté en croissance vers la maturité qui accepte, comme facteur positif de dynamisme, la tension entre les diverses personnalités qui la configurent et la volonté commune de construire ensemble la communauté pour la mission.

E

ntre la personne et la communauté s’établit une relation symbiotique. Mais le point de dé-

part, c’est la personne du Frère. La personne est

67 releva le défi de concrétiser et donner forme à

fin, pas moyen, et elle requiert toute l’attention de

l’affirmation programmatique avec laquelle com-

la communauté et de l’Institut, en elle-même, dans

mençait le chapitre III de la Règle originale : « On

sa totalité, pas seulement en fonction des tâches

manifestera et on conservera toujours dans cet Institut

apostoliques qu’elle accomplit. En contrepartie, on

un véritable esprit de Communauté ».

demande au Frère tout son effort pour construire

D

la communauté et se consacrer totalement à la mis’une part, il y avait des changements anthropo-

sion commune : « Les Frères construisent la commu-

logiques et sociologiques évidents qui touchaient

nauté par le don joyeux d’eux-mêmes, au service des

la personne du Frère, et qui rendaient insoutenable et

autres » (Règle de 1967, chap. 3, b). La personne ac-

contre-productive l’uniformité dans laquelle ce cha-

quiert sa plénitude personnelle par la communauté.

pitre de la Règle originale exprimait le principe mentionné plus haut, et qui s’était maintenue rigide dans la Règle de 1946. La dilution des personnalités individuelles semblait alors une condition indispensable

E

t dans cette validation de toute la personne, on ne pouvait pas mettre de côté cette faculté si

redoutée et réprimée à une autre époque : l’affectivité. On souligne son importance dans le dévelop-

pour que la communauté existe.

pement de la personne : La communauté doit donc

L

e commentaire du Frère Paul Antoine Jourjon sur

être favorable au développement de l’affectivité

la révision de vie que la nouvelle Règle proposait

personnelle. … A la base des relations communau-

en est un exemple. Dans le Bulletin 194, p. 39, extrait

taires, l’amitié permet d’exprimer et recevoir l’af-

à son tour du Commentaire de la Règle que lui-même

fection, et elle développe simultanément la faculté

préparait en ce temps-là, il écrit : « Comme les temps

d’être aimable, généreux, ouvert à tous. … (Frère

ont changé ! Sans doute, ce n’était pas ainsi aupara-

Paul-Antoine Jourjon, bulletin 194, pp. 113-116).

vant. Les gens étaient moins personnels, parce qu’ils n’avaient pas cette culture qui ouvre l’esprit à de multiples directions et qui différencie les mentalités au

A

partir de la reconnaissance des différences, le discernement personnel et communautaire se met

fur et à mesure qu’elles se développent. … Les temps

en jeu. Et on voit le contraste des avis comme quelque

ont changé, les caractères aussi ».

chose de bénéfique dans la recherche de la vérité.

46


Signum Fidei

M

ais le Chapitre ne se limita pas à donner des

et interprète le charisme du Fondateur, car « Saint

orientations qu’on peut considérer comme «

Jean-Baptiste de la Salle a fondé d’abord une com-

psychologiquement mûres ». « Le retour aux sources

munauté vivante de Frères auxquels il a fait parta-

évangéliques et aux origines de l’Institut » (Déclaration,

ger son idéal apostolique et qui ont ensuite transmis

2), qui orienta toute la réflexion du 39e Chapitre gé-

cet idéal à d’autres hommes » (Déclaration 7,1). C’est

néral, apporte aussi les motivations dernières à cette

dans la communauté où se nouent la consécration

nouvelle façon de concevoir la communauté. Les réfé-

et l’engagement pour la mission (Déclaration 20,1).

rences évangéliques rappellent que cette communau-

En particulier, ce dernier article que nous venons

té s’inspire de Jésus, dans son union avec le Père et se

de citer, avec lequel la Déclaration commence à

forme grâce à l’Esprit d’amour.

décrire la « Vie et l’esprit communautaires », c’est

L

un authentique « coup de départ » qui met l’Inse tableau que nous offre la Déclaration sur la

titut dans la course pour récupérer la conscience

communauté (ou plutôt, « la dimension com-

sur l’importance de l’association pour comprendre

munautaire dans la vie du Frère ») est sans doute

notre identité charismatique et l’originalité de la

plus riche que celui que nous trouvons dans la Règle

communauté lasallienne. Sans doute, l’esprit pri-

qui a été approuvée presque simultanément. Là, on

vilégié et prophétique du Frère Michel Sauvage est

nous signale la communauté comme lieu où l’on vit

derrière lui.

47


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

La communauté s’ouvre : évolution des derniers 50 ans.

té psychologique et affective, souffre d’un certain repli sur soi-même, une satisfaction pour le « nid chaud » que forment les Frères et eux seuls. Certainement, au paragraphe « g », on rappelle à la communauté qu’elle est « ordonnée à la tâche apostolique de l’éducation », mais cette tache reste « hors » de la communauté. A partir de 1987, cette même phrase est recueillie

I

l est facile de voir qu’entre la Règle de 1967 et celle de

et continue dans le texte de 2015 (R 54), mais avec un

1987 et sa révision postérieure éditée en 2015, en ce qui

changement substantiel : Au lieu de tâche, on parle de

concerne la vie en communauté, il n’y a pas de rupture

ministère et celui-ci n’est plus une tâche sinon qu’il

mais une grande continuité, car la plupart des apports

constitue une identité.

de la première, nous les trouvons ensuite d’une manière textuelle ou reformulés en partie.

L

’identité est intérieure, elle affecte toute la vie

L

a

continuité

s’accentue

quand on compare les

éditions de 1987 et 2015 avec le texte de la Déclaration (en ce qui concerne la « Dimension communautaire dans la vie du Frère », numéros 19 à 21, mais aussi 25,4 et 26,4). Nous pouvons affirmer que les intuitions de la Déclaration sont mieux uti-

L’identité est intérieure, elle affecte toute la vie communautaire, de la même manière qu’elle affecte toute la personne du Frère.

lisées ou développées dans la

communautaire, de la même manière qu’elle affecte toute la personne du Frère. Il ne s’agit plus d’une communauté monacale qui se consacre à une tâche évangélisatrice, mais d’une communauté ministérielle qui rend présent, par sa propre présence, le salut de Dieu dans l’éducation, spécialement des pauvres et

Règle de 1987, et encore plus dans celle de 2015, que dans

qui nourrit sa propre vie consacrée et sa vie frater-

celle de 1967

nelle dans cette présence salvifique. La Règle de 2015 l’exprime ainsi : « Le témoignage d’une communauté

E

t le développement de telles intuitions, éclairées

ministérielle qui vit sa vie religieuse dans la charité

par la réflexion, que l’Eglise et l’Institut ont éla-

fraternelle et la solidarité avec les pauvres par le ser-

borées pendant 50 ans, donnera lieu à de nouvelles

vice éducatif est la responsabilité première des Frères

nuances ou ouvertures qui marquent la différence

et leur contribution particulière à la mission partagée

entre la Règle actuelle et celle de 1967, comme nous le

» (R 15). La Mission partagée est la nouvelle perspec-

verrons tout de suite.

tive à partir de laquelle on voit la communauté et non

L

seulement la mission. L’expression naît avec la Règle de

a communauté décrite au chapitre III de la Règle

1987 (n°17), mais elle acquiert son plein sens quand on

de 1967, malgré toutes les apparences de maturi-

l’approfondit dans le contexte ecclésial. La réflexion de

48


Signum Fidei

l’Eglise, à travers spécialement les Synodes qui ont suivi le Concile Vatican II, s’est construite autour de piliers comme ceux-ci qui sont déjà partie intégrante du corps de la foi ecclésial. La mission est unique et elle est partagée par tous les membres de l’Eglise. La communion est source et fruit de la mission. En s’appuyant sur cet axe ecclésial, en même temps qu’il buvait à la source de ses origines, l’Institut a mieux identifié les traits qui définissent son identité charismatique et il s’est préparé pour partager charisme et mission dans la communion avec les autres lasalliens.

N

ous avons entendu appeler les religieux “experts en communion”, par Jean Paul II, et nous avons été invités à susciter la spiritualité de la communion (Vita consecrata, 46

et 51), afin qu’elle ne reste pas enfermée entre les murs de la communauté. Nous nous étions rendus experts en clôture et nous avons dû changer radicalement la manière de regarder la communauté pour pouvoir la vivre en fonction des autres chrétiens. Le premier pas a été de mettre en lumière ce qui n’aurait jamais dû être obscurci : « Les Frères vivent le « commandement nouveau » de la charité comme axe central de leur vie et premier engagement de leur consécration religieuse » (R.46.2).

C

’est un dynamisme qui crée fraternité, une fraternité pour la mission, c’est cela l’association lasallienne et elle aspire à s’étendre : « Les Frères cherchent à partager lar-

gement la fraternité qu’ils cultivent dans leur communauté. Celle-ci, maison et école de communion, est ouverte activement aux autres et avec générosité… » (R 52), et parmi ces autres, on cite premièrement ceux avec qui ils partagent la mission. Avec eux, « en esprit d’association », la communauté des Frères « contribue au climat fraternel qui, dans le respect mutuel et la liberté, vise à susciter une communauté de foi au sein de la communauté éducative » (R 54.2).

Fraternité lasallienne de Frères et Lasalliens : un avenir d’espérance

L

’avenir reste ouvert à des possibilités qui n’étaient pas envisageables 50 ans plus tôt. Chez les Frères, a augmenté la conscience du charisme de fondation comme source et

dynamisme de l’identité lasallienne. En même temps, nous avons découvert qu’il ne s’agit pas d’une appartenance exclusive, mais que « le charisme lasallien est un don pour l’Eglise et pour le monde » (R 54.4). En lui participent d’autres lasalliens, pas seulement les Frères.

49


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Et suivant un signe des temps qui s’ouvre un passage

les réalités de ce type que nous pouvons rencontrer

dans toute l’Eglise avec l’expansion des charismes de

aujourd’hui dans le monde lasallien :

fondation dans les Familles respectives, notre Famille ͂​͂ Communautés de Frères partageant réguliè-

lasallienne aussi prend forme.

rement leur vie avec des Laïcs qui participent à

E

t nous nous trouvons à l’aise dans cette invita-

certains aspects de la vie interne ou avec des vo-

tion, qui est critère d’actualisation, du récent

lontaires laïcs qui s’insèrent totalement à la com-

document du Vatican Identité et Mission du Religieux

munauté pendant un temps déterminé.

Frère dans l’Eglise (2015): « Dans la famille charismatique, les religieux frères se situent près des autres

͂​͂ Communautés de Laïcs lasalliens, les unes avec

chrétiens et en fonction d’eux. Avec eux, ils sont frères

des moments de rencontre communautaire de pé-

qui construisent une fraternité pour la mission, ani-

riodicité diverse ; les autres même avec vie en com-

mée par le charisme du fondateur ; pour eux, ils sont

mun sous le même toit, avec un rythme quotidien

des signes de cette même fraternité qu’ils sont appe-

de prière communautaire et un haut niveau de

lés à vivre dans la vie consacrée » (n° 38).

communication et de partage de biens.

L

a communauté des Frères s’ouvre de manières

͂​͂ Communautés mixtes, formées de Frères et de

diverses pour “exporter” et développer la com-

Laïcs, mariés et/ou célibataires, unis par le même

munion avec les autres Lasalliens. Le charisme, tou-

charisme lasallien, avec des structures commu-

jours créatif, suscite de nouvelles formes de commu-

nautaires qui respectent la particularité de chaque

nautés lasalliennes : « Attentif aux motions de l’Esprit

élément et qui, en même temps, permettent de par-

Saint, l’Institut est ouvert à de nouvelles formes de vie

tager la richesse des identités différentes, de Reli-

communautaire » (R 54.4). C’est ainsi que croît et se

gieux et Laïcs.

développe l’association pour le service éducatif des pauvres et la mission en bénéficie. Il se peut que ce soit un des fruits les plus précieux qui se produisent dans le champ lasallien : Les nouvelles communautés qui aujourd’hui réunissent Laïcs et Frères dans le service de la mission. La communauté apparaît comme la caractéristique plus décisive et prophétique du charisme lasallien : la communauté comme réponse à la mission d’éduquer les pauvres. Il ne s’agit

L

e District, comme lieu de reconnaissance des nouvelles formes de vie lasallienne, devra s’adap-

ter et trouver les structures appropriées pour faciliter la communion de cette diversité de communautés.

L

a nouvelle voie est en train d’être tracée, mais elle n’avancera pas sans le rôle proactif des Frères

dans la gestation des nouvelles communautés lasal-

pas d’un type déterminé de communauté, mais d’un

liennes. L’urgence et la demande transmise par ce

dynamisme qui crée des liens entre les personnes et

texte d’un laïc de la RELAL, dans le Bulletin 254 («

promeut la structuration en diverses formes de com-

Histoires d’Espérance »).5.A, révèle très bien le sen-

munauté selon la culture, les processus personnels,

timent de beaucoup d’autres qui ont été gagnés par le

les identités et selon les invitations que l’Esprit nous

charisme de La Salle : « Comme communauté, nous

propose. La variété est grande, nombreuses sont déjà

devons vivre la fraternité, nous appuyer dans la foi,

50


Signum Fidei

nous rendre ‘croyables’, pour donner espérance, pour

sabilité comme cœur et mémoire est de découvrir

faire présente la voix de Jésus dans nos écoles, pour

la soif de rencontre et de sens de beaucoup de nos

rendre proche l’amour de Dieu à tant d’enfants qui

jeunes. Et c’est chercher des espaces pour le dia-

souffrent dans nos institutions … Frères, permet-

logue profond, pour la communication personnelle,

tez-nous d’être vos collaborateurs, de former de vé-

pour le sens, avec nos compagnons éducateurs qui

ritables communautés d’amour, d’appui ; les termes

vivent ce besoin ».

ou les dénominations importent peu, confiez en nous, puisque nous voulons aussi apporter notre charisme pour enrichir cette œuvre de l’Eglise ».

P

“L

a communauté sait que la mission est toujours à découvrir ». Cette affirmation que le

39e Chapitre général laissait inscrite dans la Règle

lus que de simples “collaborateurs”: ceux qui

de 1967 (ch 3, g) a été maintenue dans le texte de 2015

entrent dans cette dynamique communautaire

(R 54). C’est un germe de vie que la communauté

finissent par assumer la responsabilité d’être des

porte en elle : il la maintient ouverte à l’Esprit. C’est

médiateurs du charisme lasallien. C’est l’expé-

le défi qui pousse les Frères et les Lasalliens dans

rience d’une communauté de laïcs du District AR-

leur ensemble, à marcher vers un avenir, en regar-

LEP : « Etre cœur et mémoire de Jean Baptiste de La

dant surtout la mission vivante, non les structures

Salle n’est pas un rêve personnel mais nous ouvre à

héritées. Et cette mission veut aujourd’hui être vécue

une identité commune et partagée avec beaucoup

et partagée dans la communion de tous ceux qui se

d’autres éducateurs, Laïcs et Frères. Notre respon-

reconnaissent unis dans le charisme lasallien.

51


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Le caractère laïc de l’institut

CARMELITA I. QUEBENGCO DISTRICT LASALLIEN D’ASIE ORIENTALE (LEAD)

Si l’Eglise met l’accent sur son caractère communautaire, c’est qu’elle se présente comme le Peuple de Dieu. A ce titre, elle se déclare sacrement de la présence de Dieu au milieu des hommes et enseigne la primauté du témoignage dans l’apostolat. C’est pourquoi elle se définit dans sa nature comme missionnaire, donne la priorité à ceux qui sont loin et affirme que l’inquiétude du salut du monde est une exigence du baptême. Toutefois, l’invitation au rayonnement qu’elle adresse à ses membres reconnaît, en respectant la diversité de leurs charismes, que l’Esprit habite en chacun.

Déclaration 10,2

52


Signum Fidei

L

a Déclaration, pour sa part, traduit ce renouveau

Introduction

ou cette « mise à jour » dans l’Institut comme

quelque chose qui « doit être une redécouverte continuelle dans le présent du principe dynamique, du cha-

E

n 1969, quand j’ai commencé à travailler avec les

risme qui a donné naissance à l’Institut à son origine »

Frères de La Salle aux Philippines, je ne savais

(Campos, M. et al., 2014). Cette origine, comme nous le

pas vraiment ce qu’étaient les programmes formels

savons, nous fait remonter à saint Jean-Baptiste de La

de formation lasallienne. J’ai appris l’histoire lasal-

Salle, un prêtre qui a fondé une congrégation de reli-

lienne soit dans des partages avec des Frères soit par

gieux hommes exclusivement laïcs (Frères non prêtres)

des conférences, et j’ai appris les manières d’être la-

pour servir les écoles chrétiennes pour la jeunesse

salliennes par imitation. C’était l’époque où Vatican II

pauvre. Pendant toute la vie de saint La Salle, les Frères

appelait à un grand renouveau à travers toute l’Eglise

ont fait vœu d’association et de stabilité entre eux, et

et je ne me doutais guère que le 39e Chapitre général,

n’ont fait les vœux évangéliques de pauvreté, chasteté

en 1966-1967, était la façon dont l’Institut répondait

et obéissance que bien plus tard, à la suite de la Bulle

à cet appel. Je me suis rendu compte plus tard que le

d’approbation. En accord avec cela, le 39e Chapitre

39e Chapitre général est un évènement majeur dans

général déclare que « le caractère laïc de l’Institut, a

l’histoire de l’Institut et que le principal document qui

été voulu par le Fondateur » et a identifié des raisons

en est issu, la Déclaration, est un document significa-

spécifiques d’affirmer le caractère laïc de l’Institut, y

tif qui contient les principales propositions pour un

compris la Bulle d’approbation mentionnée ci-dessus.

renouveau institutionnel.

Déclaration sur le Frère dans le monde d’aujourd’hui

C

ette année, alors que nous commémorons le 50e anniversaire du 39e Chapitre général, je reviens

à la Déclaration pour réfléchir au caractère laïc de l’Institut, à son développement, sa croissance et ses perspectives d’avenir.

Mise à jour

L

e 1er juin 1966, une écrasante majorité des Capitulants du Chapitre général a voté pour et affirmé

L

e Second Concile du Vatican a utilisé « aggiornamento » comme un de ses mots-clés. C’est un mot

italien qui signifie « mise à jour » et qui implique le renouveau et la pertinence. C’est dans le cadre de cette idée directrice que les décrets de Vatican II ont premièrement appelé l’Eglise à changer de paradigmes :

le caractère laïc de l’Institut et a voulu qu’il demeure ainsi. Il a aussi affirmé d’autres principes fondateurs de l’Institut et les a expliqués dans la Déclaration.

L

’apostolat des Frères de La Salle, tel qu’il est issu du Fondateur, est le service des pauvres dans

͂​͂D’un état de perfection au Peuple de Dieu ;

l’éducation, pas nécessairement seulement au moyen

͂​͂De « au dessus » à « aux côtés » du Peuple de Dieu ;

d’écoles formelles. Les Frères sont encouragés à être

͂​͂De la séparation du monde à la présence dans le monde.

créatifs et innovants dans leur approche de l’éduca-

53


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

tion, selon ce qui est approprié aux besoins nouveaux

temps pour travailler du fait que cela constitue leur

et réels du monde, spécialement de la jeunesse mar-

première et principale préoccupation.

ginalisée. Le F. Michel Sauvage (Campos, M. et al., 2014) déclare que « l’objectif le plus énergique du renouveau est de convertir l’Institut au service des pauvres… la visée éducative de l’Institut doit s’étendre sans avoir

L

es professeurs laïcs, pour leur part, sont décrits par la Déclaration comme « … une communau-

té éducatrice dont la richesse est faite de la diversi-

peur des activités non-scolaires ». La Déclaration

té et de l’unité de ses membres. C’est pourquoi les

dit de même avec insistance que pour être efficace,

Frères sont heureux de collaborer avec des laïcs qui

l’éducation des pauvres doit être envisagée dans des

fournissent à la communauté éducatrice l’apport ir-

termes plus larges de manière à englober l’attaque

remplaçable de leur connaissance du monde, de leur

des racines de la pauvreté dans les domaines écono-

expérience familiale, civique, syndicale » (Déclara-

mique, social, politique et global. Nécessairement,

tion 46, 3) (Salm, L. 1994). A cet égard, le F. Herman

cela inclut aussi de dénoncer catégoriquement toutes

Lombaerts (2014) pose ces questions très pertinentes

les politiques, les programmes, les activités et les pra-

et prophétiques : « Serait-il inconcevable qu’une per-

tiques qui s’opposent à la justice sociale, et de travail-

sonne laïque séculière soit porteuse du même cha-

ler sérieusement à une transformation de la société

risme lasallien mais d’une manière différente ? Se-

pour faire advenir la liberté, l’égalité et la justice,

rait-il possible qu’émerge parmi ces gens-là un autre

spécialement pour les pauvres. Les éducateurs Lasal-

modèle de médiateur de l’Evangile avec une identité

liens, Frères ou professeurs laïcs, doivent développer

différente, qui soit marié et parent ? » A la question

chez leurs élèves une orientation vers cette perspec-

de savoir ce qui alors différencie le rôle des Frères de

tive en pensée, en paroles et en actes.

celui de leurs collègues laïcs lasalliens engagés, le 39e Chapitre général spécifie le premier comme « le cœur,

Frères et Partenaires laïcs

la mémoire et les garants de la mission partagée, … garants de son caractère lasallien » (Meister, M. 1994). La Déclaration a exigé des Frères un changement de perspective relativement à leur rôle dans le monde, à

«L

a figure du Frère oriente vers l’apparte-

la conduite de la Mission lasallienne et à l’établisse-

nance au Peuple de Dieu dans son sens fon-

ment d’un partenariat professionnel et fraternel avec

damental, non son sens hiérarchique, comme dans «

des Laïcs hommes et femmes dans l’équipe de leurs

Vous êtes tous frères » (Mattieu 28,3) (Botana, A.2011).

œuvres.

Ceci rend plus efficace le fait de travailler étroitement et collégialement avec des Partenaires laïcs, du fait que cela facilite la conduite commune d’une œuvre. Qu’ils soient appelés Frères (image des enfants de

L

es premières années après la Déclaration se sont passées surtout à essayer de comprendre com-

plètement la vision qu’elle propage, et plus important

mêmes parents) plutôt que Pères (image masculine

encore, comment chaque District et Région doit lire

du parent) rend le développement de relations frater-

les signes des temps, quels sont les plans appropriés

nelles plus facile et plus naturel à mettre en œuvre.

en réponse aux nouveaux besoins, et quelle est la

Les Frères sont aussi plus accessibles, ils ont plus de

meilleure manière de la mettre en œuvre.

54


Signum Fidei

Famille Lasallienne

D

epuis la sortie de la Déclaration, la diversité et les besoins des œuvres des Frères se sont accrus. Il est devenu manifeste que les

Frères auraient besoin de l’aide de Partenaires laïcs hommes et femmes qui croient en la Mission lasallienne et la partagent avec la même énergie et le même dévouement. Cela implique la nécessité de créer de nouvelles structures, des politiques appropriées, et des programmes de formation lasallienne pour que les Frères tout comme les éducateurs laïcs soient capables de collaborer efficacement à relever les nouveaux défis posés par la Mission.

P

endant le 40e Chapitre général de 1976, a été mis en lumière le concept de Famille lasallienne. L’article 45 de ses propositions déclare : « Des

personnes individuelles ou des groupes de personnes peuvent être as-

sociés à l’activité apostolique et à la vie de prière des Frères sans qu’ils partagent complètement leur vie de communauté » (Salm, L. 1994). Cette déclaration implique d’être comme des frères et sœurs dans une grande famille où on partage substantiellement la Mission tout en conservant la différence d’identité entre les Frères et les personnes laïques.

L

e F. José Pablo Basterrechea, dans sa Lettre aux Frères comme Supérieur général, a insisté qu’il était nécessaire d’intégrer pleinement

les éducateurs laïcs dans les œuvres lasalliennes, et qu’il était sage de leur proposer des programmes de formation lasallienne pour les aider à approfondir leur spiritualité lasallienne. Après la Déclaration, les Frères ont répondu à cet appel en instituant des programmes de formation, parmi lesquels la Christian Brothers Conference, l’Institut de Leadership lasallien, l’Institut Buttimer, l’Atelier Huether, plusieurs programmes du Centre International lasallien de Rome, les Ateliers de Leadership de l’Association Internationale des Universités lasalliennes, et diverses Assemblées de la Mission dans les différents Districts et Régions. Les Visiteurs, au cours de leur Rencontre intercapitulaire de 1981, ont été dans le même sens en ajoutant qu’il fallait donner aux éducateurs laïcs des positions de leadership dans la conduite de la Mission lasallienne.

55

Le F. José Pablo Basterrechea, dans sa Lettre aux Frères comme Supérieur général, a insisté qu’il était nécessaire d’intégrer pleinement les éducateurs laïcs dans les œuvres Lasalliennes, et qu’il était sage de leur proposer des programmes de formation Lasallienne pour les aider à approfondir leur spiritualité Lasallienne.


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Mission partagée

d’assemblées participatives comme les Assemblées Internationales de 2006 et 2013, ainsi que les Assemblées

A

la suite du concept de la Famille lasallienne, le 41e

pour la Mission dans les Régions et les Districts, ont visé

Chapitre général de 1986 a développé le paradigme

à trouver des structures de communication appropriées

de la Mission partagée, une idée considérée alors comme

et viables, donnant et aux Frères et aux Partenaires le

« radicale », surtout à cause de l’égalité qu’elle implique

pouvoir de s’exprimer et de décider pour identifier les

entre Frères et éducateurs laïcs dans la conduite de la

priorités de la Mission, et pour développer ou harmo-

Mission, chacun des deux ayant à apprendre de l’autre,

niser les politiques et programmes pertinents en cours

plutôt que les Frères enseignant et guidant leurs Parte-

d’exécution aux différents niveaux de l’Institut. Pour

naires laïcs. En 1987, l’expression Mission partagée était

la même raison, les Conseils pour la Mission dans les

utilisée dans un document officiel. L’année suivante, le

Districts ont pour objectif d’engager régulièrement et

F. John Johnston, alors Supérieur général, fabriquait le

substantiellement les Partenaires laïcs au niveau local.

terme Ecoles lasalliennes (plutôt que Ecoles des Frères)

Tout cela implique que les Partenaires lasalliens oc-

comme « le terme plus approprié puisqu’elles seraient

cupent « une place égale et complémentaire à celle des

définies par la vision de La Salle, une vision partagée

Frères dans l’exécution de la Mission » (Salm, L. 1992),

par bien des sortes différentes de gens dans leur per-

dont le cœur est l’inspiration du Fondateur et l’engage-

sonnel… ; une articulation de nouveaux rôles pour les

ment pour la Mission. Parmi les Partenaires lasalliens,

lasalliens laïcs et les Frères était nécessaire pour rendre

certains ont été formellement affiliés à l’Institut parce

possible ce renouveau » (Salm, L. 1994).Il y a eu des

qu’ils ont atteint une forme plus profonde de partenariat

Frères qui ont insisté pour que ce nouveau partage de la

et que leur vie est clairement marquée par des caracté-

Mission soit un rapport d’apprentissage mutuel de l’un à

ristiques lasalliennes telles que le service des pauvres et

l’autre et non un droit sur la direction des laïcs dans la

les relations fraternelles.

conduite de la Mission.

D

’autres occasions de formation lasallienne pour

L

e Chapitre général de 1993 a été historique car pour la première fois, des éducateurs laïcs ont été invités

les Frères et les Partenaires laïcs, leaders et ensei-

gnants, sont apparues. « Les statistiques de 2004 à 2011

comme Consultants. Cela a été l’occasion de partager

montrent un engagement éducatif réel au service des

leurs pensées et de fournir des informations à propos

jeunes en situation de précarité et de pauvreté. Un plus

de problèmes et de préoccupations soulevés au sujet de

grand nombre d’universités ont aussi contribué à une

la Mission. C’est aussi la première fois qu’ils ont été ap-

étude ouverte sur l’éducation en tenant cinq colloques

pelés Partenaires lasalliens, définis comme « ceux qui

internationaux qui ont analysé quatre aspects impor-

partagent la Mission des Frères dans ses multiples as-

tants du nouvel environnement éducatif dans le monde

pects éducatif, catéchétique, apostolique et profession-

: la globalisation, la famille, les mégapoles, et les NTIC

nel … et qui permettent au travail des écoles de s’accom-

(Nouvelles Technologies de l’Information et de la Com-

plir » (Salm, L. 1992). Cette initiative, et d’autres types

munication » (Capelle, N. 2013).

56


Signum Fidei

L

E

aux garçons. Dans toutes les Régions et dans la plupart

sont des Frères, et 89 716, soit 98%, sont des partenaires

des Districts, on est passé des écoles des Frères aux

Laïcs, dont la plupart sont des femmes. Si on ne voit de

écoles lasalliennes, dans lesquelles l’engagement des

l’Institut que les Frères eux-mêmes, on est tenté de pen-

Partenaires lasalliens à la Mission lasallienne est plus

ser que l’Institut est en diminution ; mais si on consi-

marqué. Il y a aussi beaucoup d’œuvres qui ne sont pas

dère l’Institut à travers la viabilité et la vitalité dans la

simplement des écoles formelles. A partir d’une étude

conduite de sa Mission, on peut dire en toute confiance,

récente de quelques Frères dans différentes Régions

que non seulement il est resté vraiment pertinent et

lasalliennes, il est clair qu’il y a de nouvelles œuvres

vigoureux, mais qu’il a beaucoup grandi en créativité,

mettant une énergie nouvelle et plus forte à servir les

si l’on considère le nombre croissant et la variété des

pauvres, et abordant avec plus de créativité la réponse

œuvres en cours de création dans le monde.

a coéducation des garçons et des filles a progressé dans les œuvres lasalliennes, alors que les écoles

des Frères ont longtemps été destinées exclusivement

aux nouveaux besoins. Là où il y avait un gouvernement centralisé, on trouve plus d’autonomie et de responsabilité accordées aux niveaux locaux.

n 2016, il y avait 976 écoles lasalliennes au service de près d’1 million d’élèves, avec un corps enseignant

total de 92 160 personnes, dont 1 849, soit environ 2%,

D

57

e même, plusieurs années après la Déclaration, la diversité des œuvres Lasalliennes a augmenté.


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Le F. John Johnston (publié en Axis l’année 2012) décrit ainsi les œuvres Lasalliennes renouvelées : ͂​͂ Des programmes pour les illettrés, les enfants de la rue, les orphelins, les migrants, les gens du voyage, les handicapés physiques et mentaux, les jeunes avec déficience d’apprentissage, et les jeunes ayant des problèmes de comportement ; ͂​͂ Des centres de pastorale, des centres sportifs, et d’autres formes d’activité récréative et sociale ; ͂​͂ Des programmes pour les tout jeunes, les enfants, les adolescents, les jeunes adultes, les adultes avancés en âge ; les gens divers par la culture, la race, l’origine et la langue... les Catholiques mais aussi les Orthodoxes, les Protestants, les Juifs, les Musulmans, les Bouddhistes, les Hindous, les Shintoïstes, les Confucianistes, les fidèles des religions traditionnelles et les gens sans religion ; ͂​͂ Présentes dans des pays développés, moyennement développés, et extrêmement pauvres ; ͂​͂ Jouissant de la paix, mais aussi ravagés par la division, la violence et la guerre ; ͂​͂ Faisant face aux réalités politiques : dans certains pays favorables à la Mission Lasallienne, et dans d’autres qui lui sont totalement opposés ; ͂​͂ Fonctionnant comme œuvres Lasalliennes, mais sans aucun Frère ; ͂​͂ Ecoles des Frères ayant maintenant évolué en écoles Lasalliennes.

I

l est évident que la Déclaration a développé dans l’Institut qui est d’un caractère exclusivement laïc, une spiritualité plus forte, plus évangé-

lique, plus ouverte aux idées nouvelles et au monde, plus observatrice et soucieuse des personnes que des structures et minuties administratives. Le processus et l’issue de ce renouveau peut vraiment être considéré comme un modèle vivant de la manière dont une congrégation religieuse exclusivement laïque a relevé dans les faits le défi de renouveau lancé par Vatican II. Ce qui mérite surtout d’être remarqué, c’est comment les Frères des Ecoles chrétiennes ont réussi à inspirer et engager leurs Partenaires laïcs à partager substantiellement la Mission lasallienne et leur Charisme jusqu’à en faire leur bien propre. « Dans le développement de l’association avec des hommes et des femmes qui cheminent avec eux et se reconnaissent aujourd’hui comme fils et filles de Saint Jean-Baptiste de La Salle, ils voient un signe des temps qui les remplit d’espérance » (Règle des Frères des Ecoles chrétiennes, 2015, N° 157).des Frères des Ecoles chrétiennes, 2015, N° 157).

58

L’Institut peut être l’un des leaders organisationnels mondiaux dans l’éducation des pauvres.


Signum Fidei

Défi permanent pour l’Institut

priorités gouvernementales profitent avant tout au secteur pauvre. S’impliquer de plus en plus dans ces plaidoyers peut être considéré par certains comme « politique », mais ça ne devrait pas vraiment être un problème si on reste non-partisan, en ce sens qu’on

C

inquante ans après la Déclaration, la pauvreté

ne soutient pas des candidats politiques, des leaders

est devenue encore plus visible dans un monde

ou des partis politiques.

où l’inégalité sociale s’élargit, l’environnement continue à être dégradé, l’individualisme et la sécularisation se renforcent, et les pauvres sont vulnérables, surtout dans les pays déchirés par la guerre et dans

R

enforcer les réseaux, travailler en étroite collaboration, adopter des actions communes avec

d’autres organisations nationales, régionales et in-

les pays plus développés où ils cherchent refuge. Ces

ternationales ayant les mêmes convictions, comme le

conditions présentent un défi permanent à l’apostolat

font certaines ONGs, peut être une option méritant

de l’Institut tout en révélant en même temps la perti-

d’être explorée. Les Universités lasalliennes faisant

nence permanente de la Mission lasallienne à travers

de la recherche sur les politiques de développement et

le monde.

les programmes d’allègement de la pauvreté peuvent

S

aussi travailler avec les gouvernements locaux et elon un rapport de la Banque mondiale de 2015, il

nationaux dont c’est la responsabilité d’être au ser-

y aura un déclin de la pauvreté, mais il se produi-

vice des pauvres. Les résultats peuvent également

ra lentement, et l’éradication de la pauvreté en tant

servir d’entrées dans des programmes d’orientation

que but restera un objectif très ambitieux. Atteindre

et de formation pour les nouveaux leaders des gou-

ce but global dépendra d’une combinaison très com-

vernements locaux et nationaux dans les branches

plexe de consommation, de tendances et processus,

législative et exécutive du gouvernement. Il existe

de résilience, de progrès, de stabilité, et par-dessus

des organisations internationales et régionales qui

tout, d’un accès aux opportunités accordé plus déli-

commandent et financent des actions de recherche

bérément aux pauvres tant au niveau local qu’au ni-

universitaire dans le but de mettre en œuvre les ré-

veau national. Combattre la pauvreté et l’inégalité

sultats des études dans des localités éloignées et dé-

devrait être une partie intégrante de la mission, de la

favorisées, où une grande partie de la population est

vision, des politiques de chaque œuvre lasallienne. Et

pauvre. De même les innovations éducatives peuvent

cela devrait se traduire en vigoureux plaidoyers dans

être créées et testées dans différents pays, affinées

toutes les écoles et programmes éducatifs lasalliens.

pour devenir plus efficaces et ensuite proposées à des

D

agences de financement pour soutenir leur mise en ans les universités lasalliennes, la recherche peut se concentrer sur les politiques et les pro-

grammes plus innovants, attaquant le statu quo et plaidant pour que les changements structuraux aussi bien que les changements dans les politiques et

œuvre dans les pays moins développés.

L

’Institut peut être l’un des leaders organisationnels mondiaux dans l’éducation des pauvres. Il

y a actuellement 71 universités lasalliennes de par le

59


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

monde. Elles ont certainement beaucoup de professionnels compétents dans différentes disciplines, y compris le domaine de l’éducation. L’Institut a déjà

I

ncarner cela dans la conduite de la Mission lasallienne a toujours soulevé une multitude de ques-

tions : comment cela se traduit-il en termes plus

organisé une série d’assemblées et de colloques inter-

spécifiques et réalistes ? Comment faudrait-il re-

nationaux sur l’éducation et les domaines connexes,

nouveler les programmes de formation pour qu’ils

mais la participation a été surtout faite de lasal-

développent plus efficacement chez les lasalliens,

liens. On peut faire la même chose en commun avec

Frères et Partenaires laïcs, un sens plus fort du cha-

d’autres réseaux et organisations internationales qui

risme partagé ? Quelles « structures de communion »

cherchent également à couvrir, par exemple, les pro-

faudrait-il mettre en place pour parvenir à instau-

blèmes et soucis urgents en éducation, les approches

rer durablement à travers tout l’Institut le partage

pédagogiques alternatives, l’éducation à distance, et

du charisme lasallien ? Quelles nouvelles politiques

l’efficacité du rapport enseignement-apprentissage

faudrait-il définir et mettre en œuvre pour nourrir

dans les écoles pour les pauvres. De tels colloques ou

sa durabilité ? A ces questions s’ajoute l’expérience

conférences collaboratifs ont plus d’impact sur les

vécue en évolution par les Frères et les Partenaires

éducateurs et peuvent exercer une influence plus si-

laïcs dans la conduite de leurs œuvres : de nos ré-

gnificative sur les décideurs de l’éducation nationale

ponses dépendra l’avenir de la mission lasallienne.

et d’autres organisations pertinentes qui fournissent des services bénéficiant directement aux pauvres.

I

l y a aussi quelques propositions issues de la Déclara-

D

ans ce partage, est-ce que le rôle des Frères restera comme « le cœur, la mémoire et le garant

de la Mission lasallienne » ? L’article 157 de La Règle

tion qui peuvent être mieux clarifiées, renforcées et

des Frères (2015) y répond : « Les Frères se sentent in-

rénovées. Depuis les années 80, la Mission lasallienne

vestis d’une responsabilité particulière dans le par-

est officiellement considérée comme une mission par-

tage » de leur héritage pédagogique et spirituel avec

tagée entre les Frères et les Partenaires laïcs. En tant

tous ceux avec qui ils travaillent. A travers ce partage

que concept général, ceci est compris par tous et mis

ils reçoivent les appels que l’Esprit leur adresse pour

en pratique à un degré significatif dans la collégialité et

être Frères aujourd’hui :

les relations fraternelles dans la conduite de la Mission. Ses implications plus fines et plus spécifiques incluent

͂​͂L’appel à être frères avec eux et à vivre la fraternité

cependant aussi maintenant le partage du charisme la-

et à vivre la fraternité comme signe pour tous les

sallien comme l’énonce l’Article 19 de la Règle des Frères

éducateurs Lasalliens ;

(2015) : « Les Frères partagent joyeusement la même

͂​͂L’appel à être pour eux et avec eux des médiateurs

Mission … avec ceux des Laïcs qui se reconnaissent dans

de la lumière par laquelle Dieu « a éclairé lui-même

le charisme lasallien. Ensemble, ils assurent la vitali-

les cœurs de ceux qu’il a destinés pour annoncer sa

té de ce charisme en suscitant ou en développant des

Parole aux enfants » ;

structures d’animation, de formation et de recherche,

͂​͂L’appel à être parmi eux et avec eux cœur, mémoire

où chacun peut approfondir sa compréhension de sa vocation propre et de la Mission lasallienne ».

60

et garant du charisme Lasallien ».


Signum Fidei

A

lors est-ce que cela veut dire que, étant donné

à des questions souvent posées par des lasalliens,

que la Mission est déjà partagée, lorsque le cha-

comme : « Peut-on imaginer une école lasallienne sans

risme lasallien sera lui aussi effectivement partagé

Frères ? » « Qu’est-ce qui arrivera à la Mission lasal-

et vécu par les Partenaires laïcs, eux aussi devien-

lienne dans les Districts où il n’y a plus de Frères ? »

dront garants de la Mission et du charisme lasalliens ?

Certes dans certains cas, on constate le succès d’un

Le F. Antonio Botana répond : « Ce groupe de per-

authentique partage de la Mission et du charisme

sonnes et de communautés forme un noyau que nous

lasalliens, mais ce n’est pas aussi répandu qu’on le

pouvons définir comme cœur, mémoire et garant du

souhaiterait. Le défi demeure de promouvoir et d’in-

charisme fondateur dans la famille. Sans ce noyau,

carner ceci à travers tout l’Institut, et de partager

qui n’est pas réservé aux religieux, la famille cha-

les meilleures pratiques avec les autres pour qu’elles

rismatique ne pourrait pas survivre ». Cela répond

puissent être adaptées là où cela conviendra.

61


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

De l’avenir de l’Institut et de la Mission Lasallienne

D

ans une récente enquête de Frères leaders des différentes régions, les scénarios préférés sont

les suivants :

Q

uel est l’avenir de l’Institut ? Bien que personne ne

͂​͂ Transmettre les écoles aux Partenaires laïcs déjà

puisse le prédire, il y a des tendances qui laissent

impliqués, qui sont formés comme lasalliens, qui ont

prévoir de possibles directions générales. Par exemple,

fait preuve de leur engagement, et vivent le Charisme.

en même temps que la Mission lasallienne continue de

͂​͂ Transmettre les écoles aux Diocèses dont elles

croître dans différentes parties du monde conjointe-

font partie, ou à une association lasallienne comme

ment avec une augmentation marquée du nombre de

les Signum Fidei, ou à un groupe d’anciens élèves dis-

Partenaires laïcs qui s’engagent envers la Mission la-

posés à prendre la succession.

sallienne, on observe une tendance déclinante dans le

͂​͂ Transmettre les écoles à une fondation catholique.

nombre des Frères. Le résultat est le nombre de plus en

͂​͂ L’Institut établit une nouvelle Fondation lasal-

plus grand de Partenaires laïcs prenant la succession

lienne avec un Fonds fiduciaire. Les plus compétents

des postes de commandement dans les œuvres précé-

des Partenaires laïcs et quelques Frères peuvent

demment dirigées par des Frères.

constituer son Conseil d’administration, qui assurera la continuité et la durabilité de la Mission lasallienne

D

ans différentes Régions lasalliennes, il y a aussi des œuvres où il n’y a plus aucun Frère et tenues

uniquement par des Partenaires laïcs. Dans de telles situations, le caractère lasallien de l’œuvre demeure, par le lien maintenu avec un District lasallien, la for-

dans le monde.

Q

u’il y ait à l’avenir un nombre de Frères plus grand ou moins grand, la Mission lasallienne continuera à

être pertinente, en particulier en réponse au défi de l’éra-

mation lasallienne de ses leaders et du personnel, et

dication de la pauvreté. Les Frères avec leurs Partenaires

l’animation de Frères qui siègent au Conseil d’admi-

laïcs qui partagent substantiellement la mission et l’esprit

nistration. Dans certains pays, la spécification de cri-

de l’Institut et leurs œuvres, peuvent certainement rele-

tères ou indicateurs de la « Lasallianité » d’une école

ver ce défi en rendant une éducation de qualité accessible,

se fait de façon consultative, et les Partenaires laïcs

spécialement aux pauvres, et en commun avec des organi-

responsables l’assimilent et la mettent en œuvre dans

sations compétentes, nationales, régionales et internatio-

la conduite de la Mission lasallienne. Il est possible que

nales, peuvent devenir un leader mondial en éducation au

ce type de situation se répande dans l’Institut. Quelles

développement et très certainement un défenseur résolu

sont les manières possibles de gérer cette situation ?

de la justice sociale.

62


Signum Fidei

Un tresor necessaire FRÈRE. BRUNO ALPAGO, FSC DISTRICT D’ARGENTINA-PARAGUAY

Dans la communauté, les Frères se mettent ensemble à l’écoute de Dieu ; ils s’aident mutuellement à être attentifs aux appels que le Seigneur leur adresse par les multiples médiations des événements quotidiens ; ils s’interrogent sur la qualité de leur réponse et s’efforcent de remédier aux insuffisances.

Déclaration 20,5

63


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

ASCÈSE Retour au passé

vie cohérente avec ces réalités radicales. Et dans les cas particuliers, le Chapitre a chargé les Supérieurs des Régions et Districts de juger et de résoudre les problèmes du tabac, des liqueurs et des choses sem-

«I

l n’y aura aucune mortification corporelle qui

blables avec esprit de charité, et de façon à stimuler

soit de règle dans cet Institut ». En 1947, de

les Frères, spécialement les jeunes, à s’abstenir du

même qu’en 1718, ainsi commençait le chapitre V des

tabac et des liqueurs pour des motifs d’ascèse volon-

Règles Communes sur « Les exercices d’humilité et de

taire et de pauvreté religieuse. Ainsi, ce thème ponc-

mortification qui se pratiquent dans cet Institut ». On

tuel restait-il définitivement hors de la Règle.

maintenait, cependant, quelques jeûnes et abstinences

Mais l’ascèse continuait bien au-dedans.

ajoutés à ceux que demandait l’Église, l’exigence du si-

De nos jours

lence hors des récréations de règle (spécialement pendant « le silence rigoureux » nocturne et dans le Saint Tridium), outre toute la pratique ascétique exigée par la prudence et la charité dans la consécration, la vie

P

ar son étymologie, ascèse a une certaine relation avec sport. Celui-ci peut s’associer aux idées

d’entraînement et de discipline ; cette dernière inclut

communautaire et l’exercice de la mission.

quelques privations en vue du plaisir.

C

ertaines interdictions ponctuelles, non mentionnées dans les Règles du Gouvernement (1949,

version en espagnol) : jeu de cartes (XIX,93), liqueurs (III,5 ; XVIII,15) et, avec insistance, le tabac (I,14 ; V,9 ; XVIII,15 ; XIX,97) ; il incombait aux Directeurs et Vi11

siteurs la laborieuse responsabilité de les faire observer ; l’énergie qu’ils déployaient en cela et le résultat qu’ils obtenaient, n’étaient pas uniformes dans l’Institut. Dans de nombreux cas, de telles interdictions étaient devenues lettre morte.

E

ntraînement et discipline permettent des prestations qui, sans ces précautions, seraient inacces-

sibles. Dans ce sens, entraînement et discipline sont proprement libérateurs.

F

rères des Ecoles Chrétiennes, nous nous consacrons entièrement à Dieu pour procurer sa gloire

autant qu’il nous sera possible et qu’Il nous le demandera ; et pour cet effet, nous nous associons entre nous de manière permanente pour le service éducatif des pauvres, en quelque lieu que ce soit et en exerçant les

L

e 39e Chapitre général 1966-1967) s’occupa de ce

fonctions que le Corps de l’Institut ou ses Supérieurs

thème ; sa décision se trouve dans les Actes du

l’exigent de nous. C’est une consécration pour faire

39e Chapitre général, numéros 127-140. En général, la

plutôt que pour nous priver de. Etre fidèles à cet en-

configuration du Frère avec le Mystère Pascal de Jé-

gagement - que Dieu nous inspire, auquel nous nous

sus-Christ, sa participation dans l’Œuvre Salvatrice

sentons appelés par Lui - est essentiellement un don

du Seigneur, son incorporation à une Communauté

de Dieu ; l’accueillir avec gratitude et le faire fructifier

de consacrés, doivent être traduites dans un style de

exige de nous, parmi autres choses, entraînement et

1 Deux mentions de la prohibition du tabac dans Les Méditations : MD 76,3; MF 92,3.

discipline ; c’est-à-dire, ascèse.

64


Signum Fidei

N

ous pouvons aborder la Règle comme un guide particulièrement adapté à l’entraînement et à la

discipline requis pour « notre sport ».

E

L

es vœux, par lesquels nous exprimons notre consécration à Dieu, nous convoquent à l’en-

traînement et à la discipline.

lle l’est toute entière. Dans ses propres mots, “La Règle manifeste le charisme de l’Institut

et donne aux Frères le sens de leur vie pour au-

L

’obéissance évangélique, par exemple, est communion avec l’Esprit Saint. Cet Esprit

identifie progressivement la volonté des Frères

jourd’hui. Elle leur indique le chemin pour vivre

à celle de Jésus-Christ qui n’est pas venu pour

l’Evangile à la manière du Fondateur. Personnelle-

faire sa volonté mais celle de Celui qui l’a envoyé

ment et en communauté, les Frères étudient la Règle,

“pour qu’aucun de ces petits ne se perde” (art. 33).

la méditent et en assimilent les richesses et l’esprit.

L’obéissance paraît parfois difficile et peut s’oppo-

En y étant fidèles, c’est Jésus-Christ qu’ils suivent et

ser à de légitimes convictions personnelles. Après

qu’ils servent » (art. 158).

avoir exposé leur point de vue à la Communauté et aux Supérieurs, les Frères, s’ils ne trouvent pas

C

e qui va suivre, ce sont des échantillons de ce qui

avec eux la solution, acceptent, dans une attitude

nous est proposé (et que nous nous proposons).

de foi, la décision des Supérieurs (art. 34).

P

“Je me consacre entièrement à Vous…”

«P

our suivre Jésus-Christ et comme expression de notre don total à Dieu, nous nous engageons

à vivre la chasteté dans le célibat en communauté. Ce mystère de mort et résurrection, de sacrifice et fécondité, qui témoigne au monde ce que vaut une vie dans laquelle l’amour se met au service de tous,

ar un incessant effort de purifica-

est un don de l’Esprit Saint ; en même temps, il est

tion intérieure et de maîtrise de nous-

un engagement à vivre notre affectivité selon les

mêmes, nous nous employons, autant qu’il nous

valeurs de l’Evangile : en conséquence, nous nous

est possible, à accomplir toutes nos actions par la

efforçons de prendre en charge notre propre vie

conduite de Dieu, le mouvement de son Esprit et

affective, nous conduisant avec discernement et

avec l’intention de lui plaire » (art. 8).

discipline dans nos relations (art. 36 et 38).

N

P

otre consécration nous embarque dans un processus de conversion permanente qui

unifie et oriente notre vie (art. 56.2), qui n’est

our suivre Jésus-Christ, qui par amour s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté,

nous nous faisons pauvres et nous engageons ré-

qu’un itinéraire d’identification à Jésus-Christ, «

solument à aimer les pauvres et à lutter contre la

premier-né d’une multitude de frères » pour être

pauvreté. Travaillant avec eux et partageant leur

mémoire de son amour et poursuivre son minis-

condition, nous acceptons, avec joie, le risque de

tère de salut (art. 23).

perdre notre prestige social (art. 40 ;40,1 ; 40,3).

65


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

D

« Et pour cet effet, je promets et fais vœu de m’unir et de demeurer en société avec les Frères…”

N

ans les défis de la vie communautaire, nous lisons une invitation de l’Esprit Saint à croître

dans l’amour, la compréhension et le pardon (art. 71). Chacun donne priorité au projet commun sur son projet personnel et y subordonne ses propres intérêts (art. 33). Tous, nous nous considérons solidaires des décisions élaborées en communauté et validées par le Frère Directeur et chacun prend à cœur leur mise en application (art. 57,2).

ous savons que notre communauté est un signe prophétique mais fragile. Attentifs à l’usure

quotidienne et à l’affaiblissement qui peuvent l’affecter, nous veillons à sa rénovation constante (art. 48,1).

L

’unité de la communauté exige de nous un effort permanent de conversion ; appelés par Dieu à

vivre ensemble, nous nous compromettons à nous aider à croître dans la foi et la charité. (art. 71 ; 72).

La vie commune ne va pas sans ascèse. C’est pourquoi, nous nous acceptons et nous aimons les uns les autres, aussi bien dans nos différences que dans nos ressemblances; nous nous appliquons à être aimables envers tous et à n’être à la charge de personne (art 49,1)

“… pour tenir ensemble et par association les écoles au service des pauvres…”

L

a vie commune ne va pas sans ascèse. C’est pourquoi, nous nous acceptons et nous aimons les uns

les autres, aussi bien dans nos différences que dans nos ressemblances ; nous nous appliquons à être aimables envers tous et à n’être à la charge de personne (art 49,1) ; nous nous laissons interpeller les uns les autres ; nous partageons les souffrances et les joies, comme aussi nous partageons les temps de loisir et les divers services nécessaires à la vie en commun. Par cette présence active et par la délicatesse des uns envers les autres, nous assurons la cohésion de la communauté (art. 49).

E

t « en quelque lieu que je sois envoyé, et pour y faire ce à quoi je serai employé, soit par le

Corps de la Société, soit par ses Supérieurs » ajoutons-nous à l’émission de nos vœux.

66


Signum Fidei

C

eci nous conduit à des contextes sécularisés,

minution du rythme de notre activité, motivés par la

pluri-religieux et multiculturels avec lesquels

foi et le zèle, soutenus par notre communauté et par

nous efforçons d’entrer dans un dialogue respec-

les Supérieurs nous recherchons une forme adaptée

tueux. Cette attitude présuppose une ouverture et

de notre ministère, comme réponse à un nouvel ap-

une volonté d’écouter, d’apprendre, de témoigner des

pel de Dieu (art 18,3) ; cette forme adaptée peut n’être

valeurs de l’Evangile et, autant que possible, dire la

autre que l’acceptation patiente de nos souffrances

Parole de Dieu (art.14,1).

comme participation à celles du Christ (art 21 et 54.1).

N

E

otre mission se nourrit de la passion de Dieu pour les pauvres (art. 18). Ils – les économique-

ffort qui supère la tendance à l’abandon ; itinéraire, sûrement en montée ; conversion,

ment pauvres, les victimes de l’injustice sociale, les

s’opposant aux idées antérieures, aux jugements

délinquants et les exclus de la société – sont les pré-

de valeur, aux façons d’agir : ce sont quelques mots

férés de notre ministère d’éducation. Nous accordons

significatifs qui sont venus à notre rencontre. Ils

une attention spéciale à ceux de nos élèves ayant

évoquent quelque chose de coûteux, quelque chose

davantage de difficultés scolaires et de problèmes

comme un prix à payer pour une perle qui nous fas-

personnels ou souffrant d’inadaptation sociale ou

cine, pour laquelle nous sommes disposés à payer

familiale (art.29). A l’exemple de notre Fondateur,

ce prix et encore plus.

nous envisageons notre vie comme un itinéraire de

PRIERE Retour au passé

conversion affective, intellectuelle, morale et religieuse qui nous engage de plus en plus en faveur de la cause des pauvres (art. 29,2)

L

L

offrant même nos souffrances au service de ceux que

ment rappelée : « Les Frères … doivent aimer beau-

Dieu nous confie. C’est pourquoi, nous nous efforçons

coup le saint exercice de l’oraison et doivent le re-

d’améliorer constamment nos compétences – aux ni-

garder comme le premier et le principal de leurs

veaux professionnel et apostolique – , la qualité de

exercices journaliers… ». D’autres chapitres indiquent

nos relations, le témoignage de notre vie et la vigueur

des horaires détaillés et généreux : trois heures et de-

de notre foi (art. 21 ; 99).

mie sont consacrées à la prière, à l’oraison, à la Messe,

e zèle pour la gloire de Dieu nous presse à adopter l’attitude de Jésus-Christ serviteur, mettant

généreusement notre temps, nos talents, nos forces et

es Règles communes de 1718, chapitre IV, énuméraient les “Exercices de piété qui se pratiquent

dans l’Institut”. La première phrase serait constam-

à la lecture spirituelle et à l’examen de conscience ; le

C

’est pourquoi, dès les phases initiales de notre

temps pour les études religieuses prenait une bonne

formation comme disciples de La Salle, nous

heure. C’était le régime d’un jour ordinaire d’activi-

nous mesurons avec le service éducatif qui, ouvert à

té scolaire. L’édition de 1947 des mêmes Règles ne s’en

tous, donne la préférence aux pauvres (art.91.3 ;92). Et

écarte pas sensiblement, sauf dans la diminution du

quand l’âge ou les infirmités nous imposent une di-

temps obligatoire aux études religieuses.

67


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

L

L

culier, se fit plus proche de l’office des Complies.

e 39ème Chapitre Général recueillit les indications du Concile, comme on peut le voir dans les Actes du 39ème Chapitre Général, numéros 62-92 et dans les Constitutions, chapitre X. Parmi d’autres dispositions, il recommanda aux Chapitres de Région ou de District de décider quel livre d’Office devait être utilisé dans les juridictions respectives (Actes 85), et aux communautés de déterminer l’ordre des exercices communs de chaque jour selon l’énumération suivante : Laudes, oraison du matin, Messe, Vêpres et oraison du soir ; pour la prière en commun ou en privé, Sexte, les Complies ou les Litanies de la Très Sainte Vierge (Règles X,1). Et il indiqua une certaine durée : une demi-heure pour l’oraison du matin, une demi-heure pour l’oraison du soir avec les Vêpres ; deux heures par semaine ou une demi-heure chaque jour pour la lecture spirituelle (Règles X,2-4), en plus du Chapelet ou une autre pratique de dévotion mariale (Règle 5)

L

O

es prières vocales se composaient de textes communs à tous les fidèles (Pater Noster, Ave

Maria, Credo, Angelus, Veni Creator, consécration au Sacré Cœur, Rosaire…) et de textes propres à l’Institut. Occupaient une bonne place, les litanies de Très Sainte Vierge, de Saint Joseph, de la Passion. A certaines occasions, on récitait partie de l’Office Divin (des Défunts, du Saint Fondateur, …). De plus en plus, les Frères utilisaient les missels journaliers bilingues. Peu à peu, les mouvements de rénovation biblique, liturgique et catéchétique se faisaient sentir dans l’Institut.

L

e Chapitre Général de 1956 demanda que les prières vocales des Frères s’approchent davan-

tage de la liturgie de l’Eglise ; en conséquence, dès 1957, on introduisit certaines nouveautés dans les prières du matin et du soir. Cette dernière, en parti-

e Concile Vatican II donna un signal important quand il produisit, comme premier document,

la constitution sur la Sainte Liturgie

22

; Fidèle à la

n vit, en conséquence, des Districts et Régions adopter l’une ou l’autre forme de la Liturgie des

Heures en usage dans l’Eglise ; mais aussi, s’inspirant

tradition constante de l’Eglise, le Concile rappelait

en elle, naquirent de précieuses adaptations pour les

que les heures de Laudes et Vêpres, double pivot de

éducateurs chrétiens (par exemple, Alabemos al Señor

l’Office quotidien, devaient être considérées et célé-

(Louons le Seigneur), avec ses variés Suppléments, du

brées comme les heures principales (SC 889 a) ; et

District d’Argentine-Paraguay).

mentionnait les religieux, encore avec leurs offices propres, comme participants de la prière publique de l’Eglise (SC 98).

D

L

’Institut multiplia, dans ses différentes sollicitudes de responsabilité, les aides pour soutenir

la vie de prière des Frères. Comme souvenir emblé-

e son côté, le décret sur la Rénovation de la Vie

matique nous avons …le Symposium sur la prière et

Religieuse demandait de « réviser convenable-

l’Année de la prière. N’oubliez pas le 44e Chapitre gé-

ment… les livres… de prières… et de les adapter aux

néral qui dans son poignant document sur la vie inté-

documents de ce saint Concile, en supprimant tout ce

rieure, lança le défi aux Frères et leurs communautés

qui était suranné » (PC 3).

à « déchaîner des processus irrépressibles de conversion qui nous aident à répondre à ce que Dieu nous demande aux niveaux personnel, communautaire, de

2 5 décembre 1963. La même date que le décret sur les Moyens de Communication Sociale.

District, régional et de tout l’Institut » (Circ. 455, p.9).

68


Signum Fidei

De nos jours

N

ous avons besoin de prier mais cela nous coûte. Et nous expérimentons que « nous ne savons

pas prier comme il convient » (Rm 8, 26). C’est pour-

L

a vie spirituelle des Frères est le titre du chapitre 5

quoi, nous ne devons pas nous lasser de répéter : «

de la Règle. Elle nous rappelle tout de suite l’in-

Seigneur, apprends-nous à prier » (art. 66).

vitation unificatrice du Fondateur : « Ne faites pas de différence entre les affaires propres de votre état et l’affaire de votre salut et de votre perfection » (art. 63). « Etat », « profession », « emploi », « ministère »

S

i nous ne nous lassons pas, nous commencerons à percevoir la puissance de ce don que nous re-

cevons du Père, du Fils et du Saint Esprit ; et tout au

: des noms avec lesquels, sans beaucoup de préoccu-

long de nos journées, s’ébauche une réponse faite de

pation pour les différencier, La Salle vise la condition

louange, d’action de grâces, d’intercession, de de-

concrète de l’existence des Frères.

mande de pardon (art. 66).

“N

ous embrassons cet “état” en réponse à

un appel de Dieu pour collaborer, ensemble et par association, dans son Œuvre : par l’action éducative, mettre à la portée des jeunes – les pauvres en premier lieu – les moyens de salut (cf MR 193,3).

C

«Ne faites pas de différence entre les affaires propres de votre état et l’affaire de votre salut et de votre perfection » (art. 63).

P

rier, ça s’apprend. Et ici apparaît le besoin d’en-

traînement et de guide.

S

’exercer à la prière demande du temps. Notre

Règle actuelle est très sobre en indications temporelles : « Quelles que soient leurs responsabilités professionnelles,

’est pourquoi, nous avons besoin de prier. Car

les Frères ont soin de consacrer le temps nécessaire

sauver, c’est l’œuvre de Dieu ; pour la réaliser,

à leur prière » (art. 68) ; « …Les Frères se rassemblent

il envoie son Fils Jésus-Christ au monde. Collaborer

au moins le matin et le soir pour célébrer la liturgie

avec son œuvre de salut exige de nous de nous iden-

des heures » (art. 73). L’organisation de la vie de prière

tifier avec Lui, le Sauveur, comme source, modèle et

de chaque communauté fait partie du projet commu-

but de notre ministère. Nous identifier : changer nos

nautaire (art. 56.1). De leur côté, les Frères ont la res-

pensées par celles de Jésus-Christ, nos valeurs et

ponsabilité de vivre en profondeur leur vie spirituelle

notre sagesse par les siens, notre agir (actions, ma-

avec une attention particulière à leur prière person-

nières, intentions) par le sien. C’est-à-dire, conver-

nelle et à la recherche de moments de silence et dans

tir notre esprit, notre cœur, nos mains. En d’autres

l’oratoire, où est conservé le Saint Sacrement, nous

mots, évangéliser notre vie. Tout cela nous dépasse

assurons personnellement des moments d’adoration,

et nous devons le recevoir de Lui et le Lui demander

(art. 65,1 et 73,3). Nous avons aussi l’Eucharistie quoti-

; et nous disposer à le recevoir.

dienne autant qu’il est possible et l’examen quotidien (art. 74 et 70). Mais celui que nous considérons comme

69


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

“le premier et principal de nos exercices journaliers » c’est toujours l’oraison dans laquelle nous nous unissons à la personne de Jésus-Christ dans ses mystères,

N

otre ministère d’éducation chrétienne et le monde que nous connaissons grâce au rapport

avec les gens, les moyens de communication ou les

ses vertus et ses enseignements (art. 69). Notre jour-

réseaux sociaux, devenus encens sur l’autel du zèle

née est jalonnée par le souvenir renouvelé, fréquent,

“pour la gloire de Dieu et le salut des âmes” (Cf. MR

de la présence de Dieu.

202,1), font monter le parfum de l’adoration et l’action de grâces ; ou, peut-être plus spontanément, la de-

E

n outre de l’entraînement, il guide. En définitive, le maître de la prière c’est l’Esprit Saint qui « inter-

cède pour nous avec des gémissements inexprimables, et c’est selon Dieu, en effet, que l’Esprit intercède pour les saints » (Rm 8,26.27). Mais aussi des guides humains

mande de pardon et l’intercession.

C

’est que dans la pensée de notre Fondateur, le zèle est un (ou « le » ?) grand unificateur de notre

vie spirituelle : il est vrai que « vous avez des exercices

peuvent servir. Ainsi, La Salle nous a laissé une Mé-

qui sont établis pour votre sanctification ; quoique

thode pour que notre oraison soit une véritable ren-

si vous avez un zèle ardent pour le salut de ceux que

contre avec Jésus-Christ. Des travaux récents d’étude

vous êtes chargés d’instruire, vous ne manquerez pas

et de divulgation, mettent en évidence les liens de cette

de les faire et de les rapporter à cette intention » (MR

Méthode avec la Lectio Divina en même temps que sa va-

205,2).

lidité actuelle. Dans le Symposium sur la prière, le Frère Fermin Gainza présentait clairement son agencement interne et sa connexion avec la vie. Dans le numéro 50 des Cahiers Lasalliens, les Frères Michel Sauvage et Miguel Campos explorent sa grande richesse. De nos jours, avec son petit livre Dia tras dia. Palabras para la vida interior [Jour après jour. Des Mots pour la vie inté-

A

insi vue, toute notre vie de prière peut s’appeler « prière apostolique » (Cf art. 7).

P

ar elle, ceux qui ne sont plus dans le “front de combat” de l’école ou son équivalent, participent,

avec un apport fondamental, dans l’Œuvre de Dieu

rieure], le Frère Santiago Rodriguez M. (2016) la met à la

que tous les lasalliens portons en avant « ensemble et

portée de tout éducateur. Voilà quelques échantillons

par association ».

d’une production beaucoup plus large.

L

’Eglise nous offre le Guide de sa Liturgie des Heures. Nous savons bien comment nous en servir.

E

n plus, nous disposons d’une très abondante littérature, imprimée et digitale, qui nous aide à

prier la vie, l’illuminant avec la Sainte Ecriture. Nous devons rendre grâces à Dieu de vivre en ce temps d’une si grande richesse en matière biblique (cf. Cahiers lasalliens 1, p. XLVIII).

Vers le futur

D

ans le cadre de la mission partagée, quelles perspectives l’ascèse et la prière ont-elles pour

l’ensemble des lasalliens ?

P

our les éducateurs et leurs auxiliaires, l’ascèse peut inclure un “oui” et un “non”. « Oui », au moins,

à la responsabilité professionnelle, à la solidarité avec les compagnons de mission, à promouvoir le plus grand

70


Signum Fidei

bien des élèves, avec tout le dévouement et la patience requis ; « non », parmi d’autres choses, à la culture de consommation, la superficialité et le gaspillage.

L

es jeunes ont besoin d’elle ; ils vivent “dans des contextes sécularisés, pluri-religieux et multi-

culturels” (art.14.1) où l’on « apprécie, spontanément, davantage les sentiments que la volonté, l’impression

P

our les élèves, “oui” à tout ce qui développe en

que l’intelligence, le corps que l’esprit, la pluralité que

eux le sens de la justice sociale, la solidarité avec

l’unité, ce qui est temporel que ce qui est éternel »

les pauvres et le respect à la création ; et “non” à tout

(Circ. 455,9-10). Mais au fond de leur être continue vi-

ce qui s’y oppose.

vante une soif de spiritualité. Tous, et non seulement les baptisés, ils ont besoin de guides qui les aident à

Q

uant aux Frères, leur première responsabilité et

développer quelque forme appropriée de relation per-

leur contribution spéciale à la mission partagée,

sonnelle avec Dieu (Cf art 17, 1-2).

c’est le témoignage d’une communauté ministérielle qui vit sa vie religieuse dans la charité fraternelle et la solidarité avec les pauvres par le service éducatif (art. 15).

E

n ont aussi besoin les éducateurs, appelés à être de tels guides ; c’est pourquoi, les Frères les ac-

cueillent avec joie à partager la prière communau-

L

e ministère éducatif vécu avec l’attitude de Jésus

taire et se montrent volontiers disposés à aider les

“qui m’aima et se livra pour moi” (Gal 2,20), jus-

personnes qui désirent s’initier à la prière (art. 73.2).

tifie largement qu’ « il n’y aura aucune mortification corporelle qui soit de règle dans l’Institut ».

E

L

es Frères ont besoin d’elle pour évangéliser de nouveau nos vies chaque jour ; C’est ainsi que

t la prière ? Il semble qu’elle a toujours été là,

deviendra vraie notre consécration totale, gratuite,

nous attendant, comme un trésor aussi néces-

pour procurer –oui, ensemble et par association – la

saire que difficile à gagner.

gloire de Dieu dans le service éducatif des pauvres.

71


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Education Lasallienne: Une reponse au monde d’aujourd’hui FRÈRE DIEGO MUÑOZ FSC SERVICE DE RECHERCHE ET DE RESSOURCES LASALLIENNES MAISON GÉNÉRALICE, ROME

72


Signum Fidei

Toutes les périodes de changement important dans la civilisation ont connu des crises analogues. Chaque fois, la réponse a consisté non pas à supprimer l’école ou à l’abandonner, mais à la renouveler. Aujourd’hui, il s’agit pour l’Institut, d’apporter sa contribution au nécessaire renouvellement de l’école, d’aider à la naissance d’une école capable de former des hommes du XXIème siècle. Déclaration 44, 5

A

vec cette décision capitulaire, nous, les Frères,

Deux objectifs dans l’histoire de l’Institut

avons assumé, à partir de 2014, en cohérence

avec la 2ème Assemblée Internationale de la Mission Educative Lasallienne (AIMEL), la responsabilité de réfléchir – avec l’ensemble des Lasalliens engagés dans la mission éducative – aux caractéristiques propres des pratiques pédagogiques lasalliennes dans

L

e 6 décembre 1967, l’Assemblée capitulaire réu-

le XXIe siècle. Cinq décennies après l’événement fon-

nie à Rome approuvait pratiquement à l’unani-

damental de la Déclaration de 1967, un Chapitre qui a

mité le texte de la Déclaration sur le Frère des Ecoles

osé demander si l’Institut a encore un avenir viable

Chrétiennes dans le monde d’aujourd’hui. Ainsi, le 39e

(Circ. 469,1.3), a choisi de reconnaître sa passion pour

Chapitre général donnait à l’ensemble des Frères des

le service éducatif des pauvres, c’est-à-dire, sa raison

Ecoles Chrétiennes un texte fondamental à la lumière

d’être dans le monde.

duquel on devait lire l’ensemble des documents capitulaires, y comprises les Règles et Constitutions qui venaient de naître. Pour la première fois dans l’histoire de l’Institut, les Frères avaient participé à un long

Q

de la Pédagogie Lasallienne pour le présent et le

futur de la mission de l’Institut ?

processus de discernement intercapitulaire, en écou-

Point de départ

tant les signes des temps d’une Eglise et une société qui avaient radicalement changé ; le moment était venu de lancer un renouvellement adapté de l’Institut.

Q

ue signifie, alors, la rédaction d’une Déclaration

J

uarante-sept ans après, le 23 mai 2014, la 45e

e suis né une semaine après l’inauguration du Concile Vatican II et je suis entré dans l’Institut en

Assemblée capitulaire approuvait pratique-

1980, l’année de la célébration du Tricentenaire. Mon

ment à l’unanimité la rédaction d’une Déclaration

Directeur de Noviciat avait participé au 39e Chapitre

de la Pédagogie lasallienne. Ce n’est pas la fin, mais

général. Avec lui, j’ai connu le témoignage de ceux qui

le début d’un chemin ; nous ne faisons donc pas ré-

avaient rédigé la Déclaration et les nouvelles Règles et

férence à un texte mais à un « engagement fonda-

Constitutions. Postérieurement, dans la vie ensemble

mental » de discerner ensemble la mission partagée

avec les Frères de l’Institut, j’ai compris que quelque

avec les Lasalliens.

chose de profond s’était produit à l’intérieur de cha-

73


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Une pédagogie qui naît comme réponse aux pauvres

cun d’eux ; ils avaient décidé de continuer avec leur projet de vie, acceptant que l’Institut ne serait jamais le même. Plus de trois décennies de ce premier moment de ma vie de Frère, je ne puis nier que j’ai été formé dans un climat de nostalgie.

J

e suis ancien élève d’un Collège de La Salle et j’ai vécu une profonde expérience scolaire avec les

Frères, aussi ai-je été un jeune Frère fier de transmettre un héritage pédagogique unique et qui ne sau-

E

n relisant le texte de la Déclaration, continue de me frapper ce que les Capitulants en 1967 pensèrent en

face d’un Institut de presque 17.000 Frères : non seu-

rait se répéter. Quelque chose avait marqué ma vie – et

lement ils ratifièrent leur identité et leur originalité

celle de mon groupe de camarades de classe, la troi-

dans l’Eglise, mais ils invitèrent l’Institut à renouve-

sième génération mixte de mon Collège - , et à cause de

ler sa finalité spécifique : le service des pauvres par

ce quelque chose, il valait la peine consacrer toute ma

l’éducation (D 28,1). Il était important à ce moment de

vie à l’éducation des enfants et des jeunes, surtout des

dire qui étaient-ils comme Frères des Ecoles Chrétiennes

plus pauvres de nos sociétés latino-américaines.

(D 1-27), mais encore plus dire pour qui avaient-ils été

Q

appelés (D 28-52).

u’a signifié pour nous, la génération post conciliaire, la Déclaration sur le Frère dans le monde

d’aujourd’hui quant à notre engagement dans l’école chrétienne au service des pauvres ?

A

insi, les Frères rédacteurs de la Déclaration invitèrent tout l’Institut à se demander – dans la

société des années soixante – qui étaient les pauvres

74


Signum Fidei

Une pédagogie profondément chrétienne

(D29). A partir de là, il était possible que l’Institut repense sa proposition pédagogique. Les Capitulants avaient ainsi compris sa fidélité aux intuitions du Saint Fondateur. C’est pour cela, que la réalité de la pauvreté les engageaient à renouveler leur regard de foi et de zèle pour les plus défavorisés (D 29,2), à évaluer et renouveler leurs centres éducatifs (D 31,1) et, surtout,

L

es Frères rédacteurs de la Déclaration optèrent pour confirmer l’engagement de l’Institut pour

l’éducation chrétienne (D 35). L’urgence pour s’occu-

à repenser la pédagogie lasallienne à la lumière de la

per d’une jeunesse « porteuse d’espérance et source

primauté de la personne, sur les structures (D 31,2).

d’inquiétude » (36,1), le besoin de pouvoir compter avec des éducateurs bien formés (D 36,2), et les exigences du

C

’était, certes, un temps de changement, de cri-

droit à l’éducation, « reconnu et proclamé » (D 36,3), ai-

tique sociale. Les Frères, par la Déclaration – en

daient à voir avec plus de clarté le rôle de la mission

cohérence avec leur parcours historique – optaient

éducative apostolique lasallienne (D 37,1). Les Frères

encore pour l’éducation des consciences (D 32,1) et la

trouvaient dans les Méditations pour le Temps de la

construction de la fraternité universelle (D 32,2). Ils

Retraite les racines chrétiennes de leur mission dans

savaient qu’ils initiaient un large processus, ils affir-

l’Eglise, dans la fidélité au Saint Fondateur (D 37,2).

maient, en conséquence, que s’imposait « …un effort d’imagination et de recherche personnelle et communautaire pour trouver les formes nouvelles et adaptées de présence éducative auprès des plus pauvres » (D 33,1)

A

insi, en dialogue avec les sources charismatiques de l’Institut, la Déclaration affirmait

deux options fondamentales de l’Institut dans son

75


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

histoire tricentenaire : le caractère central de la

rieur des écoles lasalliennes, « un effort d’authenticité

catéchèse dans l’école lasallienne (D 38-42) et l’édu-

et d’actualisation culturelle » (D45,1). C’est pourquoi,

cation chrétienne de la jeunesse dans toutes ses ex-

les Frères s’engageaient à évaluer la qualité des études

pressions et modalités (D 43-52).

(D 45,2) et à renouveler les objectifs, les programmes et les méthodes des écoles lasalliennes (D 45,3), spéciale-

L

es Frères de 1967 comptaient déjà avec une structure théologico-pastorale cohérente pour dia-

loguer avec le monde moderne ; ils étaient bien loin de la situation vécue par les Frères à la fin du XIXe siècle. Par les documents du Concile Vatican II, l’Eglise avait manifesté sa confiance dans le futur de l’humanité (GS 4) sans cesser d’attirer l’attention sur les possibles déséquilibres du progrès et ses conséquences (GS 10). Le Frère des Ecoles Chrétiennes, religieux laïc, baptisé et catéchiste par vocation (D 38,1) avait été invité par le Concile à partager le mystère du Christ en dialogue avec les réalités du monde moderne (D38,2). Il s’agissait de relire les instructions

lasalliennes

avec

des yeux nouveaux : il n’existait aucune séparation entre la catéchèse et l’effort pour la formation humaine des jeunes

ment le renouvellement de l’éducation de la foi (D 45,5).

D

eux grandes tâches furent prévues dans la Décla-

ration : la formation des maîtres comme formant

partie essentielle de la communauté éducative (D 48) et la révision des œuvres dont le renouvellement se-

Avec notre regard d’éducateurs, nous avons vu comment la société est passée de l’optimisme au désenchantement. Les grands projets sociopolitiques n’ont pas résolu les problèmes de l’inégalité ni de l’injustice sociale.

(D40). Eduquer pour la vie, c’était disposer les jeunes à initiatives étaient les bienvenues, après discernement.

L

a pédagogie chrétienne, systématisée depuis des siècles par les Frères, acquérait dans la Déclara-

pas d’une proposition de confrontation avec le monde, mais d’une ouverture et dialogue qui exigeait à l’inté-

Frères prenaient conscience que le moment était arrivé de

changer

profondément,

mais ils ne cachaient pas leur confiance – personnelle et communautaire – dans le progrès et le développement des peuples, en science, en politique et dans la société dans son ensemble. Ils ratifiaient ainsi, à la fin de la Déclaration : « le sort de l’Institut repose finalement entre les mains des Frères » (D 53,2). Chacun était appelé à tenir un rôle important à un moment historique.

Un chemin de cinquante ans pas facile

la pleine humanisation (D 41). C’est pourquoi toutes les

tion un langage renouvelé, actualisé. Il ne s’agissait

rait signe de vitalité (D 49). Les

L

76

es cinq décennies qui nous séparent de la Déclaration ont été marquées par de profonds chan-


Signum Fidei

CONSEIL INTERNATIONAL DES JEUNES LASALLIENS

gements dans le monde et dans l’Eglise. Avec notre

processus de renouvellement. Nous avons été témoins

regard d’éducateurs, nous avons vu comment la so-

d’intéressantes initiatives qui ont donné une nouvelle

ciété est passée de l’optimisme au désenchantement.

couleur aux processus pastoraux. Cependant, le clé-

Les grands projets sociopolitiques n’ont pas résolu

ricalisme et le traditionalisme ont entravé la promo-

les problèmes de l’inégalité ni de l’injustice sociale.

tion du laïcat et sa participation pleine comme Peuple

La mondialisation même, à la fin de cette période,

de Dieu. La vocation du religieux laïc est restée à la

est fortement questionnée bien que nous ayons expé-

traîne et continue d’être incomprise.

rimenté la force créatrice des réseaux et les projets communs. La technologie est devenue indispensable dans nos vies et continue de défier notre manière de vivre dans le monde d’aujourd’hui.

C

D

e son côté, l’Institut a maintenu son désir de promouvoir le rôle important du laïcat dans l’école

chrétienne. Comme partie essentielle de cette nouvelle dynamique, il a lancé la mission partagée avec les édu-

es cinquante ans n’ont pas été suffisants pour

cateurs, qui sont aujourd’hui plus de quatre-vingt-dix

que l’église catholique entre dans un profond

mille, travaillant dans l’animation des œuvres lasal-

77


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

liennes dans soixante-sept pays. Le nombre de ses étudiants dépasse le million ; 30% de ces étudiants proviennent de centres d’éducation supérieure.

C

’est pourquoi, nous qui avons participé à la 2e Assemblée Internationale de la Mission Educa-

tive Lasallienne (AIMEL 2013) sentons le besoin de discerner ensemble la pédagogie « réelle » qui fait

N

ous, les Frères d’un âge moyen qui tournons au-

partie de notre expérience quotidienne. Quels cri-

tour des quarante-cinquante ans, avons été de

tères déterminent qu’une école soit lasallienne dans

jeunes élèves pendant cette longue période de l’Insti-

sa conception et sa pratique ? Où nous trouvons-nous,

tut. Nous avons appris de la sagesse de nos Frères, pro-

Frères et Lasalliens, dans le concert éducatif mondial

tagonistes des changements profonds : c’étaient nos

? Comment pouvons-nous être, ensemble et associés,

visiteurs, nos directeurs, nos formateurs. Nous avons

créatifs et fidèles à un charisme ecclésial qui a été

perçu leur nostalgie, mais aussi leur ferme décision

thésaurisé par l’Institut en plus de trois cents ans ?

d’avancer. Nous avons appris de nos camarades de che-

Ces inquiétudes ont été recueillies par le 45e Chapitre

min, des Lasalliens éducateurs, la richesse d’une voca-

général, c’est pourquoi nous sommes aujourd’hui, en

tion d’enseignant qui a trouvé en De La Salle une pers-

chemin vers la rédaction d’une Déclaration de la Péda-

pective de foi renouvelée, cette foi qui a marqué leurs

gogie Lasallienne pour le XXIe siècle.

vies ; ils ont été aussi nos formateurs. Avec eux, nous avons éprouvé l’engagement d’avancer dans la mission.

N

ous voulons que ce soit la voix des Lasalliens qui s’exprime de manière originale avec celle des

Alors pourquoi une Déclaration de la Pédagogie Lasallienne aujourd’hui ?

Frères ; avec ce geste, nous voudrions constater que le ministère de l’éducation chrétienne est vécu généreusement par les Laïcs dans l’Eglise-Communion. C’est le Peuple de Dieu qui se sent appelé, par les diverses vocations nées dans l’école, à construire le projet de fraternité de Dieu Père. C’est pourquoi, il va naître, du processus de discernement entre Frères et Lasalliens, une manière propre d’exprimer notre pédagogie profondément chrétienne dans le monde d’aujourd’hui.

L

e 45e Chapitre général a été célébré sous le signe

Grands défis

de Parménie, icône d’espérance au milieu de la

tempête vécue par l’Institut naissant. Nous sentons aujourd’hui que ce cri d’espérance nous convoque nous aussi : le service éducatif des pauvres est toujours actuel et engage le futur des Lasalliens. La Déclaration de 1967 s’adressait aux Frères ; aujourd’hui, ce sont

N

ous avons besoin de “nous comprendre” à propos de l’itinéraire pédagogico-éducatif de l’Institut;

faire une lecture en profondeur du chemin parcouru

quatre-vingt-dix mille Lasalliens Educateurs qui sont

des modèles pédagogiques actuels qui font partie de

protagonistes dans la mission éducative de l’Institut et

notre expérience quotidienne et des critères que nous

avec eux nous construisons l’avenir.

utilisons pour évaluer la qualité de nos centres édu-

78


Signum Fidei

catifs. Il ne s’agit pas de penser une théorie, mais de

conséquences du droit des enfants et des jeunes à

systématiser de manière critique ce que nous vivons

l’éducation et, surtout, du rôle de la femme dans la

réellement, nous confronter avec le concert éducatif

défense de ces droits. Là où on respecte le droit de

mondial et renouveler nos pratiques scolaires.

la femme, le droit des enfants, et en particulier des plus pauvres est sauvegardé. Le droit et la citoyenne-

C

’est pourquoi, nous insistons de nouveau, la Dé-

té vont de pair ; cela veut dire que l’éducation lasal-

claration de la Pédagogie lasallienne au XXIe siècle

lienne est invitée à penser à sa dimension socio-po-

doit compter avec la voix explicite des protagonistes

litique. Que pouvons-nous dire, nous les Educateurs

actuels, de l’ensemble des Lasalliens – hommes et

lasalliens, sur la construction de la citoyenneté

femmes – avec leur richesse culturelle, professionnelle

et

Comment

spirituelle. allons-nous

marcher ensemble, selon quels critères, avec quelle formation

?

assumons-nous

Comment notre

identité « lasallienne » en étant si différents ? Et

La pédagogie lasallienne est profondément chrétienne et catholique, c’est-à-dire universelle, ouverte au monde, œcuménique dans ses racines.

dans quelle mesure, cette

planétaire pour le XXIe siècle ? De quelle manière pouvons-nous toucher et transformer la société du futur ? Et dans ce destin, quelle est la voix de la Femme lasallienne dans le monde d’aujourd’hui ?

Conclusion

diversité enrichit-elle le projet commun ?

L

L

Alors comment pouvons-nous continuer à stimuler le

humainement possible. Marcher ensemble dans la ré-

dialogue foi-culture au milieu d’une société profon-

daction d’une déclaration pédagogique peut paraître un

dément sécularisée et multiculturelle ? Dans quelle

rêve d’adolescent ou être une conviction profonde de foi.

mesure, ce processus pourrait-il enrichir la pédago-

Je préfère penser que la mission éducative lasallienne

gie lasallienne ? Que signifie, en conséquence, être

est plus vivante que jamais et que l’éducation est une

catéchiste aujourd’hui dans l’école ?

réponse nécessaire dans le monde d’aujourd’hui. Nous

a pédagogie lasallienne est profondément chrétienne et catholique, c’est-à-dire universelle,

ouverte au monde, œcuménique dans ses racines.

P

e 45e Chapitre général nous a invités à aller au-delà des frontières. Peut-être, par la foi, pouvons-nous

aller plus loin de ce que nous imaginons, de ce qui est

sommes des instruments dans les mains de Dieu ; d’un our terminer, à la fin des années quatre-vingt-

Dieu Père qui nous a laissé la responsabilité du Royaume

dix, l’Institut a fait une option pour la défense

annoncé par son Fils parmi nous et qui nous guide par

des droits des enfants. Aujourd’hui, nous croyons

son Esprit. Tout le reste dépendra de notre fidélité créa-

que la pédagogie lasallienne ne peut pas ignorer les

tive assumée en communauté.

79


Le courage de vivre dans une espérance évangelique radicale

Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

FRÈRE MIGUEL CAMPOS FSC, DISTRICT DENA FRÈRE ROBERT SCHIELER FSC, SUPÉRIEUR GÉNÉRAL

80


Signum Fidei

Les sociétés, comme les individus, vieillissent et meurent dès que le poids des habitudes héritées du passé l’emportent sur cette volonté de renouveau (Il n’est pas facile de tenir) dans la double fidélité aux intuitions originelles et aux requêtes de la vie présente. Le sort de l’Institut(ion) repose finalement entre les mains des Frères.

Déclaration 53, 2 L’avenir de l’humanité est entre les mains de ceux qui savent donner à la génération suivante des raisons de vivre, des raisons d’espérer.

Vatican II: G.S. 31

Introduction

tion (1967). Ces hommes pleins d’espérance sentaient que des initiatives nouvelles et créatives centrées sur

L

e 39e Chapitre général, au lieu de se concentrer

l’Evangile étaient nécessaires pour revivifier leur

sur l’approbation de la Règle et des Constitu-

communauté de foi et leur ministère apostolique. La

tions, comme on s’y attendait, s’est attardé à réfléchir

culture socioreligieuse qui les avait nourris comme

« aux nombreuses facettes de la vie des Frères et de

jeunes religieux était en train de disparaître rapide-

leur mission dans le monde d’aujourd’hui ». Dans les

ment tandis que leur désir de prendre part aux joies

premiers jours du Chapitre, les Délégués ont rejeté

et aux souffrances des gens, spécialement des en-

l’agenda préparé et l’ont remplacé par un autre de leur

fants, des jeunes et des pauvres était aussi contrai-

main : ce devait être leur Chapitre. Un vaste proces-

gnant que jamais.

sus de consultation fut mis en place et « à mesure que les Délégués étudiaient les questions des vœux, de la formation et de notre vie de prière et de communauté, le Chapitre sentait de plus en plus le besoin d’une dé-

N

os Frères les plus anciens se rappellent le défi des 50 années suivantes : un demi-siècle

marqué par une recherche parfois frénétique de

claration faisant autorité, qui servirait de fondement

nouvelles façons d’annoncer joyeusement l’Evan-

et de principe unificateur aux travaux du Chapitre (cf.

gile et de revigorer la vie communautaire. Alors

Declaration, 1967). Cherchant à procurer la gloire de

que des traditions et des tendances apparemment

Dieu et voulant revitaliser la vie fraternelle de l’Insti-

immémoriales perdaient leur pertinence, de nou-

tut et le ministère apostolique de l’éducation humaine

veaux paradigmes émergeaient. Aussi bien pendant

et chrétienne, les Délégués décidèrent finalement de

les beaux jours que par les temps de tempête, nos

publier une Déclaration concernant notre identité et

Frères aînés sont demeurés fidèles à leur engage-

notre mission dans l’Église et la société.

ment à Jésus Christ et au Royaume.

L

P

chrétienne dans le monde d’aujourd’hui : une Déclara-

gement. Bien intentionnés mais souvent sans une ré-

es Frères répondirent avec enthousiasme aux suggestions de l’Esprit, s’engagèrent dans un dialogue

intense, écrivirent et approuvèrent Le Frère des Ecoles

endant ce temps, les Frères qui étaient en formation initiale au moment de la publication de la

Déclaration, étaient encouragés par le vent du chan-

81


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

flexion critique suffisante, beaucoup adoptèrent une

et de la disparition des soubassements sociocultu-

nouvelle culture globale de la jeunesse qui tendait à

rels traditionnels de la vie religieuse. En termes de

remettre en cause beaucoup d’aspects de la vie per-

mission, nous constatons un engagement ministé-

sonnelle, des relations et de l’organisation sociale. Ils

riel accru de laïcs femmes et hommes dont le cœur et

vibraient aux défis et aux signes des temps concer-

l’esprit sont profondément touchés par le charisme

nant les besoins des pauvres, les éléments constitutifs

et la pédagogie de saint Jean-Baptiste de La Salle.

de notre vocation, l’éducation humaine et chrétienne,

Ces nouveaux protagonistes donnent force et vitalité

le caractère laïc de l’Institut, le sécularisme croissant et une montée de l’intérêt pratique pour la spiritualité. Ces Frères étaient eux aussi des témoins fidèles de Jésus et du Règne de Dieu.

E

n réfléchissant à l’impact de la déclaration, nous voyons

que 1967 a été la date d’une coupure importante. C’était la Déclaration, et non les Règles et Constitutions, qui allait être le texte faisant autorité, à la lumière duquel nous allions lire et comprendre tous les textes du Chapitre. Tandis que ce mou-

Ces hommes pleins d’espérance sentaient que des initiatives nouvelles et créatives centrées sur l’Evangile étaient nécessaires pour revivifier leur communauté de foi et leur ministère apostolique.

vement irréversible de renouveau se déroulait, un évènement imprévu et bouleversant mit en danger la stabilité de l’Institut : le départ de milliers de Frères qui s’aperçurent soudain que l’histoire culturelle qui avait donné signification et direction à leur histoire

à notre mission.

Q

uant à notre vie fraternelle, nous faisons l’ex-

périence de communautés plus petites et plus intentionnelles, clairement orientées vers de nouvelles approches du Ministère Pastoral des Vocations et répondant de plus en plus à l’appel du Christ à apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres et aux vulnérables par des moyens nouveaux et enthousiasmants. Ces communautés témoignent de l’espérance chrétienne et de la primauté du service aux plus

petits de nos sœurs et frères.

D

ans le texte qui suit, je voudrais explorer avec vous, en premier lieu, comment l’Institut,

avant la déclaration, percevait le monde et la so-

personnelle et communautaire avait disparu défini-

ciété. En second lieu, nous jetterons un regard très

tivement. Au cours des 50 dernières années, la socié-

rapide sur notre histoire : trois siècles de vie sous

té, l’Église et l’institut ont vécu l’effondrement bou-

la guidance et la vision spirituelle et pédagogique,

leversant de fondements culturels significatifs.

et aussi les structures, créées par Jean-Baptiste de

N

La Salle et les premiers frères. Dans la foi que leur otre mission lasallienne d’éducation humaine

héritage (la vision et les structures) étaient une ex-

et chrétienne et de vie fraternelle n’a pourtant

pression de la volonté de Dieu, les Frères étaient

pas implosé du fait de la pression de départs massifs

fermement enracinés dans le passé.

82


Signum Fidei

L

es dernières décennies du 20e siècle sont deve-

d’empêcher qu’on y change quoi que ce soit à l’ave-

nues à la fois un temps d’espérance radicale et

nir. Les manœuvres mal guidées et mal intentionnées

une période de confusion pour bien des frères et leurs

du Frère Athanase aboutirent à un échec. Mais il est

collègues laïcs. Les Frères et Partenaires entraient

tragique d’observer que l’élite d’un Institut engagé

dans le 21e siècle avec le désir de répondre de manière

dans le service de l’éducation humaine et chrétienne

créative au monde contemporain et aux joies et souf-

s’efforçait de tourner le dos à l’histoire : marcher vers

frances de tout le monde.

l’avant tout en vivant dans le passé.

T

roisièmement, que dans la situation présente nous de-

venions comme une parabole qui illustre notre collaboration avec le plan de salut de Dieu. Finalement, je vous inviterai à placer la Déclaration dans son contexte historique propre et à considérer que les réalités d’aujourd’hui demandent de nouvelles réponses et de nouvelles stratégies qui renouvelleront notre vie fraternelle redonneront force à notre proclamation joyeuse de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

La crainte et la méfiance à l’égard des tendances de la société étaient évidemment renforcées par la résistance générale et parfois l’opposition militante de l’Église contre le monde moderne.

L

a crainte et la méfiance à l’égard des tendances de la

société étaient évidemment renforcées par la résistance générale et parfois l’opposition militante de l’Église contre le monde moderne. Les hommes et femmes religieux au service de l’éducation catholique semblaient plus à l’aise avec le passé et très méfiants vis-à-vis des innovations.

P

endant 240 ans, depuis l’approbation de l’Institut comme

congrégation religieuse en 1725, en dehors de la (Préface à la…) Bulle d’approbation, nous n’avons

Etre connecté avec le monde moderne

eu aucun document d’autorité équivalent à la Déclaration. La Bulle contenait l’approbation de certains chapitres particuliers de la Règle. L’identité des Frères et le but de l’Institut sont décrits sans aucune possibilité

L

a publication de la Déclaration a été vraiment re-

de déviation ou d’ambigüité. Les Frères sont des reli-

marquable si nous considérons que 20 ans plus

gieux recherchant la « perfection ». Ils embrassent cet

tôt, à l’issue de la seconde guerre mondiale, le Supé-

état de vie dans l’Église dans le but de leur propre salut

rieur général Frère Athanase-Émile, au Chapitre gé-

et le salut des autres. Ils vivent en communauté sous

néral de 1946, cherchait à protéger l’Institut contre les

l’autorité d’un supérieur, professant la triade classique

nouvelles tendances de la société introduites par la

de vœux : pauvreté, chasteté et obéissance. Protégés

modernité. Il avait cherché à obtenir du Saint Siège

par deux murs, la Règle et leurs vœux, ils se séparent

la prompte approbation des Règles avec l’intention

d’un monde corrompu et des laïcs.

83


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

1967

E

n 1946, le Frère Athanase a mené ces idées à leur

enthousiasmants qui se faisaient jour en Europe en

conclusion logique : Stop aux changements ! Le

général et en France en particulier. Au milieu du 20e

secret pour arriver à la perfection serait l’obéissance

siècle, ces Frères ont été à l’école de quelques-uns des

aveugle aux supérieurs et la fidélité rigide aux Règles.

meilleurs représentants de la tradition intellectuelle

La dimension apostolique de la vie des Frères était

catholique, qui encourageaient l’examen et la refor-

mise en retrait, et la centralité de nos vœux spéci-

mulation du langage théologique de l’Église.

fiques (association et stabilité dans l’Institut) devenait floue. Il faudrait plus de 40 ans pour rectifier cette situation.

D

es directives renouvelées pour la recherche ont mis en lumière un retour classique aux sources.

Encouragés par les orientations de l’encyclique Divino

L

a théologie de la vie religieuse sous-jacente qui

Afflante Spiritu (1943), des chercheurs ont commencé à

motivait le Frère Athanase et l’Institut était en

appliquer les outils de l’herméneutique critique dans le

contradiction ouverte avec le cheminement fondateur

but de mieux comprendre les anciens textes de la Bible.

de l’Institut. Subtilement guidé par l’Esprit Saint, l’Institut a évité, avec lenteur et délibération, de suc-

Ces divers mouvements de retour aux

comber à la tentation de devenir une entité insigni-

sources, liés à un renouvellement mission-

fiante. Beaucoup de Frères ont été inspirés et for-

naire, se traduisaient aussi dans un fort

més par des mouvements de renouveau originaux et

mouvement théologique dont les centres

84


Signum Fidei

2014 étaient le Scolasticat jésuite de Fourvière et

cation pratique pastorale. Le renouveau catéchétique

le centre d’études dominicain du Saulchoir.

était en route en Allemagne et la recherche sur le ke-

De grandes collections théologiques nais-

rygma en Autriche. En France, le livre de René Voil-

saient alors : Théologie, chez Aubier, Unam

laume Au cœur des masses était un point de repère

sanctam au Cerf. Des thèmes qui allaient de-

pour la vie religieuse.

venir une partie du langage de Concile Va-

Entrer dans le 21e siècle : entrer dans de nouvelles tendances

tican II ont germé durant ces années : par exemple de nouvelles images de l’Église, un accent mis sur la communauté, le cheminement évangélique fondateur, et le but de la mission. Les noms des Pères de Lubac, Congar, Chenu étaient comme les symboles de ce printemps de l’Église (Campos et al, 2014, p. 85-86).

L

D

epuis l’époque du 39e Chapitre général et la publication de la Déclaration, les Frères, par les yeux

a liturgie était le champ expérimental par excel-

de la foi, ont discerné de nouvelles tendances éduca-

lence, car à travers la prière et l’Eucharistie de

tives, appris à dialoguer avec le monde moderne et

nouvelles inspirations pouvaient trouver une appli-

cherché toujours plus à témoigner de Jésus et de son

85


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Royaume. Ils ont étudié, adopté et réagi à des ten-

La Déclaration parlait de renouveau, aujourd’hui nous

dances émergentes en éducation. Les Supérieurs gé-

commençons à parler de refondation.

néraux ont identifié certaines tendances particulières

Le courage de l’espérance, une parabole pour notre temps

comme le lien entre le service des pauvres et la justice sociale (Frère José Pablo) ; la mission Lasallienne partagée (Frère John Johnston) ; et la primauté du vœu d’association et l’association pour la mission (Frère Alvaro Rodriguez).

C

ependant, l’ancien Supérieur général Frère John Johnston et d’autres ont suggéré que l’époque que

nous vivons est en discontinuité radicale avec notre passé. Elle est une époque de transitions culturelles

P

eut-être qu’avant de regarder le déroulement de ce nouveau discours, une histoire venue d’une source

improbable peut projeter de la lumière sur le chemin

radicales : les vieux paradigmes s’effacent et des struc-

devant nous. L’histoire décrit un acte d’espérance ra-

tures et tendances apparaissent.

dicale du peuple Crow, une Nation indigène de ce qui est aujourd’hui les Etats-Unis d’Amérique. Ces gens

L

e passage de la modernité à la postmodernité a mis

ont vécu la destruction de leur culture à la fin du 19e

en pièces bien des modèles culturels et des mé-

siècle. Plenty Coups, le dirigeant du peuple Crow, a ra-

ga-discours. Depuis plus de 50 ans, notre monde, notre

conté à son biographe ce qu’il a vécu quand l’homme

Église et notre Institut cherchent un nouveau discours

blanc est arrivé et a menacé de faire perdre au peuple

acceptable. Pour le monde, le discours de la modernité

Crow leur culture, leur discours et leur façon de vivre

a perdu son sens ; nous parlons maintenant de vivre

: « Mais quand le buffle a disparu, le cœur des gens de

dans un monde postmoderne, un monde encore en

mon peuple est tombé à terre, et ils ne pouvaient plus le

recherche d’une définition. En ce qui concerne notre

relever. Après cela, rien n’est arrivé.» (Lear, 2006, p. 2)

Église, le Concile Vatican II l’a fait entrer dans l’âge moderne au moment précis où cet âge laissait la place à la postmodernité. Il y a 50 ans, les délégués au 39e Chapitre général et les auteurs de Le Frère des Ecoles chré-

E

n d’autres termes, les Crow ont perdu une définition et une vision d’eux-mêmes ; ils ont perdu

leur « discours ». Confronté à une situation aussi ca-

tiennes dans le monde d’aujourd’hui : une Déclaration a

tastrophique, Plenty Coups s’est demandé à quelles

commencé à écrire un nouveau discours pour notre

ressources traditionnelles il pouvait faire appel pour

Institut. La Déclaration est un catalyseur qui continue

comprendre le malheur des Crows, analyser les op-

à nous pousser à développer ce nouveau discours.

tions possibles et offrir l’espoir à son peuple.

N

C

ous sommes cependant avertis d’être conscients que la Déclaration est un document marqué par

son temps. Une réponse évangélique aux tendances culturelles d’aujourd’hui exige un nouveau langage.

omme beaucoup de peuples d’autrefois, il s’est tourné vers ses rêves, dans lesquels l’oiseau-sym-

bole traditionnel de la nation Crow, un chickadee, s’est révélé à lui. Pour la culture Crow, le chickadee :

86


Signum Fidei

«P

lenty Coups a pu communiquer ce nouvel

… est le dernier en force physique mais le premier en force de caractère parmi les

idéal de courage face à l’inconnu représen-

té par la personne-Chickadee et cela a donné aux

siens. Il accepte l’effort pour acquérir la sa-

Crows la souplesse pour créer de nouvelles défini-

gesse. La personne-Chickadee est toujours à

tions d’une vie significative bien qu’ils aient été in-

l’écoute. Rien n’échappe à ses oreilles, qu’il a

capables d’imaginer leur avenir » (cf. Furrow, 2007).

aiguisées par un long usage. Chaque fois que

Cet idéal, selon le narrateur de l’histoire de Plenty

les autres parlent ensemble de leurs succès

Coups, est l’espérance radicale.

ou de leurs échecs, vous trouverez la personne-Chickadee en train d’écouter leurs paroles. (Lear, 2006, p. 80)

E

st-ce que ce n’était pas aussi le cas de peuple choisi de Yahweh ? Le peuple d’Israël, face à

l’oppression par les Chaldéens a exprimé une es-

L

e chickadee écoute les autres et apprend à leur

pérance radicale en ces termes : « C’est encore

contact. Nous pourrions dire que cet oiseau dis-

une vision concernant l’échéance. Elle aspire à sa

cerne les signes des temps pour apprendre ce que

fin, elle ne mentira pas ; si elle paraît tarder, at-

Dieu veut pour son peuple. En tant qu’Institut, nous

tends-la, car elle viendra à coup sûr, sans différer

cherchons à connaître la volonté de Dieu pour notre

» (Habaquq 2,2-3)

génération. Qu’est-ce que nous entendons ? Qu’est-ce

La Déclaration: un chemin d’espérance

que nous apprenons ? Quel est le chemin vers l’avant ? Plenty Coups, dans ses rêves, a appris qu’en des temps incertains, quand une culture est en train d’être anéantie, une vertu nécessaire pour le peuple Crow était le courage. « L’appel au courage lancé par Plenty Coups a inspiré à la Nation Crow d’être créatifs et de prendre des initiatives et des responsabilités pour leur avenir. Faire face à l’inconnu avec intelligence et ouverture, sans se déchaîner avec colère ni s’abandonner à de consolantes illusions, est une forme de courage que souvent nous ne voulons pas voir.» (cf.

L

e 39e Chapitre général et la Déclaration nous montraient un chemin d’espérance en « orientant vers

un avenir à inventer, et appelant à la créativité, à l’initiative, à la responsabilité » (Campos et al, 2014, p. 413).

L

es Saintes Ecritures, l’itinéraire de Jean-Baptiste

Furrow, 2007)

de La Salle et la Déclaration font partie de nos res-

L

es actions de Plenty Coups contrastaient avec

sources traditionnelles. Nous cherchons constamment

celles de la Nation Sioux sous Sitting Bull. La Na-

un soutien dans la Parole de Dieu, notre principale

tion Sioux a fait reposer son espoir sur un sauveur qui

Règle. Nous étudions, méditons et partageons la parole

allait punir le peuple blanc et permettre à la Nation

de Dieu les uns avec les autres (Règle, 8). Comme notre

Sioux de revenir à ses anciennes façons de vivre. A la

Fondateur, nous revenons encore et encore aux Evan-

différence des Crow, les Sioux se sont détournés de

giles et depuis 50 ans nous sommes inspirés et motivés

l’avenir en faveur d’un passé impossible à retrouver.

par la Déclaration.

87


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

D

ans la biographie du Frère Michel Sauvage, nous lisons que le développement de la Décla-

ration a supposé un long processus de maturation.

E

n 1990, l’ancien Conseiller général Frère Patrice Marey écrivait :

Ce processus de maturation continue aujourd’hui.

Nous avons besoin de comprendre le temps

Les Chapitres généraux successifs, les révisions de

que nous vivons et d’accepter de le juger en

notre Règle, et de »s publications comme La Mission

termes de durée. Le rôle croissant du laïcat

Lasallienne d’éducation humaine et chrétienne : une

est inscrit en termes de durée. Il a commencé

Mission partagée, les Circulaires 461 (Associés pour la

bien avant le Concile, il est généralisé dans

Mission Lasallienne … un acte d’espérance) et 466 (Ils

l’Église et ne s’est jamais présenté comme

s’appelleront Frères) nous montrent tous un avenir

opposé aux prêtres ou aux religieux. …L’arri-

enthousiasmant.

vée de nombreux Lasalliens … va permettre à nos œuvres de continuer d’une manière que

L

’héritage de saint Jean-Baptiste de La Salle nous

nous n’avions jamais imaginée. Il nous re-

inspire d’avancer dans l’espérance : « Nous ai-

vient de saisir cette grâce qui passe… Nous

mons à nous représenter nos fondateurs … comme

vivons un temps favorable, un jour de salut.

étant en avance sur leur temps … Le fait est qu’ils

(The General Council, 1990, p. 35)

étaient radicalement [depuis leurs racines] des gens de leur temps, immergés dans leur temps, réagissant à leur temps. Souvent leur temps est le commencement d’un temps nouveau … Ils ont l’intuition que le

D

urant les cinq dernières décennies, et actuellement encore, des milliers de femmes et

d’hommes s’engagent à l’égard de notre charisme,

monde que l’Esprit est en train de faire à nouveau est,

ce qui est clairement un signe d’espérance en la via-

en ce moment même, déjà en train de déboucher sur

bilité de notre mission : « Dans le développement

le présent. » (Lee, 2004, p. 5)

de l’association avec des hommes et des femmes qui

L

cheminent avec eux et se reconnaissent aujourd’hui a découverte de la vocation Lasallienne adres-

comme fils et filles de Jean-Baptiste de La Salle, [les

sée à nos Partenaires fait partie de ce monde

Frères] voient un signe des temps qui les remplit d’es-

Lasallien nouveau que l’esprit est en train de faire à nouveau : Avec ceux des laïcs qui se reconnaissent dans le charisme Lasallien et le vivent, les Frères

pérance » (Règle 157, 2) .

D

es réponses créatives aux besoins de notre temps nous donnent l’espérance. Parmi les exemples de

communautés éducatives Lasalliennes dynamiques

partagent joyeusement la même mission. En-

qui témoignent de l’espérance chrétienne, on trouve :

semble ils assurent la vitalité de ce charisme

Yourtown en Austalie ; la formation technique et pro-

en suscitant ou en développant des structures

fessionnelle pour orphelins et enfants de la rue au Sri

d’animation, de formation et de recherche, où

Lanka, au Pérou et au Kénya ; des écoles de filles au

chacun peut approfondir sa compréhension de

Pakistan ; et les écoles Saint Miguel aux Etats-Unis

sa vocation propre et de la mission Lasallienne

(voir le Bulletin Nº 253, Enfants et Jeunes en Danger,

(Règle, 19)

Une Réponse Lasallienne, 2011).

88


Signum Fidei

L

a collaboration entre nos universités, l’engage-

nombre des œuvres. Nous commençons à développer

ment dans l’évangélisation et la catéchèse dans

des structures organiques qui permettent aux Frères

nos écoles secondaires, le Projet Fratelli avec les

et aux Partenaires de discerner les besoins de notre

Frères Maristes (Linan), le Projet Solidarité avec le

mission contemporaine.

Sud-Soudan, et les projets Signum Fidei à Madagascar et aux Philippines sont des signes encourageants du pouvoir évangélisateur du réseau Lasallien. La participation enthousiaste des Jeunes Lasalliens à des

L

a restauration de la centralité de notre vœu d’association est un signe d’espérance. Le 39e Chapitre

général avait sérieusement envisagé la suppression

expériences d’immersion et des mouvements de vo-

de nos vœux spécifiques d’association et de stabilité.

lontaires sont aussi des signes d’espérance.

Quarante-sept ans plus tard, le 45e Chapitre général a réaffirmé « la centralité du vœu d’association à

L

’association Lasallienne est un signe d’espé-

la fois pour le service éducatif des pauvres que pour

rance pour l’institut aujourd’hui. En même temps

comprendre l’identité du Frère » (Circulaire 469, 2.13).

que nous voyons un déclin démographique dans le

L’actualisation permanente de la centralité de ce vœu

nombre des Frères, nous voyons un accroissement du

annonce une revitalisation du Ministère pastoral des

89


Bulletin des Frères des Écoles Chrétiennes

Vocations. « Pour qu’une pastorale des vocations de-

association réalise la solidité et la stabilité parce que les

vienne une invitation efficace à partager la vie de Frère

Frères sont profondément unis par l’amour » (Sauvage

des Ecoles chrétiennes, il est nécessaire :

et Campos, 1977, p. 137). Lorsqu’elle est pleinement vécue, l’association devient elle aussi un signe d’espérance

͂​͂ Que par leur existence, les Frères témoignent de

pour toutes les vocations lasalliennes.

la présence de Dieu aux hommes, de la force libéra-

Conclusion

trice de son Esprit et de la tendresse de son amour ; ͂​͂ Que les communautés, en étant résolument ouvertes et accueillantes, vivent, d’une manière fraternelle et apostolique, la parole de l’Evangile : « Venez et voyez » ; ͂​͂ Que l’Institut travaille effectivement à sa réno-

«L

’espérance demande de l’imagination au sujet des alternatives, une foi ferme que

les choses doivent être différentes. La différence

vation, en répondant aux besoins les plus urgents du

entre l’imagination et l’espérance est que l’espé-

monde des jeunes à évangéliser » (Règle, 86).

rance est ouverte à l’imagination de Dieu, mais c’est notre propre imagination active qui lui pré-

N

otre engagement à soutenir toutes les vocations

pare la route… De nouvelles communautés sont en

Lasalliennes, spécialement à notre vie de fraterni-

gestation dans les expériences spontanées vécues

té consacrée, est l’expression la plus complète de notre

en profondeur, interprétées avec exactitude et in-

vœu d’association. Il nous unit dans notre « consécration

timement ressenties, qui sont remplies à ras bord

à la volonté de Dieu pour accomplir son œuvre [et notre]

de mémoire et d’espérance » (Lee, 2004, p. 6).

90


Signum Fidei

T

el fut le récit que Plenty Coups présenta au

traditions culturelles et religieuses ? Sommes-

peuple Crow. Dans son rêve il entendit l’Es-

nous engagés dans la refondation de l’Institut ?

prit parler de la fin proche de leur mode de vie traditionnel et de la destruction de leur culture.

Une fois que Dieu nous aura touchés au mi-

Par conséquent, « nous devons faire ce que nous

lieu de nos luttes et a créé en nous le dé-

pouvons pour ouvrir notre imagination à un en-

sir brûlant d’être pour toujours unis à lui,

semble radicalement différent d’avenirs pos-

nous trouverons le courage et la confiance

sibles » (Lear, 2006, p. 93). Mais il vivait dans l’espérance que quelque chose de bon surgirait de la dévastation de leur culture traditionnelle.

Pour

y croire, les Crows avaient

besoin

de

courage pour aller de l’avant dans un avenir inconnu.

L

e peuple choisi de Dieu est allé

de l’avant lui aussi avec la ferme espérance que la promesse de Dieu serait accomplie, ne les décevrait pas et arriverait à temps.

E

Et nous ? Sommes-nous remplis de courage pour vivre dans une espérance chrétienne radicale ? Sommes-nous préparés à être des experts en promotion de la communion avec tous, femmes et hommes ? Sommes-nous prêts à être des messagers heureux et enthousiastes de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ aux peuples de différentes traditions culturelles et religieuses ? Sommes-nous engagés dans la refondation de l’Institut ?

de préparer sa route et d’inviter tous ceux qui partagent notre rêve pour la mission

Lasallienne

à

attendre pendant le court espace qui nous sépare du jour de joie complète.

Avec

ce

courage nouveau et cette confiance nouvelle nous pourrons nous fortifier les uns les autres avec les mots encourageants de Paul à Tite : … Elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes. Elle nous enseigne à renoncer à l’impiété et

t nous? Sommes-nous remplis de courage

aux désirs de ce monde, pour que nous vi-

pour vivre dans une espérance chrétienne ra-

vions dans le temps présents avec réserve,

dicale ? Sommes-nous préparés à être des experts

justice et piété, en attendant la bienheureuse

en promotion de la communion avec tous, femmes

espérance et la manifestation de la gloire de

et hommes ? Sommes-nous prêts à être des mes-

notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ 1 .

sagers heureux et enthousiastes de la Bonne Nou-

(Tite 2,11-13)

velle de Jésus Christ aux peuples de différentes

1 This Give us Day: Daily Prayer for Today’s Catholic. Liturgical Press, Collegeville, MN. Author and issue unknown.

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