Green Lantern Corps : aventures cosmiques et symboliques intérieures

Et je dédie cela aux camarades de Pop en Stock et du 7ème.

Et à Olivier, Eva, Camille et Tristan, ils sauront pourquoi.

 

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Je commence par ici

Notre amour des œuvres

Cet été je me suis mis à Green Lantern. En novice, j’ai simplement mis le nez dans quelques magazines Green Lantern Saga (publiés par Urban), qui réunissent les quatre séries de l’univers des « Lantern », éditées actuellement par DC. J’ai été préparé par un collègue libraire : « T’es sûr ? Franchement, le run de Geoff Johns1, il est pas terrible… il s’est tapé un trip avec les différents corps, y en a de toutes les couleurs, t’as l’impression de lire les Power Rangers. »

Et pourtant.

Voilà ce que je propose cette fois-ci : au lieu de débattre pour savoir si ces nouveaux Green Lantern sont de l’or en barre ou la dernière niaiserie pour ados, on va se poser conjointement trois questions :

De toutes les couleurs !

De toutes les couleurs !

La première sera de savoir pourquoi est-ce que de façon absolument subjective cela me parle (et je dis bien « me parle », plutôt que « me plaît », parce que ce n’est pas exactement la même problématique). La deuxième, finalement liée d’une certaine façon, sera de comprendre d’un point de vue archétypal – au sens le plus jungien du terme – ce que ces histoires racontent.

Enfin, on reviendra sur une chose capitale avec ce genre de lecture (celle des comics), et qui dépasse les œuvres elles-mêmes : c’est-à-dire la façon dont on les lit et dans quel contexte, car mine de rien, tout cela joue sur notre appréhension – et notre amour – des œuvres.

Et fuck le bon goût.

Une intuition

Dernièrement, une intuition m’est venue : je suis certain que mon goût pour la musique des années 80, le synthé, Erasure, les mélodies héroïques sur beats dansants et les super-héros cosmiques qui s’affrontent dans de grands space operas métaphysiques colorés sont liés. Non, je n’ai pas encore tout à fait reconnecté avec le souvenir précis de mon enfance qui expliquerait tout – si ce n’est que maman écoutait Vangelis et Kitaro2. En tout cas, ces récits et cette musique éveillent en moi quelque chose de contenu, retenu, muet, qui s’exprime alors dans toute sa grandiloquence exubérante. Qui me fait me sentir vivant. OK, chacun son truc.

Remontons : nous sommes dans les années 90 et j’ai 13 ou 14 ans, je lis des comics depuis peu. J’ai commencé avec Ghost Rider3. On imagine aisément que son côté sombre et son obsession pour la vengeance, associés aux dessins fauves, noirs et expressifs de Mark Texeira, ont dû résonner avec ma hargne rageuse et enfouie d’adolescent sage et mal dans sa peau. Puis j’ai tout essayé. Les Strange (Spiderman, Iron-Man, les Vengeurs), Special Strange (X-men),Titan (les Vengeurs de la Côte Ouest4, X-calibur), Nova (les 4 Fantastiques, le Surfeur d’Argent, Miss Hulk), Serval, Facteur-X… du moins, tout ce que je trouvais à la presse à côté de chez moi.

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Les rebelles de l’espace contre la tyrannie !

Un été, en vacance à l’île de Ré chez mes grands-parents, je trouve des stands de bouquinistes sur les marchés. Je commence à fouiller et me mets à lire aussi de vieux DC publiés par feu Aredit-Artima. C’est là que je découvre les Omega-Men. Il s’agissait d’une équipe de rebelles de l’espace apparue dans les pages des Jeunes Titans. Une série de (environ) 35 numéros est publiée dans les 80’s. La plus grande partie de ces épisodes ont eut droit à leur version française dans un magazine éponyme de 15 numéros. On y raconte comment une petite équipe bigarrée affronte une dictature de l’espace, on les suit dans toutes sortes d’aventures, le long d’un grand space soap opera pop qui verra la dite équipe se défaire et se refaire. Une sorte de Star Wars, plus condensé et avec plus de créatures extra-terrestres, d’animaux anthropomorphes et d’intrigues surréalistes. C’est une des premières séries dont j’ai ensuite patiemment cherché à réunir la totalité des numéros5.

Il y a eu après le Warlock cosmique et métaphysique de Jim Starlin6 dans Titan – et toutes les mini-séries « Infinite quelque chose ». Une période à mater des cassettes vidéos de l’anime Capitaine Flam. le Firefly de Joss Whedon.

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De grands combats cosmiques

Enfin, tout cela se retrouve émulé et amplifié dans les grands arcs cosmiques lancés par Keith Giffen (un des auteurs actifs sur les Omega Men) puis pris en main par le duo Dan Abnett & Andy Lanning7. À chaque fois, j’ai été emporté au premier degré le plus primaire. Et, alors que j’avais en gros mes 30 ans, j’ai œuvré patiemment à réunir tous les numéros de la revue Marvel Universe (plus d’une trentaine) pour pouvoir lire ces aventures spatiales en entier8.

J’ai rédigé un passionnant article sur celles-ci, qui argumentait savamment sur la qualité objective de ces arcs – et tout objectivement, ils devaient bel et bien être de qualité puisqu’ils ont dû assez bien marcher pour que – en dépit d’une fin où la plupart deux des personnages principaux, Nova et Starlord, se sacrifiaient – ils aient eu droit à un film qui sort ces temps-ci (les fameux Gardiens de la Galaxie) et à une nouvelle série orchestrée par le monsieur Marvel de ces dernières années, Bryan-Michael Bendis9 en personne.

Mais mon approche était-elle si objective ? Est-ce que l’espace, ses héros, les défis cosmiques, ses créatures, cette science étrange et si loin de notre réalité qu’elle en paraît magique ne viendraient pas toucher quelque chose de moi ? Ne serait-ce pas simplement le bon vecteur pour laisser se déverser mon besoin d’héroïsme – et, sous-entendu, avec lui tout un pan déguisé de mes complexes plus ou moins refoulés ?

GL20_CVRCombler le manque

Revenons au sujet annoncé de cet article : le magazine Green Lantern Saga dans lequel sont publiés les séries tournant autour des différents corps de Lantern. Après la fin du long run d’Abnett & Lanning je restais comme en deuil. Impossible pour moi de lire le reboot (au sein de la ligne « Marvel Now »10) des Gardiens de la Galaxie de Bendis – ce serait comme trahir la « seule vraie série » des gardiens. Un certain temps après je prends en cours la lecture des nouvelles aventures des Green Lantern, jugeant qu’elles combleront le manque sans salir la mémoire du chef-d’œuvre du duo de scénaristes anglais.

Chance pour moi, en dépit de la mauvaise publicité faite par mon collègue, c’était juste ce qu’il fallait. Un magazine, plusieurs séries dont les intrigues s’entremêlent, des aventures cosmiques et des héros en lycra fluo qui flottent dans l’air et envoient des rayons multicolores. Parfait. En vérité mon camarade libraire avait parlé sans mentir : son avertissement disait juste. Mais il ne prenait en compte que ses propres attentes de lecteur. Autrement dit, platement : ni lui ni moi n’avons les mêmes attentes (conscientes) ou besoins (inconscients) lorsque nous ouvrons une BD.

Je propose une comparaison : Laure (pour ceux qui ont raté les épisodes précédents : la jeune fille qui partage ma vie) m’a montré quelques séries de films qu’elle adorait adolescente – mais donc encore aujourd’hui, et certainement toujours. Citons Iron Man ou Le Seigneur des anneaux.

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Le beau Robert Downey réussira-t-il à tabasser le méchant et à tomber la fille ?

J’ai détesté les premiers et si j’ai trouvé de l’intérêt dans les autres, ce n’est clairement pas au même endroit. En vérité, j’ai un problème avec les héros. Les personnages parfaits, voire pire ceux que leurs imperfections rendent parfaits, m’insupportent. J’ai des arguments : ils sont de mauvais exemples, leur physique idéal nous fait nous sentir nuls, ils transmettent des messages faux au spectateur. Tony Stark est un connard arrogant et il n’est pas si drôle que ça, et c’est facile de s’en sortir face à des ennemis qui sont clairement des faire-valoir. Quant à Aragorn, il y en a marre de ces mecs à belles gueules qui font fondre les filles (dont la jeune Laure) ; il m’est bien plus simple de m’identifier à Frodon, voire à Sam11.

Cela fait-il des films Iron Man ou de la trilogie de Peter Jackson de mauvais films, objectivement ? On peut leur reprocher de nombreuses choses, des raccourcis, des facilités, un usage de clichés, trop de grand spectacle pour le grand spectacle, une certaine malhonnêteté retorse pour manipuler les sentiments du spectateur… mais n’est-ce pas le propre de toutes les histoires ?

En définitive c’est peut-être que tout simplement ce qu’ils offrent et la façon dont il ne le font ne marche pas sur moi. Et même, certainement : m’agressent-ils en titillant mes propres peurs, mes angoisses, en appuyant sur de vieilles blessures. Du type : absence criante d’un père (de deux si l’on prend en plus un père biologique), une maman inversement trop présente et étouffante, involontairement castratrice, puis à la fois trop et pas assez de modèles masculins, tous faillibles qui plus est. Assez pour laisser sous-entendre que : les héros, ça n’existe pas.

La réalité

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Fantasy âpre = couleurs maronasses

Il y a eu un moment où je me suis penché de plus en plus vers des récits réalistes, vers tout un pan de la BD indépendante mettant en scène des loosers pris dans le quotidien, des romans avec ce que j’appelais des « histoires de gens », le cinéma mimaliste, caméra à l’épaule. Puis j’ai (re)découvert la SF et la fantasy. J’ai lu Dick, et certains de ses romans où les éléments science-fictifs étaient finalement plutôt rares. Dernièrement je me suis pris d’amour pour les Game of thrones de George R.R. Martin ou Chien du Heaume de Justine Niogret, que j’appelle de la « fantasy sans musique », pour signifier leur âpreté, leur traitement anti-héroïque. Ou encore le formidable Les Magiciens (suivi du Roi magicien) de Lev Grossman qui met en scène des apprentis magiciens bien moins prompt à combattre les méchants qu’un Harry Potter, bien plus lâches et mollassons, et dont au final le plus grand ennemi n’est autre que l’ennui.

D’une certaine façon, j’en appelle à des récits plus « vrais », plus probables. Et je reste certain que leur existence est des plus nécessaires. Pourtant, j’en reviens en parallèle à des comics cosmiques et spatiaux. Et plus je grandis et avance dans la vie, plus je les crois nécessaires eux aussi. En vérité, qu’ils existent ou pas dans la réalité, nous avons besoin de héros. Parce qu’ils exaltent quelque chose de et en nous.

Mais peut-être que chacun de nous a besoin de héros différents. Pour ma part, un certains nombre de claques de la réalité (et peut-être en l’occurrence plutôt le type de claques, puisque on en reçoit tous notre comptant), des repères flous et faussés et des difficultés à m’assumer et à m’accepter – tant en tant qu’individu adulte valable qu’en tant que mec digne de ce nom – ont mis à mal les grandes figures prototypales tout d’un bloc.

Et puis, il y a eu ce mouvement particulier dans les fictions. Au niveau du comic de super-héros, les premiers pas vraiment flagrants sont ceux d’abord des X-Men de Snyder, puis du Dark Knight de Nolan : en quelque sorte, on a noirci et assombri des héros pop ; on a manœuvré pour les rendre plus réalistes.

Je suis Batman, je suis sombre.

Je suis Batman, je suis sombre.

Certes, c’est un héritage en premier lieu des Watchmen de Moore et du Dark Knight de Miller : le premier qui confrontait des figures pop et colorées à l’âpre réalité (héros vieillis et bedonnants) et le second qui transformait un personnage encore cartoony en guerrier de la nuit, violent et sombre. Mais, là où ces récits orientaient l’industrie en douceur vers un élan de maturité du médium, le film de Snyder a des répercussions directe sur les comics : pour que ceux-ci collent à l’esprit du film, désormais les X-men portent eux aussi des costumes unis et sombres qui n’ont plus rien à voir avec la débauche colorée que proposaient les aventures des mutants jusqu’aux 90’S. Et quant à Batman, il suffit de comparer les versions de Tim Burton ou de Paul Dini et Bruce Tim avec celle de Nolan : auparavant, le Batman avait quelque chose de la créature surnaturelle, on avait beau savoir qu’il avait des gadgets et toutes sortes de véhicules, le personnage avait quelque chose de fantastique et d’inexpliqué. Sa ville même, Gotham City, avait tout d’une créature étrange, elle avait une vie autonome. Le nouveau Batman est urbain, mécanique, équipé. Pour résumer : il n’a plus rien de magique.

Et quand j’ouvre la plupart des comics actuels, quelque chose me manque, je ne les trouve pas beaux, ça ne m’interpelle pas. Mais quand je lis Les Gardiens de la galaxie ou Green Lantern, alors que ce sont les mêmes artistes qui travaillent sur ces séries, quelque chose se passe qui fait entièrement basculer mes notions de beau ou pas beau, qui dépasse l’argumentable. Les couleurs flashy, l’exagération d’effets spéciaux, le dynamisme, l’improbable, tout fait soudain sens. On pourrait dire que plus l’on tente de rendre réaliste une histoire de super héros, moins elle me paraît crédible. Tandis que lorsque l’on l’assume comme déconnectée de notre réalité et reposant sur une logique qui ne peut fonctionner que dans cette univers fictif, j’y crois complètement.

Le héros aux mille visages

Que racontent et représentent en fait à peu près toutes les histoires depuis toujours ? Et particulièrement celles de héros et de super-héros ? Simplement : elles racontent le départ du foyer familial, l’individuation, la confrontation au monde extérieur, à ses problèmes, ses difficultés. Elles disent comment on les surmonte et comment l’on devient grand.

Laure formule cette idée12: si le héros est l’élu, ce n’est pas parce qu’il est si formidablement unique et supérieur à tous les autres individus, mais bien parce qu’il est la projection du lecteur et que chacun d’entre nous est, dans sa propre vie, l’élu, le seul capable de surmonter les épreuves qui l’attendent, le seul qui saura et devra mener sa vie. Selon Jung ou Clarissa Pinkola Estés, les différents personnages d’un récit ne représentent pas tant de véritables individus, mais plutôt les forces qui s’animent et luttent en nous.

Autrement dit : le méchant, c’est aussi toi (d’un coup les relations ambivalentes et toujours sur la corde raide entre Luke Skywalker et Darth Vader ou Harry Potter et Voldemort prennent tout leur sens). À toi de décider de ne pas le laisser prendre le dessus.

novaSi l’on se penche sur le Green Lantern le plus important, Hal Jordan, ou le premier Nova, Richard Ryder, on observera leur étonnante ressemblance. Tous deux appartiennent (l’un chez DC, l’autre chez Marvel) à des corps de police intergalactiques. Leur origine est assez semblable : l’un est pilote, l’autre mauvais étudiant un peu sportif, tous deux têtes brûlés, en butte à l’autorité. Un représentant des deux corps, respectivement Green Lantern et Nova, poursuivant un méchant de l’espace, s’écrase sur terre. Il doit choisir un remplaçant, et c’est la force cosmique qui l’habite (la lumière verte ou la nova force) qui le fait pour lui. Hal et Richard sont choisis.

Chacun vit alors des aventures principalement sur terre, combattant aux côtés d’autres héros terriens. Il faudra que leurs séries respectives avancent pour que l’idée des corps soient développée, et qu’apparaissent, petit à petit, d’autres Green Lantern ou Nova, avant que l’on ait enfin affaire à de véritables armées. Armées à la tête desquelles se retrouveront les deux héros préalablement solitaires.

Dans le cycle Annihilation on voit Richard Ryder confronté à une guerre cosmique qui au début le dépasse. Mais il la traverse et se battra jusqu’au bout. Ce qui est étonnant c’est qu’alors que le héros a bien trente ans d’existence, il est traité comme un adolescent qui met le nez hors de chez lui. Dans de récents épisodes des Green Lantern (épisode 21 de la série actuelle), Hal Jordan est nommé à la tête de son corps. On y lit qu’il est mort puis a ressuscité. La même impression de nouveauté du personnage effleure : il semblerait presque avoir acquis ses pouvoirs hier – ce qui est quasiment le cas à l’échelle du comics, puisque le reboot est encore frais.

En vérité Jésus n’a pas la prérogative du sacrifice puis mort puis résurrection : c’est une vieille constante du parcours du héros. Harry Potter ou Buffy Summers n’y échappent pas. Et, quant à Nova, il se sacrifie avec son confrère Starlord (leader des Gardiens de la galaxie) à la fin du run d’Abnett & Lanning. Mais qu’à cela ne tienne ! avec « Marvel Now », tous deux ont droit à une nouvelle existence, et l’on reprend tout du début.

Une histoire sans fin

J’ai alors compris quelque chose de capital au sujet des reboot de franchises (une vieille rengaine dans le milieu du comic book) : au delà de l’évidente raison financière qui veut que reprendre du début peut ramener de nouveaux lecteurs et spectateurs sans qu’ils n’aient à se référer aux précédentes et nombreuses aventures, il y a cette Histoire sans fin. Histoire que le roman éponyme de Michael Ende et le film de Wolfgang Petersen racontent très bien. Une histoire qu’on ne peut se lasser de raconter et que l’on re-raconte encore et toujours. Et si le héros meurt, il renaît. Laure, se référant à Françoise Dolto, explique que cette mort du héros signifie le passage à l’âge adulte. Mourir équivalant à accepter la fin de l’enfance. Et l’on pourrait facilement étendre cela aux cycles de la vie (ce que Clarissa Pinkola Estés appelle « Vie/Mort/Vie », ou que Disney fait chanter à ses animaux anthropomorphes dans Le Roi Lion) : cette épreuve d’accepter la fin de quelque chose revenant inévitablement dans la vie de tout individu. On ne cesse jamais de grandir.

Et c’est cette même histoire que racontent les BD ou les films mettant en scène tous ces beaux losers qu’on affectionne de nos jours, même s’ils surmontent peut-être les épreuves un peu plus laborieusement.

Carol Ferris et les Star Sapphire : le bon goût à son appogée

Carol Ferris et les Star Sapphire : le bon goût à son appogée

Dès lors, si l’on considère les aventures des Green Lantern Corps et de leurs confrères, les Red Lantern, ou les Blue, Yellow, Orange, Indigo, et enfin les Star Sapphires (de lumière dite « violette », mais vêtues dans un beau rose limite digne de Barbie) on peut tenter d’en avoir une lecture semblable : il ne s’agirait alors pas des aventures de véritables individus lancés à travers l’espace, mais en fait d’archétypes déroulant sous nos yeux la métaphore de nos combats intérieurs.

OK, je veux bien que la métaphore ne parle pas à tout le monde et que certaines filles soient heurtées par la représentation des Star Sapphires : le seul corps composé uniquement de femmes et dont le pouvoir est animé par la force de l’amour.

L’arc-en-ciel au complet : les Power Rangers des émotions

Effectivement, au sein des représentations en monochrome noir des super-héros actuels, les Lantern de toutes les couleurs jurent un peu. Et, oui, cette idée de pouvoir tirés de la force des émotions est un peu abracadabrante. Petite explication pour ceux qui n’ont pas suivi (c’était mon cas jusqu’à il y a un mois) : il existe donc sept corps de Lantern, un par couleur du spectre lumineux. On apprendra dans l’épisode spécial 23.1 : « La chute des luminiers » qu’existaient dans un univers antérieur au notre des entités usant de la lumière eux-aussi, les luminiers, donc.

The-Lantern-CorpsLes Green Lantern originaux sont animés par la volonté (« la lumière verte de la détermination », pour les luminiers) ; le Corps de Sinestro (ancien Green Lantern qui forma Hal Jordan) use de la lumière jaune de la peur (ou de la « terreur ») ; la lumière violette de l’amour (ou de la « passion »), pour les Star Sapphire ; la compassion (ou « l’empathie ») pour la tribu Indigo ; l’espoir pour les Blue Lantern (« la lumière bleue de la foi ») ; enfin, l’avarice (ou la « cupidité ») pour l’agent orange, Larfleeze, seul détenteur de la lanterne de même couleur. Enfin existe aussi un Black Lantern, Black Hand, qui fait se lever les morts, qu’il contrôle ensuite, et un White Lantern (Kyle Rayner, un temps remplaçant d’Hal Jordan et par ailleurs ancien dessinateur de comics), qui contrôle depuis peu les sept spectres de couleur.

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ésotérisme = photoshop

Dit comme cela, cela peut sembler plutôt kitsch, voire légèrement mièvre. Et ça l’est peut-être. Mais, en fin de compte, et alors ? Je dirais même, peut-être bien que cela doit l’être. Depuis quelque temps je m’intéresse de plus en plus à la pratique du tarot, pas en tant qu’art divinatoire, mais plutôt comme outil et support de lecture de soi-même. Mon attentionnée belle-maman m’en a offert plusieurs pour mon dernier anniversaire, dont le très intéressant (et en fait diablement pertinent) Les Portes de l’éveil, 42 pas vers soi13. Celui-ci est constitué de sept familles de six cartes. Une couleur par famille, et chaque couleur correspondant à un chakra. Cela est basé sur des principes énergétiques zen. Chacune des familles invite à travailler sur des types de rapports au monde, tels que lâcher prise, confiance en soi, expression…14 Qu’importe en fait que cela soit fondamentalement et scientifiquement vrai, car en définitive, les messages des cartes sont simples, de bon conseil, et justes. Si l’on décide de les prendre au sérieux, ils peuvent même être d’un grand secours.

Chose notable, en plus d’une couleur, chaque famille hérite d’une illustration de Marie-Laure Joubert, « artiste en arts numériques » (c’est écrit sur la boîte). C’est-à-dire qu’elle bricole avec Photoshop. Si je devais juger de ce travail, ainsi que je peux le faire la plupart du temps, je serais aisément très cassant, genre : « Ouh, mon dieu, que c’est laid ! » Sauf que, en contexte et en pratique, ces images, leur naïveté apparente et leur colorisation frappante, font sens. Elles portent le message et assoient l’ambiance ésotérique du jeu.

Nous allons y revenir, mais je voudrais d’abord reconnecter tout cela à une création de (successivement) Roy Thomas, Bill Mantlo, Jim Starlin et Glenn Herdling : le gant d’infini et particulièrement les gemmes qu’il arborait : « de petites pierres de forme oblongue, mesurant de 2 à 3 centimètres de long. Chaque Gemme possède une couleur spécifique : vert pour la Gemme de l’Âme, pourpre pour la Gemme de l’Espace, bleu pour la Gemme de l’Esprit, rouge rose pour la Gemme du Pouvoir, jaune pour la Gemme de la Réalité, rouge orange pour la Gemme du Temps. »15 Auxquelles il faut ajouter la gemme de l’Ego, moins connue (et qui n’apparaît qu’en 1995), qui semble ne pouvoir que résister aux six autres gemmes.

Legendary_Infinity_GemsDans des arcs narratifs scénarisés par Jim Starlin, Thanos réunit les gemmes qu’il porte sur le gant de l’infini. Warlock, sorte de demi-dieu synthétique vaguement christique, aidé de ses acolytes, réussi à combattre le titan à la peau violette. Il

Thanos porte le gant d'infini - avant que Warlock ne vienne lui reprendre

Thanos porte le gant d’infini – avant que Warlock ne vienne lui reprendre

remet ensuite chacune des gemmes à différents héros, avec qui il formera l’équipe des Gardiens de l’infini16 et affrontera diverses menaces. Les histoires de Jim Starlin sont toujours teintées de mysticismes et de philosophie et cet héritage aura irradié toutes les séries cosmiques Marvel, mêmes celles qui tournent aujourd’hui plus vers la science fiction.

Des histoires pour grandir

Ces concepts peuvent sembler simplistes – ou, lorsque l’on évoque la philosophie, avoir un bon air de philosophie de comptoir. Or, je pense que l’on peut voir cela d’une autre façon. Comme le souligne Julien Di Giacomo dans la conclusion de son ouvrage Quelle place pour le super-héros dans la société américaine ?, « leurs messages ne sont jamais cryptiques, et ils n’exigent pas de nous que nous croyions en leur existence pour être inspirés par leurs actions. »17 Plutôt que simplistes, leurs métaphores sont simples, frappantes. Elles permettent de dire des choses compliquées, notamment sur les conflits entre les individus (et encore plus sur ceux intérieurs). Et je crois même qu’elles agissent sur nous sans que nous nous en rendions compte.

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Sinestro et ses acolytes jaunes

D’une certaine façon, Hal Jordan/Green Lantern, Sinestro et Carol Feris/Star Sapphire, ou encore Atrocitus, à la tête des Red Lantern, ne sont qu’un seul et même individu découpé en les diverses forces archétypales. En fait, Star Sapphire, aussi kitsch et ridicule puisse-t-elle sembler, doit être ainsi : elle n’est pas un personnage de femme, engoncée et figée dans un cliché, elle est l’idée des forces féminines archétypales. J’irai même jusqu’à dire que le personnage ne s’adresse pas aux femmes. On peut (et cela est un autre constat qui mène lui à un autre débat) supposer que le principal lectorat de Green Lantern est composé d’hommes, en grande partie jeunes, quasiment tous adolescents, voire post-adolescents, voire adultes en apparence, mais encore empêtrés dans cette adolescence qui dure aujourd’hui toujours plus.

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"C'est à moi ! à moi ! à moi !"

“C’est à moi ! à moi ! à moi !”

l y a aussi cet intéressant personnage que Larfleeze, l’agent orange, seul et unique détenteur de la batterie orange, animée par le pouvoir de la cupidité et de l’avarice (qui par certains côté semble être une version cosmique de Golum). Le personnage collectionne un grand nombre d’entités et de créatures qui deviennent ses sbires et qu’il appelle « mes jouets ». N’est-il pas une parfaite représentation (et par là un message lancé au lecteur) de nous autres, collectionneurs maladifs de comics ? qui les accumulons précieusement, après les avoir recherchés de librairie en librairie ? Comics dont on ne se débarrassera pas, qui sont à nous et que l’on doit posséder ?

Ironiquement, on dit que les comics ont mûri, mais j’ai presque l’impression que c’est les lecteurs qui grandissent plus lentement et que ceux-ci (je m’inclus évidemment dans le lot) ont besoin, encore et toujours d’être accompagnés. Dans les comics de super-héros actuels, en apparence plus adultes et complexes qu’auparavant, s’animent les mêmes vieilles grandes forces du bien contre le mal. La même éternelle histoire dont je parlais plus haut.

Dans cette histoire, l’archétype féminin n’est pas tant l’amoureuse du héros que ce que Jung appelle « l’anima » : c’est-à-dire la part féminine de chaque homme, et donc du héros/lecteur (« l’animus », quant à lui est la part masculine de chaque femme). Intégrer et accepter sans honte cette part de soi fait partie intégrante du processus qui mène à l’âge adulte. Clarissa Pinkola Estés (héritière de Jung) parle aussi du « prédateur naturel de la psyché », c’est lui qui nous pousse à nos mauvaises actions (qu’elles soient faites envers autrui ou nous-mêmes – mais je crois qu’une mauvaise action envers quelqu’un d’autre est en fin de compte aussi dirigée contre soi) et cela a beaucoup à voir avec la peur et la colère18.

Absolument rien ne prouve que Geoff Johns lorsqu’il a réinventé l’univers des Lantern n’avait clairement cet objectif en tête, mais je pense que c’est ce qu’il a fait. Et peut-être même est-ce son inconscient qui l’a dirigé, parce que lui-même avait besoin de cette histoire pour grandir.

Plus j’y pense, plus je crois que les super-héros (en tout cas la plus grande partie d’entre eux) s’adressent bel et bien aux enfants et adolescents ; pas par besoin régressif, mais bien parce que l’enfant en nous doit vivre ces histoires un certain nombre de fois, ce afin d’en intégrer les archétypes pour pouvoir les transcender et les dépasser, et, enfin, s’incarner en un nous adulte.

Ésotérisme et initiation

Revenons à cette histoire des couleurs : qu’elles soient celles des Lantern, des gemmes de l’infini, ou des cartes des Portes de l’éveil 19. On sait que les bébés et les enfants sont très réceptifs aux couleurs qui flashent. Peut-on imaginer qu’au fond de nous, derrière toutes les barrières que nous dressons, derrière notre intelligence, notre capacité d’analyse, de recul, notre cynisme, notre désabusement, subsiste malgré tout quelque chose de « pur », d’innocent, capable de se connecter à des forces primaires ? Ces couleurs bêtassouilles œuvrent-elles sur notre inconscient ? J’ai tout lieu de le penser car sinon ni les comics des 90’S de Jim Starlin, ni le long run de Geoff Johns sur Green Lantern n’auraient eu autant de succès.

On est nombreux à se moquer de l’ésotérisme, de la foi religieuse, que l’on soit des gens de lettres, des intellectuels, des scientifiques à l’esprit carré, ou de cette élite qui elle ne se laisse pas berner. Je suis frappé par toute cette population geek, dont bon nombre ont des cursus scientifiques, et se prônent athées avec fierté ; et qui pourtant lisent comics de super-héros et romans fantasy. Ou ces chercheurs sérieux dans les universités, qui se sentent au-dessus de la masse ignorante et aveuglée par des illusions, mais qui pourtant passent leur vie la tête, le nez et tout leur être dans les histoires.

Pour moi, il n’y a en fait aucune différence entre La Bible ou un comics de Green Lantern, de Warlock ou des Gardiens de la galaxie (choisissez quant à vous les titres qui vous interpellent le plus) : ce sont des histoires, des métaphores de ce qui se passe en nous. Des histoires dont notre inconscient a besoin pour que nous soyons capables d’affronter le monde extérieur, de devenir des adultes responsables et de participer activement au monde – tout en croyant que ce que nous faisons a un sens, quel qu’il soit. C’est, pour résumer, un travail initiatique et de foi, dont nous avons tous besoin quoi qu’on en dise.

Toutes les histoires ne participent pas toujours au mieux à ce travail, certaines même nous font rester éternellement enfant. Mais je reste persuadé qu’un bon nombre, parfois même malgré elles – et malgré nous –, le font réellement. Mon confrère qui a trouvé les Green Lantern actuels idiots a certainement besoin d’un autre type d’histoires. Ou peut-être n’est-il pas prêt à abaisser ses défenses qui laisseraient l’histoire venir à lui. Ou a-t-il déjà parfaitement grandi et n’en a-t-il plus besoin.

Pour ma part, j’ai compris qu’elles agissaient sur moi, de façon jusqu’alors quasiment inconsciente. Je serais bien incapable à l’heure actuelle d’exprimer et de comprendre tout ce qu’elles animent en moi ; mais je peux aisément affirmer qu’elles m’aident à intégrer et ordonner les forces anima/animus, elles participent à me faire assumer et exprimer pleinement mes côtés masculins et féminins, à me faire me sentir fort, confiant, adulte. Et elles le font en parlant à l’enfant peureux en moi. Et pour cela, elles se doivent d’être simples, frappantes et colorées.

Et pour moi, les moins réalistes et les plus abracadabrantes possible. Pas par goût ou conviction. Non, plutôt car c’est le seul tour de passe-passe qui marche avec mon inconscient, qui peut contourner les barrages que j’ai dressés, contourner la barrière intellectuelle de mon mental et aller toucher au plus profond de mes émotions les plus enfantines. C’est pour moi la seule manière d’accepter l’existence de héros – et précisément des forces intérieures qu’ils représentent.

Les goûts et les couleurs

Je voudrais justement revenir sur une – presque – dernière chose à ce sujet : j’écoute beaucoup d’émissions podcastées, ou vidéo sur Youtube, lis des critiques argumentées (plus ou moins), participe à des débats, discute des heures durant avec mon amoureuse de la validité ou non d’Iron Man et de la qualité des illustrations de Gilles Francescano (ou d’autres). Et j’ai beaucoup écrit pour défendre ou descendre tel ou tel film. Comme vous et vous, j’y mets beaucoup d’énergie. Certain, non seulement de ma légitimité, mais aussi de la justesse et de la véracité de mon propos et de mes arguments.

Pourtant, si je prends le temps de m’observer de l’extérieur, et si j’écoute attentivement les énergies qui s’animent en moi, je comprends deux choses : la première, c’est qu’en dépit des arguments et des thèses, souvent parfaitement valables en l’état, ce sont mes émotions, mon vécu, le contexte, peut-être même carrément l’objet (son papier, son type d’impression, son odeur…) qui influent sur mes impressions. Je suis assez persuadé que dans un grand nombre de cas nous décidons si nous allons aimer ou non une œuvre avant même de l’avoir entamée.

Pire : à partir du moment où nous débutons une « activité critique » et que celle-ci prend place dans notre existence, nous nous mettons à aborder les œuvres dans ce sens. Parfois allant jusqu’à formuler dans nos têtes les sentences impérieuses que nous clamerons au sujet d’ouvrages pas encore lus ou de films pas encore vus.

La seconde chose, qui découle de la première, c’est que nous confondons nos colères, nos enthousiasmes les plus intimes (c’est-à-dire qui ont à voir bien souvent avec des choses enfouies, qui peuvent remonter jusqu’à notre enfance, ainsi que nos diverses expériences plus ou moins récentes, sur lesquelles nous ne mettons pas toujours le doigt aisément) et les combats justes qui regardent des questions plus universelles.

Comme nous sommes malins, nous trouvons des objets pour y défouler nos émotions les plus positives ou les plus négatives, de façon à perpétuellement masquer les vraies raisons. Je répète rapidement celles dont j’ai réussi à prendre conscience : abandon du père, donc manque de repères, donc manque de confiance envers les figures héroïques ; mère qui nous a élevés seule, trop présente et déversant un trop plein d’amour infantilisant, tout en projetant sur nous sa haine des hommes (un problème mal digéré avec son père) ; d’où difficulté à s’imposer en tant qu’adulte et homme, d’où sentiment de grande responsabilité et redevance envers les femmes (ce qui – en partie – mène à mes luttes féministes) ; difficulté à m’imposer en tant qu’individu indépendant au sein des groupes sociaux, timidité et manque de confiance, d’où mise en scène de grande confiance et besoin de démontrer mon individualité par des comportements et des idées uniques… etc, etc.

2445036-greenlantern4covers_colorfinalQuant à Green Lantern, Les Gardiens de la Galaxie, Warlock and the infinity watch ou ces bons vieux Omega Men… et la synthpop grandiloquente, j’y retrouve cet héroïsme enjoué et débordant dont nous avons tous besoin en vérité – quoi qu’on puisse en dire. Héroïsme qui peut revêtir toutes sortes de formes qui répondent certainement à diverses expériences de notre passé.

Le sentiment d’appartenance

Il y a quelques jours, j’ai soudain réalisé deux choses. Curieusement, il m’a d’abord fallu lire un épisode assez dispensable de Green Lantern Corps (#25 dans Green Lantenr Saga #27). Celui-ci s’insère de façon assez artificielle dans le crossover « An Zéro » qui revient sur la première année d’activité du Batman20. On y suit John Stewart, l’un des Green Lantern, avant qu’il rejoigne le corps des Lantern, alors qu’il est sergent dans l’armée américaine. Le traitement de l’épisode, qui se déroule sur terre et en l’absence totale de super-pouvoirs flashy, est alors bien plus réaliste. Et paradoxalement bien moins crédible.

Join_the_Green_Lantern_Corps_by_thisisantonMais c’est lui qui a ceci dit mis en lumière une chose qui était pourtant évidente : l’une des problématiques majeure des séries Green Lantern est celle de l’appartenance au groupe. La plupart des Lantern sont des individus grande-gueule et indépendants. Toute la dynamique des séries repose alors sur la relation des différents membres des corps, entre esprit d’équipe et désaccords. Cette même dynamique est d’ailleurs en plein cœur des séries des grands cycles cosmiques Marvel et des séries telles que celles des Gardiens de la Galaxie ou de Nova. Et l’on retrouve par ailleurs tant chez DC que Marvel des menaces d’armées totalitaires, sortes de parodies-résurgences de la vieille menace communiste. Quoi qu’il en soit – et qu’importe ce que l’on peut penser au final des messages politiques interprétables – est toujours présent ce questionnement fondamental : chaque fois les héros sont tiraillés entre leur besoin d’appartenance à un groupe et la peur de perdre leur individualité.

Le fameux épisode 25 dont je parle ci-dessus met John Stewart dans cette situation : obéir à son supérieur ou à ce que lui dicte sa conscience, au risque d’être ensuite démis de ses fonctions et donc rejeté par le groupe. Comme binova22dnaen entendu il est le héros, il suivra sa conscience et au final se distinguera donc au sein du groupe tout en y asseyant sa place. Le même personnage (et à vrai dire d’autres très nombreux) vivra et aura vécu cette exacte même situation au sein du corps des Green Lantern.

Cela est donc absolument central dans les séries Green Lantern, mais l’est également dans toutes les séries de space opera cosmiques que j’affectionne. Solitaire et indépendant, ado, je préférais surtout les personnages sombres comme le Ghost Rider et Batman, ou l’iconoclaste Deadpool. Aujourd’hui je trouve bien plus d’intérêt dans les équipes. Certainement pas pour rien que j’affectionne tant Buffy contre les vampires, puisqu’en dépit du nom de la série il s’agit bien des aventures de Buffy et de ses nombreux acolytes.

Le même jour que celui où je lisais l’épisode 25, je vois mon ami Olivier. Lui et moi avons le même type de névroses et d’handicaps, bien que s’exprimant différemment et ne reposant pas tout à fait de la même façon sur les mêmes expériences. Mais une chose nous lie et fait que nous nous comprenons sur certains points : nous sommes tous deux des individus très solitaires, facilement mal à l’aise en société. Cela repose autant sur notre manque de confiance en nous-mêmes qu’un manque de confiance en autrui (le second manque de confiance reposant sur le premier : puisque je ne vaux pas le coup, pourquoi quiconque perdrait du temps avec et pour moi ? Alors autant me débrouiller seul). Nous nous sommes alors construits de notre côté, nous inventant une vie avec des activités solitaires. Nous pouvons aller plus loin en nous illustrant par moment en société par réflexe d’auto-défense en affichant des points de vues à contre-courant (c’est le cas de la plupart de mes meilleurs amis), au risque de causer d’interminables débats, et même de passer pour d’exécrables rabats-joie.

Mais au-delà de ce masque d’apparence, nous avons irrémédiablement besoin d’être acceptés, aimés, et de sentir que nous faisons partie de la bande.

Ce jour, nous passons un petit moment chez Olivier, et nous regardons un bout de match de foot. Olivier adore ce sport et suit régulièrement les matchs avec beaucoup de ferveur. D’un coup, cela me frappe : le foot est pour lui exactement la même chose que les équipes de super-héros cosmiques pour moi. Pour lui qui comme moi passe le plus clair de son temps assis devant son ordinateur, ils sont l’expression de son besoin de s’incarner dans son corps – ce qui s’avère une lutte de tous les jours pour des individus qui se sont barricadés dans les tréfonds de leur mental – et tout en même temps son besoin de faire partie de l’équipe.

Notre grande subjectivité

Aujourd’hui, particulièrement sur internet, mais aussi partout ailleurs, de plus en plus d’entre nous s’expriment sur les œuvres auxquelles ils sont confrontés. Nous donnons des avis que nous pensons la plupart du temps fondamentalement justes. Et je pense qu’ils doivent l’être, la plupart du temps. On trouve deux sortes d’avis, quelquefois combinés avec plus ou moins d’adresse : ceux qui viennent du cœur, et s’expriment sous la forme j’aime/j’aime pas, avec plus ou moins d’emphase selon qui parle ; les autres sont argumentés point par point avec une implacable objectivité.

Si les premiers me lassent car ils ne disent souvent pas grand chose, les seconds sont peut-être encore plus retors : je reste persuadé qu’aussi objectifs puissent-ils paraître, ils sont motivés par des raisons absolument subjectives, bien souvent enfouies et dont l’élocuteur n’a pas pleinement conscience – ou qu’il évite au mieux pour ne pas s’y confronter.

Je crois réellement que si, lors de débats, les échanges deviennent parfois houleux et vindicatifs, en dépit des arguments donnés des différents côtés, c’est bel et bien parce que ces raisons enfouies se sentent menacées et réagissent.

On gagnerait beaucoup, pour nous et pour nos relations avec autrui, à toujours se poser ces questions. On ne le fait quasiment jamais, parce que ce serait risqué : ce serait accepter que nous sommes esclaves de pulsions et de besoins enfantins, ce serait questionner nos goûts sûrs et nos avis éclairés. Pourtant, si l’on réussissait à distinguer clairement dans nos émotions et notre expérience la plus subjective ce qui nous fait aimer et considérer telle ou telle œuvre, telle action, telle personne, ou au contraire nous pousse à nous battre contre, on communiquerait bien plus aisément.

Une fois nos émotions, nos peurs, nos rancœurs, nos souvenirs enfantins écartés, il serait, j’en suis certain, bien plus simple d’argumenter sur les causes légitimes de nos luttes. Nous serions plus détachés, plus sereins, moins intransigeants et partiaux. Nous saurions peut-être même nous mettre à la place de nos opposants et leur parler avec leurs mots. Et peut-être d’autres fois ne perdrions-nous pas tant d’énergie à défendre des choses qui dans le fond ne regardent que nous.

Et donc, où voulais-je en venir avec Green Lantern ? Eh bien, aussi kitsch et idiot que ça puisse avoir l’air, je crois que c’est bien plus riche qu’on voudrait croire. Et surtout : c’est exactement la bande dessinée dont j’avais besoin précisément maintenant dans ma vie21. Trouvez vos Lantern à vous, posez-vous les bonnes questions. Et fuck le bon goût.

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1Scénariste américain très qui actif depuis plus de dix ans a œuvré sur la série Green Lantern et redéfini tout l’univers Lantern et les différents corps, transformant le personnage de second couteau moyennement intéressant en un des fers de lance du DC comics moderne.

2Et qu’accessoirement elle avait utilisé quelques morceaux de ce dernier dans son spectacle (vague plagiat sans s’en rendre compte du Petit Prince et d’Alice au pays des merveilles) Estelle : l’histoire d’une petite étoile, tombée du ciel et qui cherche à échapper au vilain roi Pendragon qui enferme les étoiles dans des « boîtes de nuit ». On ne va pas s’étendre là-dessus, mais écrivant cela, je réalise à quel point cette histoire inventée par ma maman était une métaphore inconsciente de sa relation avec son père.

3Motard fantôme à la tête enflammé, rejetons du diable qui habite un corps humain et venge les innocents bafoués en plongeant son « regard d’expiation » dans le leur.

4J’avais alors créé une subtile association dans ma tête entre cette seconde et moins glorieuse équipe de Vengeurs et le soap Côte Ouest qui passait encore à la télé à l’époque. Sans être adepte du feuilleton, et sans même me souvenir avec précision des épisodes du comic lus dans Titan, je garde une impression nostalgique de cette lecture. Je souligne cela ici, car le côté soap de nombreux comics est de ceux qui m’interpellent le plus. On verra pourquoi plus loin.

5Je reviendrai dans un prochain article sur ces quêtes des numéros manquants qui peuvent occuper pas mal un lecteur de comics ou n’importe quel collectionneur ; ainsi que sur le mode de lecture – partiel et elliptique – qui en découle et sur le mode de gymnastique mentale qu’il présuppose.

6Scénariste américain qui des années 70 à début 2000 a contrôlé et écrit tout l’univers cosmique de Marvel. Il est le créateur de Thanos, méchant suprême et ambigu, amoureux de la mort personnifiée.

7Duo de scénariste anglais œuvrant pour Marvel depuis les 90’S. On leur doit de nombreux comics de licence (dont un crossover Ghostbuster/Transformer/Star Trek/ GI-Joe). C’est à eux qu’on doit d’avoir ravivé et reboosté l’équipe des Gardiens de la Galaxie, le personnage de Nova (équivalent Marvel de Green Lantern) et un long cycle de crossover cosmiques.

8C’est-à-dire : les maxi-séries Annihilation, puis Annihilation Conquest, auxquelles succédèrent War of Kings et Realm of Kings et les séries parallèles mettant en scène entre autres Nova, les Gardiens de la Galaxie, les Inhumains, Quasar, Starlord… et enfin les deux mini-séries Annihilators qui clôturaient le tout. On avait alors dans les pages d’un même magazine tout un grand space soap opera choral avec intrigues croisées et enchâssées. Le plus : ces séries spatiales évoluaient en marge du reste de l’univers Marvel – plus terrestre et vendeur – et on pouvait les suivre relativement bien en se passant de toutes les autres publications.

9Scénariste et dessinateur qui s’est fait connaître par plusieurs polars sombres et maîtrisés. Il y a plusieurs années Marvel l’embauche sur une, puis deux, puis trois… séries. Aujourd’hui toute série importante de la maison finit entre ses mains – avec plus ou moins de réussite selon son inspiration.

10En 2011, DC lance ses « New 52 » : après un événement de taille qui chamboule l’espace-temps, ses 52 séries repartent à zéro. Grande opération pour récupérer de nouveaux lecteurs qui auraient sinon été perdus avec la continuité. Quelques temps plus tard, Marvel fait de même avec « Marvel Now ». Green Lantern Saga, dont le numéro 27 est sorti ce moi-ci reprend dès son numéro 1 les séries « New 52 » autour des Lantern.

11Ou à Quentin dans Les Magiciens de Lev Grossman.

12Dans son mémoire universitaire, qui s’appuie lui-même sur les travaux de : Joseph Campbell, Bruno Bettheleim, Clarissa Pinkola Estés ou Carl Gustav Jung.

13Oui, les amis geeks, vous avez bien lu, « 42 ».

14 Ainsi les cartes rouges (chakra racine) vous invitent « à rechercher la sécurité intérieure en lâchant prise sur la volonté de maîtriser le matériel » ; les oranges (chakra sacré), « à contacter vos véritables désirs » ; les jaunes (plexus solaire), « à lâcher vos peurs, à travailler sur l’affirmation de soi, ni trop en retrait, ni trop en excès » ; les vertes (le chakra du cœur), « à vous pardonner et vous aimer de façon inconditionnelle. » ; les bleues (chakra de la gorge), « à verbaliser ce que vous voulez, ce que vous ressentez ou encore à exprimer votre créativité » ; les indigos (3ème œil), « à être d’avantage conscient de ce qui motive vos actions, à travailler le discernement, à suivre vos intuitions » ; enfin, les violettes (chakra couronne), « à travailler sur les aspects de la conscience liés à l’unité ou à la séparation ».

15Cf. l’article sur les gemmes de l’infini, sur l’encyclopédie Marvel en ligne : http://www.marvel-world.com.

16Dans la série Warlock and the Infinity Watch publiée dans les années 90. Aujourd’hui, ce sont d’autres héros, plus de premier plan, qui ont hérité des gemmes.

17Dans la collection « Mémoires en poche » du Master IEC de l’université Cergy-Pontoise, 2013.

18Incarnées respectivement par Sinestro et les Yellow Lantern et Atrocitus et les Red Lantern.

19Je remarque que les sept coffrets DVD des saisons de Buffy contre les vampires – peut-être une des séries les plus notables sur le fait de grandir – arborent eux aussi chacun une couleur de l’arc-en-ciel.

20Rejouée et réinterprétée suite au reboot « New 52 ».

21Je n’ai finalement pas parlé de la quête des numéros manquants ; mais je me propose de faire ça une autre fois, parce que cela est déjà assez long, non ?

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