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Dans les sociétés arabo-musulmanes comme celle de la Tunisie, conception et pmcnéation ont
presque toujours lieu dans le cadre du mariage. Ce cadre constitue en effet le seul état d'union légale aussi
bien sur le plan juridique que sur les plans de la religion et de la pratique sociale, d'oh les interdits sexuels
en dehors de l'union conjugale et surtout la relégation sociale des "filles-mères". De ces faits rdsultent un
nombre de célibataires définitifs très faible, des naissances illégitimes peu nombreuses voire m~me
négligeables et un åge au premier mariage qui constitue pour la quasi-totalité des femmes marié.es, le
début de la vie féconde.
Bien que le mariage sanctionne le début de l'exposition, le risque de procréer dépend aussi des
facteurs biologiques et, dans une certaine mesure, des facteurs psychologiques propres à chaque couple.
Des facteurs tels que l'allaitement, l'aménorrhée et l'abstinence post-partum qui sont de nature
essentiellement physiologique jouent également un r61e important.
La conjugaison de ces facteurs qui agissent dans un contexte social arabo-musulman en évolution
donne à l'étude de la nuptialité et de l'état d'exposition au risque de grossesse un intéî~t particulier.
4.1 NUPTIALITE
La présente partie se propose d'apporter, à partir des informations recueiUies, quelques éléments
d'appréciation sur la nuptialité en Tunisie. L'analyse portera essentiellement sur l'état matrimonial au
moment de l'enquête, l'åge au premier mariage et enfin les facteurs différentiels marquant cet fge.
Le tableau 4.1 donne la répartition en pour cent des femmes enqu~tées selon l'état matrimonial à
la date de l'enquœte. Dans l'ensemble, les résultats de ce tableau montrent que l'écrasante majorité des
enquêt6es non-célibataires (95,9 pour cent) étaient mari~es au moment de l'enquête et seule une minorité
(4,1 pour cent) était en situation de rupture d'union (veuvage, divorce, séparation). Cela atteste une grande
stabilité des mariages en Tunisie, confirmée d'ailleurs par la raret6 du phénomène de remariage. En effet,
le nombre de femmes qui se sont mari~es plus d'une fois n'atteint que 2,9 pour cent de l'ensemble des
non-c61ibataires (soit 124 femmes sur 4184), tandis que l'écrasante majorité d'entre elles (97,1 pour cent)
n'a contracté qu'un seul mariage.
Le m~me tableau montre que les unions conjugales parmi les jeunes générations (celles ågées de
moins de 35 ans) sont davantage rompues par les divorces et les séparations que par les veuvages; par
contre, le phénomène inverse s'observe parmi les générations fgées (celles de 35 ans ou plus). Cet état de
chose s'explique vraisemblablement par le fait que le divorce et la séparation sont plus fréquents chez les
jeunes couples que chez leurs aînés. Par contre, la fréquence particulièrement élevée du veuvage aux figes
29
avancés trouve son explication dans la surmortalité masculine et dans l'écart important de l'fge au mariage
entre les époux.
Etat m a t r i m o n i a l
Groupe Effec-
d'åqe Mari~e Veuve Divorcêe S~par~e Total tif
EDS 1988
ETPC 1983"
Si l'on compare les données de cette enquete å celles de I'ETPC de 1983, on remarque que les
différences sont minimes entre les deux sources et que les distributions qu'elles fournissent attestent que
l'état matrimonial et la stabilité des unions n'ont pas subi de changements appréciables.
Par ailleurs, les données du tableau 4.2 montrent qu'au niveau de l'ensemble des femmes
(célibataires et non-c~libataires) en fge de procréer, 41 pour cent d'entre elles étaient célibataires. Le
mSme tableau fait ressortir que la proportion de non-célibataires est en augmentation avec l'fige des
femmes. A 15-19 ans, un peu plus de 4 pour cent seulement des femmes ont déjà contracté une première
union; å 25-29 ans, 70 pour cent des femmes ont déjà été mari~es et au-delà de 40 ans, seule une minorité
de femmes sont encore célibataires. Il est/~ noter que la proportion de célibataires exagérément élevée à
45-49 ans, permet de confirmer encore une fois l'effet de sélection (pour l'enquête individuelle) déjà
évoqué dans le deuxième chapitre, et qui affecte le nombre de femmes de ce dernier groupe d'fge.
30
TABLEAU 4.2 REPARTITION (EN %) DE TOUTES LES FEMMES (15-49 ANS) DE LA FEUILLE DE
MENAGE SELON L'ETAT MATRIMONIAL ET L'AGE ACTUEL, EDS, TUNISIE, 1988
% des c&libataires
d'aprÔs le recense- Etat matrimonial, EDS
ment de:
15-19 86,4 89,5 93,3 95,6 4,3 0,0 0,0 0,I i00,9 1466
20-24 27,0 45,5 59,0 64,1 34,9 0,i 0,8 0,1 100,0 1519
25-29 8,7 14,5 24,5 29,9 68,3 0,3 I,I 0,3 I00,0 1224
30-34 3,9 4,8 9,7 11,4 85,9 1,8 1,5 0,3 I00,0 1073
35-39 2,4 2,5 3,8 4,6 91,0 2,4 1,8 0,3 100, O 795
4D-44 1,8 1,6 2,2 3,4 91,2 3,6 1,4 0,5 i00,0 590
45-49 1,5 1,6 1,8 8,4 83,7 6,6 1,0 0,2 109,0 481
Total 33,8 40,2 41,4 56,2 1,2 0,9 0,2 I00,0 7139
Note: Les p o u r c e n t a g e s sont arrondis, leur total n'est p a s n~cessairement ~gal â 100.
Institut National de la Statistique.
Enfin, les données de ce tableau sont d'une grande éloquence en ce qui concerne la hausse du
pourcentage de célibataires parmi les femmes des premières tranches d'åge. La proportion de 4,4 pour
cent de non-célibataires en 1988 dans le groupe d'åge 15-19 ans s'élevait, en 1966, à presque 15 pour cent.
En 1975, elle était de 10,5 pour cent et au dernier recensement de 1984, elle atteignait 7 pour cent. Dans
le groupe d'ãge 25-29 ans, la majorité des femmes 6talent non-célibataires (91 pour cent) en 1966, alors
qu'en 1988, 70 pour cent des femmes étaient non-célibataires. Le graphique 4.1 présente l'évolution dans
le temps des proportions de femmes célibataires pour les trois premiers groupes d'age.
Graphique 4.1
Proportion de Femmes Célibataires Agées
de 15-29 Ans à Différentes Dates
Pourcentage
100
80
60
40
20
0
REC.-1966 REC.-1975 REC.-1984 EDS-1988
EDS-Tuniaie 1988
31
Age au premier mariage
Pour approfondir la connaissance de la nuptialité chez les femmes tunisiennes, nous allons
essayer d'examiner dans ce qui suit les données relatives à l'fige au premier mariage qui revSt une
importance particulière, du fait qu'il constitue, en mSme temps, le d6but de la vie conjugale et l'åge auquel
la femme est exposée pour la première fois au risque de grossesse.
Le tableau 4.3, présentant la répartition en pour cent des femmes non-célibataires selon l'~ge au
premier mariage et l'/tge A la date de I'EDS ainsi que la m8me r6partition fournie par I'ETPC de 1983,
permet de procéder aux constatations suivantes:
Près de 26 pour cent des femmes interview~es dans le cadre de I'EDS sont entrées en première
union avant l'åge de 18 ans, 43,5 pour cent aux åges de 18 ~t 21 ans et 30,7 pour cent à un age égal ou
supérieur ~t 22 ans.
TABLEAU 4.3 REPARTITION (EN %) DES FEMMES NON CELIBATAIRES SELON L'AGE AU
MOMENT DE L'ENQUETE ET L'AGE AU PREMIER MARIAGE, EDS, TUNISIE,
1988
Groupe Effec-
d'åge <15 15-17 18-19 20-21 22-24 25 et + Total tlf
EDS 1988
ETPC 1983"
32
Par ailleurs, le m~me tableau fait ressortir que les femmes mnisiennes entrent de plus en plus
tardivement en première union. Cette tendance est perceptible å travers la nette diminution des mariages
contractés avant l'~lge de 15 ans en m~me temps qu'une montée relative des mariages conclus aux ,~ges
avancés. La proportion de mariages précoces passe en effet de près de 10 pour cent pour le dernier groupe
de générations étudiées (nées entre 1938-1942) å 3 pour cent pour la plus jeune génération enquetée (née
entre 1968-1972).
De son coté, la proportion de mariages conclus aux ~ges 22 à 24 ans passe de 28 pour cent parmi
les femmes ågées de 25-29 ans à 20 pour cent parmi celles agées de 30-34 ans et å 11 pour cent seulement
parmi les femmes ågées de 40-44 ans.
Cette tendance soutenue à la réduction des mariages contraetés aux jeunes figes est sans doute la
résultante de l'action conjuguée des facteurs législatifs et socio-économiques évoqués prOcédemment.
Ce changement dans le calendrier de la nuptialité, a ét~ déja mis en •vidence par I'ETPC de 1983.
La proportion de 26 pour cent de femmes ayant contracté leur premier mariage avant l'/lge de 18 ans en
1988, s'élevait en 1983 à 36 pour cent soit une diminution de l'ordre de 28 pour cent en espace de cinq
années. Le graphique 4.2 illustre bien cette évolution des proportions de femmes non-célibataires selon
l'~ge au premier mariage å ces deux différentes dates.
Pour mieux apprécier cette tendance ~ se marier de plus en plus tardivement, nous allons procéder
à l'examen de l'åge médian au premier mariage, qui est une mesure synthétique du calendrier de la
nuptialité.
Graphique 4.2
Proportion de Femmes Non-Célibataires
selon rAge au Premier Mariage
Pourcentage
35
30
25
20
15
10
5
0
'15 15-17 18-19 20-21 22-24 25*
Age au Premier Mariage
I RI EDS-1988 ~ ETPC-1983
EDS-Tunisie 1988
33
Avant tout commentaire,il est important de signaler que cet åge médian a ét6 calculé à partir de
toutes les femmes en tige de procréer de l'enquête ménage (quelque soit l'état matrimonial), soit 7139
femmes. Cette démarche a été dictée par le souci de réduire l'impact de certains biais sur les calculs de
l'~tge médian et de donner, par conséquent, plus de validité à son interprétation.
Les résultats de ces calculs sont présentés dans le tableau 4.4 en morne temps que la répartition de
toutes les femmes selon l'/ige à la première union et l'~lge actuel.
TABLEAU 4.4 REPARTITION (EN %) DE TOUTES LES FEMMES (15-49 ANS) DE LA FEUILLE MENAGE
SELON L'AGE AU PREMIER MARIAGE (Y COMPRIS LA CATEGORIE "JAMAIS MÆ~IEE"),
L'AGE ACTUEL, ET AGE MEDIAN AU PREMIER MARIAGE, EDS, TUNISIE, 1988
Total 41,4 2,2 12,9 13,0 12,5 10,5 7,5 i00,0 21,1"* 7139
Note: Les pourcentages s o n t arrondis, leur total ntest pas nécessairement égal å I00.
*Pas de médiane
*CAge médian au premier mariage des femmes ågées de 25 å 49 ans
Si l'on fait abstraction de la génémtion la plus vieille, dont le régime de nuptialitd se trouve
particulièrement affecté par la deuxième guerre mondiale et l'effet de sélection, nous observons très
nettement la tendance à la hausse qu'accuse l"ãge médian des différentes générations observées. Cela
confirme, encore une fois, que les jeunes filles se marient de nos jours à un åge plus élevé qu'auparavant.
En effet, l'fige médian qui est de près de 22,8 ans chez les femmes ~gées de 25-29 ans diminue assez
r~gulièrement pour atteindre 19,4 ans parmi les femmes de la tranche d'~ge 40-44 ans, soit une différence
de l'ordre de 3,4 ans.
U semble ainsi que les anciennes gænérations ont eu en matière de nuptialité un comportement qui
pourrait ~tre qualifié de traditionnel. Par contre les générations récentes ont profité de l'évolution socio-
économique, culturelle et juridique qu'a connue la Tunisie au lendemain de l'indépendance et semblent
donc adopter en matière de nuptialitd un comportement non traditionnel.
Bien que les données présentées précédemment traduisent globalement une tendance ~ la hausse
de l'~ge au premier mariage, il faut se demander si les données au niveau national ne cachent pas en fait
des différences significatives d'un groupe social å un autre. L'étude des différences entre groupes sociaux
permet d'apprécier l'impact des variables entrant enjeu.
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Variations différentieUes de l'âge médian au premier mariage
On se propose dans ce qui suit, d'analyser les variations différentielles de l'age médian au premier
mariage au niveau des sous-groupes de femmes. Trois variables de base seront utilisées; il s'agit du niveau
d'instruction, du milieu et de la région de résidence.
Il faut cependant noter au préalable qu'afin d'homogénéiser la comparaison des `âges médians
obtenus en fonction de chaque variable, l'analyse ne concerne que les femmes `âgées de 25 ans ou plus et
mari~es pour la première fois avant l'`âge de 25 ans.
Le tableau 4.5 donne les différentes valeurs de l'/lge médian au premier mariage pour chacune des
trois variables sélectionnées. L'examen séparé de ces valeurs montre que l'`âge médian au premier mariage
de l'ensemble des femmes ,âgées de 25-49 ans est corrélé positivement avec les niveaux d'instruction et
d'urbanisation (tant au niveau du milieu de résidence qu'au niveau de la région).
Milieu
Région
Instruction
Selon le milieu de résidence, on constate un fige médian au premier mariage légèrement plus
élevé dans les zones urbaines (21,8 ans) que dans les zones rurales (20,3 ans), soit une différence de
l'ordre de 1,5 ans.
Selon la région de résidence, on relève que le District de Tunis (22,5 ans), le Nord Est (21,7 ans)
et le Centre Est (21,5 ans), autrement dit les régions les plus développées du pays ont un ~lge médian plus
élevé que celui observé dans les trois autres régions: Nord Ouest (20,8), Centre Ouest (20,1) et Sud (19,9
anS).
35
Le niveau d'instruction est aussi un critère de différenciation. Les femmes ayant un niveau
d'instruction secondaire ou plus contractent leur premier mariage 3,4 ans plus tard que les femmes non-
scolarisées. Par rapport à celles du niveau primaire, la différence atteint 1,3 ans. Les derniers résultats
semblent indiquer que le niveau d'instruction joue un rOle important dans le calendrier de la nuptialité.
Il est à souligner que malgré le rOle ~vident joué par chaque variable, les valeurs de l'åge médian
ainsi enregistrées ne sont pas le produit de leur seule action, mais celui de la somme des actions des deux
autres variables et de toutes celles (non étudiées ici) qui interviennent notamment sur le plan économique
et social.
Enfin, notons que l'importance des relations qui existent entre les variables socio-économiques et
l'åge au premier mariage a déjà 6té mis en évidence par I'ETF de 1978 et I'ETPC de 1983 à travers les
tiges moyens au premier mariage.
Comme nous l'avons souligné précédemment, bien que l'entrée en union détermine le début de la
vie féconde, l'exposition effective au risque de grossesse est directement liée å d'autres facteurs de nature
différente tels que l'utilisation de la contraception, les tabous sexuels, l'allaitement au sein, l'aménorrhée,
l'abstinence post-partum, la fécondabilité, l'état de fertilité...
Dans cette dernière section, on ne s'intéresse qu'h l'~rude des facteurs ou variables post-partum
qui déterminent la longueur de l'intervalle qui existe entre le moment de la naissance d'un enfant et le
retour de l'ovulation, à savoir l'allaitement, la reprise des régles et la reprise des relations sexuenes. Le
rallongement de l'une de ces trois composantes peut affecter consécutivement la longueur du temps mort.
Il faut noter que les données présent~es ici portent uniquement sur les femmes qui ont eu une
naissance vivante dans l'intervalle ouvert au cours des 36 demiers mois précédant l'enquête.
Le but de cette analyse est d'identifier les femmes dites non-susceptibles d'être exposées au risque
de grossesse et d'évaluer la durée de non-susceptibilité. On définit une femme non-susceptible
d'exposition au risque de grossesse comme toute femme qui n'a pas repris de relations sexuelles depuis la
dernière naissance (elle a donc toutes les chances de ne pas tomber enceinte) ou une femme en
aménorrhée, qui peut, mais avec une probabilité minime, tomber enceinte si elle reprend les relations
sexuelles sans utiliser un moyen de contraception efficace. La période de non-susceptibilité est celle qui
est la plus longue (abstinence ou aménorrh6e).
Le tableau 4.6 donne les proportions d'enfants ågés de 0 à 35 mois dont les mères sont encore en
allaltement, en aménorrhée et en abstinence post-partum et non-susceptibles selon les mois écoulés depuis
la naissance. La distribution de la proportion de naissances selon le mois écoulé depuis la naissance de
l'enfant est analogue à la colonne Sx d'une table de mortalité.
Ce tableau montre clairement que l'allaitement est presque universel immédiatement aprés la
naissance et que la majorité des mêres tunisiennes allaitent leurs enfants de façon prolongée. Ainsi, 92
pour cent des femmes allaitent encore après trois mois et 76 pour cent après sept mois. La durée médiane
de cet intervalle ouvert d'aUaitement est légèrement supérieure à 15 mois. Les données collectées
indiquent également que même aprés 21 mois, plus du quart des femmes nourrissent encore leur enfant
au sein.
L'intensité de l'allaitement n'est pas sans incidence sur le retour de l'ovulation. En effet, il est
désormais établi que l'aUaitement au sein contribue à allonger la durée de l'aménorrhée post-parturn et par
conséquent à protéger la femme contre les risques de grossesse.
36
TABLEAU 4.6 PROPORTION DES FEMMES NON-CELIBATAIRES QUI SONT ENCORE EN
ALLAITEMENT, EN AMENORRHEE, ET EN ABSTINENCE POST-PARTUM
SELON LE NOMBRE DE MOIS ECOULES DEPUIS LA NAISSANCE, EDS,
TUNISIE, 1988
Effec-
tif
des
Mois depuis Allaite- Am~nor- Absti- Non-sus- nais-
la naissance ment rh~e nence ceptible sances*
Pour la plupart des femmes, les menstrues avaient repris au cours de l'année suivant la naissance
de leur enfant. En effet, selon la durée écoulée depuis la naissance, le tableau 4.6 indique qu'une femme
sur deux (49 pour cent) reste en aménorrhée pour au moins cinq mois, et deux femmes sur dix (20 pour
cent) après 13 mois. Au delà de 21 mois, seule une minorité de femmes est encore en aménorrhée post-
partum.
La période d'abstinence post-partum pendant laquelle la femme est protégée contre tout risque de
grossesse est fortement influencée par les valeurs et les normes de la religion musulmane. Les données du
tableau 4.6 montrent qu'en Tunisie, la reprise des relations sexuelles a lieu assez t6t après l'accouchement.
En effet, un peu plus du tiers des femmes (35 pour cent) redeviennent sexuellement actives moins de deux
mois aprés la naissance de leur dernier enfant, tandis qu'au bout de trois mois, seule une infime proportion
de femmes continue à s'abstenir. En moyenne, les femmes tunisiennes s'abstiennent pendant 1,8 mois.
Pour l'ensemble des femmes ayant un enfant né-vivant, ~lgé de moins de 35 mois, 21 pour cent ne
seraient pas susceptibles d'avoir une nouvelle grossesse au moment de l'enquête. Un peu plus de trois
femmes sur dix (34 pour cent) sont susceptibles au moins 8 mois après leur accouchement et 17 pour cent
au moins 14 mois après la naissance. Il est évident que l'aménorrhée influence la non-susceptibilitE
beaucoup plus que l'abstinence, quelle que soit la durée.
Le tableau 4.7 est consacré à l'estimation de l'état actuel du nombre moyen de mois d'allaitement,
d'aménorrhée et d'abstinence post-partum et de non-susceptibilité parmi les femmes non-c61ibataires selon
certaines caractéristiques socio-démographiques.
37
TABLEAU 4.7 ESTIMATION DE L'ETAT ACTUEL DU NOMBRE MOYEN DE MOIS D'ALLAITE-
MENT, D'AMENORRHEE ET D'ABSTINENCE POST-PARTUM PARMI LES
FEMMES NON-CELIBATAIKES SELON CERTAINES CARACTERISTIQUES
SOCIO-DEMOGRAPHIQUES, EDS, TUNISIE, 1988
Age
Milieu
E~gion
Instruction
Pour l'ensemble des femmes la durée moyenne d'allaitement est de 15,5 mois. Cette durée est
Mgèrement supérieure à celle du Maroc qui est de 14,4 mois (ENPS 1987, p.27). ~
38
Selon l'åge de la mère, on observe un écart d'un mois entre les deux groupes de générations:
(15,0 et 16,0 mois respectivement à moins de 30 ans et à 30 ans ou plus). En ce qui concerne la durée
moyenne d'aménorrhée post-partum, un écart de 1,1 mois apparalt entre les jeunes et les moins jeunes.
Pour les femmes/tgées de moins de 30 ans à la date de l'interview, cette durée équivaut à 6,7 mois par
femme en moyenne. Pour celles ~gées de 30 ans et plus, elle atteint 7,8 mois par femme. Par contre, les
relations sexuelles reprennent légèrement plus tard chez les jeunes générations. Par ailleurs, la dur6e
moyenne de non-susceptibilité est plus longue chez les femmes de 30 ans ou plus (8,2 mois) que chez
celles de moins de 30 ans (7,3 mois).
Outre, les résultats que nous venons de dégager, le tableau 4.7 fait apparaître des différences plus
significatives au niveau de l'instruction, du milieu et de la région de résidence.
La durée d'allaitement est plus longue dans les zones rurales (18,2 mois) que dans les zones
urbaines (12,7 mois). La différence entre les deux milieux est en moyenne de 5,5 mois. Les femmes
rurales retrouvent leurs régles 4,3 mois plus tard que les femmes citadines. Cependant, au niveau de la
durée d'abstinence post-partum les différences ne sont pas énormes. Pour ce qui est de la période de non-
susceptibilité, elle est plus courte chez les femmes urbaines que chez celles du milieu rural de 4,5 mois.
Par ailleurs, comme pour le milieu de résidence, le niveau d'instruction semble influencer
davantage la durée d'allaitement, d'aménorrhée post-partum et de non-susceptibilité que la période
d'abstinence. La durée moyenne d'allaitement passe ainsi de 18,2 mois en moyenne chez les femmes
n'ayant aucune instruction à 13,1 mois chez les femmes ayant un niveau d'instruction primaire et à 9,8
mois chez celles ayant dépassé ce niveau. Pour la durée d'aménorrhée, celle-ci est d'autant plus courte que
le niveau d'éducation est élevé. Elle passe de 9,0 mois en moyenne chez les non-scolarisées à 5,1 mois
chez celles ayant le niveau primaire et à 4,7 chez les femmes ayant atteint le niveau secondaire ou plus.
Par contre, l'abstinence post-partum semble 8tre plus longue chez les femmes du secondaire ou plus. Les
durées moyennes des femmes sans instruction, de celles du primaire et de celles du secondaire ou plus
sont respectivement de 1,7, 1,7 et 3,2 mois. Pour ce qui est de la période de non-susceptibilité, elle chute
de 9,7 mois parmi les femmes sans aucune instruction ~ 5,6 mois parmi celles avec une instruction
primaire, et à 5,2 mois parmi les femmes avec le niveau secondaire ou plus.
Mais les différences les plus prononcées se rencontrent à l'~chel/e r6gionale et semblent refléter
les degrés de développement socio-économique des régions. Ainsi, la durée d'allaitement s'avère plus
courte dans la tégion de Tunis (10,3 mois) et les régions cOtières du Centre Est (14,7 mois) et du Nord Est
(14,9 mois) que dans les régions du Centre Ouest (18,0 mois) et du Nord Ouest (19,1 mois). La durée
d'allaitement dans la région du Sud (15,5 mois) est intermédiaire. C'est dans les régions qui ont une
infrastructure socio-économique peu développée, une population à majorité rurale et non-scolarisée, que
le substitut au lait maternel est le moins répandu. Pour la durée d'aménorrhée c'est dans la région de
Tunis, qu'elle est aussi la plus courte (3,3 mois). Par contre, elle est la plus longue dans les gouvemorats
du Centre Ouest (9,6 mois). En s'abstenant le moins longtemps, ce sont encore les femmes du Centre
Ouest qui détiennent la première place (1,1 mois). Enfin, en ce qui concerne la période de non-
susceptibilité, elle est la plus longue, comme attendu, dans la tégion du Centre Ouest (10,0 mois), suivie
du Nord Ouest (9,0 mois) et du Centre Est (8,8 mois). Les régions du Sud et du Nord Est occupent une
position intermédiaire (7,3 mois et 6,8 mois respectivement), alors que la région de Tunis vient en
dernière place (4,0 mois).
Le graphique 4.3 illustre bien les différences de durées moyennes d'allaitement et d'aménorrhée
post-partum et de non-susceptibilité selon certaines caractéristiques socio-démographiques.
39
Graphique 4.3
Durée d'Allaitement et d'Aménorrhée
des Femmes Non-célibataires selon
Certaines Caractéristiques
MUII•IEU
rcain
Rural
RE~IO.N
lUnl
Nord E~~
Nord Ouest
Centre Ouest
Centre Est
Sud .................... il ................................................................. u
INSTRUCTION
Aucune ................ 111111................... III .............................................................
Prim0ire
Secondaire÷
0 8 12 18 24
Durée Moyenne en Mois
[ ~Allaitement lArn~norrh~e i
EDS-Tunisie 1988
4.3 CONCLUSION
L'analyse menée jusque là a montré de toute évidence que le mariage en Tunisie demeure te cadre
principal où S'Ol~re le processus de reproduction et continue å jouir d'une grande stabilité. Les résultats
obtenus à partir de cette enquête ont permis aussi de mettre en relief l'évolution générale de la nuptialité
vers un modèle où le calendrier tend à être de plus en plus tardif tout en gardant une intensité finale assez
élevée.
Parmi les trois principaux facteurs qui contribuent å la protection post-partum, c'est l'allaitement
qui a le plus d'incidence sur l'allongement de l'intervalle des naissances+ En moyenne, les femmes
tunisiennes allaitent pendant 15,5 mois. L'aménorrhée post-partum s'en trouve ainsi relativement
prolongée (7,2 mois).
Enfin, lorsque des variables telles que le milieu de résidence, le niveau d'instruction et la r6gion
sont prises en considération, la description d'ensemble déjà évoquée change de manièoe significative.
40
A titre comparatif, les dur6es moyennes d'aliaitement et d'am6norrh6e pour certains pays arabes sont pr6sent6es ci-
dessous:
Egypte 16,9 mois 8,5 mois EFS, 1980, Vol. II:73 (EMF)
Maroc 14,4 mois 8,7 mois ENPS, 1987, p.27 oeDS)
Mamilanie 20,1 mois 11,5 mois ENMF, 1981, Vol. I:81-84 OeMF)
Soudan 16,2 mois 11,I mois SFS, 1978, Vol. I:99-100 (EMF)
Syrie 13,5 mois 5,8 mois SFS, 1979, Vol. I:103-104 (EMF)
R.A. Yemen 13,5 mois 7,9 mois YARFS, 1979, Vol. I:79-80 (EMF)
Le calcul des durées moyennes utilis6 dans I'EDS est différent de celui utilis6 dans l'Enqu6te Mondiale sur la
Fécondité (EMF) où les durées moyennes sont bas6es sur le dernier intervalle ferre6 (femmes non-célibataires ayant
eu au moins deux nalsssances vivantes, grossesse actuelle comprise, dont l'avant dernière naissance vivante a survécu
au moins 12 mois).
41