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ARCHIVES D’HISTOIRE NATURELLE<br />

PUBLIÉES PAR LA<br />

S O C I É T É NAT I O NA L E D ’ AC C L I M ATAT I O N D E F R A N C E<br />

IV<br />

LES CACTACÉES UTILES<br />

DU MEXIQUE<br />

PAR<br />

LÉON DIGUET<br />

Correspondant <strong>du</strong> Muséum<br />

O U V R A G E P O S T H U M E<br />

REVU PAR<br />

ANDRÉ GUILLAUMIN<br />

Docteur ès sciences<br />

Sous - Directeur de Laboratoire au Muséum<br />

AVEC UNE<br />

NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR LÉON DIGUET<br />

PAR<br />

D. BOIS<br />

Professeur <strong>du</strong> Muséum<br />

PARIS<br />

Au Siège de la Société : 198, Boulevard Saint-Germain (VII e )<br />

1928


LES CACTACÉES UTILES<br />

DU MEXIQUE


ARCHIVES D’HISTOIRE NATURELLE<br />

PUBLIÉES PAR LA<br />

S O C I É T É NAT I O NA L E D ’ AC C L I M ATAT I O N D E F R A N C E<br />

IV<br />

LES CACTACÉES UTILES<br />

DU MEXIQUE<br />

PAR<br />

LÉON DIGUET<br />

Correspondant <strong>du</strong> Muséum<br />

O U V R A G E P O S T H U M E<br />

REVU PAR<br />

ANDRÉ GUILLAUMIN<br />

Docteur ès sciences<br />

Sous - Directeur de Laboratoire au Muséum<br />

AVEC UNE<br />

NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR LÉON DIGUET<br />

PAR<br />

D. BOIS<br />

Professeur <strong>du</strong> Muséum<br />

PARIS<br />

Au Siège de la Société : 198, Boulevard Saint-Germain (VII e )<br />

1928


LÉON DIGUET<br />

Léon Diguet, explorateur-naturaliste, est décédé le<br />

31 août 1926.<br />

Il naquit au Havre le 25 juillet 1859. Après avoir étudié<br />

la Chimie in<strong>du</strong>strielle, il suivit, au Muséum, le cours de<br />

Frémy dont le laboratoire était alors fréquenté par de nom-<br />

breux élèves, parmi <strong>les</strong>quels plusieurs devinrent des savants<br />

éminents. Mais il avait une prédilection marquée pour <strong>les</strong><br />

études d’histoire naturelle, et ses goûts le portèrent vers <strong>les</strong><br />

explorations scientifiques, auxquel<strong>les</strong> il se prépara par la<br />

fréquentation de divers laboratoires.<br />

Il fit un premier voyage au Mexique, de 1889 à 1892, en<br />

qualité de chimiste, pour l’étude des mines <strong>du</strong> Boléo. Les<br />

importantes collections zoologiques, botaniques et ethnogra-<br />

phiques qu’il rapporta pour le Muséum et <strong>les</strong> nombreuses<br />

photographies documentaires qui <strong>les</strong> accompagnaient, exé-<br />

cutées avec la plus grande habileté, furent jugées si intéres-<br />

santes qu’el<strong>les</strong> donnèrent lieu à une exposition spéciale, en<br />

1899, au Muséum.<br />

Ce premier succès fit attribuer à Léon Diguet, par le minis-<br />

tère de l’Instruction publique et par le Muséum, six missions<br />

successives qu’il accomplit de 1893 à 1913.<br />

La première ayant pour but l’exploration de la Basse-<br />

Californie (1893-1896), fut relatée dans un Rapport que<br />

Diguet publia dans <strong>les</strong> Nouvel<strong>les</strong> Archives des Missions<br />

scientifiques, tome IX (1898), portant sur ses études de géographie<br />

et d’ethnographie. Ses récoltes considérab<strong>les</strong> d’his-<br />

toire naturelle furent l’objet de nombreuses et intéressantes<br />

communications insérées dans le tome I (1895) <strong>du</strong> Bulletin<br />

<strong>du</strong> Muséum d’histoire naturelle : Étude sur un nouveau type<br />

de léporidé (Lepus Edwardsi), Rémy Saint-Loup, p. 4. Sur


8 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

une collection de Crustacés décapodes recueillis en Basse-<br />

Californie, E.-L. Bouvier, p. 6. Sur deux Loranthacées de la<br />

Basse-Californie, Ph. van Tieghem, p. 30. Sur des ossements<br />

humains recueillis par M. Diguet, J. Deniker, p. 33. Sur des<br />

Mollusques de la Basse-Californie, A.-T. de Rochebrune,<br />

pp. 36 et 239. Sur des Hyménoptères <strong>du</strong> genre Polistes de la<br />

Basse-Californie, Ch. Brongniart, p. 37. Examen <strong>du</strong> miel<br />

pro<strong>du</strong>it par une Poliste de Basse-Californie, G. Bertrand,<br />

p. 38. Sur quelques minéraux des mines <strong>du</strong> Boléo, A. Lacroix,<br />

p. 39. Sur quelques roches éruptives de la Basse-Californie,<br />

E. Ritter, p. 43. Arachnides recueillis en Basse-Californie,<br />

E. Simon, p. 105. Crustacés phyllopodes, J. Richard, p. 107.<br />

Sur quelques plantes remarquab<strong>les</strong> de la Basse-Californie,<br />

J. Poisson, p. 112. Les Cactées de la Basse-Californie, Weber,<br />

p. 316.<br />

Diguet exposa <strong>les</strong> grandes lignes de ce voyage dans le<br />

Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’histoire naturelle (1895, p. 28).<br />

Une note sur son exploration en Basse-Californie parut<br />

dans Le Tour <strong>du</strong> Monde (1895, p. 261), et il publia, en collaboration<br />

avec J. Poisson, dans La Nature, 1896, p. 150, un<br />

article sur la végétation dans ce pays.<br />

On peut citer aussi : une note de l’abbé Hue, sur <strong>les</strong><br />

Lichens récoltés par Diguet (Journal de Botanique, 1895,<br />

p. 108) ; une autre de Ju<strong>les</strong> Mabille ; Les Mollusques de la<br />

Basse-Californie (Bulletin de la Société Philomatique de<br />

Paris, 1895, p. 54) ; une plus récente de Jacques Pellegrin,<br />

sur le Tænioconger Digueti Pellegrin, Poisson apode <strong>du</strong><br />

golfe de Californie (Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1923, p. 498).<br />

Dans une deuxième mission (1896-1898), il explora l’État<br />

de Jalisco et le territoire de Tépic (Mexique), et étudia tout<br />

particulièrement la Sierra <strong>du</strong> Nayarit, ses indigènes, <strong>les</strong><br />

Indiens Huichols et Coras, la flore et la faune de ce pays<br />

(L. Diguet, Relation sommaire d’un voyage au versant occi-<br />

dental <strong>du</strong> Mexique (Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’histoire naturelle,<br />

1898, p. 345). Deux Cactacées nouvel<strong>les</strong>, <strong>les</strong> Echinocactus<br />

Diguetii et Peninsulæ, récoltées par lui, furent décrites par<br />

le docteur Weber dans le Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1908, p. 98.


léon diguet 9<br />

Son troisième voyage (1899-1900) fut consacré aux États<br />

de San Luis Potosi, Jalisco, Colima et au golfe de Californie.<br />

Dans une quatrième mission (1902-1904), il visita <strong>les</strong><br />

États de Puebla, d’Oaxaca, l’isthme de Tehuantepec, le sud<br />

de la Basse-Californie et <strong>les</strong> î<strong>les</strong> avoisinantes.<br />

Dans un cinquième voyage, il parcourut <strong>les</strong> États de<br />

Michoacan (le volcan <strong>du</strong> Nevado), de Toluca, et <strong>les</strong> mon-<br />

tagnes avoisinantes.<br />

Une sixième mission (1911-1913) lui permit de visiter à<br />

nouveau l’État de Jalisco et la Basse-Californie.<br />

Il fit en outre deux voyages en Amérique, l’un en Orégon,<br />

pour l’examen de placer d’or, près de Beker City (1895),<br />

l’autre pour l’étude de terrains propres à l’agriculture dans<br />

la vallée de l’Altor (1909).<br />

Tous <strong>les</strong> matériaux d’étude recueillis par Léon Diguet font<br />

aujourd’hui partie des collections <strong>du</strong> Muséum et <strong>du</strong> Musée<br />

ethnographique <strong>du</strong> Trocadéro. Ils ont été l’objet de notes<br />

dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> furent décrites de nombreuses espèces nou-<br />

vel<strong>les</strong> pour la science, et ont donné de précieuses indications<br />

sur la distribution géographique d’espèces déjà connues.<br />

Diguet a publié lui-même divers mémoires sur l’archéo-<br />

logie et l’ethnographie des races humaines indigènes qui<br />

peuplaient le Mexique à l’époque précolombienne. C’est ainsi<br />

qu’en 1902, il s’attacha à l’étude des Mogotes, grands tumulus<br />

ou mounds américains, dans l’ancienne contrée mixteco-<br />

zapothèque et, de plus, à celle de la Sierra mixtèque, qu’il<br />

considéra (avec quelque vraisemblance, suivant Hamy),<br />

comme des « oppida », ou camps retranchés.<br />

On lui doit notamment :<br />

Note sur certaines pyramides des environs d’Ixtlain<br />

(Mexique) (L’Anthropologie, Paris, tome IX). Pictographie<br />

de la Basse-Californie (même recueil, 1900). Contribution à<br />

l’étude précolombienne <strong>du</strong> Mexique. Le Chimalhuacan et<br />

ses populations avant la conquête espagnole (Journal de la<br />

Société des Américanistes de Paris, nouvelle série, t. I er ,<br />

n° 1, Paris, 1903). Les camps fortifiés de la région mixteco-


10 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

zapothèque (même recueil, 1904). Notes d’Archéologie<br />

mixteco-zapothèque, tumulus et camps retranchés (même<br />

recueil, tome II. 1905, n° 1). Anciennes sépultures indigènes<br />

de la Basse-Californie méridionale (Journ. Soc. Amer. Paris,<br />

t. II, 1905, n° 2). Contribution à l’étude géographique <strong>du</strong><br />

Mexique précolombien, Le Mixtécapan (même recueil,<br />

tome III, 1906, n° 1). Idiome Huichol, Contribution à<br />

l’étude des langues mexicaines (même recueil, tome VIII,<br />

1911, p. 23).<br />

On lui doit aussi des notes sur la Zoologie :<br />

La pêche de l’Huître perlière dans le golfe de Californie<br />

(Journal d’Aquiculture de France, 1895, p. 3). La culture<br />

de l’Huître perlière et la formation de la perle (Revue scientifique,<br />

1899). La formation de la perle dans la Méléagrine<br />

(Comptes ren<strong>du</strong>s de l’Académie des Sciences, 1899) ; ainsi<br />

que divers artic<strong>les</strong> sur l’exploitation de l’Huître perlière ;<br />

Bulletin de l’Association des Élèves de Frémy (1899, p. 73) ;<br />

Revue des Revues d’histoire naturelle (Paris, 1900, p. 68) ;<br />

Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de France<br />

(1919, p. 183).<br />

Puis ; Histoire de la Cochenille au Mexique (Journal de la<br />

Société des Américanistes de Paris, tome VI, 1919) ; id.<br />

(Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de France,<br />

1911, p. 330). Le Mosquero, nid d’Araignées socia<strong>les</strong>, em-<br />

ployé comme piège à mouches dans certaines localités <strong>du</strong><br />

Mexique (Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de<br />

France, 1909, p. 368) et Nouvel<strong>les</strong> observations sur le Mosquero<br />

(même recueil, 1915, p. 240).<br />

Léon Diguet a publié également des notes très intéres-<br />

santes sur la Botanique, principalement sur <strong>les</strong> plantes uti<strong>les</strong><br />

pouvant être intro<strong>du</strong>ites dans <strong>les</strong> colonies ;<br />

Le Jojoba (Simmondsia californica Nutt.), Euphorbiacée<br />

à graine comestible (Revue des Sciences naturel<strong>les</strong> appliquées,<br />

Paris, 1895). Le Maïs géant de Jala (Revue des cultures<br />

colonia<strong>les</strong>, Paris, 1901). L’Agave à mescal de Tequila,<br />

sa culture, son in<strong>du</strong>strie (même recueil, 1902). Étude sur <strong>les</strong>


léon diguet 11<br />

principa<strong>les</strong> Cactées utilisées au Mexique et susceptib<strong>les</strong> d’être<br />

intro<strong>du</strong>ites dans <strong>les</strong> régions désertiques des colonies fran-<br />

çaises (Bulletin de la Société d’Acclimatation de France,<br />

Paris, 1906). Cactus géants <strong>du</strong> Mexique (La Science au<br />

XX e siècle, Paris, 1906). Les boissons alcooliques mexicaines<br />

tirées des Agaves (même recueil, 1907). Le Peyote et son<br />

usage rituel chez <strong>les</strong> Indiens Huichols (Journal des Américanistes<br />

de Paris, Paris, 1908). Le Mais et le Maguey chez<br />

<strong>les</strong> anciennes populations <strong>du</strong> Mexique (même recueil, 1910,<br />

p. 5). Sur quelques plantes mexicaines employées éventuel-<br />

lement comme fourrage (Bulletin de la Société nationale<br />

d’Acclimatation de France, Paris, 1911, p. 605). Bois et<br />

Diguet, Une plante alimentaire peu connue <strong>du</strong> Mexique<br />

(Dalembertia populifolia Baillon), (L’Agriculture pratique<br />

des pays chauds, Paris, 1914, p. 257). Culture indigène de<br />

certains Cereus dans la vallée de Las Playas (Mexique)<br />

(Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation, Paris, 1916,<br />

pp. 123 et 176). L’Arbre à Chilté (Jatropha tepiquensis Costantin<br />

et Gallaud) (Revue d’histoire naturelle appliquée,<br />

1912, p. 237). Cet arbre a été décrit comme espèce nouvelle<br />

(Revue générale de Botanique, 1906, p. 385). On en tire,<br />

dans l’État <strong>du</strong> Nayarit (Mexique), un latex coagulé ou<br />

« gomme de Chilté » utilisé comme le « chicle » provenant<br />

de l’Achras Sapota. Une analyse chimique <strong>du</strong> Chilté a été<br />

donnée par Gabriel Bertrand (Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1899,<br />

p. 134).<br />

Léon Diguet s’était attaché avec un soin tout particulier à<br />

la récolte des plantes de la famille des Cactacées et <strong>du</strong> genre<br />

Agave, qui prirent place dans <strong>les</strong> serres <strong>du</strong> Muséum et furent<br />

étudiées par le D r Weber ; il en fit parvenir à Robert Roland-<br />

Gosselin qui en cultiva dans sa belle propriété « La Colline<br />

de la Paix », à Nice, une précieuse collection, en étudia sur<br />

le vif et en décrivit plusieurs comme espèces nouvel<strong>les</strong>.<br />

(Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1905, p. 505.)<br />

Robert Roland-Gosselin possédait aussi une remarquable<br />

collection de Broméliacées <strong>du</strong> genre Tillandsia, dont un certain<br />

nombre avaient la même provenance.


12 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Léon Diguet était connu et estimé de tout le personnel des<br />

laboratoires <strong>du</strong> Muséum et des membres des sociétés aux-<br />

quel<strong>les</strong> il appartenait : Nationale d’Acclimatation, des Amé-<br />

ricanistes de Paris, de Géographie, de Chimie in<strong>du</strong>strielle,<br />

de Distillerie et Sucrerie.<br />

Il était correspondant <strong>du</strong> Muséum, membre correspondant<br />

de la Société Philomatique, lauréat de l’Institut (Académie<br />

des Inscriptions et Bel<strong>les</strong>-Lettres, 1907), de la Société de<br />

Géographie (Prix Ducros-Aubert, 1905).<br />

Il avait été nommé Chevalier de la Légion d’honneur<br />

en 1906.<br />

Il était vice-président de la section de Colonisation de la<br />

Société nationale d’Acclimatation, qui lui avait décerné en<br />

1906 sa grande médaille à l’effigie de Geoffroy-Saint-Hilaire.<br />

Assi<strong>du</strong> aux réunions de la Société et de rapports très<br />

agréab<strong>les</strong>, il est vivement regretté parmi nous.<br />

L’ouvrage qui parait aujourd’hui avait été entièrement pré-<br />

paré par lui avant sa mort et <strong>les</strong> superbes figures qui accom-<br />

pagnent le texte sont presque toutes la repro<strong>du</strong>ction de pho-<br />

tographies qu’il a exécutées pendant ses séjours au Mexique.<br />

Par piété fraternelle, Mlle Diguet a voulu que l’oeuvre de<br />

son frère soit réalisée et elle a confié à la Société nationale<br />

d’Acclimatation le soin de cette publication d’un grand intérêt<br />

aux points de vue biologique et de l’utilisation des<br />

Cactacées mexicaines.<br />

M. Guillaumin, Docteur ès sciences, Sous-Directeur <strong>du</strong><br />

Laboratoire de Culture au Muséum, a accepté de donner la<br />

concordance des noms cités, avec ceux de l’ouvrage de<br />

Britton et Rose, et de se charger de la correction des<br />

épreuves.<br />

D. BOIS.<br />

Professeur au Muséum national d’Histoire naturelle,<br />

Président de la Section Botanique<br />

de la Société nationale d’Acclimatation.


LES CACTACÉES UTILES<br />

DU MEXIQUE<br />

Biologie - Influence sur le Pays<br />

Rôle économique chez <strong>les</strong> Indigènes<br />

Chapitre i. — Généralités.<br />

SOMMAIRE :<br />

— ii. — terminoloGie nahuatle-espaGnole.<br />

— iii. — stations des CaCtaCées.<br />

— iV. — aVantaGes.<br />

— V. — rôle et méCanisme dans le peuplement VéGétal<br />

— Vi. — utilité.<br />

des déserts.<br />

— Vii. — opuntiées.<br />

— Viii. — exploitation des opuntiées.<br />

— ix. — Céréées.<br />

— x. — éChinoCaCtées.<br />

— xi. — mamillariées.<br />

— xii. — emploi des CaCtaCées dans <strong>les</strong> Clôtures.<br />

— xiii. — CaCtaCées a Fibres.<br />

— xiV. — diFFérentes autres appliCations éConomiques.<br />

— xV. — CaCtaCées employées Comme FourraGe et enGrais<br />

Verts.<br />

— xVi. — Culture des CaCtaCées.<br />

— xVii. — nopals a CoChenil<strong>les</strong> et leur exploitation.


CHAPITRE I<br />

APERÇU GÉNÉRAL.<br />

RAPPORT DES CACTACÉES MEXICAINES<br />

AVEC LE PAYS ET LES INDIGÈNES.<br />

Au nombre des plantes américaines dont l’économie<br />

domestique des anciens Mexicains avait su tirer un profit<br />

des plus remarquab<strong>les</strong>, on doit placer en première ligne et<br />

presque au même rang que <strong>les</strong> Agave, une notable partie des<br />

nombreuses espèces appartenant à la famille des Cactacées.<br />

Cette intéressante famille de plantes, incontestablement<br />

originaire des régions tropica<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong> <strong>du</strong> Nou-<br />

veau Continent, semble, par le grand nombre des espèces<br />

uti<strong>les</strong> qui se rencontrent au Mexique, avoir fait de ce pays<br />

sa terre de prédilection 1 .<br />

Les Cactacées, comme on le sait, sont des végétaux vivaces<br />

qui se manifestent tantôt sous des apparences naines plus<br />

ou moins frutescentes ou rampantes, tantôt au contraire, ce<br />

qui importe pour la physionomie singulière <strong>du</strong> pays, sous<br />

des formes arborescentes érigées, certaines espèces pouvant<br />

parfois atteindre des proportions considérab<strong>les</strong> (fig. 1, 2 et 3).<br />

1. Tous <strong>les</strong> représentants de la famille des Cactacées sont bien<br />

reconnus aujourd’hui comme étant d’origine américaine ; on fait<br />

cependant une exception pour le genre Rhipsalis ; le R. Cassytha<br />

Gærtn. et <strong>les</strong> espèces affines se rencontrent en effet en Amérique et<br />

en Afrique, ou aux î<strong>les</strong> Mascareignes. Il parait plausible que ces<br />

espèces épiphytes ne sont que subspontanées en dehors <strong>du</strong> continent<br />

américain, et qu’el<strong>les</strong> ont très bien pu, comme le pense de Candolle, être<br />

accidentellement exportées de leur pays d’origine, avec, d’autres plantes<br />

épiphytes, comme par exemple la Vanille, dont l’habitat est le même<br />

en Amérique.


16 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La majorité des représentants de cette famille, constituée<br />

presque uniquement de plantes grasses, présente un faciès<br />

et une allure bien typique que l’on ne retrouve guère qu’ac-<br />

cidentellement dans le reste <strong>du</strong> règne végétal, et cela seu-<br />

lement sur certains spécimens appartenant aux trois<br />

famil<strong>les</strong> des Euphorbiacées, des Asclépiadacées et des<br />

Ficoïdées. Ces spécimens aberrants, <strong>du</strong> moins quant à la<br />

morphologie normale de la famille à laquelle ils appar-<br />

tiennent, ont été d’ailleurs compris dans un groupe à part<br />

auquel on a donné en terme d’horticulture le qualificatif<br />

bien caractéristique de cactiforme.<br />

L’aspect étrange qu’affectent <strong>les</strong> Cactacées et leur impor-<br />

tante répartition sur tout le sol mexicain, où souvent ils<br />

forment par place d’épais bosquets, implique à l’ensemble<br />

des sites de cette vaste contrée un cachet tout particulier<br />

que l’on ne rencontre guère d’une façon aussi originale que<br />

sur certains points assez limités <strong>du</strong> reste <strong>du</strong> Continent amé-<br />

ricain 1 .<br />

Les hauts plateaux sont plus spécialement l’habitat des<br />

genres à tiges aplaties en forme de raquettes que l’on dé-<br />

signe sous le nom de Nopals (Nopalea et Opuntia) ; tandis<br />

que <strong>les</strong> zones plus ferti<strong>les</strong> des vallées et des escarpements<br />

qui s’inclinent jusqu’aux plaines torrides <strong>du</strong> littoral, sont<br />

de préférence <strong>les</strong> points d’élection des types colomnaires à<br />

ramifications disposées plus ou moins en candélabres, qui<br />

sont figurés par <strong>les</strong> Organos ou Cierges (Cereus, etc.).<br />

1. Dans l’Amérique <strong>du</strong> Sud qui, dans sa majeure partie, est couverte<br />

de grandes et épaisses forêts, <strong>les</strong> Cactacées se montrent relativement<br />

rares et <strong>les</strong> spécimens que l’on peut rencontrer dans ces régions<br />

boisées, ne sont représentés, à part quelques exceptions, que par des<br />

espèces plus ou moins sylvico<strong>les</strong> ou épiphytes. Cependant dans <strong>les</strong><br />

régions arides et foncièrement désertiques, comme cel<strong>les</strong> qu’offrent le<br />

Pérou et <strong>les</strong> contrées qui s’étendent entre le Chili et le Brésil méridional,<br />

où la sécheresse <strong>du</strong> sol et de l’atmosphère sont extrêmes, on rencontre<br />

de vastes groupements de Cactacées gigantesques qui viennent alors<br />

rappeler <strong>les</strong> sites mexicains. Pour la répartition géographique de la<br />

famille des Cactacées, voir : <strong>les</strong> cartes et le mémoire de schumann.<br />

Die Verbreitung der Cactaceæ im Verhältnis zu ihrer systematischen<br />

Gliederung, publié dans ; Abhandlungen der Königliche Preussische Preussiche -><br />

Akademie der Wissenschaften zu Berlin, 1899-1900.<br />

Preussische


2<br />

Fig. 1. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />

Spécimen remarquable par sa dimension (18 mètres),<br />

par la rectitude et l’élongation de sa ramification.<br />

Plaines basses <strong>du</strong> versant pacifique de la Basse-Californie.


18 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les régions élevées des crêtes montagneuses et <strong>les</strong> grandes<br />

forêts des contreforts <strong>du</strong> massif central étant moins bien<br />

partagées sous le rapport de l’expansion de cette famille,<br />

il en résulte que ces derniers parages peuvent arriver à<br />

perdre l’originalité qui caractérise l’ensemble <strong>du</strong> pays.<br />

Dans la région des crêtes et des hauts sommets où la<br />

température est assez basse et où l’humidité est assez forte<br />

toute l’année, <strong>les</strong> Cactacées ne peuvent guère dépasser une<br />

altitude de trois mille mètres ; el<strong>les</strong> sont alors, vers ces points<br />

élevés, représentées par des formes naines, en général saxi-<br />

co<strong>les</strong>, croissant en touffes plus ou moins fournies ou plus<br />

ou moins gazonnantes, parmi <strong>les</strong> anfractuosités des rochers :<br />

tel<strong>les</strong> sont par exemple certaines espèces de Mamillaria et<br />

d’Echinocereus.<br />

Dans la grande sylve, où la lumière directe ne pénètre que<br />

difficilement et où l’humidité est constante, on ne ren-<br />

contre seulement que des espèces épiphytes tel<strong>les</strong> que Epiphyllum,<br />

Rhipsalis et certaines espèces de Cierges triangulaires<br />

(fig. 4) ; encore ces derniers n’abandonnent-ils pas<br />

toujours leur existence terrestre ; on <strong>les</strong> voit alors établir<br />

un contact avec le sol par l’intermédiaire d’une lige ou<br />

d’un faisceau de racines adventives et ce n’est qu’au som-<br />

met des arbres que, rencontrant une vive lumière, ils se<br />

ramifient et se développent en touffes.<br />

De ce fait, il s’ensuit que <strong>les</strong> Cactacées, en tant qu’essence<br />

végétale dominante, se trouvent circonscrites dans cette<br />

partie de l’Amérique septentrionale : au nord par des condi-<br />

tions climatériques présentant <strong>les</strong> mêmes analogies que <strong>les</strong><br />

hauts sommets ; au sud par <strong>les</strong> épaisses forêts qui com-<br />

mencent à s’étendre à partir de la grande coupure orolo-<br />

gique figurée par l’isthme de Tehuantepec.<br />

Par l’abondance extraordinaire de leur fructification, <strong>les</strong><br />

Cactacées furent toujours une ressource alimentaire de pre-<br />

mier ordre pour <strong>les</strong> indigènes mexicains, aussi bien pour<br />

ceux qui formaient <strong>les</strong> tribus sauvages et nomades des dé-<br />

serts, que pour ceux qui, vivant à l’état sédentaire, peu-<br />

plaient <strong>les</strong> nombreux centres civilisés de l’Anahuac préco-<br />

lombien.


Fig. 2. — Lemaireocereus Weberi Britt. ET Rose.<br />

Spécimen remarquable par son développement latéral.<br />

San Sebastian Zinacatepec (État de Puebla).


20 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les ressources qu’offrent <strong>les</strong> Cactacées et leur peu d’exi-<br />

gence sous le rapport <strong>du</strong> sol, de leur entretien et de leur<br />

propagation, furent des causes suffisantes pour amener ces<br />

végétaux à prendre place auprès de l’habitation de l’indi-<br />

gène et ensuite à recevoir progressivement une certaine cul-<br />

ture lorsqu’une agriculture nationale vint à se constituer.<br />

L’origine de la culture de ces plantes économiques<br />

remonte vraisemblablement au début de la civilisation dans<br />

le pays. Cette intéressante pratique, dont <strong>les</strong> procédés se sont<br />

en partie conservés jusqu’à nos jours parmi <strong>les</strong> populations<br />

rura<strong>les</strong>, paraît surtout être l’oeuvre des Nahuatls, dont <strong>les</strong><br />

premières tribus passent, d’après la tradition, pour avoir<br />

été <strong>les</strong> initiatrices d’une agriculture méthodique sur le pla-<br />

teau central mexicain.<br />

Comme, avant leur établissement définitif, <strong>les</strong> tribus<br />

nahuat<strong>les</strong> avaient successivement effectué de longues et<br />

pénib<strong>les</strong> pérégrinations à travers <strong>les</strong> régions désertiques <strong>du</strong><br />

Mexique, il est évident qu’el<strong>les</strong> avaient été amenées à con-<br />

naître, par leur propre expérience, tous <strong>les</strong> profits et <strong>les</strong> res-<br />

sources que l’on pouvait attendre de la culture de ces végé-<br />

taux. Aussi, comme le constate Cecilio Robelo 1 , <strong>les</strong> Cactacées<br />

ont-el<strong>les</strong> joué un rôle notable dans le développement de la ci-<br />

vilisation mexicaine ; leur association, ainsi que le fait remar-<br />

quer cet auteur, avec d’autres plantes économiques sponta-<br />

nées, tel<strong>les</strong> que le Typha, l’Agave, le Maïs, constitua, dès le<br />

début, une source de bien-être qui fut suffisante pour faire<br />

germer chez <strong>les</strong> populations primitivement nomades, l’idée<br />

d’un foyer domestique avec la vie sociale et l’agriculture<br />

pour corollaires.<br />

Les ressources que <strong>les</strong> Cactacées apportent aux pays qui<br />

leur servent d’habitat sont aussi importantes que cel<strong>les</strong><br />

fournies aux indigènes. Sous l’influence <strong>du</strong> développement<br />

de ces plantes grasses, d’immenses terrains désertiques ont<br />

pu se transformer complètement, et là où jadis le climat<br />

sec et l’aridité ne permettaient pas à la végétation normale<br />

1. cecilio Robelo. — Diccionario de Mitologia nahoa, à la lin de<br />

l’article Quetzalcoatl, Mexico. 1905.


Fig. 3. — Spécimen géant d’un Opuntia (§ Platyopuntia)<br />

désigné sous le nom vulgaire de Nopal Chamacuero.<br />

Hacienda de Huejotitan, prés <strong>du</strong> lac de Chapala (État de .Jalisco).


22 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

de s’établir d’une façon permanente, des terres ferti<strong>les</strong> et<br />

des forêts ont pu progressivement apparaître. Ce double<br />

résultat confère à la famille des Cactacées une place des<br />

plus remarquab<strong>les</strong> parmi <strong>les</strong> végétaux économiques qui<br />

viennent d’être mentionnés et qui, grâce aux multip<strong>les</strong> et<br />

curieuses utilités dont bénéficièrent <strong>les</strong> indigènes, furent<br />

une richesse naturelle pour le Mexique aux époques anté-<br />

rieures à la conquête.<br />

Dans l’évolution de la végétation mexicaine, la famille<br />

des Cactacées, plus ou moins associée au groupe des Agaves,<br />

a joué le rôle d’un facteur énergique, car en servant d’inter-<br />

médiaire entre le sol dénudé <strong>du</strong> désert et son peuplement<br />

végétal définitif, elle a, comme on le verra dans le courant<br />

de cette étude, marqué une étape intéressante dans la<br />

métamorphose <strong>du</strong> pays.<br />

Ce côté curieux et intéressant dans l’oeuvre d’organisation<br />

que la nature semble bien avoir confiée à cette famille de<br />

plantes grasses sur <strong>les</strong> terres stéri<strong>les</strong> des régions torrides de<br />

l’Amérique, n’échappa pas aux auteurs et voyageurs qui<br />

commencèrent l’étude méthodique de ces végétaux.<br />

A l’époque où ces plantes, dont on compte aujourd’hui<br />

plus d’un millier d’espèces décrites, n’étaient connues que<br />

par <strong>les</strong> quelques espèces mentionnées dans <strong>les</strong> écrits de<br />

Hernandez, Tournefort, Plumier, etc., on signalait déjà leur<br />

remarquable action sur <strong>les</strong> milieux qui leur servaient<br />

d’habitat.<br />

C’est ainsi que Lanery, dans son exposé sur <strong>les</strong> Cactiers 1<br />

où il ne fait mention que d’une trentaine d’espèces cata-<br />

loguées par <strong>les</strong> botanistes de l’époque, nous dit : « C’est<br />

» donc par le moyen des nombreuses espèces de ce genre<br />

» que la nature peut vivifier et couvrir de plantes, d’arbres,<br />

» d’arbrisseaux et aussi d’animaux vivants, <strong>les</strong> vastes<br />

» cantons qui sans cela n’eussent pu être habités que par<br />

» la mort ».<br />

1. Encyclopédie méthodique (Agriculture, II), article Cactier. Dans<br />

le même ouvrage, à la partie réservée à la botanique, Lamarck donne<br />

la description des trente et une espèces de Cactiers connues à la fin<br />

<strong>du</strong> xviii e siècle.


Fig. 4. — Cierge triangulaire épiphyte végétant sur un Saule.<br />

Hacienda de Huejotitan (État de Jalisco).


24 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les Cactacées mexicaines ne furent guère connues jus-<br />

qu’au dix-neuvième siècle que par <strong>les</strong> descriptions sommaires<br />

qui en avaient été données par Francisco Hernandez dans<br />

son célèbre ouvrage sur <strong>les</strong> plantes de la Nouvelle Espagne 1<br />

et aussi par <strong>les</strong> quelques mentions que l’on pouvait ren-<br />

contrer éparses dans <strong>les</strong> écrits des historiens contemporains<br />

de la conquête et de la colonisation espagno<strong>les</strong>, tels que<br />

Acosta (1589), Herrera (1601), Oviedo (1555) et plus tard de<br />

Plumier.<br />

Ce n’est guère qu’à la suite des voyages et des études<br />

de Humboldt, Hartweg, Karwinski 2 et de l’étude des collections<br />

de Galeotti, Engelmann, Coulter, Salm-Dyck 3 , de Mont<br />

1. FRancisco heRnandez. — De Historia plantarum Novoe Hispaniæ,<br />

etc. Cet ouvrage fut terminé vers 1578, au retour d’un voyage de<br />

sept années au Mexique, où l’auteur, avec le titre de Protomedico,<br />

avait été envoyé par Philippe II, roi d’Espagne, pour étudier <strong>les</strong><br />

pro<strong>du</strong>ctions naturel<strong>les</strong> de ce pays. Le travail écrit en latin resta<br />

longtemps inédit ; il fut imprimé la première fois, dit-on, à Rome, par<br />

Recchus sous le titre de Nova plantarum, animalium et mineralium<br />

mexicanorum Historia, et ensuite à Madrid, en 1790. Cette dernière<br />

édition ne put être publiée que d’après une copie conservée au Collège<br />

des Jésuites, car le manuscrit original avait été détruit en 1671, dans<br />

l’incendie qui anéantit la bibliothèque de l’Escurial. Le travail<br />

d’Hernandez tra<strong>du</strong>it en espagnol, sur une copie laissée par l’auteur, à<br />

Mexico, fut publié dans cette ville, en 1615, par le moine dominicain<br />

Fray-Francisco-Ximenes ; il a été récemment réimprimé en deux<br />

éditions, l’une par Nicolas Léon, l’autre par Antonio Peñafiel ; cette<br />

dernière édition comporte une numération correspondant au texte<br />

madrilène.<br />

2. guillaume-FRédéRic de KaRwinsKi fut envoyé au Mexique, en<br />

1826, par la Société minière germano-américaine de Dusseldorf et le<br />

Gouvernement bavarois, dans le but d’y recueillir des collections<br />

d’histoire naturelle. Il séjourna, pendant cinq ans, principalement<br />

dans l’État de Oaxaca, et envoya dans son pays un nombre considérable<br />

de plantes vivantes, principalement de Cactacées et d’Agaves. Il<br />

parcourut Oaxaca, Ixmicuilpan, Zimapa. En 1840, il retourna au<br />

Mexique pour le compte <strong>du</strong> Gouvernement russe, et revint à Munich<br />

en 1843, où il mourut le 2 mars 1855.<br />

3. Les Cactacées de cette collection furent rapportées en 1837, par<br />

Deschamps, commerçant français établi au Mexique, et c’est grâce à<br />

M. de Montville, qui s’était ren<strong>du</strong> acquéreur des spécimens <strong>les</strong> plus<br />

remarquab<strong>les</strong>, que Lemaire put faire la description de nombre d’espèces<br />

nouvel<strong>les</strong>.


Welier -><br />

Weber<br />

chapitRe i 25<br />

ville, que <strong>les</strong> Cactacées mexicaines commencèrent à être suf-<br />

fisamment connues, pour que, réunies avec cel<strong>les</strong> que l’on<br />

avait étudiées dans <strong>les</strong> autres régions de l’Amérique, el<strong>les</strong><br />

puissent figurer en bonne place dans <strong>les</strong> monographies<br />

classiques de de Candolle, Pfeiffer, Lemaire, Labouret,<br />

Weber, Schumann, et plus récemment Britton et Rose.<br />

Depuis lors, ces plantes suffisamment étudiées n’ont<br />

cessé d’attirer l’attention et de donner lieu à de multip<strong>les</strong><br />

recherches, aussi bien au point de vue botanique qu’éco-<br />

nomique ; ce dernier objectif paraît surtout avoir été le but<br />

des recherches des Américains qui ont prévu <strong>les</strong> avantages<br />

que pouvaient offrir ces plantes grasses dans l’exploitation<br />

méthodique des terrains désertiques <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> territoire<br />

des États-Unis


CHAPITRE II<br />

TAXINOMIE ET TERMINOLOGIE MEXICAINES<br />

Avant d’entreprendre l’étude économique des Cactacées<br />

et de leur rôle dans la végétation <strong>du</strong> Mexique, il importe<br />

de faire connaître par un exposé sommaire le système de<br />

nomenclature qui fut mis en usage par <strong>les</strong> indigènes pour<br />

la différenciation de ces végétaux.<br />

Dans la langue nahuatle, qui était l’idiome le plus perfec-<br />

tionné et le plus répan<strong>du</strong> au Mexique lors de la conquête<br />

espagnole, la plupart des Cactacées étaient comprises sous<br />

le nom générique de Nochtli et, à ce terme faisant fonction<br />

de radical, on ajoutait un affixe pour identifier <strong>les</strong> espèces,<br />

<strong>les</strong> variétés ou encore <strong>les</strong> catégories que comportait cette<br />

intéressante famille de plantes.<br />

Une idée de cette nomenclature indigène basée simplement<br />

sur des considérations d’ordre économique, morphologique<br />

ou biologique, nous est fournie par certains auteurs anciens ;<br />

c’est ainsi par exemple que Hernandez nous la fait com-<br />

prendre dans son célèbre traité des plantes de la Nouvelle<br />

Espagne 1 par <strong>les</strong> quelques dénominations suivantes : Atlatonochtli,<br />

Azcatnochtli, Ixtacxoconochtli, Tlapalnochtli, Tzacuanochtli,<br />

Xochinochtli ou Nochxochtli, Zacanochtli, etc. 2 .<br />

Les premières désignations sont cel<strong>les</strong> des espèces ou<br />

variétés d’Opuntia et Nopalea fruitiers que l’on rencontre le<br />

1. heRnandez. — De Hisloria plantarum Novæ Hispaniæ, II,<br />

lib. VI.<br />

2. Atlatonochtli de Atl = eau et tla de tlaquali = nourriture,<br />

Azcatnochtli de azcatl = fourmi, Ixtacxoconochtli de ixtac = blanc et<br />

xocotl = fruit acide, Tlapalnochtli de tlapalli = couleur rouge, Xochinochtli<br />

de Xochitl = fleur, Zacanochtli de zacatl = herbe, foin.


28 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

plus communément sur le plateau central mexicain ; <strong>les</strong><br />

deux dernières comprennent l’une la catégorie des Cactacées<br />

à fleurs ornementa<strong>les</strong>, comme <strong>les</strong> Epiphyllum et certains<br />

Cereus, l’autre un groupe de petites espèces plus ou moins<br />

frutescentes de Cylindropuntia et de Platyopuntia croissant<br />

habituellement parmi la flore herbacée des savanes, et que<br />

dans le langage populaire actuel on nomme Cholla, Tasajo,<br />

Tasajillo, Alfilerillo, etc. (fig. 5 et 6).<br />

Parfois, dans la composition des mots servant à carac-<br />

tériser <strong>les</strong> Cactacées, on remplaçait le radical Nochtli par<br />

celui de Nopalli. Ces deux ternies arrivaient à l’équivalence<br />

et pouvaient indifféremment se substituer dans la glosso-<br />

logie nahuatle, c’est ainsi <strong>du</strong> moins qu’on le constate avec<br />

l’iconographie toponymique des Codex mexicains.<br />

Dans ces manuscrits hiéroglyphiques, lorsqu’il s’agit de<br />

faire figurer une Cactacée dans la dénomination d’une<br />

localité, ce dernier, que ce soit un Cierge ou un Opuntia,<br />

est toujours représenté par le tracé stylisé d’un Platyopuntia<br />

1 .<br />

L’origine <strong>du</strong> mot Nochtli est inconnue et celle de Nopalli<br />

est très incertaine. Quant au véritable sens que comportent<br />

ces deux mots, il paraîtrait vraisemblable, d’après ce que<br />

l’on peut en conclure de l’acception populaire actuelle, que<br />

Nochtli désignerait surtout le fruit et que ce serait par<br />

extension qu’il s’appliquerait à toute la plante. Pour ce<br />

qui est de Nopalli, ou Nochpalli comme on le rencontre<br />

orthographié dans certains écrits anciens, ce mot paraît<br />

plus spécialement s’adapter, comme l’indique Cecilio<br />

Robelo 2 à des Cactacées de tiges aplaties (Platyopuntia et<br />

Epiphyllum) ; c’est <strong>du</strong> moins ce que l’on entrevoit dans<br />

1. Voir à ce sujet le mémoire de A. geRste : Notes sur la Médecine<br />

et la Botanique des Anciens Mexicains, Rome, 1909.<br />

2. cecilio Robelo. — Diccionario de Aztequismos (Mexico, 1904,<br />

p 619). Il résulterait que le sens de palli implique dans cette circonstance<br />

l’idée d’une chose aplatie, plus ou moins allongée ou ovalaire,<br />

c’est ainsi <strong>du</strong> moins ce qu’indique <strong>les</strong> expressions de Uapalli = planche,<br />

Cacuapalli = semelle de chaussure, Mecapalli — bandeau frontal pour<br />

le portage.


Fig. 5. — Opuntia (§ Cylindropuntia) leptocaulis DC.<br />

Nom vulgaire Sasaluistli.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


30 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

<strong>les</strong> termes Nopalnocheztli = Opuntia cochenillicole, de<br />

nocheztli = cochenille ; Tenopalli = Opuntia saxicole, de<br />

te de tetl = pierre ; Nopalxochilquetzaltic = Epiphyllum<br />

Ackermannii Haw. (Xochil = fleur et quetzaltic = en forme<br />

de plume de quezatl).<br />

Dans le langage populaire actuel, Nopalli qui a été castillanisé<br />

en Nopal et en ses diminutifs Nopallito et Nopallilo<br />

s’applique presque exclusivement aux Cactacées à tiges<br />

aplaties. Dans la majorité des cas, <strong>les</strong> dérivés des radicaux<br />

Nochtli et Nopalli ont presque toujours un sens collectif et<br />

au lieu de s’appliquer à une espèce déterminée, ils désignent<br />

habituellement une catégorie de Cactacées dont la forme ou<br />

la nature des pro<strong>du</strong>its présente des analogies ; cependant<br />

pour certaines localités, ces dénominations peuvent, même<br />

lorsqu’el<strong>les</strong> ne se complètent pas par des synonymies plus<br />

appropriées, devenir suffisantes pour servir à une spéci-<br />

fication.<br />

Des exemp<strong>les</strong> bien typiques de ce fait sont fournis par<br />

<strong>les</strong> termes très connus de Zapotnochtli, Xoconochtli et<br />

Tenochtli. Le premier s’applique en général à toutes <strong>les</strong><br />

Cactacées pro<strong>du</strong>ctrices de gros fruits, et le second aux Cac-<br />

tacées donnant des fruits de saveur acide ; ces deux déno-<br />

minations sont alors employées dans certaines régions pour<br />

désigner des espèces bien définies 1 . Ainsi sur <strong>les</strong> hauts plateaux<br />

mexicains, où le genre Opuntia est mieux représenté<br />

par le nombre de ses espèces que le genre Cereus, on donne<br />

le nom de Zapotnochtli à la variété culturale de l’Opuntia<br />

Ficus-indica Mill., remarquable par la grosseur de ses fruits,<br />

que <strong>les</strong> indigènes appellent maintenant Tuna de Castilla ou<br />

Tuna rica.<br />

Dans la terre chaude où <strong>les</strong> Cereus sont plus abondants,<br />

<strong>les</strong> Indiens nahuatls donnaient le nom de Zapotnochtli aux<br />

espèces d’un groupe de Cierges à fruits particulièrement<br />

1. Zapotl qui a été castillanisé en Zapote sert toujours à désigner<br />

<strong>les</strong> gros fruits charnus à quelque famille qu’ils appartiennent, quant<br />

à Xocotl il s’applique non seulement à des fruits, mais aussi à des<br />

végétaux de saveur acide ou aigrelette.


Fig. 6. — Opuntia (§ Platyopuntia) pubescens Wendl.<br />

Spécimen eu partie dégagé d’un fourré herbacé et cespiteux<br />

dont il formait en quelque sorte l’ossature.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


32 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

appréciés, que <strong>les</strong> Espagnols comprirent clans la suite sous<br />

le nom de Pitayo 1 .<br />

Quant à Zoconochtli, qui fut castillanisé en Xoconostle,<br />

Soconoscle ou Joconostle, ce terme fut appliqué suivant <strong>les</strong><br />

régions à différentes espèces d’Opuntia et de Cierges. C’est<br />

ainsi que dans la région <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique, Joconostle<br />

désigne une espèce de Cholla ou de Zacanochtli, l’O. (§ Cylindropuntia)<br />

imbricata DC. 2 . Dans la partie ouest <strong>du</strong> plateau<br />

central, le nom est appliqué à l’Opuntia Joconostle Web.<br />

Enfin, dans <strong>les</strong> états de Puebla et Oaxaca, le nom de<br />

Xoconochtli s’appliquait au Lemaireocereus stellatus Britt.<br />

et Rose, dont <strong>les</strong> fruits légèrement acides sont très appré-<br />

ciés dans ces deux provinces où on <strong>les</strong> vend sur <strong>les</strong> marchés<br />

sous le nom de Pitayo Joconostle.<br />

Tenochtli ou Tenopalli désigne d’une façon générale<br />

toutes <strong>les</strong> Cactacées saxico<strong>les</strong> et aussi par dépréciation ceux<br />

qui croissent en sauvageons. Ces deux termes s’appliquent<br />

encore dans certaines régions pour spécifier l’Opuntia<br />

Tapona Engelm.; la dénomination serait alors donnée à<br />

cette espèce, soit à cause de la <strong>du</strong>reté relative de ses fruits,<br />

soit à cause de leur effet bien connu de pro<strong>du</strong>ire des obstruc-<br />

tions intestina<strong>les</strong> chez <strong>les</strong> indivi<strong>du</strong>s qui en font une trop<br />

forte consommation.<br />

D’après Hernandez, on voit aussi le terme Tepenopalli<br />

servir dans la localité de Jolani à spécifier l’espèce bien<br />

connue <strong>du</strong> Nopal à fleur et à aiguillons jaunes que l’on<br />

appelait aussi Cotzicnopalxochitl et qui est une variété<br />

naturelle de l’Opuntia Ficus-indica.<br />

Pour compléter cet aperçu sur ce système de nomen-<br />

clature indigène il faut également ajouter <strong>les</strong> expressions<br />

assez courantes de Lamanochtli, Quanochtli, Tlapalnochtli,<br />

1. En dehors de l’appellation la plus commune de Zapotnochtli, <strong>les</strong><br />

Pitayos étaient encore désignés sous d’autres dénominations applicab<strong>les</strong><br />

également à des Opuntia ; c’est ainsi que l’on trouve dans l’ouvrage<br />

d’heRnandez, t. III, caput XCIII, p. 102, « Quauhnochtli seu teonochtli<br />

quam Pitachayam Haïtini vocant ».<br />

2. On donne encore à cette espèce le nom de Coyonochtli qui signifie<br />

alors Cactus de coyote (loup des prairies).


chapitRe ii 33<br />

qui, comme <strong>les</strong> précédentes, pouvaient se prêter à une spé-<br />

cification ou à une collectivité. Lamanochtli (lama = vieillard)<br />

désigne certaines espèces comprises dans le genre<br />

Cephalocereus que <strong>les</strong> Espagnols nommaient viejos (Cephalocereus<br />

leucocephalus Britt. et Rose, C. Hoppenstedtii<br />

Schum., C. senilis Pfeiff.; l’expression, aussi bien nahuatle<br />

qu’espagnole, fait allusion au cephalium de la plante, lequel,<br />

composé d’une laine plus ou moins entremêlée d’aiguillons<br />

sétacés, semble garnir d’une barbe blanche <strong>les</strong> parties flo-<br />

rifères des tiges.<br />

Quanochtli ou Quahunochtli (quahuitl = arbre, bois) s’applique<br />

d’une façon générale aux Opuntia et aux Cierges de<br />

forme arborescente dont <strong>les</strong> figures 1, 2 et 3 montrent des<br />

exemp<strong>les</strong> bien typiques, ou encore à ceux dont la tige est<br />

très lignifiée, comme par exemple certains Cylindropuntia.<br />

Hernandez emploie ce mot pour spécifier l’Opuntia imbricata<br />

DC., espèce qui, quoique de petite taille, constitue, par la<br />

lignification de ses rameaux, un excellent combustible pour<br />

<strong>les</strong> indigènes.<br />

Le préfixe Qua paraît parfois dériver de Quahitl = tête ;<br />

c’est <strong>du</strong> moins ainsi que l’interprètent <strong>les</strong> indigènes de l’état<br />

de Puebla dans le mot Quapetla (petla = large) nom qu’ils<br />

donnent au Pitayo de Mayo (Lemaireocereus griseus Britt.<br />

et Rose) à cause de son abondante ramification.<br />

Il ne faut pas confondre le terme Quanochtli avec celui<br />

de Coanochtli, que l’on trouve employé dans certaines localités<br />

pour désigner des Cierges grimpants ou flagelliformes.<br />

Coa (abréviation de Coatl = serpent) lorsqu’il est employé<br />

dans la terminologie botanique nahuatle, implique le plus<br />

souvent l’idée d’une liane, d’une plante à drageons ou<br />

encore à tiges rampantes. Les Nyctocereus serpentinus Britt.<br />

et Rose, Aporocactus flagelliformis Lemaire, Selenicereus<br />

vagans Britt. et Rose (fig. 7) sont des exemp<strong>les</strong> bien typiques<br />

de ces Coanochtli.<br />

Tlapalnochtli (tlapali = couleur rouge) désigne en général<br />

<strong>les</strong> Cactacées donnant des fruits à suc fortement coloré en<br />

rouge ; dans <strong>les</strong> régions <strong>du</strong> nord et <strong>du</strong> centre <strong>du</strong> Mexique ce<br />

3


34 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

terme était surtout appliqué à l’Opuntia orbiculata Salm-<br />

Dyck, que <strong>les</strong> Espagnols appelèrent Tuna pintadera ; le suc<br />

de ce fruit était jadis employé comme matière colorante<br />

dans l’in<strong>du</strong>strie indigène et remplaçait la cochenille 1 .<br />

D’après Alzate (Gazeta de litteratura de Mexico, 1790,<br />

article Grana), on appliquait encore le terme Tlapalnochtli<br />

ou Tlalnochtli aux quatre ou cinq espèces de Nopals employés<br />

par <strong>les</strong> Indiens pour l’élevage de la cochenille.<br />

Quelquefois au lieu de se servir des termes consacrés de<br />

Nochtli et Nopalli, on avait recours à un langage figuré<br />

pour désigner différentes espèces de Cactacées, mais ces<br />

expressions qui sont encore d’un usage courant parmi cer-<br />

taines populations rura<strong>les</strong> <strong>du</strong> plateau central mexicain, ne<br />

paraissent guère pour la plupart s’être généralisées en<br />

dehors de leur pays d’origine, c’est ainsi que l’on a : Quapetla<br />

(tête large), Xoalacatl (fleur en tube), Huitzocuitlapilli<br />

(queue épineuse), Quauchcuezplacuitlapilli (queue d’iguane),<br />

Tepepoa (souverain des montagnes), Tzazahuistli (épine<br />

adhérente, collante), etc. 2<br />

Les Echinocactus ne pro<strong>du</strong>isant pour la plupart que des<br />

fruits insipides ou peu alimentaires ne semblent pas avoir<br />

été compris dans le groupe Nochtli, <strong>les</strong> anciens Mexicains<br />

<strong>les</strong> désignèrent sous des dénominations figurées ou par des<br />

périphrases tel<strong>les</strong> que : Huiznahuac, Comitl, Metzollin.<br />

Huiznahuac (de huiztli = épine et nahuac = entre, parmi,<br />

entouré) paraît avoir été l’expression la plus usitée, car<br />

elle fut adoptée par <strong>les</strong> conquérants espagnols qui la castil-<br />

lanisèrent en Bisnaga ou Visnaga, appellation qui ne tarda<br />

1. Le fruit de la Tuna pintadera est petit et non comestible ; il<br />

contient une pulpe qui s’écrase facilement en abandonnant un liquide<br />

rouge écarlate ; cette particularité a fait employer ce fruit dans certains<br />

villages comme projectile en place de confettis lors des réjouissances<br />

populaires. (A. ehRenbeRg, Beitrag zur Geschichte einiger mexicanischer<br />

Cacteen, Linnæa, XIX, p. 367, 1846).<br />

2. Lemaireocereus griseus Britt. et Rose, Heliocereus speciosus Britt.<br />

et Rose, Aporocactus flagelliformis Lemaire, Selenicereus hamatus<br />

Britt. et Rose, Myrtillocactus geometrizans Console, Opuntia leptocaulis<br />

DC.


Fig. 7. — Selenicereus vagans Britt. et Rose.<br />

Spécimen très fourni<br />

enlaçant de ses tiges flagelliformes <strong>les</strong> taillis de la forêt ;<br />

à droite, quelques rameaux<br />

<strong>du</strong> Cephalocereus leucocepalus Britt. et Rose.<br />

Forêt sèche côtière des environs de Mazatlan (État de Sinaloa).


36 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

pas à se vulgariser et qui, maintenant, est restée d’un usage<br />

courant dans le langage populaire.<br />

Huitzli signifie forte épine 1 et lorsque ce terme était<br />

employé comme affixe dans la composition des mots, il<br />

devenait dans la nomenclature botanique nahuatle la carac-<br />

téristique des plantes se distinguant par la puissance ou<br />

l’importance des aiguillons ou des épines.<br />

Huitzli s’emploie encore dans la spécification des Cactacées<br />

autres que <strong>les</strong> Echinocactus, mais alors dans cette<br />

occurence, le terme, détail à noter, se place en suffixe. C’est<br />

ainsi <strong>du</strong> moins qu’on l’observe dans <strong>les</strong> dénominations de<br />

Tzazalhuiztli (Opuntia leptocaulis DC.), Tzompahuiztli<br />

(Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose), Tocahuiztli, cette<br />

dernière dénomination s’applique à un groupe d’Opuntia<br />

caractérisés par des épines aranéocriniformes donnant à la<br />

plante l’aspect d’un recouvrement de toi<strong>les</strong> d’araignées, tels<br />

sont par exemple <strong>les</strong> Opuntia leucotricha DC., orbiculata<br />

Salm-Dyck, pilifera Web., etc. 2 .<br />

Comitl (Cantaro, Olla) 3 placé dans la composition des<br />

termes botaniques pouvait faire l’office de radical, il servait<br />

alors à désigner <strong>les</strong> Echinocactus et certains Mamillaria de<br />

forme globuleuse, c’est ainsi qu’on le constate pour <strong>les</strong> pre-<br />

1. Les épines et <strong>les</strong> aiguillons végétaux sont désignés par <strong>les</strong><br />

Nahuatls sous <strong>les</strong> noms de Huistli ou Uistli, Izaptli, Ahuatl ; Huiztli<br />

s’applique aux fortes épines acérées, qui jadis servaient aux naturels<br />

d’éping<strong>les</strong>, de poinçons, de lancettes, etc.; Tzapli a un sens plus<br />

général et implique l’idée d’une chose pointue, aiguë, piquante ;<br />

Ahuatl est le nom que l’on donne aux petites épines ou <strong>du</strong>vets<br />

épineux ; ce mot a été castillanisé en Ahuate ou Aguate ; quand<br />

on l’applique aux Cactacées, il sert surtout à spécifier <strong>les</strong> sétu<strong>les</strong><br />

urticantes dont <strong>les</strong> fruits d’Opuntia sont plus particulièrement<br />

pourvus.<br />

2. Tzatzal, de Tsatzacuilia = enfermer, enserrer, adhérer ; Tzompa,<br />

de Tzompanlli = instrument servant à suspendre ; Toca, de Tocatl<br />

= araignée.<br />

3. Dans l’Amérique espagnole, on donne le nom de cantaro ou olla<br />

à des poteries de forme renflée servant, dans <strong>les</strong> usages ménagers,<br />

soit de marmite, soit de récipient pour conserver la provision d’eau<br />

potable.


chapitRe ii 37<br />

miers avec <strong>les</strong> expressions Teocomitl, Hueycomitl, Tepenexcomitl,<br />

et pour <strong>les</strong> seconds avec cel<strong>les</strong> de Come<strong>les</strong>, Tecome<strong>les</strong>,<br />

Tiscome<strong>les</strong> 1 .<br />

D’après Hernandez, on désignait encore <strong>les</strong> Echinocactus<br />

sous le nom de Metzollin 2 , cette expression que <strong>les</strong> Nahuatls<br />

consacraient à la masse charnue des troncs d’Agave, semble<br />

ici devoir faire allusion à la constitution pulpeuse de la<br />

Bisnaga.<br />

Après la conquête espagnole, le mot Nochtli fut remplacé<br />

par celui de Tuna, que <strong>les</strong> premiers colons espagnols apportèrent<br />

des Antil<strong>les</strong> où, pour la première fois, ils apprirent<br />

à connaître et à apprécier <strong>les</strong> Cactacées ; le mot d’origine<br />

nahuatle ne fut, dès lors, tout au plus conservé que dans<br />

la composition des mots lorsqu’il s’agissait d’espèces loca-<br />

lisées ; le mot Nopalli, castillanisé en Nopal, fut conservé<br />

et devint plus ou moins synonyme de Tuna. Le terme de<br />

Tuna s’applique aujourd’hui surtout au fruit et quelquefois,<br />

mais assez exceptionnellement, aux Opuntia. Pour<br />

désigner certains genres de Cactacées tels par exemple <strong>les</strong><br />

Cereus, <strong>les</strong> Espagnols employèrent de nouvel<strong>les</strong> expressions<br />

empruntées soit aux idiomes des Antil<strong>les</strong>, soit à la langue<br />

castillane ; c’est alors que <strong>les</strong> colons mirent en usage <strong>les</strong><br />

1. Teotl = dieu, divin ; Huey = grand ; Tepenexcomitl, de Tepetl = de<br />

montagne, sauvage, inculte ; Nexcomitl est la marmite dans laquelle<br />

<strong>les</strong> mexicains cuisent le maïs avec l’eau de chaux (allusion<br />

faite à la forme de la Bisnaga ou à sa couleur cendrée grisâtre).<br />

Dans Tionochcomitl on retrouve le radical Nochtli probablement<br />

parce que ces Mamillaria donnaient des fruits comestib<strong>les</strong>. Tis,<br />

de Tisatl = verni, lustré, blanc-brillant (allusion soit à l’épiderme<br />

lustré, soit à la pubescence blanchâtre dont ces végétaux sont souvent<br />

recouverts).<br />

2. Netzollin quam alii Hoeicomitl seu ollam magnam ob similitudinem<br />

vocant (heRnandez, II, p. 170). Metzollin ou Mezolli signifie encore,<br />

d’après le dictionnaire nahuatl de Rémi Siméon, une chausse-trappe,<br />

une plante épineuse ; cette acception doit vraisemblablement tenir<br />

son origine des Bisnagas dont <strong>les</strong> côtes sont garnies d’aréo<strong>les</strong><br />

épineuses. Dans le dictionnaire d’Alonzo Molina, Metzollin désigne<br />

bien la pulpe ou moelle d’Agave ; cette signification s’est <strong>du</strong> reste<br />

conservée de nos jours au Mexique, sous la forme castillanisée<br />

de Mesale.


38 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

appellations de Pitayo, Pitahayo, Carambullo, Cardon, Organo<br />

suivant la pro<strong>du</strong>ction ou la forme de la plante 1 .<br />

Les espèces appartenant au groupe des Cylindropuntia<br />

et des genres voisins de Echinocereus reçurent selon <strong>les</strong><br />

localités <strong>les</strong> différentes dénominations de Tasajo, Clavellina,<br />

Alicoches, Alfiterillo, Cholla, Alcaes, Tenchalote, Abrojos.<br />

Au groupe des Bisnagas, il faut encore ajouter celui<br />

des Peyotes 2 , terme sous lequel <strong>les</strong> indigènes actuels comprennent<br />

une catégorie de petites Cactacées renflées aber-<br />

rantes tel<strong>les</strong> que Lophophora et Ariocarpus.<br />

Pour différencier <strong>les</strong> petites espèces de Cactacées, <strong>les</strong><br />

colons espagnols eurent recours aux diminutifs de ces nou-<br />

vel<strong>les</strong> désignations comme par exemple Nopalito, Tunita,<br />

Pitayto, Cardoncito, Organito, Bisnaguita, Chollita, Tasa-<br />

jillo, etc.<br />

Ces dénominations nahuat<strong>les</strong> et espagno<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> plus<br />

courantes au Mexique, il ne faudrait pas cependant en<br />

conclure qu’el<strong>les</strong> se soient généralisées chez <strong>les</strong> peuplades<br />

indigènes qui ont conservé leur antique langage, car dans<br />

<strong>les</strong> langues opata, pima, cahita, otomites, tarasques, mixte-<br />

cozapotèques, etc., on rencontre des termes spéciaux pour<br />

désigner <strong>les</strong> espèces de cette famille de plantes, qui occupe<br />

1. Tuna signifie, en langue haïtienne, eau. Pitayo signifie dans la<br />

même langue, suivant Oviedo, fruit écailleux. Pitahayo (qui a vraisemblablement<br />

la même origine que le précédent) désigne <strong>les</strong> Cierges<br />

grimpants et à tiges triangulaires. Carambullo désigne en langue<br />

hispano-américaine, une plante pro<strong>du</strong>isant des baies, des groseil<strong>les</strong> ou<br />

des fruits analogues à des myrtil<strong>les</strong> ; ce nom a été appliqué à deux<br />

Cierges de moyenne taille pro<strong>du</strong>isant en grande abondance de très<br />

petits fruits, Myrtillocactus geometrizans Console, Lophocereus Schottii<br />

Britt. et Rose. Cardon (chardon) cette dénomination fait allusion soit<br />

à la nature de la plante qui est armée souvent de forts aiguillons, soit<br />

à son fruit qui, en général, n’est pas comestible. Organo, Cierge ayant<br />

des tiges très droites, rappelant des tuyaux d’orgues.<br />

2. Peyote vient de Peyotl ou Peyutl. L’origine de ce mot est incertaine,<br />

certains auteurs le font dériver de Peyona - nic, signifiant stimuler, ou<br />

encore de Peyutl = cocon ; la première interprétation ferait allusion aux<br />

propriétés actives que possèdent certaines espèces de ce groupe, la<br />

seconde à la forme et à l’apparence de la plante.


chapitRe ii 39<br />

une si grande place dans la flore <strong>du</strong> pays et dont <strong>les</strong> pro-<br />

<strong>du</strong>its aux époques d’indépendance furent, pour toutes <strong>les</strong><br />

peuplades mexicaines sans exception, une ressource de<br />

premier ordre.<br />

Mais en dehors de ces régions relativement ré<strong>du</strong>ites, <strong>les</strong><br />

termes nahuat<strong>les</strong> et espagnols apportés par <strong>les</strong> deux peup<strong>les</strong><br />

qui étendirent successivement leur domination sur le<br />

Mexique, prédominèrent dans le langage populaire et<br />

peuvent aujourd’hui servir à une classification vulgaire des<br />

Cactacées.<br />

Toutes <strong>les</strong> étymologies qui viennent d’être exposées ont<br />

été puisées partie chez <strong>les</strong> auteurs mexicains et partie auprès<br />

des indigènes parlant encore la langue nahuatle. Il est néces-<br />

saire de faire cette remarque pour relever <strong>les</strong> interprétations<br />

erronées qui furent émises au xvii e siècle et qui eurent<br />

surtout pour objet d’identifier <strong>les</strong> Cactacées avec certaines<br />

plantes européennes vaguement décrites dans <strong>les</strong> anciens<br />

textes. C’est ainsi par exemple que plusieurs auteurs s’ingé-<br />

nièrent à faire dériver Nopal <strong>du</strong> flamand Nope, et Bisnaga<br />

de l’arabe Bisnacha 1 ou encore <strong>du</strong> latin Pastinaca, Bisnata,<br />

Bisacuta, etc. Ces interprétations fantaisistes qui furent<br />

plusieurs fois rééditées et sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il serait oiseux<br />

d’insister se ré<strong>du</strong>isent facilement à néant lorsqu’on examine<br />

<strong>les</strong> faits dans le pays et que l’on consulte <strong>les</strong> historiens<br />

contemporains de la conquête et de la colonisation espa-<br />

gno<strong>les</strong>.<br />

1. L’interprétation de Bisnaga ou Visnaga reposant sur une étymologie<br />

de pure imagination, s’est même trouvée vulgarisée par philippe<br />

milleR, dans son Dictionnaire des jardiniers (tra<strong>du</strong>ction française,<br />

II, p. 88, 1785), où il est dit textuellement à propos <strong>du</strong> Cactus<br />

Bisnaga : « que <strong>les</strong> habitants <strong>du</strong> Mexique en font garnir <strong>les</strong> épines<br />

» d’or et d’argent, et s’en servent comme de cure-dents. Aussi donnent-<br />

» ils à cette plante le nom de Visnaga, qui veut dire cure-dents ».


CHAPITRE III<br />

STATIONS DES CACTACÉES<br />

ET LEURS RESSOURCES POUR LES NOMADES<br />

ET LES SÉDENTAIRES.<br />

Un bon nombre de Cactacées peuvent donner annuel-<br />

lement une pro<strong>du</strong>ction alimentaire considérable ; celle-ci<br />

est alors fournie soit temporairement par <strong>les</strong> fruits, soit<br />

d’une façon à peu près constante par <strong>les</strong> tiges charnues et<br />

succulentes qu’offrent certaines espèces 1 .<br />

Il s’ensuit que lorsque <strong>les</strong> Cactacées forment, au sein<br />

des régions désolées par de longues sécheresses, de ces<br />

importants groupements que l’on peut, sans trop d’exa-<br />

gération considérer comme de véritab<strong>les</strong> massifs forestiers,<br />

ils arrivent à constituer dans ces parages, d’ordinaire inhos-<br />

pitaliers, des stations où la vie peut au moins temporaire-<br />

ment devenir facile. Ces stations jouent alors le rôle d’oasis<br />

pour <strong>les</strong> voyageurs et leur permettent le transit à travers<br />

le désert en leur offrant des lieux d’étapes où se rencontre<br />

la certitude d’une copieuse subsistance et de grenier d’abon-<br />

dance pour <strong>les</strong> populations sédentaires qui vivent à proxi-<br />

mité de ces bosquets. C’est ainsi, par exemple, que grâce à<br />

l’existence de ces parages fortunés, <strong>les</strong> vastes plaines arides<br />

des plateaux septentrionaux <strong>du</strong> Mexique deviennent acces-<br />

1. Il est bon de faire remarquer que seulement un nombre assez<br />

restreint de Cactacées possède des tiges dont le parenchyme est<br />

comestible, beaucoup, au contraire, ont une pulpe de saveur désagréable<br />

qui peut même, chez certaines espèces, être franchement toxique. Les<br />

genres Opuntia et Echinocactus présentent à peu près seuls des espèces<br />

donnant une substance charnue, capable d’être utilisée dans l’alimen-<br />

tation.


42 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

sib<strong>les</strong> à certaines époques de l’année et que <strong>les</strong> hordes<br />

nomades des Indios bravos purent, longtemps même encore<br />

après la conquête espagnole, venir exercer leurs incursions<br />

dévastatrices chez <strong>les</strong> populations sédentaires et pacifiques<br />

des contrées ferti<strong>les</strong> de l’Anahuac.<br />

La fructification des Cactacées est d’une richesse et<br />

d’une abondance extraordinaire (fig. 8) ; elle se pro<strong>du</strong>it à<br />

deux époques déterminées de l’année, au printemps et à<br />

l’automne, c’est-à-dire pendant la saison sèche et immé-<br />

diatement après la saison des pluies.<br />

Certaines espèces possèdent <strong>les</strong> deux fructifications<br />

(Opuntia) et d’autres seulement une (Cierges) ; la <strong>du</strong>rée de<br />

fructification est habituellement d’un peu plus d’un mois,<br />

mais dans certaines conditions écologiques, cette <strong>du</strong>rée peut<br />

se prolonger suffisamment pour que <strong>les</strong> deux fructifications<br />

arrivent à se confondre et donnent alors un rapport constant<br />

pendant presque la moitié de l’année. Ce cas de surpro-<br />

<strong>du</strong>ction ne se manifeste que chez <strong>les</strong> Opuntia des plateaux<br />

septentrionaux <strong>du</strong> Mexique. En dehors de cette zone privi-<br />

légiée, <strong>les</strong> mêmes espèces se montrent beaucoup moins<br />

prolifiques ; el<strong>les</strong> donnent encore deux fructifications à<br />

l’année, mais ces dernières, souvent inéga<strong>les</strong> comme quan-<br />

tité, sont d’une <strong>du</strong>rée normale.<br />

Quant aux Cierges, leur pro<strong>du</strong>ction n’a lieu, norma-<br />

lement, qu’une fois l’année ; pour <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> plus<br />

connues et <strong>les</strong> plus répan<strong>du</strong>es, cette dernière a lieu à la<br />

saison sèche ; pour d’autres espèces, elle peut avoir lieu à<br />

des époques différentes mais, sauf quelques rares exceptions,<br />

comprises entre le printemps et l’automne.<br />

La constatation de ces deux périodes trouve son impor-<br />

tance au point de vue qui nous occupe, car comme <strong>les</strong><br />

fruits de Cactacées sont, parmi <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>ctions végéta<strong>les</strong><br />

naturel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique, une des meilleures et des plus<br />

abondantes, il s’ensuit que <strong>les</strong> expéditions et <strong>les</strong> séjours<br />

dans <strong>les</strong> déserts étaient subordonnés à ces dernières.<br />

En outre de la nourriture, certaines Cactacées sont aptes<br />

à procurer au voyageur altéré, l’élément qui lui est néces-


chapitRe iii 43<br />

saire pour apaiser sa soif, lorsque, sur la route, <strong>les</strong> sources<br />

font défaut. Cette catégorie, que <strong>les</strong> indigènes actuels<br />

Fig. 8. — Spécimen d’Opuntia Tapona Engelm.<br />

montrant la surabondance de fruits que peut pro<strong>du</strong>ire cette espèce.<br />

Hacienda de Huejotitan, environs <strong>du</strong> lac de Chapala (État de Jalisco).<br />

nomment communément Bisnagas (fig. 9) et dont <strong>les</strong> représentants<br />

appartiennent aux Echinocactus et genres voisins<br />

comprend certaines espèces aux formes massives et volu-<br />

mineuses dont le corps est constitué presque en totalité par


44 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

une substance pulpeuse fortement gorgée d’un liquide clair<br />

à saveur fraîche, qu’il est facile d’obtenir par une simple<br />

expression.<br />

Le recours aux Bisnagas comme moyen de fortune pour<br />

parfaire au manque d’eau est encore actuellement courant<br />

chez <strong>les</strong> naturels des contrées désertiques, principalement<br />

parmi ceux qui, sur le versant pacifique <strong>du</strong> Mexique,<br />

habitent <strong>les</strong> solitudes des États de Sinaloa, Sonora et <strong>du</strong><br />

territoire de Basse-Californie, régions désolées où sévissent<br />

souvent de longues sécheresses et où l’on rencontre à pro-<br />

fusion <strong>les</strong> Ferocactus Wislizeni Britt. et Rose et Peninsulæ<br />

Britt. et Rose, qui peuvent atteindre des proportions assez<br />

fortes pour qu’un seul spécimen soit plus que suffisant pour<br />

étancher amplement la soif ardente d’un voyageur et de<br />

sa monture.<br />

Un procédé original et assez simple permet, sans le con-<br />

cours d’aucun récipient, de collecter la quantité d’eau qui<br />

est nécessaire ; il suffit pour cela de sectionner la partie<br />

supérieure de la Bisnaga et de creuser dans son intérieur<br />

une fosse dans laquelle, à l’aide d’une pierre de forme appro-<br />

priée ou de tout autre objet pouvant faire l’office de pilon,<br />

on malaxera une partie dé la pulpe ré<strong>du</strong>ite en fragments ;<br />

la cavité ne tarde pas à collecter une certaine quantité de<br />

liquide qu’il est ensuite facile de puiser 1 .<br />

Ce procédé, employé couramment par <strong>les</strong> rancheros, n’en-<br />

traîne pas, lorsqu’il est convenablement exécuté, la destruc-<br />

tion complète de la plante ; la partie entamée, après s’être<br />

cicatrisée, peut émettre des bourgeonnements qui suffisent<br />

alors à remplacer la perte de substance.<br />

Un exemple historique <strong>du</strong> secours précieux que l’on<br />

peut attendre des Bisnagas aux heures critiques de la soif,<br />

nous est fourni lors de l’expédition <strong>du</strong> Capitan Pédro<br />

1. Voir à ce sujet le mémoire de F.-V. coville. — Desert Institution<br />

plants as a source of drinkinq water, in Annual Report of Smitsonian<br />

Institution from 1903, pp. 499-505 Deux figures de ce mémoire<br />

indiquent le moyen employé par un Indien papago pour soutirer<br />

l’eau d’un Ferocactus Covillei Britt. et Rose.


chapitRe iii 45<br />

Almendez Chirinos, en 1532, lorsque <strong>les</strong> troupes de ce<br />

conquistador eurent à traverser <strong>les</strong> régions arides de la pro-<br />

Fig. 9. — Echinocactus ingens Zucc.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />

vince de Sinaloa pour se rendre au rio Yaqui. Antonio<br />

Tello, missionnaire franciscain et chroniqueur érudit de<br />

l’époque de la colonisation espagnole, dit à propos de cette


46 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

expédition 1 : « Dans cette marche qui fut de plus de trente<br />

» lieues, il mourut beaucoup de gens de service par le<br />

» manque d’eau ; si ces gens n’avaient rencontré de ces<br />

» Cardones à aspect de Tuna, qui, lorsqu’on <strong>les</strong> entaille<br />

» avec un sabre donnent un jus tempérant la soif, ils<br />

» seraient tous morts ».<br />

La récolte des fruits de Cactacées constitue encore à<br />

l’époque présente, pour nombre de populations rura<strong>les</strong>, une<br />

source de revenu digne d’être prise en considération ; ce fait<br />

se montre avec évidence dans maintes localités, aussi bien<br />

avec <strong>les</strong> plantes croissant à l’état sauvage qu’avec cel<strong>les</strong> qui<br />

sont l’objet d’une culture plus ou moins conditionnée.<br />

Grâce aux moyens de transport dont dispose aujourd’hui<br />

le Mexique, ces fruits, qui jusqu’alors n’avaient de dé-<br />

bouchés que sur place, peuvent maintenant être transportés<br />

à grande distance, et fournir sur tous <strong>les</strong> marchés un article<br />

de vente courante. A l’époque de la fructification beaucoup<br />

d’indigènes ne possédant pas de plantations, partent en<br />

expédition afin de récolter des fruits dans <strong>les</strong> endroits<br />

incultes et désertiques où se sont établis de véritab<strong>les</strong> oasis<br />

de Cactacées. Les uns font la moisson dans un but de vente<br />

immédiate et d’exportation, d’autres pour la préparation de<br />

conserves alimentaires, d’autres enfin entreprennent cette<br />

expédition avec l’objet d’une cure sanitaire et s’astreignent<br />

sur place pendant un temps plus ou moins long à une<br />

alimentation exclusive de fruits de Cactacées, comme cela<br />

se voit par exemple de nos jours au District de Dolores<br />

Hidalgo (État de Guanajuato).<br />

Un aperçu de ce qu’offraient <strong>les</strong> parages de Nopals, lors<br />

de la colonisation espagnole, nous est fourni par le père<br />

Arlegui, missionnaire franciscain. Cet auteur 2 expose brièvement<br />

<strong>les</strong> avantages dont surent bénéficier <strong>les</strong> colons avec<br />

<strong>les</strong> stations de Nopals qui existaient sur le parcours des voies<br />

1. FRay antonio tello. — Cronica miselanea de la provincia de<br />

Jalisco. Capitulo LXI, p. 182.<br />

2. m. R. p. José aRlegui. — Cronica de la provincia de N. S. P. San<br />

Francisco de Zacatecas, Parte tercera, Capitulo 2, p. 134.


chapitRe iii 47<br />

routières mettant en communication Charcas et Zacatecas<br />

avec Mazapil et Saltillo, endroits situés dans <strong>les</strong> parties <strong>les</strong><br />

plus arides des plateaux <strong>du</strong> Mexique.<br />

Ce qui vient d’être mentionné s’applique aux terrains de<br />

la région centrale mexicaine, c’est-à-dire aux sites où <strong>les</strong><br />

Nopals ont une expansion prépondérante. Il en est de même<br />

pour <strong>les</strong> endroits où croissent en abondance ces Cierges<br />

que l’on désigne vernaculairement aujourd’hui sous le nom<br />

de Pitayos. Ces derniers étant susceptib<strong>les</strong> de former comme<br />

<strong>les</strong> Nopals de véritab<strong>les</strong> bosquets dans nombre de localités<br />

des terres chaudes et tempérées, il s’ensuit qu’ils peuvent<br />

donner lieu dans <strong>les</strong> villages d’Indiens à des exodes momen-<br />

tanés à l’époque de la fructification comme cela se voit<br />

encore annuellement dans le nord-ouest <strong>du</strong> Mexique, en<br />

Sonora et Sinaloa et comme cela se voyait surtout dans la<br />

presqu’île californienne avant la disparition de ses indi-<br />

gènes primitifs.<br />

Dans cette dernière région, comme l’apprennent <strong>les</strong> histo-<br />

riens Venegas et Glavigero 1 , l’époque de la fructification des<br />

Pitayos, quoique apparaissant à la saison de la plus forte<br />

sécheresse, était considérée par <strong>les</strong> Indiens comme étant la<br />

saison de l’année la plus heureuse et la plus fortunée 2 .<br />

A ce propos, Venegas fait remarquer que la récolte des<br />

Pitayas est pour <strong>les</strong> Indiens de la presqu’île, ce qu’est pour<br />

nous la vendange, ils la célèbrent avec <strong>les</strong> mêmes réjouis-<br />

sances et il ajoute : « Le père Salvatierra dit que pendant<br />

» <strong>les</strong> trois mois qu’elle <strong>du</strong>re, <strong>les</strong> Indiens sont aussi fous<br />

» que <strong>les</strong> Européens pendant le carnaval, ils perdent le<br />

1. venegas. — Histoire naturelle et civile de la Californie. Paris,<br />

1767, tra<strong>du</strong>ction française faite sur l’édition espagnole de 1757, publiée<br />

par le père Buriel.<br />

FRancisco JavieR clavigeRo. — Historia de la Antigua o Baja<br />

California, Mexico, 1852, tra<strong>du</strong>ction en espagnol de l’édition vénitienne<br />

de 1789.<br />

2. Les deux espèces de Pitayos que l’on rencontre en Basse-Californie<br />

sont le Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose, et le Machærocereus<br />

gummosus Britt. et Rose ; le premier entre habituellement en fructification<br />

dans le courant de juin et le second vers la fin d’août.


48 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

» peu de raison qu’ils ont et se livrent entièrement à la<br />

» bonne chère et à la danse, s’invitant réciproquement et<br />

» représentant des farces et des comédies qui <strong>du</strong>rent toute<br />

» la nuit et qui, toutes mauvaises qu’el<strong>les</strong> sont, ne laissent<br />

» pas de divertir extrêmement <strong>les</strong> spectateurs ».<br />

Clavigero complète ce tableau de la vie champêtre des<br />

Indiens pendant leur saison d’opulence en disant : « Pen-<br />

» dant la <strong>du</strong>rée de la récolte, <strong>les</strong> Indiens ne font autre<br />

» chose que parcourir toute la journée <strong>les</strong> montagnes et<br />

» <strong>les</strong> plaines pour rechercher <strong>les</strong> Pitayas mûres ». Les<br />

villégiatures que <strong>les</strong> indigènes actuels font annuellement<br />

dans <strong>les</strong> stations à Cactacées et où, pour <strong>les</strong> commodités de<br />

séjour, ils établissent parfois de primitives habitations<br />

temporaires, sont donc une survivance des anciennes cou-<br />

tumes précolombiennes 1 .<br />

En outre des Indios bravos, qui, comme on l’a vu plus<br />

haut, mettaient à profit <strong>les</strong> époques de la fructification pour<br />

entreprendre leurs incursions, il existait des peuplades<br />

sédentaires et pacifiques qui, vivant en pays où ne se ren-<br />

contraient pas <strong>les</strong> Cactacées en quantité suffisante pour<br />

satisfaire leurs besoins, venaient annuellement faire une<br />

cure de végétarisme clans <strong>les</strong> bosquets de Cactacées. C’est<br />

ainsi que Oviedo 2 parle de certaines tribus indigènes de la<br />

Louisiane qui, en temps ordinaires, étaient ichtyophages et<br />

qui, lorsqu’arrivait le mois de mai, partaient en troupe<br />

jusqu’au rio Panuco, faisant une route de plus de quarante<br />

lieues en s’alimentant uniquement de Tunas.<br />

1. Voir à ce sujet le mémoire publié par david gRiFFiths dans :<br />

U. S. Department of Agriculture, Bulletin n° 116, Washington, 1907.<br />

La planche V donne une vue des campements de fortune édifiés par<br />

<strong>les</strong> moissonneurs de fruits de Nopals dans l’état de Zacatecas.<br />

2. FeRnandez de oviedo y valdes. — Historia général y natural<br />

de las Indias, libro XXXV, cap. IV.


CHAPITRE IV<br />

AVANTAGES DES CACTACÉES<br />

ET LEUR MODE DE PROPAGATION<br />

Action sur le sol et l’atmosphère. — Mécanisme de cette action.<br />

— Effet de l’épiderme. — Réserve d’eau dans <strong>les</strong> tissus. —<br />

Exhalaison. — Fertilisation <strong>du</strong> sol par <strong>les</strong> déchets et la<br />

désassimilation. — Propagation et multiplication par graines<br />

et bouturage naturel. — Différents modes de transport et de<br />

dissémination.<br />

Les avantages que <strong>les</strong> Cactacées procurent aux contrées<br />

désertiques ne se limitent pas uniquement aux pro<strong>du</strong>its<br />

économiques que <strong>les</strong> indigènes peuvent en tirer, ils s’étendent<br />

également et dans une très large mesure au pays lui-même<br />

en lui fournissant un élément constant de fertilisation.<br />

C’est ce qu’il est facile de constater en jetant un coup d’oeil<br />

sur ces solitudes désolées des plateaux et des plaines <strong>du</strong><br />

Mexique, ou d’ordinaire une végétation normale ne peut<br />

exister que lorsque de fortes pluies orageuses sont venues<br />

momentanément humidifier <strong>les</strong> terres.<br />

Dans <strong>les</strong> régions où le sol se trouve presque toute l’année<br />

exposé à l’action journalière d’un soleil brûlant qui le sur-<br />

chauffe au point que, pendant la nuit, le rayonnement<br />

nocturne, quelque intense qu’il soit, est impuissant à pro-<br />

<strong>du</strong>ire l’abaissement de température nécessaire à la préci-<br />

pitation des rosées, <strong>les</strong> Cactacées parviennent à el<strong>les</strong> seu<strong>les</strong><br />

à provoquer l’établissement d’une végétation permanente et<br />

à métamorphoser ces parages qui semblaient voués à la<br />

stérilité absolue. Ce fait peut s’observer d’une façon très<br />

nette et très évidente lorsque ces étranges végétaux forment<br />

au sein d’un canton aride, des foyers plus ou moins éten<strong>du</strong>s<br />

4


50 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

ou même lorsqu’ils y constituent seulement <strong>les</strong> clôtures de<br />

tout un village. On voit alors là des rosées parfois abon-<br />

dantes se pro<strong>du</strong>ire presque quotidiennement, pendant<br />

qu’une végétation vivace apparaît peu à peu dans <strong>les</strong> alen-<br />

tours.<br />

La surface <strong>du</strong> sol subit également une amélioration pro-<br />

Fig. 10. — Îlot volcanique (rhyolithes) <strong>du</strong> golfe de Californie<br />

dont le sommet est occupé<br />

par de nombreux spécimens de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />

gressive <strong>du</strong> fait de sa prise de possession par <strong>les</strong> Cactacées,<br />

grâce au lacis de racines traçantes et superficiel<strong>les</strong> que ces<br />

plantes émettent ; <strong>les</strong> terres meub<strong>les</strong> charriées par <strong>les</strong> eaux<br />

sauvages, ainsi que le limon aérien peuvent se trouver<br />

retenus et fixés de façon à former des couches d’humus<br />

assez considérab<strong>les</strong> jusque dans <strong>les</strong> situations <strong>les</strong> plus<br />

abruptes et sur <strong>les</strong> rochers <strong>les</strong> plus dénudés comme par<br />

exemple le montrent <strong>les</strong> figures 10, 11, 13, 14, 15, où l’on


Fig. 11 — Promontoire rocheux<br />

sur lequel s’est développée une abondante touffe d’Opuntia robusta Wendl.<br />

Sierra de Tlaijmjahua (État de Michoacan).


52 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

voit également une végétation franchement arborescente<br />

commencer à s’établir même sous l’égide de Cierges peu<br />

ramifiés 1 .<br />

On se rend aisément compte <strong>du</strong> mécanisme de ces effets<br />

avantageux quand on considère le mode de végétation par-<br />

ticulier à cette famille de plantes.<br />

L’ombre que projettent <strong>les</strong> Cactacées sur le sol a certaines<br />

heures de la journée et la réflexion partielle des rayons<br />

solaires sur la surface lustrée des tiges, sont des motifs<br />

suffisants pour tempérer le voisinage de ces plantes en le<br />

soustrayant à un excessif échauffement diurne, de là résul-<br />

tera un effet qui aura pour conséquence de favoriser pen-<br />

dant la nuit l’action salutaire <strong>du</strong> rayonnement nocturne.<br />

En outre, la plupart des représentants de la famille des<br />

Cactacées possèdent un épiderme admirablement outillé<br />

pour capter en tous temps <strong>les</strong> moindres vapeurs atmosphé-<br />

riques, ce qui leur permet aussi, dans certains cas, de<br />

suppléer au rôle physiologique des racines, lorsque ces der-<br />

nières sont ré<strong>du</strong>ites à l’inaction par suite d’une trop grande<br />

sécheresse <strong>du</strong> sol 2 .<br />

1. On a toujours considéré <strong>les</strong> Cactacées comme n’ayant qu’un<br />

système radiculaire fort rudimentaire ; cela est exact pour la majorité<br />

des petites espèces, mais pour <strong>les</strong> formes géantes dont le développement<br />

offre une forte prise à l’action des courants atmosphériques, c’est tout<br />

différent ; un fort réseau de racines traçantes s’étendant assez loin<br />

autour de la plante, devient nécessaire pour maintenir la position<br />

verticale de ces formes gigantesques, dont certains spécimens peuvent<br />

atteindre facilement une hauteur de vingt mètres (Carnegiea gigantea,<br />

Pachycereus Pringlei, fig. 2), ou une expansion latérale considérable<br />

(Lemaireocereus Weberi, fig. 3).<br />

2. Voir w.-a. cannon : Biological relations of certain Cacti ; Desert<br />

bolanical laboratory publications n° 11 ; reprinted in The American<br />

naturalist, Vol. 40, january 1906.<br />

La morphologie concourt également dans le fonctionnement aérien<br />

des Cactacées ; il est facile de voir que la majorité des représentants<br />

de cette famille, que ce soient des Nopals ou des Cierges colomnaires,<br />

affectent dans leur ramification des dispositifs de radiateurs ; chez <strong>les</strong><br />

Nopals, c’est par la forme plus ou moins capricieuse de l’implantation<br />

des artic<strong>les</strong> ; chez <strong>les</strong> Cierges, c’est par <strong>les</strong> côtes qui s’étendent le long<br />

des tiges en formant des prolongements souvent des plus variés.


chapitRe iv 53<br />

Il résulte de là que l’abondante masse pulpeuse, dont est<br />

composée la majeure partie de la plante, fait l’office d’une<br />

véritable citerne dans <strong>les</strong> régions où la nature se montre<br />

impuissante à conserver, en temps ordinaire, la moindre<br />

réserve d’eau dans <strong>les</strong> couches superficiel<strong>les</strong> <strong>du</strong> sol.<br />

Sous <strong>les</strong> ardeurs solaires, l’exhalaison <strong>du</strong> liquide parci-<br />

monieusement accumulé dans <strong>les</strong> tissus internes des Cac-<br />

tacées ne peut avoir lieu avec la même intensité que chez<br />

<strong>les</strong> autres végétaux ; on constate cependant que lorsque de<br />

longues périodes de sécheresse viennent à sévir, <strong>les</strong> tiges<br />

fortement gorgées subissent peu à peu une flétrissure et un<br />

amaigrissement très appréciable, el<strong>les</strong> cèdent alors sur<br />

place, sans trop de dommage, une partie de l’eau qu’el<strong>les</strong><br />

avaient prélevée aux courants aériens et entretiennent dans<br />

<strong>les</strong> alentours un certain état hygrométrique qui, quoique<br />

très faible, est cependant suffisant pour maintenir, dans ces<br />

endroits desséchés, l’existence d’une végétation moins xéro-<br />

phile 1 .<br />

Les parties aériennes des Cactacées concourent également,<br />

par leurs déchets, à apporter un sérieux appoint à l’enri-<br />

chissement <strong>du</strong> sol. Cette contribution à la fertilisation <strong>du</strong><br />

terrain se pro<strong>du</strong>it de différentes façons. Tantôt c’est par<br />

une véritable chute de feuil<strong>les</strong>, comme cela a lieu dans <strong>les</strong><br />

1. L’importance de l’exhalaison cutanée des Cactacées peut varier<br />

dans de fortes limites, non seulement suivant <strong>les</strong> espèces, mais aussi<br />

suivant <strong>les</strong> conditions dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ces plantes se trouvent exposées.<br />

Chez <strong>les</strong> Rhipsalis, <strong>les</strong> Epiphyllum, et même chez certains Cierges qui<br />

vivent à l’état épiphyte et habitent <strong>les</strong> forêts, il est probable que le<br />

fonctionnement épidermique doit être plus ou moins voisin de celui<br />

de leur ambiance ; tandis que chez <strong>les</strong> Echinocactus et <strong>les</strong> Mamillaria<br />

qui représentent <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> mieux adaptées aux excessives séche-<br />

resses, la transpiration serait infime ; cette dernière aurait même été<br />

évaluée à six mille fois moins intense que celle d’une plante ordi-<br />

naire de même poids.<br />

Voir à ce sujet <strong>les</strong> deux mémoires de david gRiFFiths et haRe :<br />

Snmmary of recent investigation of the value an stock foo ; U. S.<br />

Department of Agriculture ; Bureau of plant in<strong>du</strong>stry ; Bulletin n° 102,<br />

1910.<br />

d.-i. macdougal. — The water balance of succulent plants, published<br />

by the Carnegie institution of Washington, 1910.


54 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

formes primitives de la famille (Pereskia, Pereskiopsis) qui,<br />

sur des tiges à peine charnues, montrent de nombreux limbes<br />

foliacés offrant à une saison fixe une défoliation plus ou<br />

moins complète. Tantôt c’est par la surpro<strong>du</strong>ction de la<br />

floraison et de la fructification que la Cactacée paie son<br />

tribut au milieu sur lequel il vit. Cela se voit clairement<br />

chez nombre de Nopals (fig. 12) et même chez certains Cardones<br />

dont <strong>les</strong> fruits très épineux arrivent parfois à couvrir<br />

complètement l’extrémité des tiges au point de leur donner<br />

l’apparence d’un cephalium de Pilocereus, comme on peut<br />

l’observer par exemple au voisinage de la partie méridionale<br />

de l’isthme de Tehuantepec avec le Pachycereus Pectenaboriginum,<br />

et même le P. Pringlei.<br />

Lorsque <strong>les</strong> fruits ne se pro<strong>du</strong>isent pas en quantité suf-<br />

fisante pour satisfaire à la désassimilation de la plante, ce<br />

sont <strong>les</strong> tiges qui sont appelées à leur suppléer dans cette<br />

fonction physiologique ; on voit alors <strong>les</strong> rameaux vieillis<br />

tomber naturellement, soit totalement par une désarticu-<br />

lation, soit partiellement par des pertes plus ou moins éten-<br />

<strong>du</strong>es de l’appareil végétatif qui se détachent à la suite de<br />

nécroses.<br />

Il s’ensuit donc que, d’une manière générale, <strong>les</strong> Cac-<br />

tacées empruntent infiniment plus à l’atmosphère qu’au sol<br />

et qu’au lieu d’épuiser <strong>les</strong> terrains, comme le font la plu-<br />

part des végétaux, ils deviennent au contraire pour ces der-<br />

niers une source d’enrichissement continuel qui va en aug-<br />

mentant à mesure que la plante prend <strong>du</strong> développement.<br />

L’élimination des pro<strong>du</strong>its de désassimilation chez <strong>les</strong><br />

Cactacées marque un côté intéressant dans l’évolution de<br />

la famille et si l’on prend comme base le tableau philogé-<br />

nique de cette famille donné par M. J. Massart 1 , on constate<br />

que cette élimination s’effectue suivant différents modes<br />

variant à mesure que la progression s’accentue. Ainsi, dans<br />

la forme présumée ancestrale de la famille des Cactacées,<br />

représentée par le genre Pereskia, cette élimination s’opère<br />

1. Jean massaRt. — Notice sur la Serre de Plantes grasses, Bruxel<strong>les</strong>,<br />

1905.<br />

arboriginum -><br />

aboriginum


chapitRe iv 55<br />

par la simple chute <strong>du</strong> limbe foliaire comme cela a lieu chez<br />

<strong>les</strong> représentants de la végétation normale. Chez <strong>les</strong> Pereskiopsis<br />

qui, dans la tribu des Opuntiées, font la transition<br />

entre le genre primitif et la section des Cylindropuntia, cette<br />

Fig. 12. — Artic<strong>les</strong> d’Opuntia Tapona Engelm.<br />

montrant la profusion de fruits que peut parfois fournir cette espèce.<br />

Montagnes des environs <strong>du</strong> lac de Chapala (État de Jalisco).<br />

élimination s’effectue encore par défoliation mais en même<br />

temps elle s’accomplit aussi suivant le fonctionnement<br />

physiologique propre aux formes bien caractérisées de la<br />

famille, c’est-à-dire par désagrégation épidermique, rejet<br />

d’organes mortifiés ou sains, chute de fleurs ou de fruits.


56 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La propagation naturelle des Cactacées s’effectue soit par<br />

un ensemencement, soit par un bouturage accidentel. Les<br />

deux modes considérés d’après leurs résultats se montrent,<br />

à peu de chose près, aussi efficaces dans l’accomplissement<br />

<strong>du</strong> rôle que la nature leur à dévolu dans la conquête et<br />

l’amélioration des terrains stéri<strong>les</strong>.<br />

Le premier mode cependant est plus délicat, <strong>du</strong> moins à<br />

ses débuts, car la frêle plantule issue de la graine est insuf-<br />

fisamment outillée pour lutter d’elle-même contre <strong>les</strong> agents<br />

de destruction ; elle a besoin, pour franchir son étape juvé-<br />

nile, d’une intervention étrangère qui la protège contre <strong>les</strong><br />

rudes épreuves auxquel<strong>les</strong> la soumet son terrain d’action 1 .<br />

Il n’en est pas de même avec le second mode qui s’effectue<br />

à la suite d’une chute plus ou moins provoquée de rameaux<br />

ou d’organes aériens 2 . Ces parties aériennes, abandonnées<br />

à el<strong>les</strong>-mêmes, peuvent se fixer d’emblée sur le terrain où<br />

le hasard <strong>les</strong> a déposées ; étant munies de défenses, de<br />

réserves et d’une notable provision d’eau, el<strong>les</strong> peuvent<br />

alors, par leurs propres moyens, prendre leur essor végé-<br />

tatif, bourgeonner et émettre des racines adventives sans<br />

avoir recours à un emprunt extérieur.<br />

Grâce à la singulière particularité de végétation de cette<br />

famille occupant une place bien tranchée dans le groupe<br />

des plantes grasses, ainsi que le met en lumière la remar-<br />

quable étude de M. Jean Massart 3 on peut conclure d’une<br />

1. Cette intervention est fournie par l’exubérante flore herbacée qui<br />

surgit soudainement lorsque de copieuses pluies sont venues humidifier<br />

momentanément le sol des déserts, végétation éphémère, il est vrai,<br />

mais qui, même lorsqu’elle est brûlée par <strong>les</strong> ardeurs solaires, n’en<br />

constitue pas moins un revêtement d’herbes sèches capable de sous-<br />

traire le sol à un dessèchement trop brusque.<br />

2. Certaines Cactacées éliminent sans effort, et pour ainsi dire spon-<br />

tanément, des rameaux et des organes en pleine vitalité, qui, lorsqu’ils<br />

sont au contact <strong>du</strong> sol, ne tardent pas à s’allonger et à s’enraciner,<br />

c’est, surtout dans la section Cylindropuntia que l’on constate cette<br />

particularité et <strong>les</strong> O. arbuscula Engelm. et O. fragilis Haw. sont <strong>les</strong><br />

types <strong>les</strong> plus remarquab<strong>les</strong> de ce curieux mode de multiplication.<br />

3. .J. massaRt. — Notice sur la Serre de Plantes grasses, Bruxel<strong>les</strong>,<br />

1903.


chapitRe iv 57<br />

façon générale que <strong>les</strong> différents types composant cette<br />

famille sont susceptib<strong>les</strong>, sous <strong>les</strong> climats torrides, de<br />

pouvoir s’adapter à tous <strong>les</strong> genres de sol, pourvu toutefois<br />

que ceux-ci ne soient pas trop humides.<br />

La dissémination des Cactacées peut s’opérer à l’aide des<br />

oiseaux ou de tout animal frugivore, ainsi que dans certains<br />

cas par <strong>les</strong> courants et <strong>les</strong> tourbillons aériens, mais ces<br />

procédés de répartition ne sont que secondaires et ne<br />

méritent d’être mentionnés que pour expliquer comment<br />

des touffes de ces plantes ont pu se développer sur <strong>les</strong><br />

arbres et sur <strong>les</strong> rochers élevés ou surplombants (fig. 4, 10<br />

et 11).<br />

Le véritable mode de transport pour la dissémination<br />

des Cactacées réside surtout dans l’action des eaux pluvia<strong>les</strong><br />

et torrentiel<strong>les</strong> qui, de temps en temps, font sentir leur<br />

effet sur de vastes éten<strong>du</strong>es désertiques. Le ruissellement<br />

des eaux sauvages avec <strong>les</strong> ravinements et <strong>les</strong> entraînements<br />

de terres qui en sont la conséquence, sont donc la voie la<br />

plus puissante et la plus commune dont dispose la nature<br />

pour la dispersion et la fixation des Cactacées.


CHAPITRE V<br />

RÔLE ET MÉCANISME DES CACTACÉES<br />

DANS LE PEUPLEMENT VÉGÉTAL DES DÉSERTS<br />

Coup d’oeil d’ensemble sur <strong>les</strong> terrains d’évolution. — Concours<br />

des espèces naines et géantes dans la transformation des<br />

terrains. — Sorte de mutualisme entre la plante grasse et la<br />

végétation normale. — Concurrence vitale entre <strong>les</strong> deux<br />

formes de végétation. — Zones d’influence des Opuntiées et<br />

des Cierges. — Zone intermédiaire. — Particularité des<br />

Cierges sur <strong>les</strong> terrains alluvionnaires côtiers. — Leur parallé-<br />

lisme d’action avec <strong>les</strong> Opuntiées. —Accroissement et longévité<br />

des Cactacées. — Lenteur ou rapidité de leur action suivant<br />

que <strong>les</strong> conditions sont naturel<strong>les</strong> ou artificiel<strong>les</strong>.<br />

Le fait de la lutte continuelle entre la stérilité <strong>du</strong> désert<br />

américain et l’empiétement de la végétation sous l’égide<br />

des Cactacées s’observe d’une façon très nette dans <strong>les</strong><br />

immenses plaines ou llanos des plateaux des États de Chihuahua,<br />

Coahuila, San Luis Potosi, Zacatecas, etc., régions<br />

foncièrement désertiques aujourd’hui, mais qui furent jadis,<br />

comme l’indique l’aspect de la contrée, le siège de nombreux<br />

dépôts lacustres peu à peu asséchés lors de la formation<br />

des torrents et <strong>du</strong> creusement progressif des vallées.<br />

Dans ces mornes solitudes que, dans ses tableaux de la<br />

nature, de Humboldt compare, suivant la saison, à la mer<br />

de sab<strong>les</strong> de Lybie et aux steppes élevées de l’Asie mineure,<br />

on conçoit facilement qu’une végétation normale ne peut<br />

guère se maintenir sans le voisinage des Cactacées, car, dans<br />

de tel<strong>les</strong> situations climatériques, <strong>les</strong> rares pluies qui<br />

viennent de temps en temps faire apparaître un peu de vie


60 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

sur ces lieux de désolation, sont impuissantes à compenser<br />

<strong>les</strong> effets désastreux d’un soleil embrasant le sol et des<br />

brusques et subits abaissements de température <strong>du</strong>s à l’action<br />

combinée des vents secs avec le rayonnement nocturne<br />

intense.<br />

Comme on l’a vu plus haut, <strong>les</strong> Cactacées, par leurs deux<br />

modes de multiplication, peuvent s’établir sur des surfaces<br />

complètement dépourvues de terre végétale (fig. 10 et 11),<br />

il en résulte donc qu’après une première préparation de terrain,<br />

ces pionniers de la végétation conquérante des déserts<br />

deviennent des agents efficaces dans le peuplement des<br />

régions dénudées quel<strong>les</strong> que soient <strong>les</strong> causes de la stérilité.<br />

Mais dans ce travail de la nature, lorsqu’il s’opère de luimême,<br />

on remarque qu’une seule espèce de Cactacée n’est<br />

pas suffisante pour atteindre le but définitif et qu’il faut<br />

pour que le résultat se complète, l’entrée en jeu de différentes<br />

espèces se prêtant une aide mutuelle pendant leur<br />

développement. Dans ce curieux concours, on voit d’abord<br />

<strong>les</strong> espèces naines et de croissance très lente prendre pied<br />

en formant par place des touffes plus ou moins gazonnantes<br />

(Cylindropuntia, Mamillaria, Echinocereus, Echinocactus et<br />

genres voisins), auxquel<strong>les</strong> incombent la tâche de préparer<br />

la première étape en aménageant suffisamment la surface<br />

<strong>du</strong> sol afin que des espèces de dimensions moins humb<strong>les</strong><br />

et de croissance plus rapide (Opuntia à raquettes, Cierges<br />

érigés) puissent, dans la suite, en prenant leur essor, parfaire<br />

l’amélioration écologique des conditions territoria<strong>les</strong><br />

et climatériques.<br />

Durant cette transformation, <strong>les</strong> Cactacées ne restent pas<br />

seu<strong>les</strong> à opérer, car dès l’apparition de la couche d’humus<br />

stable qui a pris son origine avec la primitive et fugace<br />

flore herbacée survenue à la suite d’une pluie, on voit qu’un<br />

nombre assez important de plantes appartenant aux famil<strong>les</strong><br />

<strong>les</strong> plus diverses sont venues se joindre et s’associer<br />

pour prendre part à une oeuvre commune (fig. 13, 14, 15).<br />

Ces derniers végétaux passent pour ainsi dire par la


Fig. 13. — Massif de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose,<br />

établi spontanément à l’emplacement d’une lagune marine comblée par <strong>les</strong> alluvions.<br />

(Entre ces Pachycereus, on remarque quelques spécimens de Ferocactus Diguetii Britt. et Rose).<br />

Île de la Catalana (Golfe de Californie).


62 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

même filière morphologique que <strong>les</strong> Cactacées ; de plantes<br />

plus ou moins herbacées au début, el<strong>les</strong> ne deviennent<br />

franchement arborescentes qu’après s’être arrêtées aux<br />

Fig. 14. — Massif de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose<br />

avec ses sous-bois de Opuntia Cholla Web. et d’arbustes xérophi<strong>les</strong>.<br />

Plaines alluvia<strong>les</strong> des environs de La Paz (Basse-Californie).<br />

alternatives <strong>les</strong> plus variées des allures frutescentes et buis-<br />

sonneuses.<br />

On constate en outre dans ce processus naturel, qu’à me-<br />

sure que la progression s’accentue toute l’association végétale<br />

devient de moins en moins xérophile.


Fig. 15. — Reboisement spontané des collines par le Cephalocereus Telazo Vaupel.<br />

San Sebastian Zinacatepec (État de Puebla).


64 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Lorsque ces deux systèmes de végétation seront parvenus<br />

à un certain degré de développement et que, sous leurs<br />

efforts mutuels, <strong>les</strong> conditions écologiques <strong>du</strong> milieu auront<br />

été avantageusement modifiées, il surviendra, grâce à la<br />

concurrence vitale, un moment critique, à l’issue <strong>du</strong>quel<br />

l’une ou l’autre de ces végétations devra prendre le dessus.<br />

Dans <strong>les</strong> régions franchement désertiques, la prédomi-<br />

nance reste aux Cactacées, mais dans le cas où la situation<br />

climatérique et la richesse <strong>du</strong> sol permettent à la végétation<br />

normale d’acquérir toute sa vigueur, on observe que la<br />

plante grasse, sans abandonner complètement la partie, se<br />

modifie considérablement et devient de plus en plus tribu-<br />

taire de son ancienne associée. C’est ainsi par exemple que<br />

l’on voit au sein des forêts, <strong>les</strong> Cactacées subir de notab<strong>les</strong><br />

modifications et s’adapter à leur nouveau milieu en pre-<br />

nant des allures de lianes (Hylocereus triangularis Britt. et<br />

Rose, Heliocereus speciosus Britt. et Rose, Selenicereus hamatus<br />

Britt. et Rose) ou devenir complètement épiphytes comme<br />

<strong>les</strong> espèces appartenant aux genres Epiphyllum, Rhipsalis.<br />

Dans le domaine où <strong>les</strong> Cactacées conservent leur supré-<br />

matie par suite des conditions spécia<strong>les</strong> de terrain (terres<br />

peu profondes, sous-sol constitué par une roche compacte<br />

ou des dépôts salins, etc.), la végétation normale reste sta-<br />

tionnaire dans son développement et se maintient en général<br />

dans l’allure arbustive particulière des buissons croissant<br />

dans <strong>les</strong> endroits arides, elle constitue alors une partie des<br />

sous-bois des bosquets de Cierges, seu<strong>les</strong> quelques grandes<br />

légumineuses comme <strong>les</strong> Prosopis et autres Mimosées désertico<strong>les</strong><br />

peuvent, dans ces conditions précaires, atteindre le<br />

déploiement de haute futaie.<br />

Pour l’accomplissement de leur rôle effectif, <strong>les</strong> Cacta-<br />

cées se répartissent sur deux zones bien tranchées, dont<br />

l’une se caractérise par la prédominance de Platyopuntia<br />

arborescents et l’autre par de gigantesques Cierges colom-<br />

naires.<br />

La première zone est celle des hauts plateaux où se ren-<br />

contrent plusieurs espèces de Platyopuntia de haute stature.


chapitRe v 65<br />

parmi <strong>les</strong>quels un surtout, que <strong>les</strong> indigènes nomment le<br />

Nopal ou la Tuna Cardona (O. Cardona Web.) 1 (fig. 16) se<br />

fait remarquer par son abondante répartition et par sa par-<br />

faite résistance aux rudes épreuves <strong>du</strong> climat steppique,<br />

sur lequel il paraît spécialement se convenir, ce qui lui<br />

Fig. 16. — Opuntia Cardona Web.<br />

Plaines désertiques de l’État de San Luis Potosi.<br />

assure une supériorité sur ses congénères et lui fait remplir<br />

parmi eux un rôle tutélaire.<br />

La seconde zone est celle des Cierges ; ces derniers ré-<br />

clamant en général une climatologie plus régulière et plus<br />

chaude, occupent <strong>les</strong> versants montagneux et <strong>les</strong> plaines qui<br />

longent le littoral. Comme là, <strong>les</strong> conditions topographiques<br />

1. Nombre d’auteurs ont confon<strong>du</strong> le Nopal Cardona avec l’espèce<br />

décrite par Lemaire sous le nom d’Opuntia streptacantha ; le D r Weber<br />

qui a partagé cette confusion a reconnu, dans la suite, que cette espèce<br />

se différenciait de la dernière.<br />

5


66 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

sont plus variées que cel<strong>les</strong> de la première zone, ce n’est<br />

plus à une seule espèce que la nature a recours pour remplir<br />

un rôle analogue à celui <strong>du</strong> Nopal Cardona, mais bien à tout<br />

ce groupe de spécimens remarquab<strong>les</strong> par leurs proportions<br />

géantes et massives que l’on désigne au Mexique sous le<br />

nom collectif de Cardon ou Cardones et pour lequel Britton<br />

et Rose ont créé le genre Pachycereus 1 .<br />

Quoique vivant sur des emplacements bien délimités, il<br />

ne faut pas en conclure que ces deux formes de Cactacées<br />

s’excluent mutuellement de leur domaine respectif ; on<br />

observe au contraire que, dans la plupart des cas, el<strong>les</strong><br />

peuvent vivre côte à côte en se comportant vis-à-vis l’une<br />

de l’autre d’une façon analogue à celle qu’on a vu plus<br />

haut entre <strong>les</strong> deux végétations hétéroclites.<br />

On voit alors (abstraction faite d’une zone voisine de<br />

1.500 mètres où Opuntia et Cierges peuvent se mesurer à<br />

égalité d’action) que plus on pénètre dans l’un ou l’autre<br />

domaine, plus <strong>les</strong> genres, <strong>les</strong> espèces et <strong>les</strong> variétés qui ne<br />

sont plus sur leur terrain d’élection, tendent rapidement à<br />

s’effacer en prenant des allures de plus en plus ré<strong>du</strong>ites à<br />

mesure que l’on s’éloigne des limites de leur habitat.<br />

C’est ainsi que sur le domaine des Platyopuntia arborescents,<br />

<strong>les</strong> grands Cierges, après avoir passé par des formes<br />

plus modestes, disparaissent presque complètement et n’ar-<br />

rivent plus guère à être représentés que par des Echinocereus<br />

et genres voisins.<br />

Le même processus d’effacement s’accomplit sur <strong>les</strong><br />

terrains des Pachycereus avec <strong>les</strong> Platyopuntia ; ceux-ci,<br />

sans toutefois modifier la forme aplatie de leurs artic<strong>les</strong>,<br />

prennent peu à peu un développement moindre, pour ne<br />

plus devenir, sur <strong>les</strong> plaines alluvionnaires <strong>du</strong> littoral, que<br />

ces spécimens rampants et gazonnants que <strong>les</strong> indigènes<br />

nomment Nopa<strong>les</strong> rastreros. Ces derniers sont des formes<br />

atrophiées ou naines de Platyopuntia ; ils comportent un<br />

1. bRitton et Rose.— The genus Cereus and its allies in North America ;<br />

in Contributions from the United States national herbarium, Vol. 12,<br />

part. 10, p. 413, 1909.


Fig. 17. — Plaines alluvia<strong>les</strong> <strong>du</strong> versant occidental de la presqu’île californienne<br />

où, parmi une rare végétation xérophile,<br />

se sont établis spontanément d’importants massifs de Machærocereus gummosus Britt. et Rose,<br />

en compagnie d’Opuntia Cholla Web. et de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />

Estero de la Purissinia (Basse-Californie).


68 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

certain nombre d’espèces disséminées indifféremment sur<br />

<strong>les</strong> deux domaines où ils viennent se confondre dans un<br />

même rôle effectif avec <strong>les</strong> petites et moyennes espèces<br />

appartenant à la section des Cylindropuntia, aux genres<br />

Echinocactus et Mamillaria.<br />

Les Cierges procèdent au peuplement végétal des déserts<br />

exactement comme le font <strong>les</strong> Opuntia, avec cette différence<br />

cependant que, lorsqu’il s’agit de vastes éten<strong>du</strong>es à couvrir<br />

de végétation, ce ne sont plus alors <strong>les</strong> hauts plateaux qui<br />

deviennent le théâtre de l’action, mais bien surtout <strong>les</strong><br />

plaines basses alluvionnaires en continuelle formation, qui<br />

s’étendent le long <strong>du</strong> littoral de la mer, principalement au<br />

voisinage des estuaires (fig. 17).<br />

C’est ce que nous montre d’une façon fort nette le versant<br />

pacifique <strong>du</strong> Mexique, avec <strong>les</strong> Pachycereus Pringlei Britton<br />

et Rose et Pecten-aboriginum Britton et Rose (fig. 18, 19<br />

et 21).<br />

Ces deux Pachycereus viennent former sur <strong>les</strong> plaines<br />

résultant, soit d’un comblement alluvionnaire des lagunes<br />

salées, soit des atterrissements le long des plages, ce type<br />

de bosquet que dans le pays on nomme Cardonal et à l’abri<br />

<strong>du</strong>quel la végétation particulière à la région pourra prendre<br />

son essor en passant exactement par <strong>les</strong> mêmes phases que<br />

l’on a vu au sujet des Platyopuntia sur <strong>les</strong> hauts plateaux.<br />

Quoique répan<strong>du</strong>s en grande abondance sur cette longue<br />

bande côtière qui s’étend depuis l’embouchure <strong>du</strong> rio Colo-<br />

rado jusqu’à la frontière <strong>du</strong> Guatemala, ces deux Cierges<br />

possèdent chacun un champ d’action qui leur est propre<br />

et en dehors <strong>du</strong>quel ils ne semblent plus jouer, vis-à-vis l’un<br />

de l’autre, qu’un rôle secondaire dans la transformation de<br />

la région.<br />

Le Pachycereus Pringlei, que l’on désigne sous le nom<br />

vernaculaire de Cardon pelon, exerce son influence sur la<br />

zone subtropicale comprise entre <strong>les</strong> États de Sonora, Sina-<br />

loa et le territoire de la Basse-Californie ; c’est une espèce<br />

remarquablement adaptée aux exigences que comportent<br />

<strong>les</strong> stations désertiques situées à proximité de la mer ; là


chapitRe v 69<br />

il peut prendre pied sur n’importe quel sol, on le voit même<br />

parfois s’établir sur un îlot volcanique où, à défaut de terre<br />

végétale il se contente des fissures de la roche pour le dé-<br />

ploiement de ses racines (fig. 10), ou bien encore, sur un<br />

terrain envahi par <strong>les</strong> <strong>du</strong>nes, qu’il parvient souvent à stabi-<br />

Fig. 18. — Roule tracée à travers une plaine<br />

où prédominent <strong>les</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose,<br />

Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose,<br />

Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />

assortis à la végétation xérophile de la région.<br />

Versant pacifique de la Basse-Californie.<br />

liser et à maintenir de la façon la plus complète, avec l’aide<br />

et le concours de la végétation buissonnante des sous bois<br />

habituels des bosquets de Cactacées arborescentes (fig. 19).<br />

Le Pachycereus Pecten-aboriginum que dans le pays on<br />

désigne sous le nom de Hecho ou encore de Cardon espinoso,<br />

quoique pouvant se rencontrer sur <strong>les</strong> mêmes terrains que


70 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

le précédent, se plaît mieux sous <strong>les</strong> climats moins rigou-<br />

reux et plus constants que lui offre la zone franchement tro-<br />

picale où chaque année la saison des pluies a lieu régu-<br />

lièrement 1 .<br />

Ce Pachycereus forme souvent d’importants Cardona<strong>les</strong><br />

sur <strong>les</strong> assolements alluvionnaires des plaines <strong>du</strong> littoral,<br />

mais son véritable point d’élection est celui où peut se déve-<br />

lopper la forêt sèche tropicale, là seulement on le voit atteindre<br />

le maximum de ses dimensions, en prenant place<br />

à côté des essences de haute futaie (fig. 21).<br />

Ces deux espèces considérées au point de vue de leur pa-<br />

rallélisme avec <strong>les</strong> autres Cactacées d’influence prédomi-<br />

nante nous montre que le Pachycereus Pringlei joue dans<br />

la nature des plaines conquises sur la mer, un rôle exac-<br />

tement identique à celui de l’Opuntia Cardona sur <strong>les</strong> anciennes<br />

régions lacustres asséchées des llanuras <strong>du</strong> Nord<br />

<strong>du</strong> Mexique, tandis que dans cette même situation de sol<br />

marin, mais sous des climats plus cléments et plus favo-<br />

rab<strong>les</strong> à la végétation exubérante, le Pachycereus Pectenaboriginum<br />

se comporte comme <strong>les</strong> Opuntia arborescents<br />

et <strong>les</strong> Cierges de localité à régime climatérique plus régu-<br />

liers, où la vie végétale rencontre <strong>les</strong> conditions adéquates<br />

pour acquérir sans trop d’obstacle l’ampleur de son déve-<br />

loppement.<br />

En somme, le rôle des Cactacées dans la conquête des<br />

déserts repose sur un mécanisme assez simple résultant de<br />

la mise en jeu de trois facteurs principaux qui permettent<br />

de surmonter et de vaincre aisément <strong>les</strong> causes habituel<strong>les</strong><br />

d’anéantissement auxquel<strong>les</strong> sont fatalement sujettes <strong>les</strong><br />

plantes de constitution normale.<br />

Ces trois facteurs sont :<br />

1° Une extraordinaire vitalité conservant aux Cactacées,<br />

1. Un fait géographique qui semble aussi démontrer la prédilection<br />

<strong>du</strong> Pachycereus Pecten-aboriginum pour <strong>les</strong> milieux franchement<br />

tropicaux, c’est que sur toute l’éten<strong>du</strong>e de la péninsule californienne,<br />

l’Hecho ne se rencontre uniquement que dans la partie australe située<br />

immédiatement au-dessous de la ligne <strong>du</strong> tropique.


Fig. 19. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />

Bosquet de Cactacées aux environs de La Paz (Basse-Californie).


à priori -> a priori<br />

72 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

même dans leurs organes morcelés et desséchés, une vie<br />

latente pendant plusieurs années 1 ;<br />

2° La mise en oeuvre de multip<strong>les</strong> moyens de propagation<br />

soit par la graine, soit par bouturages naturels ;<br />

3° Un fonctionnement biologique qui, dans des condi-<br />

tions précaires, donne à la plante la faculté de prélever a<br />

l’atmosphère son principal aliment pendant que ses parties<br />

aériennes déposent constamment des pro<strong>du</strong>its de désassimi-<br />

lation et de captation extérieure dont bénéficieront ultérieu-<br />

rement le sol et la végétation environnante.<br />

Afin de compléter l’exposé sur le rôle et l’évolution de<br />

ces agents de peuplement des déserts américains, il est né-<br />

cessaire d’ajouter un aperçu sommaire sur leur accroisse-<br />

ment et leur longévité.<br />

Pour ce qui est de leur accroissement, il est difficile d’éta-<br />

blir a priori une règle un peu générale, car outre qu’il s’ef-<br />

fectue sur des modes différents en largeur et en hauteur,<br />

il est sujet suivant <strong>les</strong> espèces à de très notab<strong>les</strong> variations,<br />

de plus <strong>les</strong> conditions climatiques, qui ne se font pas faute<br />

d’intervenir, peuvent encore modifier le cours <strong>du</strong> dévelop-<br />

pement soit en le retardant, soit en l’accélérant 2 .<br />

1. De Candolle rapporte que Th. de Saussure a conservé quatorze mois<br />

un rameau de Cactacée sans terre et sans eau ; ce rameau fut planté<br />

au bout de ce temps et a parfaitement repris et poussé de nouveaux<br />

jets. Des pieds d’Opuntia et une tige de Cereus peruvianus Mill.<br />

rapportés par M. Pépin, ont été conservés de 2 à 8 années, sans qu’ils<br />

eussent per<strong>du</strong> la faculté de reprendre. Arloing a constaté la pro<strong>du</strong>ction<br />

de racines adventives sur la moelle des boutures de Cactacées.<br />

Masson a observé que <strong>les</strong> fragments d’Opuntia desséchés conservaient<br />

par place des points capab<strong>les</strong> d’émettre des racines adventives (masson,<br />

Contribution à l’étude des Cactacées, thèse de la Faculté de Montpellier,<br />

1890).<br />

2. Suivant la nature <strong>du</strong> terrain et <strong>les</strong> conditions <strong>du</strong> climat, une<br />

même espèce de Cactacée peut accuser une grande variabilité dans sa<br />

morphologie et dans son développement. Ainsi, sur <strong>les</strong> pentes des<br />

montagnes, où l’humidité de l’air est habituellement plus constante,<br />

<strong>les</strong> Cactacées, à quelque genre qu’el<strong>les</strong> appartiennent, ont une tendance<br />

manifeste à croître en hauteur, tandis que sur <strong>les</strong> plateaux, où ces<br />

plantes se trouvent plus particulièrement exposées à l’action des vents<br />

réguliers et aux ardeurs solaires, el<strong>les</strong> se développent en largeur en<br />

affectant des allures plus étalées et plus trapues. Les longues périodes


Fig. 20. — Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />

Forêt tropicale sèche aux environs<br />

de Puerto Angel (État de Oaxaca


74 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Cependant, si pour se faire une idée approximative sur<br />

cette question, on prend pour terme de comparaison <strong>les</strong><br />

Cierges dont l’accroissement porte d’une façon plus appa-<br />

rente sur l’élongation des tiges, on constate que dans ce<br />

groupe il y a des espèces à croissance extrêmement lente<br />

comme le Wilcoxia striata Britt. et Rose, dont <strong>les</strong> tiges progressent<br />

seulement dans une année de quelques millimètres,<br />

il s’en trouve d’autres, par contre, comme le Pachycereus<br />

marginatus Britt. et Rose et le Lamaireocereus Hollianus<br />

Britt. et Rose qui, lorsqu’ils sont placés dans des conditions<br />

de végétation à leur convenance, peuvent dans un temps égal<br />

montrer des allongements de tiges d’un mètre 1 .<br />

A côté de ces exemp<strong>les</strong>, pris chez des spécimens adaptés<br />

à des conditions écologiques spécia<strong>les</strong> et qui souvent ne<br />

remplissent qu’un rôle secondaire dans l’oeuvre que la na-<br />

ture a dévolu à la famille des Cactacées, il y a toute une<br />

série de Cierges qui se montrent moins sensib<strong>les</strong> aux<br />

influences extérieures et dont le développement s’effectue<br />

avec une certaine régularité. Cette catégorie est représentée<br />

par <strong>les</strong> grandes espèces, tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que l’on désigne<br />

sous <strong>les</strong> dénominations vulgaires de Cardones et de Pitayos.<br />

Ces derniers, dans <strong>les</strong> semi-cultures dont ils sont souvent<br />

l’objet, montrent que l’élongation des tiges atteint annuel-<br />

lement et d’une façon à peu près constante, une moyenne<br />

voisine de dix centimètres. Cette constatation appliquée à<br />

des sujets pouvant normalement atteindre des statures de<br />

dix, quinze et parfois vingt mètres, permet de se faire une<br />

idée exacte sur la longévité de ces géants de la famille des<br />

Cactacées. En même temps, elle apporte une donnée sur<br />

l’existence plusieurs fois séculaire, de ces bosquets de Cierges<br />

de sécheresse agissent également dans un même sens ; sous leurs effets<br />

prolongés, <strong>les</strong> plantes grasses entrent en repos végétatif, el<strong>les</strong> se<br />

modifient par un travail interne et n’accusent plus pendant cette vie<br />

latente un accroissement sensible.<br />

1. Certains Cierges épiphytes ou grimpants montrent parfois des<br />

croissances encore plus rapides, comme cela a été signalé par Pépin<br />

sur un Heliocereus speciosus Britt. et Rose, cultivé en serre tempérée ;<br />

ce dernier dans la même année pouvait donner des rameaux dépassant<br />

deux mètres (L’horticulteur universel, V, p. 277, 1844).


chapitRe v 75<br />

qui constituent, dans la transformation des contrées <strong>du</strong><br />

Nouveau Continent, une étape bien marquée ainsi qu’une<br />

transition entre le néant <strong>du</strong> désert et <strong>les</strong> forêts couvrant<br />

aujourd’hui certaines zones torrides.<br />

Comme on le voit, le peuplement végétal des contrées dé-<br />

sertiques sous l’action des Cactacées demande, lorsque la<br />

nature est seule à opérer, un temps excessivement long et<br />

ce n’est souvent qu’après plusieurs sièc<strong>les</strong> que la transfor-<br />

mation des terrains devient suffisante pour que la forêt<br />

puisse y naître et s’y accroître.<br />

Il n’en est plus de même lorsque <strong>les</strong> soins méthodiques<br />

de l’indigène viennent seconder la nature ; l’effet avantageux<br />

de ces plantes que Bernardin de Saint-Pierre appelait avec<br />

juste raison « <strong>les</strong> fontaines et <strong>les</strong> citernes des zones tor-<br />

rides » 1 , s’accomplit alors avec régularité et l’on voit<br />

qu’avec le choix et l’entretien d’espèces appropriées au cli-<br />

mat et au sol, des milieux condamnés à la stérilité peuvent<br />

être amenés, en peu d’années, à devenir propres à l’agricul-<br />

ture. C’est ce que l’on constate parfois au voisinage de cer-<br />

tains villages mexicains, où des terrains vagues et impro-<br />

<strong>du</strong>ctifs sont, pendant un temps plus ou moins longs, aban-<br />

donnés intentionnellement à l’invasion et à la pullulation<br />

des espèces de Cactacées propres à la flore régionale.<br />

Un exemple de ce fait est fourni d’une façon encore plus<br />

démonstrative dans le sud de l’Italie, où depuis la natura-<br />

lisation <strong>du</strong> Figuier de Barbarie sur le domaine méditerranéen,<br />

<strong>les</strong> habitants ont su le mieux utiliser <strong>les</strong> avantages de<br />

ce Nopal et de ses variétés 2 . Là, grâce à la propagation intensive<br />

de cette unique espèce de Cactacée, on a réussi à créer<br />

sur <strong>les</strong> roches nues des coulées <strong>du</strong> Vésuve et de l’Etna, un<br />

sol capable de donner lieu à l’installation rémunératrice de<br />

riches et très prospères vignob<strong>les</strong>.<br />

1. Harmonies de la Nature, II, p. 130.<br />

2. Voir à ce sujet S.-B. vaRvaRo : Il fico d’India in Sicilia, dont une<br />

tra<strong>du</strong>ction française a été donnée dans le Bulletin agricole de l’Algérie<br />

et de la Tunisie de 1904, sous le titre : l’Opuntia en Sicile ; le Figuier de<br />

Barbarie ; et cuRmano : Fico d’India et suoi podatti ; in Annali di<br />

Agricoltura siciliana del prof. Inzenga, 1870.


CHAPITRE VI<br />

UTILITÉ DES CACTACÉES.<br />

Les Cactacées offrent de nombreuses et remarquab<strong>les</strong> res-<br />

sources dont <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> mexicaines ont su et<br />

savent encore tirer un profit des plus curieux. Aussi, envi-<br />

sagées à un point de vue purement économique, ces plantes<br />

peuvent-el<strong>les</strong> se répartir pour leur étude utilitaire en six<br />

groupes principaux.<br />

Suivant <strong>les</strong> espèces, <strong>les</strong> Cactacées peuvent fournir :<br />

1° des pro<strong>du</strong>its alimentaires ;<br />

2° des clôtures défensives et impénétrab<strong>les</strong> ;<br />

3° des graines pouvant tenir lieu de céréa<strong>les</strong> ;<br />

4° des fibres laineuses ;<br />

5° <strong>du</strong> bois de chauffage et de construction ;<br />

6° des fourrages permanents.<br />

La plus importante de ces utilités est incontestablement<br />

celle qui a pour objet l’alimentation ; cette dernière, comme<br />

<strong>du</strong> reste <strong>les</strong> autres, est donnée par un nombre important<br />

d’espèces appartenant presque exclusivement aux quatre<br />

groupes des Opuntiées, Céréées, Echinocactées et Mamilla-<br />

riées, dont <strong>les</strong> cultures, ainsi que <strong>les</strong> exploitations à l’état<br />

sauvage, peuvent être considérées comme une réelle richesse<br />

pour <strong>les</strong> territoires où ces plantes ont pu, grâce à des condi-<br />

tions écologiques favorab<strong>les</strong>, prendre une sérieuse extension.<br />

Aussi avant d’entreprendre l’examen des autres utilités des<br />

groupements mentionnés ci-dessus, l’étude des pro<strong>du</strong>ctions<br />

alimentaires sera-t-elle comprise dans quatre chapitres, ce<br />

qui permettra en même temps de joindre quelques rensei-<br />

gnements sommaires sur <strong>les</strong> caractères, <strong>les</strong> particularités,<br />

la morphologie, la biologie des espèces économiques appar-<br />

tenant aux genres <strong>les</strong> plus marquants de la famille des Cac-<br />

tacées.


CHAPITRE VII<br />

OPUNTIÉES<br />

Le genre Opuntia, adopté une première fois par Tournefort,<br />

a été définitivement admis dans la nomenclature<br />

botanique par Miller en 1737 (The gardeners’ dictionary).<br />

Avant la réforme linnéenne on voit ce nom figurer dans <strong>les</strong><br />

écrits d’auteurs d’histoire de plantes tels que K. Gesner<br />

(1541), Dalechamps (1586), Mattioli (1598), Hernandez<br />

(1615), Bauhin (1651), Ray (1686), Tournefort (1700), etc.;<br />

mais comme à ces époques de l’enfance de la botanique, <strong>les</strong><br />

Cactacées étaient à peine connues, ce nom n’avait pas le<br />

même caractère générique qu’il a aujourd’hui, il ne pouvait<br />

donc s’appliquer guère qu’à l’Opuntia Ficus-indica Mill. et<br />

à ses variétés qui, à la suite des premières expéditions<br />

espagno<strong>les</strong> en Amérique n’avaient pas tardé à devenir<br />

subspontané sur <strong>les</strong> terres arides des zones tempérées de<br />

l’Europe méridionale 1 .<br />

Les représentants des Opuntiées au Mexique se répar-<br />

tissent en quatre genres :<br />

1° Pereskiopsis Britt. et Rose ;<br />

2° Opuntia Mill. ;<br />

1. La dénomination d’Opuntia dérive <strong>du</strong> nom d’Opunce, ancienne<br />

cité de la Grèce et capitale des Locrides. Sur l’emplacement de cette<br />

antique ville végétait déjà spontanément et en abondance au xvi e siècle<br />

la curieuse plante que l’on désignait alors couramment sous <strong>les</strong> noms<br />

de Chardon ou Figuier d’Inde, et que <strong>les</strong> Grecs appelèrent Figuier des<br />

Francs. A ce propos, Bauhin, citant Gesner, fait remarquer l’incorrection<br />

de cette nouvelle spécification pour la plante importée d’Amérique en<br />

disant : « Gesner libere dicit ficum hune indicum aliquibus opuntiam in<br />

foliis cum penicillas. — Johan bauhin et J.-H. cheRleR : Historia plantarum<br />

universalis, 1651 ».


80 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

3° Grusonia Reichenb. ;<br />

4° Nopalea Salm-Dyck 1 .<br />

Les trois premiers n’offrent pas entre eux de caractères<br />

botaniques systématiques bien tranchés, néanmoins, ils se<br />

différencient nettement par leur morphologie générale et<br />

<strong>les</strong> particularités de leur biologie.<br />

NOPALEA<br />

Le quatrième genre comprend <strong>les</strong> sept espèces réunies<br />

dans le genre Nopalea 2 ; il est représenté typiquement par<br />

le Nopalea Karwinskiana Schum. (fig. 21).<br />

Cette espèce que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />

de Nopal de Flor ou encore de Nopallilo est assez répan<strong>du</strong>e<br />

dans la région intermédiaire située sur <strong>les</strong> plateaux à une<br />

altitude moyenne de quinze cents mètres où Platyopuntia<br />

et Cierges se mesurent à égalité d’action, mais elle ne paraît<br />

pas résider là sur son aire de prédilection, car elle n’y<br />

accuse, en général, qu’un développement moyen, tandis que<br />

dans la forêt sèche tropicale des plaines alluvionnaires<br />

baignées par l’Océan Pacifique où <strong>les</strong> Pachycereus exercent<br />

surtout leur suprématie (Pachycereus Pringlei et Pectenaboriginum),<br />

cette Opuntiée à artic<strong>les</strong> franchement aplatis<br />

acquiert une ampleur et une taille élevée, qui contraste fort<br />

avec <strong>les</strong> formes atrophiées et ré<strong>du</strong>ites que revêtent habi-<br />

tuellement <strong>les</strong> Platyopuntia normaux lorsqu’ils se trouvent<br />

à l’état sauvage sur leur extrême limite d’habitat.<br />

Les représentants <strong>du</strong> genre Nopalea n’offrent que de<br />

faib<strong>les</strong> avantages économiques, aussi ne figurent-ils ici qu’à<br />

1. On a créé encore trois autres genres d’Opuntiées. <strong>les</strong> Pterocactus<br />

Schum., Tacinga Britt. et Rose et Mahuenia Philippi, mais ces trois<br />

genres, étant uniquement particuliers à l’Amérique méridionale, ne<br />

sont seulement cités ici qu’à titre de mention.<br />

2. Les Nopalea se distinguent des autres groupes d’Opuntiées par<br />

des caractères botaniques assez bien accusés ; ainsi chez <strong>les</strong> trois<br />

autres genres la fleur présente une corolle étalée, des étamines et un<br />

style inclus, tandis que chez le Nopalea <strong>les</strong> divisions flora<strong>les</strong> sont<br />

dressées, <strong>les</strong> internes conniventes et <strong>les</strong> organes sexuels longuement<br />

exserts.


6<br />

Fig. 21. — Nopalea Karwinskiana Schum.<br />

Spécimen arborescent croissant dans la forêt sèche<br />

des environs de Puerto Angel (État de Oaxaca).


82 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

titre de simple mention ; leur principal intérêt réside dans<br />

la place qu’ils occupent dans le tableau philogénique de la<br />

famille des Cactacées où ils constituent, d’après ce que l’on<br />

admet, le plus haut stade dans l’évolution de la tribu des<br />

Opuntiées.<br />

Les fruits ne sont pas comestib<strong>les</strong>, <strong>du</strong> moins dans l’espèce<br />

type, mais l’abondante floraison de ces végétaux <strong>les</strong> rend<br />

assez décoratifs, ce qui fait que l’on y a recours dans la<br />

plantation des haies vives ; de plus, <strong>les</strong> aiguillons acérés et <strong>les</strong><br />

sétu<strong>les</strong> urticantes dont sont pourvus <strong>les</strong> jeunes rameaux<br />

permettent de constituer alors des clôtures suffisamment<br />

défensives et impénétrab<strong>les</strong>.<br />

Une seule espèce cependant, le Nopalea cochenillifera<br />

Salm-Dyck, qui n’est peut-être que la variété inerme <strong>du</strong><br />

N. Karwinskiana, fut — à défaut d’autres espèces plus<br />

appropriées — momentanément employé au Yucatan pour<br />

l’élevage de la cochenille, ce qui l’avait fait désigner par<br />

certains auteurs sous le nom de Nopal <strong>du</strong> Yucatan ou de<br />

Campèche.<br />

PERESKIOPSIS Britt. et Rose.<br />

Ce premier genre des Opuntiées a été créé en 1907 par<br />

Britton et Rose 1 mais, dès 1898, le D r Weber 2 avait fait le<br />

sous-genre Pereskopuntia afin d’identifier un groupe de<br />

Cactacées faisant la transition entre le genre Pereskia et <strong>les</strong><br />

Opuntia à tiges cylindriques.<br />

La particularité de ce genre est de présenter des carac-<br />

tères morphologiques et biologiques qui rappellent sur un<br />

même sujet <strong>les</strong> deux genres auxquels elle sert d’inter-<br />

médiaire, c’est ce qui explique pourquoi <strong>les</strong> auteurs qui<br />

décrivirent <strong>les</strong> premières espèces, n’ayant pu examiner suf-<br />

fisamment leurs caractères systématiques, <strong>les</strong> ont placées<br />

1. bRitton et Rose. — Pereskiopsis a new genus of Cactaceæ<br />

(Smithsonian Miscellaneous Collection [Quaterly Issue] vol. 50, p. 331,<br />

1907).<br />

2. webeR . — Les Pereskia et <strong>les</strong> Opuntia pereskoïdes <strong>du</strong> Mexique<br />

(Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire naturelle, IV, p. 162, 1898).


Fig. 22. — Pereskiopsis Pititache Britt. et Rose.<br />

Spécimen dépourvu de sa frondaison.<br />

Forêt sèche de la partie côtière et occidentale<br />

de l’Isthme de Tehuantepec (État de Oaxaca).


Fig. 23. — Pereskiopsis rotundifolia Britt. et Rose<br />

enchevêtrant ses rameaux sur un arbre.<br />

Plaines alluvia<strong>les</strong> des environs de La Paz (Basse-Californie).


chapitRe vii 85<br />

dans le genre Pereskia 1 . Comme mode de végétation, <strong>les</strong><br />

Pereskiopsis se rapprochent des Pereskia, comme eux ils<br />

sont généralement sylvico<strong>les</strong> et croissent parmi <strong>les</strong> fourrés<br />

de broussail<strong>les</strong> ou parmi <strong>les</strong> moyennes futaies des sous-<br />

bois de la forêt sèche tropicale, habitat dans lequel ils ne<br />

paraissent jouer vis-à-vis de la végétation arborescente qui<br />

<strong>les</strong> environne qu’un rôle assez effacé, rappelant tout au plus<br />

comme analogie celui des Cylindropuntia dans leur association<br />

avec la flore chétive des savanes.<br />

Leur allure est soit franchement arborescente (Pereskiopsis<br />

Pititache Britt. et Rose) (fig. 22), soit buissonnante<br />

(Pereskiopsis rotundifolia Britt. et Rose) (fig. 23). Les Pereskiopsis<br />

sont des végétaux très peu charnus lorsqu’ils sont<br />

a<strong>du</strong>ltes, leurs rameaux sont pourvus de limbes foliées qui<br />

subissent, à la saison sèche, une chute de feuil<strong>les</strong> plus ou<br />

moins complète suivant <strong>les</strong> espèces et suivant <strong>les</strong> conditions<br />

de milieu.<br />

Ces caractères purement morphologiques et biologiques<br />

<strong>les</strong> rapprochent des Pereskia tandis qu’au contraire ceux<br />

fournis par la floraison, la fructification, <strong>les</strong> graines et <strong>les</strong><br />

aiguillons <strong>les</strong> rapprochent des Opuntia 2 ; de plus, leur mode<br />

de multiplication naturelle qui s’effectue très souvent par<br />

bouturage accidentel à la suite de rameaux tombés sur le<br />

sol, est celui des Cylindropuntia.<br />

1. Pereskia rotundifolia DC., P. opuntiæfolia DC., de candolle :<br />

Prodomus, III, p. 473, 1828 ; P. spathulata Otto, P. Pititache Karw.,<br />

pFeiFFeR : Enum. diag. Cact. 1887.<br />

2. Les fleurs possèdent encore certains côtés qui peuvent <strong>les</strong> faire<br />

confondre avec cel<strong>les</strong> des Pereskia, mais <strong>les</strong> fruits sont ceux d’un<br />

Opuntia ; <strong>les</strong> graines sont blanchâtres, <strong>du</strong>res, osseuses et marginées,<br />

tandis que chez <strong>les</strong> Pereskia, el<strong>les</strong> ressemblent comme constitution<br />

à cel<strong>les</strong> des autres Cactacées, c’est-à-dire qu’el<strong>les</strong> sont noires ou<br />

de couleur foncée, non marginées et avec un test mince et fragile.<br />

Quant à ce qui est des aiguillons, <strong>les</strong> Pereskiopsis pro<strong>du</strong>isent en grande<br />

abondance de ces sétu<strong>les</strong> urticantes (Ahuates) qui, dans la famille,<br />

sont le propre <strong>du</strong> genre Opuntia et qui, chose méritant d’être prise en<br />

considération, se rencontrent en surabondance chez certains Pereskiopsis<br />

et Nopalea, c’est-à-dire sur <strong>les</strong> termes extrêmes entre <strong>les</strong>quels<br />

sont compris <strong>les</strong> Opuntia <strong>les</strong> mieux caractérisés.


Fig. 24. — Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose.<br />

Jeune spécimen cultivé à proximité d’une habitation indigène.<br />

Environs de Guadalajara (État de Jalisco).


Fig. 25. — Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose.<br />

Spécimen très a<strong>du</strong>lte, cultivé dans un jardin<br />

situé sur <strong>les</strong> rives <strong>du</strong> lac de Chapala (État de Jalisco).


88 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Le genre Pereskiopsis compte actuellement onze espèces<br />

décrites.<br />

A part le Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose, aucune de<br />

ces espèces ne fournit, à proprement parler, de pro<strong>du</strong>its<br />

alimentaires. Vu l’abondance des aiguillons extrêmement<br />

vulnérants dont sont pourvus <strong>les</strong> représentants de cette<br />

forme primitive d’Opuntiées, on <strong>les</strong> plante, assez fréquem-<br />

ment dans certaines localités, parmi <strong>les</strong> arbustes servant à<br />

faire <strong>les</strong> clôtures afin de rendre ces dernières efficacement<br />

défensives.<br />

Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose. — Comme distribution<br />

géographique, cette espèce n’a jusqu’ici été signalée que dans<br />

l’État de Jalisco et le Territoire de Tepic, où suivant <strong>les</strong><br />

localités, on la désigne vernaculairement sous <strong>les</strong> différents<br />

noms de Tuna de agua, Tasajillo, Alfilerillo, Chirioncillo.<br />

Cette espèce a été confon<strong>du</strong>e avec le P. spathulata Britt.<br />

et Rose qui se rencontre dans la même région et que <strong>les</strong><br />

indigènes nomment Patilon (fig. 27).<br />

On rencontre ce Pereskiopsis à l’état sauvage dans <strong>les</strong><br />

endroits boisés plus ou moins arides ; il est l’objet d’une cer-<br />

taine culture dans nombre de villages indigènes où il figure<br />

parmi <strong>les</strong> arbres fruitiers que l’on entretient dans <strong>les</strong> jardins<br />

et <strong>les</strong> clôtures de propriétés.<br />

Il affecte un port des plus variab<strong>les</strong> pendant le cours de<br />

son développement ; au début et pendant parfois un temps<br />

très long, il se cantonne dans différentes allures buisson-<br />

nantes en se ramifiant presque toujours à sa base (fig. 24)<br />

et ce n’est que lorsque l’une de ses tiges a pu se lignifier,<br />

souvent au détriment des autres, qu’il commence à acquérir<br />

la forme arborescente l’amenant à donner un arbre d’une<br />

élévation normale de cinq à six mètres (fig. 25).<br />

Lorsque cet arbre croît isolément, il affecte une allure<br />

des plus étranges et des plus désordonnées, qui est surtout<br />

<strong>du</strong>e au dispositif singulier de sa ramification diffuse, con-<br />

sistant en longues branches très étalées, naissant d’un tronc<br />

dressé et offrant sur leur trajet de capricieuses bifurcations.<br />

Cette Cactacée est très influencée par <strong>les</strong> conditions de


Fig. 26. — Fruits et rameaux dépourvus de frondaison<br />

d’un spécimen sauvage de Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose,<br />

croissant en terrain aride.<br />

Environs de Guadalajara (État de Jalisco).


Fig. 27. — Pereskiopsis spathulata Britt. et Rose.<br />

Nom vulgaire : Patilon.<br />

Environs <strong>du</strong> lac de Zacoalco (État de Jalisco).


chapitRe vii 91<br />

milieu ; dans <strong>les</strong> terrains arides elle donne des rameaux<br />

grê<strong>les</strong> et ses fruits n’arrivent que difficilement à maturité,<br />

ces derniers s’allongent ou donnent des proliférations qui<br />

se transforment en tiges (fig. 26), <strong>les</strong> fruits avortés en tombant<br />

sur le sol peuvent, comme chez beaucoup de Cylindropuntia,<br />

donner lieu à un bouturage naturel. A l’état cultivé<br />

et sur un terrain suffisamment riche, elle possède une frondaison<br />

assez fournie disposée le long des rameaux ou à leur<br />

extrémité qu’elle termine par un bouquet feuillé ; le limbe<br />

est assez charnu, de forme elliptique plus ou moins spatulée,<br />

pouvant atteindre une dizaine de centimètres dans sa plus<br />

grande dimension (fig. 28).<br />

Les fleurs sont étalées en rosace, et de couleur jaune d’or,<br />

el<strong>les</strong> sont plutôt nocturnes que diurnes, car bien épanouies<br />

à l’aurore ou en lumière diffuse, on <strong>les</strong> voit souvent se fermer<br />

brusquement lorsque la lumière solaire devient trop intense.<br />

Ces fleurs paraissent devoir prendre toujours naissance à<br />

l’extrémité d’un rameau ce qui explique qu’el<strong>les</strong> peuvent<br />

parfois paraître pédonculées (fig. 29) ; cette anomalie apparente<br />

s’explique d’ailleurs facilement en considérant que<br />

fleurs et rameaux peuvent se développer simultanément et<br />

que dans ce cas le rameau commence à s’allonger en une<br />

tige très grêle pour ne prendre <strong>du</strong> corps que lorsque le fruit<br />

se constituera, particularité biologique qu’il est bon de<br />

signaler car on la trouve chez certaine forme de Cylindropuntia<br />

de région limitée (Opuntia arbuscula Engelm.),<br />

comme on le verra plus loin.<br />

Les fruits sont piriformes et souvent très allongés, leur<br />

couleur est d’un vert clair tirant sur le jaune, ils sont tantôt<br />

solitaires, tantôt groupés en bouquets de plusieurs exemplaires.<br />

Très fréquemment, comme dans la forme précédente<br />

des terrains secs, ces fruits donnent lieu à des proliférations<br />

de feuil<strong>les</strong>, de fleurs et de fruits qui peuvent<br />

ultérieurement se transformer en tiges comme le montrent,<br />

dans toutes ses variations, <strong>les</strong> figures 26 et 28.<br />

La fructification <strong>du</strong> Pereskiopsis aquosa commence vers<br />

la fin de décembre, c’est-à-dire à une époque où la


Fig. 28. — Fruits et rameaux foliés<br />

d’un spécimen cultivé de Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose.<br />

Environs de Guadalajara (État de Jalisco).


chapitRe vii 93<br />

pro<strong>du</strong>ction fruitière des autres Cactacées est complètement<br />

terminée et que leur vente a disparu des marchés. C’est<br />

Fig. 29. — Fleurs de Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose,<br />

récoltées sur un plant de culture.<br />

Environs de Guadalajara (État de Jalisco).<br />

donc un fruit d’arrière-saison qui vient combler une lacune<br />

en présentant un avantage appréciable pour <strong>les</strong> indigènes<br />

ayant coutume de donner, dans leur alimentation, une large


94 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

part aux fruits de Cactacées. Ces fruits, de saveur aigrelette<br />

et parfumée lorsqu’ils sont à l’état de complète maturité,<br />

s’emploient à l’état frais ; ils servent alors à préparer des<br />

boissons rafraîchissantes très appréciées dans le pays de<br />

pro<strong>du</strong>ction, c’est ce qui leur a valu le nom de Tuna de agua 1 .<br />

On <strong>les</strong> consomme encore cuits à l’eau comme légume, à<br />

la façon des artic<strong>les</strong> tendres de certains Platyopuntia, ou<br />

encore en compote avec <strong>du</strong> sucre ou <strong>du</strong> miel ; on <strong>les</strong> prépare<br />

également en conserve et pour cette dernière préparation<br />

on <strong>les</strong> soumet préalablement à une légère cuisson sous la<br />

cendre, puis ensuite, après <strong>les</strong> avoir coupés en fragments,<br />

on <strong>les</strong> fait confire dans un sirop de sucre ; l’usage de ce<br />

fruit, comme légume, a pour but d’utiliser <strong>les</strong> fructifications<br />

qui, n’ayant pas été fécondées, s’allongeraient et se transfor-<br />

meraient inutilement en tiges.<br />

OPUNTIA Mill.<br />

§ Cylindropuntia Engelm.<br />

Le sous-genre Cylindropuntia a été établi par Engelmann<br />

en même temps que celui des Platyopuntia 2 afin de différencier<br />

<strong>les</strong> deux formes typiques d’Opuntia 3 .<br />

La caractéristique de ce sous-genre est de présenter des<br />

1. Quant aux autres dénominations vernaculaires qui sont des<br />

diminutifs de termes espagnols, el<strong>les</strong> ont trait, vraisemblablement,<br />

aux singularités de la plante : Tasajillo, de Tasago (viande sèche)<br />

s’applique en général aux Cylindropuntia dont, pour certaines espèces,<br />

on conserve <strong>les</strong> fruits en <strong>les</strong> séchant au soleil ; Alfilerillo, de Alfiler<br />

(épingle) à cause des aiguillons blancs et très acérés dont est pourvue<br />

la plante, en outre de ses abondantes sétu<strong>les</strong> urticantes ; Chirioncillo,<br />

de Chirion, expression populaire qui, dans la plupart de ses diverses<br />

acceptions, implique l’idée d’une chose désordonnée, allusion probable<br />

à l’allure générale assez extravagante de cette Cactacée.<br />

2. geoRge engelmann. — Synopsis of the Cactaceæ of the territory<br />

of the United States and adjacent regions (Proceedings of the American<br />

Academy of arts and sciences, III, p. 289, 1856).<br />

3. Le troisième sous-genre : Tephrocactus, ne comprend que des<br />

espèces de l’Amérique <strong>du</strong> Sud.


chapitRe vii 95<br />

rameaux aux contours plus ou moins arrondis constitués<br />

par la réunion d’artic<strong>les</strong> soudés <strong>les</strong> uns aux autres de façon<br />

Fig. 30. — Opuntia (§ Cylindropuntia) Cholla Web.<br />

Basse-Californie.<br />

à former des tiges plus ou moins étranglées avec artic<strong>les</strong><br />

noueux ou renflés (O. Cholla Web.) (fig. 30).


96 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les Cylindropuntia prennent, suivant <strong>les</strong> espèces, une<br />

allure frutescente ou cespiteuse ; dans le premier cas ce<br />

sont toujours des arbrisseaux de faible dimension dont la<br />

hauteur, chez <strong>les</strong> spécimens <strong>les</strong> plus a<strong>du</strong>ltes, peut parfois<br />

atteindre deux mètres (O. imbricata DC.) (fig. 31), mais qui,<br />

normalement, chez la plupart des espèces, n’excède guère<br />

un mètre (O. Cholla Web.) (fig. 30).<br />

L’axe est en général, chez <strong>les</strong> espèces frutescentes, formé<br />

par un tronc qui se lignifie fortement avec l’âge et d’où<br />

partent <strong>les</strong> divisions donnant naissance à leur extrémité à<br />

de nombreux artic<strong>les</strong> charnus, très épineux, se détachant<br />

brusquement sous le moindre effort.<br />

Dans le second cas, ce sont des touffes à tiges grê<strong>les</strong><br />

érigées formant buisson (O. leptocaulis DC.) (fig. 5) ou<br />

épaisses et gazonnantes (O. tunicata Link et Otto) (fig. 32)<br />

ou couchées et presque rampantes (O. invicta Brandegee).<br />

Au point de vue morphologique et biologique, <strong>les</strong> formes<br />

basses et gazonnantes rappellent assez <strong>les</strong> Echinocereus,<br />

comme eux, el<strong>les</strong> paraissent jouer un rôle analogue dans le<br />

début de la conquête des sites désertiques, mais alors, au<br />

lieu d’exercer leur influence sur <strong>les</strong> régions froides des<br />

crêtes montagneuses et des hauts plateaux, c’est plus parti-<br />

culièrement dans <strong>les</strong> situations plus chaudes de moyenne<br />

et de basse altitude qu’on <strong>les</strong> rencontre en abondance.<br />

Au point de vue alimentaire, <strong>les</strong> Cylindropuntia ne présentent<br />

qu’un intérêt tout à fait relatif ; leurs fruits, chez<br />

beaucoup d’espèces, sont comestib<strong>les</strong> et possèdent souvent<br />

une saveur aigrelette quelque peu parfumée qui permet de<br />

<strong>les</strong> employer comme succédanés de la Tuna de agua, c’està-dire<br />

pour la préparation des boissons rafraîchissantes ou<br />

de conserves sucrées, mais comme l’époque de leur maturité<br />

coïncide avec celle des autres Cactacées de pro<strong>du</strong>ction frui-<br />

tière plus appréciée, il en résulte qu’on n’a guère recours à<br />

ces fruits que lorsque la récolte des espèces plus recherchées<br />

se montre déficitaire ou insuffisante.<br />

Néanmoins, la prodigieuse abondance de fructification<br />

chez certains Cylindropuntia donne à ces plantes, éminem-


7<br />

chapitRe vii 97<br />

ment désertico<strong>les</strong>, une valeur qui n’est pas négligeable dans<br />

<strong>les</strong> pays dépourvus de communications et désolés par de<br />

Fig. 31. — Opuntia (§ Cylindropuntia) imbricata DC.<br />

Plateaux désertiques de l’État de San Luis Potosi.<br />

longues sécheresses, soit que <strong>les</strong> indigènes aient recours aux<br />

fruits pour leur usage personnel en temps de disette, soit


98 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

qu’ils <strong>les</strong> emploient pour maintenir le bétail pendant <strong>les</strong><br />

périodes de pénurie fourragère.<br />

Le bois des tiges suffisamment lignifiées constitue un<br />

excellent combustible qui a également son intérêt dans <strong>les</strong><br />

localités où <strong>les</strong> éléments de chauffage se montrent rares.<br />

Si <strong>les</strong> avantages que <strong>les</strong> Cylindropuntia peuvent fournir<br />

dans l’économie domestique sont d’ordre secondaire, il n’en<br />

est plus de même lorsqu’on envisage ces Cactacées dans<br />

le rôle qu’el<strong>les</strong> sont appelées à remplir dans la nature livrée<br />

à elle-même.<br />

Là, ces végétaux foisonnants se montrent comme <strong>les</strong> fac-<br />

teurs <strong>les</strong> plus énergiques et <strong>les</strong> plus décisifs de la famille<br />

des Cactacées dans la fertilisation et la transformation des<br />

terrains stéri<strong>les</strong>. Avec <strong>les</strong> formes presque cespiteuses, ils<br />

peuvent procéder au premier aménagement <strong>du</strong> sol en se<br />

comportant comme <strong>les</strong> Mamillaria, <strong>les</strong> Echinocereus et<br />

autres formes naines et gazonnantes de Cactacées. Avec <strong>les</strong><br />

formes frutescentes, leur action se complète par l’amélio-<br />

ration des conditions écologiques dans <strong>les</strong> couches atmo-<br />

sphériques avoisinant le sol.<br />

Lorsque cette végétation xérophile un peu élevée a pu<br />

s’établir en massif sur une certaine superficie, elle maintient<br />

et stabilise au ras <strong>du</strong> sol un certain état hygrométrique,<br />

en même temps qu’elle fournit, contre <strong>les</strong> sécheresses pro-<br />

longées et <strong>les</strong> ardeurs solaires, un abri permanent, suffisant<br />

pour permettre aux plantes vivaces et arborescentes de<br />

végéter sans trop de difficultés pendant la période délicate<br />

de leur première croissance.<br />

Ces conditions avantageuses créées par <strong>les</strong> Cylindropuntia<br />

pourront alors persister et se maintenir tant que le déve-<br />

loppement de la végétation de haute futaie ne sera pas venu<br />

modifier le milieu convenable à ces végétaux doués d’une<br />

singulière adaptation aux exigences des régions <strong>les</strong> plus<br />

sèches.<br />

Les Cylindropuntia possèdent une remarquable supériorité<br />

dans leurs moyens de multiplication et d’envahis-<br />

sement et ceux-ci, comme nous le montre la nature, ont


Fig. 32. — Opuntia (§ Cylindropuntia) tunicata Link et Otto.<br />

Plateaux désertiques de l’État, de San Luis Potosi.


100 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

plutôt lieu par l’effet d’un bouturage que d’un ensemencement.<br />

La fructification chez la plupart des espèces composant<br />

ce groupe d’Opuntiées est d’une extraordinaire profusion,<br />

mais dans leur majorité <strong>les</strong> fruits sont stéri<strong>les</strong> et après<br />

avoir accompli leur presque développement on <strong>les</strong> voit<br />

fréquemment lorsqu’ils ne tombent pas, se transformer en<br />

tiges, soit en s’allongeant, soit en donnant lieu à une prolifération<br />

de fleurs et de fruits.<br />

Chez <strong>les</strong> fruits fécondés, <strong>les</strong> graines sont habituellement<br />

très peu nombreuses, leur faible quantité ne peut alors<br />

répondre à ce but de propagation et d’envahissement pour<br />

lequel la nature semble bien <strong>les</strong> avoir spécialement destinés,<br />

c’est donc bien — comme il est facile de le constater dans<br />

<strong>les</strong> régions désertiques — par un bouturage naturel, que<br />

la repro<strong>du</strong>ction de l’espèce peut s’effectuer Je plus souvent<br />

et le plus sûrement. Aussi voit-on <strong>les</strong> artic<strong>les</strong>, disposés en<br />

grappes à l’extrémité des tiges, se rompre aisément de leur<br />

point d’attache, soit sous l’effet d’un simple choc, soit même<br />

seulement sous leur propre poids lorsque leur accroissement<br />

<strong>les</strong> rend trop pesants. Ces parties disjointes peuvent<br />

être transportées à grande distance, au moment de ces violents<br />

orages qui, de temps en temps, bouleversent subitement<br />

<strong>les</strong> surfaces des régions désertiques et alors la<br />

dissémination s’accomplit par l’entraînement des eaux et<br />

<strong>les</strong> tourbillons aériens. Une fois tombés sur le sol, ces<br />

fragments de tiges possédant en el<strong>les</strong> tous <strong>les</strong> éléments de<br />

végétation, ne tardent pas à se fixer en émettant des racines<br />

adventives.<br />

Une espèce particulière aux plaines <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique<br />

et <strong>du</strong> sud des États-Unis montre d’une façon très nette<br />

cette curieuse et remarquable adaptation au mode de multiplication<br />

par bouturage spontané : c’est l’O. arbuscula<br />

Engelm. dont l’abondance des fruits fait souvent rompre<br />

<strong>les</strong> tiges qui <strong>les</strong> portent ; <strong>les</strong> fruits non fécondés de cette<br />

dernière espèce, même lorsqu’ils sont séparés de leur attache,<br />

s’allongent comme ceux <strong>du</strong> Pereskiopsis aquosa Britt. et


chapitRe vii 101<br />

Rose et ce n’est que lorsqu’ils ont atteint un certain déve-<br />

loppement en longueur qu’ils entrent en végétation régulière.<br />

La plus grande partie des Cylindropuntia sont particuliers<br />

à l’Amérique septentrionale ; dans la végétation<br />

xérophile de l’Amérique <strong>du</strong> Sud ce sont surtout aux Tephrocactus<br />

que paraissent incomber <strong>les</strong> mêmes fonctions dans<br />

le processus de conquête végétale des déserts.<br />

Comme on l’a vu au chapitre de la terminologie, <strong>les</strong><br />

Cylindropuntia sont, suivant <strong>les</strong> localités, désignés sous <strong>les</strong><br />

différents noms de Alcaes, Alcaejal, Alfilerillo, Cholla, Clavellina,<br />

Tasajo, Tasajillo, Tenchalote 1 , etc.<br />

Les Nahuatls comprenaient en général ces Cactacées<br />

frutescentes sous le terme de Zacanochtli expression que<br />

l’on peut tra<strong>du</strong>ire par Cactacée d’herbage ou de savane<br />

(Zacatl = herbe, foin), expression faisant allusion à l’habitat<br />

de la plante et aussi très probablement à sa biologie.<br />

§ Platyopuntia Engelm.<br />

Le deuxième sous-genre des Opuntia est représenté par<br />

<strong>les</strong> Platyopuntia que <strong>les</strong> anciens Mexicains désignaient plus<br />

particulièrement sous l’appellation collective de Nopalli,<br />

dénomination qui fut, dans la suite, castillanisée comme on<br />

l’a vu au Chapitre de la taxonomie, en celle, couramment<br />

usitée aujourd’hui, de Nopal.<br />

Ce sous-genre se distingue nettement à première vue des<br />

autres genres, abstraction faite des Nopalea, par l’aspect<br />

très particulier de ses tiges consistant en rameaux plus ou<br />

moins circulaires, articulés et comprimés de façon à pré-<br />

senter deux surfaces parallè<strong>les</strong>, ce qui, au début de leur<br />

apparition en Europe, leur fit donner par <strong>les</strong> Espagnols <strong>les</strong><br />

noms bien significatifs de Arbol de las palas, de solda<strong>du</strong>ras,<br />

de quebra<strong>du</strong>ras 2 .<br />

1. Tenchalote est une castillanisation dérivant de Tenchalli ou<br />

Tenzonlli, signifiant lèvre, bord, bor<strong>du</strong>re.<br />

2. miguel colmeiRo. — Primeras noticias acerca de la vegetacion<br />

americana, suministradas por el Almitante Colon, (Ateneo de Madrid,


102 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les Platyopuntia présentent un intérêt curieux au point<br />

de vue de l’histoire de la famille des Cactacées. C’est à eux<br />

et particulièrement à l’espèce O. Ficus-indica Mill., qui<br />

s’était si extraordinairement propagée sur toutes <strong>les</strong> terres<br />

arides <strong>du</strong> midi de l’Europe où il revêtit très rapidement<br />

toutes <strong>les</strong> apparences d’un végétal endémique, que l’on<br />

appliqua le nom de Cactus ou encore de Cactier.<br />

Le terme de Cactus provient <strong>du</strong> mot grec kaktos donné<br />

par Théophraste à une plante alimentaire épineuse croissant<br />

en abondance en Sicile, plante que certains précurseurs de<br />

la botanique à l’époque de la Renaissance crurent bon, par<br />

une interprétation erronée <strong>du</strong> texte <strong>du</strong> philosophe athénien,<br />

d’identifier avec le Nopal dont ils ignoraient l’origine 1 .<br />

Le terme de Cactus, qui servit à Linné pour grouper <strong>les</strong> premiers<br />

spécimens de ces plantes aberrantes, fut employé par<br />

Adrien de Jussieu en 1770 pour dénommer la famille des<br />

Cactacées. Il désigne maintenant une vingtaine d’espèces<br />

rangées autrefois dans <strong>les</strong> Melocactus et entre dans la composition<br />

d’autres mots de la terminologie générique tels que :<br />

Echinocactus, Phyllocactus, Tephrocactus, Cleistocactus, etc.<br />

Les Platyopuntia, comme on l’a vu plus haut au sujet des<br />

Cylindropuntia, sont la forme la mieux organisée pour l’accomplissement<br />

<strong>du</strong> rôle qui leur incombe dans la nature des<br />

hauts plateaux mexicains.<br />

Ils s’offrent alors, sur ces territoires d’élection, sous <strong>les</strong><br />

aspects variés de plantes tantôt rampantes, tantôt érigées ;<br />

p. 31, 1892). Arbol de las palas désigne bien <strong>les</strong> tiges disposées en<br />

raquettes, quant à celui d’Arbol de las solda<strong>du</strong>ras et quebra<strong>du</strong>ras,<br />

quoique pouvant s’appliquer à la conformation des rameaux, il<br />

proviendrait, d’après certains auteurs, de ce que la pulpe des artic<strong>les</strong><br />

ré<strong>du</strong>ite en bouillie servait dans le pansement et la ré<strong>du</strong>ction des<br />

fractures des membres.<br />

1. D’après gesneR (Historia plantarum, 1541) la plante alimentaire<br />

épineuse dont parle théophRaste (Liv. VI, Chap. 4) serait l’Artichaut<br />

(Cynara Scolymus L.). Ce serait plus vraisemblablement, d’après<br />

certains auteurs, le Cardon (Cynara Car<strong>du</strong>nculus L.) ou encore une<br />

forme sauvage d’où pourrait dériver l’une et l’autre de ces espèces<br />

cultivées.


chapitRe vii 103<br />

dans ce dernier cas, ils revêtent des allures d’épais buissons<br />

ou même de futaies franchement arborescentes.<br />

Cette conformation des Platyopuntia, qui varie depuis la<br />

plante basse rampant sur le sol jusqu’à celle pouvant<br />

atteindre <strong>les</strong> proportions d’une assez haute futaie, corres-<br />

pond, comme la nature nous le montre clairement sur <strong>les</strong><br />

terrains d’action, à des attributions spécialisées dans la<br />

régénération vitale des régions stéri<strong>les</strong>.<br />

Dans la première forme que <strong>les</strong> indigènes désignent sous<br />

la rubrique de Tunas rastreras ou Nopa<strong>les</strong> rastreros, la<br />

plante se caractérise par des liges couchées et traçantes sur<br />

<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> s’implantent verticalement des artic<strong>les</strong> aplatis qui<br />

se ramifient rarement en hauteur (fig. 33).<br />

Cette catégorie de Nopa<strong>les</strong> comprend un certain nombre<br />

d’espèces ou de variétés dont le type le plus commun est<br />

l’O. Rastrera Web. des llanos de l’État de San Luis Potosi.<br />

Ne donnant pour ainsi dire pas de pro<strong>du</strong>its économiques<br />

utilisab<strong>les</strong>, <strong>les</strong> fruits en général étant petits et peu comes-<br />

tib<strong>les</strong>, il en résulte que l’action principale de cette forme plus<br />

ou moins gazonnante se porte surtout sur <strong>les</strong> attributions<br />

auxquel<strong>les</strong> répondent dans la nature la majorité des espèces<br />

naines de Cactacées.<br />

Aussi voit-on <strong>les</strong> Nopa<strong>les</strong> rastreros affecter de préférence<br />

comme habitat <strong>les</strong> sols légers et meub<strong>les</strong>, aussi bien des<br />

hauts plateaux que des plaines basses alluvionnaires lon-<br />

geant <strong>les</strong> grèves de l’Océan.<br />

Avec <strong>les</strong> formes frutescentes et arborescentes, qui cons-<br />

tituent l’essence la plus robuste et la plus xérophile des<br />

bosquets des hauts plateaux, on se trouve en présence <strong>du</strong><br />

fait accompli de la conquête et de la prise de possession <strong>du</strong><br />

sol, étape pendant laquelle la végétation normale peut alors<br />

s’établir et s’associer dans l’oeuvre commune d’où pourra<br />

dans la suite résulter l’établissement spontané et définitif<br />

de la véritable forêt.<br />

Il est difficile d’établir une ligne de transition bien<br />

marquée entre <strong>les</strong> deux formes érigées, car <strong>les</strong> formes<br />

arbustives de Platyopuntia ont toujours une tendance à


Fig. 33. — Opuntia Rastrera Web. (nom vulgaire : Nopal rastrero)<br />

parmi la broussaille, à la lisière d’une forêt.<br />

Puerto Angel (État de Oaxaca).


chapitRe vii 105<br />

abandonner avec l’âge l’allure buissonnante pour se cons-<br />

tituer un tronc parfois unique au sommet <strong>du</strong>quel viendront<br />

se diviser <strong>les</strong> premières ramifications 1 .<br />

Dans la conformation arbustive, l’axe central, à son départ<br />

<strong>du</strong> sol, au lieu de s’étendre horizontalement comme chez <strong>les</strong><br />

Nopa<strong>les</strong> rastreros, s’élève progressivement en donnant lieu<br />

à une abondante ramification d’artic<strong>les</strong>, qui s’implantant<br />

<strong>les</strong> uns sur <strong>les</strong> autres dans n’importe quelle direction,<br />

arrivent à figurer des buissons dont le dispositif est souvent<br />

le plus capricieusement désordonné.<br />

Cette allure constitue en majeure partie <strong>les</strong> buissonne-<br />

ments et <strong>les</strong> fourrés des bosquets désertico<strong>les</strong> des hautes<br />

altitudes, elle est surtout représentée par <strong>les</strong> formes bien<br />

typiques de l’O. Ficus-indica Mill. et de l’O. Tuna Mill.,<br />

types assez bien caractérisés morphologiquement, auxquels<br />

correspondent <strong>les</strong> nombreuses variétés ou espèces affines,<br />

que l’on désigne vulgairement dans le pays sous <strong>les</strong> déno-<br />

minations vagues de Nopa<strong>les</strong> monteses ou cimarones et qui,<br />

considérées en tant qu’espèces distinctes, furent décrites :<br />

dans la première catégorie sous <strong>les</strong> noms d’O. maxima Mill.,<br />

lanceolata Haw., Tapona Engelm., Amyclæa Ten., etc., et<br />

dans la seconde sous ceux d’O. Tuna Mill., Dillenii Haw.,<br />

Engelmannii Salm-Dyck, etc.<br />

La forme arborescente se caractérise par un tronc souvent<br />

bien dressé et cylindrique, d’où partent à une certaine hau-<br />

teur des ramifications en artic<strong>les</strong>, de façon à prendre l’aspect<br />

d’un arbre présentant une cime plus ou moins étalée en<br />

forme de parasol. Cette allure arborescente dont l’O. Xoconostle<br />

Web., montre le type le plus parfait (fig. 34) est celle<br />

à laquelle appartient l’O. Cardona Web., qui, comme on l’a<br />

1. Le milieu joue un rôle notable dans <strong>les</strong> modifications que peut<br />

subir l’allure des Platyopuntia, ainsi qu’il est facile de l’observer sur<br />

<strong>les</strong> représentants des formes buissonnantes, lorsque le hasard <strong>les</strong> a<br />

fait végéter parmi la haute futaie ou dans quelque endroit ombragé.<br />

Dans ces conditions de végétation, la plante a une tendance à s’élever<br />

pour gagner <strong>les</strong> situations où la lumière est plus intense ; elle constitue<br />

alors un fut souvent unique et plus ou moins irrégulier à l’extrémité<br />

<strong>du</strong>quel surgissent seulement des bouquets d’artic<strong>les</strong>.


106 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

vu dans un chapitre précédent, joue un rôle prépondérant<br />

sur le territoire privilégié des Cactacées à tige comprimée et<br />

que <strong>les</strong> Nahuatls dans leur taximonie botanique plaçaient<br />

parmi <strong>les</strong> Quahunochtli 1 .<br />

Les artic<strong>les</strong> des Platyopuntia présentent des particularités<br />

assez accusées ; quoique parfois ils affectent un contour cir-<br />

culaire, ils sont dans la majorité des cas franchement<br />

elliptiques, en décrivant alors une courbe plus ou moins<br />

régulière et plus ou moins allongée, dans cette dernière<br />

disposition, le diamètre transversal peut être plus grand<br />

au centre, à l’extrémité ou à la hase ; cette dernière confor-<br />

mation n’a jusqu’ici été bien constatée que sur l’O. linguiformis<br />

Griff. 2 . Les faces parallè<strong>les</strong> des artic<strong>les</strong> varient également<br />

; tantôt el<strong>les</strong> sont parfaitement planes, tantôt plus<br />

ou moins bombées, tantôt enfin el<strong>les</strong> affectent une tendance<br />

bien marquée à l’incurvation de façon à donner des artic<strong>les</strong><br />

convexo-concaves.<br />

La fleur, très homogène chez toutes <strong>les</strong> espèces de Platyopuntia,<br />

ne fournit guère de caractères distinctifs pour la<br />

spécification que par sa coloration, qui varie alors <strong>du</strong> jaune<br />

au rose plus ou moins atténué.<br />

Il en est à peu près de même avec le fruit qui peut, d’après<br />

sa conformation, se diviser en deux catégories : <strong>les</strong> fruits<br />

globuleux et <strong>les</strong> fruits allongés, ces derniers en outre peuvent<br />

donner, selon <strong>les</strong> espèces, une pulpe très charnue et très<br />

aqueuse, ou, faisant à peu près défaut, présenter une cons-<br />

titution sèche. Cette dernière considération a surtout son<br />

intérêt si l’on se place à un point de vue écologique. Quant<br />

aux colorations que peuvent revêtir <strong>les</strong> fruits, el<strong>les</strong> n’ont<br />

que fort peu d’importance, car el<strong>les</strong> varient dans de très<br />

1. Dans la formation et la structure <strong>du</strong> tronc de l’allure vraiment<br />

arborescente, on voit <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> qui entrent dans sa constitution<br />

perdre progressivement leur aplatissement et devenir cylindriques ;<br />

l’accroissement régulier <strong>du</strong> diamètre de la partie axiale s’efface alors,<br />

et fait complètement disparaître <strong>les</strong> étranglements qui séparaient <strong>les</strong><br />

artic<strong>les</strong>.<br />

2. david gRiFFiths. — Illustrated studies in the genus Opuntia (in<br />

Missouri botanical Garden Nineteenth annual Report, p. 270. 1908).


chapitRe vii 107<br />

notab<strong>les</strong> limites chez <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its d’une même espèce, el<strong>les</strong><br />

ne peuvent guère servir souvent qu’à identifier des variétés.<br />

Fig. .34. — Opuntia Joconostle Web.<br />

Hacienda de Huejotitlan. Environs <strong>du</strong><br />

lac de Chapala (État de Jalisco).<br />

Les aiguillons fournissent des caractères un peu plus<br />

certains et c’est surtout à eux que l’on a eu recours, pour<br />

établir <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> subdivisions des Platyopuntia et <strong>les</strong>


108 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

répartir en cinq groupes assez faci<strong>les</strong> à différencier à pre-<br />

mière vue.<br />

1° Pubescents : Les aiguillons bien constitués font défaut<br />

et sont remplacés sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> par des pinceaux touffus<br />

de courtes sétu<strong>les</strong> (O. microdasys Pfeiff.) ;<br />

2° Crinifères ou Chætophores : Les aiguillons chez <strong>les</strong><br />

espèces qui constituent cette catégorie sont sétacés ou crini-<br />

formes, ils donnent à la surface des artic<strong>les</strong> un aspect<br />

laineux, ou plus pittoresquement comme l’expriment <strong>les</strong><br />

Nahuatls par le mot Tocahuitli, d’un recouvrement de toi<strong>les</strong><br />

d’araignées (O. orbiculata Salm-Dyck) ;<br />

3° Flavispinés et Fulvispinés : Les aiguillons dans ces<br />

deux formes varient <strong>du</strong> jaune d’or à la teinte plus ou moins<br />

fauve, c’est à l’une de ces catégories qu’appartient le Cotzic-<br />

nopalxochitl des Nahuatls et dont le type le plus carac-<br />

térisé est l’O. Tuna Mill. et ses variétés ;<br />

4° Albispinés : Caractérisés par des aiguillons blancs bien<br />

constitués (O. Cardona Web.) ;<br />

5° Subinermes : Comprend tout le groupe possédant des<br />

artic<strong>les</strong> épais avec aréo<strong>les</strong> presque inermes portant des<br />

sétu<strong>les</strong> barbelées et quelques aiguillons plus ou moins rares,<br />

c’est à cette forme que correspond l’O. Ficus-indica Mill.<br />

En général <strong>les</strong> Platyopuntia se montrent extrêmement<br />

polymorphes et <strong>les</strong> caractères que l’on peut tirer de leurs<br />

organes sexuels ainsi que de la structure des tiges et même<br />

de leur armature épineuse 1 sont insuffisants dans l’état<br />

actuel des choses, pour une spécification rigoureuse de ses<br />

représentants, c’est même à l’interprétation inconsidérée de<br />

ces caractères que l’on doit surtout attribuer la description<br />

de si nombreuses espèces.<br />

Il est de toute évidence que l’on ne pourra arriver à une<br />

révision exacte de ces plantes que lorsque seulement el<strong>les</strong><br />

auront été soumises à une culture poursuivie très métho-<br />

diquement, laquelle permettra alors de réunir sous le cou-<br />

1. Voir à ce sujet la critique de webeR : Le Figuier de Barbarie<br />

(Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation, 48 e ann., p. 11, 1900).


chapitRe vii 109<br />

vert d’espèces bien caractérisées toutes <strong>les</strong> séries de variétés<br />

dont <strong>les</strong> termes extrêmes sont si dissemblab<strong>les</strong> dans leur<br />

morphologie générale.<br />

Ce polymorphisme, qui montre clairement un sous-genre<br />

en voie de mutation, est non seulement la conséquence<br />

d’influences séculaires <strong>du</strong> sol, de l’atmosphère, de la lumière,<br />

mais aussi d’hybridations qui peuvent s’effectuer plus ou<br />

moins accidentellement entre des variétés et même des<br />

espèces dont la floraison a lieu à la même époque. Pour ce<br />

qui est de l’hybridation, elle doit, dans une large mesure,<br />

être attribuée à l’intervention des insectes, soit par ceux qui<br />

vivent en parasites sur la plante 1 , soit par ceux qui viennent<br />

régulièrement visiter et butiner <strong>les</strong> fleurs. Parmi ces der-<br />

niers ce sont surtout <strong>les</strong> Hyménoptères qui se montrent <strong>les</strong><br />

plus efficaces ; cette fonction, comme le montre la nature,<br />

s’accomplit alors aussi bien avec l’aide de ceux qui ont une<br />

vie solitaire que par ceux qui se constituant en colonie,<br />

habitent à poste fixe <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de la plante.<br />

Avec <strong>les</strong> premiers, ce sont <strong>les</strong> transports à grande dis-<br />

tance, avec <strong>les</strong> seconds au contraire c’est l’action limitée à<br />

un faible périmètre d’où pourra dans certains cas résulter<br />

même l’entretien et la conservation de l’espèce ou de la<br />

variété. En effet dans ces rapports mutuels entre le végétal<br />

et l’animal, ce dernier trouve à pied d’oeuvre pour son mode<br />

d’existence, non seulement l’eau, l’aliment et <strong>les</strong> matériaux<br />

de construction de son habitation, mais aussi avec l’armature<br />

épineuse des artic<strong>les</strong> un camp fortifié qui, tout en lui per-<br />

mettant de se soustraire aux dévastations de ses propres<br />

ennemis, lui offre en même temps <strong>les</strong> moyens d’exercer<br />

pour le compte de la Cactacée une active surveillance <strong>du</strong><br />

domaine, afin d’en éloigner <strong>les</strong> convoyeurs de pollens<br />

étrangers.<br />

Ces faits sur <strong>les</strong>quels nous aurons l’occasion de revenir<br />

1. Voir au sujet des insectes particuliers des Opuntia le mémoire<br />

de hunteR, pRatt et mitchell : The principal Cactus insects of the United<br />

States, U.S. Department of Agriculture, Bureau of Entomology (Bulletin<br />

n° 113, 1912).


110 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

dans le cours de cet ouvrage sont indiqués ici très sommai-<br />

rement afin de faire entrevoir seulement <strong>les</strong> principa<strong>les</strong><br />

causes auxquel<strong>les</strong> répond le polymorphisme des Platyopuntia<br />

; cette particularité n’avait pas échappé à l’esprit<br />

observateur des anciens Mexicains, aussi ceux-ci en avaient-<br />

ils tiré un parti avantageux dans leurs procédés de culture.<br />

Les Platyopuntia constituent dans le genre auquel ils<br />

appartiennent, le sous-genre qui fournit aux indigènes un<br />

des pro<strong>du</strong>its <strong>les</strong> plus recherchés dans leur consommation<br />

fruitière, aussi leur exploitation, à certaines époques de<br />

l’année, donne-t-elle lieu à des entreprises de récoltes et d’in-<br />

<strong>du</strong>stries rémunératrices.<br />

Comme on l’a vu au chapitre des stations de Cactacées,<br />

<strong>les</strong> Platyopuntia fournissent deux fructifications pendant le<br />

cours de l’année, ce qui est une réelle ressource pour <strong>les</strong><br />

pays pauvres et désolés où ils exercent surtout leur influence.<br />

De plus, dans certains endroits particulièrement privilégiés,<br />

ces deux pro<strong>du</strong>ctions qui ont lieu l’une à la fin <strong>du</strong> printemps,<br />

l’autre pendant le cours de l’automne, peuvent <strong>du</strong>rer un<br />

certain temps et arriver à se confondre de façon à offrir<br />

une récolte à peu près continue pendant presque la moitié<br />

de l’année.<br />

Cette surpro<strong>du</strong>ction naturelle et localisée fut jadis un<br />

appoint sérieux dans la subsistance des nombreuses tribus<br />

d’Indiens sauvages peuplant alors <strong>les</strong> plateaux désertiques<br />

des régions Nord-Est <strong>du</strong> Mexique 1 .<br />

Tous <strong>les</strong> Platyopuntia ne sont pas aptes à fournir<br />

des pro<strong>du</strong>its utilisab<strong>les</strong> dans l’alimentation, beaucoup des<br />

espèces qui composent cet important sous-genre ne donnent<br />

que des fruits secs ne contenant que peu ou point de pulpe<br />

comestible.<br />

Le nombre des types fruitiers que comporte ce sous-genre<br />

est assez restreint et c’est tout au plus si l’on compte quatre<br />

ou cinq espèces bien définies, capab<strong>les</strong> de donner des pro-<br />

1. Consulter à ce sujet aRlegui : Cronica de la Provincia de N. S. P.<br />

San Francisco de Zacatecas, et alegRe : Historia de la Compania de<br />

Jesus en Mexico.


chapitRe vii 111<br />

<strong>du</strong>its suffisamment appréciés pour motiver une entreprise<br />

d’exportation 1 .<br />

Ces derniers sont alors représentés par l’O. Cardona Web.,<br />

l’O. robusta Wendl., l’O. leucotricha DC., l’O. Joconostle<br />

Web., l’O. Ficus-indica Mill.<br />

O. Cardona Web. (syn. O. Coindettii Web.) (fig. 16). — Ce<br />

Nopal est très bien caractérisé, il se présente sous une<br />

allure franchement arborescente, ses artic<strong>les</strong> sont assez<br />

épais, d’un ovale régulier et peu allongé, d’une couleur vert<br />

grisâtre avec aiguillons blancs.<br />

La fructification est extraordinairement copieuse et rap-<br />

pelle par son abondance celle de l’O. Tapona Engelm.,<br />

mais le fruit a l’avantage sur celui de ce dernier, d’être<br />

plutôt rafraîchissant et de ne pas occasionner d’obstruc-<br />

tions intestina<strong>les</strong> lorsqu’on en fait un usage trop prolongé.<br />

La saveur agréable des fruits de ce Platyopuntia, ainsi<br />

que leur facile conservation, <strong>les</strong> fait particulièrement appré-<br />

cier des indigènes, qui, chaque année, au moment de la<br />

maturité, organisent des expéditions pour en aller faire<br />

la moisson, soit dans un but personnel d’alimentation hygié-<br />

nique, soit pour en faire un article de vente ou d’expor-<br />

tation.<br />

Cette espèce que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />

de Tuna cardona ou Nopal cardon est remarquable par son<br />

adaptation au rude climat steptique des hauts plateaux où<br />

sous un ciel presque continuellement pur, il supporte sans<br />

inconvénient <strong>les</strong> rigueurs des extrêmes sécheresses et <strong>les</strong><br />

brusques abaissements de température <strong>du</strong>s au rayonnement<br />

nocturne, effets qui sur ces terres désolées sont <strong>les</strong> prin-<br />

cipa<strong>les</strong> causes de la stérilité permanente de la région et<br />

que <strong>les</strong> brumes passagères de l’hiver et <strong>les</strong> rares pluies orageuses<br />

de la saison estivale ne parviennent guère à atténuer<br />

que momentanément.<br />

1. Voir à ce sujet : webeR : Opuntia à fruits comestib<strong>les</strong> (Bulletin<br />

de la Société d’Acclimatation, p. 261, 1896) ; david gRiFFiths et haRe :<br />

The tuna as food for man, U. S. Department of Agriculture, Bureau of<br />

plant in<strong>du</strong>stry (Bulletin n’ 116, 1907) ; palmeR: Opuntia fruit as an<br />

article for food (West american scientist, vol. 6, p. 67, 1889).


112 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

On rencontre ce Nopal plus particulièrement dans <strong>les</strong><br />

États de Zacatecas, Durango, Aguas Calientes, Queretaro et<br />

San Luis Potosi, mais son aire de dispersion est plus consi-<br />

dérable et on peut lui assigner dans une large mesure, sur<br />

la partie centrale <strong>du</strong> Mexique, une éten<strong>du</strong>e comprise entre<br />

la frontière méridionale des États-Unis et la partie nord de<br />

l’État d’Oaxaca, zone délimitée au nord par le rio Bravo<br />

del Norte et au sud par le cours supérieur <strong>du</strong> rio Balsas.<br />

Comme cette espèce est peu sujette à des variations mor-<br />

phologiques, on ne la soumet guère à la culture régulière,<br />

bien souvent on se contente de s’en servir comme clôture,<br />

dispositif de semi-culture qui permet alors de faire faci-<br />

lement la récolte des fruits.<br />

Comme variété on peut citer surtout celle que <strong>les</strong> indi-<br />

gènes désignent sous le nom de Nopal Harton et qui paraît<br />

plus particulièrement adaptée au climat plus froid et plus<br />

humide des versants montagneux <strong>du</strong> Michoacan et de l’État<br />

de Mexico ; là, cette variété est soumise au régime estival<br />

régulier des pluies et en hiver à des alternatives de sèche-<br />

resse et d’humidité ; ces dernières sont <strong>du</strong>es aux brumes se<br />

condensant, ou aux gelées et neiges pouvant parfois per-<br />

sister pendant plusieurs jours (fig. 35).<br />

On peut encore rattacher à cette variété d’autres formes<br />

se rencontrant dans <strong>les</strong> mêmes localités et qui paraissent<br />

bien appartenir au même groupe ; ce sont <strong>les</strong> variétés ou<br />

espèces très affines que <strong>les</strong> indigènes désignent sous <strong>les</strong><br />

noms de Nopal chaveno, Caidillo, Cascaron, Sirgo, Canuto,<br />

gigantillo, etc. Ces formes, quoique toujours arborescentes<br />

et pro<strong>du</strong>isant des fruits à peu près semblab<strong>les</strong>, se diffé-<br />

rencient surtout dans leur allure particulière et dans l’allon-<br />

gement plus ou moins prononcé des artic<strong>les</strong>.<br />

Dans la nature des régions sèches, l’O. Cardona, grâce à<br />

sa robuste constitution, joue un rôle prépondérant ; son port<br />

relativement élevé en fait une plante d’assez haute futaie<br />

qui est susceptible de fournir l’abri et la protection aux<br />

sous-bois constitués par <strong>les</strong> spécimens de Cactacées de<br />

moindre importance et <strong>les</strong> formes frutescentes et buissonn-<br />

antes de la végétation normale déserticole.


8<br />

Fig. 35. — Variété d’Opuntia Cardona Web.<br />

dite Nopal Harton.


114 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

L’O. Cardona a été souvent confon<strong>du</strong> avec l’espèce décrite<br />

en 1839 par Lemaire sous le nom d’O. streptacantha, mais<br />

d’après le D r Weber qui a partagé un moment cette confusion<br />

et l’a ensuite rectifiée 1 , ces deux espèces quoique<br />

affines doivent être maintenant considérées comme bien<br />

distinctes.<br />

O. robusta Wendl. (syn. O. flavicans Lemaire). — Cet<br />

Opuntia se rencontre dans <strong>les</strong> mêmes localités que la précédente<br />

espèce, mais affecte plus particulièrement <strong>les</strong><br />

endroits moins secs et paraît se développer de préférence<br />

sur <strong>les</strong> versants des montagnes des États de Queretaro,<br />

Michoacan, Mexico, où on le cultive couramment comme<br />

arbre fruitier principalement sous cette forme inerme que<br />

<strong>les</strong> indigènes désignent sous le nom de Tuna camuesa<br />

(fig. 36) 2 .<br />

Le D r Weber avait considéré d’abord cette variété inerme<br />

comme constituant une espèce distincte et l’avait nommée<br />

provisoirement, sans la publier, O. Larreyi, puis ensuite,<br />

O. Camuessa Web.; ce n’est qu’après avoir fait une plantation<br />

par semis, qui lui donna des spécimens épineux,<br />

qu’il fut amené à reconnaître l’identité de la Tuna camuesa<br />

avec l’espèce décrite en 1835 par Wendland.<br />

Cet Opuntia est très vigoureux, mais s’élève peu en hauteur,<br />

il possède des artic<strong>les</strong> orbiculaires plus ou moins<br />

allongés, quelquefois presque ronds ; ils sont épais et très<br />

charnus, de couleur vert clair (fig. 37), <strong>les</strong> fruits sont assez<br />

gros, subglobuleux, d’une teinte pouvant varier <strong>du</strong> clair<br />

glaucescent au rouge sang, ils possèdent une saveur fraîche<br />

et parfumée qui <strong>les</strong> fait apprécier des indigènes.<br />

Le Nopal camueso fait l’objet d’une certaine culture, mais<br />

celle-ci se trouve forcément limitée par suite des soins<br />

presque continuels que l’on est obligé de donner à la plante.<br />

On plante habituellement ce Nopal à proximité des habi-<br />

tations et on le défend par des clôtures contre la voracité<br />

<strong>du</strong> bétail et des animaux domestiques. Comme <strong>les</strong> tiges, en<br />

1. Bulletin de la Société d’Acclimatation, p. 5, 1900.<br />

2. Le nom de Camuesa est employé par <strong>les</strong> Espagnols pour désigner<br />

une pomme de choix.


chapitRe vii 115<br />

général peu consistantes, sont sujettes à se rompre sous<br />

leur propre poids lorsque le végétal a atteint un trop grand<br />

développement, on est obligé souvent de <strong>les</strong> soumettre à<br />

Fig. 36. — Artic<strong>les</strong> inermes de l’Opuntia robusta Wendl.<br />

variété dite Nopal camueso.<br />

un étayage. Enfin, cette variété inerme exige, pour de<br />

bonnes conditions de végétation, un certain entretien qui<br />

consiste à maintenir <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> en parfaite propreté et à<br />

<strong>les</strong> soumettre de temps en temps à un brossage, afin d’éli-


Fig. 37. — Opuntia robusta Wendl.<br />

(Variété inerme dite Nopal camueso).<br />

Spécimen cultivé maintenu le long d’une palissade.<br />

Sierra de Tlalpujahua (État de Michoacan).


chapitRe vii 117<br />

miner <strong>les</strong> sétu<strong>les</strong> qui se sont développées sur leurs surfaces.<br />

L’O. robusta se rencontre dans la nature sous la forme épineuse<br />

et la forme inerme (fig. 38) ; cette dernière n’est donc<br />

Fig. 38. — Opuntia robusta Wendl.<br />

Variété inerme dite Nopal camueso croissant à l’état sauvage<br />

sur un rocher.<br />

Sierra de Tlalpujahua (État de Michoacan).<br />

pas une variété obtenue par la culture, mais, néanmoins,<br />

lorsqu’on veut la propager, on a toujours recours au bou-<br />

turage d’un article sélectionné. Lorsque l’on sème, comme<br />

l’a fait le D r Weber, <strong>les</strong> graines de la variété inerme, on


118 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

obtient toujours une série d’intermédiaires se différenciant<br />

par leur armature épineuse.<br />

Cette variabilité dans l’armature défensive des artic<strong>les</strong><br />

se constate également dans la nature où l’on rencontre<br />

souvent, voisinant dans <strong>les</strong> mêmes parages, des spécimens<br />

inermes et d’autres, au contraire, offrant des aréo<strong>les</strong> plus<br />

ou moins fournies en aiguillons et en pinceaux de sétu<strong>les</strong>.<br />

Ce fait paraît bien indiquer que cette espèce, qui est<br />

beaucoup moins répan<strong>du</strong>e que ses congénères, doit, con-<br />

trairement à ceux-ci, se propager à l’état sauvage plus par<br />

ses graines que par des bouturages accidentels.<br />

L’O. robusta a été rangé dans le groupe des Albispinés ;<br />

mais sur <strong>les</strong> plants résultant de semis, le D r Weber a<br />

constaté que l’on trouvait des spécimens ayant des aiguil-<br />

lons et des sétu<strong>les</strong> d’une couleur rousse plus ou moins<br />

accentuée, ce qui vient alors démontrer combien <strong>les</strong> carac-<br />

tères tirés des aiguillons sont variab<strong>les</strong> et combien la classi-<br />

fication basée sur eux est quelquefois aléatoire 1 .<br />

O. leucotricha DC. — Cette espèce (fig. 39) est désignée<br />

vernaculairement sous le nom de Nopal <strong>du</strong>raznillo ou Tuna<br />

<strong>du</strong>raznillo ; elle est très appréciée des indigènes qui en font<br />

une culture assez importante à cause de la qualité de ses<br />

fruits dont la saveur, plus agréable que celle des autres<br />

Tunas, offre un léger parfum de citron.<br />

L’O. leucotricha fleurit en juin et donne une fleur jaune<br />

pâle, diurne, s’épanouissant en plein soleil et pouvant <strong>du</strong>rer<br />

plusieurs jours ; le fruit est subglobuleux, assez gros, d’une<br />

couleur fauve clair, ce qui lui donne l’aspect d’une pêche<br />

jaune, et qui <strong>du</strong> reste lui a valu le nom indigène de Duraznillo<br />

(petite pêche).<br />

Les artic<strong>les</strong> sont recouverts d’aiguillons plus ou moins<br />

sétacés ou criniformes d’une teinte blanchâtre, caractère<br />

qui a fait ranger cet Opuntia dans le groupe des Chætophores<br />

2 .<br />

1. webeR.— Bulletin de la Société d’Acclimatation, 48e ann., p. 11, 1900.<br />

2. webeR. — Le Duraznillo des Mexicains, Opuntia leucotricha et ses<br />

espèces voisines (Bulletin de la Société d’Acclimatation, 50 e ann., p. 69.<br />

1902).


Fig. 39. — Opuntia leucotricha DC.<br />

(Nom vulgaire : Duraznillo).<br />

Plateaux désertiques de l’État de San Luis Potosi.


120 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Il existe deux variétés de Nopal <strong>du</strong>raznillo, l’une donnant<br />

un fruit à pulpe blanche, l’autre à pulpe rouge ; c’est la<br />

première qui est la plus estimée.<br />

L’O leucotricha a une allure plutôt arborescente que frutescente<br />

; lorsqu’il est parfaitement a<strong>du</strong>lte, il peut atteindre<br />

une taille de plus de 3 mètres. On le rencontre à l’état sau-<br />

vage, principalement dans <strong>les</strong> États de Zacatecas et de San<br />

Luis Potosi, où on l’entretient parmi <strong>les</strong> autres cultures de<br />

Cactacées exploitées pour la pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />

O. Joconostle Web. - Cette espèce (fig. 34), que l’on<br />

désigne vulgairement sous <strong>les</strong> noms de Joconostle, Xoconostle,<br />

Tuna blanca, Trimpanilla, etc., est remarquable par<br />

son allure arborescente qui semble être plus parfaite que<br />

chez n’importe quelle autre forme de Platyopuntia mexicain.<br />

C’est une espèce, en général, de moyenne stature, dont<br />

l’élévation ne dépasse guère 2 mètres et demi, elle possède<br />

une ramification habituellement compacte et touffue qui<br />

vient souvent former une cime étalée au sommet d’un tronc<br />

droit, cylindrique, d’une couleur grisâtre, et d’un diamètre<br />

d’une vingtaine de centimètres.<br />

Ce Nopal se développe, en général, sur un sol assez acci-<br />

denté et recouvert d’épais fourrés buissonneux, conséquences<br />

de milieu, qui semblent bien influencer quelque peu sur le<br />

modelé et la conformation de la plante.<br />

Les artic<strong>les</strong> sont petits, ova<strong>les</strong>, d’une forme plus ou moins<br />

régulière, l’épiderme est lustré, d’une couleur vert clair<br />

tirant sur le jaune, <strong>les</strong> aiguillons sont blancs, inégaux en<br />

longueur. La fleur est jaune, <strong>les</strong> fruits subglobuleux, d’en-<br />

viron 2 centimètres de diamètre, contenant une pulpe par-<br />

fumée légèrement acide, de couleur rosée.<br />

On rencontre cette espèce, qui paraît surtout adaptée au<br />

climat tempéré des plateaux d’une altitude de 1.500 mètres,<br />

où le régime des pluies est régulier, dans <strong>les</strong> États de Jalisco,<br />

Queretaro et Michoacan ; elle ne paraît pas être l’objet d’une<br />

culture importante, <strong>les</strong> indigènes qui ont coutume d’appro-<br />

visionner <strong>les</strong> marchés vont habituellement faire leur récolte<br />

dans <strong>les</strong> montagnes.


chapitRe vii 121<br />

Les fruits de la Tuna Joconostle sont d’autant plus appréciés<br />

qu’ils apparaissent en mars, époque où tous <strong>les</strong> fruits<br />

frais font complètement défaut, ils constituent alors une<br />

heureuse primeur qui vient faire la transition entre la fructi-<br />

fication d’arrière-saison <strong>du</strong> Pereskiopsis aquosa et celle des<br />

Platyopuntia de pro<strong>du</strong>ction courante, avantage précieux<br />

pour certains indigènes qui, pour des raisons hygiéniques,<br />

ont coutume, dans leur alimentation journalière, de faire<br />

usage de fruits de Cactacées.<br />

O. Ficus-indica Mill. (fig. 40). — Cette espèce est la plus<br />

connue de tous <strong>les</strong> Platyopuntia dont elle est le type. Ce qui<br />

la rend remarquable, c’est son caractère de plante adven-<br />

tice, il est impossible de lui assigner un lieu d’origine<br />

bien défini, car on la rencontre dans toutes <strong>les</strong> régions<br />

chaudes et tempérées des deux Amériques ; tous <strong>les</strong> ter-<br />

rains paraissent lui convenir, pourvu qu’ils soient bien<br />

ensoleillés et pas trop humides.<br />

Rapportée en Europe lors de la première expédition de<br />

Christophe Colomb, elle ne tarda pas à se naturaliser pour<br />

ainsi dire d’elle-même dans le midi de l’Europe, et à se<br />

propager à l’état sauvage dans tous <strong>les</strong> endroits où le hasard<br />

lui avait permis de prendre pied.<br />

La nature très épineuse de la plante et <strong>les</strong> qualités de ses<br />

fruits la firent comparer tantôt à un Chardon, tantôt à un<br />

Figuier, d’où lui vinrent alors <strong>les</strong> dénominations vulgaires<br />

de Cardasse, Chardon indien, Ensade, Figuier indien,<br />

Figuier de Barbarie ou Figuier à raquettes (France), Fico<br />

de India (Italie), Higuera Chumba ou Chumbera (Andalousie),<br />

Higo de Mauro (Catalogne), Figuier des Francs<br />

(Grèce), etc. Les Arabes, lorsqu’ils connurent ce Figuier<br />

d’un nouveau genre, à la suite <strong>du</strong> retour des Maures dans<br />

la mère patrie, lui donnèrent le nom de Figuier des Chrétiens<br />

(Karnous enn N’sarra [nazaréens]).<br />

J. Eusebio Llano y Zapata, dans ses Memorias fisicas<br />

criticoapologicas de America méridional, fait mention <strong>du</strong><br />

premier Figuier d’Inde planté en Espagne, et il ajoute que<br />

<strong>les</strong> spécimens que l’on essaya à Séville donnèrent de si


122 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

mauvais résultats qu’on <strong>les</strong> nomma alors Figuiers <strong>du</strong><br />

diable 1 .<br />

Il est présumable que ce premier essai de naturalisation<br />

<strong>du</strong> végétal rapporté des Antil<strong>les</strong> fut exécuté par semis, d’où<br />

il en résulta des sauvageons qui ne rappelaient en rien <strong>les</strong><br />

merveilleuses qualités économiques qu’exaltèrent, proba-<br />

blement avec exagération, <strong>les</strong> compagnons <strong>du</strong> célèbre navi-<br />

gateur.<br />

Cet insuccès de début ne paraît pas avoir entravé l’entre-<br />

prise de culture <strong>du</strong> Figuier d’Inde en Europe, car celui-ci<br />

ne tarda pas à se multiplier sur tout le territoire de l’Anda-<br />

lousie, grâce à l’esprit d’initiative des Maures qui formaient<br />

dans cette province une importante population de culti-<br />

vateurs et qui surent apprécier, à leur juste valeur, tous <strong>les</strong><br />

avantages et <strong>les</strong> utilités que ce Figuier d’une nouvelle nature<br />

était susceptible de fournir aux terrains incultes soumis à<br />

l’action desséchante d’un soleil brûlant.<br />

C’est à la prédilection marquée des Maures pour le fruit<br />

de ce végétal étrange que l’on attribue le nom de Figuier<br />

des Maures (Higo de Mauros) que lui donnèrent <strong>les</strong><br />

Catalans.<br />

Lorsqu’en 1610, sous le règne de Philippe III, <strong>les</strong> descen-<br />

dants des Maures furent définitivement chassés d’Espagne<br />

et retournèrent s’établir dans leur pays d’origine, ils empor-<br />

tèrent avec eux le Figuier d’Inde et le propagèrent dans<br />

tout le nord <strong>du</strong> continent africain.<br />

Pendant le siècle et quart qui s’écoula entre l’époque de<br />

la découverte de l’Amérique et l’exode des envahisseurs de<br />

la péninsule ibérique, le Figuier des Indes occidenta<strong>les</strong> ne<br />

se cantonna pas sur son point d’importation, il se propagea<br />

même d’une façon assez rapide et assez régulière dans le<br />

sud de l’Europe.<br />

On peut dès lors, sur cette région, le suivre gagnant de<br />

1. Manuscrit mentionné par le Père baRnabe cobo dans son<br />

Historia del Nuevo Mundo, 1652, où l’auteur dit textuellement : « El<br />

primer fruto de este especie de tuna se sembro en Sevilla, donde dio<br />

unos malissimos que se hicieron queselleman se Higos del diablo ».


Fig. 40. — Opuntia Ficus-indica Mill.<br />

cultivé auprès d’une habitation.<br />

Tlalpujahua État de Michoacan).


124 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

proche en proche, sous le couvert d’appellations diverses,<br />

la France méridionale, l’Italie, le Tyrol, la Dalmatie, la<br />

Grèce et <strong>les</strong> archipels méditerranéens. C’est surtout dans<br />

<strong>les</strong> Calabres, et principalement en Sicile, qu’il se révéla<br />

comme une plante in<strong>du</strong>strielle de premier ordre, ce qui,<br />

au xviii e siècle, fit dire au célèbre agronome Adrien de<br />

Gasparin que : « La manne, la Providence de la Sicile, c’est<br />

le Figuier d’Inde ».<br />

La dispersion de la plante grasse originaire d’Amérique<br />

ne se limita pas au littoral méditerranéen, elle s’étendit<br />

également à toutes <strong>les</strong> zones plus ou moins sèches ou tor-<br />

rides <strong>du</strong> globe.<br />

Cette intro<strong>du</strong>ction sur <strong>les</strong> terres <strong>les</strong> plus reculées se fit<br />

alors par l’entremise des navigateurs qui, entre le xvi e et<br />

le xviii e siècle, préconisèrent <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> jeunes et tendres<br />

<strong>du</strong> Nopal pour le traitement des affections scorbutiques qui<br />

sévirent avec tant de violence sur <strong>les</strong> équipages des flottes<br />

faisant <strong>les</strong> longues expéditions de l’Océan Pacifique.<br />

Dans le but d’un approvisionnement régulier de la pré-<br />

cieuse denrée qui, en dehors de son application médicale,<br />

pouvait encore servir pour une alimentation végétale, facile<br />

à conserver à l’état frais en toute saison, <strong>les</strong> marins entre-<br />

tenaient des plantations de Figuier d’Inde aux différents<br />

endroits d’escale.<br />

Il en résulta alors la création fortuite de centres de dis-<br />

persion, d’où l’O. Ficus-indica put spontanément et progressivement<br />

s’étendre sur <strong>les</strong> situations à sa convenance des<br />

côtes orienta<strong>les</strong> de l’Asie et de l’Afrique, au point de devenir<br />

là aussi abondamment répan<strong>du</strong> que sur le littoral médi-<br />

terranéen.<br />

Ce résumé historique de la prise de possession de<br />

l’O. Ficus-indica sur l’Ancien Continent montre bien le<br />

caractère de plante adventice et envahissante qui lui est<br />

propre et qui suffit, au point de vue biologique, pour le<br />

différencier des autres Platyopuntia économiques importés<br />

depuis longtemps et qui, quoique plantés dans <strong>les</strong> mêmes<br />

conditions, ne sont pas sortis <strong>du</strong> domaine des cultures<br />

fruitières.


chapitRe vii 125<br />

Un autre fait intéressant et bien caractéristique de cette<br />

Cactacée devenue cosmopolite est son extraordinaire polymorphisme,<br />

qui se manifeste aussi bien dans son pays<br />

d’origine, que dans ceux où le hasard a amené sa naturalisation.<br />

Les nombreuses variétés de l’O. Ficus-indica se montrent<br />

parfois très différentes <strong>les</strong> unes des autres, c’est ce qui a<br />

fait décrire comme espèces distinctes <strong>les</strong> O. Amyclæa Ten.,<br />

Tapona Engelm., decumana Haw., elongata Haw., que le<br />

Dr Weber considère seulement comme des types dissemblab<strong>les</strong><br />

d’une unique espèce 1 , car on retrouve entre eux<br />

tous <strong>les</strong> termes de transition qui, parfois, peuvent se trouver<br />

réunis sur un même exemplaire. Ce phénomène, qui n’est<br />

pas très rare, doit vraisemblablement s’attribuer, partie à<br />

des croisements, partie à des retours ataviques si <strong>les</strong> exemplaires<br />

sont issus de semis.<br />

La variabilité de l’O. Ficus-indica porte surtout, d’une<br />

façon très apparente, sur la constitution défensive de ses<br />

artic<strong>les</strong> et sur sa fructification.<br />

La nature médiocrement épineuse de ses artic<strong>les</strong> a fait<br />

ranger cette espèce dans le groupe des Platyopuntia subinermes.<br />

Les aréo<strong>les</strong>, en outre des sétu<strong>les</strong> barbelées dont<br />

el<strong>les</strong> sont presque toujours pourvues et qui sont une<br />

caractéristique <strong>du</strong> genre Opuntia, peuvent présenter des<br />

aiguillons assez bien conditionnés chez certaines variétés<br />

(O. Amyclæa), tandis que chez d’autres, ils peuvent se<br />

montrer plus ou moins ré<strong>du</strong>its en nombre ou plus ou moins<br />

atrophiés et même disparaître complètement comme, par<br />

exemple, dans la forme inerme que l’on désigne vulgairement<br />

au Mexique sous le nom de Tuna mansa pelona.<br />

Les natures épineuses paraissent bien indiquer, chez <strong>les</strong><br />

variétés de l’O. Ficus-indica, des formes de résistance que<br />

l’espèce met en oeuvre pour se maintenir et se propager dans<br />

dépouvus -><br />

<strong>les</strong> situations diffici<strong>les</strong> causées par <strong>les</strong> sols ingrats dépourvus<br />

dépourvus<br />

de subsistances, tandis que <strong>les</strong> natures inermes ou très peu<br />

1. 1. Voir à ce sujet l’article Opuntia <strong>du</strong> D r webeR dans le Dictionnaire<br />

d’Horticulture de Bois, p. 893, 1898.


126 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

armées semblent surtout adaptées au régime des terres nour-<br />

ricières.<br />

Dans le premier cas, c’est l’existence précaire <strong>du</strong> végétal<br />

ré<strong>du</strong>it à une vie presque aérienne, puisant sa subsistance par<br />

l’intermédiaire des tiges ; dans le second cas, c’est le même<br />

fonctionnement physiologique auquel vient s’ajouter, d’une<br />

façon bien évidente, l’action pourvoyeuse des racines.<br />

La variabilité portant sur la fructification se manifeste<br />

sur la qualité, la quantité, la dimension et la coloration <strong>du</strong><br />

fruit, elle fournit nombre de variétés commercia<strong>les</strong> qui se<br />

vendent sur <strong>les</strong> marchés mexicains sous <strong>les</strong> noms de Tuna<br />

Alfajayuca, amarilla, americana, blanca, de Castilla, colo-<br />

rada, mansa, mexicana, morada, maranjada, pelona, ran-<br />

chera, tapona, teca, etc.<br />

La puissance d’envahissement et le polymorphisme de<br />

l’O. Ficus-indica n’ont de comparable, parmi <strong>les</strong> Platyopuntia,<br />

que cel<strong>les</strong> que présente l’O. Tuna Mill., ce qui paraît<br />

bien constituer, pour ces deux espèces affines, un groupe-<br />

ment assez bien délimité dans le sous-genre auquel ils<br />

appartiennent. Mais ces deux espèces qui ont ce point<br />

commun se différencient l’une de l’autre, dans leur allure,<br />

dans leur rôle au sein de la nature et dans la qualité de<br />

leur pro<strong>du</strong>ction.<br />

Le Figuier d’Inde ou Figuier de Barbarie, comme on le<br />

nomme plus communément aujourd’hui, possède une allure<br />

nettement frutescente et buissonnante, bien érigée et bien<br />

ramifiée qui, chez certains spécimens très âgés, peut par-<br />

venir jusqu’à un développement presque arborescent.<br />

Il ne paraît pas avoir, comme l’O Tuna, de tendance à<br />

se plier aux formes amoindries et traçantes des Nopa<strong>les</strong><br />

rastreros, ce qui, alors, dans le rôle que la nature a attribué<br />

aux Cactacées, lui fait occuper une place bien délimitée dans<br />

<strong>les</strong> étapes de la conquête spontanée <strong>du</strong> désert et de son<br />

peuplement végétal. Son allure, en quelque sorte, serait le<br />

complément de celle de l’O. Tuna, qui représenterait alors<br />

une forme moins perfectionnée.<br />

L’O. Tuna est une espèce qui reste sauvage et ne paraît


chapitRe vii 127<br />

guère s’améliorer par la culture ; ses fruits, même dans <strong>les</strong><br />

meilleures variétés, sont en général petits et peu comes-<br />

tib<strong>les</strong> ou <strong>du</strong> moins peu recherchés pour l’alimentation.<br />

L’O. Ficus-indica fournit, au contraire, une fructification<br />

de bonne qualité très appréciée des indigènes et suscep-<br />

tible de s’améliorer par la sélection et la culture.<br />

Les nombreux avantages que présente le Figuier de Barbarie<br />

en font une plante économique de premier ordre ;<br />

néanmoins, <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its et <strong>les</strong> différentes utilités qu’on<br />

peut lui demander sont toujours inférieurs à ceux que l’on<br />

peut obtenir par un choix approprié des différentes espèces<br />

de Cactacées.<br />

En somme, ce qui constitue l’intérêt et la valeur éco-<br />

nomique de cette espèce, c’est la multiplicité des appli-<br />

cations auxquel<strong>les</strong> elle peut se prêter dans de nombreux<br />

pays et sous des climats assez différents.<br />

Il résulte de ces faits que la naturalisation <strong>du</strong> Figuier de<br />

Barbarie sur de nouveaux terroirs fut souvent un très<br />

heureux événement pour ces derniers, car en dehors de sa<br />

pro<strong>du</strong>ction fruitière qui, à elle seule, vint constituer une<br />

richesse naturelle et un grand secours pour <strong>les</strong> régions<br />

déshéritées, cette plante fut utilisée avec succès, dans ses<br />

nouvel<strong>les</strong> patries, pour régénérer <strong>les</strong> sols épuisés par <strong>les</strong><br />

cultures, pour fixer <strong>les</strong> terrains ravinés par <strong>les</strong> pluies ou<br />

sujets aux éboulements et, dans une certaine mesure, pour<br />

stabiliser <strong>les</strong> terres sablonneuses. Plantée en ligne, elle<br />

constitua des haies vives et des barrières capab<strong>les</strong> de pro-<br />

téger efficacement <strong>les</strong> cultures arbustives contre <strong>les</strong> vents<br />

et la propagation des incendies ; sur <strong>les</strong> bords de la mer,<br />

elle permet de soustraire <strong>les</strong> plantations aux embruns salés<br />

et aux envahissements de sab<strong>les</strong> mouvants.


CHAPITRE VIII<br />

EXPLOITATION DES OPUNTIÉES<br />

Utilisation comme plantes potagères et comme arbres fruitiers. —<br />

Récolte des fruits et leur appropriation. — Expéditions pour<br />

la récolte. — Fruits de consommation immédiate et fruits<br />

secs. — Préparations in<strong>du</strong>striel<strong>les</strong> : Miel, Melcocha, Queso,<br />

Colonche. — Historique de ce dernier et particularité de sa<br />

fermentation.<br />

L’exploitation des Nopals constitue, aujourd’hui encore,<br />

une des entreprises agrico<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus importantes et <strong>les</strong><br />

plus rémunératrices des haciendas situées sur <strong>les</strong> régions<br />

pauvres des hauts plateaux mexicains ; cette exploitation<br />

s’effectue alors autant avec <strong>les</strong> spécimens croissant à l’état<br />

sauvage qu’avec ceux que l’on maintient par des cultures<br />

plus ou moins régulières.<br />

Il a été suffisamment exposé, au chapitre des stations des<br />

Cactacées, <strong>les</strong> ressources et <strong>les</strong> profits que <strong>les</strong> peuplades<br />

nomades et sédentaires avaient su jadis tirer des Nopals,<br />

pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir ici. Aujourd’hui,<br />

l’exploitation de cette richesse naturelle, loin d’avoir<br />

été délaissée par <strong>les</strong> populations colonisatrices, a pris, au<br />

contraire, une grande extension, au point de devenir une<br />

source de profit constante pour <strong>les</strong> haciendias établies sur<br />

ces régions en apparence déshéritées. Avec le travail des<br />

mines et l’élevage, cette entreprise assure en partie l’existence<br />

permanente d’une population nombreuse sur une<br />

vaste contrée qui, jadis, n’était occupée que par des tribus<br />

sauvages et où, faute d’eau, l’agriculture normale ne peut<br />

s’exercer que sur des endroits privilégiés, souvent assez<br />

restreints.<br />

9


130 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Au point de vue purement alimentaire, <strong>les</strong> Platyopuntia<br />

sont utilisés actuellement comme plantes potagères et<br />

comme arbres fruitiers.<br />

Dans le premier cas, ce sont <strong>les</strong> artic<strong>les</strong>, <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong><br />

fruits avant maturité qui fournissent <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its de con-<br />

sommation et qui constituent un aliment végétal encore<br />

aujourd’hui très apprécié des indigènes. Aussi, <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />

tendres de Nopal se vendent-ils couramment sur <strong>les</strong> mar-<br />

chés mexicains et sont, comme légume, acceptés sur<br />

<strong>les</strong> tab<strong>les</strong> de toutes <strong>les</strong> classes de la société, car ils se<br />

prêtent à nombre de combinaisons culinaires. Divisée en<br />

menus fragments, cuite à l’eau et à la graisse, la matière<br />

charnue de ces artic<strong>les</strong> peut, en n’importe quelle saison,<br />

remplacer <strong>les</strong> gousses tendres des Légumineuses, dont elle<br />

possède à peu de chose près <strong>les</strong> mêmes qualités nutritives.<br />

Cervantès Salazar, qui fut un chroniqueur érudit de<br />

l’époque de la colonisation espagnole, signale 1 <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />

de Nopals préparés d’une certaine manière comme étant<br />

de son temps un manger délicat, substantiel et de haut<br />

goût.<br />

On a vu plus haut que <strong>les</strong> équipages des flottes, lors des<br />

grandes expéditions <strong>du</strong> xvi e au xviii e siècle, prisaient fort<br />

ce pro<strong>du</strong>it végétal que l’on pouvait non seulement conserver<br />

presque indéfiniment à l’état frais, mais aussi faire végéter<br />

et émettre de nouveaux artic<strong>les</strong> sans avoir recours à une<br />

plantation, ce qui fut une suprême ressource pour <strong>les</strong><br />

longues traversées où l’on avait à se prémunir contre <strong>les</strong><br />

affections scorbutiques.<br />

Les fleurs sont également utilisées dans l’alimentation ;<br />

el<strong>les</strong> s’emploient alors à titre d’herbes cuites dans la condi-<br />

mentation des mets. La récolte des fleurs pour cet objet<br />

n’est souvent que la conséquence d’un traitement horticole<br />

consistant à supprimer en partie ou en totalité une des<br />

deux floraisons annuel<strong>les</strong> des Platyopuntia, afin de ne pas<br />

1. F. ceRvantes salazaR. — Cronica de Huera Espana, manuscrit<br />

<strong>du</strong> xvi e siècle conservé à la <strong>Bibliothèque</strong> nationale de Madrid, publié<br />

par FRancisco paso y tRoncoso, t. I , chap. V, p. 1 5 , Madrid. 1914.


chapitRe viii 131<br />

trop épuiser la plante par une fructification exagérée et de<br />

la forcer en même temps, par un émondage floral, à l’amé-<br />

lioration de sa pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />

Le recours aux Platyopuntia, comme plantes potagères, n’a<br />

pas une très grande importance dans l’exploitation agricole<br />

de ces plantes, néanmoins, il est nécessaire de le signaler,<br />

car il montre l’avantage économique que présentent <strong>les</strong><br />

Nopals sur la majorité des autres Cactacées dont la pulpe<br />

et <strong>les</strong> fleurs ne peuvent être que rarement mis en usage<br />

dans l’alimentation. En effet, nombre de représentants de<br />

la famille des Cactacées offrent une pulpe et des fleurs pos-<br />

sédant une saveur amère ou désagréable, plusieurs espèces<br />

donnent même des pro<strong>du</strong>its reconnus comme franchement<br />

toxiques 1 ; ces derniers faits expliquent, en outre, comme<br />

quoi <strong>les</strong> Platyopuntia sont plus sujets que <strong>les</strong> autres genres<br />

de Cactacées aux déprédations des Insectes et aux invasions<br />

parasitaires.<br />

En dehors des Platyopuntia, la pulpe et la fleur ne sont<br />

utilisées dans l’alimentation indigène, pour la première,<br />

que chez certaines Echinocactées, et, pour la seconde, chez<br />

seulement le Myrtillocactus geometrizans Britt. et Rose,<br />

dont la très abondante floraison fournit un pro<strong>du</strong>it mar-<br />

chand que l’on désigne sous le nom de Clave<strong>les</strong> de Carambullo,<br />

et que l’on accommode, dans la cuisine indigène,<br />

comme <strong>les</strong> inflorescences d’Agave.<br />

Si cette utilisation des Nopals n’a qu’une importance très<br />

secondaire, il n’en est pas de même de celle qui a pour<br />

objet <strong>les</strong> fruits ; l’exploitation de ces derniers, que l’on dé-<br />

signe universellement au Mexique sous le nom de Tunas,<br />

devient alors, pour le pays où elle se pratique, une source<br />

importante de richesse méritant d’être prise en considé-<br />

ration.<br />

Quoique <strong>les</strong> Nopals donnent des fruits inférieurs comme<br />

1. Machærocereus gummosus Britt. et Rose, Pachycereus Pectenaboriginum<br />

Britt. et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose,<br />

Lophophora Williamsii Coult., Ariocarpus fissuratus K. Schum.,<br />

Dolichothele sphærica Britt. et Rose, D. longimamma Britt. et Rose.


132 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

qualité à ceux que pro<strong>du</strong>isent <strong>les</strong> Cierges, ils sont, en gé-<br />

néral, plus appréciés des Mexicains ; ce fait, anormal en<br />

apparence, s’explique facilement : il est dû à ce que <strong>les</strong><br />

Nopals croissent surtout dans <strong>les</strong> régions assez dépourvues<br />

de ressources fruitières, tandis que <strong>les</strong> Cierges, originaires<br />

des terres plus chaudes et par conséquent plus ferti<strong>les</strong>,<br />

végètent dans des pays où différents arbres fruitiers tro-<br />

picaux apportent une variété de pro<strong>du</strong>ction parmi laquelle<br />

doivent se confondre forcément leurs pro<strong>du</strong>its.<br />

Pour la récolte des fruits, on se sert d’un petit appareil<br />

que l’on nomme chicol 1 , et qui, construit suivant <strong>les</strong> nécessités,<br />

constitue un outil assez primitif mais qui, néanmoins,<br />

ne le cède en rien comme pratique à ceux plus perfectionnés<br />

que l’on a inventés pour la cueillette des fruits.<br />

Cet appareil s’adapte à une tige de bambou dont la lon-<br />

gueur est proportionnée à la hauteur à atteindre ; il consiste<br />

soit en un simple crochet, soit en une pointe effilée qui<br />

permet de saisir et fixer le fruit en le transperçant à sa<br />

base. Ces deux systèmes d’appareils peuvent se compléter<br />

par une pièce tranchante et un réticule permettant la col-<br />

lecte de plusieurs échantillons en une seule opération ; ce<br />

dernier agencement est surtout employé pour la récolte sur<br />

<strong>les</strong> Cierges, dont <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its, plus tendres et plus volu-<br />

mineux que ceux des Opuntia, risquent de s’écraser dans<br />

leur chute sur le sol.<br />

Certains chicols sont construits sur un modèle plus sommaire<br />

; ils consistent, alors, en une simple tige de bambou<br />

dont on fendille l’extrémité de façon à former plusieurs<br />

branches que l’on maintiendra écartées, en entonnoir, à<br />

l’aide d’un tasseau placé à la base des entail<strong>les</strong> et de liga-<br />

tures de fils d’Agave.<br />

1. Chicol est une castillanisation <strong>du</strong> mot nahuatl Chicolli ; son usage<br />

était général parmi <strong>les</strong> autochtones mexicains, même parmi <strong>les</strong> plus<br />

sauvages et <strong>les</strong> plus isolés des autres populations comme ceux, par<br />

exemple, qui formaient <strong>les</strong> tribus nomades de la péninsule californienne.<br />

Le Chicolli constituait chez <strong>les</strong> anciens Mexicains un ustensile ménager<br />

presque aussi indispensable à l’existence des populations rura<strong>les</strong> que<br />

l’était le MÉtatl ou pierre à moudre le grain.


chapitRe viii 133<br />

Une particularité de tous <strong>les</strong> fruits d’Opuntia est d’avoir,<br />

même chez <strong>les</strong> variétés inermes, un péricarpe hérissé d’un<br />

<strong>du</strong>vet urticant plus ou moins fourni, lequel est constitué<br />

par de fines sétu<strong>les</strong> barbelées qui, si on prenait <strong>les</strong> fruits<br />

sans précaution, risqueraient de s’implanter dans l’épi-<br />

derme des mains, où el<strong>les</strong> occasionneraient des piqûres<br />

douloureuses pouvant donner lieu, dans la suite, à des in-<br />

flammations et à des ulcérations d’une certaine gravité 1 .<br />

Les indigènes, pour se garantir de cet inconvénient lors<br />

de la récolte, ont soin, après avoir répan<strong>du</strong> <strong>les</strong> Tunas sur<br />

le sol, de <strong>les</strong> frotter vigoureusement sur une terre meuble<br />

et sablonneuse avec des branchages munis de leurs feuil<strong>les</strong> ;<br />

cette opération, vivement exécutée, suffit à débarrasser<br />

complètement <strong>les</strong> fruits de leur revêtement vulnérant, ils<br />

peuvent être alors ramassés impunément avec <strong>les</strong> mains 2 .<br />

Dans certaines localités où l’eau peut se rencontrer au<br />

voisinage, on débarrasse <strong>les</strong> fruits de leurs sétu<strong>les</strong> par un<br />

brassage avec de l’eau ; cette opération, un peu plus compli-<br />

quée que la précédente, s’effectue alors dans une cuve ou<br />

à l’aide d’une bâtée.<br />

Le procédé d’élimination des sétu<strong>les</strong> par un balayage sur<br />

un sol poudreux, tout insignifiant qu’il puisse paraître,<br />

mérite cependant d’être relaté, car, d’après Cervantès<br />

Salazar 3 , sa connaissance des Espagnols se rattacherait à<br />

un épisode de la conquête, qui tendrait à démontrer que<br />

ce procédé, pourtant si simple, n’était mis en pratique que<br />

par <strong>les</strong> Mexicains.<br />

1. Lorsque, par mégarde, des sétu<strong>les</strong> se sont fixées sur l’épiderme,<br />

<strong>les</strong> indigènes ont recours à un procédé assez simple et assez expéditif<br />

pour s’en débarrasser : ils prennent une boulette de cire et la font<br />

rouler sur <strong>les</strong> parties endolories, <strong>les</strong> sétu<strong>les</strong> se fixant alors sur la cire<br />

sont ainsi rapidement extirpées des endroits où el<strong>les</strong> s’étaient insérées.<br />

2. Plusieurs espèces de plantes se rencontrant au voisinage des<br />

Nopals et auxquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> indigènes donnent le nom bien significatif<br />

de Limpia tunas, sont employées plus spécialement à cette opération ;<br />

ce sont par exemple <strong>les</strong> rameaux de Baccharis multiflora H. B. et K.,<br />

Zaluzania angustata Sch.-Bip., Ipomoea stans Cav., etc.<br />

3. Cronica de Nueva Espana, t. I, p. 248, chap. XXXIII.


134 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les conquistadors, qui connaissaient la valeur alimentaire<br />

des fruits de Platyopuntia, grâce à leur séjour aux<br />

Antil<strong>les</strong>, ignoraient ce moyen ingénieux et efficace de<br />

rendre ces fruits complètement inoffensifs ; ils l’apprirent<br />

des Indiens Tamemes 1 , lorsque, se trouvant exténués de<br />

fatigue et pressés par la faim, ils <strong>du</strong>rent, sur <strong>les</strong> plaines<br />

de Cholula, avoir recours à un approvisionnement rapide<br />

des fruits de Nopals.<br />

Les grandes moissons de Tunas, quand el<strong>les</strong> n’ont pas<br />

lieu sur <strong>les</strong> plants cultivés des haciendas, s’effectuent sur-<br />

tout dans <strong>les</strong> endroits où, depuis des temps immémoriaux,<br />

cette végétation de plantes grasses et épineuses constitue<br />

par place d’épais massifs, au sein de cette nature morne et<br />

désolée qu’offrent en grande partie <strong>les</strong> États de Coahuila,<br />

Zacatecas, San Luis Potosi, Queretaro et Guanajuato.<br />

Les indigènes qui se livrent plus particulièrement à cette<br />

entreprise appartiennent, en général, au personnel des<br />

travailleurs des haciendas. Lorsque ces moissonneurs spé-<br />

ciaux n’ont pas, à proximité de leur résidence, des planta-<br />

tions de Nopals suffisamment importantes, ils entre-<br />

prennent alors des expéditions pour aller se fixer, momen-<br />

tanément, au voisinage d’un bosquet de l’arbre fruitier à<br />

exploiter. Là, ils établissent un campement de fortune de-<br />

vant servir pendant plusieurs mois d’abri pour eux, leur<br />

famille et le matériel nécessaire à une exploitation en règle.<br />

Les fruits de Nopals, suivant l’abondance de la moisson,<br />

sont répartis au fur et à mesure de leur récolte en deux<br />

catégories : ceux qui doivent servir à l’exportation et à la<br />

vente immédiate, et ceux qui, suivant <strong>les</strong> circonstances,<br />

doivent faire l’objet d’une préparation de fruits secs ou de<br />

pro<strong>du</strong>its manufacturés.<br />

Dans le premier cas, <strong>les</strong> fruits, débarrassés sur place de<br />

leurs sétu<strong>les</strong> vulnérantes, sont emballés pêle-mêle dans ces<br />

sortes de paniers de transports que l’on nomme, dans le<br />

pays, Cacaxtle ou Jacal, et sont dirigés ainsi par convois<br />

1. Ou donnait le nom de Tamemes aux Indiens que l’on employait<br />

alors comme portefaix.


chapitRe viii 135<br />

sur <strong>les</strong> lieux de vente. Grâce à leur épiderme épais et lustré,<br />

ces fruits peuvent résister à l’évaporation et se conserver<br />

à l’état frais pendant souvent près d’un mois.<br />

Quant à ce qui est de la préparation des fruits secs ou<br />

Tunas passadas, pour que leur dessiccation s’effectue dans<br />

de bonnes conditions, on commence par <strong>les</strong> débarrasser de<br />

la couche superficielle de leur épiderme, afin de faciliter<br />

l’évaporation de l’eau contenue dans <strong>les</strong> tissus ; cette opé-<br />

ration assez délicate s’effectue néanmoins très rapidement<br />

grâce à la dextérité de ceux qui ont coutume de la prati-<br />

quer, elle consiste en un pelage au couteau par un mou-<br />

vement tailladant.<br />

Les fruits, ainsi débarrassés de leur couche protectrice,<br />

sont exposés en plein soleil sur des claies construites avec<br />

des bambous ou d’autres tiges longues d’arbustes que l’on<br />

assemble à l’aide de courroies de cuir ou de fibre d’Agave 1 .<br />

Ce séchage demande environ une quinzaine de jours ; on<br />

reconnaît que l’opération est terminée, lorsque <strong>les</strong> fruits se<br />

revêtent d’une légère efflorescence cendrée qui est consti-<br />

tuée, en grande partie, par <strong>les</strong> matières sucrées et mucila-<br />

gineuses exsudées par la masse charnue <strong>du</strong> fruit.<br />

Ces Tunas passadas sont ensuite empaquetées dans des<br />

corbeil<strong>les</strong> tressées ou dans de petites caisses, où el<strong>les</strong><br />

peuvent alors se conserver aussi longtemps que <strong>les</strong> autres<br />

fruits secs, tels que figues, raisins, pêches, goyaves, etc., et<br />

qui sont <strong>du</strong> reste préparés, dans ces localités, par le même<br />

procédé.<br />

Habituellement, <strong>les</strong> Tunas passadas sont préparées avec<br />

<strong>les</strong> espèces ou variétés cultivées tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que l’on<br />

nomme Tunas mansas ou, à leur défaut, avec <strong>les</strong> sauvages<br />

donnant des fruits suffisamment volumineux. Pour cette<br />

préparation, on choisit de préférence <strong>les</strong> fruits de couleur<br />

claire, car ceux qui ont une teinte rouge un peu foncée<br />

deviennent complètement noirs par la dessiccation, ce qui<br />

déprécie la marchandise en la rendant moins appétissante.<br />

1. Ce genre de claie que l’on peut facilement étendre et rouler sur<br />

elle-même lorsqu’on n’en fait pas usage, se nomme dans le pays<br />

Tapextle.


136 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les pro<strong>du</strong>its manufacturés que l’on obtient avec <strong>les</strong> fruits<br />

de Nopals s’élaborent encore, actuellement, par des pro-<br />

cédés et un matériel restés tout ce qu’il y a de plus pri-<br />

mitifs.<br />

Ces pro<strong>du</strong>its, que l’on différencie commercialement sous<br />

<strong>les</strong> noms de Miel, Melcocha, Queso de Tuna, sont le résultat<br />

de la cuisson et de l’évaporation <strong>du</strong> jus fourni par <strong>les</strong><br />

Tunas. Cette opération s’effectue dans des bassines de métal<br />

ou de poterie que l’on chauffe sur un fourneau de fortune<br />

construit sommairement avec des pierres et de l’argile, et<br />

pour lequel on utilise, comme combustible, le bois sec que<br />

l’on rencontre dans <strong>les</strong> environs.<br />

Les fruits de Nopals destinés à cette manutention sont<br />

pelés aussitôt leur récolte et placés dans un récipient que<br />

le moissonneur porte avec lui et qui est exclusivement<br />

affecté au transport des Tunas pelées vers <strong>les</strong> lieux où doit<br />

s’opérer le traitement. Ces fruits sont alors cuits tels que,<br />

ou exprimés à l’aide d’un nouet, ou encore d’une sorte de<br />

moulin malaxeur, qui permet, dans une seule opération,<br />

d’éliminer <strong>les</strong> graines et de pro<strong>du</strong>ire un jus suffisamment<br />

limpide 1 .<br />

miel de tuna. — Dans la préparation de cette denrée,<br />

l’expression et le tamisage <strong>du</strong> jus <strong>du</strong> fruit sont rarement<br />

pratiqués, on se contente seulement de charger <strong>les</strong> bassines<br />

avec une certaine quantité de fruits pelés, que l’on chauffe<br />

gra<strong>du</strong>ellement jusqu’à ce que la masse se liquéfie et entre<br />

en ébullition ; on ajoute alors, peu à peu, une nouvelle quan-<br />

tité de fruits afin de régulariser la cuisson et d’avoir en<br />

même temps un certain volume en traitement. Lorsque la<br />

liquéfaction de la charge est complète, on procède, à l’aide<br />

d’une passoire, à l’écumage et à l’enlèvement des graines<br />

qui, au cours de l’opération, se sont précipitées au fond de<br />

la cuve, puis on recommence à chauffer régulièrement afin<br />

1. Consulter à ce sujet le travail très documenté et très circonstancié<br />

de david gRiFFiths et haRe : The tuna as food for man, U. S.<br />

Department of Agriculture, Bureau of plant in<strong>du</strong>stry (Bulletin n°116,<br />

1907).


chapitRe viii 137<br />

d’amener par évaporation le tout à la consistance de miel<br />

d’abeille. On verse alors la masse épaissie dans des réci-<br />

pients de bois où on la brasse à l’aide d’une palette jusqu’à<br />

ce qu’elle soit complètement refroidie, puis on l’abandonne<br />

au repos pendant environ vingt-quatre heures, avant de la<br />

répartir dans <strong>les</strong> bouteil<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> vases de terre cuite qui<br />

serviront pour sa conservation et sa mise en vente sur <strong>les</strong><br />

marchés.<br />

L’aspect de ce Miel de Tuna rappelle assez, par sa couleur<br />

et sa consistance, la mélasse de canne à sucre ; ce pro<strong>du</strong>it<br />

peut se conserver pendant plusieurs années ; néanmoins, il<br />

finit par se prendre en masse solide par suite de la cristalli-<br />

sation de la grande quantité de sucre contenue.<br />

melcocha. — La préparation de la Melcocha s’effectue,<br />

comme la précédente, avec des Tunas pelées ; ces dernières,<br />

alors, sont passées au moulin malaxeur, puis, avec le liquide<br />

qui s’écoule de cet appareil, on remplit aux deux tiers <strong>les</strong><br />

bassines de cuisson et l’on fait bouillir pendant près d’une<br />

heure sur un feu assez vif, en ayant soin d’ajouter de temps<br />

en temps une nouvelle quantité de jus, afin de régler l’ébul-<br />

lition et en même temps de maintenir dans la cuve un ni-<br />

veau à peu près constant.<br />

Au début de l’opération, il se pro<strong>du</strong>it une quantité<br />

d’écume assez abondante, mais qui finit par disparaître<br />

d’elle-même lorsque le sirop s’épaissit ; cette opération <strong>du</strong>re<br />

à peu près le même temps que celle de la préparation <strong>du</strong><br />

Miel de Tuna, c’est-à-dire quatre ou cinq heures. La matière,<br />

ensuite, est maintenue chaude pendant un temps plus ou<br />

moins long, afin que l’évaporation se continue lentement et<br />

que la masse cuite acquière le degré de consistance voulu,<br />

on reconnaît que ce point est atteint quand une prise d’essai<br />

faite à la cuiller montre une pâte suffisamment liée, mais<br />

ne restant pas attachée à la cuiller.<br />

La Melcocha peut être conservée dans des vases de terre<br />

non bouchés, c’est le mode le plus usité pour sa conserva-<br />

tion dans <strong>les</strong> emmagasinages ; on la conserve néanmoins<br />

par petites quantités en l’enveloppant dans des feuil<strong>les</strong> de


138 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

maïs, c’est sous cette forme qu’elle se vend le plus couram-<br />

ment au détail sur <strong>les</strong> marchés mexicains.<br />

La solidification intégrale de la Melcocha commence au<br />

bout d’un mois ou deux ; la matière devient, comme pour le<br />

Miel de Tuna, de plus en plus consistante avec le temps.<br />

queso de tuna. — Ce dernier pro<strong>du</strong>it n’est que de la<br />

Melcocha ayant subi une préparation plus complète ; en<br />

effet, la manipulation de début est la même, sauf que la<br />

cuisson est poussée un peu plus loin, mais au lieu de laisser<br />

la masse cuite se refroidir lentement, on lui fait subir,<br />

comme dans l’élaboration <strong>du</strong> Miel de Tuna, un malaxage à<br />

la palette afin de la refroidir brusquement et d’arrêter<br />

l’évaporation. Quand la température est devenue assez basse<br />

pour qu’on puisse toucher la masse cuite à la main sans<br />

risque de brûlure, on la laisse reposer pendant un jour ou<br />

deux, en ayant soin de couvrir le récipient où elle est con-<br />

tenue, puis on lui fait subir un pétrissage sur une table,<br />

suivi immédiatement d’un battage sur une dalle de pierre<br />

que l’on a eu soin d’humecter, au préalable, afin d’éviter<br />

son adhérence avec la niasse plastique. Cette ultime opé-<br />

ration, qui a pour but de donner une certaine soup<strong>les</strong>se au<br />

pro<strong>du</strong>it manufacturé en l’amenant à la consistance d’une<br />

pâte de fromage, d’où <strong>du</strong> reste lui vient le nom de Queso<br />

(fromage), est la plus laborieuse et la plus difficile de toute<br />

la fabrication.<br />

Le battage s’exécute en prenant une masse d’environ une<br />

dizaine de kilogrammes et en la projetant, d’une certaine<br />

hauteur, avec force et un grand nombre de fois, sur la dalle<br />

de pierre. Cette opération, pour être bien réussie, demande<br />

à être menée vivement et sans arrêt ; comme elle est très<br />

fatigante, elle requiert presque toujours le concours de<br />

deux ouvriers.<br />

Après cette énergique manipulation, le Queso de Tuna est<br />

terminé, on le met alors en forme dans de petites caisses<br />

ou de petits paniers que l’on a eu soin d’humecter préala-<br />

blement afin d’éviter l’adhérence <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it avec son<br />

moule.


chapitRe viii 139<br />

Le Queso de Tuna se conserve très longtemps lorsqu’on<br />

le place dans un endroit frais et sec, il finit, néanmoins,<br />

comme <strong>les</strong> autres pro<strong>du</strong>its in<strong>du</strong>striels de la Tuna, par se<br />

<strong>du</strong>rcir ; pour éviter cet inconvénient, on le conserve parfois<br />

en l’enveloppant d’une feuille de papier d’étain.<br />

colonche. — Le Colonche est une boisson fermentée<br />

assez alcoolique que l’on obtient par la fermentation <strong>du</strong> jus<br />

exprimé de plusieurs espèces de Tunas. Ce breuvage, d’une<br />

saveur sucrée et d’une belle couleur rouge, est très apprécié<br />

des indigènes qui en font l’objet d’une préparation et d’une<br />

consommation à peu près journalière tout le temps que<br />

<strong>du</strong>re la fructification des Nopals.<br />

Comme cette sorte de vin ne se conserve dans un état<br />

convenable pour la consommation qu’une quinzaine de<br />

jours tout au plus, il s’ensuit qu’il ne peut, <strong>du</strong> moins avec<br />

<strong>les</strong> procédés habituels de conservation, faire l’objet d’une<br />

exportation comme <strong>les</strong> autres pro<strong>du</strong>its obtenus avec <strong>les</strong><br />

Tunas ; il résulte, de ce fait, que sa fabrication et son usage<br />

se trouvent limités au pays de pro<strong>du</strong>ction.<br />

Cette in<strong>du</strong>strie, forcément restreinte, rappelle beaucoup<br />

celle qui se fait sur <strong>les</strong> plateaux de l’Anahuac avec le suc<br />

fermenté de l’Agave, ou Pulque, et, comme ce dernier, dont<br />

la pro<strong>du</strong>ction la plus renommée est celle des Llanos de<br />

Apam, le Colonche le plus réputé est celui que l’on obtient<br />

dans l’État de San Luis Potosi, où <strong>les</strong> plantations de Nopals<br />

sont plus ou moins réservées à sa fabrication.<br />

L’origine <strong>du</strong> mot Colonche paraît être inconnue ; il est<br />

vraisemblable que, comme celle de Pulque, cette dénomination<br />

fut d’importation espagnole. Les Nahuatls dési-<br />

gnaient ce pro<strong>du</strong>it sous le nom de Nochoctli (vin de Cactus),<br />

comme ils désignaient le Pulque sous celui de Metoctli<br />

(vin d’Agave). L’invention de ces deux breuvages analogues<br />

comme emploi extrêmement localisé, paraît bien remonter<br />

à une époque assez ancienne.<br />

La préparation <strong>du</strong> Colonche était pratiquée très couramment<br />

par <strong>les</strong> tribus sauvages, aujourd’hui complètement<br />

éteintes, qui peuplaient jadis le vaste territoire que <strong>les</strong><br />

Nahuatls désignaient sous le nom de Chichimecatlali.


140 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Le Père Alegre nous donne une idée de l’usage que <strong>les</strong><br />

Indiens faisaient de cette boisson au début de la coloni-<br />

sation espagnole, lorsqu’il nous dit : 1<br />

« La matière première de laquelle <strong>les</strong> Indiens retirent<br />

» leur vin est la Tuna.<br />

» Les femmes font le vin chaque trois jours, et <strong>les</strong> In-<br />

» diens en boivent largement jusqu’à perdre la raison.<br />

» Le procédé, pour obtenir ce vin, consiste à enlever la<br />

» pelure <strong>du</strong> fruit et à passer ensuite sa pulpe dans une sorte<br />

» de tamis de paille, afin d’en obtenir un liquide clair que<br />

» l’on chauffe soit au soleil soit sur le feu ; au bout d’une<br />

» heure, la fermentation se pro<strong>du</strong>it d’une façon très active.<br />

» Comme cette espèce de vin n’est pas très forte, l’ivresse<br />

» <strong>du</strong>re peu, aussi <strong>les</strong> Indiens recommencent-ils à boire.<br />

» La Tuna <strong>du</strong>re sept ou huit mois, ceux qui possèdent la<br />

» plante à proximité de leur habitation sont per<strong>du</strong>s par<br />

» l’occasion ; ceux qui sont obligés d’aller la récolter au<br />

» loin abandonnent leur lieu d’habitation, en ne laissant<br />

» pour la garde qu’un vieux ou une vieille. »<br />

Le procédé de fabrication <strong>du</strong> Colonche, tel qu’il se pratique<br />

de nos jours, n’a subi que très peu de modifications<br />

depuis l’époque ancienne, de sorte qu’il constitue une sur-<br />

vivance d’anciennes coutumes.<br />

Vu le peu de <strong>du</strong>rée de la conservation <strong>du</strong> Colonche,<br />

l’usage de cette boisson alcoolique se trouve ré<strong>du</strong>it aux pays<br />

de pro<strong>du</strong>ction, et quoique certaines haciendas puissent<br />

parfois en pro<strong>du</strong>ire des quantités relativement importantes<br />

pour l’approvisionnement des marchés, sa préparation cou-<br />

rante constitue plutôt un travail ménager qu’une véritable<br />

entreprise in<strong>du</strong>strielle, aussi, pour cette raison, la fabri-<br />

cation <strong>du</strong> Colonche est-elle, comme aux temps anciens,<br />

laissée aux soins et à l’initiative des femmes.<br />

Le mode de préparation <strong>du</strong> Colonche, tel qu’il est pratiqué<br />

aujourd’hui, consiste à prendre des Tunas pelées et<br />

à <strong>les</strong> exprimer soit au nouet, soit au moyen <strong>du</strong> moulin<br />

1. alegRe. — Historia de la Compania de Jesus en Mexico, I,<br />

p. 281.


chapitRe viii 141<br />

malaxeur. Le jus limpide qui s’en écoule est maintenu<br />

pendant deux ou trois heures en ébullition lente et légère ;<br />

de temps en temps, on ajoute un peu de nouveau liquide<br />

afin de compenser la perte <strong>du</strong>e à l’évaporation ; une fois<br />

bouilli, le liquide est refroidi puis abandonné à la fermen-<br />

tation spontanée ; quelquefois, pour accélérer le départ de<br />

cette dernière, on ajoute un peu de vieux Colonche ou<br />

encore quelques écorces <strong>du</strong> fruit qui contiennent alors un<br />

ferment d’une constitution spéciale.<br />

La fermentation s’opère rapidement en quelques heures ;<br />

une fois cette dernière terminée, le Colonche peut être<br />

consommé immédiatement ; au début, cette boisson est<br />

légèrement sucrée et d’un goût très agréable, mais avec le<br />

temps elle finit toujours par s’aigrir, c’est <strong>du</strong> reste ce qui<br />

a lieu avec le Pulque ou vin d’Agave. En somme, ces deux<br />

boissons, à part la couleur, ont de nombreux points de<br />

ressemblance.<br />

La fermentation <strong>du</strong> Colonche n’est pas une fermentation<br />

alcoolique ordinaire, elle est <strong>du</strong>e, d’après une remarquable<br />

étude de M. Lutz, à un ferment symbiotique présentant de<br />

grandes analogies avec celui <strong>du</strong> kéfir 1 . Ce ferment, que l’on<br />

désigne sous le nom de Tibi, est constitué par l’association<br />

de deux types très différents de germes, dont l’un est<br />

aérobie et l’autre anaérobie ; ils sont figurés, dans le pre-<br />

mier cas, par un Bacille, et dans le second, par une Torule.<br />

C’est par la symbiose de ces deux éléments que s’effectue<br />

la fermentation alcoolique <strong>du</strong> Colonche, car, ainsi que le<br />

démontre l’expérience, si l’on sépare chacun de ces deux<br />

éléments et qu’on <strong>les</strong> cultive en milieux différents, aucun<br />

ne sera capable de pro<strong>du</strong>ire de l’alcool.<br />

Il semble que cette levure est sinon la même, <strong>du</strong> moins<br />

l’analogue de celle que <strong>les</strong> Nahuatls désignaient sous le<br />

nom d’Octpatli (médecine <strong>du</strong> vin), et dont on se sert encore<br />

1. L. lutz. — Le tibi (Comptes ren<strong>du</strong>s de la Société de Biologie,<br />

p. 1124, 1898) ; Recherches biologiques sur la constitution <strong>du</strong> tibi et<br />

Nouvel<strong>les</strong> recherches sur le tibi (Bulletin de la Société mycologique de<br />

France, pp. 68 et 157, 1899).


142 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

aujourd’hui dans certaines circonstances pour activer la<br />

fermentation <strong>du</strong> Pulque.<br />

Le Colonche, comme <strong>du</strong> reste toutes <strong>les</strong> autres préparations<br />

de Tunas, peut s’obtenir avec n’importe quels fruits<br />

de Nopals, souvent même on mélange plusieurs espèces de<br />

façon à avoir une même coloration ; c’est ainsi, par exemple,<br />

que, lorsqu’on n’a à sa disposition que des fruits blancs,<br />

on a soin d’ajouter une certaine quantité de fruits forte-<br />

ment colorés, même quand ceux-ci ne sont pas comestib<strong>les</strong>,<br />

c’est alors que l’on a parfois recours au fruit à chair rouge<br />

écarlate de l’O. orbiculata Salm-Dyck, vulgairement nommé<br />

Tuna pintadera, fruit insipide et peu comestible que <strong>les</strong><br />

indigènes emploient comme succédané de la cochenille dans<br />

la teinture et dans la peinture et aussi dans leurs prépa-<br />

rations culinaires lorsqu’il s’agit de colorer <strong>les</strong> mets ou <strong>les</strong><br />

boissons.<br />

Dans l’État de San Luis Potosi, où la consommation<br />

journalière <strong>du</strong> Colonche paraît être plus grande que partout<br />

ailleurs dans la région nord-ouest <strong>du</strong> Mexique, on a surtout<br />

recours pour sa préparation au fruit de l’O. Cardona Web.<br />

qui, comme on le sait, est le Nopal le plus pro<strong>du</strong>ctif et le<br />

plus répan<strong>du</strong> de cette contrée.<br />

Pour tirer parti des déchets et des pro<strong>du</strong>its de rebut <strong>du</strong><br />

traitement in<strong>du</strong>striel des Nopals, on a parfois soumis <strong>les</strong><br />

épluchures des fruits à la fermentation puis à la distillation<br />

pour obtenir une sorte d’Aguardiente, mais ce pro<strong>du</strong>it, ainsi<br />

que celui résultant de la distillation <strong>du</strong> Colonche vieux et<br />

aigri, n’a pas eu beaucoup de succès à cause des éthers et<br />

alcools lourds qu’il contient en plus ou moins grande quan-<br />

tité et qui peuvent procurer une ivresse dangereuse. On a<br />

également tenté d’utiliser sans plus de réussite la grande<br />

quantité de graines résultant des traitements et avec<br />

<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> anciens indigènes fabriquaient une sorte de<br />

farine. Jusqu’à présent, aucun de ces essais n’a amené de<br />

résultats satisfaisants, aussi utilise-t-on aujourd’hui tous<br />

ces déchets soit dans l’alimentation <strong>du</strong> bétail, soit sim-<br />

plement comme engrais pour régénérer <strong>les</strong> terres trop<br />

appauvries.


« Pedro Pena »<br />

devrait être<br />

« Pierre Pena »!<br />

CHAPITRE IX<br />

CÉRÉÉES<br />

Historique. — Caractères et subdivisions. — Echinocereus. —<br />

Cierges ailés. — Cephalocereus. — Cierges colomnaires. —<br />

Pitayos et Cardones. — Absence de polymorphisme chez ces<br />

derniers. — Différentes espèces de Pitayos et formes pouvant<br />

s’y rattacher. — Cierges à liges rampantes. — Pitahayas. —<br />

Cierges à racines tubéreuses. — Garambullos.<br />

Le nom de Cierge ou de Cereus est presque aussi ancien<br />

que celui d’Opuntia ; on le voit figurer dans <strong>les</strong> traités de<br />

botanique <strong>du</strong> xvi e siècle, tels que ceux, par exemple, de<br />

Pena (1572) et Dalechamps (1586-87) 1 , où il fait l’objet<br />

d’une courte description accompagnée d’une figure exécutée<br />

schématiquement et mise en parallèle avec celle d’un<br />

Figuier d’Inde.<br />

Le terme Cereus ou Cerexus, comme on le trouve orthographié<br />

dans un des ouvrages cités ci-dessus, servait au<br />

début, ainsi que parfois celui de Melecar<strong>du</strong>us Indiæ occi<strong>du</strong>æ<br />

ou Echino-melocactus, à désigner toutes <strong>les</strong> séries de<br />

Cactacées dont <strong>les</strong> tiges étaient soit globuleuses, soit colom-<br />

naires et sillonnées de côtes longitudina<strong>les</strong> ; il englobait<br />

alors confusément ce que l’on a depuis différencié sous <strong>les</strong><br />

noms génériques de Echinocactus, Melocactus et Cereus<br />

véritab<strong>les</strong> 2 .<br />

1. pedRo pena et matthias de l’obel.. — Nora stirpium adversaria,<br />

1 vol. in-fol., Londres, 1570, Anvers, 1576.<br />

dalechamps. — Histoire générale des plantes contenant 18 livres,<br />

faite française par Jean des moulins, Lyon. 1615, 2 vol. in-fol., tra<strong>du</strong>ite<br />

de l’édition latine, Lyon, 1587.<br />

2. touRneFoRt réunissait toutes <strong>les</strong> Cactacées qui ne faisaient pas<br />

partie des Opuntia sous la rubrique de Melocactus, nom qu’il avait


144 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Le nom de Cereus, en tant que terme générique, avait<br />

bien été adopté par Bauhin, mais il ne paraît avoir été défi-<br />

nitivement admis dans la nomenclature botanique qu’après<br />

Miller qui, dans son Gardeners’ Dictionary, s’en servit pour<br />

établir une distinction bien nette de ce qu’alors on nommait<br />

dans le langage populaire : Chardon en flambeau, Cardo,<br />

Cardindo, Cardon, Cirio, Cierge, Organo, et pour <strong>les</strong>quels<br />

Plumier avait auparavant proposé le nom d’Echinomelocactus<br />

arborescens.<br />

La fleur des Cereus, ainsi que celle des autres genres qui<br />

en ont été détachés, se différencie d’une façon bien tranchée<br />

de celle des Opuntiées ; elle consiste en un tube plus ou<br />

moins long terminé par une corolle souvent bien étalée.<br />

Actuellement, on peut répartir <strong>les</strong> Cierges mexicains en<br />

sept séries principa<strong>les</strong> qui sont basées sur <strong>les</strong> caracté-<br />

ristiques fournies par l’allure générale et <strong>les</strong> particularités<br />

des tiges et des racines.<br />

Ces sept séries sont :<br />

1° Echinocereus ;<br />

2° Cierges colomnaires ou Céréastres ;<br />

3° Cierges rampants, grimpants ou serpentiformes ;<br />

4° Cierges à racines tubéreuses ;<br />

5° Cierges à apex laineux ou Cephalocereus ;<br />

6° Cierges ailés ;<br />

7° Cierges aberrants ou Carambullos 1 ;<br />

Les Echinocereus, ainsi que <strong>les</strong> Cierges ailés, sont considérés<br />

par beaucoup de botanistes comme devant former<br />

deux groupes distincts des Cereus proprement dits ; car<br />

chacun des deux constitue un groupe très homogène et très<br />

délimité qu’il est facile de reconnaître à première vue à<br />

proposé pour désigner toutes <strong>les</strong> Cactacées dont la tige, plus ou moins<br />

ovoïde à ses débuts, était sillonnée par des côtes longitudina<strong>les</strong>, et<br />

rappelait ainsi la configuration d’un melon.<br />

1. Les Cleistocactus, <strong>les</strong> Echinopsis, <strong>les</strong> Schlumbergera, etc., sont<br />

considérés comme faisant partie des Céréées, comme sous-genres ou<br />

comme genres distincts ; mais comme ils sont exclusivement originaires<br />

de l’Amérique <strong>du</strong> Sud, ils ne peuvent figurer ici.


chapitRe ix 145<br />

leur allure et à la conformation des rameaux. Le premier<br />

se caractérise par ses tiges, courtes, mol<strong>les</strong>, basses, cespiteuses,<br />

souvent réunies en touffes gazonnantes ; par son<br />

ovaire épineux, par son stigmate d’un vert franc et par ses<br />

graines tuberculées, il représente la forme primitive <strong>du</strong><br />

genre Cereus.<br />

Il est exclusivement originaire <strong>du</strong> Mexique et <strong>du</strong> sud des<br />

États-Unis où, dans ce dernier pays, il est représenté par<br />

l’Echinocereus viridiflorus Engelm., qui est, avec l’Opuntia<br />

fragilis Haw., l’O. Opuntia Karst. et aussi quelques Mamillaria,<br />

<strong>les</strong> représentants <strong>les</strong> plus septentrionaux de la famille<br />

des Cactacées ; on rencontre ces espèces de genre différent<br />

vivant côte à côte dans <strong>les</strong> Montagnes Rocheuses jusqu’au<br />

40e degré de latitude où ils sont exposés et adaptés aux froids<br />

<strong>les</strong> plus rigoureux.<br />

Au point de vue économique, <strong>les</strong> Echinocereus que <strong>les</strong><br />

indigènes mexicains désignent sous <strong>les</strong> noms de Pitaytos<br />

ou de Alicoches et <strong>les</strong> Américains sous celui de Strawberrycactus,<br />

fournissent des baies comestib<strong>les</strong> dont certaines<br />

sont assez appréciées et qui, dans l’État de San Luis Potosi,<br />

comme le rapporte le Dr Strasberry -><br />

Strawberry<br />

Weber, étaient très recherchées,<br />

lors de l’époque de l’intervention, par <strong>les</strong> soldats français<br />

qui <strong>les</strong> nommaient Fraises <strong>du</strong> désert.<br />

Les Cereus ailés, eux, quoique donnant pour la plupart<br />

des fruits de saveur agréable, ne sont pas considérés par<br />

<strong>les</strong> indigènes comme faisant partie, à proprement parler,<br />

des espèces à fruits comestib<strong>les</strong> ; on <strong>les</strong> recherche surtout<br />

pour la beauté de leur floraison ; ils sont tous épiphytes ou<br />

saxico<strong>les</strong> et sont facilement reconnaissab<strong>les</strong> à la conformation<br />

aplatie et décombante de leurs tiges, dont la réunion<br />

forme des touffes sur <strong>les</strong> arbres ou <strong>les</strong> rochers, rappelant<br />

un peu, chez certaines espèces, <strong>les</strong> frondaisons des Fougères<br />

Aspléniées, ce qui leur a valu le nom de Cactacées à<br />

feuil<strong>les</strong> de Scolopendre ; <strong>les</strong> Nahuatls <strong>les</strong> comprenaient<br />

sous la dénomination collective de Xochilquezaltic (fleur<br />

ou plante en forme de plumes cauda<strong>les</strong> <strong>du</strong> couroucou dit<br />

quezatlotol).<br />

10


146 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Au Mexique, ces Cactacées à feuil<strong>les</strong> de Scolopendre sont<br />

représentées par quelques espèces dont <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> sont<br />

<strong>les</strong> Nopalxochia phyllantoides Britt. et Rose, Epiphyllum<br />

Ackermannii Haw., oxypetalum Haw. et anguliger Don ; ce<br />

dernier, que <strong>les</strong> indigènes actuels désignent sous le nom de<br />

Jarrana, paraît être plutôt particulier aux grandes forêts<br />

<strong>du</strong> versant pacifique, tandis que <strong>les</strong> trois autres se rencontrent<br />

surtout dans l’État de Vera-Cruz.<br />

Dans le rôle que la nature semble bien avoir attribué à<br />

ces deux termes extrêmes <strong>du</strong> genre, <strong>les</strong> Echinocereus remplissent<br />

<strong>les</strong> fonctions des formes naines et gazonnantes<br />

auxquel<strong>les</strong> incombe la première étape dans la transformation<br />

des terrains incultes et stéri<strong>les</strong>, leur organisme<br />

étant alors merveilleusement adapté pour la résistance aux<br />

longues sécheresses ainsi qu’aux alternatives brusques de<br />

température et d’humidité. Les Cierges ailés, au contraire,<br />

représentent <strong>les</strong> indivi<strong>du</strong>s tout à fait transformés et devenus<br />

inaptes à la résistance contre <strong>les</strong> moindres sécheresses, aussi<br />

vivent-ils dans l’atmosphère humide de la grande forêt<br />

tropicale.<br />

Les jeunes rameaux des Cierges ailés rappellent chez<br />

beaucoup d’espèces la tige des Cierges ; ils offrent à leur<br />

début des contours cylindriques ou prismatiques et ce n’est<br />

qu’en se développant qu’ils acquièrent la structure aplatie<br />

et ailée qui est la caractéristique de la série. En somme, <strong>les</strong><br />

Cierges ailés peuvent être considérés comme étant la forme<br />

la plus évoluée <strong>du</strong> phylum des Cereus et, comparativement<br />

à ce que l’on voit chez <strong>les</strong> Opuntiées, ils sont à peu de chose<br />

près aux Cierges grimpants ce que <strong>les</strong> Nopalea sont aux<br />

Opuntia <strong>du</strong> sous-genre Platyopuntia.<br />

Quant à ce qui est des Cephalocereus, plusieurs auteurs<br />

sont d’accord pour <strong>les</strong> séparer des Cereus proprement dits<br />

et en faire un genre à part, se caractérisant à première vue<br />

par une terminaison apicale plus ou moins sétacée ou laineuse,<br />

que l’on désigne sous le nom de cephalium.<br />

Comme <strong>les</strong> espèces qui correspondent à cette forme particulière,<br />

à part le Cephalocereus chrysacanthus Britt. et Rose


chapitRe ix 147<br />

(fig. 96), ne donnent pas à proprement parler de fruits<br />

comestib<strong>les</strong>, mais seulement chez certaines espèces une<br />

fibre laineuse in<strong>du</strong>striellement utilisable, ils seront l’objet<br />

d’un chapitre spécial.<br />

Pour le moment, on ne fera ici que l’étude des Cierges<br />

susceptib<strong>les</strong> de donner une pro<strong>du</strong>ction alimentaire compa-<br />

rable à celle des Opuntia, ceux-ci sont alors représentés par<br />

<strong>les</strong> quatre séries des Cierges colomnaires, des Cierges ram-<br />

pants, des Cierges à racines tuberculisées et de ces Cierges<br />

aberrants que l’on nomme vulgairement Carambullos.<br />

1<br />

CIERGES COLOMNAIRES<br />

Les représentants de cette série sont caractérisés par des<br />

formes arborescentes ou frutescentes donnant dans certains<br />

cas des tiges parfaitement droites et disposées symétrique-<br />

ment sur un tronc unique, de manière à figurer vaguement<br />

un jeu de tuyaux d’orgue, ce qui leur a valu de la part des<br />

Espagnols le nom d’Organos (Pachycereus marginatus Britt.<br />

et Rose, Lemaireocereus Weberi Britt. et Rose), où, au contraire,<br />

<strong>les</strong> tiges se montrent plus ou moins flexueuses et<br />

décombantes (Acanthocereus pentagonus Britt. et Rose,<br />

Machærocereus gummosus Britt. et Rose, Machærocereus<br />

flexuosus Britt. et Rose (fig. 41).<br />

On répartit cette série de Cierges en deux groupements<br />

assez bien caractérisés si on ne <strong>les</strong> considère qu’à un point<br />

de vue purement économique, mais qui sont discutab<strong>les</strong> si<br />

On <strong>les</strong> envisage selon la systématique adoptée : ce sont ceux<br />

que <strong>les</strong> indigènes désignent sous <strong>les</strong> noms de Pitayos et de<br />

Cardones et qui correspondent en partie à ceux pour<br />

<strong>les</strong>quels Britton et Rose ont créé <strong>les</strong> subdivisions géné-<br />

riques de Lemaireocereus et de Pachycereus 1 .<br />

1. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />

America (Contributions from the U. S. national herbarium, vol. 12,<br />

part. 10, p. 413).


148 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Ces deux subdivisions établissent une différenciation bien<br />

tranchée entre <strong>les</strong> Cierges fruitiers, dont <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its riva-<br />

lisent sur <strong>les</strong> marchés avec ceux des Nopa<strong>les</strong>, et <strong>les</strong> formes<br />

massives et géantes que <strong>les</strong> Espagnols désignaient plus<br />

particulièrement sous <strong>les</strong> dénominations vulgaires de Cardos,<br />

Cardindos, Cardones et qui, à part quelques exceptions, ne<br />

donnent pas à proprement parler de fruits comestib<strong>les</strong> 1 .<br />

Un fait à prendre en considération, c’est que le poly-<br />

morphisme, qui est presque un caractère général chez la<br />

plupart des Platyopuntia, n’existe pour ainsi dire pas chez<br />

<strong>les</strong> représentants de ces deux subdivisions, aussi <strong>les</strong> espèces<br />

peuvent-el<strong>les</strong> être exactement définies. Ce fait doit être impu-<br />

table en grande partie à ce que ces espèces sont réparties<br />

indivi<strong>du</strong>ellement sur des zones auxquel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> sont bien<br />

adaptées et qui leur sont propres ; de plus, lorsque des<br />

espèces différentes ont le même habitat (Lemaireocereus<br />

Thurberi Britt. et Rose, Machærocereus gummosus Britt. et<br />

Rose), leurs floraisons n’ont pas lieu à la même époque, ce<br />

qui, sauf de rares exceptions, <strong>les</strong> met à l’abri des fécon-<br />

dations croisées.<br />

Les seu<strong>les</strong> variations que l’on puisse observer chez <strong>les</strong><br />

Pitayos et <strong>les</strong> Cardones résident presque uniquement dans<br />

la coloration des fruits et dans l’armature des tiges. Ainsi,<br />

chez <strong>les</strong> variétés à fruits blancs de Pitayos, on note que<br />

le port de la plante est plus trapu, que <strong>les</strong> tiges sont un<br />

peu plus épaisses et d’un vert plus clair et moins bien<br />

armées sous le rapport des aiguillons, ce qui permet alors,<br />

en dehors de l’époque de la fructification, de <strong>les</strong> distinguer<br />

des autres variétés qui, el<strong>les</strong>, en temps ordinaire, ne se<br />

différencient pas par leur aspect externe.<br />

Pour <strong>les</strong> Pachycereus, dont la coloration des fruits ne<br />

paraît pas être sujette à des différences, la variabilité porte<br />

1. Contrairement à ce qui doit être, d’après la systématique adoptée,<br />

cette subdivision basée uniquement sur l’allure générale de la plante<br />

et la nature de sa fructification, comprend un certain nombre de<br />

Cephalocereus. Néanmoins, toute irrégulière qu’elle paraisse être, elle<br />

a sa raison d’être si l’on se place au point de vue purement économique.


Fig. 41. — Machærocereus flexuosus Britt. et Rose.<br />

Environs de Manzanillo (État de Colima).


150 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

surtout sur <strong>les</strong> tiges ; c’est ainsi, par exemple, que le Pachycereus<br />

Pringlei Britt. et Rose donne, comme on le verra<br />

plus loin, des spécimens beaucoup plus corpulents et moins<br />

armés lorsqu’ils sont adaptés aux climats insulaires que<br />

lorsqu’ils végètent sous le régime continental (fig. 112) ;<br />

causes vraisemblablement <strong>du</strong>es à l’effet d’une humidité<br />

atmosphérique plus constante sur des terrains toujours<br />

très secs.<br />

L’allure générale de ces deux groupes varie dans cer-<br />

taines limites et, ainsi que paraît bien le démontrer la<br />

nature, elle est en rapport avec la configuration des terrains.<br />

Sur <strong>les</strong> parties déclives et abruptes des flancs montagneux,<br />

on rencontre plus habituellement <strong>les</strong> types à allure peu ou<br />

point ramifiée : Carnegiea gigantea Britt. et Rose, Pachycereus<br />

Columna-Trajani Britt. et Rose, Cephalocereus Hoppenstedtii<br />

Schum., Pachycereus ruficeps Britt. et Rose.<br />

Parfois cependant, dans ces mêmes régions accidentées,<br />

mais surtout au voisinage des crêtes où la situation d’ha-<br />

bitat est soumise à un régime continuel de courants aériens,<br />

on rencontre de ces spécimens très rameux qui font con-<br />

traste avec <strong>les</strong> précédents et dont la dichotomie des tiges<br />

rappelle en quelque sorte celle des Opuntia ; tels sont, par<br />

exemple, <strong>les</strong> Escontria Chiotilla Rose, Lemaireocereus<br />

Chende Britt. et Rose, Lemaireocereus Chichipe Britt. et<br />

Rose de la région escarpée de Tehuacan.<br />

Certains de ces Cierges, comme le Lemaireocereus Chichipe,<br />

peuvent dans des conditions particulières d’exposition,<br />

parvenir à un degré tellement ramifié qu’ils finissent<br />

par acquérir une cime nettement déployée en parasol<br />

(fig. 42).<br />

Dans <strong>les</strong> vallées, sur <strong>les</strong> plaines qui bordent <strong>les</strong> rivages<br />

marins ou encore dans <strong>les</strong> régions bien abritées, <strong>les</strong> repré-<br />

sentants de ce groupe affectent de préférence une forme<br />

régulière ayant des rameaux nombreux et bien disposés<br />

en candélabre : Lemaireocereus queretaroensis Safford,<br />

L. Weberi Britt. et Rose, L. Thurberi Britt. et Rose, Pachycereus<br />

Pringlei Britt. et Rose, etc.


Fig. 42. — Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose.<br />

Cerro Colorado, environs de Tehuacan (État de Puebla).


152 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Mais cependant, sur <strong>les</strong> zones avoisinant la mer, à côté<br />

de ces Cierges superbement érigés, on rencontre des formes<br />

flexueuses dont <strong>les</strong> tiges sont pour la plupart décombantes.<br />

Ces derniers viennent alors constituer par place, soit sur<br />

<strong>les</strong> rochers, soit sur <strong>les</strong> surfaces planes, de grandes et<br />

épaisses touffes (Acanthocereus pentagonus Britt. et Rose,<br />

Machærocereus gummosus Britt. et Rose).<br />

PITAYOS<br />

Pitayo, Pitahayo ou Pitajallo comme l’écrivent certains<br />

auteurs, n’est pas un terme mexicain quoiqu’il soit devenu<br />

d’un usage courant et presque exclusif dans tout le pays,<br />

lorsqu’il s’agit, dans le langage populaire, de spécifier <strong>les</strong><br />

Cierges à gros fruits comestib<strong>les</strong> et marchands. Ce terme,<br />

ainsi que beaucoup d’autres d’ailleurs, fut importé dans la<br />

Nouvelle - Espagne, lors de sa conquête, par <strong>les</strong> premiers<br />

colonisateurs qui avaient appris pendant leur séjour aux<br />

Antil<strong>les</strong> à se familiariser avec <strong>les</strong> plantes uti<strong>les</strong> américaines.<br />

Actuellement, sur le territoire mexicain, le nom de Pitayo<br />

est réservé plus particulièrement aux Cierges colomnaires<br />

fruitiers et celui de Pitahayo ou Pitajallo aux représentants<br />

des Cierges rampants ou grimpants (Hylocereus triangularis<br />

Britt. et Rose). Les premiers, quoiqu’ayant des termes<br />

plus précis pour <strong>les</strong> désigner, étaient compris par <strong>les</strong><br />

Nahuatls dans la catégorie des Zapotnochtli, c’est-à-dire des<br />

Cierges à fruits volumineux, nom collectif qui comprenait<br />

également certaines variétés cultura<strong>les</strong> de Nopals ; <strong>les</strong><br />

seconds, sous celui de Xochilalacatl (fleur allongée).<br />

Par extension, on donne <strong>les</strong> dénominations diminutives<br />

de Pitayto et de Pitahayto à différentes espèces de Cactacées<br />

pro<strong>du</strong>isant de petites baies. Ces termes s’appliquent à la<br />

plante elle-même ; <strong>les</strong> fruits sont, sur <strong>les</strong> lieux de vente,<br />

désignés par <strong>les</strong> appellations de Pitaya, Pitahaya ; Pitayta,<br />

Pitahayta.<br />

Pour ce qui est des véritab<strong>les</strong> Pitayos, <strong>les</strong> seuls de cette<br />

série de Cierges colomnaires qui nous occupent en ce<br />

moment, ils sont représentés par cinq espèces nettement


chapitRe ix 153<br />

définies et qui, toutes, végètent, détail à noter, dans des<br />

localités bien spécialisées où el<strong>les</strong> occupent pour la plupart<br />

un rang privilégié parmi <strong>les</strong> arbres fruitiers, ce sont :<br />

Pitayo de mayo, Lemaireocereus griseus Britt. et Rose,<br />

— de Queretaro, — queretaroensis Safford,<br />

— xoconostle, — stellatus Britt. et Rose,<br />

— <strong>du</strong>lce, — Thurberi Britt. et Rose,<br />

— agrio, Machæocereus gummosus Britt. et Rose.<br />

A ce premier groupe on peut encore en rattacher deux<br />

autres dont l’un comprend trois espèces qui, toutes trois,<br />

sont originaires <strong>du</strong> sud de l’État de Puebla et ne se rencontrent<br />

là que sur une aire de dispersion assez ré<strong>du</strong>ite,<br />

ce sont : <strong>les</strong> Escontria Chiotilla Rose, Lemaireocereus<br />

Chende Britt. et Rose, Lemaireocereus Chichipe Britt. et<br />

Rose.<br />

A l’autre subdivision correspond une seule espèce jusqu’ici<br />

connue et qui est représentée par le Carnegiea<br />

gigantea Britt. et Rose, <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique et <strong>du</strong> sud-ouest<br />

des États-Unis ; c’est une forme en général très peu ramifiée,<br />

remarquable par sa corpulence et sa taille élevée qui peut,<br />

dit-on, chez <strong>les</strong> spécimens très développés, atteindre une<br />

stature voisine de 30 mètres. Ce géant de la famille des<br />

Cactacées se rattache aussi bien par ses côtés morphologiques<br />

que par la nature de sa fructification aux Lemaireocereus<br />

et aux Pachycereus, entre <strong>les</strong>quels il paraît, par certains<br />

côtés, sinon faire la transition, <strong>du</strong> moins en réunir <strong>les</strong><br />

particularités.<br />

Les Pitayos de mayo et de Queretaro, qui sont réputés<br />

comme <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> meilleures et <strong>les</strong> plus marquantes<br />

des contrées de moyenne altitude (1.000 à 1.500 mètres),<br />

ont l’avantage de donner des fruits beaucoup plus savoureux<br />

que ceux des Nopals ; ils sont, pour cette raison, plus<br />

appréciés aussi bien comme alimentation fruitière de saison<br />

que comme alimentation hygiénique.<br />

D’après Manuel Orozco y Berra, <strong>les</strong> propriétés médicina<strong>les</strong><br />

des fruits de Pitayos furent mises en vogue au temps<br />

<strong>du</strong> vice-roi Enriquez de Almanzu qui, par l’emploi de ces<br />

fruits, guérit nombre de maladies ; l’auteur ajoute que ces


154 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

effets sont analogues à ceux de la Tuna, seulement la petitesse<br />

des graines a un avantage sur celle-ci au point de vue<br />

thérapeutique 1 .<br />

Si l’usage et la culture de ces Cactacées ne se sont pas<br />

propagées à travers le monde, comme cela eut lieu pour le<br />

Figuier d’Inde, ce fait tient surtout à ce qu’ils sont plus<br />

délicats que ce dernier et qu’ils réclament, pour de bonnes<br />

conditions de végétation, un climat doux assez régulier, et<br />

ensuite à ce que leurs moyens naturels de propagation sont<br />

beaucoup plus limités ; car, dans la nature, cette propa-<br />

gation ne paraît guère s’effectuer chez la plupart des<br />

espèces que par <strong>les</strong> graines, la plante restant alors, dans<br />

ces conditions, longtemps chétive et exposée aux nombreuses<br />

causes d’anéantissement. Enfin, une autre cause qui doit<br />

entrer en ligne de compte est l’absence chez cette catégorie<br />

de Cactacées de ce polymorphisme qui permet à certaines<br />

espèces de Platyopuntia de se fixer sur n’importe quel ter-<br />

rain, en prenant une forme de résistance, ce qui leur donne<br />

la faculté de se maintenir, en attendant que des circon-<br />

stances plus favorab<strong>les</strong> viennent leur fournir <strong>les</strong> moyens<br />

d’une amélioration spontanée.<br />

L’exploitation des Pitayos se fait comme celle des<br />

Nopa<strong>les</strong>, c’est-à-dire qu’elle a lieu aussi bien avec des<br />

plants sauvages qu’avec ceux que l’on entretient par des<br />

cultures régulières.<br />

Comme <strong>les</strong> fruits de ces Cierges ne sont pas pourvus de<br />

sétu<strong>les</strong> urticantes, la récolte des Pitayas ne demande pas<br />

<strong>les</strong> mêmes minuties que celle des Tunas ; <strong>les</strong> fruits sont<br />

bien, il est vrai, armés d’aiguillons parfois assez puissants,<br />

mais leurs b<strong>les</strong>sures sont sans gravité ; de plus, comme ils<br />

sont peu adhérents à l’époque de la maturité, on <strong>les</strong> élimine<br />

avec facilité.<br />

La cueillette s’effectue comme pour <strong>les</strong> Nopals à l’aide <strong>du</strong><br />

Chicol qui, vu la circonstance, doit être muni d’un dispositif<br />

de retenue afin de prévenir l’écrasement des fruits par<br />

leur chute sur le sol.<br />

1. Apendice al dictionario universal de Historia y de Geografia<br />

(article pitahayo), Mexico, 1856.


chapitRe ix 155<br />

Les fruits de Pitayos, sauf quelques exceptions, apparaissent<br />

au printemps ; ce sont donc des primeurs que l’on<br />

apporte à la saison sèche sur <strong>les</strong> marchés, et par conséquent<br />

bien avant la pro<strong>du</strong>ction de la plupart des arbres frui-<br />

tiers qui a lieu pendant <strong>les</strong> périodes pluvieuses de l’été.<br />

Malgré leur abondance, ces fruits sont surtout consommés<br />

à l’état frais, quoiqu’ils puissent se prêter beaucoup mieux<br />

à la série de préparations commercia<strong>les</strong> que l’on obtient<br />

avec <strong>les</strong> Tunas. Comme conserves, on n’en prépare guère<br />

que deux sortes consistant alors en de simp<strong>les</strong> confitures<br />

contenant <strong>les</strong> graines et en gelées. Encore ces conserves,<br />

qui sont loin d’avoir comme fabrication l’importance de<br />

celle de Tunas, sont-el<strong>les</strong> préparées dans un but plutôt<br />

d’approvisionnement ménager que pour un objet commer-<br />

cial ou d’exportation.<br />

Considéré au point de vue économique, le Pitayo est, dans<br />

son pays d’origine, l’arbre fruitier le plus avantageux pour<br />

<strong>les</strong> indigènes qui ne possèdent qu’un modeste champ de<br />

culture auprès de leurs habitations, car, ne puisant que fort<br />

peu de subsistance <strong>du</strong> sol, il n’épuise pas <strong>les</strong> terres, ce qui<br />

permet alors de faire sans inconvénients, à son voisinage<br />

immédiat, des cultures de plantes annuel<strong>les</strong> de rapport.<br />

Lemaireocereus griseus Britt. et Rose (syn. : Cereus griseus<br />

Haw., C. eburneus Salm-Dyck, C. resupinatus Salm-<br />

Dyck, C. e<strong>du</strong>lis Hort.). Ce Cierge est le plus anciennement<br />

connu et, par conséquent, le type le plus marquant parmi<br />

<strong>les</strong> Cierges fruitiers ; c’est à lui que <strong>les</strong> Espagnols appli-<br />

quèrent pour la première fois le nom de Pitayo ou Pitahayo.<br />

Au Mexique, on le désigne vulgairement sous <strong>les</strong> noms de<br />

Pitayo de mayo et de Pitayo de Mitla ; ces dénominations<br />

sont <strong>du</strong>es : pour la première, à ce que <strong>les</strong> fruits font leur<br />

apparition sur <strong>les</strong> marchés au début <strong>du</strong> mois de mai, et,<br />

pour la seconde, à ce que Mitla, l’antique cité zapotèque,<br />

est la région où, dans l’État de Oaxaca, la pro<strong>du</strong>ction de<br />

ce Cierge est la plus réputée pour sa quantité et sa qualité.<br />

Les Nahuatls, qui comprenaient cette espèce au nombre<br />

des Zapotnochtli, lui donnaient, à cause de sa vaste rami-


156 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

fication, <strong>du</strong> moins dans l’État de Puebla, le nom de Quapetla,<br />

terme qui, d’après <strong>les</strong> indigènes actuels, signifie tête<br />

large (quahitl = tête, petla = large, gros). Il se pourrait<br />

encore que cette dénomination, qui ne se trouve mentionnée<br />

par aucun auteur, ait une origine tout autre et qu’elle pourrait<br />

alors s’orthographier Coapetla (gros serpent), à cause<br />

de la nature quelque peu désordonnée et souvent flexueuse<br />

de ses tiges, ce qui, dans leur ensemble, <strong>les</strong> ferait ressembler<br />

à un enchevêtrement de grosses couleuvres.<br />

L’aire de dispersion <strong>du</strong> Pitayo de mayo est assez éten<strong>du</strong>e ;<br />

elle paraît limitée plus particulièrement au versant oriental<br />

de l’Amérique centrale ; aussi, le rencontre-t-on sur ce versant,<br />

sinon toujours à l’état sauvage, <strong>du</strong> moins en culture,<br />

depuis presque le nord <strong>du</strong> Mexique jusqu’au Vénézuéla, en<br />

passant par <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong>.<br />

Le Pitayo de mayo (fig. 43), dont la taille peut atteindre<br />

une hauteur de (6 à 7 mètres, constitue une forme très<br />

ramifiée dont <strong>les</strong> rameaux tantôt droits, tantôt flexueux et<br />

même parfois décombants, donnent à l’ensemble de la<br />

plante un aspect bien particulier qui la distingue à première<br />

vue de ses congénères. La fleur est longue d’une dizaine de<br />

centimètres ; elle est rougeâtre à l’extérieur et blanche, plus<br />

ou moins rosée, à l’intérieur. Le fruit est globuleux et légèrement<br />

ovoïde, de la grosseur d’une pomme de moyenne<br />

grandeur ; sa chair, habituellement d’une couleur rouge<br />

assez intense, présente cependant des variations blanches<br />

et jaunes. Ce fruit est quelque peu écailleux et souvent assez<br />

épineux, mais ses aiguillons disposés en faisceaux rayonnants<br />

tombent habituellement d’eux-mêmes au moment de<br />

la maturité, ce qui fait que sur <strong>les</strong> lieux de vente on <strong>les</strong><br />

voit toujours complètement glabres.<br />

Quoique la fructification n’ait lieu qu’une seule fois<br />

l’année et qu’elle soit limitée seulement à une courte période<br />

d’un peu plus d’un mois, la récolte des pro<strong>du</strong>its n’en constitue<br />

pas moins, pour <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong>, un important<br />

article de commerce local et d’exportation pouvant, momentanément<br />

il est vrai, rivaliser avec celle des Tunas. Aussi


Fig. 43. — Lemaireocereus griseus Britt. et Rose.<br />

Environs d’Oaxaca


158 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

voit-on, en mai et au commencement de juin, tous <strong>les</strong> mar-<br />

chés mexicains des vil<strong>les</strong> et des villages abondamment<br />

approvisionnés de Pitayas.<br />

Les Pitayas de mayo sont très appréciées des indigènes qui<br />

<strong>les</strong> préfèrent aux fruits de Nopals à cause de leur saveur et<br />

de la petitesse de leurs graines ; aussi, dans <strong>les</strong> endroits de<br />

pro<strong>du</strong>ction, en fait-on souvent, en dehors d’une alimen-<br />

tation saisonnière, une consommation curative et hygié-<br />

nique pour <strong>les</strong> voies digestives.<br />

On entretient le Lemaireocereus griseus à l’état de<br />

culture à peu près dans tous <strong>les</strong> villages et même dans <strong>les</strong><br />

cours et <strong>les</strong> jardins des faubourgs des grandes vil<strong>les</strong> où<br />

souvent il est l’unique plante de rapport.<br />

La croissance de ce Cierge, comme <strong>du</strong> reste celle des<br />

autres espèces de Pitayos, est fort lente, aussi sa propagation<br />

culturale ne peut se faire par semis, ce qui récla-<br />

merait trop de temps et trop de soins minutieux ; on a<br />

recours alors au bouturage, ce moyen ayant en outre<br />

l’avantage de permettre une sélection des meilleures variétés.<br />

Le bouturage se fait avec des rameaux d’environ un mètre<br />

de long, que l’on prélève sur des sujets reconnus pour leurs<br />

meilleures conditions de rapport.<br />

Quand, dans une culture, on ne maintient pas seulement<br />

ce Cierge isolé dans <strong>les</strong> champs, on le plante en quinconce<br />

ou encore on s’en sert pour clôturer <strong>les</strong> propriétés (fig. 44).<br />

Les boutures sont, dans ce dernier cas, disposées en ligne<br />

à une certaine distance <strong>les</strong> unes des autres, puis on garnit<br />

<strong>les</strong> espaces entre <strong>les</strong> plants par des arbustes ou des Nopals<br />

de façon à obtenir, dès le début, des haies infranchissab<strong>les</strong><br />

et en même temps une protection pour <strong>les</strong> tiges bouturées.<br />

Une plantation de Pitayos demande, dans ces conditions,<br />

environ deux ans pour s’établir, et ce n’est qu’à partir de<br />

ce temps qu’elle commence à entrer en végétation régulière,<br />

mais ce n’est qu’au bout d’un temps souvent très long que<br />

le Pitayo commence à donner une fructification un peu<br />

abondante. Une fois bien établie, cette plantation peut avoir<br />

une existence plusieurs fois séculaire et donner alors un


Fig. 44. — Route bordée de clôtures de Lemaireocereus griseus Britt. et Rose.<br />

Miahuatlanj (État de Oaxaca).


160 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

rapport constant pour nombre de générations sans réclamer<br />

d’el<strong>les</strong> d’autres soins que le simple nettoyage <strong>du</strong> terrain sur<br />

lequel il végète, afin d’en éliminer la végétation parasite qui<br />

pourrait lui nuire.<br />

Lemaireocereus queretaroensis Safford (syn. : Cereus<br />

queretaroensis Web., Pachycereus queretaroensis Britt. et<br />

Rose). — Ce Cierge est désigné vulgairement sous le nom de<br />

Pitayo de Queretaro, nom qui lui vient de la province où<br />

sa culture s’effectue concurremment avec celle des Nopals.<br />

Il est très voisin de l’espèce précédente avec laquelle on l’a<br />

longtemps confon<strong>du</strong>, ses qualités et son époque de pro<strong>du</strong>ction<br />

étant à peu de chose près <strong>les</strong> mêmes. Il s’en distingue<br />

néanmoins de prime abord par son allure générale<br />

qui est plus massive ; sa ramification est un peu moins<br />

fournie et moins enchevêtrée, beaucoup plus droite et plus<br />

vigoureusement élancée ; il atteint, en outre, une taille plus<br />

élevée et peut monter, chez des spécimens très âgés, à une<br />

hauteur de 10 mètres (fig. 45).<br />

La fleur est à peu près la même que celle de l’espèce<br />

précédente ; comme elle, elle possède une corolle bien étalée<br />

et de couleur blanche plus ou moins rosée (fig. 46). Le fruit,<br />

de même grosseur et de même apparence que celui <strong>du</strong><br />

Lemaireocereus griseus, s’en différencie cependant par<br />

l’épaisse toison épineuse recouvrant complètement son<br />

péricarpe et qui lui constitue une bourre particulièrement<br />

avantageuse pour son transport, ce qui permet de l’expédier<br />

dans des paniers sans avoir recours à aucune sorte<br />

d’empaquetage (fig. 47). Comme pour tous <strong>les</strong> Pitayos,<br />

ce recouvrement protecteur <strong>du</strong> fruit n’est plus adhérent à<br />

l’épiderme au moment de la maturité ; il est facile de s’en<br />

débarrasser par un simple et rapide brossage lors de la<br />

mise en place sur le marché.<br />

Ce fruit, comme celui de l’espèce précédente, offre trois<br />

variétés se différenciant par leur coloris : blanc, jaune,<br />

rouge ; c’est cette dernière qui est la plus connue sur <strong>les</strong><br />

marchés et aussi la plus estimée.<br />

L’aire de dispersion géographique <strong>du</strong> Lemaireocereus


11<br />

Fig. 45. — Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose.<br />

Guadalajara (État de Jalisco).


162 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

queretaroensis s’étend sur une vaste zone qui embrasse<br />

une partie <strong>du</strong> plateau central et <strong>du</strong> versant pacifique <strong>du</strong><br />

Mexique, depuis l’État de Durango jusqu’à l’isthme de<br />

Tehuantepec. Le point central de l’expansion de cette<br />

espèce paraît être plus particulièrement <strong>les</strong> États de Guanajuato,<br />

Queretaro, Jalisco et Michoacan ; c’est là <strong>du</strong> moins<br />

qu’on le rencontre en plus grande abondance et où on en<br />

fait surtout l’objet d’une culture coutumière. On entretient<br />

ce Pitayo comme le précédent, c’est-à-dire soit en plantation<br />

régulière, soit en clôture dans <strong>les</strong> villages, soit encore dans<br />

<strong>les</strong> faubourgs des grandes vil<strong>les</strong>, où il vient alors représenter<br />

l’arbre fruitier le plus avantageux pour <strong>les</strong> cours et<br />

<strong>les</strong> jardins de la population suburbaine (fig. 48).<br />

La localité la plus réputée pour la culture et la pro<strong>du</strong>ction<br />

<strong>du</strong> Lemaireocereus queretaroensis se trouve située<br />

dans l’État de Jalisco, dans une région que l’on nomme le<br />

Valle de las playas. Cette région, située à 1.300 mètres<br />

d’altitude, est encaissée de hautes chaînes de montagnes ;<br />

elle offre un vaste cirque dont une partie <strong>du</strong> fond est<br />

occupée, à certains endroits, par <strong>les</strong> lagunes plus ou moins<br />

salées de Tizapan, Zacoalco, Sayula et Zapotlan. Ces quatre<br />

grandes nappes d’eau, dont <strong>les</strong> éten<strong>du</strong>es varient suivant la<br />

saison, sont sans issue vers la mer ; el<strong>les</strong> sont permanentes<br />

mais de peu de profondeur ; el<strong>les</strong> suffisent néanmoins à<br />

constituer pour cette région encaissée un réservoir où<br />

viennent se collecter, à la saison pluviale, <strong>les</strong> eaux torrentiel<strong>les</strong><br />

provenant des escarpements montagneux. L’évaporation<br />

de ces surfaces lacustres sous un soleil ardent pendant<br />

la saison sèche entretient d’une façon constante sur<br />

toute la vallée un certain degré d’humidité. Celle-ci, jointe<br />

à la nature plus ou moins salée des terrains à certains<br />

endroits, doit, ainsi que la qualité des fruits paraît l’indiquer,<br />

avoir une influence heureuse sur <strong>les</strong> conditions<br />

écologiques <strong>du</strong> Pitayo.<br />

Les terrains salés <strong>du</strong> Valle de las playas où se font <strong>les</strong><br />

meilleures récoltes de Pitayas étaient, il n’y a pas encore<br />

très longtemps, exploités comme salines. Cette exploitation


Fig. 46. Fig. 47.<br />

Rameaux florifères et fructifères<br />

<strong>du</strong> Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose.<br />

Guadalajara (État de Jalisco).


164 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

paraît même remonter à une époque assez reculée, car <strong>les</strong><br />

historiens tels que Tello et Mota Padilla nous apprennent<br />

que <strong>les</strong> peuplades indiennes de la région se livraient souvent<br />

à des guerres pour s’assurer la possession de ces fameuses<br />

salines ; <strong>du</strong> reste, au voisinage des lacs de Zapotlan et de<br />

Sayula où sont <strong>les</strong> plus importantes plantations de Pitayos,<br />

on rencontre encore aujourd’hui de nombreux vestiges<br />

d’appareils antiques ayant servi au traitement <strong>du</strong> sel.<br />

Ces terres, de constitution argilo-sablonneuse peu riche<br />

en matières organiques, qui paraissent si favorab<strong>les</strong> à la<br />

qualité des Pitayas, contiennent, d’après un essai de<br />

M. Philippe, 20 0/0 de matières salines, et <strong>les</strong> efflorescences<br />

de ces dernières, prélevées à la surface <strong>du</strong> sol au moment<br />

de la saison sèche, ont donné à l’analyse 1 :<br />

Humidité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15,00<br />

Insoluble (terre entraînée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18,30<br />

Chlorure de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15,50<br />

Sulfate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9,40<br />

Carbonate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35,20<br />

Bicarbonate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2,00<br />

Silice soluble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0,90<br />

Phosphate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1,70<br />

Nitrate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0,80<br />

Oxyde de fer et matières organiques . . . . . . . . . . . 1,20<br />

La qualité des Pitayas <strong>du</strong> Valle de las playas réside<br />

surtout, d’après le dire des indigènes, dans leur homo-<br />

généité et dans leur plus longue conservation, avantages<br />

qui permettraient alors d’approvisionner <strong>les</strong> marchés dans<br />

de meilleures conditions. C’est ainsi que, par exemple, à<br />

Guadalajara, qui est la ville la plus populeuse et la plus<br />

importante de tout le versant pacifique, <strong>les</strong> Pitayas de cette<br />

provenance sont préférées, comme article de vente, à cel<strong>les</strong>,<br />

cependant plus savoureuses, que l’on récolte aux environs<br />

immédiats de la ville comme, par exemple, dans la barranca<br />

<strong>du</strong> rio Santiago.<br />

1. philippe. — Analyse des efflorescences salines provenant des terrains<br />

<strong>du</strong> lac de Zacoalco (Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire naturelle de Paris,<br />

IX, p. 375, 1903).


Fig. 48. — Verger de Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose<br />

dans la cour d’une habitation suburbaine de Guadalajara.<br />

(État de Jalisco).


166 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

stellatus Pfeiff., C. Dyckii Mart., C. Tonelianus Lemaire,<br />

Stenocereus stellatus Riccobono). — Ce Cierge est désigné<br />

vernaculairement sous le nom de Pitayo xoconostle, c’està-dire<br />

Pitayo à fruits aigrelets ou astringents ; <strong>les</strong> Nahuatls<br />

le désignaient simplement sous le nom de Xoconochtli,<br />

terme que l’on donnait également à un Nopal et à un<br />

Cylindropuntia dans d’autres localités.<br />

Ce Cierge est d’une taille moyenne et peut atteindre<br />

5 à 6 mètres chez <strong>les</strong> sujets bien développés (fig. 49) ; il se<br />

distingue nettement à première vue des espèces précédentes<br />

par ses rameaux beaucoup plus grê<strong>les</strong> et par son allure<br />

générale qui est caractérisée par une ramification assez<br />

fournie partant d’un tronc peu élevé sur le sol ; ses tiges,<br />

d’ordinaire, sont bien érigées et parfaitement rectilignes,<br />

quoiqu’el<strong>les</strong> puissent parfois se recourber accidentellement<br />

lorsqu’el<strong>les</strong> ont atteint une trop forte élongation.<br />

La fleur, longue de 5 à 6 centimètres, blanc rosé, apparaît<br />

autour <strong>du</strong> sommet de la tige où elle se groupe parfois en<br />

couronne.<br />

Le fruit est un peu plus petit que celui de ses congénères,<br />

il est médiocrement épineux et possède une saveur<br />

légèrement aigrelette qui, <strong>du</strong> reste, lui a fait donner son<br />

nom ; il arrive à maturité vers le mois d’août, c’est-à-dire<br />

un mois environ après <strong>les</strong> dernières grandes récoltes <strong>du</strong><br />

Lemaireocereus griseus, c’est ce qui le fait alors doublement<br />

apprécier, car il vient dans cette région prolonger<br />

l’époque de la fructification des Cierges et permettre, en<br />

même temps, d’atteindre le moment de la seconde fructification<br />

des Nopals.<br />

L’aire de dispersion de ce Cierge est plus ré<strong>du</strong>ite que<br />

celle des deux espèces précédentes ; jusqu’à présent, on ne<br />

le signale que dans le sud de l’État de Puebla et dans l’État<br />

de Oaxaca jusqu’à l’isthme de Tehuantepec qu’il dépasse<br />

même un peu, car, d’après la tradition, ce serait à sa présence<br />

dans l’État de Chiapas que l’on attribue le nom de<br />

Zoconusco ou Xoconochco (Xoconochtli-co) donné à la


Fig. 49. — Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose.<br />

Environs de Oaxaca.


168 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

ville qui fut, au temps des monarques aztecs, le lieu célèbre<br />

d’où on exportait le cacao le plus renommé.<br />

Quoique croissant spontanément et en grande abondance<br />

dans le pays, ce Cierge est l’objet d’une assez grande cul-<br />

ture de la part des indigènes. Il est surtout très abondant<br />

dans la Basse-Mixtèque, où il vient, par exemple à la<br />

petite ville d’Acatlan, remplir près de l’habitation de l’in-<br />

digène le même office que <strong>les</strong> autres Pitayos (fig. 50).<br />

Les trois espèces : Lemaireocereus griseus, queretaroensis<br />

et stellatus végètent dans de mêmes conditions ; on <strong>les</strong> rencontre<br />

indifféremment dans la terre chaude ou tempérée,<br />

mais cette dernière est celle qu’ils paraissent préférer ; ils<br />

se conviennent surtout sur <strong>les</strong> terrains arides et bien<br />

drainés, mais où cependant la saison des pluies se fait<br />

sentir chaque année d’une manière normale et régulière.<br />

Il n’en est plus de même pour <strong>les</strong> deux espèces qui vont<br />

suivre, cel<strong>les</strong>-ci sont au contraire de pays et de climat fon-<br />

cièrement désertiques, où le régime pluvial est des plus<br />

aléatoires.<br />

Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

Thurberi Engelm., Pilocereus Thurberi Rümpler). — Ce<br />

Cierge est particulier aux régions arides <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong><br />

Mexique où on le désigne communément sous le nom de<br />

Pitayo <strong>du</strong>lce.<br />

Fray Antonio de Ascension paraît être l’auteur qui, le<br />

premier, en ait fait mention ; attaché comme cosmographe<br />

de l’expédition de Sebastiano Viscaino, en 1602, ce moine<br />

carme, dans une de ses relations, signale ce Pitayo comme<br />

étant une des principa<strong>les</strong> pro<strong>du</strong>ctions végéta<strong>les</strong> de la partie<br />

méridionale de la péninsule californienne.<br />

Les missionnaires jésuites qui, dans la suite, prirent pos-<br />

session de la Basse-Californie au nom <strong>du</strong> roi d’Espagne<br />

et y fondèrent d’importantes missions, nous ont donné de<br />

minutieux détails sur cette plante qui jouissait d’une<br />

grande importance dans l’alimentation saisonnière des<br />

Indiens sauvages peuplant alors le pays ; ils s’accordent<br />

tous à reconnaître que ce Pitayo, très différent de ceux que


Fig. 50. — Plantation de Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose<br />

auprès de l’habitation d’un indigène.<br />

Acatlan (État de Oaxaca).


170 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

l’on rencontre dans l’intérieur <strong>du</strong> Mexique, est un végétal<br />

éminemment xérophile ne se convenant que sous des climats<br />

à la fois très chauds et très secs 1 . En effet, cette plante est<br />

tellement bien adaptée au régime particulier des pays déser-<br />

tiques subtropicaux que sa pro<strong>du</strong>ction fruitière peut, ainsi<br />

que le fait remarquer Clavigero 2 , devenir complètement<br />

nulle lorsque des pluies plus abondantes que de coutume<br />

ont lieu sur ces terrains habituellement soumis à de grandes<br />

et longues sécheresses.<br />

En somme, ce que requiert ce Cierge pour ses besoins<br />

spécifiques, c’est une année normale pour la contrée, c’est-<br />

à-dire où l’on ne compte qu’une ou deux pluies copieuses ;<br />

dans ces conditions, il donne une fructification extraordi-<br />

nairement abondante, mais, lorsque l’année s’est montrée<br />

trop sèche et qu’il n’y a eu pendant son cours que des<br />

pluies tout à fait insignifiantes, la plante ne paraît pas en<br />

souffrir en elle-même, mais sa pro<strong>du</strong>ction fruitière devient<br />

très faible. Ces faits sont uti<strong>les</strong> à mentionner parce qu’ils<br />

mettent en évidence le caractère propre à certaines espèces<br />

de Cactacées et qu’ils démontrent bien aussi <strong>les</strong> particu-<br />

larités biologiques <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi, ainsi que<br />

son adaptation au climat très spécial sous lequel il vit. En<br />

résumé, une trop grande humidité peut lui être funeste,<br />

tandis que d’un autre côté une sécheresse trop excessive<br />

paralyse ses moyens d’action.<br />

L’aire de dispersion <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi se<br />

trouve limitée aux régions désertiques <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong><br />

Mexique et <strong>du</strong> sud des États-Unis ; aussi le rencontre-t-on<br />

en grande abondance dans l’Arizona, la Basse-Californie, <strong>les</strong><br />

États de Sonora et Sinaloa.<br />

C’est une plante médiocrement ramifiée dont l’allure<br />

générale rappelle un peu celle <strong>du</strong> Pitayo xoconostle. En<br />

effet, cette espèce se ramifie presque à sa base ou ne donne<br />

tout au plus qu’un tronc très peu élevé au-dessus <strong>du</strong> sol.<br />

1. venegas. — Noliciasde Califomia, Madrid, 1757.<br />

2. clavigeRo. — Historia de la Antigua o Baja Califomia, Mexico,<br />

1852.


Fig. 51. — Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose.<br />

Environs de La Paz (Basse-Californie).


172 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Ses tiges, chez <strong>les</strong> sujets ordinaires, sont habituellement<br />

rectilignes et bien dressées (fig. 51) ; el<strong>les</strong> ne se ramifient<br />

que rarement et cela n’a guère lieu que chez <strong>les</strong> spécimens<br />

très âgés croissant parmi <strong>les</strong> bosquets de Cactacées (fig. 52).<br />

Cette espèce est de moyenne élévation ; chez <strong>les</strong> sujets<br />

<strong>les</strong> plus a<strong>du</strong>ltes, on peut rencontrer parfois certains spéci-<br />

mens atteignant une hauteur de 6 à 7 mètres, mais la<br />

dimension la plus commune varie entre 3 ou 4 mètres. La<br />

fleur mesure environ 10 centimètres de longueur ; elle est<br />

campanulée et d’une couleur blanche plus ou moins teintée<br />

de rouge ou de rose. Le fruit atteint le volume d’une petite<br />

orange, il est généralement rouge lorsqu’il est à maturité,<br />

mais peut présenter des variations jaunes et blanches ;<br />

cette dernière variété, comme pour <strong>les</strong> autres Pitayos, se<br />

pro<strong>du</strong>it sur des spécimens d’une teinte plus claire et à tiges<br />

un peu plus grosses.<br />

La fructification a lieu vers le commencement <strong>du</strong> mois de<br />

juin dans la majeure partie de la Basse-Californie et dans<br />

l’État de Sinaloa ; dans <strong>les</strong> régions plus septentriona<strong>les</strong>,<br />

comme le nord de la Basse-Californie et la Sonora, elle a<br />

lieu un peu plus tard et ce n’est guère que vers le mois<br />

d’août qu’elle atteint son véritable moment d’abondance.<br />

L’apparition des fruits de ce Pitayo marquait, comme on l’a<br />

vu au chapitre des avantages des Cactacées, l’époque la<br />

plus fortunée de l’année pour <strong>les</strong> populations autochtones<br />

qui peuplaient jadis ces terres désolées. C’était surtout dans<br />

la presqu’île californienne, ainsi que nous l’apprennent <strong>les</strong><br />

missionnaires, que ces fruits étaient considérés comme<br />

représentant le plus riche présent de la nature. Aussi, dans<br />

ce pays peuplé alors uniquement de tribus vivant dans l’état<br />

le plus primitif, la fructification <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi<br />

était-elle accueillie par des réjouissances délirantes ;<br />

elle apportait, sur cette contrée soumise plus particuliè-<br />

rement au régime des longues sécheresses, une opulence<br />

subite qui permettait, lorsque l’année avait été bonne, de<br />

vivre sans efforts pendant deux ou trois mois en s’alimen-<br />

tant presque uniquement d’un pro<strong>du</strong>it si savoureux et si<br />

substantiel.


Fig. 52. — Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose (spécimen très âgé).<br />

Environs de la Paz Basse-Californie).


174 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Le Pitayo <strong>du</strong>lce croissant en général dans des régions<br />

peu habitées, n’a pas été jusqu’à présent l’objet de la<br />

moindre culture, <strong>les</strong> indigènes actuels se contentent d’aller<br />

faire la récolte dans <strong>les</strong> endroits incultes où souvent ce<br />

Cierge constitue des bosquets plus ou moins éten<strong>du</strong>s.<br />

Les indigènes retirent encore quelques autres pro<strong>du</strong>its<br />

utilisés de ce Pitayo ; c’est ainsi que de la masse charnue<br />

des tiges ils extraient un suc poisseux qui, concentré à feu<br />

doux, donne une sorte de glu susceptible d’application dans<br />

<strong>les</strong> usages domestiques ; <strong>les</strong> marins espagnols s’en sont par-<br />

fois servi avec succès lorsque, pour le colmatage de leurs<br />

navires, la poix leur faisait défaut. Avec la partie ligneuse<br />

des tiges qui est constituée, comme <strong>du</strong> reste chez presque<br />

tous <strong>les</strong> Cierges colomnaires, par un tube creux très résis-<br />

tant et légèrement flexible, on fait des lattes pour appa-<br />

reiller <strong>les</strong> charpentes et faire surtout <strong>les</strong> pièces destinées à<br />

supporter <strong>les</strong> toitures.<br />

Machærocereus gummosus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

gummosus Engelm., C. Cumengei Web., Lemaireocereus<br />

gummosus Britt. et Rose, L. Cumengei Britt. et Rose). —<br />

Ce Cierge est désigné vulgairement sous le nom de Pitayo<br />

agrio à cause de la saveur légèrement acide de son fruit.<br />

Cette espèce se distingue très nettement à première vue<br />

de la précédente par son allure qui, au lieu d’être celle d’une<br />

plante parfaitement érigée, est, au contraire, flexueuse ; elle<br />

constitue de grands buissons dont l’élévation ne dépasse<br />

pas 2 mètres, formant de ci de là, sur <strong>les</strong> flancs des collines<br />

ou sur <strong>les</strong> plaines, des touffes frutescentes, constituées par<br />

des rameaux décombants plus ou moins ramifiés émergeant<br />

d’une souche centrale, d’où ils s’étendent dans toutes <strong>les</strong><br />

directions en adoptant un dispositif des plus désordonnés<br />

(fig. 53).<br />

Son aire de dispersion est assez ré<strong>du</strong>ite ; elle ne paraît pas<br />

s’étendre au delà <strong>du</strong> territoire représenté par la Basse-<br />

Californie et la Sonora ; encore est-elle, dans ces deux ré-<br />

gions baignées par l’Océan Pacifique et le golfe de Californie,<br />

particulièrement limitée aux zones côtières.


Fig. 53. — Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />

croissant en touffe buissonnante sur un terrain plat argilo-sablonneux.<br />

Environs de La Paz (Basse-Californie).


176 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La fleur est diurne et s’épanouit complètement le matin ;<br />

elle est blanche, quelque peu teintée de rose par endroits ;<br />

elle atteint une longueur de 20 centimètres, et est consti-<br />

tuée par une belle corolle bien étalée à l’extrémité d’un<br />

long tube (fig. 54). Le fruit est globuleux (fig. 55), un peu<br />

plus gros que celui de l’espèce précédente, d’un rouge écar-<br />

late ; il est armé, de place en place, de forts aiguillons qui se<br />

détachent d’eux-mêmes à l’époque de la maturité. Cette der-<br />

nière a lieu au mois de septembre et peut <strong>du</strong>rer parfois jus-<br />

qu’à la fin de novembre.<br />

La fructification de ce Pitayo, venant immédiatement après<br />

celle <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi, était plus particulièrement<br />

bien accueillie des Indiens qui voyaient en elle, outre<br />

une meilleure qualité de fruits, la continuation et le complé-<br />

ment de la période heureuse de l’année.<br />

Comme on l’a vu plus haut, ce Cierge est une espèce qui<br />

paraît uniquement adaptée au climat marin, car si on la<br />

rencontre parfois croissant vigoureusement dans <strong>les</strong> mon-<br />

tagnes de l’intérieur des terres, il ne donne là, comme il est<br />

facile de le constater, qu’une très faible pro<strong>du</strong>ction frui-<br />

tière, tandis que lorsqu’il se trouve à proximité de la mer<br />

ou au moins sur un terrain où il puisse en toute saison<br />

posséder un certain degré hygrométrique de l’atmosphère,<br />

sa fructification devient très abondante.<br />

Les situations qui paraissent lui convenir davantage sont<br />

cel<strong>les</strong> qui sont soumises à l’action constante des brises<br />

marines et qui se rencontrent en Basse-Californie sur <strong>les</strong><br />

grandes plaines longeant <strong>les</strong> plages <strong>du</strong> Pacifique et dans <strong>les</strong><br />

î<strong>les</strong> <strong>du</strong> golfe de Californie. Parmi ces dernières, l’île de Mon-<br />

serrate, qui est située un peu au-dessous <strong>du</strong> 26°, serait,<br />

d’après <strong>les</strong> marins et <strong>les</strong> pêcheurs qui fréquentent ces côtes<br />

inhabitées, l’endroit où l’on récolte <strong>les</strong> Pitayas agrias <strong>les</strong><br />

plus réputées pour leur qualité, leur volume et leur abon-<br />

dance.<br />

Le Machærocereus gummosus contient dans le parenchyme<br />

de ses tiges un principe toxique auquel <strong>les</strong> indigènes<br />

ont parfois recours comme moyen illicite dans leurs pro-<br />

cédés de pêche. Pour cela, ils hachent <strong>les</strong> tiges et <strong>les</strong> ré-


12<br />

Fig. 54 — Floraison <strong>du</strong> Machærocereus gummosus<br />

Britt. et Rose.<br />

Environs de La Paz (Basse-Californie).


178 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

<strong>du</strong>isent en menus fragments qu’ils répandent dans <strong>les</strong><br />

criques et <strong>les</strong> lagunes marines ; sous l’action de ce principe<br />

soluble dans l’eau, le poisson s’engourdit peu à peu et vient<br />

flotter inerte à la surface.<br />

A côté de ce Pitayo viennent se ranger deux autres Cierges<br />

à ramification flexueuse, végétant dans des conditions à peu<br />

près identiques au voisinage de la mer : ce sont <strong>les</strong> Machærocereus<br />

flexuosus et Acanthocereus pentagonus Britt. et<br />

Rose.<br />

Ces deux espèces bien nettement caractérisées ne se ren-<br />

contrent plus alors sur <strong>les</strong> sols désertiques de la partie sub-<br />

tropicale <strong>du</strong> Mexique ; el<strong>les</strong> végètent au contraire dans des<br />

régions beaucoup plus humides et soumises au régime ré-<br />

gulier des pluies estiva<strong>les</strong>.<br />

On <strong>les</strong> rencontre le plus habituellement dans la forêt sèche<br />

tropicale ou au voisinage des estuaires et criques dans <strong>les</strong><br />

plaines qui longent <strong>les</strong> rivages de la mer.<br />

Machærocereus flexuosus Britt. et Rose (syn. Cereus<br />

flexuosus Engelm.). — Cette espèce (fig. 41) est assez voisine<br />

de la précédente avec laquelle elle a été longtemps con-<br />

fon<strong>du</strong>e 1 ; son fruit est à peu près pareil et a la même coloration.<br />

La fleur, par contre, est différente ; elle est rose,<br />

beaucoup plus petite et très incomplète, an point qu’elle<br />

se trouve presque ré<strong>du</strong>ite à son tube. Les tiges présentent<br />

également quelques différences dans leur structure ; quoique<br />

cylindriques, el<strong>les</strong> peuvent parfois devenir quelque peu<br />

prismatiques. L’allure générale varie également, soit que<br />

la plante croisse isolément, soit qu’elle végète parmi <strong>les</strong><br />

buissons.<br />

On rencontre ce Cierge sur le versant pacifique, sur <strong>les</strong><br />

côtes des États de Sinaloa, Tepic, Jalisco, Colima, Michoa-<br />

can et Guerrero ; il ne paraît pas s’étendre aux rivages de<br />

l’État de Oaxaca où il est alors remplacé dans <strong>les</strong> mêmes<br />

conditions d’habitat par l’Acanthocereus pentagonus Britt.<br />

et Rose.<br />

1. bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, Washington, 1920, p. 116).<br />

soutiennent encore cette opinion.


Fig. 55. — Fruit mûr<br />

<strong>du</strong> Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />

sur sa tige.<br />

Environs de La Paz (Basse-Californie).


180 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Acanthocereus pentagonus Britt. et Rose (syn. : Cactus<br />

pentagonus L., Cereus pentagonus Haw., C. baxaniensis<br />

Karw., C. prismaticus Haw., C. Pitajaya DC., C. Dussii<br />

Schum., C. ramosus Karw., C. niti<strong>du</strong>s Salm-Dyck, C. varia-bilis<br />

Engelm., C. acutangulus Otto, C. Vasmeri Young,<br />

C. Princeps Pfeiff., C. un<strong>du</strong>latus Hort., C. Sirul Web.). — Ce<br />

Cierge est très anciennement connu, il est même cultivé de-<br />

puis très longtemps dans <strong>les</strong> collections de plantes de serre.<br />

Sa tige est rameuse et d’un vert foncé ; elle présente de trois<br />

à cinq côtes suivant son âge, <strong>les</strong> jeunes rameaux rappelant<br />

beaucoup ceux des Cierges triangulaires.<br />

Il croît dans <strong>les</strong> buissons en entrelaçant ses rameaux avec<br />

ceux des arbrisseaux, ou à l’état d’isolé ; il forme alors de<br />

grosses touffes ayant à peu près le même aspect que cel<strong>les</strong><br />

<strong>du</strong> Machærocereus gummosus.<br />

Son aire de dispersion est assez éten<strong>du</strong>e sur <strong>les</strong> zones<br />

marines des tropiques des deux versants <strong>du</strong> Mexique ; sur<br />

la côte atlantique on le rencontre dans <strong>les</strong> États de Tamau-<br />

lipas et de Vera-Cruz et sur la côte pacifique dans <strong>les</strong> États<br />

de Oaxaca et Guerrero. En dehors <strong>du</strong> Mexique, on le trouve<br />

dans <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong> et au Vénézuéla.<br />

Comme <strong>les</strong> espèces précédentes, il se cantonne de préfé-<br />

rence sur <strong>les</strong> zones basses et ne paraît pas, <strong>du</strong> moins dans<br />

l’État de Vera-Cruz, devoir dépasser une altitude de<br />

400 mètres.<br />

Quoique cultivé depuis très longtemps, la fleur et le fruit<br />

ne paraissent pas avoir été observés dans <strong>les</strong> cultures de<br />

collections ; ce fait peut s’attribuer à ce qu’il ne fleurit pas<br />

dans <strong>les</strong> cultures de serres chaudes où cependant il végète<br />

vigoureusement, mais sans avoir le climat marin indispen-<br />

sable à ses besoins spécifiques. La fleur est nocturne, à long<br />

tube, à sépa<strong>les</strong> verts et à pétale s blancs ; le fruit est ovale,<br />

épineux, rouge intus et extra, <strong>les</strong> graines grosses ; ce fruit<br />

est à peu de chose près semblable à celui des deux espèces<br />

précédentes et aurait <strong>les</strong> mêmes qualités et la même époque<br />

de maturité.<br />

Au groupe des Pitayos proprement dits, on peut encore


chapitRe ix 181<br />

ajouter une autre série qui s’y rattache par la nature de ses<br />

pro<strong>du</strong>its. Ce nouveau groupe comprend trois espèces bien<br />

distinctes que l’on rencontre dans le sud de l’État de Puebla,<br />

principalement aux environs de Tehuacan, et qui sont figu-<br />

rées par <strong>les</strong> Escontria Chiotilla Rose, Lemaireocereus Chende<br />

Britt. et Rose, Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose.<br />

L’allure générale de ces trois plantes est à peu près la<br />

même : ce sont des Cierges d’un développement moyen dont<br />

la hauteur n’excède guère 4 ou 5 mètres ; ils ont un tronc<br />

régulièrement dressé <strong>du</strong>quel partent de nombreuses tiges<br />

toujours bien érigées, ce qui en fait <strong>les</strong> types bien accomplis<br />

de ces Cierges de montagnes dont il a été fait mention plus<br />

haut et qui se caractérisent par une cime remarquablement<br />

étalée.<br />

Malgré leurs points communs, ces Cierges se distinguent<br />

nettement <strong>les</strong> uns des autres par des caractères botaniques<br />

bien tranchés. Ce fait est dû, en partie, à ce que leur flo-<br />

raison ayant lieu à des époques différentes, <strong>les</strong> mettent entre<br />

eux à l’abri de fécondations croisées, ce qui habituellement,<br />

chez <strong>les</strong> Cactacées, est la cause de variations dans <strong>les</strong> espèces.<br />

La fructification de ces trois Cierges se pro<strong>du</strong>it entre juin<br />

et août, c’est-à-dire au moment où <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its des deux<br />

principaux Pitayos de la localité (Lemaireocereus griseus et<br />

stellatus) abondent sur <strong>les</strong> marchés ; ils viennent donc là<br />

apporter une diversité parmi <strong>les</strong> fruits de vente courante, ce<br />

qui <strong>les</strong> fait d’autant plus apprécier des indigènes.<br />

Escontria Chiotilla Britt. et Rose (syn. Cereus Chiotilla<br />

Web.). — Ce Cierge est désigné dans la localité sous le nom<br />

de Chiotillo, et son fruit sous celui de Chiotilla ; il atteint en<br />

général une hauteur de 4 à 5 mètres, son tronc est assez<br />

bien dressé, quoique souvent bifurqué vers la base ; il donne<br />

naissance à son sommet à de très nombreux rameaux qui,<br />

se subdivisant toujours obliquement sur leur point d’émer-<br />

gence, arrivent à former par leur grand nombre une cime<br />

très touffue (fig. 56).<br />

C’est la nature toujours très rectiligne de ces rameaux<br />

qui a fait donner à cette espèce le nom vulgaire de Chiotillo,


182 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

lequel dérive <strong>du</strong> mot nahuatl Quionochtli (quio, de quiotl =<br />

hampe florale, bourgeon ou rejet droit, et nochtli = Cactus).<br />

Fig. 56. — Escontria Chiotilla Britt. et Rose.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />

La fleur est campanulée, de moyenne grandeur et blanche.<br />

Le fruit est gris verdâtre, très écailleux, de la dimension<br />

d’une noix ; sa pulpe est rouge ; il arrive à maturité au mois<br />

d’août et fait l’objet d’un certain commerce dans la localité.


Fig. 57. — Lemaireocereus Chende Britt. et Rose.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


184 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Ce Cierge croît principalement dans <strong>les</strong> vallées et sur <strong>les</strong><br />

plateaux à une altitude variant entre 1.800 et 2.000 mètres.<br />

Quoique très répan<strong>du</strong> à l’état sauvage sur ces régions éle-<br />

vées, on l’entretient néanmoins en culture assez régulière<br />

dans <strong>les</strong> villages de la grande vallée qui se trouve entre<br />

Puebla et Tehuacan, principalement dans le district de Teca-<br />

machalco où, parait-il, ses fruits se pro<strong>du</strong>isent de meilleure<br />

qualité.<br />

Lemaireocereus Chende Britt. et Rose (syn. : Cereus Chende<br />

Roland-Gosselin). — Comme allure et comme port, ce Cierge<br />

se rapproche beaucoup <strong>du</strong> précédent avec lequel il est facile<br />

de le confondre à première vue ; ses ramifications, tout en<br />

étant aussi rigides, sont un peu moins longues (fig. 57) ; il<br />

serait alors, sous ce rapport, intermédiaire entre cette der-<br />

nière espèce et la suivante ; comme celle-ci, il ne se ren-<br />

contre guère que sur <strong>les</strong> pentes abruptes des montagnes<br />

dans <strong>les</strong> situations sujettes à des courants aériens à peu<br />

près continuels et à une altitude variant entre 2.000 et<br />

2.500 mètres.<br />

Le fût de la plante est gros, simple et court ; sur <strong>les</strong> sujets<br />

qui ont atteint leurs proportions norma<strong>les</strong>, il commence à<br />

donner sa première ramification à environ un mètre au-<br />

dessus <strong>du</strong> sol. La fleur est rouge ; elle offre une corolle d’environ<br />

4 centimètres, peu étalée, avec un tube court d’environ<br />

1 centimètre ; elle exhale un parfum assez agréable. Le fruit<br />

est à peu près de même volume que la Chiotilla, mais au<br />

lieu d’être écailleux et inerme, il est recouvert entièrement<br />

d’une toison rude de couleur brune constituée par de fins<br />

aiguillons criniformes, courts et assez acérés, qui persistent<br />

lorsque le fruit a atteint sa complète maturité. La pulpe<br />

est blanche et contient des graines très petites ; ces fruits<br />

font leur apparition en juin sur <strong>les</strong> marchés de la localité.<br />

La pulpe charnue interne des tiges est d’une couleur jaune<br />

safran, ce qui est un fait très rare chez <strong>les</strong> autres espèces<br />

de Cactacées et qui est digne d’être pris en considération<br />

parmi <strong>les</strong> caractères distinctifs de cette espèce.<br />

La dénomination de Chende paraît devoir être d’origine


Fig. 58. — Rameaux fructifères <strong>du</strong> Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose.<br />

Cerro Colorado, environs de Tehuacan (État de Puebla).


186 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

mixtèque, langue dans laquelle ce terme signifie « détritus,<br />

pourriture, déchet », etc.; selon toute vraisemblance, elle<br />

aurait été donnée par <strong>les</strong> Indiens Mixtecs, soit à cause de la<br />

couleur brun foncé <strong>du</strong> fruit qui, lorsqu’il est tombé sur le<br />

sol, ne se distingue guère des autres détritus végétaux, soit<br />

parce que, lorsque la plante ne se trouve pas bien exposée<br />

aux courants aériens qui paraissent lui être indispensab<strong>les</strong>,<br />

elle est envahie par une sorte de Lichen qui, se propageant<br />

très rapidement, fait tomber la pulpe des tiges en décom-<br />

position.<br />

Le Lemaireocereus Chende est désigné par <strong>les</strong> Indiens qui<br />

parlent encore le nahuatl dans la localité, sous le nom de<br />

Cotzonochtli, et son fruit sous celui de Clilnochtli (cotzic =<br />

jaune, à cause de la teinte de la masse charnue des tiges ;<br />

clil = noir ou obscur, à cause <strong>du</strong> revêtement foncé <strong>du</strong> fruit).<br />

Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

Chichipe Roland-Gosselin, C. mixtecensis Purpus, Lemaireocereus<br />

mixtecensis Britt. et Rose). — Cette espèce est<br />

remarquable par son excessive ramification, c’est même<br />

parmi tous <strong>les</strong> représentants des Cierges colomnaires, celui<br />

qui se caractérise le plus par l’ampleur de sa ramification,<br />

qui rappellerait, en quelque sorte, la dichotomie des Platyopuntia.<br />

Le tronc est court, simple, assez gros et bien droit ; il ne<br />

diffère guère de celui des deux espèces précédentes, mais <strong>les</strong><br />

rameaux qui en émergent sont beaucoup plus nombreux,<br />

plus ré<strong>du</strong>its et plus courbes à leur naissance. Ce tronc se<br />

subdivise assez près <strong>du</strong> sol et donne lieu à des tiges qui, à<br />

force de se ramifier, finissent pas se toucher en formant<br />

une volumineuse cime constituée en forme de dôme. Cette<br />

cime étalée représente habituellement un diamètre double<br />

de la hauteur de la plante qui, sur <strong>les</strong> sujets <strong>les</strong> plus cou-<br />

rants, ne dépasse guère 3 mètres (fig. 59).<br />

La cause de cette singulière et extraordinaire ramification<br />

doit, en grande partie, être attribuée aux conditions clima-<br />

tiques particulières à l’habitat de la plante, qui se trouve<br />

entre 2.000 et 2.500 mètres d’altitude. En effet, ce Cierge se


Fig. 59. — Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose,<br />

forme à rameaux plus allongés se rencontrant dans <strong>les</strong> endroits abrités.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


188 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

rencontrant le plus souvent sur <strong>les</strong> petits plateaux des cols<br />

ou des crêtes des montagnes, est soumis au régime des ter-<br />

rains fréquemment balayés par des courants aériens parfois<br />

très forts et exposés à l’action de rayonnements nocturnes<br />

intenses, ce qui le place dans des conditions de végétation<br />

à peu près analogues à cel<strong>les</strong> que possèdent <strong>les</strong> Platyopuntia<br />

communs aux régions désertiques <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique.<br />

Dans <strong>les</strong> endroits plus abrités, ce Cierge modifie quelque<br />

peu son allure, ses rameaux deviennent alors plus longs et<br />

moins régulièrement enchevêtrés, d’où il résulte que la cime<br />

se montre moins uniformément constituée.<br />

La fleur à l’état frais n’a été connue que tout récemment.<br />

M. R. Roland-Gosselin, qui a donné la première description<br />

de ce Cierge, ainsi que <strong>du</strong> précédent 1 , a fait l’étude de cette<br />

fleur d’après un échantillon desséché se trouvant encore<br />

adhérent à un fruit parvenu à maturité ; elle paraît se rap-<br />

procher beaucoup de celle de la précédente espèce ; comme<br />

elle, elle aurait un tube très court 2 .<br />

Le fruit est désigné sur <strong>les</strong> marchés de la localité sous le<br />

nom de Chichituna ; il arrive à sa maturité en juillet et par<br />

conséquent à une époque intermédiaire entre celle <strong>du</strong><br />

Lemaireocereus Chende et de l’Escontria Chiotilla.<br />

Ce fruit est sphérique et atteint un diamètre de 3 centi-<br />

mètres ; il a un épiderme lisse, lustré, d’une teinte variant<br />

<strong>du</strong> vert clair au violacé et passant parfois au rouge par<br />

places ; il présente à sa surface seulement quelques aiguil-<br />

lons courts et peu adhérents. Sa pulpe est blanche et con-<br />

tient de petites graines qui ne mesurent qu’à peine un milli-<br />

mètre.<br />

Comme le Lemaireocereus Chende, il est attaqué par le<br />

même Lichen, mais ce dernier paraît lui être moins funeste ;<br />

quelques Broméliacées épiphytes <strong>du</strong> genre Tillandsia se<br />

fixent parfois sur la partie terminale de ses rameaux, mais<br />

1. R. Roland-gosselin. — Quatre Cactées nouvel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique<br />

(Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire naturelle de Paris, XI, p. 506, 1905).<br />

2. Suivant bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 90, Washington,<br />

1920) elle serait jaune-verdâtre.


chapitRe ix 189<br />

ces dernières ne paraissent pas lui occasionner de grands<br />

dommages.<br />

Le nom de Chichipe paraît bien dériver <strong>du</strong> terme nahuatl<br />

Chichipitl, signifiant glande arrondie, nom que l’on aurait<br />

alors donné à cause de la forme <strong>du</strong> fruit et que l’on a éten<strong>du</strong><br />

à toute la plante, quoique dans le pays <strong>les</strong> Indiens la dé-<br />

signent encore sous celui de Tepequionochtli (tepelt = montagne,<br />

quiotl = hampe florale, rejeton dressé, et nochtli =<br />

Cactus) Cactus à rejetons droits des montagnes.<br />

Les Lemaireocereus Chende et Chichipe se rencontrent au<br />

Cerro Colorado, montagne des environs immédiats de Tehua-<br />

can ; leur aire de dispersion à tous deux est restée jusqu’ici<br />

inconnue ; il paraîtrait, au dire des indigènes, qu’elle devrait<br />

comprendre un territoire assez vaste, limité aux crêtes mon-<br />

tagneuses de la région, constituée en majeure partie par le<br />

bassin <strong>du</strong> cours supérieur <strong>du</strong> rio Balsas et qui comprendrait<br />

alors une notable éten<strong>du</strong>e dans l’ancienne province de la<br />

Mixteca 1 .<br />

Comme annexe aux Pitayos, il faut encore ajouter la gigantesque<br />

espèce des régions désertiques <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong><br />

Mexique et <strong>du</strong> sud-ouest des États-Unis qui est représentée<br />

par le Carnegiea gigantea Britt. et Rose, et à laquelle <strong>les</strong><br />

indigènes donnent le nom de Sahuaro ou Sahueso.<br />

Ce remarquable Cierge, qui est de tous <strong>les</strong> représentants<br />

de la famille des Cactacées le spécimen atteignant <strong>les</strong> plus<br />

hautes et <strong>les</strong> plus fortes proportions et, parmi <strong>les</strong> Céréées,<br />

celui dont l’habitat remonte le plus au nord, offre, grâce à<br />

son abondante fructification, une ressource pouvant riva-<br />

liser avec celle des plus pro<strong>du</strong>ctives espèces de Nopa<strong>les</strong> et de<br />

Pitayos.<br />

Carnegiea gigantea Britt. et Rose (syn. : Cereus giganteus<br />

Engelm., Pilocereus Engelmannii Lemaire, P. giganteus<br />

Rümpl.). — Ce Cierge se rattache, par l’ensemble de ses<br />

caractères distinctifs, aussi bien aux Pitayos qu’aux Cardones<br />

et même aux Pilocereus. C’est pour cette raison qu’En-<br />

1. Suivant bRitton et Rose (loc. cit. pp. 90 et 91) <strong>les</strong> deux espèces<br />

se rencontreraient dans <strong>les</strong> États de Puebla et de Oaxaca.


190 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

gelmann avait cru devoir le placer dans un sous-genre à part,<br />

qu’il désignait sous le nom de Lepidocereus et dans lequel<br />

il faisait encore entrer le Lemaireocereus Thurberi ou Pitayo<br />

<strong>du</strong>lce de Sonora et de Basse-Californie et même aussi le<br />

Pachycereus Pringlei 1 .<br />

Ce géant de la famille des Cactacées fut signalé pour la<br />

première fois en 1538, lors des expéditions d’exploration par<br />

terre et par mer de Francisco Vasquez Coronado, gouverneur<br />

de la Nueva-Galicia, et <strong>du</strong> capitaine Francisco Alarcon, mais<br />

il ne commença à être bien connu qu’à partir des travaux<br />

et recherches d’Engelmann en 1859.<br />

L’aire de répartition géographique <strong>du</strong> Carnegiea gigantea<br />

est nettement localisée sur le versant pacifique entre le<br />

30° et le 32°; elle correspond à la zone désertique particu-<br />

lière au confluent des rio Gila et Colorado, et qui s’étend<br />

depuis l’Arizona jusque sur <strong>les</strong> parties nord des États mexi-<br />

cains de Sonora et de Chihuahua.<br />

Ce Cierge peut atteindre, assure-t-on, une élévation voi-<br />

sine de 30 mètres, mais <strong>les</strong> spécimens bien développés, que<br />

l’on rencontre le plus habituellement, ne dépassent guère<br />

une vingtaine de mètres, ce qui leur donne alors une stature<br />

analogue à celle des représentants <strong>les</strong> mieux développés<br />

<strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose, dont la limite<br />

septentrionale d’extension géographique aboutit à la même<br />

contrée.<br />

Comme allure générale, ce Cierge est normalement peu<br />

ramifié ; il se développe d’abord en une colonne très droite,<br />

plus ou moins régulière ou parfois un peu en massue vers<br />

l’apex, et dont le diamètre, chez <strong>les</strong> exemplaires très cor-<br />

pulents, peut parfois atteindre près d’un mètre. Lorsqu’ap-<br />

paraissent ses ramifications, cel<strong>les</strong>-ci se recourbent brus-<br />

quement à leur point d’émergence et se dressent presque<br />

1. La caractéristique de ce nouveau sous-genre était basée sur <strong>les</strong><br />

particularités des épines, des fleurs courtes, de l’ovaire et <strong>du</strong> tube<br />

portant de nombreux sépa<strong>les</strong> imbriqués et écailleux, des péta<strong>les</strong><br />

charnus. engelmann : Cactaceæ of Mexican boundary, p. 42, Washington,<br />

1859, et in Silliman’s American journal of science and arts, march 1854 ;<br />

lemaiRe : in Illustration horticole, IX, misc. 97, 1862.


chapitRe ix 191<br />

toujours parallèlement à la tige centrale faisant l’office de<br />

tronc.<br />

Par son aspect et son mode de ramification, ce Cierge<br />

rappelle beaucoup le Pachycereus ruficeps Britt. et Rose<br />

des environs de Tehuacan ; comme lui, il paraît préférer<br />

<strong>les</strong> sites escarpés et abrupts des flancs des montagnes,<br />

où souvent il vient pareillement constituer d’importants<br />

massifs de hautes futaies. Lorsqu’il croît isolément dans<br />

<strong>les</strong> plaines, il se montre en général plus ramifié et affecte<br />

un port mieux disposé en candélabre, ce qui lui donne<br />

alors quelque peu de ressemblance avec la forme insulaire<br />

<strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose, ou Cardon pelon de<br />

Basse-Californie.<br />

Le Carnegiea gigantea fleurit en mai et juin et ses fruits<br />

mûrissent en juillet et août ; certains même, détail parti-<br />

culier, n’arrivent à maturité que dans le courant de<br />

l’année suivante.<br />

Les fleurs se montrent en abondance et sont générale-<br />

ment groupées au voisinage de la partie apicale des tiges ;<br />

el<strong>les</strong> sont grandes et ont de 10 à 15 centimètres de long,<br />

sur 9 à 12 d’épanouissement corollaire ; <strong>les</strong> segments<br />

externes sont charnus et d’un blanc verdâtre, <strong>les</strong> internes<br />

d’un blanc terne. Le fruit est régulièrement ovale, long de<br />

8 à 9 centimètres sur 4 de large, lisse et portant de petites<br />

squames triangulaires, mucronées. Le péricarpe, d’environ<br />

4 millimètres d’épaisseur, s’ouvre, au moment de la com-<br />

plète maturité <strong>du</strong> fruit, en trois ou quatre valves irrégu-<br />

lières, de couleur rouge écarlate sur leur face interne, ce<br />

qui explique pourquoi certains voyageurs ont décrit ce<br />

Cierge comme ayant des fleurs rouges. La pulpe, légèrement<br />

sucrée, a la consistance de celle de la figue ; elle se sépare<br />

complètement de l’enveloppe qui la contient ; lorsque celle-ci<br />

est desséchée sous l’action des ardeurs <strong>du</strong> soleil, elle tombe<br />

alors à terre, où <strong>les</strong> Indiens vont la recueillir pour la pétrir<br />

et la réunir en une masse assez volumineuse dans un but<br />

de conservation. Cette masse est soumise ensuite à la pres-<br />

sion, afin d’en extraire un pro<strong>du</strong>it épais et sucré comparable<br />

au Miel de Tuna.


192 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les fruits, avant leur déhiscence, sont récoltés de la<br />

même façon que ceux des Pitayos ; on <strong>les</strong> apporte alors sur<br />

<strong>les</strong> marchés de la région où ils sont ven<strong>du</strong>s comme ceux<br />

des autres fruits de Cactacées.<br />

Le Carnegiea gigantea parait surtout affectionner <strong>les</strong> terrains<br />

rocailleux, grâce auxquels il trouve d’excellentes<br />

conditions pour l’insertion de ses racines et une base<br />

assurée pour le maintien de sa volumineuse et puissante,<br />

complexion.<br />

C’est une espèce admirablement adaptée aux rudes exi-<br />

gences (<strong>les</strong> climats foncièrement désertiques et, sous ce<br />

rapport, il paraît se conformer plutôt au régime habituel<br />

des Echinocactées géantes, qu’à celui qui convient à la<br />

majorité des grandes Céréées. En effet, dans <strong>les</strong> sites que<br />

la nature lui a assignés comme habitat, on le voit végéter<br />

avec vigueur sous un climat à peu près analogue à celui<br />

des plateaux <strong>du</strong> Mexique, où <strong>les</strong> vents secs <strong>du</strong> nord et un<br />

rayonnement nocturne intense amènent pendant quelques<br />

heures des baisses subites de température, mais où cepen-<br />

dant, à certains moments, <strong>les</strong> excès de suprême sécheresse<br />

peuvent être subitement corrigés, en hiver, par d’abondantes<br />

condensations de brumes froides, et, en été, par des pluies<br />

orageuses.<br />

Ces faits peuvent expliquer pourquoi cette plante, si<br />

extraordinairement robuste dans la nature et si bien<br />

conformée à une climatologie variant brusquement aux<br />

extrêmes, croît d’une façon si chétive lorsqu’on la soumet<br />

au régime par trop constant des cultures en serre tempérée.<br />

II<br />

CIERGES A TIGES RAMPANTES<br />

Les espèces qui constituent cette série sont représentées<br />

par des formes pour la plupart adaptées au régime clima-<br />

tique des régions forestières.<br />

Ces Cactacées qui ont per<strong>du</strong> à peu près tout caractère<br />

xérophile sont alors saxico<strong>les</strong> ou épiphytes ; leurs tiges, au


chapitRe ix 193<br />

lieu d’être franchement érigées et rigides, sont, au contraire,<br />

toujours flexueuses et, dans certains cas, plus ou moins<br />

tombantes ou décombantes, conformation qui, dans la<br />

nature, <strong>les</strong> oblige à recourir à des appuis et à se développer<br />

soit en tapis sur <strong>les</strong> rochers, soit à grimper sur <strong>les</strong> arbres<br />

à la façon des lianes, soit encore à s’insinuer et à s’enche-<br />

vêtrer dans des buissonnements arbustifs.<br />

Ces différentes allures ont valu aux représentants de la<br />

série <strong>les</strong> désignations bien significatives de Cactiers ou<br />

Cierges couchés, grimpants, serpents, serpentins, qui leur<br />

furent au début appliqués dans la terminologie horticole.<br />

Pour se fixer sur <strong>les</strong> soutiens indispensab<strong>les</strong> à leurs<br />

conditions d’existence, nombre de ces Cierges ont recours à<br />

des racines crampons qui, surgissant le long des tiges, leur<br />

permettent d’adhérer fortement à n’importe quelle surface<br />

et même à s’y maintenir en touffes puissantes dans des<br />

positions tout à fait vertica<strong>les</strong>.<br />

D’autres, comme c’est le cas <strong>du</strong> Selenicereus hamatus<br />

Britt. et Rose, utilisent comme moyen de fixation <strong>les</strong><br />

saillies foliacées et recourbées dont sont pourvus <strong>les</strong> bords<br />

des côtes et qui, dans la circonstance, font alors l’office de<br />

véritab<strong>les</strong> grappins.<br />

Tous ces Cierges sont remarquab<strong>les</strong> par la beauté, la<br />

délicatesse de coloris et, souvent, la grandeur de leurs<br />

fleurs ; ces avantages leur assurèrent depuis longtemps une<br />

certaine notoriété dans l’horticulture et <strong>les</strong> firent apprécier<br />

comme plantes ornementa<strong>les</strong> de serres et de jardins situés<br />

en pays tempérés.<br />

La plupart, lorsqu’ils croissent en régions à régime clima-<br />

tique régulier, fleurissent et fructifient pendant la saison<br />

des pluies ; certains même, comme on a pu le constater<br />

dans <strong>les</strong> cultures, ont pour leur floraison une date remar-<br />

quablement fixe et qui se répète invariablement chaque<br />

année.<br />

Sauf quelques exceptions, <strong>les</strong> fleurs sont crépusculaires<br />

ou nocturnes et en général de très courte <strong>du</strong>rée ; c’est ce<br />

qui a valu à plusieurs espèces d’avoir été comprises dans<br />

13


194 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

la classification populaire des pays espagnols sous le nom<br />

de Reina de la noche, tels sont : <strong>les</strong> Nyctocereus serpentinus<br />

Britt. et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose,<br />

S. pteranthus Britt. et Rose.<br />

Quoique considérées en général comme peu odorantes,<br />

ces fleurs peuvent néanmoins, à certaine période de leur<br />

épanouissement, exhaler momentanément un parfum assez<br />

accentué de vanille.<br />

Comme cela a lieu chez toutes <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> plus<br />

évoluées des genres appartenant à la famille des Cactacées,<br />

le polymorphisme et la propension au croisement entre<br />

espèces sont manifestement très accusés dans ce groupe<br />

des Cierges à tiges rampantes. Ce fait doit, en grande partie,<br />

être attribué à ce que toutes ces plantes fleurissent à peu<br />

près à la même époque et pendant la saison des pluies,<br />

moment de l’année où, sous <strong>les</strong> tropiques, la vie est plus<br />

intense et où, par conséquent, la fécondation par l’inter-<br />

médiaire des insectes doit s’opérer de façon plus efficace.<br />

Si cette particularité a pu être mise avantageusement à<br />

profit dans <strong>les</strong> cultures, elle a eu par contre l’inconvénient<br />

de contribuer à créer <strong>les</strong> confusions régnant actuellement<br />

dans la spécification de ces Cierges, car elle a fait décrire<br />

comme espèces distinctes, non seulement des variétés<br />

issues de semis, mais aussi des formes modifiées par des<br />

croisements naturels et qui, comme il est à présumer,<br />

avaient, par suite de circonstances particulières, fini par<br />

s’implanter et se maintenir spontanément dans une localité.<br />

Il résulte donc de ces faits que l’identification spécifique<br />

des Cierges rampants ne pourra reposer sur une base<br />

sérieuse que lorsque leur culture aura été entreprise d’une<br />

façon méthodique et à l’abri de toute cause de perturbation.<br />

Car, en somme, il existe exactement pour ce groupe de<br />

Cierges <strong>les</strong> mêmes causes de variabilité qui ont été con-<br />

statées plus haut, au chapitre des Opuntiées, pour ce qui<br />

a trait aux Nopals.<br />

On répartit <strong>les</strong> Cierges rampants en deux groupes bien<br />

tranchés qui se caractérisent à première vue par la struc-<br />

ture des tiges :


chapitRe ix 195<br />

1° Les Cierges à rameaux cylindriques, cannelés, presque<br />

volubi<strong>les</strong> (Selenicereus vagans Britt. et Rose), ou parfois<br />

partiellement érigés (Nyctocereus serpentinus Britt. et<br />

Rose), ou encore complètement tombants et flagelliformes<br />

(Aporocactus flagelliformis Lemaire). De Candolle avait<br />

proposé pour cette subdivision la désignation de Microgni,<br />

à cause de la gracilité des nombreuses côtes dont sont<br />

pourvus ses représentants ;<br />

2° Les Cierges à rameaux prismatiques dont <strong>les</strong> formes<br />

<strong>les</strong> plus marquantes et <strong>les</strong> plus typiques sont figurées par<br />

<strong>les</strong> Hylocereus un<strong>du</strong>latus Britt. et Rose et Selenicereus<br />

grandiflorus Britt. et Rose. Ceux-ci se différencient à première<br />

vue des précédents par le nombre des côtes variant<br />

entre trois et sept au maximum. C’est à ces derniers que<br />

<strong>les</strong> Mexicains appliquent exclusivement le nom de Pitahayos.<br />

Entre <strong>les</strong> Cierges microgones et <strong>les</strong> Pitahayos, l’espèce<br />

qui, par ses caractères botaniques, semble le mieux faire la<br />

transition, serait, d’après de Candolle, le Nyctocereus serpentinus<br />

1 .<br />

Les Pitahayos offrent un certain intérêt au point de vue<br />

de la qualité de leur pro<strong>du</strong>ction fruitière ; aussi, dans ce<br />

chapitre, ne parlerons-nous que des espèces appartenant à<br />

cette catégorie. Les fruits de ces derniers sont toujours de<br />

bonne dimension et de belle apparence ; ils sont en général<br />

ovoïdes, inermes et, de plus, très savoureux lorsqu’ils sont<br />

issus de bonnes variétés, ce qui leur permet de prendre<br />

place à côté des fruits <strong>les</strong> mieux achalandés des tropiques,<br />

et c’est <strong>du</strong> reste pour cette raison que Thierry de Menon-<br />

ville <strong>les</strong> avait appelés Cactus mensarum.<br />

Les Pitahayos peuvent, d’après la structure de leurs tiges<br />

et <strong>les</strong> particularités de leurs fleurs et de leurs fruits, se<br />

répartir en deux subdivisions assez nettement délimitées :<br />

l’une dont la section de la tige est invariablement trian-<br />

gulaire et le fruit écailleux, ce sont <strong>les</strong> Pitahayos propre-<br />

1. de candolle. — Revue de la famille des Cactées, 1829


196 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

ment dits, et l’autre dont la tige présente un contour plus<br />

polygonal et a le fruit verruqueux 1 .<br />

pitahayos tRiangulaiRes. — Le groupe des Pitahayos<br />

proprement dits a reçu le nom d’Hylocereus 2 ; il répond à ce<br />

qu’au début de la classification des Cactacées on nommait<br />

Cactiers à fruits feuillés à cause des prolongements squa-<br />

meux dont le péricarpe des fruits est orné.<br />

Ces Pitahayas forment un groupe des plus homogènes,<br />

caractérisé chez tous par l’uniformité de la structure de la<br />

tige, mais aussi par celle des fleurs et des fruits.<br />

Les fleurs sont très grandes (el<strong>les</strong> peuvent dépasser<br />

30 centimètres de longueur), crépusculaires ou nocturnes,<br />

d’un beau blanc lustré pouvant parfois virer légèrement au<br />

jaune sur <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> externes ; el<strong>les</strong> sont en général de très<br />

courte <strong>du</strong>rée, ne restant épanouies que quelques heures ;<br />

néanmoins, lorsqu’el<strong>les</strong> se sont ouvertes pendant la nuit<br />

ou au matin, el<strong>les</strong> peuvent <strong>du</strong>rer parfois une partie de la<br />

journée ; c’est ce qui a lieu habituellement lorsqu’el<strong>les</strong> se<br />

trouvent en exposition suffisamment ombragée, mais dès<br />

que le soleil vient <strong>les</strong> atteindre directement, on voit leur<br />

corolle aussitôt se flétrir et même quelquefois tomber en<br />

se détachant brusquement de leur point d’insertion sur<br />

l’ovaire.<br />

Les fruits, assez variab<strong>les</strong> dans leur volume et dans leur<br />

coloration, sont complètement inermes, <strong>les</strong> épines étant<br />

alors remplacées par des écail<strong>les</strong> charnues plus ou moins<br />

nombreuses et plus ou moins développées.<br />

1. On doit encore rattacher au premier de ces groupes, un Cierge<br />

épiphyte à rameaux complètement aplatis que l’on rencontre dans <strong>les</strong><br />

forêts marécageuses <strong>du</strong> Brésil et qui a été décrit sous le nom de<br />

Strophocactus Wittii Britt. et Rose. Ce Cierge semble bien, d’après<br />

Berger, faire la transition entre <strong>les</strong> Cierges et <strong>les</strong> Epiphyllum ; des<br />

premiers, il a la fleur, et des seconds, la structure de la tige.<br />

2. A. beRgeR : .A systematic revision of the genus Cereus (Missouri<br />

botanical Garden sixteenth annual Report, p. 57, 1905), comme section ;<br />

et bRitton et Rose : The genus Cereus and its allies in North America<br />

(Contributions from U. S. national Herbarium, vol. 12, p. 428, 1909),<br />

comme genre.


chapitRe ix 197<br />

Les rameaux, comme c’est la caractéristique <strong>du</strong> groupe,<br />

sont constitués par des tiges à trois côtes fortement<br />

Fig. 60. — Touffe d’un Pitahayo<br />

à l’état épiphyte sur le tronc et <strong>les</strong> rameaux<br />

d’un Cordia Boissieri DC.<br />

Hacienda de Huejotitan près <strong>du</strong> lac de Chapala<br />

(État de Jalisco).<br />

accusées, délimitant deux ang<strong>les</strong> profonds et un troisième<br />

très obtus et souvent même presque plan ; ces côtes sont<br />

armées d’aiguillons en général médiocrement développés et


198 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

peu vulnérants. Les rameaux varient comme couleur entre<br />

le vert clair bien lustré et le vert sombre plus ou moins<br />

céru<strong>les</strong>cent ou grisâtre.<br />

Dans la nature, ces plantes, quoique adaptées à un<br />

régime sylvicole, choisissent presque toujours <strong>les</strong> situations<br />

<strong>les</strong> plus vivement éclairées ; aussi <strong>les</strong> voit-on dans <strong>les</strong><br />

forêts gagner <strong>les</strong> parties des arbres ou des rochers où<br />

l’éclairage est plus intense ; certaines deviennent presque<br />

complètement aériennes (fig. 60, 61), tandis que d’autres,<br />

au contraire, n’abandonnent qu’en partie la vie terrestre à<br />

laquelle el<strong>les</strong> se relient par l’intermédiaire soit d’une tige plus<br />

grêle, soit de faisceaux de racines adventives ; ce dernier<br />

cas se voit habituellement lorsque la base de l’arbre ou <strong>du</strong><br />

rocher sur lequel el<strong>les</strong> se sont cramponnées se trouve être<br />

fortement ombragé (fig. 63).<br />

Ces Cierges subissent très facilement des croisements<br />

naturels entre espèces lorsque ces dernières se trouvent<br />

placées à proximité l’une de l’autre ; il en résulte alors des<br />

modifications dans la pro<strong>du</strong>ction florale et fruitière qui ont<br />

été intentionnellement mises à profit dans <strong>les</strong> plantations<br />

indigènes.<br />

Quoique ayant de fort bel<strong>les</strong> et grandes fleurs, <strong>les</strong> Pitahayos<br />

sont, dans leur pays d’origine, presque uniquement cultivés<br />

pour leurs fruits dont la saveur fraîche et souvent assez<br />

parfumée est très appréciée des indigènes ; ces derniers en<br />

font même, à maturité, un article de vente courante qui,<br />

comme belle apparence et qualité, rivalise avantageusement<br />

sur <strong>les</strong> marchés mexicains avec <strong>les</strong> autres récoltes fruitières.<br />

Comme ces Cierges requièrent pour leur bon déve-<br />

loppement des emplacements bien ensoleillés, on <strong>les</strong> plante<br />

en palissade sur <strong>les</strong> murs, ou on <strong>les</strong> fait grimper sur <strong>les</strong><br />

arbres ; souvent aussi on <strong>les</strong> fait végéter sur le faîte des<br />

murs de clôture afin de leur donner un couronnement<br />

touffu capable d’interdire l’accès aux animaux grimpeurs.<br />

On cultive <strong>les</strong> Pitahayos aussi bien dans <strong>les</strong> villages que<br />

dans <strong>les</strong> cours et <strong>les</strong> jardins suburbains des grandes vil<strong>les</strong> ;<br />

là souvent, comme <strong>les</strong> Pitayos de mayo et de Queretaro, ils


Fig. 61. — Hylocereus tricostatus Britt. et Rose<br />

végétant sur la crête d’un mur<br />

et émettant des racines adventives atteignant le sol.<br />

Village de San Martin Tlaxicolcinco (État de Jalisco).


200 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

constituent l’unique essence fruitière entretenue par <strong>les</strong><br />

gens <strong>du</strong> peuple.<br />

Pour la plantation, on a toujours recours au bouturage<br />

de rameaux sélectionnés ; la propagation par <strong>les</strong> graines,<br />

en plus qu’elle est très longue, ne donnant habituellement<br />

que de médiocres résultats. La bouture demande environ<br />

un an pour entrer en végétation, et ce n’est qu’à partir de<br />

la seconde année qu’elle commence à prendre un déve-<br />

loppement régulier, qui peut être alors très rapide si la<br />

plante rencontre <strong>les</strong> conditions qui lui sont propices.<br />

L’entretien de ces plantes ne requiert dans la suite que<br />

fort peu de soins culturaux, ces derniers ne consistant<br />

guère que dans un élagage des rameaux trop exubérants,<br />

ainsi que dans l’éclaircissage des fleurs lorsqu’el<strong>les</strong> se mon-<br />

trent trop nombreuses sur certains points, afin de sauvegarder<br />

<strong>les</strong> bonnes conditions de pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />

Les Pitahayos à tiges triangulaires comprennent six<br />

espèces ou types assez bien définis et auxquels on doit pou-<br />

voir rattacher bon nombre d’espèces ou de variétés qui ont<br />

été décrites 1 .<br />

Les six types sont représentés par <strong>les</strong> Hylocereus<br />

triangularis Safford, Napoleonis Britt. et Rose, Ocamponis<br />

Britt. et Rose, trigonus Safford, tricostatus Britt. et Rose,<br />

Purpusii Britt. et Rose, qui se distinguent entre eux et à<br />

première vue par des tiges qui sont plus ou moins grê<strong>les</strong>,<br />

plus ou moins rameuses ou rampantes, par le coloris <strong>du</strong><br />

fruit et par ses squames qui peuvent être très ré<strong>du</strong>ites ou<br />

au contraire très fortement développées au point de recouvrir<br />

en totalité le fruit, en s’imbriquant <strong>les</strong> unes sur <strong>les</strong> autres.<br />

Parmi ces espèces, trois sont plus spécialement l’objet,<br />

au Mexique, d’une entreprise culturale : ce sont <strong>les</strong> H. triangularis,<br />

Ocamponis et tricostatus.<br />

Hylocereus triangularis Britt. et Rose (syn. : Cactus triangularis<br />

L., Cereus triangularis Haw., C. compressus<br />

1. Voir à ce sujet le mémoire de R. Roland-gosselin : Cereus<br />

tricostatus et C. Plumieri (Bulletin de la Société botanique de France,<br />

LIV, p. 664, 1907).


chapitRe ix 201<br />

Mill.). — Cette espèce est la plus anciennement connue des<br />

Cierges triangulaires, aussi peut-elle être considérée comme<br />

devant être le type autour <strong>du</strong>quel viennent se grouper <strong>les</strong><br />

Pitahayos proprement dits.<br />

Ce Cierge se trouve signalé en 1696 dans l’Almagestum<br />

de Plukenet 1 , et Jacquin, en 1763, en donne une première<br />

description 2 où il distingue chez cette plante deux formes<br />

bien distinctes. L’une qu’il appelle Aphylle, ayant un fruit<br />

glabre de saveur acide et que l’on désigne aux Antil<strong>les</strong><br />

sous le nom de Poirier Chardon, et une autre à fruits<br />

squameux de saveur insipide.<br />

Oviedo et Cobo le signalent sous le nom de Pitahayo,<br />

mais la courte description qu’ils en donnent paraît indiquer<br />

une confusion avec l’Acanthocereus pentagonus Britt. et<br />

Rose qui habite <strong>les</strong> mêmes parages.<br />

Les caractères spécifiques qui distinguent ce Cierge des<br />

espèces affines sont en général fort peu saillants à pre-<br />

mière vue. La fleur est blanche, grande ; elle peut atteindre<br />

et même dépasser 30 centimètres ; elle est parfois odorante<br />

à certaine phase de son épanouissement. La tige est tri-<br />

angulaire, d’un beau vert lustré ; elle est médiocrement<br />

grimpante et peut, dans sa ramification, former sur le sol<br />

des buissons touffus qui donnent parfois à l’allure générale<br />

de la plante celle de l’Acanthocereus pentagonus Britt. et<br />

Rose. Les aiguillons sont courts, droits, rigides, de couleur<br />

brune. Le fruit est ce qui distingue le mieux l’espèce ; il est<br />

de belle couleur coccinée et habituellement de la grosseur<br />

d’un oeuf de dinde ; il présente un certain nombre de prolon-<br />

gements squamiformes qui peuvent se développer assez<br />

longuement mais sans toutefois recouvrir sa surface.<br />

Comme pour presque tous <strong>les</strong> Cierges rampants donnant<br />

des fleurs et des fruits remarquab<strong>les</strong>, le pays d’origine de<br />

l’Hylocereus triangularis est inconnu. On pense, étant<br />

donnée sa plus grande abondance en certains endroits, qu’il<br />

1. pluKenet. — Opera botanica IV, pl. 29, f. 3, Londres, 1696.<br />

2. N.-J. Jacquin. — Selectarum stirpium americanarum historia,<br />

p. 15, Vienne, 1763.


202 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

est originaire de la partie septentrionale de l’Amérique <strong>du</strong><br />

Sud, ou encore des Antil<strong>les</strong>, d’où il aurait gagné de proche en<br />

proche <strong>les</strong> régions tropica<strong>les</strong> des deux Amériques, soit par<br />

des voies naturel<strong>les</strong> de dissémination, soit transporté par<br />

<strong>les</strong> indigènes en vue d’une culture à la fois ornementale et<br />

fruitière.<br />

L’Almagestum de Plukenet le fait endémique <strong>du</strong> Brésil et<br />

de la Jamaïque ; Jacquin lui assigne comme patrie la<br />

Colombie où, dit-il, on le cultive à Carthagène dans <strong>les</strong><br />

jardins situés au bord de la mer ; il le mentionne comme<br />

très abondant dans l’île Mango où sa floraison a lieu en<br />

juillet, août et septembre, et la maturité de ses fruits en<br />

octobre 1 .<br />

Au Mexique, l’Hylocereus triangularis se rencontre à<br />

l’état sauvage dans <strong>les</strong> forêts des deux versants <strong>du</strong> pays ;<br />

il est surtout l’objet de cultures sur le versant atlantique<br />

où on le rencontre dans <strong>les</strong> jardins depuis le niveau de la<br />

mer jusqu’à une altitude de 2.500 mètres.<br />

Ce Pitahayo, après la découverte de l’Amérique, a été<br />

plus ou moins propagé dans toutes <strong>les</strong> zones de climat tem-<br />

péré de l’Ancien Continent ; néanmoins, dans ces régions<br />

d’importation, sa culture s’est généralisée plutôt comme<br />

plante curieuse que comme plante fruitière à proprement<br />

parler.<br />

Hylocereus Ocamponis Britt. et Rose (syn. : Cereus Ocamponis<br />

Salm-Dyck). — Cette espèce se distingue de la<br />

précédente par ses artic<strong>les</strong> plus volumineux, de couleur<br />

céru<strong>les</strong>cente ou cendrée, par ses aiguillons jaunes d’une<br />

longueur de 1 à 2 centimètres qui sont plus nombreux et<br />

plus vigoureux. Le fruit est gros et parfois le double de<br />

celui de l’espèce précédente ; son péricarpe est beaucoup<br />

moins squameux, de couleur blanche ou légèrement jau-<br />

nâtre ; il possède un sarcocarpe complètement blanc.<br />

Ce Pitahayo est plus grimpant que l’Hylocereus tri-<br />

1. D’après bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 192, Washington,<br />

1920) cette plante serait originaire de la Jamaïque


Fig. 62. — Floraison d’un Hylocereus tricostatus<br />

Britt. et Rose.


204 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

angularis et paraît être, à l’état sauvage, plutôt saxicole<br />

qu’arboricole.<br />

Au Mexique, on le rencontre surtout dans l’État de<br />

Michoacan, dans l’État de Colima et dans la partie sud de<br />

l’État de Jalisco, où <strong>les</strong> indigènes en font l’objet d’une cer-<br />

taine culture.<br />

Hylocereus tricostatus Britt. et Rose (syn. : Cereus tricostatus<br />

Roland-Gosselin 1 ). — Cette espèce se différencie<br />

très nettement des deux précédentes par l’aspect de son<br />

fruit qui est beaucoup plus écailleux et dont <strong>les</strong> prolon-<br />

gements squamiformes se recouvrent en s’imbriquant de<br />

façon à lui donner l’apparence d’un capitule d’Artichaut ;<br />

il est d’une belle couleur coccinée et possède une pulpe<br />

variant <strong>du</strong> rose au rouge vif. La fleur ne paraît pas pré-<br />

senter de différences bien marquées avec cel<strong>les</strong> des espèces<br />

affines ; <strong>les</strong> rameaux, relativement assez grê<strong>les</strong>, sont armés<br />

d’aiguillons grisâtres, peu puissants et quelque peu re-<br />

courbés (fig. 62).<br />

A cause de son abondante pro<strong>du</strong>ction fruitière, l’Hylocereus<br />

tricostatus est l’objet d’une culture importante sur<br />

le versant occidental <strong>du</strong> Mexique, principalement dans<br />

l’État de Jalisco où on le voit alors en plantations régu-<br />

lièrement entretenues.<br />

La plantation de ce Cierge se fait comme celle des autres<br />

Pitahayos, c’est-à-dire en palissade le long des murs ou en<br />

garniture sur leur faîte (fig. 63, 64), ou bien encore en <strong>les</strong><br />

faisant grimper sur certains arbres de grande taille tels<br />

que Ficus, Prosopis, Leucoena, Cordia, etc., qui, à cause de<br />

la qualité de leur ombrage, sont plantés habituellement<br />

auprès des habitations rura<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique.<br />

Dans certaines localités comme, par exemple, le Valle de<br />

las playas (Jalisco), on fait grimper l’Hylocereus tricostatus<br />

sur le Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose ; cette<br />

1. H. Roland-gosselin. — Cereus tricostatus et Cereus Plumieri (Bulletin<br />

de la Société botanique de France, LIV, p. 664, 1907).<br />

bRitton et Rose. (The Cactaceæ, II, p. 187, Washington, 1920) identifient<br />

cette espèce avec l’Hylocereus un<strong>du</strong>latus Britt. et Rose.<br />

Cerus -><br />

Cereus


Fig. 63. — Hylocereus tricostatus Britt. et Rose en floraison dans un jardin indien<br />

au village de San Martin Tlaxicolcinco.<br />

Environs de Guadalajara (État do Jalisco).


206 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

association de deux Cierges, loin de nuire à l’une ou à<br />

l’autre espèce, comme on pourrait le croire, présente au<br />

contraire l’avantage appréciable de réaliser à des saisons<br />

différentes et sur le même terrain une double pro<strong>du</strong>ction<br />

annuelle (fig. 65).<br />

Les indigènes de l’État de Jalisco mettent à profit la<br />

faculté de croisement des Cierges grimpants pour améliorer<br />

la pro<strong>du</strong>ction fruitière de l’Hylocereus tricostatus. C’est<br />

ainsi que parmi <strong>les</strong> plantations de ce Pitahayo on voit souvent<br />

figurer une variété, probablement issue de l’Hylocereus<br />

un<strong>du</strong>latus, ne donnant que des fruits peu avantageux.<br />

Celle-ci, mise à proximité de l’Hylocereus tricostatus,<br />

aurait sur lui, <strong>du</strong> moins d’après le dire des indigènes, une<br />

influence heureuse sur la qualité de la fructification.<br />

Ce Cierge paraît être plus rustique et de culture plus<br />

facile que <strong>les</strong> autres espèces affines, aussi a-t-il pu s’adapter<br />

très bien au climat <strong>du</strong> midi de la France ; un essai d’accli-<br />

matation parfaitement réussi à Villefranche-sur-Mer,<br />

dans la propriété de M. Roland-Gosselin où, après deux ans<br />

de bouture, un rameau a donné un plant capable de fournir<br />

des fruits arrivant à complète maturité.<br />

pitahayos a tiges polygona<strong>les</strong>. — Le second groupe des<br />

Cierges grimpants à tiges prismatiques comprend <strong>les</strong> spé-<br />

cimens à rameaux dont <strong>les</strong> ang<strong>les</strong> plus ou moins arrondis<br />

ou effacés ne dépassent pas le nombre de sept. Il est repré-<br />

senté par ce que A. Berger a considéré comme <strong>les</strong> sections<br />

Heliocereus et Selenicereus, que Britton et Rose ont élevées<br />

au rang de genres 1 .<br />

Les Heliocereus ne comprennent jusqu’ici que cinq<br />

espèces dont le type est 1’H. speciosus Britt. et Rose.<br />

Cette espèce, de par sa nature et ses caractères bota-<br />

niques, paraît bien constituer un point de transition non<br />

seulement entre <strong>les</strong> deux catégories de Cierges rampants à<br />

1. A. beRgeR : A systematic revision of the genus Cereus (Missouri<br />

botanical Garden sixteenth annual Report, p. 74, 1905) ; et bRitton et<br />

Rose : The genus Cereus and ils Allies in North America (Contributions<br />

from U. S. National herbarium, vol. 12, pp. 433 et 429, 1909).


Fig. 64. — Hylocereus tricostatus Britt. et Rose planté en couronnement d’un mur.<br />

(Ce plant est le même que celui de la ligure 61. la vue est prise sur le côté <strong>du</strong> mur faisant face à la roule),<br />

Village de San Martin Tlaxicolcinco (État de Jalisco)


208 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tiges prismatiques, mais aussi entre ces derniers et le genre<br />

Epiphyllum, dont elle se rapproche apparemment par son<br />

existence presque complètement aérienne et par certains<br />

côtés de son inflorescence, laquelle est diurne, de longue<br />

<strong>du</strong>rée et de coloration coccinée.<br />

Les Selenicereus sont représentés par dix-sept espèces,<br />

parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> S. grandiflorus Britt. et Rose, S. pteranthus<br />

Britt. et Rose et S. hamatus Britt. et Rose.<br />

Tous <strong>les</strong> représentants de ce dernier groupe se font<br />

remarquer par le charme et la beauté de leurs fleurs, qui,<br />

exception faite pour le S. speciosus, varie comme coloris<br />

entre le jaune d’or plus ou moins accentué et le blanc le<br />

plus éclatant, par le fruit inerme à sa maturité et qui au<br />

lieu d’être squameux comme chez <strong>les</strong> Cierges triangulaires,<br />

est verruqueux.<br />

Tous trois sont sylvico<strong>les</strong> et ont une distribution géo-<br />

graphique presque aussi éten<strong>du</strong>e que celle de l’Hylocereus<br />

un<strong>du</strong>latus Britt. et Rose.<br />

Heliocereus speciosus Britt. et Rose (syn. : Cactus speciosus<br />

Cavanil<strong>les</strong>, C. speciosissimus Desf., Cereus speciosissimus<br />

DC., C. speciosus Schum., C. bifrons Haw.). —<br />

Cette espèce est une des plus anciennement connues parmi<br />

<strong>les</strong> Cierges grimpants ; elle est naturellement épiphyte et<br />

sylvicole ; on la rencontre dans presque toutes <strong>les</strong> régions<br />

forestières élevées <strong>du</strong> Mexique et de l’Amérique centrale.<br />

Ce Cierge qui est surtout de climat tempéré vit sur <strong>les</strong> flancs<br />

boisés des montagnes où se pro<strong>du</strong>isent quotidiennement<br />

des rosées abondantes.<br />

L’Heliocereus speciosus se conforme à un mode d’existence<br />

assez analogue à celui des Epiphyllum ; comme eux<br />

on le voit, lorsqu’il est complètement épiphyte, choisir <strong>les</strong><br />

bifurcations élevées des arbres, pour se développer en puis-<br />

santes touffes, ou encore le long <strong>du</strong> tronc qu’il peut parfois<br />

recouvrir en s’attachant fortement à l’aide de ses racines<br />

crampons (fig. 66) ; rarement, dans la nature, on le ren-<br />

contre relié au sol comme c’est le cas à peu près habituel<br />

des autres Cierges grimpants.


14<br />

Fig. 65. — Association culturale de l’Hylocereus tricostatus Britt. et Rose<br />

et <strong>du</strong> Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose dans une plantation indigène<br />

au village de San Marcos, près <strong>du</strong> lac de Zacoalco (État de Jalisco).


210 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les rameaux sont d’un vert assez sombre, subérigés,<br />

diffus, alternativement quadrangulaires, triangulaires, ou<br />

encore, chez <strong>les</strong> jeunes pousses, comprimés de façon à rap-<br />

peler ceux d’un Epiphyllum. La fleur est diurne, d’un beau<br />

rouge avec reflets métalliques bleutés ; elle reste épanouie<br />

pendant plusieurs jours. La floraison de cette espèce se<br />

pro<strong>du</strong>it pendant près de six mois et a lieu avant et pendant<br />

la saison des pluies. Le fruit est ficiforme, verruqueux,<br />

inerme, d’un vert olivâtre, à pulpe blanche, assez parfumée,<br />

quelque peu mucilagineuse et acide ; <strong>les</strong> indigènes l’em-<br />

ploient pour la préparation de limonades, ce qui a fait<br />

donner à ce fruit le nom de Pitahaya de agua 1 . Le sarcocarpe<br />

additionné de sucre se consomme à l’état frais ou à<br />

l’état de conserve, la substance de cette pulpe se prêtant<br />

bien à la préparation de gelées de confiserie.<br />

Le fruit arrive à sa maturité dans le courant de l’année<br />

qui suit la floraison, on le récolte dans <strong>les</strong> forêts en février,<br />

mars, avril, pour le vendre sur <strong>les</strong> marchés.<br />

Ce Cierge est l’objet, pour sa pro<strong>du</strong>ction fruitière, d’une<br />

semi-culture, <strong>les</strong> indigènes habitant <strong>les</strong> forêts des mon-<br />

tagnes l’entretiennent et le propagent sur <strong>les</strong> arbres avoi-<br />

sinant leurs champs de culture, de façon à pouvoir faire<br />

facilement la récolte à l’époque voulue.<br />

C’est ce que l’on peut voir dans l’État de Jalisco aux<br />

sierras del Tigre, de Sayula, <strong>du</strong> volcan de Colima ; c’est<br />

même à cause de cette provenance que le fruit est désigné<br />

parfois sur <strong>les</strong> marchés de la région sous <strong>les</strong> différents noms<br />

de Pitahaya del cerro, del volcan, de Sayula.<br />

L’Heliocereus speciosus présente un assez grand nombre<br />

de variétés, soit naturel<strong>les</strong>, soit obtenues par <strong>les</strong> semis de<br />

culture. Les plus anciennement connues parmi cel<strong>les</strong> que<br />

l’on rencontre à l’état sauvage sont <strong>les</strong> H. Schrankii Britt.<br />

et Rose et elegantissimus Britt. et Rose, que l’on considère<br />

1. Il ne faut pas confondre ce nom avec celui de Tuna de agua ou<br />

Pitaya de agua que l’on applique, dans l’État de Jalisco, aux fruits <strong>du</strong><br />

Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose, et qui sont également employés<br />

pour la préparation de boissons rafraîchissantes.


Fig. 66. — Heliocereus speciosus Britt. et Rose<br />

sur le tronc d’un Chêne.<br />

Sierra del Tigre (État de Jalisco).


212 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

souvent comme espèces distinctes 1 . .Dans <strong>les</strong> cultures, on<br />

signale environ une quinzaine de variétés obtenues par<br />

semis.<br />

Ce Cierge se prête très bien à l’hybridation ; on a pu le<br />

croiser avec le Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose,<br />

l’Aporocactus flagelliformis Lemaire, et même avec <strong>les</strong><br />

Epiphyllum, principalement avec l’E. Ackermannii Haw.<br />

Ces croisements nous révèlent un fait intéressant en ce<br />

qui concerne ce que l’on a vu plus haut au sujet <strong>du</strong> rang<br />

particulier occupé par cet Heliocereus, dans le groupe des<br />

Pitahayos.<br />

Avec le Selenicereus grandiflorus, <strong>les</strong> hybrides obtenus<br />

tiennent plus de l’Heliocereus speciosus dans <strong>les</strong> caractères<br />

floraux, tandis qu’avec l’Epiphyllum Ackermannii et<br />

l’Aporocactus flagelliformis, c’est le contraire qui a lieu.<br />

A cause de la beauté, de l’éclat de ses fleurs et de sa<br />

facilité de culture, l’Heliocereus speciosus a joui, à l’époque<br />

de la vogue des Cactacées en horticulture, d’un grand suc-<br />

cès dans <strong>les</strong> cultures de serres tempérées. Pépin, jardinier<br />

en chef <strong>du</strong> Muséum de Paris, cite 2 le cas d’un spécimen<br />

âgé de trente ans qui, en 1844, se trouvait dans la propriété<br />

de M. Gervais, à Andilly (Vallée de Montmorency), et qui,<br />

palissé sur le mur, au fond d’une serre, donnait chaque<br />

année plus de deux mille fleurs. La floraison de ce remar-<br />

quable plant <strong>du</strong>rait depuis le printemps jusqu’en juillet et<br />

il n’était pas rare de voir, pendant le mois de juin, sept<br />

cents à huit cents fleurs épanouies en même temps, ce qui,<br />

comme le fait remarquer l’auteur, pro<strong>du</strong>isait une éblouis-<br />

sante tapisserie grâce aux reflets vraiment métalliques des<br />

péta<strong>les</strong>. Tous <strong>les</strong> ans ce Cierge pro<strong>du</strong>isait un grand nombre<br />

de fruits parvenant tous à complète maturité ; on en sema<br />

à différentes reprises des graines, qui repro<strong>du</strong>isirent soit<br />

identiquement la mère, soit, et plus souvent, des variétés<br />

distinctes de forme et de diamètre.<br />

1. Ainsi que le font bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 127,<br />

Washington, 1920).<br />

2. pepin. — Dimensions extraordinaires d’un indivi<strong>du</strong> de Cereus<br />

speciosissimus (L’Horticulteur universel, V, p. 277, 1844).


chapitRe ix 213<br />

Quant à la rapidité de croissance de ce spécimen, Pépin<br />

ajoute qu’il a vu cette année (juin 1844) des tiges nouvel<strong>les</strong><br />

atteignant déjà plus de 2 mètres.<br />

L’aire de dispersion de l’Heliocereus speciosus est assez<br />

vaste et comprend tout le massif central <strong>du</strong> Mexique plus<br />

l’Amérique centrale. Au Mexique, on rencontre cette espèce<br />

plus particulièrement à une altitude voisine de 2.000 mètres,<br />

où il croît de préférence sur <strong>les</strong> Chênes dont l’écorce ru-<br />

gueuse convient au développement et à la fixation de ses<br />

racines adventives.<br />

Ce Cierge fut primitivement nommé Cactus speciosus,<br />

mais ce nom ayant été donné par Bonpland à la suite d’une<br />

erreur d’étiquetage à l’Epiphyllum Ackermannii, de Candolle<br />

lui donna, afin d’éviter une confusion, la spécification<br />

de speciosissimus qui lui a été conservée le plus souvent.<br />

Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose (syn. : Cactus<br />

grandiflorus L., Cereus grandiflorus Mill.). — Ce Cierge est<br />

une espèce des plus remarquab<strong>les</strong> par la magnificence de<br />

ses fleurs ; c’est ce qui l’a fait cultiver depuis très longtemps<br />

et lui fit à une certaine époque occuper un tout premier<br />

rang parmi <strong>les</strong> plantes de serres tempérées.<br />

Le Selenicereus grandiflorus possède une zone de dispersion<br />

géographique très éten<strong>du</strong>e sur toute la côte orientale<br />

de l’Amérique tropicale et subtropicale ; on le croit origi-<br />

naire de l’Amérique méridionale, mais néanmoins on le<br />

rencontre assez couramment dans toutes <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong> 1 et<br />

au Mexique, principalement dans la région côtière des<br />

États de Vera-Cruz et de Tamaulipas, où dans ces derniers<br />

parages on le trouve, d’après A. Mathsson, croissant spon-<br />

tanément à l’état sauvage jusqu’à une altitude de<br />

1.000 mètres 2 .<br />

La tige, d’environ 2 centimètres de diamètre, est longue,<br />

1. bRitton et Rose : (The Cactaceæ, II, p. 197, Washington, 1920)<br />

pensent qu’il est originaire de la Jamaïque et de Cuba.<br />

2. A. mathsson. — Kakteen aus dem State Fera Cruz (Monatsschrift<br />

fur Kakteenkunde, Jahrgang 1891-1892, p. 79).


214 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

très rameuse, d’un vert jaunâtre, grimpante ; elle pro<strong>du</strong>it<br />

des racines adventives et de courts et faib<strong>les</strong> aiguillons<br />

entremêlés de poils. La fleur, jaune d’or dans <strong>les</strong> péta<strong>les</strong><br />

extérieurs, prend une belle teinte aurore chez <strong>les</strong> centra<strong>les</strong> ;<br />

elle est crépusculaire et d’une très courte <strong>du</strong>rée, ne restant<br />

épanouie tout au plus que quelques heures ; elle possède<br />

environ 20 centimètres de longueur sur un diamètre de<br />

corolle égal ; le tube est pileux avec sépa<strong>les</strong> linéaires jaunes ;<br />

elle exhale un parfum de vanille assez prononcé.<br />

Ce Cierge fleurit pendant la saison estivale ; sa floraison,<br />

d’après de Candolle et Redouté, est remarquable par sa<br />

régularité ; ces auteurs, à l’appui de ce fait, font mention<br />

d’un spécimen cultivé à Paris et que l’on a vu pendant<br />

quatre ans de suite fleurir le 15 juillet à 7 heures <strong>du</strong> soir ;<br />

le bouton de la fleur commençait à apparaître au prin-<br />

temps, il grandissait jusqu’à la longueur de 15 centimètres<br />

et, le jour où la fleur devait s’épanouir, le bouton s’entr’ou-<br />

vrait légèrement.<br />

Le fruit de ce Cierge est comestible, et lorsqu’il provient<br />

d’une bonne variété, il est très savoureux. Miller, dans son<br />

Dictionnaire des Jardiniers, dit que <strong>les</strong> habitants de la Barbade<br />

cultivent cette plante en palissade contre leurs habi-<br />

tations et que son fruit, de la grosseur d’une poire Bergamote,<br />

est d’une saveur délicieuse.<br />

Le Selenicereus grandiflorus présente de nombreuses variétés,<br />

dont <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> ont été décrites sous <strong>les</strong> noms de<br />

Cereus Ophites Lemaire, Donkelaari Salm-Dyck, Macdonaldiæ<br />

Hook, Uranos Hort 1 .<br />

La variété Macdonaldiæ (Bot. Mag. 4707), se rencontre<br />

au Hon<strong>du</strong>ras et au Mexique ; elle a une tige plus vigoureuse<br />

que le type et des fleurs dont la longueur dépasse 30 centi-<br />

mètres.<br />

Les variétés affinis et albispinus, provenant des Antil<strong>les</strong>,<br />

ont des tiges moins allongées, présentant sept côtes rameuses<br />

à la base et des rameaux divariqués tout à fait rampants.<br />

1. bRitton et Rose. (The Cactaceæ, II, Washington, 1920) considèrent<br />

<strong>les</strong> Cereus Donkelaarii et Macdonaldiæ connue espèces distinctes sous<br />

le nom de Selenicereus Donkelaari et Macdonaldiæ Britt. et Rose


chapitRe ix 215<br />

Les Cereus Maynardæ Lemaire et fulgi<strong>du</strong>s Hooker sont<br />

le résultat d’un croisement naturel avec l’Heliocereus speciosus<br />

; ils ont des fleurs d’un beau rouge. D’après Labouret,<br />

le Cereus Maynardæ Lemaire a des fleurs d’une teinte coccinée<br />

très gaie ; el<strong>les</strong> se rapprochent de cel<strong>les</strong> de l’Heliocereus<br />

speciosus par la couleur et de cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Selenicereus<br />

grandiflorus par la forme et la dimension. Ces fleurs restent<br />

épanouies pendant plusieurs jours, ce qui est un caractère<br />

emprunté à l’Heliocereus speciosus.<br />

Le Selenicereus grandiflorus se croise également avec le<br />

Selenicereus pteranthus Britt. et Rose ; il donne alors l’hybride<br />

qui a été décrit sous le nom de Cereus callicanthus.<br />

La fleur et la pulpe des tiges de ce Pitahayo renferment<br />

un principe actif isolé par F.-W. Sultan et auquel il a donné<br />

le nom de cactine ; ce pro<strong>du</strong>it, sous forme d’extrait, a été<br />

préconisé en médecine pour <strong>les</strong> affections <strong>du</strong> coeur et <strong>les</strong><br />

troub<strong>les</strong> de la circulation.<br />

Selenicereus pteranthus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

pteranthus Link et Otto, C. nycticalus Link, C. brevispinulus<br />

Salm-Dyck, C. Antoinii Pfeiff., C. rosaceus Hort.). —<br />

Cette espèce est très affine de la précédente ; <strong>les</strong> indigènes<br />

la désignent sous le nom vernaculaire de Pitahayo real, à<br />

cause de la beauté de sa fleur et de la qualité exquise de<br />

ses fruits lorsqu’ils proviennent d’un plant en bonne condi-<br />

tion d’existence.<br />

Comme presque toutes ses congénères, cette espèce est<br />

cultivée aussi bien comme plante d’ornement que comme<br />

plante fruitière ; sa floraison a lieu au début de la saison<br />

des pluies, c’est-à-dire en juillet.<br />

Les fleurs sont assez semblab<strong>les</strong> à cel<strong>les</strong> de l’espèce pré-<br />

cédente, mais en général plus grandes ; el<strong>les</strong> sont nocturnes,<br />

peu ou point odorantes ; le tube de la fleur a une longueur<br />

de 20 centimètres, avec squames vert brunâtre à peine<br />

garnies de laine.<br />

Les péta<strong>les</strong> externes sont rouges ou brun clair, <strong>les</strong> in-<br />

ternes blancs, avec une strie médiane verte en dehors ;<br />

l’ovaire est subglobuleux à squames serrées, pileux et porte


216 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

(<strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>. Le fruit est rouge, sphérique, d’un diamètre<br />

de 5 centimètres ; il est pourvu sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> de laine et<br />

d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs ; sa pulpe est blanche, quelque peu ver-<br />

dâtre, d’une saveur acide soit insipide soit parfumée et<br />

sucrée selon <strong>les</strong> variétés. La tige est subdressée, très longue,<br />

à artic<strong>les</strong> de formes diverses, <strong>les</strong> uns cylindriques, <strong>les</strong> autres<br />

polygonaux, présentant de quatre à six ang<strong>les</strong> plus ou moins<br />

arrondis, d’un diamètre variant entre 1,5 et 2,5 centimètres,<br />

et des aiguillons très courts rigides.<br />

Les horticulteurs distinguent trois variétés : une à tige<br />

grêle ou gracilior, une autre d’un beau vert ou viridior, et<br />

une troisième à aiguillons plus nombreux ou armata.<br />

Ce Cierge se laisse facilement croiser avec le Selenicereus<br />

grandiflorus et donne l’hybride que l’on a mentionné<br />

plus haut sous le nom de Cereus callicanthus.<br />

Au Mexique, on rencontre le Selenicereus pteranthus à<br />

l’état sauvage dans <strong>les</strong> forêts des États de Vera-Cruz et de<br />

Tamaulipas, où il croît de préférence sous <strong>les</strong> arbres et <strong>les</strong><br />

arbrisseaux des endroits rocailleux, mais où cependant le<br />

sol est riche en humus.<br />

Selenicereus hamatus Britt. et Rose (syn. : Cereus hamatus<br />

Scheidw., C. rostratus Lemaire). — Cette espèce se distingue<br />

facilement des deux précédentes par ses caractères<br />

botaniques et surtout par son allure qui est très particu-<br />

lière : la fleur est d’une belle teinte blanc laiteux, grande,<br />

d’une longueur de 25 à 30 centimètres ; son tube est squa-<br />

meux et de couleur verte ; il porte des crins noirs sub-<br />

érigés. Le fruit, qui est comestible, est analogue comme na-<br />

ture et saveur à ceux des espèces précédentes ; son épi-<br />

derme d’un vert olivâtre est verruqueux et sa pulpe est<br />

blanche.<br />

Cette espèce constitue une forme très rameuse, présen-<br />

tant chez <strong>les</strong> sujets parvenus à l’état complètement a<strong>du</strong>lte<br />

une tige principale bien lignifiée qui, au début, est tétra-<br />

gone mais ne tarde pas à devenir cylindrique par suite de<br />

l’effacement des côtes. De couleur brune ou grisâtre, elle<br />

est érigée et, de plus, légèrement flexueuse, ce qui lui<br />

permet de s’insinuer parmi <strong>les</strong> buissons <strong>les</strong> plus touffus.


chapitRe ix 217<br />

Cette tige se subdivise à son sommet en un assez grand<br />

nombre de rameaux, d’un vert luisant, d’environ 2 centi-<br />

mètres de diamètre, offrant quatre côtes bien accusées, qui<br />

sont remarquab<strong>les</strong> par <strong>les</strong> prolongements en saillies qui<br />

naissent sous <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, en formant des becs recourbés<br />

ou sortes de rostres donnant à ces rameaux la faculté de<br />

se cramponner aux branchages des taillis qui sont à sa<br />

portée.<br />

Le Selenicereus hamatus a à peu près le même habitat<br />

sylvicole que <strong>les</strong> espèces précédentes ; il se rencontre au<br />

Mexique dans <strong>les</strong> grandes forêts de l’État de Vera-Cruz ; il<br />

est assez commun aux environs de Jalapa.<br />

En terminant ce qui est relatif à ce groupe de Cierges<br />

grimpants, il faut encore faire mention d’une espèce peu<br />

connue et assez anormale qui vient s’y rattacher : c’est le<br />

Cereus Testudo Karw., dont Britton et Rose ont fait un<br />

genre spécial, Deamia. On le rencontre aux environs de<br />

Teocelo (État de Vera-Cruz) 1 .<br />

Le Deamia Testudo Britt. et Rose, très variable dans la<br />

structure de ses tiges, est, d’après l’auteur qui l’a signalé,<br />

constitué par des rameaux très courts, de forme plus ou<br />

moins circulaire, séparés <strong>les</strong> uns des autres par un étran-<br />

glement et dont l’ensemble donne parfois à la plante l’appa-<br />

rence d’une troupe de petites tortues gravissant <strong>les</strong> rochers<br />

ou <strong>les</strong> arbres, dispositif qui, <strong>du</strong> reste, a valu à la plante le<br />

nom vernaculaire de Pitahayo de tortuga.<br />

III<br />

CIERGES A RACINES TUBÉREUSES<br />

La série à laquelle appartiennent ces Cierges ne com-<br />

prend jusqu’ici que cinq ou six espèces qui se caractérisent<br />

surtout par le fait de présenter des renflements en tuber-<br />

1. D’ après bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 213, Washington,<br />

1923) le Deamia Testudo Britt. et Rose se rencontrerait jusqu’en<br />

Colombie.


218 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

cu<strong>les</strong> plus ou moins volumineux, soit à la naissance de la<br />

tige, soit sur le trajet des prolongements radiculaires.<br />

Cette anomalie dans une famille de plantes dont <strong>les</strong> ra-<br />

cines ne constituent guère que des accessoires fort rudi-<br />

mentaires, n’est pas exclusivement limitée aux Cierges ;<br />

elle se manifeste aussi chez quelques spécimens de Thelocactus,<br />

de Malacocarpus et de Platyopuntia 1 , mais elle n’entraîne<br />

pas chez ces derniers de grandes modifications dans<br />

la structure des tiges et des fleurs, comme cela a lieu chez<br />

<strong>les</strong> représentants de ce groupe.<br />

Les Cierges à racines tubéreuses, dont Britton et Rose<br />

ont fait <strong>les</strong> genres Wilcoxia et Peniocereus, ont une tige<br />

grêle, habituellement cylindrique, fortement lignifiée, d’une<br />

couleur brunâtre, qui leur donne l’aspect de rameaux des-<br />

séchés, sauf cependant pour une espèce : le Peniocereus<br />

Greggii Britt. et Rose, chez laquelle <strong>les</strong> rameaux partant<br />

de la tige centrale sont charnus et rappellent assez ceux<br />

d’un Cierge rampant à tiges prismatiques, tel par exemple<br />

le Selenicereus hamatus Britt. et Rose.<br />

Du reste, <strong>les</strong> Cierges à racines tubéreuses se rattachent<br />

sous bien des rapports aux Pitahayos, mais cependant avec<br />

cette différence biologique qu’au lieu d’avoir comme habitat<br />

la grande forêt, ils se rencontrent toujours dans <strong>les</strong> régions<br />

foncièrement désertiques où ils croissent de préférence<br />

1. Chez <strong>les</strong> premiers, on a le Thelocactus leucacanthus Britt. et<br />

Rose (syn. : Cereus tuberosus Pfeiffer, C. Moelenii Pfeiffer, Echinocactus<br />

leucacanthus Zucc., E. theloideus Salm-Dyck, E. subporrectus<br />

Lemaire, E. Moelenii Salm-Dyck, E. porrectus Lemaire, Mamillaria<br />

Mœlenii Salm-Dyck) qu’il ne faut pas confondre avec le Wilcoxia<br />

Poselgeri Britt. et Rose (syn. : Cereus tuberosus Poselg., C. Poselgeri<br />

Coult., Echinocereus Poselgeri Lemaire, E. tuberosus Poselg.), espèce<br />

aujourd’hui bien définie, se rencontrant dans le Texas et l’État de<br />

Coahuila, que <strong>les</strong> indigènes de cette dernière région nomment Zacasil<br />

ou Zacaxochil.<br />

Les Malacocarpus présentent un curieux spécimen à racine tuberculisée<br />

avec le M. napinus Britt. et Rose, <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Chili.<br />

Quant aux Opuntia, le groupe des Nopa<strong>les</strong> rastreros nous a offert <strong>les</strong><br />

O. Pottsii Salm-Dyck, macrorhiza Engelm., Grahamii Engelm.. des<br />

régions désertiques des États-Unis


chapitRe ix 219<br />

dans <strong>les</strong> terrains meub<strong>les</strong>, ce qui permet à leurs racines de<br />

rencontrer <strong>les</strong> circonstances et <strong>les</strong> conditions propices à<br />

leur expansion.<br />

Comme <strong>les</strong> Cierges sylvico<strong>les</strong>, ils ne croissent pas iso-<br />

lément ; on <strong>les</strong> rencontre toujours enchevêtrant leurs frê<strong>les</strong><br />

rameaux avec ceux des arbustes xérophi<strong>les</strong>, avec <strong>les</strong>quels<br />

ils se confondent sans toutefois paraître s’en servir comme<br />

d’un moyen sérieux d’appui.<br />

Les fleurs, assez analogues à cel<strong>les</strong> des Cierges à tiges<br />

polygona<strong>les</strong>, sont cependant beaucoup plus grê<strong>les</strong> et pro-<br />

portionnellement plus longuement tubulées ; el<strong>les</strong> sont,<br />

suivant <strong>les</strong> espèces, blanches, rouges, jaunes. Les fruits<br />

sont ovoïdes, plus ou moins allongés et de couleur rouge ;<br />

ils sont armés d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs, s’éliminant spontané-<br />

ment à l’époque de la maturité.<br />

La série des Cierges à racines tubéreuses est représentée<br />

jusqu’ici par six espèces qui sont : Peniocereus Greggii<br />

Britt. et Rose ; Wilcoxia viperina Britt. et Rose ; Poselgeri<br />

Britt. et Rose ; papillosa Britt. et Rose ; striata Britt. et Rose ;<br />

Diguetii Dig. et Guillaum., cette dernière espèce, qui n’est<br />

peut-être qu’une variété de la précédente, en diffère cepen-<br />

dant par la coloration de sa fleur qui est complètement<br />

blanche et non jaune comme celle <strong>du</strong> type décrit par Bran-<br />

degee 1 .<br />

Peniocereus Greggii Britt. et Rose (syn. : Cereus Greggii<br />

Engelm., C. Pottsii Salm-Dyck). — Cette espèce, pour laquelle<br />

Britton et Rose ont créé le genre Peniocereus 2 , présente<br />

quelques points de ressemblance avec le Selenicereus<br />

hamatus Britt. et Rose. Comme lui, elle est constituée au<br />

début par une tige unique, se lignifiant rapidement en pre-<br />

nant avec la croissance un contour cylindrique. Celle-ci<br />

peut atteindre 60 à 80 centimètres de longueur sur un dia-<br />

mètre d’environ 2 centimètres ; elle se subdivise à son<br />

1. bRandegee. — Zoe, II, p. 19, 1891.<br />

2. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />

America (Contributions from U. S. National Herbarium, vol. 12, p. 428,<br />

1909).


220 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

sommet en plusieurs rameaux présentant trois à six côtes,<br />

dressés, horizontaux ou décombants, de couleur verte passant<br />

insensiblement au grisâtre. La tige principale surgit d’un tu-<br />

bercule très charnu de couleur jaunâtre, au début bien napi-<br />

forme mais devenant dans la suite plus ou moins difforme<br />

en se renflant ou en s’allongeant ; ce tubercule peut atteindre<br />

chez <strong>les</strong> sujets bien développés une longueur de 30 à<br />

40 centimètres de long sur 15 à 20 centimètres de large.<br />

Cette racine serait, dit-on, fourragère et aurait été employée<br />

en temps de sécheresse comme aliment de fortune pour le<br />

bétail. La fleur, d’une longueur de 14 à 17 centimètres, est<br />

nocturne, longuement tubulée, de couleur blanche, très<br />

odorante ; elle apparaît latéralement sur <strong>les</strong> jeunes rameaux ;<br />

l’ovaire est vert sombre avec aréo<strong>les</strong> circulaires<br />

épineuses. Le fruit est comestible et rappelle assez celui des<br />

Pitahayos ; sa forme est un ovoïde allongé pouvant atteindre<br />

5 à 6 centimètres de long sur 2 à 3 de diamètre ; il porte<br />

de nombreux aiguillons ca<strong>du</strong>cs, sa couleur est d’un rouge<br />

écarlate.<br />

Une figure bien démonstrative portant sur l’ensemble de<br />

la plante, sa fleur et son tubercule, a été publiée par Britton<br />

et Rose 1 .<br />

Ce Cierge offre plusieurs variétés, entre autres une qui<br />

a été nommée Cereus Greggii transmontana Engelm., qui<br />

se différencie <strong>du</strong> type primitivement décrit par des aréo<strong>les</strong><br />

plus arrondies et un tube floral plus grêle et plus pileux.<br />

L’aire de dispersion <strong>du</strong> Peniocereus Greggii est assez<br />

éten<strong>du</strong>e ; elle comprend, aux États-Unis, <strong>les</strong> régions déser-<br />

tiques <strong>du</strong> Texas et de l’Arizona et au Mexique cel<strong>les</strong> des<br />

États de Zacatecas, Chihuahua, Sonora, Sinaloa et la partie<br />

méridionale de la Basse-Californie.<br />

Wilcoxia viperina Britt. et Rose (syn. : Cereus viperinus<br />

Web. 2 Herborium -><br />

). — Cette espèce, qui est désignée par <strong>les</strong> indigènes<br />

Herbarium<br />

1. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />

America (Contributions from U. S. National Herbarium, vol. 12, p.<br />

429, 1909).<br />

2. R. Roland-gosselin. — Œuvres posthumes <strong>du</strong> D r Weber (Bulletin<br />

<strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, X, p. 382, 1904).


chapitRe ix 221<br />

sous le nom vernaculaire d’Organito de vivora, se distingue<br />

nettement et à première vue de la précédente par son<br />

allure qui est bien typique et qui est celle des Cierges à<br />

racines tubéreuses complètement adaptés au régime exclusif<br />

des climats très secs.<br />

Le Wilcoxia viperina croît à une altitude de 1.500 à<br />

1.700 mètres, dans ces endroits arides à sol calcaire où, en<br />

dehors des Cactacées, des Agave et des Yucca, ne croissent<br />

guère comme végétation pérenne que de chétifs arbustes<br />

habituellement desséchés par <strong>les</strong> ardeurs solaires et au mi-<br />

lieu desquels il se confond par sa couleur terne au point<br />

d’en être difficilement distingué de prime abord.<br />

Ce Cierge possède une tige principale très courte, de cou-<br />

leur grisâtre ou brunâtre, qui vient surgir d’un tubercule<br />

unique pouvant atteindre parfois <strong>les</strong> mêmes proportions<br />

que celui <strong>du</strong> Peniocereus Greggii. Cette tige est courte, rameuse,<br />

non grimpante ni radicante, ayant un diamètre<br />

maximum d’environ 2 centimètres. Elle présente une<br />

dizaine de côtes arrondies et aplaties sur le sommet, sépa-<br />

rées <strong>les</strong> unes des autres par des sillons peu profonds. Les<br />

aréo<strong>les</strong> sont nues, distantes <strong>les</strong> unes des autres d’environ<br />

un centimètre ; <strong>les</strong> aiguillons sont grê<strong>les</strong>, rigides, très courts,<br />

de couleur grisâtre ; <strong>les</strong> jeunes rameaux, à leur début, sont<br />

toujours verts, mais ne tardent pas à prendre la teinte<br />

uniforme de la plante ; ils sont légèrement renflés à l’in-<br />

sertion des aréo<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-ci présentent un léger <strong>du</strong>vet flo-<br />

conneux blanc, qui disparaît promptement à mesure que<br />

le rameau se lignifie. La fleur est rouge, longue d’environ<br />

5 ou 6 centimètres. Le fruit est sphérique et d’une belle<br />

couleur rouge au moment de sa maturité ; il a environ<br />

3 centimètres de diamètre, ses aréo<strong>les</strong> sont tomentueuses<br />

et pourvues d’aiguillons grê<strong>les</strong>, rigides, bruns ou noirâtres.<br />

Le fruit est comestible, d’une saveur sucrée et parfumée<br />

très agréable, ce qui le fait apprécier des indigènes ; ceux-ci<br />

vont en faire la récolte au moment de la maturité, époque<br />

où, grâce à sa vive coloration, on le distingue facilement<br />

dans <strong>les</strong> fourrés broussailleux parmi <strong>les</strong>quels se dissimule<br />

la plante en temps ordinaire.


222 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Ce Cierge, jusqu’ici, n’a été signalé qu’aux environs de<br />

Zapotitlan de las salinas (État de Puebla), où il croît en<br />

abondance, dans <strong>les</strong> terrains argilo-calcaires, parmi la végé-<br />

tation arbustive des sols brûlés par <strong>les</strong> ardeurs <strong>du</strong> soleil<br />

et où il a été rencontré pour la première fois par le D r Weber<br />

vers 1867.<br />

Wilcoxia striata Britt. et Rose (syn. : Cereus striatus<br />

Brandegee) 1 et W. Diguetii Dig. et Guillaum. (syn. : Cereus<br />

Diguetii Web.) 2 . — Ces deux Cierges se différencient de l’espèce<br />

précédente par leurs rameaux plus érigés, leur allure<br />

plus élancée et la tuberculisation de leurs racines qui, au<br />

lieu d’être unique, se montre répartie tout le long des pro-<br />

longements radiculaires, de façon à offrir des tubercu<strong>les</strong><br />

disposés en chapelet.<br />

Ces deux espèces, jusqu’ici encore peu connues et qui ne<br />

constituent peut-être que de simp<strong>les</strong> variétés, se distinguent<br />

l’une de l’autre par la coloration de la fleur, qui, dans la<br />

première espèce, est jaune, et dans la seconde, blanche ;<br />

cette dernière est crépusculaire et apparaît au mois d’avril ;<br />

le fruit, de couleur rouge, arrive à maturité en juin ou<br />

juillet ; il est assez analogue à celui <strong>du</strong> Wilcoxia viperina,<br />

mais moins sphérique et plus allongé ; comme lui, il est de<br />

saveur agréable et très apprécié des indigènes.<br />

Les rameaux, très ligneux, de couleur brunâtre, sont<br />

cylindriques, très grê<strong>les</strong>, ils peuvent atteindre une longueur<br />

de 50 centimètres, sur un diamètre de quelques millimètres.<br />

Ces deux Cierges sont désignés par <strong>les</strong> indigènes sous le<br />

nom de Jacamatraca 3 ; ils se distinguent très difficilement,<br />

comme l’espèce précédente, de la végétation avec laquelle<br />

ils s’associent, leur aspect étant à première vue celui de<br />

brindil<strong>les</strong> brûlées par <strong>les</strong> ardeurs <strong>du</strong> soleil.<br />

1. bRandegee.. — Cereus striatus (Zoe, II, p. 19, 1891).<br />

2. webeR. — Cereus Diguetii (Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle<br />

de Paris, I, p. 319, 1893).<br />

3. Ce nom parait dériver, <strong>du</strong> moins en partie, d’un terme nahuatl<br />

importé par <strong>les</strong> colons espagnols et qui devrait alors s’orthographier<br />

Zacamatraca (zacatl = herbe desséchée, foin, etc., et matraca, mot<br />

espagnol signifiant baguette flexible).


chapitRe ix 223<br />

Les terrains qu’ils paraissent plus particulièrement pré-<br />

férer pour leurs bonnes conditions d’existence, sont <strong>les</strong> sols<br />

argilo-sablonneux avoisinant <strong>les</strong> rivages de la mer ; néan-<br />

moins, on peut parfois <strong>les</strong> rencontrer sur <strong>les</strong> plateaux assez<br />

élevés et sur <strong>les</strong> flancs des montagnes, où souvent alors ils<br />

insinuent leurs racines entre <strong>les</strong> fissures des rochers, ou<br />

entre <strong>les</strong> pierres, ce qui occasionne parfois un aplatisse-<br />

ment ou une déformation des renflements des racines.<br />

Gomme répartition géographique, ces Cierges, qui repré-<br />

sentent vraisemblablement la forme la plus évoluée ou la<br />

plus transformée des Cierges à racines tubéreuses, n’ont<br />

été jusqu’ici signalés que sur le territoire de la Basse-Cali-<br />

fornie et dans l’État de Sonora.<br />

D’après <strong>les</strong> semis qui ont été exécutés par M. R. Roland-<br />

Gosselin, à Villefranche-sur-Mer, la croissance de l’une de<br />

ces espèces ou variétés est extrêmement lente et ne repré-<br />

sente qu’un allongement de quelques millimètres à l’année,<br />

mais greffée sur le Wilcoxia viperina, la croissance des tiges<br />

a pu atteindre, dans le même laps de temps, 4 à 5 centi-<br />

mètres 1 .<br />

IV<br />

CIERGES ABERRANTS<br />

(GARAMBULLOS)<br />

A la suite des Cierges à fruits comestib<strong>les</strong>, on doit encore<br />

placer ce que, dans le langage populaire, on nomme au<br />

Mexique : <strong>les</strong> Garambullos ou Carambuyos ; ces derniers,<br />

par leur allure générale, rappellent <strong>les</strong> Cierges colomnaires<br />

<strong>les</strong> mieux caractérisés ; mais par leurs caractères floraux,<br />

ils s’en éloignent très notablement et se rapprochent alors<br />

1. En plus de ces espèces, Britton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 112,<br />

Washington, 1920) ont signalé la présence <strong>du</strong> Wilcoxia Poselgeri Britt.<br />

et Rose dans l’État de Coahuila, et <strong>du</strong> W. papillosa dans l’État de<br />

Sinaloa.


224 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

beaucoup plus des représentants <strong>du</strong> genre Rhipsalis, que<br />

de n’importe quel groupe de Cierges. Aussi est-ce pour cette<br />

raison que Console, en 1897, proposa de <strong>les</strong> détacher <strong>du</strong><br />

genre dans lequel on <strong>les</strong> plaçait jusqu’alors et de créer,<br />

pour cette forme incertaine, un genre à part auquel il donna<br />

le nom de Myrtillocactus 1 . Depuis, Britton et Rose ont fait<br />

<strong>du</strong> Cereus Schottii Engelm. le type d’un autre genre Lophocereus<br />

2 .<br />

Les fleurs et <strong>les</strong> fruits de Carambullos ont, comme caractère<br />

particulier, d’être de petites dimensions, mais cette<br />

exiguité des pro<strong>du</strong>its est amplement compensée par une<br />

extraordinaire surabondance.<br />

Les fleurs, comme cel<strong>les</strong> de l’Opuntia Ficus-indica Mill.,<br />

sont comestib<strong>les</strong>, <strong>du</strong> moins pour ce qui est de l’espèce type<br />

le M. geometrizans Console ; el<strong>les</strong> se vendent même assez<br />

couramment sur <strong>les</strong> marchés mexicains où on <strong>les</strong> désigne<br />

sous le nom de Clave<strong>les</strong> de Carambullos ; dans <strong>les</strong> usages<br />

culinaires, on <strong>les</strong> emploie alors comme succédanées des in-<br />

florescenses d’Agave.<br />

Quant aux fruits, ils sont constitués par de petites baies<br />

assez analogues comme apparence à cel<strong>les</strong> de myrtil<strong>les</strong>, d’où<br />

l’origine <strong>du</strong> nom de Myrtillocactus donné par Console. Les<br />

fruits sont d’une saveur excellente, ce qui leur permet de<br />

venir concurrencer sur <strong>les</strong> endroits de vente <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its<br />

<strong>les</strong> plus estimés des Opuntia et des Cierges ; comme eux, on<br />

<strong>les</strong> consomme à l’état frais ou en conserves ; sous ce der-<br />

nier rapport ils se prêtent à toute la série de préparations<br />

que l’on a coutume d’élaborer avec <strong>les</strong> fruits de Cactacées.<br />

Dans la confiserie indigène, on prépare plus spécialement<br />

le suc <strong>du</strong> fruit de Carambullo sous la forme d’un extrait<br />

sec, en feuillets minces que l’on obtient par la cuisson et<br />

l’évaporation <strong>du</strong> jus exprimé, sur une plaque modérément<br />

chauffée. Ce pro<strong>du</strong>it, qui constitue une sucrerie d’une belle<br />

1. console. — Bolletino R. Orto botanico Palermo, I, p. 8, 1897.<br />

2. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />

America (Contributions from U. S. National Herbarium, vol. 12. p. 426,<br />

1909).


15<br />

Fig. 67. — Myrtillocactus geometrizans Console.<br />

Plaines arides des environs de San Luis Potosi.


226 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

couleur rouge, est ven<strong>du</strong> sur <strong>les</strong> marchés mexicains sous<br />

le nom de Tortilla ou Dulce de Carambullo.<br />

Les Carambullos sont représentés par quatre espèces. Le<br />

Myrtillocactus geometrizans Console se rencontre très<br />

abondamment sur tous <strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong> massif central <strong>du</strong><br />

Mexique ; le M. Cochal Britt. et Rose est spécial à la Basse-<br />

Californie et le M. Schenckii Britt. et Rose aux États de<br />

Puebla et de Oaxaca ; le Lophocereus Schottii Britt. et Rose<br />

que l’on a rangé à tort parmi <strong>les</strong> Pilocereus à cause d’un<br />

faux cephalium qui, chez la forme primitivement décrite,<br />

vient constituer la partie florifère des tiges, habite exclu-<br />

sivement <strong>les</strong> régions désertiques <strong>du</strong> versant pacifique où<br />

on le rencontre principalement en Sonora et sur toutes <strong>les</strong><br />

parties peu élevées de la péninsule californienne.<br />

Myrtillocactus geometrizans Console (syn. : Cereus geometrizans<br />

Mart., C. pugioniferus Lemaire, C. quadrangulispinus<br />

Lemaire, C. Gladiator Otto et Dietr., C. Garambello<br />

Haage, C. aquicaulensis Hort.). — Ce Cierge est frutescent<br />

et atteint en général une hauteur d’environ 4 mètres.<br />

Lorsqu’il croît isolément et en terrain découvert (fig. 67),<br />

il est extrêmement rameux et prend alors une allure rap-<br />

pelant celle de certains Cierges de sites escarpés et dont<br />

<strong>les</strong> spécimens <strong>les</strong> plus marquants sont figurés par <strong>les</strong><br />

Lemaireocereus Chende Britt. et Rose et Chichipe Britt.<br />

et Rose. Mais lorsqu’il se trouve parmi <strong>les</strong> bosquets de<br />

Cierges élevés, on peut le voir parfois prendre une allure<br />

toute différente, ses tiges s’allongeant considérablement et,<br />

devenant moins ramifiées, prennent alors l’aspect de cel<strong>les</strong><br />

des formes environnantes (fig. 68).<br />

Les fleurs <strong>du</strong> M. geometrizans sont blanches et de la<br />

dimension de cel<strong>les</strong> d’oranger ; el<strong>les</strong> apparaissent au<br />

nombre de quatre ou cinq par aréo<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont comes-<br />

tib<strong>les</strong> comme on l’a vu plus haut. Les fruits sont petits,<br />

toujours très abondants, de couleur rouge, ayant l’appa-<br />

rence de myrtil<strong>les</strong> ou mieux de raisins de moyenne gran-<br />

deur. Les tiges sont dressées, de couleur verte plus ou


Fig. 68. — Myrtillocactus geometrizans Console.<br />

Bosquets de Cactacées des Environs de Tehuacan (État de Puebla).


228 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

moins céru<strong>les</strong>cente ; el<strong>les</strong> présentent cinq ou six côtes, avec<br />

sillons larges, presque plans ; ces côtes sont obtuses, angu-<br />

leuses, garnies de tubercu<strong>les</strong>, convexes ; <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont es-<br />

pacées, rondes, blanches, munies d’un tomentum très court.<br />

Les aiguillons (fig. (59) sont inégaux, rigides, au nombre de<br />

quatre, dont un inférieur beaucoup plus développé ressem-<br />

Fig. 69. — Faisceaux épineux<br />

<strong>du</strong> Myrtillocactus geometrizans Console (grandeur naturelle).<br />

blant comme forme à la lame d’un poignard, d’où <strong>les</strong> noms<br />

de pugioniferus et de Gladiator donnés à ce Cierge ; cette<br />

forme d’aiguillons est très caractéristique <strong>du</strong> genre, car on<br />

ne la rencontre chez aucun autre représentant des Cierges ;<br />

néanmoins, ces aiguillons peuvent parfois faire défaut en<br />

partie ou en totalité chez certains spécimens et présenter<br />

alors des formes qui peuvent, jusqu’à un certain point,<br />

constituer une variété ; telle est par exemple celle que l’on<br />

rencontre dans la région de Mitla (État de Oaxaca), et qui


Fig. 70. — Lophocereus Schottii Britt. et Rose.<br />

Environs de La Paz (Basse-Californie).


230 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

est presque inerme, et celle de la sierra de la Mixteca dé-<br />

crite par Purpus sous le nom de Cereus Schenckii 1 qui se<br />

différencie <strong>du</strong> type classique par la teinte des tiges et ses<br />

aiguillons plus ré<strong>du</strong>its.<br />

Les Nahuatls désignaient le Carambullo sous le nom de<br />

Tepepoa, terme que Hernandez tra<strong>du</strong>isit en latin par planta<br />

numerans montem, mais qui, si l’on s’en réfère à l’étymologie<br />

nahuatle, devrait se tra<strong>du</strong>ire plutôt par plante souve-<br />

raine ou distinguée des montagnes (tepetl = montagne, et<br />

poa, suffixe impliquant une idée de fierté, de distinction, de<br />

souveraineté ou encore de chose digne de remarque).<br />

L’aire de dispersion <strong>du</strong> Myrtillocactus geometrizans est<br />

assez éten<strong>du</strong>e : elle comprend surtout le plateau central <strong>du</strong><br />

Mexique, depuis le nord de l’État de San Luis Potosi jus-<br />

qu’à la grande vallée de l’État de Oaxaca.<br />

Lophocereus Schottii Britt. et Rose (syn. : Cereus Schottii<br />

Engelm., C. Palmeri Engelm., C. Sargentianus Orcutt, Pilocereus<br />

Schottii Lemaire, P. Sargentianus Orcutt, Lophocereus<br />

Sargentianus Britt. et Rose, L. australis Britt. et Rose).<br />

— Ce Carambullo (fig. 70), qui est désigné par <strong>les</strong> indigènes<br />

sous le nom de Tuna barbona, offre une allure assez différente<br />

de l’espèce précédente ; comme elle, il peut atteindre<br />

une hauteur voisine de 4 mètres, mais ses tiges, infiniment<br />

moins rameuses, partent souvent d’un tronc très court et<br />

peu élevé sur le sol ; ces dernières sont remarquab<strong>les</strong> par<br />

la différence qui existe chez la forme type entre leur partie<br />

inférieure, qui est stérile, et leur partie supérieure qui est<br />

alors florifère et se termine chez l’espèce type par une sorte<br />

de cephalium très fourni.<br />

Sur <strong>les</strong> tiges de cette espèce, <strong>les</strong> aiguillons sont d’abord<br />

courts, subulés, de couleur noire ; ils se transforment brus-<br />

quement vers l’apex en longs crins flexib<strong>les</strong>, grisâtres,<br />

pouvant parfois atteindre de 8 à 10 centimètres, dont l’en-<br />

semble viendra former une sorte de cephalium sur lequel<br />

apparaîtra la floraison (fig. 71). Les fleurs sont de couleur<br />

1. J.-A. puRpus. — Cereus Schenckii (Monatsschrift fur Kakteenkunde,<br />

XIX, p. 38. 1909).


Fig. 71. — Cephalium de Lophocereus Schottii Britt. et Rose<br />

avec sa fructification.


232 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

rosée et assez semblab<strong>les</strong> comme forme à cel<strong>les</strong> de l’espèce<br />

précédente, mais cependant un peu plus petites. Le fruit<br />

n’en diffère également que par sa dimension qui est un peu<br />

plus grande ; il est de même couleur et également de même<br />

saveur agréable.<br />

Le Lophocereus Schottii présente une variété assez curieuse<br />

qui se distingue par l’absence totale de ce pseudo-<br />

cephalium qui constitue le caractère le plus saillant <strong>du</strong> type<br />

décrit par Engelmann.<br />

Cette variété, que <strong>les</strong> indigènes désignent sous le nom de<br />

Cina ou Sinita (fig. 72), avait été considérée par Orcutt 1<br />

comme une espèce distincte, à laquelle il avait donné le<br />

nom de Cereus Sargentianus ; mais, depuis, on a reconnu<br />

qu’on pouvait rencontrer tous <strong>les</strong> termes de transition entre<br />

cette forme chauve et l’espèce type à cephalium.<br />

La forme à cephalium le mieux fourni se rencontre<br />

surtout dans la partie méridionale de la Basse-Californie,<br />

ce qui lui a fait donner par Brandegee le nom de variété<br />

australis.<br />

D’après Mac Gee, qui a entrepris des voyages d’études et<br />

d’explorations dans <strong>les</strong> régions où croît ce Cierge, la for-<br />

mation <strong>du</strong> cephalium <strong>du</strong> Lophocereus Schottii serait <strong>du</strong>e<br />

à l’action d’un insecte qui, s’attaquant aux rameaux flori-<br />

fères, provoquerait la transformation des aiguillons.<br />

La pulpe des tiges de ce Cierge renferme un principe<br />

toxique qui a été isolé et décrit par Hey sous le nom de<br />

pilocéréine.<br />

L’aire de répartition <strong>du</strong> Lophocereus Schottii et de ses<br />

variétés comprend aux États-Unis le sud de l’Arizona, et<br />

au Mexique <strong>les</strong> États de Sonora, de Sinaloa et le territoire<br />

de Basse-Californie.<br />

Orcutt a encore décrit, sous le nom de Cereus Cochal 2 ,<br />

une autre forme dépourvue de cephalium, se rencontrant<br />

1. oRcutt. — Garden and forest, IV, p. 436, 1891, et Monatsschrift<br />

für Kakteenkunde, II, p. 76, 1892.<br />

2. oRcutt. — West American Scientist, vol. 6, p. 29, 1889.


Fig. 72. — Cina ou Sinita.<br />

Variété sans cephalium <strong>du</strong> Lophocereus Schottii Britt. et Rose.<br />

Environs de La Paz (Basse-Californie).


234 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

dans le nord de la péninsule californienne aux environs de<br />

la baie de Ensenada Todos Santos ; cette forme, qui se<br />

caractérise par des aiguillons beaucoup plus robustes que<br />

ceux des Sinitas ordinaires, a été considérée par K. Brandegee<br />

comme étant plutôt une variété <strong>du</strong> Cereus geometrizans<br />

Mart. 1 ; Britton et Rose en ont fait une espèce<br />

spéciale de Myrtillocactus sous le nom de M. Cochal Britt.<br />

et Rose 2 .<br />

1. K. bRandegee. - Zoe, V, p. 4, 1900.<br />

2. bRitton et Rose. — The genus Cereus and ils allies in North<br />

America (Contributions from U. S. National Herbarium. vol. 12, p. 427,<br />

1909).


CHAPITRE X<br />

ÉCHINOCACTÉES<br />

Historique. — Distribution géographique. — Constitution<br />

anatomique et morphologique, différence avec <strong>les</strong> Cactus.<br />

— Caractères généraux et particuliers. — Rôle dans la<br />

nature. — Echinocactées inermes et leur mode de protection.<br />

— Considérations sur <strong>les</strong> aiguillons et leurs anomalies. —<br />

Mode de propagation et de dissémination. — Greffage<br />

naturel. — Subdivisions scientifiques des Echinocactées. —<br />

Classification indigène. — Espèces typiques. — Utilisation<br />

domestique et in<strong>du</strong>strielle. — Espèces de transition. — Espèces<br />

aberrantes. — Caractère sacré des Cactacées globuleuses chez<br />

<strong>les</strong> anciens Mexicains. — Les Biznagas divinisées. — Les<br />

Peyotes, leur usage rituel, leurs propriétés, leurs principes<br />

actifs.<br />

Les Echinocactées sont désignées vulgairement au<br />

Mexique sous le nom de Visnaga ou Biznaga, terme qui,<br />

comme on l’a vu au chapitre de la terminologie, dérive par<br />

corruption <strong>du</strong> mot nahuatl Huiznahuac, signifiant entouré<br />

d’épines, expression très juste et qui a trait à l’armature<br />

puissamment défensive dont sont pourvus <strong>les</strong> spécimens<br />

<strong>les</strong> plus typiques de cette tribu.<br />

Le genre Echinocactus fut institué en 1827 par Link et<br />

Otto pour identifier un groupe très homogène et bien caractérisé<br />

de Cactacées possédant des tiges globuleuses et côtelées,<br />

et le séparer en même temps d’un autre groupe avec lequel


nebs -> nebst<br />

236 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

on l’avait jusqu’alors confon<strong>du</strong> : <strong>les</strong> Melocactus 1 , pour <strong>les</strong>quels<br />

on réserve maintenant le nom de Cactus.<br />

A ces deux genres que l’on avait, comme on l’a vu au cha-<br />

pitre précédent, séparés d’abord des Cereus, puis ensuite des<br />

Mamillaria, on donnait primitivement le nom d’Echinomelocactus<br />

ou de Melocar<strong>du</strong>us Indiæ occi<strong>du</strong>æ, terme qui<br />

correspondait à la configuration de la plante et auquel on<br />

substitua, lorsqu’à la suite des travaux de A. de Jussieu <strong>les</strong><br />

Cactacées commencèrent à être mieux connues et mieux<br />

étudiées, la dénomination, plus conforme à la systématique,<br />

de Cactiers couronnés, à cause de leur inflorescence apicale.<br />

Le type le plus anciennement connu de ces Cactiers couronnés<br />

est le Cactus Melocactus L., espèce des Antil<strong>les</strong>, dont<br />

l’intro<strong>du</strong>ction en Europe comme plante curieuse de serre<br />

remonte au xvi e siècle.<br />

distRibution géogRaphique. — Quoique constituant des<br />

genres voisins et habitant des terrains de même nature,<br />

<strong>les</strong> Echinocactées et <strong>les</strong> Cactus ont chacun une répartition<br />

géographique assez bien délimitée.<br />

Les Echinocactées sont représentées sur tous <strong>les</strong> terri-<br />

toires désertiques des régions torrides des deux Amériques,<br />

mais ils paraissent faire complètement défaut sur la zone<br />

équatoriale, tandis que <strong>les</strong> Cactus sont surtout particuliers<br />

à l’Amérique <strong>du</strong> Sud et à la région des Antil<strong>les</strong>.<br />

constitution anatomique et moRphologique. — Les<br />

Echinocactées et <strong>les</strong> Cactus, outre leur conformation extérieure,<br />

présentent encore une similitude de constitution<br />

interne ; cette dernière est alors formée par line abondante<br />

masse charnue parfaitement homogène et exempte de tout<br />

1. linK et otto. — Über die Gattungen Melocactus und Echinocactus<br />

nebst Beschreibung und Abbil<strong>du</strong>ng der Verhandlungen des Vereins zur<br />

Beförderung des Gartenbaues im preussischen Staate, III, p. 413, Berlin,<br />

1827.<br />

Quant au terme Melocactus, il avait été proposé par Tournefort pour<br />

désigner <strong>les</strong> Cactacées à côtes, mais il n’a été définitivement admis<br />

comme terme générique que par linK et otto.<br />

preussichen -><br />

preussischen


Fig. 73. — Ferocactus Diguetii Britt. et Rose.<br />

Île de la Catalana (Golfe de Californie).


238 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tégument lignifié ; cette masse charnue offre même chez<br />

beaucoup de sujets de ces deux groupes un pro<strong>du</strong>it délicat<br />

que <strong>les</strong> indigènes ont su mettre à contribution, non seule-<br />

ment pour leur alimentation, mais aussi comme pro<strong>du</strong>it<br />

fourrager aux moments de grande sécheresse.<br />

Cette texture anatomique, particulière à toutes <strong>les</strong> Cac-<br />

tacées globuleuses, <strong>les</strong> différencie nettement des Cierges et<br />

des Opuntiées, dont <strong>les</strong> tissus parenchymateux sont main-<br />

tenus intérieurement par une charpente ligneuse.<br />

Chez le groupe qui nous intéresse, la masse charnue est<br />

uniquement soutenue par <strong>les</strong> côtes qui sont alors renforcées<br />

par de puissants faisceaux d’aiguillons, qui viennent cons-<br />

tituer une sorte d’exosquelette permettant à la plante, lors-<br />

qu’elle se développe en hauteur, de conserver un maintien<br />

vertical assez régulier.<br />

Le caractère botanique bien apparent qui permet de diffé-<br />

rencier <strong>les</strong> Echinocactées des Cactus, est celui de la présence<br />

chez ces derniers d’une sorte de cephalium tomentueux<br />

surgissant au centre <strong>du</strong> sommet de la tige et sur<br />

lequel apparaît seulement la floraison.<br />

Chez <strong>les</strong> Echinocactées, cette sorte de hampe florale fait<br />

défaut ; <strong>les</strong> fleurs se montrent cependant au sommet, mais<br />

alors el<strong>les</strong> sortent directement des aréo<strong>les</strong> pour venir con-<br />

stituer sur l’apex un couronnement circulaire parfois assez<br />

fourni.<br />

caRactèRes généRaux et paRticulieRs. — La tige des<br />

Echinocactées affecte toujours, à ses débuts, une forme plus<br />

ou moins régulièrement globuleuse, mais qui, avec la crois-<br />

sance, peut s’allonger et revêtir, chez <strong>les</strong> espèces atteignant<br />

de fortes proportions, un contour presque uniformément<br />

cylindrique, comme cela se voit chez certains spécimens<br />

très a<strong>du</strong>ltes (Ferocactus Diguetii Britt. et Rose, fig. 73).<br />

Cette tige, chez la plupart des espèces, est simple, mais<br />

elle peut, chez de rares représentants <strong>du</strong> genre, se montrer<br />

très ramifiée ; tel est le cas des Echinocactus polycephalus<br />

Engelm. et Bigelow, Ferocactus flavovirens Britt. et Rose<br />

(fig. 74) et F. robustus Britt. et Rose (fig. 75). Chez ce der-


chapitRe x 239<br />

nier, la tige, tout d’abord simple et subglobuleuse, devient<br />

peu à peu prolifère et, au lieu de s’allonger, se ramifie tel-<br />

lement que <strong>les</strong> parties constituantes de la dichotomie<br />

finissent par se toucher, ce qui, avec le temps, peut donner<br />

alors à la plante l’aspect d’une grosse touffe hémisphérique<br />

Fig. 74. — Ferocactus flavovirens Britt. et Rose.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />

composée d’une agglomération de plusieurs centaines de<br />

bou<strong>les</strong>.<br />

Lorsque la tige des Echinocactées est simple, elle est<br />

érigée, et quand par accident elle vient à être renversée sur<br />

le sol, on voit aussitôt <strong>les</strong> parties nouvel<strong>les</strong> de l’apex se<br />

recourber brusquement afin de reprendre la position nor-<br />

male. Une espèce cependant s’écarte de cette règle, c’est le<br />

Ferocactus nobilis Britt. et Rose qui, au début, s’élance<br />

droit, mais qui peu à peu, sous un effet de torsion, peut<br />

prendre <strong>les</strong> directions <strong>les</strong> plus variées (fig. 76).


240 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La tige des Echinocactées est sillonnée de côtes qui sont<br />

tantôt vertica<strong>les</strong> (Ferocactus Wislizenii Britt. et Rose), tantôt<br />

spiralées (Ferocactus nobilis Britt. et Rose) (fig. 76), ou<br />

encore tuberculisées (Astrophytum myriostigma Lemaire<br />

et A. Asterias Lemaire). Ces côtes, excepté chez <strong>les</strong> formes<br />

Fig. 75. — Ferocactus robustus Britt. et Rose.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />

dites inermes, sont garnies d’aréo<strong>les</strong> armées d’aiguillons<br />

biformes, <strong>les</strong> uns externes radiants, <strong>les</strong> autres intérieurs<br />

plus robustes ; ces derniers peuvent être cylindriques ou<br />

aplatis, lisses ou striés transversalement, plus ou moins<br />

droits ou plus ou moins incurvés ; ils sont terminés par une<br />

pointe très acérée qui, parfois, se recourbe en hameçon.<br />

Cette garniture épineuse implantée sur la crête des côtes,<br />

en même temps qu’elle est une puissante défense, constitue,<br />

comme on vient de le voir, un système de maintien donnant<br />

à la volumineuse masse charnue la possibilité de conserver


chapitRe x 241<br />

sur toute sa surface un contour régulier et vertical, ce qui<br />

permet alors à certaines espèces très a<strong>du</strong>ltes d’atteindre,<br />

sans trop de déformation, une hauteur de 4 mètres 1 .<br />

1. Chez <strong>les</strong> spécimens de fortes proportions, on constate presque<br />

toujours des sortes d’affaissements qui se tra<strong>du</strong>isent par des bourrelets<br />

circulaires ; ces derniers, quoique <strong>du</strong>s en partie au peu de consistance<br />

de la masse, sont surtout pro<strong>du</strong>its par <strong>les</strong> accroissements intermittents<br />

de la tige après des périodes plus ou moins prolongées de repos<br />

végétatif (fig. 9 et 77).<br />

16<br />

Fig. 70. — Ferocactus nobilis Britt. et Rose.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


242 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les fleurs qui, comme on l’a vu plus haut, se développent<br />

toujours sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> voisines de l’apex, revêtent, suivant<br />

<strong>les</strong> espèces, des teintes blanches, jaunes, rouges ; el<strong>les</strong> sont<br />

diurnes et s’épanouissent complètement au soleil ; leur tube<br />

est squameux, glabre ou sétigère. Le fruit est constitué par<br />

une baie plus ou moins charnue, souvent presque sèche ;<br />

son péricarpe peut être nu, écailleux, laineux ; quelques<br />

espèces donnent des fruits succulents qui sont comestib<strong>les</strong><br />

et que l’on peut parfois rencontrer sur <strong>les</strong> marchés où on<br />

<strong>les</strong> nomme Limas de Biznagas ; tels sont ceux par exemple<br />

des Ferocactus hamatacanthus Britt. et Rose, Echinocactus<br />

bicolor Galeotti, Echinocactus ingens Zucc.<br />

Les Echinocactées sont représentées par des formes<br />

naines, moyennes et géantes.<br />

Rôle dans la natuRe. — A quelque catégorie qu’el<strong>les</strong> appartiennent,<br />

<strong>les</strong> Echinocactées se révèlent comme des végé-<br />

taux éminemment xérophi<strong>les</strong>, qui ne se rencontrent guère<br />

que sur <strong>les</strong> sols <strong>les</strong> plus ingrats et <strong>les</strong> plus désolés par <strong>les</strong><br />

ardeurs solaires. Le rôle que la nature semble cependant<br />

leur avoir attribué dans l’amélioration des déserts est beau-<br />

coup moins complet que celui qui incombe aux Opuntia et<br />

aux Cierges ; ils ne paraissent pas, <strong>du</strong> moins dans <strong>les</strong> formes<br />

typiques <strong>du</strong> genre, devoir dans leur fonction dépasser la<br />

deuxième étape, c’est-à-dire celle qui correspond à l’entre-<br />

tien permanent <strong>du</strong> sol ; encore dans celle-ci ne se bornent-ils<br />

surtout qu’à la captation de l’humidité atmosphérique et à<br />

sa fixation sur place ; ils ne parviennent donc pas jusqu’à<br />

la protection et l’entretien efficace de la maigre et chétive<br />

végétation frutescente. C’est ce qui expliquerait pourquoi<br />

<strong>les</strong> Echinocactées, sur leurs terrains de prédilection, se ren-<br />

contrent la plupart <strong>du</strong> temps croissant sinon complètement<br />

isolées, <strong>du</strong> moins rarement accompagnées de buissons,<br />

comme cela se voit pour toutes <strong>les</strong> autres Cactacées adaptées<br />

aux mêmes fins.<br />

Un autre fait curieux et qui vient s’ajouter aux particu-<br />

larités de ces Cactacées aux tiges complètement renflées,<br />

c’est que leurs espèces naines, auxquel<strong>les</strong> incombent la


Fig. 77. — Echinocactus ingens Zucc.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


244 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

situation de premier occupant <strong>du</strong> sol aride, ne sont plus<br />

alors des formes primitives, mais bien au contraire des<br />

indivi<strong>du</strong>alités d’un degré plus élevé dans l’ordre philogé-<br />

nique <strong>du</strong> groupe ; ce sont alors ces formes ré<strong>du</strong>ites qui<br />

représentent <strong>les</strong> types de transition entre ce groupe et celui<br />

des Mamillariées.<br />

La biologie des espèces naines d’Echinocactées est, <strong>du</strong><br />

reste, à peu de chose près, la même que celle des Mamil-<br />

lariées.<br />

echinocactées ineRmes et leuR mode de pRotection. —<br />

Chez nombre de représentants de formes ré<strong>du</strong>ites de l’un<br />

ou de l’autre de ces deux groupes, on retrouve fréquemment<br />

<strong>les</strong> mêmes moyens de protection contre <strong>les</strong> agents externes<br />

de destruction. C’est ainsi, par exemple, que pour <strong>les</strong><br />

espèces dénuées en partie ou en totalité de garniture épi-<br />

neuse, on observe une curieuse particularité qui consiste<br />

à <strong>les</strong> garantir de l’âpreté d’un climat excessif par un enfouis-<br />

sement périodique et spontané dans le sol. Ce moyen na-<br />

turel, qui permet à la plante mal armée de résister à une<br />

dessiccation complète et, par suite, à son anéantissement,<br />

tout extraordinaire qu’il paraisse à première vue, est le<br />

résultat d’un mécanisme assez simple qui est bien connu de<br />

ceux qui ont pratiqué la culture des Cactacées, en se con-<br />

formant aux conditions écologiques que réclament certains<br />

sujets.<br />

Lorsque la saison sèche commence à se faire sentir, la<br />

plante qui, à ses débuts, est constituée par un corps napi-<br />

forme, se contracte peu à peu par suite de la perte d’eau<br />

de ses tissus. La terre qui l’environne se dessèche également<br />

en se fendillant : il en résulte de part et d’autre un retrait<br />

en sens inverse, donnant lieu à la formation d’une cavité<br />

en entonnoir, au fond de laquelle la plante se trouve pro-<br />

gressivement entraînée par suite de la traction de ses ra-<br />

cines. Peu à peu, <strong>les</strong> limons aériens ainsi que la terre<br />

meuble, en se désagrégeant, viendront combler le vide et<br />

recouvrir la plante, qui demeurera alors complètement ense-<br />

velie tout le temps que <strong>du</strong>rera la période de sécheresse.


chapitRe x 245<br />

Cette plante se conservera là en repos végétatif jusqu’à ce<br />

que <strong>les</strong> pluies ou de fortes rosées viennent, en humidifiant<br />

<strong>les</strong> terres, lui donner la faculté de reprendre son déve-<br />

loppement et de réapparaître à la surface <strong>du</strong> sol par<br />

l’émission de nouveaux bourgeonnements.<br />

Cette organisation pour la lutte contre <strong>les</strong> éléments de<br />

destruction se manifeste d’une façon bien accusée chez cer-<br />

taines formes que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />

collectif assez confus de Peyotes ou de Peyotillos ; ces dernières<br />

sont représentées par quatre ou cinq espèces que l’on<br />

a tour à tour rangées dans <strong>les</strong> genres : Ariocarpus (Scheidweiler<br />

1838), Anhalonium (Lemaire 1841), Stromatocactus<br />

(Karwinski 1885) et Lophophora (Coulter 1894).<br />

L’espèce la plus anciennement connue de ces formes<br />

aberrantes est celle que Hernandez désignait sous le nom<br />

de Peyotl zacatecensis ; cette espèce qui, par son mode de<br />

floraison sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, se rattache aux Echinocactées, est<br />

le Lophophora Williamsii Coulter 1 .<br />

Les Peyotes et <strong>les</strong> Peyotillos présentent pour la plupart<br />

cette particularité notoire de contenir des principes toxiques<br />

ou au moins de saveur désagréable, ce qui supplée à leur<br />

manque d’armature défensive et <strong>les</strong> préserve efficacement<br />

contre la destruction par <strong>les</strong> rongeurs et <strong>les</strong> herbivores.<br />

Les principes que contiennent <strong>les</strong> Peyotes ont été utilisés<br />

par certaines tribus indiennes soit dans leur méde-<br />

cine, soit surtout dans leurs cérémonies religieuses où l’on<br />

s’en servait pour obtenir des hallucinations ; c’est ce dernier<br />

emploi, comme on le verra plus loin, qui fit considérer par<br />

<strong>les</strong> anciens Mexicains <strong>les</strong> Peyotes comme étant des Biznagas<br />

de caractère sacré possédant un pouvoir surnaturel.<br />

considéRations suR <strong>les</strong> aiguillons et leuRs anomalies.<br />

— Ce curieux artifice de la nature, qui permet à un nombre<br />

1. Lophophora Williamsii Coulter a été décrit sous <strong>les</strong> noms de :<br />

Ariocarpus Williamsii Voss., Anhalonium Williamsii Lemaire, A. Lewinii<br />

Hennings, A. Jourdanianum Lewin, Echinocactus Jourdianus Rebut,<br />

E. Lewinii Hennings, Mamillaria Williamsii Coulter, M. Lewinii<br />

Karsten, Lophophora Lewinii Thompson


246 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

assez restreint de spécimens de se soustraire aux rigueurs<br />

d’un climat excessif, n’est qu’une exception dans la biologie<br />

des Echinocactées, car, au contraire, <strong>les</strong> représentants <strong>les</strong><br />

plus typiques doivent leur protection contre <strong>les</strong> <strong>du</strong>res<br />

épreuves climatériques aux puissantes armatures épineuses<br />

dont la nature <strong>les</strong> a dotées. Ces armatures défensives, qui<br />

varient dans leur agencement suivant <strong>les</strong> espèces et surtout<br />

suivant l’adaptation aux milieux, sont organisées de telle<br />

façon qu’el<strong>les</strong> arrivent parfois à constituer un lacis inextricable,<br />

englobant toute la plante et la maintenant dans une<br />

sorte de cage, comme cela se voit d’une façon très typique,<br />

par exemple, chez <strong>les</strong> Ferocactus latispinus Britt. et Rose,<br />

Homalocephala texensis Britt. et Rose et Echinofossulocactus<br />

crispatus Lawrence, espèces habitant <strong>les</strong> mêmes<br />

régions désertiques que <strong>les</strong> Peyotes.<br />

Ce réseau d’aiguillons plus ou moins enchevêtrés, en plus<br />

d’un abri protecteur bien conditionné, fait encore l’office<br />

d’un véritable isolateur, car en même temps qu’il tamise<br />

<strong>les</strong> rayons solaires en procurant un certain ombrage, il maintient<br />

à l’état stagnant une couche d’air suffisante pour atténuer<br />

et contrebalancer <strong>les</strong> effets brusqués de l’atmosphère<br />

sur l’épiderme de la plante.<br />

En somme, la puissance de l’armature défensive est une<br />

des principa<strong>les</strong> caractéristiques chez <strong>les</strong> Echinocactées ; si<br />

quelques spécimens réputés inermes paraissent faire exception<br />

à la règle générale, ce n’est que d’une façon tout<br />

à fait relative. Car, comme on le constate dans <strong>les</strong> semis<br />

de Peyotes, <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong> issues de ces derniers se montrent<br />

toujours assez bien pourvues d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs qui s’éliminent<br />

naturellement dès que le végétal tend à prendre<br />

son développement normal et définitif.<br />

Les Astrophytum qui, eux aussi, comptent parmi <strong>les</strong><br />

représentants aberrants <strong>du</strong> même groupe, présentent dans<br />

leur système des particularités assez paradoxa<strong>les</strong>. C’est ainsi<br />

par exemple que l’A. myriostigma Lemaire montre, au lieu<br />

d’aiguillons bien définis, une multitude de ponctuations<br />

pérennes de couleur blanchâtre, constituées par des amas


chapitRe x 247<br />

de <strong>du</strong>vets rudimentaires, qui viennent parsemer réguliè-<br />

rement son épiderme (fig. 78). Chez d’autres espèces de ce<br />

même genre, comme par exemple <strong>les</strong> A. capricormis Britt.<br />

et Rose et ornatum Weber, ces ponctuations font défaut<br />

mais el<strong>les</strong> sont alors remplacées par de forts aiguillons<br />

Fig. 78. — Astrophytum myriostiyma Lemaire.<br />

s’éliminant spontanément dans <strong>les</strong> parties inférieures de la<br />

tige à mesure que celle-ci s’accroît (fig. 79).<br />

Un fait en apparence analogue peut parfois se constater<br />

chez <strong>les</strong> Echinocactées norma<strong>les</strong> lorsqu’atteignant de<br />

grandes dimensions, el<strong>les</strong> montrent, sur une certaine hau-<br />

teur, leur base démunie de son armature défensive. Mais ce<br />

cas est alors tout différent de celui des Astrophytum ; la<br />

perte d’aiguillons, qui n’est ni périodique ni saisonnière<br />

comme chez ces derniers, doit surtout s’attribuer à un<br />

vieillissement de la couche épidermique qui se lignifie<br />

quelque peu en même temps qu’elle se dépouille de ses par-<br />

ties mortifiées par la dessiccation.


248 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

mode de pRopagation et de dissémination. — Les Echinocactées<br />

se propagent dans la nature uniquement par <strong>les</strong><br />

graines ; il est facile de comprendre qu’étant donnée la<br />

constitution essentiellement pulpeuse de ces Cactacées, leur<br />

propagation par bouturage accidentel, comme cela a lieu<br />

chez <strong>les</strong> Opuntia et même chez certains Cierges, serait impossible<br />

et qu’elle réclamerait alors des artifices que, seule,<br />

l’horticulture serait tout au plus capable de fournir.<br />

La propagation par semis, pour être vraiment efficace,<br />

paraît devoir s’opérer suivant certaines conditions, ainsi que<br />

tendraient à le prouver <strong>les</strong> difficultés que l’on éprouve<br />

lorsque l’on entreprend des semis de ces plantes.<br />

Il est probable que, pour que la germination des graines<br />

puisse s’effectuer dans <strong>les</strong> conditions naturel<strong>les</strong>, il est nécessaire<br />

que la graine reste longtemps en contact avec <strong>les</strong><br />

tissus <strong>du</strong> fruit, ou encore, à son défaut, avec ceux de la<br />

plante ; c’est <strong>du</strong> moins ce que <strong>les</strong> faits de la nature semblent<br />

bien indiquer chez nombre d’espèces à fruits secs ou non pulpeux.<br />

Les fruits d’Echinocactées restent chez la plupart des<br />

espèces longtemps attachés à la plante qui <strong>les</strong> a pro<strong>du</strong>its, et<br />

ce n’est que lorsqu’ils sont à peu près desséchés qu’ils<br />

tombent sur le sol, où ils finissent par disparaître sous un<br />

recouvrement de sab<strong>les</strong> et de sédiments, situation dans laquelle<br />

ils se conserveront ensevelis jusqu’à ce que d’heureuses<br />

manifestations climatériques viennent, de nouveau,<br />

rappeler la vie sur <strong>les</strong> sols désolés, circonstances qui provoqueraient<br />

alors la germination des graines contenues dans<br />

leur enveloppe protectrice et peut-être même quelque peu<br />

nourricière chez certaines espèces.<br />

Une fois germées, <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong> d’Echinocactées forment<br />

des agglomérations qui pourront être, soit de nouveau ensevelies<br />

par <strong>les</strong> terres où el<strong>les</strong> subiront en groupe un repos<br />

végétatif, soit au contraire désunies et dispersées à longue<br />

distance par <strong>les</strong> transports superficiels <strong>du</strong> sol, lors des<br />

pluies orageuses.<br />

Certaines de ces agglomérations de jeunes Echinocactées<br />

ayant pu rester en place par suite de la nature <strong>du</strong> terrain,


Fig. 79 — Astrophytum ornatum Web.


250 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

se développeront en commun et deviendront parfois de vo-<br />

lumineuses touffes (fig. 80) ; mais ce dernier cas est assez<br />

rare et ne se présente guère que sur des surfaces disposées<br />

en cuvette.<br />

La plupart <strong>du</strong> temps, <strong>les</strong> Echinocactées sont entraînées<br />

pendant leur période juvénile par <strong>les</strong> courants et <strong>les</strong> remous<br />

boueux qu’occasionnent <strong>les</strong> eaux sauvages au moment des<br />

fortes pluies. El<strong>les</strong> peuvent être alors dispersées sur d’assez<br />

grandes éten<strong>du</strong>es où probablement el<strong>les</strong> n’entreront en végé-<br />

tation fixe et définitive qu’après des alternatives d’enfouis-<br />

sement analogues à cel<strong>les</strong> des formes naines, comme par<br />

exemple cel<strong>les</strong> qui sont représentées par <strong>les</strong> Peyotes.<br />

gReFFage natuRel. — L’agglomération des grandes Echinocactées<br />

chez certaines espèces, comme par exemple<br />

l’Echinocactus ingens Zucc., n’est pas toujours le résultat<br />

d’un défaut de dispersion chez <strong>les</strong> jeunes sujets. Quelque-<br />

fois, au lieu d’une réunion côte à côte et dont chaque terme<br />

possède son indivi<strong>du</strong>alité complète et distincte, on rencontre<br />

une agglomération de tiges formant parfois, sur une unique<br />

souche, un groupement de plusieurs indivi<strong>du</strong>s, qui donne à<br />

cette plante normalement à tige simple, l’illusion d’une ra-<br />

mification naturelle rappelant quelque peu celle des Ferocactus<br />

robustus Britt. et Rose et flavovirens Britt. et Rose.<br />

Cette anomalie nous révèle un côté curieux et particulier<br />

que l’on rencontre parfois chez certaines Echinocactées et<br />

principalement chez l’Echinocactus ingens Zucc. : c’est<br />

celui de nous montrer un greffage pouvant, quoique acci-<br />

dentel, s’effectuer naturellement et d’une façon pour ainsi<br />

dire spontanée (fig. 81).<br />

Cette apparence de ramification est occasionnée, soit par<br />

une simple b<strong>les</strong>sure, soit encore, et c’est le cas le plus<br />

commun, par une destruction ou un prélèvement plus ou<br />

moins grand d’une partie de la masse charnue de la plante<br />

dans un but d’exploitation. Sur <strong>les</strong> parties mises à vif, des<br />

graines ont pu tomber ou être apportées ; rencontrant là,<br />

au contact de la pulpe plus ou moins cicatrisée et recou-<br />

verte de poussière, <strong>les</strong> conditions favorab<strong>les</strong> à une bonne


Fig. 80. — Echinocactus ingens Zucc.<br />

Spécimens réunis accidentellement en touffe dans une dépression <strong>du</strong> sol.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


252 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

germination, el<strong>les</strong> ont donné naissance à des plantu<strong>les</strong> qui,<br />

sans pour ainsi dire émettre de racines, ont trouvé moyen<br />

de se greffer d’el<strong>les</strong>-mêmes sur la masse charnue, au point<br />

de venir constituer le remplacement par autoplastie de la<br />

partie supprimée. Parfois aussi, on a pu constater sur ces<br />

mêmes Biznagas, des Nopals qui, issus de graines transportées,<br />

étaient venus s’y greffer par un processus identique.<br />

Il est à remarquer que ces greffages naturels donnent, en<br />

général, un rejet beaucoup plus vigoureux et de croissance<br />

infiniment plus rapide que celui de la plante qui fournit le<br />

porte-greffe.<br />

Ces particularités que, dans la nature désertique, on ne<br />

rencontre seulement que chez certains Echinocactus, sont<br />

uti<strong>les</strong> à connaître, car, dans la conquête et l’aménagement<br />

méthodique des déserts en vue de cultures, <strong>les</strong> Biznagas,<br />

qui sont toujours de croissance très lente, et pour cela ne<br />

peuvent guère se prêter à une exploitation rémunératrice,<br />

pourront être appelées à devenir de précieux auxiliaires<br />

dans <strong>les</strong> terrains trop secs, en faisant l’office de porte-greffes<br />

pour <strong>les</strong> essences de Cactacées plus délicates, mais par<br />

contre plus avantageusement pro<strong>du</strong>ctives.<br />

subdivisions scientiFiques des echinocactées. — Les<br />

Biznagas que l’on rencontre sur <strong>les</strong> territoires mexicains et<br />

<strong>du</strong> sud des États-Unis se répartissent dans <strong>les</strong> sept séries<br />

suivantes :<br />

1° Céphalocactées ou Cephaloidei, dont l’apex offre une<br />

partie tomenteuse figurant un rudiment de cephalium ;<br />

2° Euéchinocactées ou Macrogoni, représentant la forme<br />

la mieux définie <strong>du</strong> genre ;<br />

3° Ancistrocactées ou Uncinati, caractérisées surtout par<br />

l’existence dans leurs faisceaux épineux, d’un ou de plusieurs<br />

aiguillons terminés par une pointe recourbée en crochet ;<br />

4° Sténocactées ou Stenogoni, dont <strong>les</strong> côtes fortement<br />

comprimées revêtent une apparence plus ou moins foliacée ;<br />

5° Thélocactées ou Phymatogoni, chez <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> la<br />

caractéristique est de présenter en place des côtes régu-<br />

lièrement constituées, des alignements de tubercu<strong>les</strong> plus<br />

ou moins confluents ;


Fig. 81. — Echinocactus ingens Zucc.<br />

Spécimen montrant un greffage naturel et spontané<br />

à la suite de germination de graines sur une partie b<strong>les</strong>sée.<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


254 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

6° Astrophytées ou Asteroidei, représentées par des<br />

spécimens dont la partie apicale offre dans le dispositif des<br />

côtes une certaine ressemblance avec le rayonnement d’une<br />

Astérie ou étoile de mer ;<br />

7° Lophophorées, qui sont alors la forme typique et proba-<br />

blement ancestrale de cette catégorie de Cactacées globu-<br />

leuses que dans le langage populaire on désigne sous la<br />

dénomination collective de Peyotes.<br />

Ces sept séries dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> sont rangées <strong>les</strong> Biznagas<br />

mexicaines, ne sont pas <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> que comporte le groupe<br />

des Echinocactées : on en a établi d’autres, mais ces<br />

dernières étant exclusivement représentées dans l’Amérique<br />

<strong>du</strong> Sud, ne sont pas mentionnées ici.<br />

Le D r Weber, dans sa monographie des Cactacées,<br />

n’adoptait que <strong>les</strong> deux grandes subdivisions géographiques<br />

de nord et sud américaines, cel<strong>les</strong>-ci, suivant l’auteur, étant<br />

suffisantes pour correspondre aux affinités. Dans la classi-<br />

fication présentée ci-dessus, <strong>les</strong> spécimens appartenant aux<br />

trois premières séries sont <strong>les</strong> représentants <strong>les</strong> plus<br />

typiques des Echinocactées ; aussi comme ils jouent un<br />

rôle assez important dans l’exploitation indigène, nous<br />

occuperons-nous tout spécialement d’eux et de leur uti-<br />

lisation dans ce chapitre, comme étant alors <strong>les</strong> formes<br />

<strong>les</strong> mieux caractérisées et en même temps à peu près <strong>les</strong><br />

seu<strong>les</strong> économiques que comporte ce groupe de Cactacées<br />

globuleuses.<br />

Les Sténocactées et <strong>les</strong> Thélocactées sont toutes repré-<br />

sentées par des indivi<strong>du</strong>s de moyenne et petite dimensions ;<br />

c’est de ces deux séries que viennent incontestablement<br />

dériver <strong>les</strong> Mamillariées norma<strong>les</strong> et avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils ont,<br />

<strong>du</strong> reste, de fortes analogies, si l’on se place au point de<br />

vue de la morphologie, de la biologie et surtout de la pro-<br />

pension au polymorphisme. En réalité ils se manifestent<br />

comme étant des termes de transition entre la forme clas-<br />

sique des Echinocactées et celle plus évoluée des Mamil-<br />

lariées.<br />

Quant aux Astrophytées et aux Lophophorées, ce sont des


chapitRe x 255<br />

types essentiellement aberrants, auxquels, selon toute vrai-<br />

semblance, doivent correspondre, <strong>du</strong> moins pour <strong>les</strong> seconds,<br />

certains représentants anormaux des Mamillariées, tels que<br />

ceux qui sont figurés par <strong>les</strong> Pélécyphorées et Ariocarpées.<br />

Pour clore la liste des subdivisions des Echinocactées<br />

mexicaines, on doit encore ajouter comme capable de<br />

constituer à elle seule une dernière série, cette unique et<br />

étrange espèce pour laquelle Hooker a créé, en 1848, la<br />

désignation générique de Leuchtenbergia.<br />

classiFication indigène. — Dans leur nomenclature<br />

populaire, <strong>les</strong> Mexicains répartissent actuellement <strong>les</strong><br />

Echinocactées en cinq catégories :<br />

1° Biznagas de Agua, c’est-à-dire <strong>les</strong> espèces bien gorgées<br />

d’eau et capab<strong>les</strong>, lorsqu’el<strong>les</strong> ont acquis un certain déve-<br />

loppement, de fournir en tous temps et sur un seul indivi<strong>du</strong>,<br />

une copieuse provision d’eau potable (Ferocactus Wislezinii<br />

Britt. et Rose) ;<br />

2° Biznagas de Dulce, dont la masse charnue, plus consistante<br />

que celle des précédentes, se prête plus avantageusement<br />

aux préparations de la confiserie (Ferocactus melocactiformis<br />

Britt. et Rose, F. macrodiscus Britt. et Rose).<br />

C’est à ce groupe et au précédent qu’appartiennent exclu-<br />

sivement ces spécimens géants auxquels <strong>les</strong> Nahuatls<br />

donnaient le nom de Huegcomitl et que <strong>les</strong> indigènes actuels<br />

nomment Biznagas grandes ;<br />

3° Biznagas de Cuernos, groupe nettement caractérisé par<br />

l’ampleur exagérée d’une armature épineuse peu en rapport<br />

avec le volume de la plante, et par de vigoureux aiguillons<br />

affectant l’apparence de cornes, ce qui <strong>du</strong> reste a motivé<br />

sa dénomination.<br />

Cette subdivision vernaculaire, qu’il ne faut pas confondre<br />

avec l’ensemble des Ancistrocactées, quoique plusieurs de<br />

ses représentants appartiennent à cette série, ne comprend<br />

qu’un nombre assez restreint d’espèces de très moyennes<br />

dimensions, confinées comme habitat à ces mêmes régions<br />

arides et désolées où vivent <strong>les</strong> Cactacées globuleuses<br />

inermes et avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> viennent former un con-


256 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

traste curieux dans <strong>les</strong> moyens dont la nature <strong>les</strong> a dotés<br />

pour la résistance aux excessives rigueurs de sol et de<br />

climat.<br />

Les spécimens <strong>les</strong> plus remarquab<strong>les</strong> et <strong>les</strong> plus typiques<br />

que comporte ce groupe sont <strong>les</strong> Ferocactus latispinus Britt.<br />

et Rose et Homalocephala texensis Britt. et Rose.<br />

Le premier, à cause de l’enchevêtrement de ses aiguillons<br />

recourbés et acérés, est désigné dans l’État de San Luis<br />

Potosi sous le nom de Corona del Senor ; le second possède<br />

une défense épineuse tellement puissante et tellement vulné-<br />

rante, que <strong>les</strong> indigènes l’ont surnommé Manca caballo<br />

(Estropie cheval) à cause des b<strong>les</strong>sures assez graves qu’il<br />

peut occasionner aux pieds <strong>du</strong> bétail lorsque celui-ci le<br />

heurte par mégarde. A côté de ces deux espèces qui sont<br />

des Ancistrocactées de petite dimension, il y a encore plu-<br />

sieurs formes qui peuvent s’y rattacher, tel est par exemple<br />

l’Echinofossulocactus crispatus Lawrence (Sténocactées)<br />

et plusieurs de ses variétés, espèce curieuse par la nature<br />

de ses aiguillons, et qui, selon Hernandez, était le type d’un<br />

groupe que <strong>les</strong> Nahuatls désignaient sous le nom de Tepenexcomitl,<br />

terme qui selon l’auteur avait trait à sa couleur et<br />

signifiait Biznaga cendrée des montagnes (tepetl, nextli, comitl)<br />

;<br />

4° Biznaguitas, ce groupe comprend non seulement toutes<br />

<strong>les</strong> espèces naines d’Echinocactées, mais aussi la plupart<br />

des Mamillariées, avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>du</strong> reste <strong>les</strong> indigènes ne<br />

paraissent pas établir de distinction ;<br />

5° Peyotes, groupe réunissant confusément toutes <strong>les</strong><br />

formes anorma<strong>les</strong> et pour la plupart inermes ou subinermes<br />

que peuvent comporter <strong>les</strong> Echinocactées et <strong>les</strong> Mamil-<br />

lariées, dont <strong>les</strong> types <strong>les</strong> plus marquants sont pour <strong>les</strong><br />

premiers <strong>les</strong> Lophophorées et pour <strong>les</strong> seconds <strong>les</strong> Ario-<br />

carpées.<br />

A ces derniers il faut encore ajouter le groupe des<br />

Peyotillos, dans lequel <strong>les</strong> indigènes font entrer toute une<br />

série de formes plus ou moins épineuses rappelant quelque<br />

peu <strong>les</strong> Peyotes, soit par la morphologie, la biologie, ou<br />

encore la teneur en principes toxiques.


chapitRe x 257<br />

espèces typiques. — Les trois séries Céphalocactées,<br />

Euéchinocactées et Ancistrocactées que comprennent <strong>les</strong><br />

subdivisions ci-dessus représentent <strong>les</strong> formes classiques<br />

et <strong>les</strong> mieux définies des Echinocactées. Parmi ces trois<br />

séries seulement se rencontrent au Mexique toutes <strong>les</strong><br />

formes géantes que comprennent ces Cactacées globuleuses,<br />

ce qui permet, grâce à leur volume et à la qualité de leur<br />

parenchyme, de pouvoir <strong>les</strong> exploiter avec profit ; el<strong>les</strong><br />

constituent donc ce que l’on est en droit d’appeler <strong>les</strong><br />

Echinocactées économiques.<br />

Comme distribution géographique, la première série ren-<br />

ferme des sujets se rencontrant dans <strong>les</strong> deux Amériques,<br />

la deuxième et la troisième sont exclusivement localisées<br />

à l’Amérique septentrionale.<br />

Cependant, pour ce qui est des Ancistrocactées, une seule<br />

espèce de très petite dimension, l’Echinocactus microspermus<br />

Web., dont Britton et Rose ont fait le genre<br />

Hickenia que l’on rencontre en République Argentine, doit<br />

y être rattachée. Évidemment cette dernière plante ne figure<br />

là qu’une exception qui viendrait alors rappeler cette ano-<br />

malie de distribution géographique que l’on a constatée<br />

plus haut au sujet <strong>du</strong> Cactus Salvador Britt. et Rose, qui<br />

est l’unique représentant jusqu’ici connu dans l’Amérique<br />

<strong>du</strong> Nord, d’un genre particulier aux Antil<strong>les</strong> et à la partie<br />

méridionale <strong>du</strong> Nouveau Continent.<br />

céphalocactées<br />

Cette série se caractérise par des sujets présentant un<br />

apex laineux bien délimité et persistant qui vient rappeler<br />

en ré<strong>du</strong>ction ce cephalium particulier dont sont pourvus<br />

<strong>les</strong> Cactus. Cette partie tomenteuse parmi laquelle a lieu<br />

la floraison, peut aussi, en apparence, se rencontrer chez<br />

certains représentants des deux séries suivantes ; mais là,<br />

elle est diffuse et souvent ca<strong>du</strong>que, n’étant en réalité que<br />

la réunion, plus ou moins fortuite, de pilosités laineuses gar-<br />

nissant, chez certaines espèces, <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> des parties<br />

jeunes de la plante.<br />

17


258 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les Céphalocactées sont représentées au Mexique par <strong>les</strong><br />

espèces suivantes :<br />

Echinocactus bicolor Galeotti. — Plateau central, États<br />

de Chihuahua, Queretaro, San Luis Potosi, Coahuila, Sal-<br />

tillo ;<br />

E. hæmatacanthus Monville. — Mexique central entre<br />

Puebla et Tehuacan ;<br />

E. heterochromus Weber. — Nord <strong>du</strong> Mexique principalement<br />

dans l’État de Coahuila ;<br />

E. Grusonii Hildmann. — Mexique central : États de San<br />

Luis Potosi et Hidalgo ; espèce signalée par Heese comme<br />

végétant plus particulièrement sur <strong>les</strong> pentes abruptes de<br />

la barranca del Infierno ;<br />

E. horizontalonius Lemaire. — Nord <strong>du</strong> Mexique : État de<br />

Coahuila ;<br />

E. ingens Zuccarini. — Espèce géante très répan<strong>du</strong>e sur<br />

nombre de points <strong>du</strong> plateau central entre San Luis Potosi<br />

et Oaxaca ;<br />

E. pilosus Galeotti. — Espèce moyenne atteignant au plus<br />

50 centimètres de hauteur, signalée seulement jusqu’ici<br />

dans l’État de San Luis Potosi.<br />

euéchinocactées<br />

Cette série, qui constituait pour Schumann le sous-genre<br />

Euechinocactus <strong>du</strong> genre Echinocactus, comprend, ainsi<br />

que son nom l’indique, <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> mieux caractérisées<br />

et <strong>les</strong> plus typiques. Toutes <strong>les</strong> espèces appartenant à ce<br />

groupe présentent des côtes bien accentuées et fortement<br />

constituées, aussi est-ce pour cela que Lemaire <strong>les</strong> avait<br />

réunies sous le nom de Macrogoni.<br />

La tige des Euéchinocactées est au début globuleuse, mais<br />

tend, en s’accroissant, à prendre un contour nettement cylin-<br />

drique. Cette tige est habituellement simple, cependant chez<br />

deux espèces elle se montre au contraire soit très prolifère<br />

(Ferocactus flavovirens Britt. et Rose), soit extrêmement<br />

ramifiée (Ferocactus robustus Britt. et Rose).


chapitRe x 259<br />

Les aiguillons, au lieu d’être droits ou claviformes comme<br />

dans la première série, sont plus ou moins incurvés ou<br />

infléchis.<br />

Les Euéchinocactées sont particulières à l’Amérique <strong>du</strong><br />

Nord et principalement au Mexique ; on ne connaît, dans<br />

l’Amérique <strong>du</strong> Sud, aucune espèce pouvant leur être<br />

rattachée. Aussi cette considération de répartition géo-<br />

graphique bien délimitée est-elle une raison assez valable<br />

pour militer en faveur de leur séparation <strong>du</strong> groupe pré-<br />

cédent, avec lequel <strong>du</strong> reste el<strong>les</strong> n’offrent, au point de vue<br />

botanique, que î<strong>les</strong> caractères secondaires assez peu tran-<br />

chés.<br />

Les Euéchinocactées <strong>les</strong> plus connues sont :<br />

Ferocactus Diguetii Britt. et Rose. — Golfe de Californie,<br />

où il n’a été jusqu’ici rencontré que dans quelques î<strong>les</strong><br />

principalement dans la Catalana et San José ;<br />

F. Echidne Britt. et Rose. — Mexique central ;<br />

F. flavovirens Britt. et Rose. — États de Puebla et Oaxaca ;<br />

F. melocactiformis Britt. et Rose. — Mexique central :<br />

États de Jalisco, Queretaro, Hidalgo, San Luis Potosi ;<br />

F. glaucescens Britt. et Rose. — Mexique central ;<br />

F. robustus Britt. et Rose. — États de Puebla et Oaxaca,<br />

région de Tehuacan.<br />

ancistRocactées<br />

El<strong>les</strong> ont, en général, une tige obovée pouvant devenir<br />

complètement cylindrique lorsque la plante atteint un grand<br />

développement. Cette tige est habituellement simple et bien<br />

érigée, mais elle peut cependant, comme dans la série pré-<br />

cédente, offrir des exceptions à la loi commune ; c’est ainsi<br />

que par exemple chez le Ferocactus macrodiscus Britt. et<br />

Rose, le corps de la plante s’accroissant surtout en largeur,<br />

reste bas, <strong>du</strong> moins à ses débuts, en affectant une confor-<br />

mation subglobuleuse plus ou moins aplatie. Chez le Ferocactus<br />

nobilis Britt. et Rose, la tige présente une parti-


260 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

cularité assez singulière qui se manifeste au cours de son<br />

développement : c’est celle de modifier son allure sous l’in-<br />

fluence de ses côtes. Au début, cette tige s’élance droite et<br />

ses côtes sont vertica<strong>les</strong>, mais à mesure qu’elle s’accroît, <strong>les</strong><br />

côtes prennent une direction oblique et finissent par se<br />

tordre en spirale, ce qui implique à la plante un changement<br />

d’allure et lui fait tour à tour adopter une position érigée,<br />

couchée ou rampante (fig. 76).<br />

Enfin, chez l’Echinocactus polycephalus Engelm. et Bigelow,<br />

qui est une espèce des États-Unis, elle est prolifère<br />

et rappelle ce que nous ont montré <strong>les</strong> Macrogoni avec<br />

le Ferocactus flavovirens Britt. et Rose.<br />

Les côtes, chez <strong>les</strong> représentants de cette série, sont<br />

toujours très vigoureuses et assez comprimées, el<strong>les</strong> se<br />

renflent seulement à l’endroit des aréo<strong>les</strong>. Les aiguillons,<br />

habituellement très vigoureux, constituent chez <strong>les</strong> Ancistrocactées,<br />

un des caractères <strong>les</strong> plus saillants de la série ; ils<br />

sont, suivant <strong>les</strong> espèces, flexib<strong>les</strong>, rigides, cylindriques,<br />

aplatis, striés transversalement, quelquefois de coloration<br />

différente. Les aiguillons intérieurs, et aussi dans quelques<br />

cas <strong>les</strong> extérieurs, sont toujours plus ou moins recourbés<br />

en hameçon, c’est ce qui a fait donner à ces plantes la<br />

désignation vulgaire de Biznagas de Ganchos. L’aiguillon<br />

central peut même acquérir, par rapport aux autres, un<br />

déploiement exagéré, comme cela se voit d’une façon vraiment<br />

remarquable chez le Ferocactus hamatacanthus Britt.<br />

et Rose.<br />

Comme distribution géographique, <strong>les</strong> Ancistrocactées<br />

ont une aire de dispersion beaucoup plus éten<strong>du</strong>e que <strong>les</strong><br />

Euéchinocactées ; el<strong>les</strong> se rencontrent aussi bien dans <strong>les</strong><br />

régions arides <strong>du</strong> Mexique central et septentrional que dans<br />

le sud des États-Unis, mais cependant cette série paraît<br />

être plus particulièrement mieux représentée sur <strong>les</strong> territoires<br />

<strong>du</strong> versant pacifique que sur celui de l’Atlantique.<br />

C’est, parmi <strong>les</strong> Echinocactées typiques, le groupe qui<br />

remonte le plus vers le Nord, car on en rencontre des<br />

espèces adaptées au régime parfois assez rude des régions


chapitRe x 261<br />

des montagnes rocheuses de l’Utah et <strong>du</strong> Nevada, tels par<br />

exemple <strong>les</strong> Sclerocactus Whipplei Britt. et Rose et Echinocactus<br />

polycephalus Engelm. et Bigelow. Il est vrai que ces<br />

deux espèces de médiocres dimensions croissent dans <strong>les</strong><br />

mêmes conditions écologiques que certains Phymatogoni,<br />

avec <strong>les</strong>quels <strong>du</strong> reste ils semblent bien, sinon établir une<br />

transition directe, <strong>du</strong> moins avoir de fortes affinités.<br />

Au Mexique, le Ferocactus macrodiscus Britt. et Rose, qui<br />

est particulier à une zone bien spéciale de la région centrale,<br />

est également adapté pour supporter des froids assez rigou-<br />

reux et assez brusques, car, d’après Karwinski, on le ren-<br />

contre jusqu’à une altitude de 3.000 mètres, situation élevée<br />

où ne croissent plus guère comme Cactacées que certaines<br />

Mamillariées.<br />

En somme, <strong>les</strong> Ancistrocactées représentent, parmi <strong>les</strong><br />

trois groupes constituant <strong>les</strong> Echinocactées typiques, la<br />

série qui paraît offrir le plus d’affinités avec <strong>les</strong> Thélo-<br />

cactées et <strong>les</strong> Sténocactées qui, comme on l’admet géné-<br />

ralement, sont <strong>les</strong> formes de transition entre <strong>les</strong> Echino-<br />

cactées et <strong>les</strong> Mamillariées.<br />

Les principaux types d’Ancistrocactées sont :<br />

Ferocactus hamatacanthus Britt. et Rose. — Nord et<br />

centre <strong>du</strong> Mexique : États de Coahuila, Chihuahua, Nuevo-<br />

Leon, Durango ; sud des États-Unis : Texas, Nouveau<br />

Mexique, Arizona ;<br />

F. latispinus Britt. et Rose. — Mexique central : États<br />

d’Hidalgo, San Luis Potosi ;<br />

F. macrodiscus Britt. et Rose. — Partie centrale <strong>du</strong><br />

Mexique : États de San Luis Potosi, Mexico, Queretaro,<br />

Puebla, Oaxaca ;<br />

F. nobilis Britt. et Rose. — Plateau central <strong>du</strong> Mexique :<br />

États de Puebla, Oaxaca ;<br />

F. Peninsulæ Britt. et Rose. — Basse-Californie ;<br />

F. uncinatus Britt. et Rose. — Nord <strong>du</strong> Mexique : Parias,<br />

États de Coahuila, Chihuahua ; sud des États-Unis : Texas ;<br />

F. viridescens Britt. et Rose. — Haute-Californie ;


Hematocactus -><br />

Hamatocactus<br />

262 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

F. Wislizenii Britt. et Rose. — Sonora, Basse-Californie ;<br />

sud des États-Unis ; Nouveau Mexique, Arizona, Colorado,<br />

Utah, Haute-Californie ;<br />

Sclerocactus Whipplei Britt. et Rose. — Sud des États-<br />

Unis : Montagnes Rocheuses, Arizona, Utah ;<br />

Hamatocactus setispinus Britt. et Rose. — Nord-est <strong>du</strong><br />

Mexique ; sud des États-Unis : Texas.<br />

Homalocephala texensis Britt. et Rose. — États de Tamaulipas,<br />

Nuevo-Leon, Coahuila ; sud des États-Unis : Texas ;<br />

Echinocactus polycephalus Engelm. et Bigelow. — Environs<br />

<strong>du</strong> rio Gila et <strong>du</strong> Bas-Colorado ; sud des États-Unis :<br />

Nevada, Arizona, Haute-Californie, Utah.<br />

Les espèces appartenant aux trois séries d’Echinocactées<br />

typiques, auxquel<strong>les</strong> on a le plus souvent recours pour des<br />

usages économiques, grâce à la qualité et à la quantité de<br />

leur pulpe parenchymateuse, sont <strong>les</strong> Ferocactus melocactiformis<br />

Britt. et Rose, F. macrodiscus Britt. et Rose,<br />

F. Diguetii Britt. et Rose, F. Wislizenii Britt. et Rose, F.<br />

Peninsulæ Britt. et Rose, et l’Echinocactus ingens Zucc.<br />

Aussi, avant d’entreprendre l’exposé de leur exploitation,<br />

donnerons-nous la description de chacune de ces espèces.<br />

Ferocactus melocactiformis Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />

melocactiformis DC., E. Hystrix DC., E. electracanthus<br />

Lemaire, E. oxypterus Zucc., E. Coulteri G. Don,<br />

E. lancifer Reichb., Echinofossulocactus oxypterus Lawrence)<br />

(fig. 82). — La tige de cette espèce est simple et<br />

globuleuse, d’un vert glauque, son diamètre est de 50 à<br />

60 centimètres et sa hauteur, chez <strong>les</strong> sujets bien développés,<br />

peut atteindre près d’un mètre. Les côtes sont comprimées,<br />

subvertica<strong>les</strong>, régulièrement arrondies à leur sommet, très<br />

vigoureuses et saillantes d’environ 3 centimètres, renflées<br />

en tubercu<strong>les</strong> à l’endroit des aréo<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-ci sont oblongues<br />

et pourvues d’un tomentum ca<strong>du</strong>c, épais et laineux. Les<br />

côtes donnent lieu à de profonds sillons d’abord aigus, mais<br />

qui s’aplatissent et s’effacent à mesure qu’ils s’approchent<br />

de la base de la plante. L’armature épineuse consiste en un


Fig. 82. — Ferocactus melocactiformis Britt. et Rose.<br />

An second plan et à gauche : Opuntia leucotricha DC.<br />

Environs de San Luis Potosi.


264 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

faisceau composé de neuf à dix aiguillons radiants dont un<br />

plus développé occupe le centre. Ces aiguillons, très vigou-<br />

reux et longs de 5 à 6 centimètres, sont droits ou légèrement<br />

incurvés, ils sont striés transversalement, d’apparence<br />

cornée ; à leur base ils sont rouges, mais ne tardent pas à<br />

prendre une coloration jaunâtre ou ambrée sur presque<br />

toute leur éten<strong>du</strong>e. Les fleurs sont jaunes et d’une gran-<br />

deur de 2 à 3 centimètres. Le fruit consiste en une baie<br />

squameuse de 2 à 3 centimètres, d’une couleur vert pâle ;<br />

il est comestible et possède une pulpe molle, blanche, de<br />

saveur fraîche et agréable, ce qui le fait apprécier des<br />

indigènes ; à sa saison, ce fruit se vend sur <strong>les</strong> marchés<br />

urbains sous le nom de Lima de Biznaga.<br />

Le Ferocactus melocactiformis comporte deux variétés qui<br />

ont été décrites par Lemaire sous <strong>les</strong> noms d’Echinocactus<br />

hystricacanthus et de pycnoxyphus ; ces deux variétés se<br />

différencient <strong>du</strong> type par la <strong>du</strong>plicature des aiguillons dont<br />

<strong>les</strong> quatre centraux sont plus vigoureux.<br />

Cette Biznaga est originaire de la zone tempérée des<br />

plateaux <strong>du</strong> Mexique central. Elle se rencontre dans <strong>les</strong><br />

États de Jalisco, Queretaro, Hidalgo, San Luis Potosi ; ou<br />

la signale surtout dans <strong>les</strong> stations de Meztitlan, San<br />

Bartolo, San Sebastian, Santa Rosa de Toliman, Ixmiquilpan,<br />

Actopan, Minerai del Monte, environs de San Luis Potosi.<br />

A cause de la qualité de sa pulpe, ce Ferocactus est<br />

particulièrement recherché pour <strong>les</strong> préparations de confi-<br />

serie ; c’est cet emploi qui a longtemps entretenu la confusion<br />

dans la spécification des différentes espèces de Biznagas<br />

économiques.<br />

Labouret, pour aider à différencier au premier examen<br />

cette plante de cel<strong>les</strong> qui lui ressemblent, signale le carac-<br />

tère particulier de ses faisceaux épineux dont <strong>les</strong> aiguillons<br />

sont rouges à la base et s’écartent en s’incurvant ; de plus,<br />

la présence d’un ou de plusieurs aiguillons centraux, ce qui<br />

est un fait quelque peu anormal chez <strong>les</strong> Euéchinocactées.<br />

Ce Ferocactus est plus généralement connu sous <strong>les</strong><br />

synonymes d’Hystrix que lui avait donné P. de Candolle


chapitRe x 265<br />

en 1828, et sous celui d’electracanthus que lui avait attribué<br />

Lemaire en 1838. Néanmoins, la dénomination de melocactiformis<br />

employée par de Candolle doit lui être conservée<br />

par raison de priorité.<br />

Ferocactus macrodiscus Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />

macrodiscus Mart.). — Ce Ferocactus que l’on range<br />

dans la série des Uncinati, offre une tige simple et de peu<br />

d’élévation qui, dans sa structure, présente certaines parti-<br />

cularités qui permettent à première vue de différencier cette<br />

espèce. En effet, cette tige à ses débuts est hémisphérique,<br />

et lorsqu’elle commence à prendre son développement, au<br />

lieu de se faire globuleuse, comme c’est le cas de la plupart<br />

des Biznagas, elle s’accroît latéralement de façon à prendre<br />

la conformation d’un disque aplati dont le diamètre, suivant<br />

Karwinski, peut parfois atteindre 50 centimètres, mais<br />

qui, chez <strong>les</strong> spécimens <strong>les</strong> plus courants, n’excède guère<br />

20 à 30 centimètres. C’est <strong>du</strong> reste cette conformation assez<br />

singulière qui a valu à la plante sa spécification bien expli-<br />

cite de macrodiscus.<br />

Les côtes, chez cette espèce, sont légèrement obtuses et<br />

échancrées vers <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont séparées par des<br />

sillons nets et aigus ; <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont garnies d’un tomentum<br />

gris d’où émergent vers le sommet quelques pinceaux de<br />

poils. Les faisceaux épineux sont constitués par des aiguil-<br />

lons rigides, de teinte rougeâtre, striés transversalement,<br />

dont quatre intérieurs plus robustes et légèrement recourbés :<br />

<strong>les</strong> aiguillons extérieurs varient comme nombre ; plusieurs<br />

sont ca<strong>du</strong>cs et tombent avec l’âge. Les fleurs sont rougeâtres.<br />

l’ovaire est écailleux, imbriqué, glabre.<br />

Le Ferocactus macrodiscus paraît rechercher de préférence,<br />

comme habitat, <strong>les</strong> terrains découverts situés au<br />

voisinage des crêtes montagneuses, où on le rencontre<br />

croissant parmi <strong>les</strong> touffes de ces grandes Graminées qui,<br />

d’ordinaire, tapissent dans certaines régions mexicaines <strong>les</strong><br />

sommets élevés. Son adaptation au régime des altitudes<br />

mérite d’être signalée, car elle constitue une anomalie dans<br />

la biologie des Echinocactées mexicaines qui, comme on


266 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

l’a vu plus haut, sont surtout confinées à ces milieux arides<br />

et secs que l’on rencontre sur nombre de plaines et de pla-<br />

teaux des terres chaudes ou tempérées.<br />

Il est probable que <strong>les</strong> causes qui permettent au Ferocactus<br />

macrodiscus d’affronter des situations où <strong>les</strong> Cactacées<br />

globuleuses ne sont plus représentées que par<br />

certaines formes de Mamillariées, doivent surtout être<br />

attribuées à sa faible élévation sur le sol et à son association<br />

plus ou moins intime avec <strong>les</strong> Graminées dont <strong>les</strong> touffes,<br />

entre <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il se dissimule, lui assurent en tous temps<br />

une protection contre <strong>les</strong> frimas.<br />

Cette Biznaga, quoique de médiocre proportion, est<br />

cependant très appréciée des indigènes pour la qualité et<br />

la délicatesse de sa pulpe que l’on utilise dans <strong>les</strong> usages<br />

domestiques au même titre que celle <strong>du</strong> Ferocactus melocactiformis.<br />

Trois variétés, probablement hortico<strong>les</strong>, ont été décrites<br />

sous <strong>les</strong> noms de Echinocactus macrodiscus lævior Monv.,<br />

E. macrodiscus decolor Monv., E. macrodiscus multiflorus<br />

R. Meyer ; <strong>les</strong> deux premières se différencient de la forme<br />

type par la nature des aiguillons qui sont en plus ou moins<br />

grand nombre ou plus ou moins teintés, la troisième par<br />

l’abondance de la floraison.<br />

L’aire de répartition de ce Ferocactus est assez éten<strong>du</strong>e<br />

sur le massif central <strong>du</strong> Mexique, mais, dans celte contrée,<br />

<strong>les</strong> spécimens de la plante se montrent en général assez<br />

disséminés et peu abondants.<br />

On rencontre principalement le Ferocactus macrodiscus<br />

dans <strong>les</strong> États de San Luis Potosi, Mexico, Queretaro, Puebla,<br />

Oaxaca ; dans cette dernière province, il est assez commun<br />

parmi <strong>les</strong> gazonnements herbacés qui garnissent <strong>les</strong> escar-<br />

pements et <strong>les</strong> collines avoisinant la Valle Grande.<br />

Ferocactus Diguetii Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />

Diguetii Web.) (fig. 73). — Ce Ferocactus est remarquable<br />

par son habitat exclusivement insulaire et par <strong>les</strong> fortes<br />

proportions qu’il peut atteindre. La nature de ses aiguillons<br />

lui fait prendre place dans la série des Euéchinocactées,


chapitRe x 267<br />

fait constituant une anomalie de répartition géographique<br />

des Echinocactées qui, dans la région nord-ouest <strong>du</strong> versant<br />

pacifique, ne sont représentées, <strong>du</strong> moins dans leurs formes<br />

norma<strong>les</strong> ou géantes, que par des spécimens appartenant à<br />

la série des Ancistrocactées.<br />

D’après la description <strong>du</strong> D r Weber qui, le premier, fit<br />

connaître cette espèce 1 , la tige est colomnaire et peut<br />

atteindre chez <strong>les</strong> sujets très a<strong>du</strong>ltes une hauteur de<br />

4 mètres sur un diamètre pouvant aller jusqu’à 80 centi-<br />

mètres ; l’apex de cette tige est déprimé et offre même une<br />

concavité autour de laquelle vient se développer la floraison.<br />

Les côtes sont nombreuses et peuvent dépasser la trentaine ;<br />

el<strong>les</strong> sont, à leur début, étroites et comprimées ; <strong>les</strong> sillons<br />

qui <strong>les</strong> bordent sont aigus et profonds, mais ils s’élargissent<br />

dans la suite en devenant plus obtus à mesure que <strong>les</strong> côtes<br />

s’épaississent. Les faisceaux épineux sont constitués par<br />

des aiguillons jaunâtres, droits ou légèrement arqués ; ils<br />

sont grê<strong>les</strong>, aciculaires, lisses et à peu près égaux entre eux ;<br />

leur nombre est de six à sept ; ils se groupent de façon à<br />

donner un central, un inférieur, quelquefois un supérieur,<br />

quatre latéraux radiants ; ce faisceau épineux n’occupe que<br />

la partie inférieure de l’aréole ; à son sommet on remarque<br />

quelques aiguillons rudimentaires ou glan<strong>du</strong>lés, cornés. Les<br />

aréo<strong>les</strong>, dans leur jeunesse, sont longues de 15 centimètres<br />

sur 8 millimètres de largeur ; el<strong>les</strong> sont subconfluentes et<br />

garnies d’un feutrage laineux ca<strong>du</strong>c, de teinte roussâtre. Les<br />

fleurs apparaissent au sommet de la plante et forment un<br />

couronnement autour de la partie déprimée de l’apex ; el<strong>les</strong><br />

sont jaune rougeâtre ; l’ovaire est glabre et couvert de<br />

nombreuses squames. Le fruit n’a été connu que tout récem-<br />

ment 2 .<br />

Le Ferocactus Diguetii possède, comme la plupart des<br />

grandes espèces de Biznaga, une pulpe que l’on peut utiliser<br />

soit dans l’alimentation, soit encore et surtout comme<br />

1. webeR. — Les Echinocactus de Basse-Californie (Bulletin <strong>du</strong><br />

Muséum d’Histoire naturelle de Paris, IV, p. 100, 1898).<br />

2. bRitton et Rose. — The Cactaceæ, III. p. 131, Washington, 1922.


268 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

fourrage en temps de disette. Cette pulpe n’a jusqu’ici<br />

guère été mise à profit par <strong>les</strong> indigènes, car la plante qui<br />

la fournit végétant dans des î<strong>les</strong> inhabitées et souvent<br />

d’accès difficile, ne se trouve par conséquent pas à portée<br />

de ceux qui pourraient en bénéficier ; ce fait explique pour-<br />

quoi on peut facilement rencontrer des spécimens ayant<br />

atteint tout leur développement.<br />

Cependant, au cours de l’année 1893-94, époque où sévit<br />

une grande sécheresse sur la partie méridionale de la<br />

Basse-Californie, on fut obligé, par le manque de fourrage,<br />

d’avoir recours à cette Biznaga pour maintenir le bétail,<br />

car <strong>les</strong> spécimens de proportions exploitab<strong>les</strong> <strong>du</strong> Ferocactus<br />

Peninsulæ avaient disparu des localités habitées par suite<br />

de leur utilisation pour combattre la famine. Pour cela, un<br />

certain nombre de bateaux voiliers s’équipèrent afin d’aller<br />

exploiter <strong>les</strong> Biznagas insulaires <strong>du</strong> golfe de Californie ; le<br />

pro<strong>du</strong>it de la récolte était ensuite apporté à La Paz et à la<br />

baie de la Vantana, d’où il était réparti aux différents<br />

ranchos faisant l’élevage <strong>du</strong> bétail destiné au ravitaillement<br />

des centres urbains.<br />

Le Ferocactus Diguetii offre un caractère biologique très<br />

particulier, c’est son adaptation à un climat absolument<br />

marin, fait qui ne se rencontre pas chez <strong>les</strong> autres Biznagas<br />

qui sont plutôt continenta<strong>les</strong> et ne croissent qu’accidentellement<br />

dans <strong>les</strong> terrains avoisinant la mer.<br />

La répartition géographique de ce Ferocactus est limitée<br />

exclusivement à certaines î<strong>les</strong> <strong>du</strong> golfe de Californie, principalement<br />

à cel<strong>les</strong> dont le sol est de constitution granitique ;<br />

c’est ainsi qu’on le rencontre en grande abondance dans<br />

<strong>les</strong> deux î<strong>les</strong> de la Catalana et de Ceralbo, et non dans <strong>les</strong><br />

î<strong>les</strong> intermédiaires de San José et d’Espiritu Santo, qui sont<br />

en grande partie d’origine volcanique.<br />

D’après Britton et Rose, la présence de cette espèce a été<br />

encore constatée par Ivan M. Johnston, botaniste de la California<br />

Academy of Sciences, dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong> Angel de la<br />

Guardia, Coronado, Carmen, Danzante, San Diego, lors de<br />

l’expédition américaine en 1921 ; néanmoins dans ces î<strong>les</strong>


chapitRe x 269<br />

elle ne paraît pas aussi répan<strong>du</strong>e qu’à Ceralbo et à la Cata-<br />

lana.<br />

Ferocactus Wislizenii Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />

Wislizenii Engelm., E. Emoryi Engelm., E. Falconeri Orcutt,<br />

E. arizonicus O. Ktze., Echinocereus Emoryi Rümpler). —<br />

Ce Ferocactus est d’assez fortes proportions ; cependant il<br />

ne dépasse guère, chez <strong>les</strong> spécimens que l’on rencontre le<br />

plus communément, une hauteur d’un mètre, sur un diamètre<br />

maximum d’environ 50 centimètres. Il possède une<br />

forme plutôt obovée que cylindrique, c’est ce qui lui a valu<br />

de la part des Américains le nom vulgaire de Barrel Cactus<br />

Sa tige présente de vingt à vingt-cinq côtes aiguës, crénelées<br />

ou plus ou moins tuberculées ; son apex est laineux. Les<br />

aréo<strong>les</strong> sont oblongues, assez rapprochées <strong>les</strong> unes des<br />

autres et garnies dans leur jeunesse d’un tomentum fauve.<br />

Les faisceaux épineux sont constitués par de très nombreux<br />

aiguillons rayonnants ; <strong>les</strong> centraux sont au nombre<br />

de quatre, très vigoureux, de teinte rouge, striés transversalement<br />

; l’intérieur est aplati et recourbé en crochet.<br />

Les extérieurs sont au nombre d’une vingtaine qui se<br />

groupent alors en trois supérieurs, trois inférieurs assez<br />

analogues à ceux <strong>du</strong> centre comme forme et coloration, mais<br />

moins robustes, et une douzaine de latéraux plus grê<strong>les</strong>,<br />

complètement lisses et d’une teinte jaunâtre. Enfin, à la<br />

partie supérieure <strong>du</strong> faisceau épineux, on remarque quelques<br />

aiguillons atrophiés plus ou moins glan<strong>du</strong>laires. La fleur<br />

est jaune, longue de 5 à 6 centimètres. Le fruit est écailleux,<br />

sec, quelque peu lignifié et de teinte jaunâtre.<br />

La pulpe de la tige est comestible et utilisée de même que<br />

celle des autres Echinocactées géantes.<br />

Le Ferocactus Wislizenii comporte trois variétés qui ont<br />

été décrites sous <strong>les</strong> noms d’Echinocactus Wislizenii albispinus<br />

Toumey, decipiens Engelm. et Lecontei Engelm 1 .<br />

1. bRitton et Rose (The Cactaceæ, III, p. 1 2 9 . Washington. 1922),<br />

considèrent celte dernière comme une espèce spéciale.


270 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La répartition géographique de cette espèce comprend :<br />

aux États-Unis, <strong>les</strong> régions désertiques de l’Arizona, <strong>du</strong><br />

Colorado, de l’Utah et de la Haute-Californie ; au Mexique,<br />

le nord de la Sonora et de la Basse-Californie.<br />

Dans la partie centrale de la Basse-Californie, aux envi-<br />

rons de la petite ville de Mulege, Gabb a trouvé une plante<br />

qu’Engelmann a considérée comme une variété rectispinus<br />

mais dont Britton et Rose font une espèce distincte.<br />

On a signalé un certain nombre d’espèces très affines ou<br />

de variétés de ce Ferocactus, qui ont été décrites sous <strong>les</strong><br />

noms de Ferocactus acanthodes Britt. et Rose, F. chrysacanthus<br />

Britt. et Rose, F. rectispinus Britt. et Rose ; leur<br />

différenciation repose surtout sur la structure des aiguillons<br />

et sur la conformation de la tige, qui se montre alors plus<br />

ou moins élancée.<br />

Le Ferocactus acanthodes Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />

acanthodes Lemaire, E. californicus Monv., E. cylindraceus<br />

Engelm.) a été décrit par Lemaire en 1839, sur un<br />

type cultivé par Courant au Havre, et a fleuri chez de Mon-<br />

ville en 1846.<br />

D’après Britton et Rose, il se distinguerait <strong>du</strong> F. Wislizenii<br />

par l’épine centrale de l’aréole plus longue et plus<br />

large, tortueuse et plus ou moins courbée, mais jamais en<br />

hameçon. On le rencontrerait dans le sud <strong>du</strong> Nevada, le<br />

sud-est de la Californie et le nord de la Basse-Californie.<br />

Ferocactus Peninsulæ Britt. et Rose (syn. Echinocactus<br />

Peninsulæ Engelm.) (fig. 83). — Cette espèce fut pour la<br />

première fois signalée et nommée par Engelmann (in litteris)<br />

; l’étude fut ensuite reprise et complétée par le<br />

D r Weber, avec des spécimens et des échantillons rapportés<br />

de Basse-Californie 1 .<br />

La tige est ovoïde, mais ne tarde pas à devenir cylin-<br />

drique. Les côtes sont au nombre maximum d’une vingtaine,<br />

1. webeR. — Les Echinocactus de la Basse-Californie (Bulletin <strong>du</strong><br />

Muséum d’Histoire naturelle de Paris, I, p. 320, 1895, IV, et p. 102, 1898).


Fig. 83. — Ferocactus Peninsulæ Britt. et Rose.<br />

Basse-Californie.


272 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

el<strong>les</strong> sont vigoureuses, renflées autour des aréo<strong>les</strong>, et sépa-<br />

rées par de larges et profonds sillons.<br />

Ce Ferocactus est voisin <strong>du</strong> F. Wislizenii ; il s’en distingue<br />

cependant à première vue par un bien moins grand nombre<br />

d’aiguillons. Les faisceaux épineux sont constitués par des<br />

éléments robustes et vigoureux ayant à leur début une cou-<br />

leur coccinée passant au jaune vers l’extrémité de leur<br />

pointe, mais qui tend à se modifier avec l’âge en prenant<br />

alors une teinte grisâtre uniforme. Ceux-ci sont groupés de<br />

façon à se répartir en onze aiguillons externes, rayonnants,<br />

droits, cylindriques, et quatre internes, striés transversa-<br />

lement ; parmi ces derniers, <strong>les</strong> trois supérieurs, longs d’en-<br />

viron 3 centimètres, sont droits et cylindriques ; l’inférieur,<br />

beaucoup plus puissant, est long de 5 à 7 centimètres, aplati,<br />

parcouru sur toute son éten<strong>du</strong>e d’une arête centrale et ter-<br />

miné par une pointe recourbée en crochet. La fleur, longue<br />

de 5 à 6 centimètres, est jaune à l’intérieur et plus ou moins<br />

rougeâtre extérieurement. Le fruit est sec et quelque peu<br />

ligneux ; il est couvert de squames imbriquées jaunâtres ; sa<br />

longueur est d’environ 3 centimètres.<br />

Le F. Peninsulæ peut atteindre une hauteur de 2 mètres,<br />

mais <strong>les</strong> spécimens d’un tel développement sont très rares<br />

et ne peuvent guère se rencontrer que dans <strong>les</strong> endroits<br />

isolés (fig. 83), car, dans un pays aussi sujet aux longues<br />

périodes de sécheresse que la Basse-Californie, il en résulte<br />

que <strong>les</strong> Biznagas sont d’un grand secours pour maintenir<br />

sur son sol aride l’existence <strong>du</strong> bétail lorsque <strong>les</strong> fourrages<br />

herbacés viennent à disparaître. Il résulte donc que ces<br />

plantes xérophi<strong>les</strong> et de croissance extrêmement lente sont<br />

utilisées dès qu’el<strong>les</strong> ont atteint une dimension avantageuse<br />

pour leur emploi, ce qui fait que <strong>les</strong> échantillons dépassant<br />

une taille de 30 à 50 centimètres ne se rencontrent guère<br />

que dans <strong>les</strong> situations où l’on ne peut facilement <strong>les</strong><br />

récolter.<br />

L’aire de dispersion géographique <strong>du</strong> F. Peninsulæ est<br />

limitée jusqu’ici à la Basse-Californie où il est l’espèce la<br />

plus commune.


chapitRe x 273<br />

Echinocactus ingens Zucc. (syn. : Melocactus ingens<br />

Karw., Echinocactus aulacogonus Lemaire, E. corynacanthus<br />

Scheidw. ?, E. Galeottii Scheidw. ?, E. Haageanus Linke,<br />

E. helophorus Lemaire, E. Hystrix Monv., E. Karwinskii<br />

Zucc., E. macracanthus De Vriese, E. minax Lemaire, E. platyceras<br />

Lemaire) (fig. 77). — Cette Biznaga, qui atteint<br />

<strong>les</strong> plus volumineuses dimensions de toutes cel<strong>les</strong> habitant<br />

<strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong> Mexique central, offre, à ses débuts, une tige<br />

globuleuse qui ne tarde pas, par suite de l’accroissement, à<br />

devenir cylindrique et même presque colomnaire. Cette tige,<br />

d’après le Dr Weber, peut atteindre une hauteur de 3 mètres,<br />

mais d’ordinaire, chez <strong>les</strong> sujets très a<strong>du</strong>ltes et de belle<br />

venue que l’on rencontre assez fréquemment, elle ne dépasse<br />

guère 2 mètres d’élévation. L’apex de la plante est pourvu<br />

d’un disque tomenteux bien délimité affectant un contour<br />

circulaire régulier, ce qui est la caractéristique des Céphalocactées,<br />

dont cet Echinocactus peut, à bon droit, être considéré<br />

comme le type le plus parfait. Les côtes sont nombreuses,<br />

obtuses, moyennement saillantes. Les faisceaux<br />

épineux donnent lieu à des aiguillons vigoureux, subulés,<br />

no<strong>du</strong>leux à la base, striés transversalement, quelquefois<br />

un peu aplatis, longs de 4 à 6 centimètres et qui<br />

se répartissent en six extérieurs et quatre intérieurs plus<br />

robustes. Les fleurs sont jaune clair, largement épanouies en<br />

une rosace de 5 à 6 centimètres de diamètre ; el<strong>les</strong> émergent<br />

toujours <strong>du</strong> disque laineux apical. Le fruit est sec, d’environ<br />

4 centimètres de long, enveloppé d’une laine dense, de teinte<br />

jaunâtre.<br />

Cette Biznaga, grâce aux fortes proportions qu’elle peut<br />

atteindre, est susceptible de fournir une ample quantité de<br />

pulpe qui, quoique moins délicate que celle des espèces plus<br />

ré<strong>du</strong>ites employées en confiserie, n’en est pas moins utilisée<br />

avec avantage par <strong>les</strong> indigènes qui y ont alors recours soit<br />

dans leur propre consommation, soit encore et surtout<br />

comme fourrage de fortune dans <strong>les</strong> endroits où, à la saison<br />

sèche, <strong>les</strong> pâturages deviennent précaires, comme cela se<br />

voit par exemple aux environs de la ville de Tehuacan, où,<br />

18


274 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

depuis l’établissement de la colonisation espagnole, on a<br />

l’habitude de faire subir une étape de repos aux troupeaux,<br />

amenés à petites journées depuis <strong>les</strong> côtes <strong>du</strong> Pacifique jusqu’aux<br />

parquages d’engraissement des régions ferti<strong>les</strong> de<br />

l’État de Puebla.<br />

Comme distribution géographique, l’Echinocactus ingens<br />

Zucc. occupe une zone d’extension assez vaste dans la partie<br />

centrale <strong>du</strong> Mexique, où il est alors la Biznaga géante de la<br />

région, ce qui l’avait fait considérer par <strong>les</strong> Nahuatls comme<br />

étant le type le mieux caractérisé de ce qu’ils appelaient<br />

Hueycomitl. Les principaux points <strong>du</strong> massif central mexicain<br />

où cette remarquable espèce a été signalée comme plus<br />

abondante, et où elle arrive, sur <strong>les</strong> sols à sa convenance, à<br />

former parfois certains peuplements, sont : dans <strong>les</strong> États de<br />

Puebla et de San Luis Potosi, <strong>les</strong> localités de Actopan, Ixmiquilpan,<br />

Zimatlan, Mextitlan, Atotonocapa, San Pedrito et,<br />

dans l’État de Puebla, <strong>les</strong> environs de la ville de Tehuacan,<br />

principalement à la côte de Coapan et à Zapotitlan de las<br />

Salinas.<br />

L’Echinocactus ingens Zucc. et le Ferocactus melocactiformis,<br />

ainsi que toutes <strong>les</strong> espèces de grande et moyenne<br />

dimensions habitant le plateau central <strong>du</strong> Mexique, ont été<br />

longtemps confon<strong>du</strong>es sous le nom de Cactus Visnaga ; ce<br />

n’est que depuis <strong>les</strong> voyages de Karwinski, Galeotti et de plu-<br />

sieurs autres voyageurs botanistes, que ces Echinocactées,<br />

mieux étudiées, ont commencé à sortir de cette confusion,<br />

dont la principale cause doit être <strong>du</strong>e à l’utilisation qu’en<br />

faisaient <strong>les</strong> indigènes dans leurs besoins économiques.<br />

exploitation des biznagas. — Les Céphalocactées, <strong>les</strong><br />

Euéchinocactées et <strong>les</strong> Ancistrocactées possèdent une volu-<br />

mineuse pulpe dont <strong>les</strong> Mexicains savent tirer un certain<br />

profit, soit comme boisson, soit comme matière susceptible<br />

de fournir un pro<strong>du</strong>it de premier ordre pour la confiserie,<br />

soit encore, comme on le verra dans un chapitre spécial,<br />

pour l’alimentation des bestiaux aux moments critiques de<br />

grande sécheresse.<br />

Pour ce qui est de la boisson que l’on peut tirer des


chapitRe x 275<br />

Biznagas et qui consiste en un liquide frais et limpide,<br />

auquel le voyageur a recours éventuellement dans <strong>les</strong> tra-<br />

versées des déserts lorsqu’il se sent torturé par la soif, il<br />

en a été suffisamment parlé au chapitre des stations des<br />

Cactacées pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir ici.<br />

L’emploi in<strong>du</strong>striel de ces Biznagas consiste surtout aujourd’hui<br />

dans l’usage qu’on en fait comme matière pre-<br />

mière dans la confiserie locale. Pour cela, on découpe la<br />

pulpe en fragments de moyenne grosseur, puis on la fait<br />

confire et cuire dans une bassine, avec un épais sirop de<br />

sucre, pendant un temps plus ou moins long, suivant la<br />

nature de l’espèce de Biznaga employée. La masse est mise<br />

ensuite à égoutter et à refroidir ; elle donne alors un pro<strong>du</strong>it<br />

très consistant qui est de bonne conservation si l’on a soin<br />

de le soustraire à l’humidité ou à la dessiccation spontanée ;<br />

ce pro<strong>du</strong>it se débite ensuite en fragments réguliers pour la<br />

répartition sur <strong>les</strong> lieux de vente. Comme la pulpe est par<br />

elle-même insipide, on a soin d’ajouter au sirop de cuisson<br />

différentes sortes d’extraits de fruits ou d’essences, afin de<br />

lui donner une saveur agréable et de l’adapter au goût des<br />

consommateurs 1 .<br />

Ce pro<strong>du</strong>it commercial, que l’on nomme dans le pays<br />

Dulce de Biznaga, rappelle assez bien, <strong>du</strong> moins par sa nature<br />

et sa consistance, <strong>les</strong> préparations marchandes que<br />

l’on obtient avec le fruit de l’Ananas.<br />

Cette in<strong>du</strong>strie, qui était nationale au Mexique, est, depuis<br />

un certain temps, pratiquée aux États-Unis, où l’on se sert<br />

alors, pour cette sorte de confiserie, des différentes espèces<br />

d’Echinocactées que fournissent <strong>les</strong> déserts des États d’Ari-<br />

zona, Californie, Texas, etc.<br />

Jadis, la pulpe de Biznaga était d’un usage assez courant<br />

dans l’alimentation des populations nomades et sauvages<br />

<strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique. D’après Hernandez, ces Indiens, que<br />

1. L’ingrédient que l’on emploie le plus communément dans la<br />

confiserie mexicaine pour l’aromatisation de la pulpe de Biznaga est<br />

le zeste de citron ou encore celui de variétés d’oranges très parfumées<br />

tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que l’on nomme Lima.


276 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

l’on désignait sous le nom collectif de Chichimèques, avaient<br />

recours parfois, en guise de céréa<strong>les</strong>, à la pulpe de Biznaga<br />

pour confectionner ces sortes de mets que l’on nomme au<br />

Mexique Tama<strong>les</strong> et qui consistent en un hachis de viande<br />

mélangé de farine, le tout enveloppé dans une feuille et cuit<br />

à la vapeur ou à l’étouffée. Au Mexique, plusieurs espèces de<br />

Biznagas sont utilisées pour cette préparation, mais néanmoins,<br />

à cause de la qualité de la pulpe, on donne la préférence<br />

aux Ferocactus melocactiformis Britt. et Rose, qui<br />

croissent sur <strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique, et macrodiscus<br />

Britt. et Rose, espèce très répan<strong>du</strong>e sur <strong>les</strong> escarpements<br />

montagneux de l’État de Oaxaca.<br />

L’in<strong>du</strong>strie des Biznagas est forcément limitée, car ces<br />

plantes, très résistantes aux plus fortes sécheresses, ont une<br />

croissance et un développement fort lents ; ce n’est donc<br />

qu’au bout d’un assez grand nombre d’années qu’el<strong>les</strong> parviennent<br />

à un état utilisable. C’est ce qui explique pourquoi<br />

<strong>les</strong> Echinocactées n’ont jamais pu faire l’objet d’une culture<br />

rémunératrice ; on se contente toujours d’aller <strong>les</strong> recueillir<br />

dans <strong>les</strong> régions désertiques, ce qui, forcément, au<br />

bout d’un certain temps, supprime <strong>les</strong> Biznagas exploitab<strong>les</strong><br />

et arrête, <strong>du</strong> moins momentanément, le bénéfice d’une récolte<br />

que la nature est seule à pro<strong>du</strong>ire. Ce fait explique<br />

pourquoi, aux environs des grands centres, <strong>les</strong> spécimens<br />

de belle corpulence sont souvent rares et ne peuvent guère<br />

se rencontrer que dans <strong>les</strong> endroits non fréquentés, comme,<br />

par exemple, <strong>les</strong> montagnes aux flancs abrupts et <strong>les</strong> territoires<br />

insulaires restés inhabités.<br />

Les indigènes ont su tirer un certain parti des aiguillons<br />

flexib<strong>les</strong> et de nature cornée que leur offraient <strong>les</strong> Echinocactées<br />

; ils <strong>les</strong> employaient aux mêmes usages que ceux de<br />

la pointe terminale des Agave, c’est-à-dire, suivant leur<br />

forme et leur dimension : comme clous, poinçons, éping<strong>les</strong>,<br />

lancettes, et même cure-dents. C’est cette dernière application<br />

qui a donné lieu, comme on l’a vu au chapitre de la<br />

terminologie, à une interprétation fantaisiste et erronée de<br />

l’origine <strong>du</strong> mot Biznaga. Actuellement encore, <strong>les</strong> tribus


chapitRe x 277<br />

indiennes vivant dans <strong>les</strong> régions avoisinant le rio Colorado<br />

emploient couramment <strong>les</strong> aiguillons d’Echinocactées pour<br />

confectionner des hameçons de pêche, principalement ceux<br />

qui ont une pointe très acérée et naturellement recourbée<br />

à leur extrémité, comme par exemple ceux que fournissent<br />

<strong>les</strong> Ancistrocactées.<br />

Les Echinocactées étant armées de redoutab<strong>les</strong> défenses<br />

épineuses, leur récolte réclame un certain traitement, afin<br />

de supprimer <strong>les</strong> éléments qui pourraient nuire à leur<br />

facilité de transport.<br />

Pour exploiter une Biznaga, <strong>les</strong> indigènes commencent<br />

par la débarrasser de son appareil vulnérant ; pour cela,<br />

rapidement, à l’aide d’un couteau, d’une hachette, ou plus<br />

habituellement d’un mechete, ils abattent de haut en bas le<br />

sommet des côtes où sont insérés <strong>les</strong> faisceaux d’aiguillons,<br />

puis ensuite ils partagent la masse charnue restante en plu-<br />

sieurs tronçons, afin de pouvoir la convoyer aisément vers<br />

<strong>les</strong> endroits où l’on doit en faire l’utilisation.<br />

echinocactées de tRansition. — Cette catégorie de Cactacées<br />

globuleuses comprend un certain nombre d’espèces<br />

qui viennent constituer un, passage bien évident et presque<br />

ininterrompu entre <strong>les</strong> formes norma<strong>les</strong> d’Echinocactées et<br />

cel<strong>les</strong> plus évoluées des Mamillariées.<br />

Quoiqu’ayant des caractères botaniques <strong>les</strong> rattachant<br />

incontestablement aux Echinocactées, <strong>les</strong> représentants de<br />

ce groupement systématique offrent parfois des particula-<br />

rités morphologiques et biologiques qui sembleraient devoir<br />

plutôt leur donner une étroite parenté avec <strong>les</strong> Mamillariées,<br />

dont ils ont en somme tout l’aspect extérieur ; c’est ce qui<br />

explique pourquoi quelques espèces ont été alors décrites<br />

comme appartenant à ce groupe.<br />

Certaines formes, comme on le verra dans le courant de<br />

ce chapitre et <strong>du</strong> suivant, arrivent même à présenter des<br />

caractères tellement indécis, qu’il devient souvent difficile<br />

de <strong>les</strong> rattacher plutôt à l’un qu’à l’autre genre.<br />

La biologie des Echinocactées de transition est à peu près<br />

la même que celle des Mamillariées ; comme el<strong>les</strong>, el<strong>les</strong> pos-


278 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

sèdent un polymorphisme des plus accusés dont peut résulter<br />

une grande confusion lorsqu’il s’agit de l’identification<br />

des espèces.<br />

L’aire de dispersion de ce groupe de Cactacées est assez<br />

limitée et paraît uniquement se cantonner à certaines contrées<br />

désertiques <strong>du</strong> sud des États-Unis et de la partie septentrionale<br />

<strong>du</strong> Mexique, comme, par exemple, dans ce dernier<br />

pays, <strong>les</strong> terres arides de Pachuca et d’Ixmicuilpan qui<br />

sont, comme on le sait, <strong>les</strong> centres privilégiés de la plupart<br />

des formes aberrantes que comportent <strong>les</strong> Echinocactées<br />

et Mamillariées.<br />

Les Echinocactées de transition se subdivisent en deux<br />

séries assez bien délimitées qui sont <strong>les</strong> Sténocactées et <strong>les</strong><br />

Thélocactées.<br />

Les Sténocactées ou Stenogoni Lemaire comprennent des<br />

formes à tiges déprimées, globuleuses ou ovées, à sommet<br />

ombiliqué ; <strong>les</strong> côtes sont nombreuses, presque toujours<br />

comprimées en une lame mince, on<strong>du</strong>lée, aux contours plus<br />

ou moins crispés suivant <strong>les</strong> espèces ou <strong>les</strong> variétés ; ces<br />

côtes s’interrompent plus ou moins fortement à l’endroit des<br />

aréo<strong>les</strong> qui sont en général assez espacées <strong>les</strong> unes des<br />

autres. Les faisceaux épineux sont constitués par des éléments<br />

biformes dont <strong>les</strong> supérieurs et <strong>les</strong> inférieurs se<br />

montrent toujours plus vigoureux que <strong>les</strong> extérieurs et <strong>les</strong><br />

intérieurs ; ces aiguillons sont en général aplatis, flexueux<br />

ou parfois parcheminés.<br />

Comme on l’a constaté dans <strong>les</strong> semis de culture, <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong><br />

de Sténocactées ne présentent pas de côtes ; cel<strong>les</strong>-ci<br />

sont alors remplacées par des mamelons disposés en alignements<br />

spiralés ; ces derniers ne sont cependant qu’éphémères<br />

et ne tardent pas à disparaître et à se transformer<br />

en côtes grê<strong>les</strong> presque foliacées dès que le végétal commence<br />

à acquérir sa constitution normale. Cette particularité<br />

de la période juvénile montre clairement une étroite<br />

parenté non seulement avec <strong>les</strong> Mamillariées norma<strong>les</strong>, mais<br />

aussi et surtout avec la série suivante dont <strong>les</strong> côtes, chez<br />

<strong>les</strong> sujets a<strong>du</strong>ltes, sont toujours figurées, comme on le verra


chapitRe x 279<br />

dans la suite, par des rangées de mamelons plus ou moins<br />

confluents.<br />

On a décrit un bon nombre d’espèces appartenant à cette<br />

série, mais, d’après <strong>les</strong> faits révélés par <strong>les</strong> semis de cul-<br />

ture, ces formes, quoique souvent très dissemblab<strong>les</strong>, ne<br />

sont en réalité que de simp<strong>les</strong> manifestations de polymor-<br />

phisme.<br />

Les formes <strong>les</strong> plus typiques et <strong>les</strong> mieux identifiées de la<br />

série des Sténocactées sont <strong>les</strong> Echinofossulocactus coptonogonus<br />

Lawrence et crispatus Lawrence.<br />

Le premier possède une tige avec sommet ombiliqué de<br />

couleur glauque cinérascente, d’un diamètre de 6 à 8 centi-<br />

mètres, de conformation sphéroïde ou ovoïde. Les côtes sont<br />

vertica<strong>les</strong>, épaisses, crénelées, à arête aiguë, el<strong>les</strong> sont au<br />

nombre de dix à quatorze. Les aréo<strong>les</strong> sont espacées et pro-<br />

fondément immergées ; el<strong>les</strong> sont pourvues, sur <strong>les</strong> parties<br />

jeunes, d’un tomentum blanc qui s’élimine avec l’âge.<br />

Les faisceaux épineux sont constitués par cinq aiguillons<br />

inégaux, vigoureux, anguleux, aplatis ; celui <strong>du</strong> haut est<br />

érigé, <strong>les</strong> latéraux sont subérigés et plus courts ; quant aux<br />

inférieurs ils sont très petits. La fleur, de couleur pourpre,<br />

a environ 3 centimètres de longueur ; elle est diurne et<br />

s’épanouit complètement en plein soleil pour se fermer la<br />

nuit ; elle <strong>du</strong>re une huitaine de jours.<br />

Cette plante fut décrite par Lemaire sur des échantillons<br />

rapportés <strong>du</strong> Mexique par Deschamps en 1837. A cause des<br />

côtes compactes qui différencient cette Cactacée des autres<br />

espèces de la série, Lawrence en a fait le type d’un genre<br />

à part, auquel il donna le nom d’Echinofossulocactus 1 .<br />

Comme distribution géographique, l’E. coptonogonus<br />

Lawrence se rencontre dans <strong>les</strong> États de San Luis Potosi et<br />

de Hidalgo, principalement auprès de Pachuca, de Concep-<br />

cion et de Mineral del Monte.<br />

Quant à l’Echinofossulocactus crispatus Lawrence, ses<br />

principaux synonymes ou variétés sont : Echinocactus flexispinus<br />

Salm-Dyck et un<strong>du</strong>latus Dietrich.<br />

1. lawRence. — Catalogue of the Cacti in the collection of the Rev.<br />

Théodore Williams (Gardeners’ Magazine, XVII, p. 313, London, 1841 .


280 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Cette espèce qui, d’après Hernandez, était désignée par <strong>les</strong><br />

Nahuatls sous le nom de Tepenexcomitl, est nettement caractérisée<br />

par ses côtes nombreuses, comprimées, quelque-<br />

fois presque membraneuses, on<strong>du</strong>lées et crispées. Les<br />

aréo<strong>les</strong> sont espacées, oblongues, pourvues à leur début<br />

d’un tomentum ca<strong>du</strong>c. Les faisceaux épineux sont généra-<br />

lement constitués par trois aiguillons supérieurs érigés en<br />

forme de trident ; ils sont plus ou moins aplatis, quelquefois<br />

foliacés ou glumacés, suivant <strong>les</strong> variétés ; l’aiguillon central<br />

peut ou non faire défaut ; <strong>les</strong> aiguillons inférieurs et exté-<br />

rieurs sont toujours plus grê<strong>les</strong>. La fleur, de moyenne gran-<br />

deur, diffère peu de celle de l’espèce précédente ; elle est de<br />

coloration pourpre avec bor<strong>du</strong>re blanche.<br />

L’Echinofossulocactus crispatus Lawrence se rencontre<br />

dans <strong>les</strong> États de San Luis Potosi et d’Hidalgo ; dans ce<br />

dernier comme localité précisée, il a été signalé près de<br />

Pachuca, au Real del Monte, à Zimapan et à Ixmiquilpan.<br />

Chez presque toutes <strong>les</strong> espèces appartenant à la série<br />

des Thélocactées ou Phymatogoni, appelées aussi Theloidei<br />

Salm-Dyck, la tige est ellipsoïde, subglobuleuse, ou déprimée,<br />

recouverte entièrement de mamelons à contours arrondis<br />

ou polyédriques, portant <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> et <strong>les</strong> faisceaux épineux.<br />

Certaines espèces semblent cependant faire quelque peu<br />

exception à la règle ; c’est ainsi par exemple que l’Echinomastus<br />

intertextus Britt. et Rose présente des rudiments de<br />

côtes dont <strong>les</strong> contours sont assez bien délimités et rela-<br />

tivement peu mamelonnés. Néanmoins, la majorité des<br />

Thélocactées offrent, dans leur structure, de grandes ana-<br />

logies avec <strong>les</strong> Mamillariées ; c’est ainsi par exemple que<br />

le Pediocactus Simpsonii Britt. et Rose, qui est voisin de<br />

l’Echinomastus intertextus Britt. et Rose, donne sa floraison<br />

sur un très court mamelon, au-dessous des faisceaux épi-<br />

neux et très près de l’aisselle, ce qui vient donc constituer<br />

un type tout à fait intermédiaire entre <strong>les</strong> Echinocactées<br />

et <strong>les</strong> Mamillariées ; aussi Marius Jones a-t-il été d’avis que<br />

cette plante devait être considérée comme un Mamillaria.<br />

Enfin, on a cru devoir encore rattacher à cette série deux


chapitRe x 281<br />

formes tout à fait anorma<strong>les</strong> : le Strombocactus disciformis<br />

Britt. et Rose et l’Epithelantha micromeris Weber.<br />

Les principa<strong>les</strong> espèces qui ont été décrites comme appar-<br />

tenant à la série des Thélocactées sont :<br />

Echinomastus intertextus Britt. et Rose. — Mexique :<br />

région septentrionale ; États-Unis : Texas et Arizona.<br />

Echinopsis leucantha Walp. — Mexique central : Ixmiquilpan,<br />

Zimapan.<br />

Pediocactus Simpsonii Britt. et Rose. — États-Unis :<br />

Montagnes Rocheuses, Colorado, Utah, Nevada, Idaho, Mon-<br />

tana, Kansas, Nouveau Mexique.<br />

Toutes ces espèces sont affines <strong>les</strong> unes des autres, leur<br />

tige est arrondie, recouverte entièrement d’une toison d’ai-<br />

guillons ; el<strong>les</strong> présentent un apex laineux ; quant aux fleurs,<br />

el<strong>les</strong> sont petites, de couleur rose ; le fruit est constitué par<br />

une baie squameuse.<br />

L’Echinomastus intertextus Britt. et Rose, ainsi que sa<br />

variété dasyacanthus, est voisin <strong>du</strong> Pediocactus Simpsonii<br />

Britt. et Rose (syn. : Mamillaria Simpsonii Jones). L’Echinomastus<br />

unguispinus Britt. et Rose, qui a été décrit comme<br />

espèce distincte, n’en est qu’une forme se différenciant seule-<br />

ment par la nature des aiguillons qui sont plus forts et<br />

terminés en hameçon.<br />

Les indigènes, dans leur nomenclature populaire, font un<br />

groupe à part pour <strong>les</strong> Sténocactées et <strong>les</strong> Thélocactées, qu’ils<br />

nomment alors Tiscome<strong>les</strong> et Nexcome<strong>les</strong>, termes castillanisés<br />

des expressions nahuat<strong>les</strong> Tiscomitl et Nexcomitl,<br />

signifiant Biznagas d’aspect cendré.<br />

echinocactées abeRRantes. — Ce groupe est représenté<br />

par <strong>les</strong> trois séries Astrophytées, Lophophorées et Leuchten-<br />

bergiées.<br />

Ces trois séries, quoique offrant des caractères botaniques<br />

<strong>les</strong> rattachant aux Echinocactées, présentent néanmoins de<br />

tel<strong>les</strong> anomalies dans leur morphologie générale, que cer-


282 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tains auteurs ont cru devoir <strong>les</strong> considérer comme en marge<br />

des Echinocactées.<br />

L’insertion des organes floraux chez ces types hétéro-<br />

morphes a toujours lieu sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, caractère admis<br />

comme fondamental des Echinocactées. La floraison, en<br />

outre, se pro<strong>du</strong>it uniquement sur <strong>les</strong> mamelons <strong>du</strong> centre<br />

apical, particularité qui vient d’un côté <strong>les</strong> rattacher aux<br />

Echinocactées de transition et d’un autre aux Mamillariées<br />

anorma<strong>les</strong>, dont el<strong>les</strong> semblent bien, <strong>du</strong> moins pour cer-<br />

taines, n’être que des formes attardées en cours d’évolution.<br />

Les Astrophytées ou Asteroidei ont un aspect tout particulier<br />

qui permet de <strong>les</strong> distinguer à première vue ; el<strong>les</strong><br />

sont tantôt complètement inermes (Astrophytum myriostigma<br />

Lemaire et A. Asterias Lemaire), tantôt au contraire<br />

pourvues d’aiguillons plus ou moins fortement développés<br />

(A. capricorne Britt. et Rose et A. ornatum Weber). mais<br />

cet appareil défensif se montre habituellement ca<strong>du</strong>c et<br />

n’existe guère que sur <strong>les</strong> parties jeunes de la plante, d’o<br />

il se détache spontanément lorsque cel<strong>les</strong>-ci vieillissent.<br />

La tige, à ses débuts, est hémisphérique, mais elle ne<br />

tarde pas, en s’accroissant, à devenir colomnaire ; certains<br />

spécimens bien a<strong>du</strong>ltes peuvent atteindre une hauteur de<br />

1 mètre sur un diamètre de 30 centimètres ; c’est cette<br />

conformation qui a fait considérer ces plantes par Galeotti<br />

et Scheidweiler comme étant des Cierges. Un caractère<br />

bien saillant chez <strong>les</strong> Astrophytum est de présenter un<br />

épiderme d’un vert plus ou moins grisâtre ou brunâtre,<br />

parsemé d’une multitude de fines ponctuations blanches<br />

constituées par un <strong>du</strong>vet rudimentaire ayant quelque peu<br />

l’aspect de sétu<strong>les</strong> d’Opuntia. Les fleurs, assez grandes, sont<br />

de couleur jaune clair ; el<strong>les</strong> ont un tube court se distinguant<br />

à peine de l’ovaire, qui est entièrement couvert de laine<br />

jaunâtre entremêlée de soies ; ces fleurs sont diurnes et<br />

<strong>du</strong>rent plusieurs jours ; el<strong>les</strong> s’épanouissent complètement<br />

au soleil pour se fermer la nuit ; el<strong>les</strong> ont environ 8 centi-<br />

mètres de diamètre lorsqu’el<strong>les</strong> sont dans leur complet épa-<br />

nouissement.


chapitRe x 283<br />

Tous <strong>les</strong> Astrophytum connus jusqu’ici sont originaires<br />

<strong>du</strong> Mexique central ou de la partie nord-est de ce pays.<br />

Quatre espèces ont été décrites comme appartenant à<br />

cette section : ce sont <strong>les</strong> A. myriostigma Lemaire, A. Asterias<br />

Lemaire, A. ornatum Weber, A. capricorne Britt. et<br />

Rose.<br />

Astrophytum myriostigma Lemaire (syn. : Echinocactus<br />

myriostigma Salm-Dyck, Cereus callicoche Galeotti, C.<br />

inermis Scheidw.). — Cette espèce possède, au début, une<br />

tige hémisphérique qui devient plus tard colomnaire ; elle<br />

peut acquérir chez <strong>les</strong> sujets complètement a<strong>du</strong>ltes une<br />

taille d’environ 50 centimètres, elle présente de cinq à sept<br />

côtes très épaisses, renflées et presque aplaties sur la partie<br />

apicale. La surface de l’épiderme est entièrement constellée<br />

de points blancs ; <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont saillantes, tomenteuses,<br />

inermes ou presque inermes (fig. 78).<br />

L’Astrophytum myriostigma se rencontre dans <strong>les</strong> États<br />

de Coahuila, d’Hidalgo et de San Luis Potosi, principalement<br />

auprès de Torreon, au Cerro de la Bola et dans <strong>les</strong> mon-<br />

tagnes de Viesca, à la Sierra de la Tabla, près de Cuascama<br />

ou Minas de San Rafael, au Real del Monte, station où<br />

Galeotti rencontra cette espèce pour la première fois.<br />

Astrophytum Asterias Lemaire (syn. : Echinocactus Asterias<br />

Zucc.). — Espèce très voisine de la précédente, présentant<br />

huit côtes beaucoup plus aplaties et des sillons peu<br />

marqués ; <strong>les</strong> ponctuations blanches plus larges et moins<br />

nombreuses sont disposées en séries transversa<strong>les</strong>.<br />

Cette espèce a été signalée sans localité précise, dans <strong>les</strong><br />

États de Nuevo-Leon et de Tamaulipas.<br />

Astrophytum ornatum Weber (syn. : Echinocactus ornatus<br />

DC., E. holopterus Miq., E. tortus Scheidw., E. Mirbelii<br />

Lemaire, E. Ghiesbrechtii Salm-Dyck, E. Haageanus<br />

Rümpler, Echinopsis Haageana Linke, Echinofossulocactus<br />

Mirbelii Lawrence). — Cette espèce se caractérise par une<br />

tige claviforme, plus tard colomnaire, pouvant atteindre<br />

plus d’un mètre de hauteur sur un diamètre d’une trentaine<br />

tomentueuses -><br />

tomenteuses


284 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

de centimètres. L’épiderme est vert grisâtre, parsemé de<br />

points blancs analogues à ceux de l’A. myriostigma. Les<br />

aréo<strong>les</strong> sont plus ou moins espacées <strong>les</strong> unes des autres,<br />

el<strong>les</strong> sont revêtues d’un <strong>du</strong>vet brun, d’où émergent des<br />

faisceaux d’aiguillons jaunâtres, rigides, quelquefois mé-<br />

plats, longs de 3 à 5 centimètres et au nombre de sept à<br />

huit extérieurs et un central (fig. 79).<br />

L’A. ornatum comporte une variété glabrescens, qui se<br />

différencie par un épiderme vert foncé avec une ponctuation<br />

blanche moins abondante qui disparaît sur <strong>les</strong> parties<br />

a<strong>du</strong>ltes.<br />

Cet Astrophytum a été signalé dans <strong>les</strong> États de Queretaro<br />

et d’Hidalgo, principalement aux localités de Zimapan<br />

et <strong>du</strong> Real del Monte, où il se rencontre avec l’A. myriostigma.<br />

Astrophytum capricorne Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />

capricornis Dietr.). — Cette espèce, quoique très affine de<br />

la précédente, s’en distingue néanmoins facilement par la<br />

nature de ses aiguillons qui, au lieu d’être droits, se<br />

recourbent en prenant la forme de cornes de bélier ; ceux-ci<br />

pour la plupart sont ca<strong>du</strong>cs et disparaissent normalement<br />

des parties a<strong>du</strong>ltes de la plante, de sorte que <strong>les</strong> vieil<strong>les</strong><br />

aréo<strong>les</strong> sont toujours inermes. Les ponctuations blanches<br />

de l’épiderme n’ont lieu que sur <strong>les</strong> parties jeunes et dispa-<br />

raissent de la même façon que <strong>les</strong> aiguillons. La fleur,<br />

jaune pâle, comme chez <strong>les</strong> autres espèces de la série,<br />

présente une large tache centrale rouge carminé.<br />

L’A. capricorne se rencontre surtout dans <strong>les</strong> États de<br />

Coahuila et de Nuevo-Leon ; il est signalé particulièrement<br />

aux localités de la Rinconada, Saltillo, Mariposa, Peña,<br />

Villareal, Cerro de la Bola et Sierra de la Paila.<br />

Toutes <strong>les</strong> formes comprises dans cette série sont, en<br />

résumé, très affines <strong>les</strong> unes des autres et paraissent<br />

répondre plutôt à des variétés qu’à de véritab<strong>les</strong> espèces,<br />

car el<strong>les</strong> ne se différencient entre el<strong>les</strong> que par des carac-<br />

tères secondaires basés surtout sur la nature de l’armature<br />

épineuse. En somme, comme l’a fait remarquer Labouret,


chapitRe x 285<br />

<strong>les</strong> Astrophytum sont un groupe insolite dans <strong>les</strong> Echinocactées,<br />

contrairement aux formes typiques ainsi qu’aux<br />

anorma<strong>les</strong> de ce genre ; on ne leur connaît pas de corres-<br />

pondants parmi <strong>les</strong> Mamillariées.<br />

Chez ces plantes, l’hybridation paraît facile, et l’abbé<br />

Beguin a obtenu, en 1896 et 1901, à Brigno<strong>les</strong> (Var), par la<br />

fécondation artificielle, une soixantaine de spécimens assez<br />

différents en croisant l’A. myriostigma et l’A. ornatus ; <strong>les</strong><br />

résultats de ses expériences furent, à cette époque, consignés<br />

dans le Monatsschrift für Kakteenkunde.<br />

Ces Echinocactées anorma<strong>les</strong>, aussitôt que Galeotti <strong>les</strong><br />

eut fait connaître, furent l’objet d’une certaine vogue en<br />

horticulture ; leur morphologie curieuse en même temps<br />

qu’ornementale, ainsi que leurs fleurs apica<strong>les</strong>, <strong>les</strong> firent<br />

vite apprécier dans <strong>les</strong> cultures de serre tempérée. Les<br />

premiers échantillons rapportés eu Europe furent cultivés<br />

aux serres de Wandermallen, à Bruxel<strong>les</strong>, et la première<br />

floraison a été obtenue au Havre dans <strong>les</strong> serres de Courant.<br />

Les Astrophytum sont des Cactacées de terres froides ou<br />

tempérées ; Galeotti a pu même rencontrer au Real del Monte<br />

des spécimens de l’A. myriostigma végétant sur <strong>les</strong> sommets<br />

montagneux à une altitude de 3.000 mètres.<br />

Les Mexicains donnent à ces plantes le nom vulgaire de<br />

Calicoche et <strong>les</strong> Américains celui de Starfisch Cactus (Cactus<br />

Astérie), ou encore de Bischop’s cap (bonnet d’évêque). Le<br />

premier nom a trait à ce que la plante, lorsqu’elle est jeune,<br />

revêt plus ou moins la conformation d’une étoile de mer ;<br />

le second à ce que, lorsqu’elle se développe en hauteur, elle<br />

prend la forme de ce genre de mitre que portaient <strong>les</strong><br />

évêques au moyen âge. Quant au terme d’Astrophytum qui<br />

fut institué par Lemaire comme nom générique, il est à peu<br />

de chose près la tra<strong>du</strong>ction de Starfisch Cactus.<br />

lophophoRées<br />

Cette série a été créée afin d’établir une distinction dans<br />

le groupe de ces petites formes inermes de Cactacées glo-<br />

buleuses que l’on désigne sous le nom vernaculaire de


286 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Peyotes et que <strong>les</strong> botanistes rattachaient jusqu’alors tantôt<br />

aux Echinocactées, tantôt aux Mamillariées.<br />

Les Lophophorées comprennent seulement une seule<br />

forme bien caractérisée, qui est le Lophophora Williamsii<br />

Coulter et sa variété Lewinii Coulter. L’insertion des organes<br />

floraux chez ces derniers ayant lieu sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> en font<br />

par conséquent une Echinocactée parfaitement caractérisée,<br />

de laquelle viendraient alors dériver ces formes anorma<strong>les</strong> de<br />

Mamillariées constituant <strong>les</strong> séries des Pélécyphorées et<br />

surtout des Ariocarpées.<br />

Les Lophophorées et <strong>les</strong> Ariocarpées présentent entre el<strong>les</strong><br />

de très grandes analogies, ce qui fut la cause de l’incertitude<br />

de répartition générique où on <strong>les</strong> a tenues pendant long-<br />

temps. Leur structure morphologique, leurs particularités<br />

biologiques, leur teneur en principes chimiques et la position<br />

de la fleur, qui est toujours au centre de l’apex, en font un<br />

groupe aberrant qu’il faut, étant donnés <strong>les</strong> caractères bota-<br />

niques, scinder, et dont <strong>les</strong> représentants doivent prendre<br />

place, l’un parmi <strong>les</strong> Echinocactées, <strong>les</strong> autres parmi <strong>les</strong><br />

Mamillariées.<br />

La tige, chez ces deux séries, offre deux parties bien<br />

distinctes : une souterraine napiforme faisant l’office de<br />

racine pivotante, et une aérienne constituée par une rosace<br />

de mamelons dont <strong>les</strong> contours varient suivant <strong>les</strong> espèces.<br />

Cette rosace apicale ne s’élève guère en hauteur ; il n’en est<br />

pas de même de la tige souterraine qui s’accroît en pénétrant<br />

dans le sol.<br />

Comme biologie, ces spécimens non protégés par des fais-<br />

ceaux épineux contre <strong>les</strong> agents de destruction naturels ont,<br />

par le mécanisme spécial exposé au commencement de ce<br />

chapitre, la faculté de s’enfouir spontanément dans le sol<br />

lorsque viennent <strong>les</strong> périodes saisonnières de grandes séche-<br />

resses, cause d’où résulte l’allongement de la partie sou-<br />

terraine par suite de la résorption ou de la chute des<br />

mamelons de la base de la rosace apicale.<br />

Tous ou presque tous contiennent des substances nocives<br />

qui constituent, chez ces petites formes inermes, un moyen


chapitRe x 287<br />

de protection contre <strong>les</strong> animaux destructeurs, au moins<br />

aussi efficace que <strong>les</strong> défenses épineuses dont la nature, en<br />

général, a doté <strong>les</strong> Cactacées globuleuses.<br />

Ces végétaux ne sont cependant pas inermes pendant toute<br />

la <strong>du</strong>rée de leur existence ; <strong>les</strong> semis de culture ont permis<br />

de constater que, dans leur période juvénile, ils sont recouverts<br />

de fines aiguil<strong>les</strong> épineuses ; mais cette armature défensive<br />

n’est qu’éphémère et ne tarde pas à disparaître dès que<br />

le sujet se dépouille de sa forme en quelque sorte larvaire<br />

pour accomplir son développement normal.<br />

Les principes actifs élaborés par <strong>les</strong> Peyotes sont tous<br />

plus ou moins toxiques ; ils ont été, aux États-Unis et en<br />

Allemagne, l’objet de recherches et d’études chimiques,<br />

physiologiques et thérapeutiques de la part d’Erwin<br />

E. Eweil, Hefter, Hennings, Kander, Lewin, Morgan,<br />

Prentiss, Richardson, Edmundio White, Writers, et, en<br />

France, tout récemment, de Rouyer. Les Indiens, qui ont<br />

toujours eu une tendance à faire usage de violents excitants,<br />

n’ont pas manqué d’avoir recours aux effets physiologiques<br />

que leur offraient ces étranges Cactacées ; aussi <strong>les</strong> ont-ils<br />

employées, soit dans leur médecine, soit comme stimulants<br />

dans <strong>les</strong> marches sous un soleil ardent, soit mélangées à<br />

des boissons alcooliques pour pro<strong>du</strong>ire une ivresse délirante,<br />

soit encore et surtout dans <strong>les</strong> pratiques religieuses<br />

afin d’obtenir des effets hallucinants avec visions fantastiques.<br />

Grâce à leurs propriétés, ces plantes extraordinaires<br />

jouissaient d’une haute vénération chez <strong>les</strong> anciens Mexicains<br />

; ils <strong>les</strong> considéraient, ainsi qu’on le verra à la fin de<br />

ce chapitre, comme des plantes sacrées capab<strong>les</strong> de conférer<br />

des aptitudes surnaturel<strong>les</strong> à ceux qui s’y adonnaient.<br />

Les Peyotes sont des plantes parfaitement adaptées aux<br />

plus excessives sécheresses et à un sol surchauffé par <strong>les</strong><br />

ardeurs solaires ; ils croissent dans la nature sur ces terres<br />

meub<strong>les</strong> constituées en grande partie par des dépôts d’alluvions<br />

aériens, c’est ce qui leur permet un enfouissement<br />

facile à l’époque des grandes sécheresses ; aussi, dans <strong>les</strong><br />

cultures de serres, a-t-on été obligé de <strong>les</strong> planter dans une


288 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

terre légère, de leur donner de la chaleur de fond et une<br />

sécheresse complète pendant l’hiver et le printemps, afin de<br />

réaliser à peu près <strong>les</strong> conditions dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils<br />

végètent naturellement.<br />

La distribution géographique des Lophophorées et des<br />

Ariocarpées est la même. On <strong>les</strong> rencontre aux États-Unis<br />

dans le Texas et la région avoisinant le cours <strong>du</strong> rio Grande<br />

del Norte, au Mexique dans la partie septentrionale et cen-<br />

trale. La toponymie des États de Coahuila et de San Luis<br />

Potosi nous précise là quelques localités où ces plantes se<br />

rencontrent en plus grande abondance et où très proba-<br />

blement, aux époques précolombiennes, <strong>les</strong> Indiens venaient<br />

<strong>les</strong> récolter ; tels sont par exemple : Peyotes, vaste région<br />

de plus de 100 kilomètres d’éten<strong>du</strong>e située au sud de<br />

Zaragoza, dans le district <strong>du</strong> Rio Grande (Coahuila) :<br />

Peyotillos, sierra <strong>du</strong> Municipio de Meoqui (Coahuila) ; Jesus<br />

Peyotes, environs de San Ildefonso (Coahuila) ; Peyote, dans<br />

le Municipio de Guadaleazar (San Luis Potosi).<br />

Sur le versant occidental de la sierra <strong>du</strong> Nayarit, il y a<br />

un village appelé San Juan Peyotan ; là cependant la déno-<br />

mination toponymique n’indique pas la présence de la<br />

Cactacée en question, mais celle d’une ou plusieurs plantes<br />

appartenant à la famille des Composées, ayant, assure-t-on,<br />

des propriétés analogues à cel<strong>les</strong> des Peyotes et que, dans<br />

la médecine locale actuelle, on emploie en application dans<br />

<strong>les</strong> rhumatismes articulaires 1 . Dans l’État de Puebla on<br />

donne encore le nom de Peyote, probablement par similitude<br />

de conformation, à une Crassulacée, le Cotylédon<br />

cæspitosa Haw. Ces faits méritent d’être signalés afin<br />

d’éviter <strong>les</strong> erreurs et <strong>les</strong> confusions que peuvent entraîner<br />

<strong>les</strong> homonymies vulgaires.<br />

Il ne faut pas encore confondre Peyote et Peyotillo ; ces<br />

deux termes ont dans la nomenclature populaire une signi-<br />

fication assez distincte. Le premier s’applique surtout aux<br />

1. Les Composées auxquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> indigènes appliquent le nom de<br />

Peyote sont <strong>les</strong> Senecio ovalifolius Sch.-Bip., albo-lutescens Sch.-Bip.,<br />

Petasitis DC.. Hartwegii Benth.


chapitRe x 289<br />

formes inermes caractérisées par le Lophophora Williamsii<br />

et <strong>les</strong> Ariocarpus, tandis que le second, qui est un diminutif<br />

<strong>du</strong> premier terme, est usité par <strong>les</strong> indigènes pour désigner<br />

certaines espèces même épineuses, ayant quelques points<br />

communs avec <strong>les</strong> véritab<strong>les</strong> Peyotes, soit dans leur teneur<br />

en principes toxiques, soit dans leur structure, soit encore<br />

dans leur faculté de disparaître momentanément dans le<br />

sol en temps de grande sécheresse ; tels sont par exemple<br />

<strong>les</strong> Dolichothele longimamma Britt. et Rose, Solisia pectinata<br />

Britt. et Rose, Pelecyphora aselliformis Ehren., etc.<br />

Le terme Peyote est une castillanisation de l’expression<br />

nahuatl Peyutl ou Peyotl, dont l’origine est inconnue ;<br />

certains auteurs, comme Manuel Urbina 1 , le feraient dériver,<br />

d’après le dictionnaire de Molina et l’avis de l’abbé Hunt<br />

y Cortez, <strong>du</strong> verbe nahuatl Peyona-nic = stimuler, aiguillonner,<br />

ou encore de Peyutl = cocon de ver à soie, parce<br />

que la plante est de forme globuleuse et se montre plus<br />

ou moins pourvue de filaments soyeux en guise d’aiguillons.<br />

Aux États-Unis, <strong>les</strong> Peyotes, en outre <strong>du</strong> terme vernaculaire<br />

mexicain, sont désignés sous <strong>les</strong> noms de Mezcal<br />

button, Devil’s root, Sacred mushroom.<br />

L’usage <strong>du</strong> Peyote doit remonter à une époque reculée ;<br />

<strong>les</strong> conquérants espagnols le constatèrent dès leur arrivée<br />

dans le pays, et <strong>les</strong> missionnaires qui évangélisèrent <strong>les</strong><br />

Indiens <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique, en parlent souvent avec<br />

détails dans leurs écrits et le donnent comme étant chez<br />

certaines tribus d’un emploi courant.<br />

La forme qui doit servir de type au groupe des Peyotes<br />

est incontestablement le Lophophora Williamsii Coult. ; c’est<br />

<strong>du</strong> moins l’espèce la plus anciennement définie et qui fut<br />

clairement spécifiée par Hernandez sous le nom de Peyotl<br />

zacatecensis ; il appartient bien aux Echinocactées par ses<br />

caractères botaniques et semble en outre être la forme ances-<br />

trale de ce groupe de Mamillariées aberrantes représenté<br />

par <strong>les</strong> séries des Pélécyphorées et Ariocarpées.<br />

1. manuel uRbina. — Ana<strong>les</strong> del Museo nacional de Mexico, Julio et<br />

Setiembre 1900.<br />

19


290 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Lophophora Williamsii Coulter (syn. : Echinocactus Williamsii<br />

Lemaire, E. Jourdanianus Rebut, Anhalonium Williamsii<br />

Lemaire, A. Jourdanicum Lew., Mamillaria Williamsii<br />

Coult., Ariocarpus Williamsii Voss). — Cette espèce<br />

présente une tige habituellement simple, parfois cependant<br />

ramifiée, mais, dans ce cas, la ramification doit être <strong>du</strong>e à un<br />

traumatisme qui fait alors apparaître plusieurs rameaux glo-<br />

buleux à la partie supérieure de la tige souterraine. Comme<br />

chez tous <strong>les</strong> Peyotes, la tige se compose de deux parties<br />

distinctes ; la partie supérieure, ombiliquée à son centre, est<br />

constituée par une rosace de mamelons confluents, d’une<br />

couleur vert cinérascente, s’alignant régulièrement pour con-<br />

stituer huit à dix côtes annelées, vertica<strong>les</strong>, séparées par<br />

des sillons aigus. La partie souterraine napiforme est de<br />

couleur brunâtre ; elle prend un contour plus ou moins<br />

cylindrique par suite de l’oblitération des mamelons au<br />

moment de la pénétration dans le sol ; cette partie de la tige<br />

faisant l’office de racine pivotante, acquiert sur <strong>les</strong> échan-<br />

tillons bien conformes une élongation maximum d’une<br />

vingtaine de centimètres sur un diamètre moyen de 8 centi-<br />

mètres ; elle présente vers son extrémité inférieure quelques<br />

radicel<strong>les</strong> adventives qui, en même temps qu’el<strong>les</strong> fixent<br />

la plante, jouent un rôle dans sa pénétration dans le sol.<br />

Les mamelons ont un modelé arrondi lorsqu’ils sont gorgés<br />

de suc, mais leur surface s’aplatit en devenant polyédrique<br />

lorsque la plante subit <strong>les</strong> effets de la sécheresse.<br />

Certaine forme présentant de très petits mamelons fut<br />

considérée comme étant une variété, mais cette différence<br />

s’observe parfois dans <strong>les</strong> semis provenant d’un même sujet.<br />

Les aréo<strong>les</strong> sont arrondies et garnies d’un pinceau laineux<br />

touffu et érigé. La fleur est petite, infundibuliforme, légè-<br />

rement charnue, d’une couleur blanche ou rose ; elle apparaît<br />

toujours au centre de l’apex et <strong>du</strong>re plusieurs jours. Le<br />

fruit est constitué par une baie allongée, en massue à sa<br />

partie supérieure, de couleur coccinée et d’une longueur de<br />

1 à 2 centimètres ; il contient peu de graines.<br />

Le L. Williamsii comporte une variété qui a été désignée<br />

sous le nom de Lophophora Lewinii Thomps. ou Anhalonium


chapitRe x 291<br />

Lewinii Henn. ; cette dernière paraît avoir été confon<strong>du</strong>e par<br />

certains auteurs et horticulteurs avec la forme typique à<br />

petits mamelons. Cette variété, quoique ne présentant pas<br />

de caractères botaniques bien tranchés, peut cependant,<br />

d’après Roland-Gosselin (ex litteris), se distinguer facilement<br />

à première vue <strong>du</strong> type classique <strong>du</strong> L. Williamsii<br />

par sa teinte jaunâtre et la coloration de sa fleur et de son<br />

fruit qui sont jaunes ; de plus, <strong>les</strong> auteurs qui mentionnent<br />

ces deux formes s’accordent à dire que l’on ne <strong>les</strong> a jamais<br />

trouvées dans la même station.<br />

Le L. Lewinii serait particulier au Texas et à la région <strong>du</strong><br />

rio Grande del Norte, tandis que le véritable L. Williamsii<br />

se rencontrerait plus au sud comme par exemple <strong>les</strong> États de<br />

Zacatecas et San Luis Potosi ; dans cette dernière province,<br />

<strong>les</strong> Indiens de la sierra <strong>du</strong> Nayarit vont annuellement le<br />

récolter aux environs <strong>du</strong> Real de Catorce.<br />

Suivant <strong>les</strong> localités et suivant <strong>les</strong> idiomes parlés par <strong>les</strong><br />

Indiens, le L. Williamsii est désigné au Mexique sous différents<br />

noms. C’est ainsi qu’à la Sierra Madre il est nommé<br />

Kamaba par <strong>les</strong> Tepehuanes et Hicouri par <strong>les</strong> Tarahumares ;<br />

à la Sierra <strong>du</strong> Nayarit : Huatari par <strong>les</strong> Coras et Hicouri par<br />

<strong>les</strong> Huichols ; ces derniers Indiens qui se servent dans leur<br />

langage courant <strong>du</strong> même terme que <strong>les</strong> Tarahumares,<br />

désignent encore le Peyote dans leurs chants sous le nom de<br />

Joutouri, c’est-à-dire la fleur ou la plante symbolique. Dans<br />

l’État de Queretaro on nomme le Peyote Seni, et à la frontière<br />

des États-Unis Ho ou encore Wohoki.<br />

leuchtenbeRgiées<br />

L’origine de cette dénomination est <strong>du</strong>e à Hooker qui<br />

créa, en 1848, le nom générique de Leuchtenbergia pour<br />

identifier une étrange et singulière forme d’Echinocactée que<br />

l’on désignait alors en horticulture sous le nom d’Agave<br />

Cactus et dont l’aspect, suivant <strong>les</strong> auteurs, rappelait l’allure<br />

d’une Cycadacée ou d’un Agave à frondaison étroite.<br />

La série des Leuchtenbergiées ne comprend qu’une seule<br />

espèce représentée par le Leuchtenbergia principis Hook.


292 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Cette espèce, chez <strong>les</strong> sujets parvenus à l’état a<strong>du</strong>lte, offre<br />

une tige simple, cylindrique, de couleur brunâtre, pouvant<br />

atteindre une hauteur de 30 centimètres sur un diamètre de<br />

8 centimètres, dont la partie supérieure se termine comme<br />

chez <strong>les</strong> Peyotes par une rosace de nombreux mamelons<br />

allongés, triquètres et rigides, longs de 8 à 10 centimètres.<br />

Ces mamelons, d’une teinte glaucescente, présentent à leur<br />

extrémité des faisceaux épineux constitués par des aiguillons<br />

blanchâtres d’apparence parcheminée, flexib<strong>les</strong>, plus ou<br />

moins crispés ou tor<strong>du</strong>s, dont un central beaucoup plus fort<br />

pouvant atteindre une dizaine de centimètres d’élongation.<br />

Les aréo<strong>les</strong> ont environ un demi-centimètre de diamètre,<br />

el<strong>les</strong> sont revêtues d’un tomentum laineux feutré, de cou-<br />

leur grise, d’où émergent plusieurs aiguillons marginaux et<br />

un à deux médians. Les fleurs apparaissent au sommet de la<br />

plante ; el<strong>les</strong> naissent alors à l’extrémité de jeunes mamelons<br />

et au-dessus <strong>du</strong> faisceau d’aiguillons ; ce dispositif floral a<br />

fait croire aux premiers observateurs que l’inflorescence <strong>du</strong><br />

Leuchtenbergia principis était axillaire comme celle des<br />

Mamillariées. La fleur, de couleur jaune, est longue de<br />

8 à 9 centimètres ; elle est semblable à celle d’un Hamatocactus<br />

; elle <strong>du</strong>re plusieurs jours, s’épanouit en plein soleil<br />

et se ferme pendant la nuit.<br />

Cette Cactacée présente une particularité de développe-<br />

ment qui vient s’ajouter à l’étrangeté de sa structure et qui<br />

peut en quelque sorte rappeler la défoliation annuelle des<br />

Pereskiopsis : c’est celle de perdre, au moment de la saison<br />

sèche, la rangée de mamelons située à la base de la rosace.<br />

Cette élimination saisonnière et spontanée d’organes vieillis<br />

pro<strong>du</strong>it alors l’élongation de la partie de la tige constituant<br />

le fût ou le pivot aérien, la rosace qui le couronne s’accroît<br />

elle aussi, à la saison suivante, en pro<strong>du</strong>isant de nouveaux<br />

mamelons qui viennent alors prendre naissance au centre<br />

de son sommet. Cette particularité biologique, très faible-<br />

ment indiquée chez <strong>les</strong> autres Cactacées globuleuses par la<br />

perte plus ou moins normale et régulière d’aiguillons,<br />

l’aplatissement de côtes ou la résorption de mamelons aux<br />

parties avoisinant le sol, est loin de revêtir un caractère


chapitRe x 293<br />

aussi net et aussi tranché que celui que l’on constate chez<br />

cette espèce si anormale dans le groupe auquel elle appar-<br />

tient.<br />

En somme, le Leuchtenbergia principis se rapproche beaucoup<br />

dans sa structure morphologique des Lophophora et<br />

Ariocarpus, dont il ne serait peut-être qu’une forme aberrante<br />

chez laquelle <strong>les</strong> mamelons démesurément allongés se-<br />

raient devenus fusiformes, mais avec cependant cette diffé-<br />

rence que ces derniers, après leur disparition, donnent nais-<br />

sance à un fût s’élevant hors <strong>du</strong> sol au lieu d’y pénétrer<br />

pour constituer un pivot radiculaire.<br />

Comme distribution géographique, le L. principis se rencontre<br />

par places et par groupements isolés dans la partie<br />

<strong>du</strong> plateau central comprise dans <strong>les</strong> États d’Hidalgo, San<br />

Luis Potosi et Coahuila ; on le signale comme plus particu-<br />

lièrement répan<strong>du</strong> auprès de Pachuca (Hidalgo), à Pata-<br />

galina (San Luis Potosi). D’après Purpus, cette Cactacée<br />

serait également abondante à la Sierra de Paila, au nord<br />

de Parras (Coahuila).<br />

Le genre Leuchtenbergia et son espèce furent, d’après<br />

Britton et Rose, dédiés à la mémoire d’Eugène de Beauhar-<br />

nais, <strong>du</strong>c de Leuchtenberg et prince d’Eichstadt (1781-1824).<br />

D’après ces auteurs, la plante, bien avant sa description,<br />

était connue et cultivée en Europe ; on la désignait alors<br />

sous le nom d’Agave Cactus ou encore de noble Leuchtenbergia.<br />

caRactèRe sacRé des échinocactées chez <strong>les</strong> anciens<br />

mexicains. — Les Biznagas ou Huiznahuac, comme <strong>les</strong><br />

appelaient <strong>les</strong> Nahuatls, jouissaient d’une grande vénération<br />

chez <strong>les</strong> anciennes populations <strong>du</strong> plateau de l’Anahuac ;<br />

c’est probablement à cette cause qu’il faut attribuer la rai-<br />

son pour laquelle ces plantes ne semblent pas, dans l’an-<br />

cienne nomenclature indigène, avoir été comprises au<br />

nombre des Nochtli ou Cactacées ordinaires.<br />

En outre <strong>du</strong> terme Huiznahuac, <strong>les</strong> Nahuatls donnaient<br />

encore aux Echinocactées le nom de Teocomitl, que l’on a


294 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tra<strong>du</strong>it par Cantaro divin 1 , parce que, soi-disant, ces Cactacées<br />

étaient considérées par <strong>les</strong> Indiens comme une source<br />

naturelle placée providentiellement à la portée <strong>du</strong> voyageur<br />

torturé par la soif, dans <strong>les</strong> endroits arides, où l’eau de sur-<br />

face faisait complètement défaut. Cette interprétation,<br />

quoique répondant bien aux faits apparents, ne doit cepen-<br />

dant pas être la véritable signification de Teocomitl ; ce<br />

dernier terme doit plus vraisemblablement se tra<strong>du</strong>ire par<br />

Cantaro Dieu, car d’après ce que nous apprennent <strong>les</strong> écrivains<br />

de l’époque de la conquête, <strong>les</strong> Biznagas étaient, aux<br />

temps précolombiens, l’objet d’un certain culte chez <strong>les</strong> popu-<br />

lations de l’Anahuac.<br />

Tout paraît donc indiquer que cette forme de Cactacée<br />

était considérée par <strong>les</strong> Indiens d’origine nahuatle comme<br />

une incarnation de Tlaloc (dieu des eaux), sur <strong>les</strong> régions<br />

dépourvues de l’élément indispensable à l’existence. Ce qui<br />

semblerait bien confirmer cette manière de voir, c’est que<br />

cette Cactacée avait été déifiée sous le nom de Teohuiznahuac<br />

ou simplement Huiznahuac ; on lui avait même élevé<br />

un temple particulier à Mexico, auquel on donnait le nom<br />

de Huiznahuac teopan.<br />

Le culte de cette divinité n’était pas spécial à la capitale<br />

des Aztecs, car à Tlaxcala, <strong>les</strong> conquistadors espagnols, à<br />

leur arrivée, virent un autel consistant en un monolithe de<br />

pierre en forme de Biznaga qui était consacré à ce dieu et<br />

sur lequel, au moment des fêtes <strong>du</strong> dieu Mixcoatl, on immolait<br />

des victimes humaines.<br />

1. Le terme Comitl était employé surtout pour désigner le récipient<br />

ménager destiné à la provision d’eau potable dans <strong>les</strong> habitations et<br />

que l’on nomme maintenant au Mexique Cantaro ou Olla. Ce terme<br />

avait un sens plus éten<strong>du</strong> dans la composition des mots nahuatls ; il<br />

impliquait, lorsqu’il s’agissait de végétaux, l’idée d’une chose gorgée<br />

d’eau tel un tubercule ou un bulbe, etc…; c’est ainsi par exemple<br />

qu’il figure dans l’expression Cacomitl ou Cacomite, que l’on donne au<br />

bulbe comestible d’une Iridacée <strong>du</strong> genre Tigridia ; quant à Teo,<br />

abréviation de Teotl (Dieu), mot qui, par une fortuite et curieuse<br />

coïncidence homophonique, rappelle l’expression grecque, il servait,<br />

suivant <strong>les</strong> cas, à exprimer un attribut divin, une chose d’excellence,<br />

de supériorité ou bien encore primitive et sauvage.


chapitRe x 295<br />

De plus, on voit dans le Codex de la pérégrination des<br />

Aztecs, que la Biznaga qui, sur <strong>les</strong> terres arides, se dresse<br />

isolément comme un menhir, fut parfois utilisée comme<br />

Tenchatl ou pierre de sacrifice, par <strong>les</strong> Nahuatls lors de leur<br />

pénible vie errante à travers l’immense contrée désertique<br />

que l’on nommait alors la Chichimecatlali.<br />

Les aiguillons des Biznagas servaient au même titre que<br />

celui que l’on recueillait à la partie terminale des feuil<strong>les</strong><br />

d’Agave ; on <strong>les</strong> employait comme lancettes, aiguil<strong>les</strong> ou<br />

poinçons, dans l’exercice des rites sanguinaires auxquels se<br />

livraient <strong>les</strong> anciens Mexicains pendant leurs cérémonies<br />

religieuses. Ces aiguillons faisaient même l’objet d’un approvisionnement<br />

dans une des dépendances <strong>du</strong> grand<br />

temple de la Placa mayor de Mexico ; là, d’après <strong>les</strong> historiens<br />

de la conquête, <strong>les</strong> prêtres aztecs <strong>les</strong> conservaient dans<br />

un édifice que l’on nommait Huitzacualco.<br />

A côté de ces Teocomitl divinisés et qui sont représentés<br />

dans la nature par des spécimens de moyenne et de grande<br />

dimensions, venait se ranger toute la série de ces formes<br />

naines auxquel<strong>les</strong> on donnait le nom collectif de Peyotes<br />

et aux vertus desquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> Indiens avaient également recours<br />

dans leurs cérémonies religieuses. Ces petites formes,<br />

dont la pulpe contient des principes narcotiques, stimulants<br />

et hallucinants, <strong>les</strong> faisaient considérer comme des Biznagas<br />

merveilleuses, capab<strong>les</strong> de pro<strong>du</strong>ire des effets surnaturels.<br />

Ces Peyotl ou Peyotes comme on <strong>les</strong> nomme actuellement,<br />

étaient surtout préconisés par <strong>les</strong> tribus sauvages et nomades<br />

<strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique ; ces dernières en faisaient un<br />

usage à peu près constant, tant au point de vue religieux<br />

qu’au point de vue médical ; c’est pour ce dernier objet,<br />

comme nous l’apprend l’historien Sahagun, que <strong>les</strong> Indiens<br />

nommés Teochichimèques venaient en faire le commerce<br />

sur <strong>les</strong> marchés de Mexico et d’autres grands centres. Car,<br />

en outre de ses propriétés considérées comme surnaturel<strong>les</strong><br />

qui en faisaient une plante sacrée, et de son emploi en<br />

médecine, le Peyote avait la réputation de conférer à celui<br />

qui en faisait un usage modéré, une vigueur et une force


296 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

suffisantes pour permettre d’affronter sans boire ni manger<br />

de longues et pénib<strong>les</strong> marches sous un soleil ardent, ce qui,<br />

aux yeux des Indiens, passait pour une supériorité sur <strong>les</strong><br />

simp<strong>les</strong> Huiznahuac qui ne pouvaient fournir au voyageur<br />

épuisé que des moyens de réconfort ordinaires.<br />

L’usage <strong>du</strong> Peyote se continua encore longtemps après la<br />

conquête espagnole chez <strong>les</strong> tribus nomades <strong>du</strong> nord <strong>du</strong><br />

Mexique, ainsi que nous l’apprennent <strong>les</strong> missionnaires<br />

chargés de l’évangélisation <strong>du</strong> pays.<br />

Le père Arlegui dit à ce sujet 1 :<br />

« La plante qu’ils vénèrent le plus est celle que l’on<br />

» appelle Peyot, de laquelle, après l’avoir broyée et exprimée,<br />

» ils boivent le suc dans toutes <strong>les</strong> maladies ; elle ne serait<br />

» pas si mauvaise si <strong>les</strong> Indiens n’abusaient de ses vertus<br />

» pour avoir des révélations sur l’avenir et savoir comment<br />

» ils sortiront des batail<strong>les</strong>.<br />

» Ils la consomment moulue avec de l’eau, et comme elle<br />

» est très forte, elle leur donne une ivresse avec accès de<br />

» folie et avec toutes <strong>les</strong> visions fantastiques qui leur sur-<br />

» viennent avec cette horrible boisson ; ils établissent des<br />

» présages sur leur destin, s’imaginant que la plante leur<br />

» révèle <strong>les</strong> succès futurs. Le pire est que, non seulement<br />

» <strong>les</strong> barbares exécutent cette diabolique superstition, mais<br />

» qu’aussi <strong>les</strong> Indiens domestiqués conservent cet infernal<br />

» abus, quoiqu’ils le fassent en cachette ; mais comme il y<br />

» a peu de secret entre <strong>les</strong> ivrognes, ceux qui s’y livrent<br />

» finissent par être découverts et châtiés avec sévérité. »<br />

Le même missionnaire parle encore de l’usage <strong>du</strong> Peyote<br />

à l’époque des naissances et dit (Cap. IV, p. 144) :<br />

» Les parents se réunissent et convient d’autres Indiens<br />

» pour une horrible solennité que l’on fait au père. On le<br />

» contraint à prendre un breuvage confectionné avec une<br />

» racine que l’on nomme Peyot et qui a la propriété non<br />

1. aRlegui. — Cronica de la provincia de San Francisco de<br />

Zacalecas, Capitulo V, p. 154.


chapitRe x 297<br />

» seulement d’enivrer celui qui la boit, mais aussi de le<br />

» rendre insensible en endormant <strong>les</strong> chairs et en paraly-<br />

» sant tout le corps.<br />

» Ce breuvage est administré au patient après vingt-<br />

» quatre heures de jeûne, puis on le place assis sur une<br />

» ramure de cerf dans un emplacement choisi en plein<br />

» champ.<br />

» Les Indiens viennent avec des os affilés et des dents de<br />

» différents animaux ; puis, avec de ridicu<strong>les</strong> cérémonies,<br />

» s’approchant un à un <strong>du</strong> malheureux patient, chacun lui<br />

» fait une saignée faisant couler beaucoup de sang ; l’in-<br />

» fortuné reste ainsi si maltraité que, de la tète aux pieds,<br />

» il offre un lamentable spectacle.<br />

» D’après l’état <strong>du</strong> sacrifié, on augure de la valeur qu’aura<br />

» le nouveau-né.<br />

» Chez <strong>les</strong> Indiens soumis (Indios politicos), il arrive que<br />

» <strong>les</strong> pères suspendent au cou des enfants de petits sachets<br />

» dans <strong>les</strong>quels, au lieu des quatre évangi<strong>les</strong> comme cela<br />

» se fait en Espagne, ils placent <strong>du</strong> Peyot ou une autre<br />

» herbe. Si on leur demande la vertu de cette plante, ils<br />

» disent sans détour ni honte que c’est un pro<strong>du</strong>it merveil-<br />

» leux pour beaucoup de choses, car, avec des sachets, <strong>les</strong><br />

» enfants deviendront de bons torreros, des hommes agi<strong>les</strong><br />

» pour dompter <strong>les</strong> chevaux et ayant de bonnes mains pour<br />

» tuer le bétail, de sorte que ceux qui sont élevés avec ce<br />

» talisman seront aptes dans la vie à toutes <strong>les</strong> entre-<br />

» prises. »<br />

Le Père Sahagun fournit également quelques détails sur<br />

le cérémonial auquel donnait lieu, encore au moment de<br />

la colonisation espagnole, l’usage rituel <strong>du</strong> Peyote, et à ce<br />

sujet il dit 1 :<br />

« Les Teochichimèques avaient une très grande connais-<br />

» sances des plantes et des racines, de leurs qualités et de<br />

1. beRnaRdino sahagun. — Histoire générale des choses de la<br />

Nouvelle Espagne, paragraphe 2 <strong>du</strong> chap. XXIX.


298 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

» leurs vertus ; ils furent <strong>les</strong> premiers à faire connaître le<br />

» Peyot, qui entrait dans leur consommation à la place <strong>du</strong><br />

» vin. Après l’avoir absorbé, ils se réunissaient sur un pla-<br />

» teau où ils se livraient au chant, à la danse, de jour et<br />

» de nuit, tout à leur aise, le premier jour surtout, car le<br />

» lendemain ils pleuraient tous abondamment en disant que<br />

» <strong>les</strong> larmes servent à laver <strong>les</strong> yeux et le visage. »<br />

Il ajoute que l’ivresse <strong>du</strong> Peyote <strong>du</strong>rait trois jours.<br />

Aujourd’hui, l’usage constant ou rituel <strong>du</strong> Peyote, contre<br />

lequel <strong>les</strong> missionnaires s’étaient efforcés de réagir, a dis-<br />

paru à peu près complètement, <strong>du</strong> moins des régions où<br />

cette plante croît à l’état spontané ; ce fait est dû d’abord<br />

à l’extinction des hordes sauvages qui peuplaient cette con-<br />

trée et ensuite à ce que <strong>les</strong> indigènes qui leur ont succédé<br />

comme occupants de leur territoire, ne paraissent pas avoir<br />

su priser l’ivresse et <strong>les</strong> effets physiologiques de cette plante<br />

qui sont souvent pénib<strong>les</strong> au début.<br />

Néanmoins, en dehors de cette contrée, cette coutume,<br />

quoique un peu modifiée, s’est perpétuée jusqu’à nos jours<br />

chez <strong>les</strong> Indiens de la Sierra <strong>du</strong> Nayarit (Huichols) et ceux<br />

de la Sierra Madré de Durango (Tepehuanes et Tarahu-<br />

mares).<br />

Chez ces Indiens vivant retirés dans <strong>les</strong> sites escarpés,<br />

situés en dehors des voies de communications, le Peyote<br />

continue à être d’un usage courant dans le cérémonial reli-<br />

gieux ; il est considéré comme étant un aliment conférant<br />

à ceux qui s’y adonnent, une disposition mentale capable<br />

de <strong>les</strong> mettre en relation directe avec <strong>les</strong> divinités tutélaires,<br />

afin d’en obtenir des révélations.<br />

Comme cette Cactacée sacrée ne croît pas dans <strong>les</strong> mon-<br />

tagnes, on est obligé d’aller chaque année en faire la récolte<br />

et un approvisionnement sur <strong>les</strong> terrains où elle végète spon-<br />

tanément. Pour cela, à la fin d’octobre, peu de temps après<br />

que <strong>les</strong> fêtes de la moisson <strong>du</strong> maïs ont eu lieu, on orga-<br />

nise dans la Sierra <strong>du</strong> Nayarit une expédition en règle, pour<br />

se rendre en troupe au Real de Catorce (État de San Luis<br />

Potosi), lieu où, d’après la tradition, <strong>les</strong> ancêtres des In


chapitRe x 299<br />

diens actuels, sous la con<strong>du</strong>ite de leur chef et législateur<br />

Majakuagy, apprirent à connaître le Peyote et ses vertus 1 .<br />

Cette expédition, qui revêt le caractère d’un pèlerinage<br />

bien ordonné, a une <strong>du</strong>rée, aller et retour, d’un mois ; elle<br />

s’accomplit par étapes suivant un itinéraire et un cérémo-<br />

nial qui est toujours le même et dont le but, outre la récolte,<br />

est la commémoration d’un épisode fameux de la découverte<br />

<strong>du</strong> Peyote ; cette pérégrination à travers <strong>les</strong> plaines désertiques<br />

<strong>du</strong> Chichimecatlali devait se terminer par la prise de<br />

possession de ces territoires montagneux que <strong>les</strong> descen-<br />

dants de ces Indiens occupent encore aujourd’hui.<br />

Une fois la moisson <strong>du</strong> Peyote effectuée, <strong>les</strong> adeptes <strong>du</strong><br />

pèlerinage reviennent à leurs villages respectifs où l’on pro-<br />

cède alors à une solennité de retour à laquelle prend part,<br />

sans distinction de caste, toute la population. La provision<br />

de la précieuse denrée est répartie en deux lots, l’un sert<br />

à la consommation immédiate pendant la fête de retour,<br />

l’autre est mis en réserve pour <strong>les</strong> autres fêtes qui auront<br />

lieu dans le courant de l’année. Ce dernier lot est conservé<br />

avec soin, et pour le préserver contre la dessiccation ou la<br />

pourriture, on le plante dans une terre appropriée contenue<br />

habituellement dans un vase de poterie auprès <strong>du</strong>quel, pour<br />

plus de sûreté, on dispose <strong>les</strong> attributs des divinités tuté-<br />

laires <strong>du</strong> Peyote, afin que, au dire des Indiens, la provision<br />

se maintienne dans toute sa vitalité et ne perde pas ses pro-<br />

priétés surnaturel<strong>les</strong> 2 .<br />

Les Indiens, lorsqu’ils font la moisson de la plante mer-<br />

veilleuse, ont grand soin de ne pas l’arracher tout entière ;<br />

ils en prélèvent seulement la partie supérieure et laissent<br />

en terre une grande partie <strong>du</strong> pivot, ce qui permet au végétal<br />

1. L’endroit précis où <strong>les</strong> pèlerins vont aujourd’hui faire la récolte<br />

<strong>du</strong> Peyote se nomme la Mojonera, anciennement c’était dans une<br />

localité plus éloignée, que dans <strong>les</strong> chants on désignait sous le nom<br />

de Rahitoumouany.<br />

2. Consulter au sujet <strong>du</strong> rôle et de l’emploi <strong>du</strong> Peyote chez <strong>les</strong><br />

Indiens <strong>du</strong> Mexique :<br />

manuel uRbina. — Le Peyote et l’Olioluiqui, Anna<strong>les</strong> del Museo<br />

nacional de Mexico, VII, julio et deciembre 1900.<br />

caRl lumoltz. — Symbolisai of Huichols, Memoirs of the American<br />

Museum of Natural History, III, New-York.


300 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

de se reconstituer en émettant de nouveaux bourgeonne-<br />

ments qui assureront <strong>les</strong> récoltes futures 1 .<br />

Si parmi <strong>les</strong> tribus indiennes habitant <strong>les</strong> montagnes, le<br />

culte <strong>du</strong> Peyote s’est assez bien conservé jusqu’à nos jours<br />

avec toutes <strong>les</strong> manifestations rituel<strong>les</strong> qu’il comportait aux<br />

temps des anciens, il n’en est plus de même de son impor-<br />

tance ; cette dernière, depuis déjà nombre d’années, tend à<br />

diminuer et à disparaître progressivement. C’est ainsi que,<br />

pour ne parler que <strong>du</strong> Nayarit, <strong>les</strong> Indiens huichols sont<br />

maintenant à peu près <strong>les</strong> seuls à entreprendre l’expédition<br />

annuelle de récolte ; <strong>les</strong> Coras l’ont presque complètement<br />

délaissée et c’est tout au plus lorsqu’ils veulent se procurer<br />

<strong>les</strong> effets de l’ivresse particulière au Peyote, s’ils ont recours<br />

au pro<strong>du</strong>it que leurs voisins leur fournissent par<br />

voie d’échange.<br />

De plus, la récolte <strong>du</strong> Peyote commence à devenir plus<br />

difficile et moins abondante sur <strong>les</strong> endroits où la tradition<br />

ramenait chaque année une troupe de moissonneurs ; ceci<br />

est dû en grande partie au développement de l’agriculture<br />

et à l’affermage des terrains, causes qui ne laissent plus au-<br />

jourd’hui un libre transit à travers <strong>les</strong> grandes plaines dont<br />

la plante recherchée a fait son habitat.<br />

Ces derniers faits permettent de prévoir le moment pro-<br />

bablement peu éloigné où l’antique survivance et l’usage<br />

rituel <strong>du</strong> Peyote aura disparu dans son dernier refuge et<br />

avec lui le dernier vestige <strong>du</strong> caractère sacré des Echino-<br />

cactées chez <strong>les</strong> anciens Mexicains. Il en sera de cela comme<br />

<strong>du</strong> reste il en est résulté avec <strong>les</strong> nombreuses et pitto-<br />

resques coutumes antiques longtemps conservées dans <strong>les</strong><br />

régions retirées <strong>du</strong> Mexique, et qui ont fini par s’évanouir<br />

en ne laissant plus dans le pays que de vagues souvenirs<br />

parmi <strong>les</strong> générations d’une population presque unifiée.<br />

Pour terminer ce qui est relatif à ces Peyotes ayant joué<br />

1. C’est probablement à ces mutilations intentionnel<strong>les</strong> de récolte<br />

que l’on doit attribuer <strong>les</strong> spécimens de Lophophora Williamsii<br />

présentant des ramifications. Roland-Gosselin (ex litteris) a constaté,<br />

dans ses cultures à Villefranche-sur-Mer, que lorsqu’on sectionne la<br />

rosace d’un Peyote resté en terre, il repousse autour de la cicatrice un<br />

ou plusieurs bourgeons qui donnent en deux ans à la plante l’aspect<br />

de plusieurs Peyotes poussant côte à côte.


chapitRe x 301<br />

un rôle si marquant dans <strong>les</strong> coutumes de certaines popu-<br />

lations indiennes et qui pour el<strong>les</strong> furent, à peu de choses<br />

près, ce qu’est le hachisch chez <strong>les</strong> Orientaux, il est nécessaire<br />

d’ajouter quelques considérations sur la nature des<br />

principes qui leur ont attaché un si curieux intérêt au point<br />

de vue ethnologique.<br />

D’après <strong>les</strong> études des auteurs américains, allemands et<br />

français dont <strong>les</strong> noms ont été cités plus haut, <strong>les</strong> Peyotes,<br />

qu’ils appartiennent aux Echinocactées ou aux Mamillariées,<br />

ont donné aux investigations chimiques un certain nombre<br />

de pro<strong>du</strong>its qui semblent bien être particuliers à la<br />

famille des Cactacées et qui, chacun, ont des effets physio-<br />

logiques bien distincts.<br />

Selon Georges Hey, <strong>les</strong> principes actifs des Peyotes se<br />

trouvent associés dans la plante avec des matières rési-<br />

neuses et de la saponine ; ils sont au nombre de sept et ont<br />

été désignés sous <strong>les</strong> noms de : Anhalamine, Anhaloïdine,<br />

Anhaline, Anhalonine, Lophophorine, Mezcaline, Pellotine.<br />

Les uns sont peu actifs, <strong>les</strong> autres au contraire sont sti-<br />

mulants à la manière de la strychnine (lophophorine), nar-<br />

cotiques (pellotine), hallucinants (mezcaline) ; c’est à ce<br />

dernier que sont <strong>du</strong>s ces troub<strong>les</strong> visuels ou phosphènes<br />

provoquant ces étranges apparitions brillantes et colorées<br />

que l’on a signalées comme étant le phénomène le plus sail-<br />

lant de l’intoxication par le Peyote.<br />

Les six substances retirées des Peyotes paraissent bien<br />

dériver <strong>les</strong> unes des autres et n’être en réalité que des étapes<br />

de la transformation des réserves sous l’effet des réactions<br />

biochimiques, comme cela est <strong>du</strong> reste une loi à peu près<br />

commune chez la plupart des végétaux contenant une asso-<br />

ciation de principes extractifs.<br />

Leur absence ou leur prédominance sont évidemment<br />

fonction de conditions écologiques et doivent alors dépendre<br />

non seulement de l’espèce, mais aussi et surtout de la na-<br />

ture <strong>du</strong> sol où croît la plante, ainsi que de l’époque de sa<br />

récolte. C’est ce qui explique pourquoi, parmi <strong>les</strong> Peyotes<br />

que l’on a recueillis pour des recherches chimiques, on a<br />

rencontré parfois des spécimens peu ou point actifs.<br />

Instruits probablement de ces faits par une observation


302 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

et une expérience ancestrale, <strong>les</strong> Indiens montagnards qui<br />

ont encore conservé l’usage rituel de la Cactacée sacrée,<br />

n’entreprennent leur expédition annuelle de récolte que sur<br />

<strong>les</strong> terrains avoisinant le Real de Catorce et seulement au<br />

mois d’octobre, c’est-à-dire peu après la saison des pluies,<br />

moment où le végétal ayant accompli son développement<br />

saisonnier, se trouve alors dans la plénitude de ses<br />

substances élaborées.<br />

L’espèce préconisée par ces Indiens et qui a été spécifiée<br />

la première fois par Hernandez sous le nom de Peyotl zacatecensis,<br />

est bien, d’après le D r Weber et Roland-Gosselin,<br />

qui ont reçu et cultivé des échantillons provenant de la<br />

récolte rituelle des Indiens huichols, la forme type <strong>du</strong><br />

Lophophora Williamsii Coulter, ainsi que sa variété à petits<br />

tubercu<strong>les</strong>.<br />

Les autres espèces de Peyotes ont été l’objet également<br />

d’un usage courant chez <strong>les</strong> Indiens <strong>du</strong> Nord <strong>du</strong> Mexique<br />

et <strong>du</strong> sud des États-Unis ; mais comme ces derniers sont<br />

disparus depuis longtemps, on ne connaît sur leurs pro-<br />

priétés et leur mode d’emploi que <strong>les</strong> renseignements som-<br />

maires transmis par <strong>les</strong> écrits des premiers missionnaires,<br />

ce qui rend difficile l’identification des différentes espèces<br />

utilisées par ces Indiens.<br />

Les études chimiques ont permis cependant de constater<br />

des différences dans <strong>les</strong> teneurs en principes actifs de ces<br />

espèces.<br />

C’est ainsi que, selon Heffter (ex litteris), et d’après<br />

Schumann, l’Anhalonine prédominerait chez le Lophophora<br />

Lewinii Thomps., tandis que chez le Lophophora<br />

Williamsii Coulter, ce serait la Pellotine.<br />

Le L. Lewinii, suivant Edmundio White, donnerait quantitativement<br />

:<br />

Mezcaline et Anhaloïdine . . . . . . . . 1.16 %<br />

Anhalonine . . . . . . . . . . . . 0.46<br />

Lophophorine . . . . . . . . . . . . 0.13<br />

plus deux corps résineux et de saveur de mezcal.<br />

L’Arioearpus fissuratus Schum. contiendrait, d’après le<br />

même auteur, surtout de l’Anhalamine et de la Pellotine ;


chapitRe x 303<br />

ses effets sur l’organisme sont analogues, suivant Richardson,<br />

à l’action combinée de la strychnine et de la digitaline.<br />

Des faits qui viennent d’être sommairement exposés, il<br />

ne faudrait pas conclure que <strong>les</strong> Peyotes, ainsi que plusieurs<br />

de ces Mamillariées que l’on a appelées Peyotillos, soient <strong>les</strong><br />

seu<strong>les</strong> Cactacées ayant la faculté de fabriquer des principes<br />

à action physiologique bien évidente. En dehors de ces Cac-<br />

tacées globuleuses, on connaît un certain nombre d’espèces<br />

de Cierges qui offrent la même particularité. C’est ainsi que<br />

d’après Hey, le Lophocereus Sargentianus Britt. et Rose,<br />

variété inerme <strong>du</strong> L. Schottii Britt. et Rose, contient un principe<br />

actif auquel il donne le nom de Pilocéréine ; le Pachycereus<br />

Pecten-aboriginium Britt. et Rose, une substance<br />

très semblable à l’Anhalonine, pro<strong>du</strong>isant des spasmes téta-<br />

niques ; le Machærocereus gummosus Britt. et Rose, dont<br />

<strong>les</strong> indigènes de la Basse-Californie emploient parfois dans<br />

la pêche <strong>les</strong> rameaux ré<strong>du</strong>its en bouille pour paralyser le<br />

poisson, une saponine que l’auteur désigne sous le nom<br />

de Cereinsaure et qui est très semblable, assure-t-il, à la<br />

toxisaponine <strong>du</strong> Quillaja Saponaria Molina, ou Bois de<br />

Panama.<br />

En plus de ces trois espèces de Cierges particulières aux<br />

régions <strong>du</strong> versant pacifique mexicain, on connaît encore,<br />

parmi le groupe des Cierges rampants plus ou moins cul-<br />

tivés sur le versant atlantique <strong>du</strong> Mexique, une espèce, le<br />

Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose, dont on retire un<br />

principe nommé Cactine, qui est depuis assez longtemps<br />

entré dans le domaine de la thérapeutique où on le préconise<br />

avec succès dans le traitement de certaines affections car-<br />

diaques.<br />

En somme, toutes ces substances que l’on vient de mettre<br />

en parallèle avec cel<strong>les</strong> fournies par <strong>les</strong> Peyotes semblent<br />

bien démontrer chez <strong>les</strong> représentants de la famille des Cac-<br />

tacées, une même nature dans la constitution chimique des<br />

pro<strong>du</strong>its élaborés qui, vraisemblablement, dériveraient de<br />

saponines particulières à ces plantes grasses.


CHAPITRE XI<br />

MAMILLARIÉES<br />

Historique. — Distribution géographique. — Pro<strong>du</strong>ction<br />

économique. — Rôle dans la nature. — Morphologie. —<br />

Polymorphisme des espèces. — Mode de propagation. —<br />

Divisions systématiques : Coryphantha, Neomamillaria,<br />

Dolichothele, Cochemiea, Pelecyphora, Ariocarpus, Epi-<br />

thelantha, Mamillopsis. — Considérations sur la biologie<br />

des Cactacées globuleuses <strong>du</strong> Mexique.<br />

histoRique. — Le genre Mamillaria correspond à ce que<br />

l’on désignait primitivement sous le nom de Cactier à<br />

mamelons ; il a été créé en 1812 par Haworth 1 qui identifia<br />

le genre et le détacha <strong>du</strong> groupe confus des Cactacées<br />

globuleuses dont l’ensemble n’était guère connu jusqu’alors<br />

que par <strong>les</strong> spécimens originaires de la région des Antil<strong>les</strong>.<br />

distRibution géogRaphique. — Les Mamillariées sont<br />

surtout particulières au Mexique et au sud des États-Unis ;<br />

aux Antil<strong>les</strong> ainsi que dans l’Amérique centrale, el<strong>les</strong> sont<br />

rares ; quant à l’Amérique <strong>du</strong> Sud, el<strong>les</strong> n’y ont jamais été<br />

signalées et paraissent par conséquent y faire complètement<br />

défaut.<br />

Aux États-Unis, leur aire de dispersion remonte depuis<br />

le cours <strong>du</strong> rio Bravo del Norte jusqu’aux régions froides<br />

des sources <strong>du</strong> Missouri, où certaines espèces, comme le<br />

Coryphantha vivipara Britt. et Rose, et le Neobesseya missouriensis<br />

Britt. et Rose, sont capab<strong>les</strong>, grâce à leur constitution,<br />

d’affronter <strong>les</strong> frimas d’hivers rigoureux.<br />

1. A. hawoRth. — Synopsis plantarum succulentarum cum descriptionibus,<br />

synonymis, locis, etc., p. 194, Londres, 1812, Nuremberg,<br />

1819.<br />

20


306 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Au Mexique, qui est la terre privilégiée des Mamillariées,<br />

ces dernières sont représentées à toutes <strong>les</strong> altitudes.<br />

Quoique spécia<strong>les</strong> surtout aux plateaux désertiques de<br />

l’intérieur <strong>du</strong> pays, on peut néanmoins <strong>les</strong> voir figurer parmi<br />

la flore de toutes <strong>les</strong> stations un peu arides comprises entre<br />

<strong>les</strong> zones torrides des plaines avoisinant le niveau de la<br />

mer et cel<strong>les</strong> des climats froids des montagnes où certaines<br />

espèces peuvent même parfois affronter des altitudes dépas-<br />

sant 3.000 mètres (Neomamillaria vetula Britt. et Rose,<br />

Mamillopsis senilis Weber).<br />

pRo<strong>du</strong>ction économique. — Au point de vue fruitier, <strong>les</strong><br />

Mamillariées n’offrent que peu d’intérêt, aussi paraissent-<br />

el<strong>les</strong> n’avoir jamais été, de la part des indigènes, l’objet<br />

d’une entreprise culturale ; beaucoup d’espèces cependant<br />

fournissent en abondance de petites baies comestib<strong>les</strong> et<br />

savoureuses très appréciées des Mexicains qui ont coutume,<br />

à la saison propice, d’aller <strong>les</strong> récolter afin d’en approvi-<br />

sionner <strong>les</strong> marchés urbains, où on <strong>les</strong> vend sous le nom<br />

nahuatl de Chicotl, ou encore de Chilitos <strong>du</strong>lces (petits<br />

piments sucrés), ce qui, à peu de chose près, est la tra<strong>du</strong>ction<br />

espagnole <strong>du</strong> terme précédent.<br />

L’espèce la plus connue pour sa pro<strong>du</strong>ction fruitière est le<br />

Neomamillaria magnimamma Britt. et Rose, qui est remarquable<br />

par son polymorphisme donnant lieu à de nom-<br />

breuses variations de formes <strong>les</strong> plus dissemblab<strong>les</strong>, et que<br />

l’on rencontre largement répan<strong>du</strong> sur <strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong><br />

Mexique central où il vient parfois former, sur le sol de<br />

la steppe, des touffes gazonnantes assez éten<strong>du</strong>es.<br />

Rôle dans la natuRe. — Si <strong>les</strong> Mamillariées n’ont qu’une<br />

très médiocre importance comme plantes économiques, il<br />

n’en est plus de même si on <strong>les</strong> envisage au point de vue<br />

de la conquête des terrains désertiques ; là leur rôle est<br />

capital, car el<strong>les</strong> constituent avec certains Echinocereus et<br />

Cylindropuntia, <strong>les</strong> uniques essences végéta<strong>les</strong> aptes à créer<br />

la première étape de la vie sur ces parages déshérités où<br />

<strong>les</strong> conditions écologiques sont tel<strong>les</strong> que la nature est


chapitRe xi 307<br />

impuissante, sans leur concours, à subvenir aux débuts<br />

d’une végétation normale et pérenne, ainsi qu’on l’a vu au<br />

chapitre <strong>du</strong> rôle des ‘Cactacées dans le peuplement végétal<br />

des déserts.<br />

Le mécanisme par lequel ces humb<strong>les</strong> Cactacées peuvent<br />

faire surgir la vie et la fertilité sur des terres continuellement<br />

brûlées et désolées par <strong>les</strong> ardeurs solaires est,<br />

comme nous le montre la nature, des plus simp<strong>les</strong>. En se<br />

développant en amas plus ou moins gazonnants, <strong>les</strong> Mamillariées<br />

établissent par place des points d’obstacle et de<br />

retenue, formant alors des récifs, contre <strong>les</strong>quels peu à peu<br />

viendront butter et s’amasser ces détritus de toutes sortes<br />

qui sont, en temps de sécheresse, véhiculés par <strong>les</strong> tourbillons<br />

aériens et, au moment des pluies torrentiel<strong>les</strong>,<br />

charriés par le ruissellement des eaux sauvages.<br />

Du fait de la présence de ces plantes n’empruntant pour<br />

ainsi dire presque rien au sol, se pro<strong>du</strong>iront des stations améliorées,<br />

où il sera possible à une végétation vivace un peu<br />

moins résistante de venir s’établir spontanément, en bénéficiant,<br />

pour le développement de ses racines, de l’humus<br />

et de la faible humidité que la présence de ces infimes Cactacées<br />

aura, de distance en distance, collectés et stabilisés<br />

sur des terrains jusqu’alors réfractaires à la végétation.<br />

moRphologie. — Les Mamillariées représentent la forme<br />

la plus évoluée des Cactacées globuleuses ; el<strong>les</strong> viennent<br />

immédiatement après <strong>les</strong> Echinocactées dont, en somme,<br />

el<strong>les</strong> ne sont, pour la plupart, que <strong>les</strong> spécimens un peu plus<br />

perfectionnés de Sténocactées et de Thélocactées.<br />

Le caractère le plus saillant qui différencie ces deux<br />

groupes réside dans la position occupée par le bourgeon<br />

floral, qui, chez <strong>les</strong> Mamillariées, est axillaire, tandis que<br />

chez <strong>les</strong> Echinocactées, il est aréolaire. Cependant, entre<br />

<strong>les</strong> deux groupes on peut rencontrer tous <strong>les</strong> termes de<br />

transition ; c’est ainsi, par exemple, que chez le Pediocactus<br />

Simpsonii Britt. et Rose, le bourgeon surgit à environ midistance<br />

de l’aréole et de la saillie, et que, chez l’Epithelantha<br />

micromeris Weber, il devient franchement aréolaire.


308 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

A part quelques rares espèces qui, comme <strong>les</strong> Neomamillaria<br />

melanocentra Britt. et Rose, coronoria et Mystax<br />

Britt. et Rose, variété maschalacantha, dont <strong>les</strong> dimensions<br />

peuvent atteindre le volume d’un Echinocactus d’assez<br />

bonne proportion, le groupe des Mamillariées ne comprend<br />

que des spécimens de faible dimension, certains même sont<br />

très ré<strong>du</strong>its et ne dépassent pas une grandeur de 2 à 3 centi-<br />

mètres (Neomamillaria fragilis Britt. et Rose, lasiacantha<br />

Britt. et Rose, elongata Britt. et Rose). Ce dernier, qui est<br />

une espèce très voisine sinon une variété <strong>du</strong> N. sphacelata<br />

Britt. et Rose, est remarquable par la gracilité de ses tiges<br />

cylindriques.<br />

La conformation de la tige des Mamillariées peut être<br />

sphérique, subglobuleuse, claviforme, ou encore tout à fait<br />

cylindrique ; cette dernière forme peut même s’allonger au<br />

point de prendre l’allure d’un Cierge rampant (Neomamillaria<br />

sphacelata Britt. et Rose, Cochemiea Poselgeri Britt.<br />

et Rose). Cette tige est tantôt simple, tantôt ramifiée, tantôt<br />

prolifère ; sa surface est couverte de mamelons affectant des<br />

contours moniliformes, coniques, cylindriques, polyédriques,<br />

implantés soit en série, soit en spirale. Ces mamelons, que<br />

l’on désigne encore sous le nom de tubercu<strong>les</strong>, portent à<br />

leur sommet un faisceau d’aiguillons ; leur aisselle, qui<br />

donne naissance à l’inflorescence, est tantôt nue, tantôt<br />

tomenteuse. La symétrie dans l’implantation de ces mame-<br />

lons est vraiment remarquable chez certaines espèces ;<br />

aussi L. Castle avait-il comparé leur régularité à celle de<br />

pièces de mécanique de précision 1 . Les épines qui couronnent<br />

<strong>les</strong> mamelons varient considérablement dans leur<br />

forme ; el<strong>les</strong> se présentent sous le dispositif d’un rayon-<br />

nement étoilé dont le centre est occupé par un aiguillon qui<br />

peut être, suivant <strong>les</strong> espèces, pectiné ou sans terminaison,<br />

offrant alors un stylet, plus ou moins long et flexible, dont<br />

l’extrémité peut parfois, comme chez <strong>les</strong> Ancistrocactées, se<br />

recourber en hameçon.<br />

1. L . castle. — Cactaceous planta, their history and culture,<br />

Londres. 1884.


chapitRe xi 309<br />

Un certain nombre de Mamillariées sont inermes, ou <strong>du</strong><br />

moins l’armature épineuse peut être parfois remplacée par<br />

des squames quelque peu parcheminées (Pelecyphora, Ariocarpus).<br />

La sève est limpide chez la plupart des espèces apparte-<br />

nant au groupe des Mamillariées ; néanmoins, elle peut se<br />

montrer lactescente chez un certain nombre de sujets. Ce<br />

caractère a même été jugé suffisant pour motiver une sub-<br />

division dans la série des Eumamillariées et <strong>les</strong> faire répartir<br />

en Hydrochylées et Galactochylées.<br />

Les fleurs sont axillaires, disposées en zones plus ou moins<br />

rapprochées <strong>du</strong> sommet de la plante ; el<strong>les</strong> sont, sauf<br />

quelques exceptions, petites ou tout au plus de grandeur<br />

médiocre ; el<strong>les</strong> sont habituellement nombreuses, diurnes,<br />

et affectent des colorations blanches, jaunes, rouges, roses.<br />

Le tube floral est court, l’ovaire est toujours couvert de<br />

squames et se trouve parfois un peu enfoncé dans la plante.<br />

Lorsque le fruit se développe et approche de la maturité, il<br />

s’allonge, devient saillant en donnant une petite baie plus<br />

ou moins ronde, ovoïde, cylindrique, de couleur rouge ou<br />

rose, quelquefois verdâtre ou jaunâtre.<br />

polymoRphisme. — La variabilité des espèces dans le<br />

groupe des Mamillariées est extrêmement grande ; elle se<br />

manifeste aussi bien chez <strong>les</strong> plantes soumises à la culture<br />

en serre que chez cel<strong>les</strong> qui se rencontrent dans la nature ;<br />

c’est ce qui explique pourquoi une foule d’espèces ont été<br />

décrites plusieurs fois sous des noms différents. Pour donner<br />

un exemple de ce polymorphisme, le D r Weber cite (Dictionnaire<br />

d’Horticulture de Bois) une espèce <strong>du</strong> Texas, le<br />

Neomamillaria spinosissima Britt. et Rose, qui a reçu de la<br />

part des botanistes et des horticulteurs près de soixante<br />

désignations spécifiques.<br />

Cette variabilité, si déconcertante qu’elle puisse être, si<br />

on se place au point de vue de l’identification des espèces,<br />

n’est cependant pas une chose qui doive étonner, car elle<br />

semble bien répondre à une loi naturelle régissant <strong>les</strong> trois


310 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

grands groupes de Cactacées, lorsque leurs représentants<br />

parviennent à un certain degré d’évolution.<br />

Les Mamillariées constituant la forme la plus perfec-<br />

tionnée des Cactacées globuleuses nord-américaines, il est<br />

tout naturel qu’el<strong>les</strong> viennent alors se conformer à ce que<br />

nous montrent <strong>les</strong> Opuntiées avec <strong>les</strong> Nopals, <strong>les</strong> Céréées<br />

avec <strong>les</strong> Cierges serpentins, <strong>les</strong> Echinocactées avec <strong>les</strong> Phymatogoni<br />

et <strong>les</strong> Stenogoni.<br />

modes de pRopagation. — Les Mamillariées ont, dans la<br />

nature, différents moyens de se propager.<br />

Pour <strong>les</strong> espèces à tige simple et érigée, la multiplication<br />

s’opère de la même façon que chez <strong>les</strong> Echinocactées nor-<br />

ma<strong>les</strong>, c’est-à-dire par la simple voie de semis. Pour <strong>les</strong><br />

indivi<strong>du</strong>s à tige rampante, on peut assez souvent observer<br />

des propagations par marcottage naturel, ou encore par<br />

bouturage accidentel (Neomamillaria sphacelata Britt. et<br />

Rose). Chez <strong>les</strong> espèces prolifères, la multiplication peut<br />

s’effectuer par drageonnement et fournir des cas d’auto-<br />

tomie analogues à ceux que l’on constate chez certains<br />

Opuntia (O. fragilis Haw.) ; c’est ce que nous montre d’une<br />

façon bien nette le Neomamillaria gracilis Britt. et Rose,<br />

dont le corps de la plante, au lieu de s’accroître en une tige<br />

unique, se ramifie en une agglomération de petits globu<strong>les</strong><br />

qui se détachent de la souche mère à la moindre secousse et<br />

qui, mis en liberté, vont prendre racine aux endroits où le<br />

hasard des agents de dissémination <strong>les</strong> ont transportés.<br />

Comme, à proprement parler, le groupe des Mamillariées<br />

ne présente pas d’applications économiques bien mar-<br />

quantes, <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> mieux connues ne seront pas<br />

décrites, mais seulement mentionnées avec leur localité<br />

dans <strong>les</strong> subdivisions systématiques qui vont suivre. Cepen-<br />

dant, on s’étendra davantage sur <strong>les</strong> formes aberrantes ou<br />

anorma<strong>les</strong> afin de faire ressortir <strong>les</strong> caractères et <strong>les</strong> parti-<br />

cularités que comporte le groupe le plus évolué des Cactiers<br />

globuleux, qui, grâce à la petitesse de ses représentants, peut<br />

avoir une influence importante dans le rétablissement de la<br />

vie végétale sur le sol des déserts mexicains.


chapitRe xi 311<br />

subdivisions systématiques. — Les Mamillariées se répartissent<br />

dans six séries assez bien délimitées et qui sont<br />

<strong>les</strong> suivantes :<br />

1° Coryphanthées ;<br />

2° Eumamillariées ;<br />

3° Dolichothélées ;<br />

4° Cochemieées ;<br />

5° Pélécyphorées ;<br />

6° Ariocarpées.<br />

Les Coryphantées et <strong>les</strong> Eumamillariées sont <strong>les</strong> formes<br />

<strong>les</strong> mieux caractérisées <strong>du</strong> groupe ; <strong>les</strong> Dolichothélées et <strong>les</strong><br />

Cochemieées se différencient de ces dernières par leur mode<br />

d’inflorescence et par la structure de la tige. Quant aux<br />

Ariocarpées et Pélécyphorées, ce sont des formes inermes<br />

ou à peu près, dont l’armature épineuse est remplacée par<br />

des <strong>du</strong>vets sétacés ou encore par des écail<strong>les</strong> plus ou moins<br />

parcheminées ; ces dernières, dans la classification populaire,<br />

sont rangées parmi le groupe des Peyotes.<br />

A ces six séries, on peut encore en ajouter deux autres<br />

qui, quoique présentant l’allure et le faciès de Mamillariées<br />

norma<strong>les</strong>, s’en écartent cependant par leurs caractères botaniques<br />

: ce sont <strong>les</strong> Epithélanthées et <strong>les</strong> Mamillopsidées ;<br />

ces deux séries, qui ne sont représentées que par une seule<br />

espèce chacune, montrent pour la première un prototype<br />

et pour la seconde la forme la plus évoluée que comporte<br />

le groupe des Mamillariées.<br />

CORYPHANTHÉES<br />

Les Coryphanthées sont caractérisées par une inflorescence<br />

voisine de l’apex, par un sillon qui partage la face supé-<br />

rieure <strong>du</strong> mamelon et reçoit l’aréole aculéifère et l’aréole<br />

florifère. Les différentes espèces de cette série constituent<br />

la transition entre <strong>les</strong> deux groupes des Echinocactées et<br />

Mamillariées.<br />

Les Coryphanthées se répartissent en deux subdivisions :<br />

<strong>les</strong> Aulacothè<strong>les</strong> et <strong>les</strong> Glan<strong>du</strong>lifères.


312 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

coRyphanthées aulacothè<strong>les</strong><br />

Les Aulacothè<strong>les</strong>, ou Coryphanthées proprement dites,<br />

peuvent encore se partager en deux groupements morphologiques<br />

assez distincts :<br />

1° Ceux qui ont des tiges élancées de forme colomnaire,<br />

pourvues de mamelons arrondis, se recouvrant <strong>les</strong> uns <strong>les</strong><br />

autres dans une sorte d’imbrication et dont l’ensemble de<br />

la plante s’accroît de façon à constituer sur le sol des gazonnements<br />

;<br />

2° Ceux dont le corps court offre une structure globulaire<br />

ou conique et dont <strong>les</strong> touffes fournissent plutôt des agglomérations<br />

en masse que de véritab<strong>les</strong> gazonnements.<br />

Les principa<strong>les</strong> espèces de Coryphanthées Aulacothè<strong>les</strong><br />

sont :<br />

Neolloydia conoidea Britt. et Rose. — Sud-est des États-<br />

Unis : Texas ; nord <strong>du</strong> Mexique : États de Nuevo-Leon,<br />

Hidalgo, San Luis Potosi, Coahuila.<br />

Neobesseya missouriensis Britt. et Rose. — États-Unis :<br />

États <strong>du</strong> Missouri, <strong>du</strong> Montana, <strong>du</strong> Nebraska, <strong>du</strong> Dakota<br />

sud, <strong>du</strong> Colorado, etc. ;<br />

Coryphantha cornifera Lemaire. — Espèce très répan<strong>du</strong>e<br />

<strong>du</strong> Nord au Sud <strong>du</strong> Mexique, mais se rencontrant surtout<br />

dans l’État d’Hidalgo à Zimapan, Ixmiquilpan, Actopan,<br />

Cerroventoso, Pachuca, Minerai del Monte ;<br />

C. <strong>du</strong>rangensis Britt. et Rose. — État de Durango : vallée<br />

de Lerdo et rio Nasas ;<br />

C. macromeris Lemaire. — Frontière <strong>du</strong> Mexique et des<br />

États-Unis vers le rio Grande del Norte, dans <strong>les</strong> États <strong>du</strong><br />

Nouveau-Mexique et de Chihuahua.<br />

C. pycnacantha Lemaire. — Vallée de Mexico, État d’Hidalgo<br />

auprès de Pachuca, San Mateo, Atotonileo, Grande<br />

Regla ;<br />

C. Muehlenpfordtii Britt. et Rose. — États-Unis : États<br />

<strong>du</strong> Nouveau-Mexique et <strong>du</strong> Texas ; Mexique : États de<br />

Sonora, Chihuahua, Coahuila ;


chapitRe xi 313<br />

C. sulcolanata Lemaire. — Mexique central et État de<br />

Oaxaca.<br />

C. vivipara Britt. et Rose. — États-Unis : États <strong>du</strong> Texas,<br />

Nevada, Utah, Nouveau-Mexique ; Mexique : État de Chi-<br />

huahua.<br />

coRyphanthées glan<strong>du</strong>liFèRes<br />

Cette subdivision est caractérisée par l’existence de<br />

glandes nectarifères de couleur rouge ou jaunâtre, situées<br />

aux axes des tubercu<strong>les</strong> ou dans <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> comme on<br />

l’observe, à peu de chose près, chez une espèce appartenant<br />

aux Uncinati (Ferocactus Wislizenii Britt. et Rose).<br />

Les principa<strong>les</strong> espèces qui constituent ce groupe sont :<br />

Coryphantha clava Lemaire. — Mexique central : État<br />

d’Hidalgo au Mineral del Doctor ;<br />

C. erecta Lemaire. — Mexique central : État d’Hidalgo à<br />

Ixmiquilpan et Zimapan ;<br />

C. octacantha Britt. et Rose. — Mexique central : État<br />

d’Hidalgo au Real del Monte, Pachuca, Atotonilco ;<br />

C. Ottonis Lemaire. — Mexique central : États de Queretaro<br />

et d’Hidalgo ;<br />

C. raphidacantha Lemaire. — États de Queretaro et de<br />

San Luis Potosi.<br />

EUMAMILLARIÉES<br />

A cette série appartiennent <strong>les</strong> spécimens que l’on consi-<br />

dère comme <strong>les</strong> plus typiques <strong>du</strong> groupe ; ils présentent<br />

comme principal caractère distinctif de posséder des mame-<br />

lons non sillonnés et des fleurs disposées latéralement sur<br />

la tige.<br />

Comme dans la série précédente, on subdivise <strong>les</strong> Euma-<br />

millariées en deux groupes qui sont alors figurés par <strong>les</strong><br />

Hydrochylées et <strong>les</strong> Galactochylées.<br />

Ototonilco -><br />

Atotonilco


314 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

eumamillaRiées hydRochylées<br />

Dans ce groupe qui est nettement caractérisé par l’exis-<br />

tence d’une sève limpide, on range <strong>les</strong> espèces suivantes :<br />

Neomamillaria amoena Britt. et Rose. — États de Mexico,<br />

Hidalgo, Michoacan ;<br />

N. candida Britt. et Rose. — État de San Luis Potosi ;<br />

N. coronaria. — État d’Hidalgo au Real del Monte et à<br />

Atotonilco ;<br />

N. decipiens Britt. et Rose. — Mexique central ;<br />

N. discolor Britt. et Rose. — État de Puebla ;<br />

N. echinaria Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : Puente de<br />

Dios, Mineral del Monte ;<br />

N. glochidiata Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : San Pedro<br />

Nolasco, Ixmiquilpan ; État de Jalisco : environs de Guada-<br />

lajara ;<br />

N. Goodridgei Britt. et Rose. — Basse-Californie ;<br />

N. lasiacantha Britt. et Rose. — États-Unis : États <strong>du</strong><br />

Texas, Arizona ; Mexique : État de Chihuahua ;<br />

N. plumosa Britt. et Rose. — Nord <strong>du</strong> Mexique et Mexique<br />

central : État de Coahuila, État de Nuevo-Leon, région de<br />

Monterey ;<br />

N. polythele Britt. et Rose. — Mexique central : État d’Hidalgo,<br />

Ixmiquilpan ;<br />

N. prolifera Britt. et Rose. — Antil<strong>les</strong> : Cuba ; littoral <strong>du</strong><br />

golfe <strong>du</strong> Mexique, État de Tamaulipas, Rio Grande del Norte,<br />

El Paso, État de Coahuila ;<br />

N. rhodantha Britt. et Rose. — États de Mexico et d’Hidalgo<br />

;<br />

N. Schelhasei Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : Ixmiquilpan,<br />

Actopan ;<br />

N. Schiedeana Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : Barrancas<br />

de Meztitlan ;<br />

N. sphacelata Britt. et Rose. — Mexique central : États de<br />

Puebla, Sonora ;


Hidago -><br />

Hidalgo<br />

chapitRe xi 315<br />

N. spinosissima Britt. et Rose. — États de Morelos et<br />

d’Hidalgo ;<br />

N. tetracantha Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : barrancas<br />

de Meztitlan ;<br />

A. vetula Britt. et Rose. — Mexique central : État d’Hidalgo<br />

;<br />

Phellosperma tetrancistra Britt. et Rose. — États-Unis :<br />

États de Californie et d’Arizona, rios Gila et Colorado.<br />

eumamillaRiées galactochylées<br />

Les Galactochylées se différencient <strong>du</strong> groupe précédent<br />

par une sève lactescente rappelant quelque peu le latex des<br />

Euphorbiacées ou des Asclépiadacées. Les espèces principa<strong>les</strong><br />

appartenant à cette subdivision sont :<br />

Neomamillaria applanata Britt. et Rose. — États-Unis :<br />

États <strong>du</strong> Texas et d’Arizona ; Mexique : Nuevo-Leon, Sonora,<br />

Basse-Californie ;<br />

N. Celsiana Britt. et Rose. — États de San Luis Potosi et<br />

de Mexico ;<br />

N. elegans Britt. et Rose. — Mexique central, États de<br />

Mexico, Hidalgo, Puebla, Oaxaca ;<br />

N. formosa Britt. et Rose. — États de Nuevo-Leon et de<br />

San Luis Potosi ;<br />

N. Karwinskiana Britt. et Rose. — États de Puebla et de<br />

Oaxaca ;<br />

N. magnimamma Britt. et Rose. — Hauts plateaux <strong>du</strong><br />

Mexique central, État d’Hidalgo : Pachuca, San Mateo, Atotonilco,<br />

Grande Regia ; État de Mexico : environs de la capitale,<br />

Tacubaya ;<br />

N. meiacantha Britt. et Rose. — États-Unis : États <strong>du</strong><br />

Texas, Rio Grande, Guadalupe river, et <strong>du</strong> Nouveau-Mexique ;<br />

N. melanocentro Britt. et Rose. — États de Coahuila,<br />

Nuevo-Leon, région de Monterey ;<br />

N. Mystax Britt. et Rose. — États de San Luis Potosi,<br />

d’Hidalgo, de Puebla, de Oaxaca ;


316 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

N. polyedra Britt. et Rose. — États de Oaxaca, de Vera-<br />

Cruz à Jalapa, d’Hidalgo à Zimapan, Ixmiquilpan, Meztitlan ;<br />

N. sempervivi Britt. et Rose. — Mexique central : États<br />

de Queretaro, Hidalgo, San Luis Potosi, Chihuahua.<br />

DOLICHOTHELEES<br />

Cette série a été créée afin de différencier une forme<br />

quelque peu anormale, qui d’un côté se rattache aux Mamil-<br />

lariées par l’absence de sillons sur ses mamelons, et<br />

de l’autre aux Coryphanthées par l’ampleur de sa fleur sur-<br />

gissant au sommet de la plante.<br />

Les Dolichothélées se distinguent cependant assez nette-<br />

ment de ces deux séries entre <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> semblent à<br />

première vue faire la transition, par de longues fleurs avec<br />

pubescence soyeuse ou en aiguil<strong>les</strong>, qui rayonnent sur<br />

l’aréole terminale, et par la structure bien caractéristique<br />

des mamelons qui s’allongent démesurément (4 à 5 centi-<br />

mètres), en prenant alors une conformation digitée.<br />

Une seule espèce est connue jusqu’ici comme repré-<br />

sentant de cette série, c’est le Dolichothele longimamma<br />

Britt. et Rose et sa variété sphærica.<br />

Les formes que l’on a décrites sous <strong>les</strong> noms de Mamillaria<br />

uberiformis Zucc. 1 , M. longimamma gigantothele Berg<br />

et M. longimamma hexacentra Berg, ne sont en réalité,<br />

d’après le D r Weber, que des variétés plus ou moins distinctes<br />

<strong>du</strong> type décrit par le Candolle.<br />

La forme typique se rencontre dans l’État d’Hidalgo,<br />

principalement dans <strong>les</strong> localités de Pachuca, Ixmiquilpan,<br />

Zimapan et, plus au nord, dans <strong>les</strong> barrancas des rios<br />

Grande de Mesillos, d’Aquicaleo. La variété sphærica est<br />

originaire des régions plus septentriona<strong>les</strong> et aussi plus<br />

orienta<strong>les</strong> ; elle habite le Texas et le Tamaulipas, sur le<br />

littoral <strong>du</strong> Golfe <strong>du</strong> Mexique, d’où elle remonte la vallée <strong>du</strong><br />

1. bRitton et Rose (The Cactaceæ, IV, p. 61, Washington, 1923),<br />

considèrent <strong>les</strong> Mamillaria sphærica et uberiformis comme des espèces<br />

distinctes.


chapitRe xi 317<br />

rio Grande del Norte depuis son embouchure jusqu’aux<br />

confins orientaux <strong>du</strong> désert <strong>du</strong> Colorado.<br />

La forme typique ainsi que sa variété contiennent toutes<br />

deux des principes toxiques ou hallucinants, ce qui <strong>les</strong> a<br />

fait comprendre dans le groupe des Peyotes ou, plus exactement,<br />

des Peyotillos.<br />

COCHEMIEÉES<br />

Les Cochemieées rappellent par leur allure générale <strong>les</strong><br />

Coryphanthées Aulacothè<strong>les</strong> à tige colomnaire.<br />

Cette série se caractérise par le longues fleurs rouges<br />

avec étamines incluses ; le fruit est constitué par une baie<br />

rouge, globulaire, quelque peu aplatie à sa partie supé-<br />

rieure. Les tiges sont relativement grê<strong>les</strong> et cylindriques,<br />

el<strong>les</strong> sont garnies de mamelons très petits et très nombreux<br />

donnant émergence à des faisceaux d’aiguillons longs et<br />

glochidiés ; ceux qui occupent la partie centrale sont plus<br />

développés et peuvent atteindre 3 centimètres.<br />

L’espèce typique de la série est le Cochemiea Poselgeri<br />

Britt. et Rose (syn. : C. Roseana Wallon, Mamillaria Poselgeri<br />

Hildmann, M. Roseana Brandegee, M. longihamata<br />

Engelm., M. Radliana Quehl, Cactus Roseanus Coulter).<br />

La série comprend encore trois espèces affines qui peut-<br />

être ne sont que des variétés et que l’on a décrites sous <strong>les</strong><br />

noms de C. Halei Walton, C. setispina Walton, C. Pondii<br />

Walton 1 .<br />

La forme typique <strong>du</strong> Cochemiea Poselgeri se développe<br />

tantôt en tiges érigées d’environ une vingtaine de centi-<br />

mètres de hauteur, tantôt en tiges mol<strong>les</strong> et flagelliformes<br />

pouvant parfois arriver jusqu’à dépasser une élongation<br />

d’un mètre, affectant alors quelque peu l’allure de certains<br />

Cierges serpentins, comme par exemple l’Aporocactus flagelliformis<br />

Lemaire.<br />

1. coulteR. — Preliminary revision of the North American species<br />

of Cactus (Contributions for U.S. national herbarium, vol. 3, p. 105,<br />

1892). — bRandegee, Proceedings of Californian Academy, II, p 161,<br />

1889. — Kate bRandegee, Erythea, V, p. 117.1897. — gReene, Pittonia,<br />

I, p. 268, 1889.


318 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Dans le premier cas, <strong>les</strong> touffes assez bien fournies<br />

forment sur <strong>les</strong> surfaces planes des tapis cespiteux parfois<br />

assez éten<strong>du</strong>s (fig. 84), dans le second cas, ces touffes,<br />

ré<strong>du</strong>ites à quelques tiges, rampent ou pendent le long des<br />

déclivités (fig. 85).<br />

C’est une espèce plutôt saxicole paraissant préférer, pour<br />

sa végétation, <strong>les</strong> roches où se trouvent des dépôts de<br />

guano. Ainsi que le Machærocereus gummosus Britt. et<br />

Rose qui vit dans la même région, cette Mamillariée affecte<br />

de préférence comme habitat le voisinage de la mer.<br />

La répartition géographique <strong>du</strong> Cochemiea Poselgeri, de<br />

même que celle de ses espèces affines, ne comprend jusqu’ici<br />

que <strong>les</strong> deux versants de la Basse-Californie et ses î<strong>les</strong><br />

côtières. Sur le versant occidental, il a été signalé à San<br />

Borga, au cañon de San Julio et dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong> fermant la<br />

baie de Sebastiano Vizcaino. Sur le versant oriental, on le<br />

rencontre de place en place dans la partie côtière comprise<br />

entre Loreto et le cap San Lucas ainsi que dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong><br />

Carmen, San José, Espiritu-Santo, Ceralbo.<br />

A la série des Cochimieées, on avait encore rattaché le<br />

Mamillaria senilis Loddiges, espèce curieuse et aberrante,<br />

croissant sur <strong>les</strong> sommets élevés de la Sierra Madré <strong>du</strong> ver-<br />

sant occidental <strong>du</strong> Mexique ; mais cette dernière a été retirée<br />

de la série pour être, comme on le verra plus loin, reportée<br />

dans un groupement particulier : Mamillopsis.<br />

Le terme Cochemiea, donné par Walton, vient de Cochimi<br />

qui était le nom d’une tribu indienne aujourd’hui disparue,<br />

qui occupait jadis une grande partie de la péninsule cali-<br />

fornienne.<br />

PÉLECYPHORÉES<br />

La série des Pélécyphorées est représentée par une seule<br />

espèce facilement reconnaissable à son faciès particulier,<br />

c’est le P. aselliformis Ehrenb. (syn. : Mamillaria aselliformis<br />

Monv., Anhalonium aselliforme Web., Ariocarpus<br />

aselliformis Web.).<br />

Cette Mamillariée est de dimension ré<strong>du</strong>ite (8 à 10 centi-


Fig. 84. — Cochemiea Poselgeri Britt. et Rose.<br />

Forme gazonnante croissant sur le sommet d’un îlot volcanique.<br />

Île San Jose (Golfe de Californie),


320 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

mètres de hauteur) ; elle présente une tige subglobuleuse<br />

devenant claviforme avec l’âge. D’abord simple, cette tige<br />

devient rameuse ou plutôt multiple à sa base ; lorsque la<br />

plante prend de l’accroissement, elle se ramifie et donne<br />

alors des rejets venant surgir au sommet <strong>du</strong> pivot radi-<br />

culaire. La tige <strong>du</strong> P. aselliformis donne naissance à des<br />

mamelons comprimés, à base rhomboïdale, très rapprochés<br />

<strong>les</strong> uns des autres et implantés en série spiralée ; l’aisselle<br />

de ces mamelons est, au début, garnie d’un tomentum ca<strong>du</strong>c<br />

s’éliminant peu à peu de lui-même à mesure que <strong>les</strong> parties<br />

subadjacentes tendent à se fortifier. Ces mamelons sont<br />

pourvus à leur sommet d’une aréole aplatie, squameuse,<br />

partagée dans le sens de sa longueur par un sillon sur lequel<br />

prennent naissance des rudiments d’aiguillons soudés <strong>les</strong><br />

uns aux autres en affectant le dispositif d’une barbe de<br />

plume et dont l’extrémité libre vient former des franges ou<br />

des dentelures aux contours de cette aréole. Cette confor-<br />

mation tout à fait particulière de l’aréole, recouvrant en<br />

grande partie le sommet <strong>du</strong> mamelon, donne à la plante un<br />

aspect étrange qui la fait paraître comme recouverte d’une<br />

multitude de Cloportes, ce qui, <strong>du</strong> reste, lui a valu la spéci-<br />

fication bien explicite d’aselliformis. La fleur de cette Mamillariée<br />

surgit entre <strong>les</strong> mamelons <strong>du</strong> sommet ; elle est rela-<br />

tivement grande et donne un épanouissement corollaire de<br />

2 à 3 centimètres ; elle est bicolore, <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> externes sont<br />

blancs ou rosés, <strong>les</strong> internes rose violacé, <strong>les</strong> anthères sont<br />

orangées et <strong>les</strong> stigmates blancs. Le fruit consiste en une<br />

baie fusiforme de couleur rose, à épiderme mince se rom-<br />

pant facilement à maturité en laissant échapper <strong>les</strong> graines,<br />

qui sont réniformes et de couleur noire.<br />

Comme répartition géographique, cette espèce se ren-<br />

contre dans <strong>les</strong> États de Nuevo-Leon et de San Luis Potosi ;<br />

dans cette dernière province, elle a été signalée par le<br />

D r Weber comme assez répan<strong>du</strong>e dans le Valle del Maiz.<br />

A la série des Pélécyphorées, on avait encore ajouté une<br />

autre espèce qui, par son apparence extérieure, semblait<br />

devoir s’y rattacher et qu’en horticulture on avait désignée<br />

provisoirement sous le nom de P. aselliformis variété pecti-


nata Nichols ; Stein 1 l’avait même décrite sous le nom de<br />

P. pectinata Stein.<br />

Le D r Weber a démontré que cette forme, qu’il a appelée<br />

Mamillaria pectinifera Web., avait bien, grâce à la confor-<br />

Fig. 85. — Cochemiea Poselgeri Britt. et Rose.<br />

Forme rampante croissant sur un rocher.<br />

mation de ses faisceaux épineux, le faciès d’un Pelecyphora,<br />

mais qu’elle s’en éloignait totalement par ses caractères<br />

botaniques.<br />

1. Gartenflora, XXXIV, p. 23, 1885.<br />

21<br />

Île San Jose (Golfe de Californie).


322 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Britton et Rose 1 en ont l’ait le type d’un genre spécial :<br />

Solisia.<br />

ARIOCARPÉES<br />

Les Ariocarpées correspondent dans le groupe des Mamil-<br />

lariées à ce que, chez <strong>les</strong> Echinocactées, sont <strong>les</strong> Lopho-<br />

phorées.<br />

La dénomination d’Ariocarpus, créée par Scheidweiler,<br />

doit avoir la priorité sur celle d’Anhalonium préconisée par<br />

Lemaire, quoique cette dernière ait été plus couramment<br />

employée, car la première tut publiée un an avant la<br />

seconde 2 .<br />

Entre la série appartenant aux Mamillariées et celle<br />

appartenant aux Echinocactées, il existe de très grandes<br />

analogies comme structure de tige et comme biologie, ce qui<br />

<strong>les</strong> a fait souvent confondre et réunir dans le même grou-<br />

pement, quoique leurs caractères botaniques soient suffi-<br />

samment tranchés pour ne pas permettre d’hésitation sur<br />

leur répartition dans le groupe qui leur convient.<br />

Chez <strong>les</strong> Ariocarpées, le bourgeon floral est axillaire au<br />

lieu d’être interaréolaire, comme c’est la caractéristique des<br />

Lophophorées.<br />

En somme, ces Ariocarpées font constater chez un groupe<br />

de formes inermes et aberrantes <strong>les</strong> mêmes faits d’évo-<br />

lution observés entre Echinocactées et Mamillariées présen-<br />

tant <strong>les</strong> formes classiques des deux groupes.<br />

La classification populaire considère <strong>les</strong> Ariocarpées<br />

comme étant des formes bien typiques de Peyotes, <strong>les</strong> deux<br />

offrant une structure de tige analogue, c’est-à-dire con-<br />

stituée par une tige souterraine soit napiforme, soit tur-<br />

binée, couronnée à sa partie émergeant <strong>du</strong> sol par une<br />

1. The Cactaceæ, IV, p. 64, Washington, 1923.<br />

2. M. scheidweileR. — Descriptio diagnostica novarum cactearum<br />

quæ a domino Galeotti, in provincia Potosi et Guanajuato regni<br />

mexicani inveninntur (Bulletin de l’Académie royale des Sciences et<br />

Bel<strong>les</strong>-Lettres de Bruxel<strong>les</strong>, p. 491, 1838). — C. lemaiRe, Cactearum<br />

genera nova, speciesque novæ, etc… p. 1 et 102, Paris, 1839.


chapitRe xi 323<br />

rosace de mamelons, conditions qui permettent à la plante,<br />

inerme, de se soustraire aux effets désastreux de la grande<br />

sécheresse par le mécanisme d’un enfouissement spontané<br />

dans le sol.<br />

De plus, tous ou presque tous <strong>les</strong> sujets représentant ces<br />

deux séries de groupes différents, sont réputés comme<br />

renfermant des principes actifs plus ou moins analogues à<br />

ceux <strong>du</strong> Lophophora Williamsii Coulter, qui est le type le<br />

plus fameux de ce groupement vernaculaire.<br />

Les Ariocarpus se caractérisent par le sommet de leur<br />

tige portant une rosace de mamelons constituée par des<br />

saillies foliacées qui, à l’exception d’une seule espèce, offrent<br />

toujours une aréole inerme tellement ré<strong>du</strong>ite et tellement<br />

peu visible qu’elle paraît faire défaut, caractère qui a motivé<br />

au groupe de ces plantes le nom d’Anhalonium. Ces saillies<br />

foliacées, entre <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> surgit toujours le bouton floral,<br />

sont plus ou moins triangulaires ou polyédriques ; el<strong>les</strong><br />

ressemblent assez à cel<strong>les</strong> de certains spécimens appar-<br />

tenant à la famille des Crassulacées, tels que par exemple<br />

<strong>les</strong> Joubarbes ou Sempervivum. Les fleurs sortent <strong>du</strong> vertex<br />

laineux de la plante ; el<strong>les</strong> sont axillaires ou supra-axillaires,<br />

de couleur blanche, rouge ou pourpre, de forme subcam-<br />

panulée, à tube court et nu.<br />

La série des Ariocarpées comprend cinq espèces bien<br />

définies qui sont :<br />

Ariocarpus fissuratus Schum. (syn. : A. Lloydii Rose,<br />

Mamillaria fissurata Engelm., Anhalonium Engelmannii<br />

Lemaire, A. fissuratum Engelm. — Celte espèce est bien<br />

caractérisée : elle présente une partie supérieure de tige<br />

subglobuleuse dont le diamètre varie entre 10 et 20 centi-<br />

mètres. Elle offre des mamelons de couleur vert foncé ou<br />

grisâtre, qui sont sillonnés sur leur face supérieure ; l’épi-<br />

derme qui <strong>les</strong> recouvre est chagriné ou crustacé, leur<br />

aisselle est laineuse. Les fleurs sont roses, supra-axillaires,<br />

d’environ 4 centimètres.<br />

Cette Mamillariée se rencontre dans <strong>les</strong> terrains allu-<br />

vionnaires des plaines désertiques <strong>du</strong> Texas occidental et


324 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

au nord des États de Zacatecas et Coahuila ; elle est désignée<br />

par <strong>les</strong> Américains sous le nom vulgaire de Living rock, nom<br />

que lui a valu sa forme irrégulière et sa couleur obscure<br />

qui lui donnent, à première vue, l’aspect d’une pierre<br />

rugueuse émergeant <strong>du</strong> sol.<br />

Ariocarpus Kotschoubeyanus Schum. (syn. : A. sulcatus<br />

Schum., Anhalonium sulcatum Salm-Dyck, A. Kotschoubeyanum<br />

Lemaire, A. fissipe<strong>du</strong>m Monv., Cactus Kotschoubeyi<br />

O. Ktze., Stromatocactus Kotschoubeyi Karw.). —<br />

Cette espèce est une forme de petite dimension (3 à 4 centimètres),<br />

offrant des mamelons triquètres, grisâtres, à<br />

aisselle laineuse, disposés en série spiralée, partagés par un<br />

sillon laineux, profond, à bords nets et d’apparence cornée<br />

qui donne à ces mamelons l’aspect d’un pied de biche, d’où<br />

vient le nom indigène de Pezuna de venado, donné à la<br />

plante.<br />

La tige souterraine est turbinée ; la fleur est rouge, assez<br />

grande par rapport à l’exiguïté de la plante.<br />

Cette espèce, rapportée pour la première fois en 1845 par<br />

Karwinski, fut rencontrée par ce voyageur naturaliste dans<br />

l’État de San Luis Potosi au nord de Matahuela (partido<br />

de Catorce) ; elle fut depuis retrouvée par le Dr Weber dans<br />

la même localité.<br />

Ariocarpus retusus Scheidw. (syn. : Anhalonium retusum<br />

Salm-Dyck, A. prismaticum Lemaire, A. areolosum Lemaire,<br />

Mamillaria aloides Monv., M. furfuracea Wats., Cactus<br />

prismaticus O. Ktze.). — Cette espèce, dont la tige souterraine<br />

est constituée par un fort pivot gorgé d’un suc mucilagineux<br />

épais, donne naissance dans ses parties aériennes<br />

à une rosace de 12 à 15 centimètres de diamètre formée par<br />

des mamelons trièdres, sillonnés, terminés par une pointe<br />

cornée.<br />

Cette Mamillariée ressemble à une Joubarbe, ou, mieux,<br />

à une forme curieuse d’Aloïnée <strong>du</strong> sud de l’Afrique (Haworthia<br />

retusa Haw.), similitude morphologique qui lui avait<br />

valu d’être inscrite dans le catalogue de la collection Monville<br />

sous le nom provisoire de Mamillaria aloides.


chapitRe xi 325<br />

La partie acuminée des mamelons porte une aréole ovale<br />

habituellement ca<strong>du</strong>que, mais qui, parfois, peut persister.<br />

Les aissel<strong>les</strong> des mamelons sont garnies de laine blanche<br />

assez abondante. Les fleurs, d’un diamètre de 5 centimètres,<br />

sont blanches et <strong>du</strong>rent plusieurs jours épanouies. Le fruit<br />

est ovoïde ; il varie comme couleur <strong>du</strong> blanc au rose vif et<br />

a, comme diamètre maximum, 2 centimètres.<br />

L’A. retusus, qui servit de type pour le genre Ariocarpus,<br />

fut rapporté pour la première fois en Europe par Galeotti.<br />

Cette Mamillariée est désignée par <strong>les</strong> Américains sous le<br />

nom vulgaire de Cobbler’s thumb, et par <strong>les</strong> indigènes mexicains<br />

sous celui de Chaucle, désignations qui paraissent l’une<br />

et l’autre faire allusion à la forme des mamelons.<br />

Les Mexicains emploient cette Cactacée dans leur méde-<br />

cine populaire et la préconisent, dit-on, pour combattre <strong>les</strong><br />

effets <strong>du</strong> paludisme.<br />

Cette espèce se rencontre principalement dans <strong>les</strong> États<br />

de Coahuila et San Luis Potosi ; dans ce dernier, on la si-<br />

gnale à la Rinconada, à Carneros, au Saltillo, et auprès de<br />

la ville de San Luis Potosi.<br />

Ariocarpus trigonus Schum. (syn. : Anhalonium trigonum<br />

Web.). — C’est une espèce voisine de l’A. retusus Scheidw.,<br />

mais qui s’en différencie à première vue par une moindre<br />

dimension (10 centimètres) et par des mamelons érigés,<br />

acuminés, triangulaires, non rétus, longs de 3 centimètres<br />

sur une épaisseur de 5 millimètres, terminés par une pointe<br />

cornée, avec une aréole très petite.<br />

On rencontre cette espèce, d’après le D r Weber, dans<br />

l’État de Nuevo-Leon, au nord de Monterey, sur <strong>les</strong> collines<br />

calcaires depuis Marin jusqu’à Ramos et Papagallos.<br />

Strombocactus disciformis Britt. et Rose (syn. : Anhalonium<br />

turbiniforme Web., Echinocactus helianthodiscus<br />

Lem., E. turbiniformis Pfeiff., E. disciformis Schum.,<br />

Mamillaria disciformis DC., M. turbinata Hook., Cactus turbinatus<br />

O. Ktze., C. disciformis O. Ktze., Echinofossulocactus<br />

turbiniformis Lawrence.) — Cette espèce, ainsi que


326 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

le démontre sa nombreuse synonymie, donna lieu à bien des<br />

controverses sur la place qu’elle devait occuper.<br />

Le S. disciformis présente une conformation de tige assez<br />

singulière ; cette dernière est discoïde ou, mieux, turbinée ;<br />

<strong>les</strong> mamelons qui recouvrent sa partie aérienne sont polyé-<br />

driques à leur base et disposés en spirale. Ces mamelons,<br />

peu élevés, portent à leur sommet une petite aréole accom-<br />

pagnée de quelques aiguillons sétacés de couleur grisâtre<br />

qui sont ca<strong>du</strong>cs et s’éliminent spontanément lorsque le<br />

mamelon vieillit.<br />

Cette Mamillariée, qui fut trouvée en 1829 par Coulter, se<br />

rencontre dans l’État d’Hidalgo à Ixmiquilpan et à San<br />

Pedrito de los Ange<strong>les</strong>.<br />

A côté de ces formes aberrantes dans la morphologie<br />

générale des Mamillariées, il y en a d’autres qui, quoique<br />

présentant à première vue l’aspect typique de ce groupe,<br />

s’en écartent très notablement lorsqu’on <strong>les</strong> envisage d’après<br />

leurs caractères botaniques, tels sont l’Epithelantha micromeris<br />

Web. et le Mamillopsis senilis Web. Les caractères<br />

botaniques que ces curieux spécimens viennent présenter<br />

sont suffisants, selon le D r Weber, pour permettre de<br />

<strong>les</strong> ranger dans des groupements spéciaux. Le Mamillaria<br />

micromeris Engelm. constituerait alors le type <strong>du</strong> genre<br />

Epithelantha Web., et le Mamillaria senilis Loddiges, celui<br />

des Mamillopsis Web.<br />

Ces deux formes anorma<strong>les</strong> occupent des situations très<br />

différentes dans le tableau philogénique <strong>du</strong> groupe auquel<br />

el<strong>les</strong> se rattachent. Le premier, qui est une espèce déser-<br />

ticole, représenterait plutôt un prototype <strong>du</strong> genre, tandis<br />

que le second, qui est sylvicole, en serait le type le plus<br />

évolué.<br />

Epithelantha micromeris Web. (syn. : Mamillaria micromeris<br />

Engelm., Cactus micromeris O. Ktze., Echinocactus<br />

micromeris Web., Mamillaria Greggii Safford, Pelecyphora<br />

micromeris Poselger et Hildmann.) — Cette espèce, qui est<br />

une forme incertaine entre <strong>les</strong> Echinocactées et <strong>les</strong> Mamil-<br />

lariées, fut tour à tour rangée dans l’un et l’autre de ces


chapitRe xi 327<br />

groupes. La position aréolaire de ses fleurs, c’est-à-dire au<br />

sommet des jeunes mamelons et non à leur aisselle, en font<br />

une Echinocactée, mais sa forme globuleuse avec mamelons<br />

très petits, verruqueux, très rapprochés, à aréo<strong>les</strong> laineuses<br />

dans leur jeunesse et aiguillons nombreux, en font une<br />

Mamillariée ; aussi certains auteurs la rangent-ils parmi <strong>les</strong><br />

Eumamillariées Hydrochylées.<br />

L’Epithelantha micromeris est une petite espèce de 2 à<br />

3 centimètres, de forme globuleuse aplatie, présentant des<br />

mamelons très ré<strong>du</strong>its, verruqueux, très rapprochés, avec<br />

une aréole laineuse au début, mais devenant dans la suite<br />

glabre ; <strong>les</strong> aiguillons sont abondants, sétacés, blancs, plus<br />

longs et plus compacts sur <strong>les</strong> jeunes aréo<strong>les</strong> florifères. Les<br />

fleurs, petites, de couleur rose, apico<strong>les</strong>, sont insérées au<br />

sommet des jeunes mamelons et non à leur aisselle.<br />

Cette espèce se rencontre au Mexique, dans <strong>les</strong> États de<br />

Coahuila et de Chihuahua ; aux États-Unis, dans le Texas<br />

où on la signale sur <strong>les</strong> sommets et <strong>les</strong> versants des mon-<br />

tagnes avoisinant le Val Verde et El Paso del Norte.<br />

Mamillopsis senilis Web. (syn. : Mamillaria senilis<br />

Loddiges, Cactus senilis O. Ktze.). — Cette espèce, très remarquable<br />

par son bel aspect, possède une tige ellipsoïde, d’un<br />

vert clair, de 10 à 15 centimètres de long, subprolifère ; <strong>les</strong><br />

mamelons sont à aisselle glabre, de forme conique obtuse,<br />

avec aréo<strong>les</strong> tomenteuses. Les aiguillons donnent à cette<br />

Mamillariée un caractère très particulier qui la font faci-<br />

lement reconnaître ; ils sont longs de 2 à 5 centimètres, cri-<br />

niformes, blancs, flexib<strong>les</strong>, extrêmement abondants et s’en-<br />

trecroisent entre eux ; ceux qui occupent le centre <strong>du</strong> fais-<br />

ceau épineux sont un peu plus forts et présentent une ter-<br />

minaison franchement glochidiée. Ces aiguillons constituent<br />

autour de la tige une sorte de fourrure d’un blanc neigeux<br />

recouvrant complètement sa partie supérieure, ce qui a fait<br />

dire à Van Houtte 1 que c’était « la plus vêtue des Mamil-<br />

1. L. van houtte. — Flore des serres et des jardins de l’Europe, XXI,<br />

p. 27, 1875.


328 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

laires et que son manteau d’hermine était si épais que l’on<br />

pouvait difficilement juger de sa structure sous-jacente ».<br />

Lorsque ces aiguillons se dessèchent et tombent, ils arrivent<br />

à former sur <strong>les</strong> surfaces rocheuses un tapis feutré adhé-<br />

rent, qui permet à la plante de développer ses racines et<br />

d’utiliser ainsi ses propres déchets.<br />

La fleur <strong>du</strong> Mamillopsis est grande, rouge orangé ou<br />

violacée ; elle a une longueur de 6 à 7 centimètres avec un<br />

épanouissement corollaire à peu près égal en diamètre. Elle<br />

diffère de celle des autres espèces appartenant au même<br />

groupe par son tube allongé et squameux, par son limbe<br />

hypocratériforme, par ses étamines fasciculées, insérées en<br />

partie sur le tube. Cette fleur reste épanouie pendant plu-<br />

sieurs jours sans se refermer la nuit.<br />

Cette Mamillariée croît toujours au voisinage des crêtes<br />

montagneuses, à une altitude de 2.500 à 3.000 mètres ; sur<br />

ces stations exposées aux grandes lumières, aux frimas<br />

assez intenses et à une humidité à peu près constante, elle<br />

se développe soit en larges touffes gazonnantes, soit en<br />

agglomérations globuleuses, dans <strong>les</strong> concavités ou anfrac-<br />

tuosités des roches granitiques qu’el<strong>les</strong> finissent par combler<br />

d’un tapissement mousseux blanc argenté.<br />

Cette espèce, qui est exclusivement sylvicole, est remar-<br />

quable par son adaptation particulière au régime clima-<br />

tique qu’elle rencontre à ces altitudes où, au Mexique, ne<br />

croissent guère, comme essences forestières spontanées, que<br />

<strong>les</strong> Chênes et <strong>les</strong> Pins.<br />

Les régions de cet habitat sont, pendant une grande partie<br />

de l’année, exposées à des brumes et à des condensations<br />

de rosées souvent glacées, passagères il est vrai, mais cepen-<br />

dant assez fréquentes en saison sèche ; l’hiver à des gelées<br />

subites et même à de la neige, l’été à des pluies journalières<br />

orageuses et torrentiel<strong>les</strong>.<br />

Quoique certaines espèces d’Echinocereus, de Mamillariées,<br />

de Platyopuntia nains, puissent végéter vigoureusement<br />

sous des régimes climatiques souvent assez rigoureux,<br />

aucun de ces derniers ne paraît aussi bien agencé que le<br />

Mamillopsis senilis pour répondre aux conditions spécia<strong>les</strong>


chapitRe xi 329<br />

de la forêt des terres froides mexicaines. L’adaptation com-<br />

plète de cette plante à un tel milieu paraît <strong>du</strong>e en grande<br />

partie au dispositif singulier de ses aiguillons, qui vient<br />

constituer, autour des tiges et même des racines, une épaisse<br />

fourrure créant alors une ambiance suffisamment bien<br />

conditionnée pour soustraire l’ensemble de la plante aux<br />

influences extérieures.<br />

L’aire d’extension <strong>du</strong> Mamillopsis senilis ne paraît comprendre<br />

que <strong>les</strong> crêtes élevées de la Cordillière occidentale<br />

<strong>du</strong> Mexique ; <strong>du</strong> moins cette espèce, assez peu connue, n’a<br />

jusqu’ici été signalée qu’à la Sierra Madre de Durango et<br />

de Chihuahua, à la Sierra <strong>du</strong> Nayarit (Jalisco) et à la Sierra<br />

de Pluma (Oaxaca) 1 .<br />

considéRations suR l’habitat et la biologie des <strong>cactacées</strong><br />

globuleuses mexicaines. — Pour terminer ce qui est<br />

elatif à ces formes de Cactacées à tiges dépourvues d’ossature<br />

ligneuse interne, il est intéressant de faire ressortir par une<br />

comparaison biologique <strong>les</strong> adaptations climatiques et topo-<br />

graphiques que la nature semble avoir assignées aux Echi-<br />

nocactées et aux Mamillariées.<br />

Les Echinocactées sont toutes, <strong>du</strong> moins dans <strong>les</strong> formes<br />

norma<strong>les</strong>, des types confinés exclusivement aux terres<br />

chaudes ou tempérées ; aussi ne <strong>les</strong> voit-on pas, à part de<br />

très rares exceptions, étendre leur aire de dispersion à des<br />

altitudes trop élevées, ainsi qu’à des régions où parfois des<br />

frimas rigoureux peuvent régner pendant un certain temps.<br />

Ce sont des plantes xérophi<strong>les</strong>, pouvant atteindre parfois<br />

de très fortes proportions, qui se sont simplement adaptées<br />

à des climats désertiques toujours assez réguliers, comme<br />

ceux que l’on rencontre dans <strong>les</strong> steppes des plateaux de<br />

moyenne élévation et des plaines basses des régions tropi-<br />

ca<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong>, régions où pendant l’été la saison<br />

pluviale peut se manifester seulement par quelques rares<br />

et violents orages.<br />

Les Mamillariées, au contraire, sont pour la plupart de<br />

1. .J. G. oRtega l’a récolté en 1921 à la Sierra de Chabarra (Sinaloa).


330 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

très petits spécimens ; ils sont surtout originaires des pla-<br />

teaux centraux et septentrionaux <strong>du</strong> Mexique, ainsi que<br />

des plaines et montagnes rocheuses <strong>du</strong> sud des États-Unis,<br />

d’où ils semblent avoir émigré pour venir rayonner d’un<br />

côté sur la zone propre aux Echinocactées, d’un autre sur<br />

ces sommets et ces plaines alluvionnaires correspondant à<br />

ce que l’on appelle au Mexique <strong>les</strong> terres froides. Leur point<br />

de départ appartient donc alors en grande partie à ce do-<br />

maine où <strong>les</strong> Platyopuntia arborescents arrivent parfois à<br />

constituer d’épais bosquets, lequel est en même temps l’ha-<br />

bitat exclusif de ces Sténocactées et que l’on considère<br />

comme <strong>les</strong> termes de transition entre <strong>les</strong> Echinocactées et<br />

<strong>les</strong> Mamillariées, <strong>du</strong> moins quant à leurs formes norma<strong>les</strong>.<br />

En résumé, l’aire de dispersion géographique des Mamil-<br />

lariées est, comme on l’a vu au début de ce chapitre, confinée<br />

à l’Amérique septentrionale et centrale, y compris <strong>les</strong><br />

Antil<strong>les</strong> ; elle comprend alors comme limite extrême la zone<br />

à climat assez régulier des Echinocactées nord-américaines<br />

et celle parfois assez froide où <strong>les</strong> Platyopuntia n’arrivent<br />

plus à être représentées que par leurs formes plus ou moins<br />

atrophiées que l’on désigne vulgairement sous le nom de<br />

Nopa<strong>les</strong> rastreros.<br />

Un bon nombre d’espèces appartenant aux types nor-<br />

maux de Mamillariées peuvent supporter des climats à la<br />

fois chauds, froids et assez humides, sans que leur végéta-<br />

tion paraisse en souffrir d’une façon bien appréciable. Aussi<br />

ces derniers ont-ils pu jusqu’à un certain point végéter<br />

convenablement en pleine terre sous le régime climatique<br />

de l’Europe centrale, à la condition toutefois que le sol soit<br />

parfaitement drainé et exempt d’humidité stagnante. Par<br />

contre, certaines autres espèces appartenant pour la plu-<br />

part au groupe des formes aberrantes se sont tellement<br />

adaptées à des modes d’existence si spécialisés, qu’il est<br />

impossible, même dans leur pays d’origine, de <strong>les</strong> conserver<br />

en végétation lorsqu’on <strong>les</strong> transporte en dehors de leur<br />

milieu d’élection. Aussi ces dernières ont-el<strong>les</strong> été consi-<br />

dérées comme incultivab<strong>les</strong> si on ne leur fournit des condi-<br />

tions rigoureusement identiques à cel<strong>les</strong> qu’el<strong>les</strong> rencontrent


chapitRe xi 331<br />

dans la nature, à moins cependant qu’on y supplée par un<br />

artifice de l’horticulture tel, par exemple, que le greffage<br />

sur une Cactacée plus indifférente aux influences externes.<br />

Cela a réussi pour le Mamillaria senilis Web. qu’on a pu<br />

amener ainsi à bonne floraison en employant comme porte-<br />

greffe le Nyctocereus serpentinus Britt. et Rose.<br />

Pour <strong>les</strong> formes foncièrement désertico<strong>les</strong> comme la plu-<br />

part des Peyotes et des Peyotillos, il a fallu, pour une bonne<br />

réussite dans <strong>les</strong> entreprises de culture horticole, leur<br />

fournir un sol très meuble, très sec, et, de plus, donner à<br />

ces derniers une bonne chaleur de fond, afin qu’ils puissent<br />

retrouver là toutes <strong>les</strong> conditions vita<strong>les</strong> auxquel<strong>les</strong> ils ont<br />

été astreints par l’inclémence d’une nature soumise aux<br />

rigueurs d’une sécheresse excessive.<br />

L’exposé de ces quelques faits montre bien au point de<br />

vue biologique la différence qui existe entre <strong>les</strong> deux groupes<br />

de Cactiers globuleux sur le territoire mexicain.<br />

En résumé, <strong>les</strong> Echinocactées représentent la forme ances-<br />

trale qui s’est cantonnée dans <strong>les</strong> limites des climats régu-<br />

lièrement chauds et secs, tandis que <strong>les</strong> Mamillariées qui<br />

en dérivent ont acquis, par le fait de l’évolution, une consti-<br />

tution leur permettant d’étendre leur action aux régimes<br />

<strong>les</strong> plus variés et <strong>les</strong> plus dissemblab<strong>les</strong>, résultat qui pro-<br />

portionne à ces humb<strong>les</strong> représentants de la famille des<br />

Cactacées, la faculté de remplir un rôle de pionnier dans<br />

l’oeuvre de conquête et de fertilisation des terrains réfrac-<br />

taires à la végétation.


CHAPITRE XII<br />

EMPLOI DES CACTACÉES DANS LES CLÔTURES<br />

Généralités et avantages.— Opuntiées.— Pereskiopsis.— Céréées.<br />

— Clôtures mixtes. — Plantation d’une haie de Cactacées. —<br />

Cactacées servant de protection pour <strong>les</strong> crêtes des murs, <strong>les</strong><br />

toits des habitations, <strong>les</strong> champs ensemencés, <strong>les</strong> étab<strong>les</strong>.<br />

Les clôtures de propriétés à l’aide de haies de Cactacées<br />

sont couramment usitées au Mexique, principalement par<br />

<strong>les</strong> populations résidant sur <strong>les</strong> territoires sujets à des<br />

sécheresses de longue <strong>du</strong>rée.<br />

Le recours aux Cactacées pour la clôture des champs et<br />

des propriétés offre de précieux avantages, car non seule-<br />

ment ces plantes grasses fournissent des haies vives de<br />

très longue <strong>du</strong>rée, suffisamment défensives et bien impéné-<br />

trab<strong>les</strong>, mais encore el<strong>les</strong> font bénéficier <strong>les</strong> surfaces qu’el<strong>les</strong><br />

délimitent, de tous <strong>les</strong> profits que <strong>les</strong> Cactacées sont suscep-<br />

tib<strong>les</strong> d’apporter sur <strong>les</strong> terrains condamnés à l’aridité, ainsi<br />

que cela a été exposé au chapitre concernant le rôle des<br />

Cactacées dans la conquête végétale des déserts.<br />

De plus, grâce à la grande quantité de liquide dont sont<br />

gorgés leurs tissus, ces plantes grasses, lorsqu’el<strong>les</strong> sont<br />

disposées en alignements réguliers, se montrent très effi-<br />

caces pour opposer une barrière à la propagation des incen-<br />

dies dans <strong>les</strong> villages indigènes, où <strong>les</strong> habitations sont habi-<br />

tuellement rapprochées et parfois couvertes en chaume.<br />

Un fait certain et qui a été confirmé par l’expérience,<br />

c’est que <strong>les</strong> groupements de Cactacées résistent très bien à<br />

l’effet <strong>du</strong> feu pendant un temps assez prolongé, et cela sans<br />

que leur vitalité en soit compromise. Aussi a-t-on, à plu-<br />

sieurs reprises, proposé pour le littoral méditerranéen où


334 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

le Figuier de Barbarie s’est si bien naturalisé, d’avoir recours<br />

à cette plante pour établir des haies en cloisonnement<br />

au sein des forêts et des plantations de Pins, afin de pré-<br />

venir, dans une certaine mesure, <strong>les</strong> dévastations causées<br />

par <strong>les</strong> incendies aux moments de sécheresse.<br />

Quant à ce qui est des clôtures de Cactacées en pays<br />

arides où <strong>les</strong> pluies sont rares et où l’on maintient <strong>les</strong> cul-<br />

tures à l’aide d’irrigations, il est facile de concevoir que ce<br />

genre de clôture ne peut avoir qu’une influence heureuse.<br />

Car, en plus de l’ombre qu’el<strong>les</strong> peuvent fournir pendant<br />

quelques heures de la journée, ces haies vives s’opposent<br />

aux courants aériens sur <strong>les</strong> surfaces plus ou moins éten-<br />

<strong>du</strong>es qu’el<strong>les</strong> entourent, provoquant ainsi une stagnation de<br />

l’état hygrométrique de l’atmosphère, condition d’où forcé-<br />

ment résulteront des condensations de rosées aux heures<br />

où <strong>les</strong> effets <strong>du</strong> rayonnement nocturne viendront à se faire<br />

sentir.<br />

Toutes <strong>les</strong> espèces de Cactacées ne peuvent évidemment<br />

convenir à donner des sujets propres à constituer de bonnes<br />

clôtures ; il faut en premier lieu qu’el<strong>les</strong> soient susceptib<strong>les</strong><br />

d’acquérir une certaine élévation, qu’el<strong>les</strong> soient de crois-<br />

sance relativement rapide et, de plus, suffisamment rus-<br />

tiques pour résister aux causes habituel<strong>les</strong> de destruction.<br />

Aussi ces conditions ne peuvent guère être bien réalisées<br />

qu’avec certains spécimens appartenant aux Opuntiées et<br />

Céréées.<br />

clôtuRes avec opuntiées. — Dans le genre Opuntia, ce<br />

sont surtout <strong>les</strong> Platyopuntia qui fournissent <strong>les</strong> meilleurs<br />

sujets ou, <strong>du</strong> moins, ceux que l’on emploie le plus commu-<br />

nément. Dans ce sous-genre, <strong>les</strong> espèces auxquel<strong>les</strong> on a plus<br />

particulièrement recours sont <strong>les</strong> variétés très épineuses de<br />

l’O. Ficus-indica Mill. et de l’O. Tuna Mill.<br />

Dans certaines localités on emploie aussi l’O. Cardona<br />

Web. et le Nopalea Karwinskiana Schum.<br />

La première espèce a donné de bons résultats sur tout<br />

le littoral méditerranéen et, même là, lorsqu’on la plante au<br />

voisinage de la mer, elle se montre toujours très avanta-


chapitRe xii 335<br />

geuse, car, résistant aux embruns de l’eau salée, elle en<br />

protège <strong>les</strong> cultures qu’elle abrite ; de plus, <strong>les</strong> haies de cette<br />

Cactacée constituent un obstacle excellent contre la progres-<br />

sion et l’envahissement des sab<strong>les</strong> mouvants.<br />

Néanmoins, ces Nopals, parfaitement résistants aux causes<br />

de destructions, présentent des inconvénients assez graves<br />

qui, dans certaines circonstances, en limitent l’emploi.<br />

C’est d’abord le dispositif de leurs artic<strong>les</strong> qui, en s’entre-<br />

croisant, forment une multitude de recoins où peuvent se<br />

déposer et s’accumuler <strong>les</strong> poussières et <strong>les</strong> détritus de<br />

toutes sortes charriés constamment par <strong>les</strong> courants atmo-<br />

sphériques, ce qui, si l’on veut conserver la haie en bon état<br />

de propreté, nécessite des nettoyages, à moins que le pays<br />

ne soit suffisamment favorisé sous le rapport <strong>du</strong> régime<br />

pluvial. De plus, <strong>les</strong> Opuntia ont l’inconvénient de pro<strong>du</strong>ire<br />

des sétu<strong>les</strong> urticantes qui, sous l’action des remous aériens,<br />

se détachent facilement et peuvent rester quelque temps en<br />

suspension dans l’atmosphère, d’où peut alors résulter un<br />

danger assez grave pour <strong>les</strong> yeux et <strong>les</strong> organes respiratoires.<br />

Ensuite, <strong>les</strong> indivi<strong>du</strong>s que l’on choisit de préférence pour<br />

établir <strong>les</strong> meilleures haies, devant de préférence être pré-<br />

levés parmi <strong>les</strong> formes sauvages, ne peuvent donc convenir<br />

dans <strong>les</strong> localités où l’on cultive des Nopals sélectionnés<br />

pour la pro<strong>du</strong>ction fruitière. Car tous <strong>les</strong> Platyopuntia fleurissant<br />

à la même époque, il y a, de ce fait, toujours lieu de<br />

redouter <strong>les</strong> conséquences de fécondations croisées, ce qui,<br />

comme on l’a maintes fois constaté, entraîne fatalement la<br />

dégénérescence de la fructification chez <strong>les</strong> variétés sélec-<br />

tionnées.<br />

Enfin, un autre inconvénient pouvant encore résulter de<br />

l’emploi des haies d’Opuntia, est que ces derniers, plus que<br />

toutes <strong>les</strong> autres Cactacées, sont sujets à des infections<br />

parasitaires, parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on doit en première ligne<br />

placer <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong>. Ces insectes, relativement peu préju-<br />

diciab<strong>les</strong> aux formes sauvages de Platyopuntia, le sont au<br />

contraire excessivement pour cel<strong>les</strong> beaucoup plus délicates<br />

que l’on entretient en cultures régulières ; tel<strong>les</strong> sont, par<br />

exemple, ces variétés d’O. Ficus-indica pro<strong>du</strong>isant de gros


336 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

fruits, qui ne tardent pas à périr d’épuisement lorsqu’une<br />

invasion de Cochenil<strong>les</strong> vient à <strong>les</strong> contaminer. Aussi, dans<br />

<strong>les</strong> endroits où l’on fait la culture des Platyopuntia fruitiers,<br />

a-t-on grand soin de supprimer dans un certain périmètre<br />

toutes <strong>les</strong> formes sauvages qui peuvent s’y rencontrer, afin<br />

de sauvegarder non seulement la qualité de la pro<strong>du</strong>ction,<br />

mais aussi de mettre <strong>les</strong> plantes à l’abri de parasites désas-<br />

treux.<br />

clôtuRes avec peResKiopsis. — Parmi <strong>les</strong> Pereskiopsis,<br />

quelques espèces sont employées, dans certains endroits,<br />

pour faire des clôtures de propriétés ; el<strong>les</strong> fournissent alors<br />

des haies buissonnantes très propres, que l’on peut tailler<br />

comme on le fait avec tous <strong>les</strong> arbustes dont on se sert pour<br />

le même objet. Deux espèces sont remarquab<strong>les</strong> par la beauté<br />

et le lustre de leur frondaison : ce sont <strong>les</strong> P. spathulata<br />

Britt. et Rose et P. Chapistle Britt. et Rose ; leur emploi cependant<br />

est très localisé et ne s’étend pas au delà des régions<br />

<strong>les</strong> pro<strong>du</strong>isant spontanément.<br />

Le premier est particulier au sud de l’État de Jalisco et<br />

le second à l’État de Oaxaca. Quoique très voisines, ces deux<br />

espèces se distinguent facilement l’une de l’autre à première<br />

vue par leur allure. Le P. spathulata présente des rameaux<br />

flexueux et décumbants, tandis qu’ils sont droits, rigides et<br />

presque toujours ascendants chez le P. Chapistle.<br />

P. spathulata Britt. et Rose (syn. : Opuntia spathulata<br />

Web., Pereskia spathulata Otto, P. crassicaulis Zucc.). —<br />

Cette espèce, que l’on désigne vulgairement sous le nom de<br />

Patilon, se présente, lorsqu’elle croît isolée, sous une allure<br />

arbustive, de 1 à 2 mètres de hauteur, offrant une tige<br />

centrale bien lignifiée, de 3 à 4 centimètres de diamètre, de<br />

couleur glaucescente au début, mais devenant dans la suite<br />

brunâtre à mesure qu’elle vieillit. Cette tige centrale donne<br />

lieu à de nombreux rameaux décombants qui se couvrent<br />

de feuil<strong>les</strong> spatulées ou lancéolées d’un beau vert lustré,<br />

dont la dimension varie entre 3 et 8 centimètres de longueur<br />

sur 2 à 3 de largeur. Les aréo<strong>les</strong> sont tomenteuses et assez


chapitRe xii 337<br />

espacées ; el<strong>les</strong> donnent naissance, à leur partie inférieure,<br />

à un ou deux aiguillons barbelés très acérés, et à leur partie<br />

supérieure à des sétu<strong>les</strong> brunâtres (fig. 27).<br />

Les fleurs sont rouges ou rosées ; le fruit est allongé, de<br />

4 à 5 centimètres de longueur sur 2 de diamètre ; il est vert,<br />

jaunâtre ou rougeâtre, et porte des pinceaux de sétu<strong>les</strong> bar-<br />

belées ; il n’est pas comestible.<br />

Les haies de Patilon se font par boutures avec la tige<br />

centrale dont on plante des fragments d’environ un mètre<br />

de longueur, à des interval<strong>les</strong> assez rapprochés ; <strong>les</strong> rameaux<br />

qui surgissent dans la suite sont décombants et finissent,<br />

en s’allongeant, par garnir <strong>les</strong> parties basses de la bouture,<br />

de façon à donner une haie buissonnante.<br />

Comme distribution géographique cette Opuntiée n’a<br />

jusqu’ici été signalée que dans le sud de l’État de Jalisco ;<br />

elle est particulièrement commune dans la grande vallée où<br />

se trouvent <strong>les</strong> lacs de Tizapam, Zacoalco et Zapotlan ; il y<br />

a même dans cette région une localité portant le nom de<br />

Los patilones.<br />

P. Chapistle Britt. et Rose (syn. : Opuntia Chapistle<br />

Web.). — Ce Pereskiopsis, beaucoup plus robuste que le<br />

précédent, offre une tige centrale qui, chez une forme bien<br />

a<strong>du</strong>lte, peut former un tronc de 1 m. 50 de hauteur sur un<br />

diamètre dépassant une vingtaine de centimètres. Les ra-<br />

meaux qui partent de ce fût sont droits ainsi que <strong>les</strong> jeunes<br />

pousses qui atteignent à leur naissance un diamètre d’en-<br />

viron 1 centimètre ; l’épiderme de ces dernières est lisse,<br />

sans trace de pubescence ; il est d’abord d’une couleur<br />

glauque, tendant, dans la suite, à devenir uniformément<br />

grisâtre. Les aréo<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong>, distantes <strong>les</strong> unes des<br />

autres, garnies d’un tomentum grisonnant dont émergent<br />

quelques rares et courtes sétu<strong>les</strong> glochidiées de teinte gri-<br />

sâtre. Sur <strong>les</strong> pousses suffisamment aoûtées, surgit un grand<br />

aiguillon unique, long de 6 à 10 centimètres, blanc verdâtre<br />

ou grisâtre, quelque peu strié longitudinalement, presque<br />

toujours inséré à angle droit sur le rameau. Cet aiguillon,<br />

bien rigide et légèrement flexueux, est mis à contribution,<br />

22


338 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

dans le pays, pour servir d’épingle ; il est même ven<strong>du</strong> pour<br />

cet objet par petits paquets sur <strong>les</strong> marchés à la ville de<br />

Oaxaca ; <strong>les</strong> femmes indigènes <strong>les</strong> utilisent couramment en<br />

guise d’épingle pour leurs ouvrages de dentellerie. Les<br />

feuil<strong>les</strong> qui garnissent <strong>les</strong> rameaux sont subsessi<strong>les</strong>, char-<br />

nues, épaisses de 4 à 5 millimètres, d’un beau vert clair<br />

lustré ; el<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong>, acuminées aux deux extrémités<br />

et mesurent 5 centimètres de longueur sur 35 millimètres<br />

de largeur. Les fleurs, d’après le dire des indigènes,<br />

varient de coloris entre le jaune et le rose ; quelques-unes<br />

sont panachées, <strong>les</strong> fruits sont rouges et recouverts plus ou<br />

moins de sétu<strong>les</strong> 1 .<br />

Le D r Weber, qui étudia cette espèce peu de temps avant<br />

sa mort, la considérait comme très voisine <strong>du</strong> Pereskiopsis<br />

opuntiæflora Britt. et Rose, décrit par de Candolle sous le<br />

nom de Pereskia opuntiæflora (Prodrome III, p. 475).<br />

L’éten<strong>du</strong>e de l’aire de dispersion de ce Pereskiopsis n’a<br />

pas été jusqu’ici déterminée ; on le rencontre communément<br />

à l’état sauvage et cultivé dans le cours supérieur de la<br />

vallée de Oaxaca et dans la Basse-Mixtèque, où il est employé<br />

très souvent pour faire de bel<strong>les</strong> haies vives, dont on peut<br />

voir même de beaux spécimens dans <strong>les</strong> faubourgs de la<br />

ville de Oaxaca (fig. 86 et 94).<br />

clôtuRes avec céRéées. — De nombreuses espèces de<br />

Céréées peuvent concourir pour l’établissement de clôtures<br />

de propriétés, et pour cet objet on se sert indifféremment,<br />

suivant <strong>les</strong> localités, de Cardones et de Pitayos ; le principal<br />

est d’avoir des tiges bien érigées et autant que possible<br />

bien rectilignes. Aussi chacune des contrées mexicaines<br />

présente-t-elle souvent ces particularités avec <strong>les</strong> espèces<br />

employées.<br />

Comme éléments de clôture, <strong>les</strong> Céréées se montrent, dans<br />

la plupart des cas, beaucoup plus avantageuses que <strong>les</strong><br />

Opuntiées, car, plantées côte à côte, el<strong>les</strong> forment des haies<br />

1. R. Roland-gosselin. — Œuvres posthumes <strong>du</strong> D r Weber (Bulletin<br />

<strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, X, p. 382, 1904).


Fig. 86. — Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose.<br />

Noms vulgaires : Chapistle, Tzompahuiztli.<br />

Environs de Oaxaca


340 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

droites, s’adaptant à un alignement parfait et ayant tout<br />

au plus, lorsqu’el<strong>les</strong> ne sont pas ramifiées, l’épaisseur et la<br />

bonne hauteur d’un mur ordinaire.<br />

En général, on dispose, suivant <strong>les</strong> besoins, <strong>les</strong> plants de<br />

Céréées de deux façons ; lorsqu’il s’agit simplement d’en-<br />

tourer une habitation et ses dépendances, tels qu’un jardin<br />

ou une cour, et par là d’économiser le terrain, on se sert<br />

d’une simple palissade composée de tiges placées côte à<br />

côte ; mais lorsqu’on veut enclore un champ assez vaste de<br />

culture ou de pâturage, on a recours à des sujets capab<strong>les</strong><br />

d’offrir un abri ou un ombrage plus important ; on se sert<br />

alors d’espèces susceptib<strong>les</strong> de se développer en candélabre.<br />

Mais comme ces Cactacées ne se rejoignent que par leur<br />

partie ramifiée, on est alors obligé de garnir <strong>les</strong> espaces<br />

situés au-dessous de la ramification par des murs en pierres<br />

sèches ou par des arbrisseaux formant broussail<strong>les</strong>, à moins<br />

que l’on bouture <strong>les</strong> tiges de Céréées sur des talus assez<br />

élevés.<br />

C’est ainsi que l’on emploie, suivant <strong>les</strong> localités, <strong>les</strong><br />

Lemaireocereus griseus Britt. et Rose, L. queretaroensis<br />

Safford, L. stellatus Britt. et Rose, L. Thurberi Britt. et<br />

Rose, L. Weberi Britt. et Rose, Pachycereus Pringlei Britt.<br />

et Rose, P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />

Quoique la plupart des Céréées, lorsqu’el<strong>les</strong> présentent<br />

des tiges suffisamment rectilignes, puissent servir à faire des<br />

clôtures, deux espèces surtout se recommandent par leur<br />

rapidité de croissance et la rectitude de leurs tiges, et si<br />

leur emploi ne s’est pas généralisé à toutes <strong>les</strong> régions mexi-<br />

caines possédant un même climat, c’est uniquement à ce<br />

que l’on a recours, faute de transports faci<strong>les</strong>, aux formes<br />

<strong>les</strong> plus appropriées qui se rencontrent à l’état sauvage<br />

dans la région.<br />

Ces deux espèces sont le Pachycereus marginatus Britt.<br />

et Rose et le Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose ; le<br />

premier se rencontre sur presque tout le plateau central <strong>du</strong><br />

Mexique, le second sur une région très localisée au sud<br />

de l’État de Puebla.


Fig. 87. — Pachycereus marginatus Britt. et Rose<br />

croissant à l’état sauvage.<br />

Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).


342 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Pachycereus marginatus Britt. et Rose (syn. : Cereus marginatus<br />

DC., C. gemmatus Zucc., C. incrustatus Otto, C. Mirbelii<br />

Hort., C. cupulatus Hort). — Ce cierge est une des<br />

espèces <strong>les</strong> plus anciennement signalées comme servant à<br />

faire des haies vives ; <strong>les</strong> indigènes lui appliquent plus parti-<br />

culièrement qu’à tout autre de ses congénères à tiges dressées,<br />

le nom d’Organo, parce qu’il rappelle assez bien, lorsqu’il<br />

est placé en alignement régulier, le dispositif des tuyaux<br />

d’un jeu de grandes orgues.<br />

Le P. marginatus, lorsqu’il croît à l’état sauvage, se présente<br />

sous deux aspects différents : c’est tantôt une plante<br />

se ramifiant au ras <strong>du</strong> sol en formant une touffe de tiges<br />

parallè<strong>les</strong>, peu espacées <strong>les</strong> unes des autres, tantôt une<br />

forme parfaitement arborescente, pourvue d’un tronc aux<br />

contours assez irréguliers et quelque peu difforme, mesu-<br />

rant environ 1 mètre à 1 m. 50 de hauteur sur un diamètre<br />

d’une trentaine de centimètres, <strong>du</strong>quel part une première<br />

ramification presque horizontale d’où surgissent des rejets<br />

bien dressés, parallè<strong>les</strong>, de même diamètre et assez espacés<br />

<strong>les</strong> uns des autres, qui peuvent atteindre 2 mètres d’élon-<br />

gation sans présenter souvent la moindre ramification<br />

(fig. 87).<br />

Les rameaux <strong>du</strong> P. marginatus poussent toujours très<br />

droits ; ils sont, ainsi que la partie <strong>du</strong> fût dont ils émergent,<br />

fort peu lignifiés ou tout au plus pourvus d’un bois mou et<br />

peu consistant, ce qui donne à toute la plante une certaine<br />

flexibilité qui lui permet de résister aux effets des bour-<br />

rasques. Ces rameaux, toujours d’un vert lustré dans <strong>les</strong><br />

parties jeunes, sont obtus à leur sommet ; ils offrent de<br />

cinq à sept côtes également à crête obtuse, séparées par des<br />

sillons aigus qui, ainsi que <strong>les</strong> côtes, finissent par s’effacer,<br />

de sorte que la tige en vieillissant devient plus ou moins<br />

cylindrique. Les aréo<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong> et légèrement con-<br />

fluentes ; el<strong>les</strong> sont garnies d’un tomentum court et épais<br />

qui tend, vu le rapprochement des aréo<strong>les</strong> chez <strong>les</strong> parties<br />

jeunes, à couvrir la crête des côtes ; ce tomentum, ainsi que<br />

<strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, disparaissent avec l’aplatissement des côtes.<br />

Les faisceaux épineux sont constitués par cinq à huit


Fig. 88. — Clôture d’une propriété indigène avec le Pachycereus marginatus Britt. et Rose.<br />

Dans un village de la Vallée de Oaxaca.


344 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

aiguillons radiants assez courts, dont un central d’environ<br />

1 centimètre de longueur ; ils sont subca<strong>du</strong>cs et s’éliminent<br />

au moment de la disparition des aréo<strong>les</strong>. Les fleurs sont<br />

tubuleuses, charnues, de 3 à 4 centimètres de long sur 1 de<br />

large ; el<strong>les</strong> sont d’une couleur variant entre le rosé, le rouge<br />

brun et le verdâtre. Le fruit est globuleux, d’un diamètre de<br />

4 centimètres, de couleur jaunâtre ou rougeâtre, couvert<br />

d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs et contenant une pulpe insipide non<br />

comestible.<br />

L’aire de dispersion de ce Cierge est assez éten<strong>du</strong>e et<br />

comprend une grande partie <strong>du</strong> massif central mexicain ;<br />

on le rencontre végétant spontanément dans <strong>les</strong> États de<br />

San Luis Potosi, Hidalgo, Queretaro, Guanajuato, Mexico,<br />

Puebla, Oaxaca.<br />

Pour faire une haie bien conditionnée, on choisit d’assez<br />

jeunes rameaux, non encore bien aoûtés, d’une longueur<br />

pouvant aller de 50 centimètres à 1 mètre et on <strong>les</strong> plante<br />

le plus rapprochés <strong>les</strong> uns des autres et souvent sur deux<br />

rangées, de façon à obtenir une palissade complètement<br />

close. Lorsque le terrain convient à ces boutures, el<strong>les</strong><br />

croissent rapidement et peuvent souvent, lorsqu’el<strong>les</strong> sont<br />

bien enracinées, s’allonger facilement de 1 mètre dans le<br />

cours d’une année.<br />

Ce système de plantation à tout touche convient très bien à<br />

cette espèce de Cierge, car <strong>les</strong> tiges placées <strong>les</strong> unes contre<br />

<strong>les</strong> autres se trouvent forcées de s’élever ; el<strong>les</strong> peuvent<br />

donc, grâce à leur appui mutuel, acquérir une élongation de<br />

5 à 6 mètres (fig. 88, 89), ce qui ne peut avoir lieu lorsqu’el<strong>les</strong><br />

croissent isolément ; leur taille alors ne passant guère<br />

2 mètres sans se ramifier.<br />

Les clôtures de P. marginatus convenablement entretenues<br />

offrent un aspect très propre et très agréable à la<br />

vue, car l’épiderme des tiges étant d’un vert clair bien lustré,<br />

il en résulte que leur surface ne donnant aucune prise aux<br />

poussières, se conserve toujours d’une netteté parfaite.<br />

Les clôtures faites avec ce Cierge ne demandent que peu<br />

d’entretien pour être maintenues en bon état ; lorsque parfois<br />

quelques-uns de leurs éléments constituants se comportent


Fig. 89. — Clôture de Pachycereus marginatus Britt. et Rose.<br />

Au village de Xoxo (État de Oaxaca).


346 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

d’une façon irrégulière, il suffit, pour rétablir l’harmonie<br />

de la palissade, de supprimer ces sujets défectueux et de<br />

<strong>les</strong> remplacer par d’autres choisis dans de meilleures condi-<br />

tions de végétation.<br />

Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

Hollianus Web., C. bavosus Web., C. degratispinus Hildm.,<br />

C. brachiatus Hort.). — Dans une partie assez restreinte de<br />

l’État de Puebla, on emploie aux mêmes fins que le Pachycereus<br />

marginatus Britt. et Rose, le Lemaireocereus Hollianus<br />

Britt. et Rose.<br />

Les indigènes désignent ce Cierge sous le nom verna-<br />

culaire de Baboso, parce que toutes <strong>les</strong> parties de la plante,<br />

aussi bien <strong>les</strong> tiges que <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits, exsudent,<br />

lorsqu’on <strong>les</strong> b<strong>les</strong>se ou <strong>les</strong> écrase, un suc visqueux et gluant.<br />

Les tiges sont simp<strong>les</strong> et rarement ramifiées ; cependant<br />

lorsque ces dernières sont bouturées isolément et aban-<br />

données à el<strong>les</strong>-mêmes, el<strong>les</strong> finissent par former une touffe<br />

en se constituant un tronc qui, peu à peu, se lignifie et<br />

atteint environ 1 m. 50 de hauteur sur 30 centimètres de<br />

diamètre, d’où partent des ramifications toujours droites,<br />

parallè<strong>les</strong> et peu écartées <strong>les</strong> unes des autres ; le tout<br />

prend alors une forme arborescente pouvant atteindre<br />

8 à 10 mètres de hauteur (fig. 90).<br />

Le tronc, lorsqu’il a acquis son entier développement,<br />

fournit un bois assez mou, mais cependant suffisamment<br />

compact pour être parfois employé dans la menuiserie<br />

locale. Les rameaux se rétrécissent faiblement vers leur<br />

sommet qui est arrondi et pourvu de nombreux aiguillons<br />

courts, entre <strong>les</strong>quels la laine est à peine visible. Les tiges<br />

anciennes prennent une teinte grisâtre uniforme ; <strong>les</strong> jeunes<br />

rameaux sont vert sombre et ont 5 à 6 centimètres de dia-<br />

mètre et présentent huit à neuf côtes séparées par des<br />

sillons aigus. Les côtes sont à peine comprimées ; el<strong>les</strong> dispa-<br />

raissent progressivement à mesure que <strong>les</strong> tiges deviennent<br />

cylindriques par suite de leur vieillissement. Les aréo<strong>les</strong><br />

sont circulaires, peu profondes, d’un diamètre d’environ<br />

1 centimètre, pourvues d’un tomentum clairsemé, ca<strong>du</strong>c.


Fig. 90 — Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose.<br />

Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).


348 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les aiguillons sont infléchis, toujours assez longs et grê<strong>les</strong> ;<br />

certains peuvent atteindre une longueur de 20 centimètres.<br />

La fleur est grande et acquiert facilement 25 centimètres ;<br />

elle est d’un blanc rosé et apparaît toujours au sommet des<br />

tiges. Le fruit est ovoïde, d’une dizaine de centimètres dans<br />

son plus grand diamètre ; sa couleur est rouge obscur ; il<br />

n’est pas comestible.<br />

Ce que ce Cierge a de remarquable, c’est sa prodigieuse<br />

puissance végétative ; ses rameaux qui, en l’espace d’une<br />

année, peuvent parfois s’allonger de plus d’un mètre, pos-<br />

sèdent la curieuse faculté, lorsqu’ils sont détachés de la<br />

souche mère et tombés sur le sol, d’émettre des racines<br />

adventives et de faire surgir perpendiculairement sur leur<br />

longueur un certain nombre de rejets vigoureux (fig. 91).<br />

Cette particularité biologique inhérente au L. Hollianus<br />

n’avait pas échappé à l’observation des indigènes ; aussi<br />

n’ont-ils pas manqué d’en tirer parti lorsqu’il s’est agi de<br />

constituer des haies de ce Cierge dans <strong>les</strong> meilleures condi-<br />

tions possib<strong>les</strong>. Aussi, au lieu de bouturer directement des<br />

rameaux comme on le fait avec <strong>les</strong> autres Cierges, on com-<br />

mence par étendre sur le sol un certain nombre de fragments<br />

de tiges, puis, lorsque cel<strong>les</strong>-ci ont pro<strong>du</strong>it des rejets de la<br />

dimension voulue, on <strong>les</strong> divise en un certain nombre de<br />

tronçons que l’on dispose en alignement et que l’on recouvre<br />

ensuite de terre sèche jusqu’au niveau <strong>du</strong> point d’émergence<br />

des jeunes rameaux. Ainsi plantés, ces derniers s’accroissent<br />

rapidement et peuvent, l’année même de leur plantation,<br />

donner une haie d’au moins 1 mètre de hauteur.<br />

Les haies faites avec ce Cierge, sans avoir la même pro-<br />

preté et le même bel aspect que cel<strong>les</strong> faites avec le Pachycereus<br />

marginatus, n’en présentent pas moins des avantages<br />

qui compensent largement leur manque de qualité<br />

ornementale ; el<strong>les</strong> sont le croissance beaucoup plus rapide<br />

et de plus, grâce aux longs aiguillons dont sont pourvus<br />

leurs éléments, el<strong>les</strong> sont sérieusement défensives.<br />

Si l’utilisation <strong>du</strong> Lemaireocereus Hollianus ne s’est pas<br />

plus généralisée sur <strong>les</strong> régions où on a l’habitude d’em-<br />

ployer <strong>les</strong> Cierges comme clôture de propriété, cela doit tenir


Fig. 91. — Rameaux de Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose tombés sur le sol<br />

et s’enracinant d’eux-mêmes en émettant de place en place des bourgeons verticaux.<br />

Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).


350 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

à la nature des terrains qu’il semble affectionner et, de plus,<br />

à sa localisation paraissant assez restreinte dans un pays<br />

où l’on n’utilise, comme on l’a vu plus haut, que des espèces<br />

se rencontrant toujours à pied-d’oeuvre.<br />

L’éten<strong>du</strong>e de la zone de répartition <strong>du</strong> L. Hollianus reste<br />

jusqu’ici indéterminée ; on signale cette espèce comme étant<br />

abondante sur <strong>les</strong> sols très calcaires <strong>du</strong> sud de l’État de<br />

Puebla, comme par exemple la région de Tehuacan et prin-<br />

cipalement auprès de la petite ville de Zapotitlan de las<br />

Salinas, où il est à peu près la seule essence servant à<br />

enclore <strong>les</strong> propriétés villageoises.<br />

Dans <strong>les</strong> États de Puebla et de Oaxaca, le Pachycereus<br />

marginatus et le Lemaireocereus Hollianus ne sont pas<br />

exclusivement employés à faire des haies vives ; lorsqu’il<br />

s’agit de ces grandes clôtures à ombrages dont on a recours<br />

pour l’entourage de champs de culture ou de pâturage, on<br />

préfère alors se servir des espèces appartenant au groupe<br />

des Pitayos et des Cardones.<br />

Comme pour ces derniers on a l’embarras <strong>du</strong> choix, on<br />

choisit de préférence des espèces susceptib<strong>les</strong> de quelque<br />

rapport en fait de pro<strong>du</strong>its économiques. C’est ainsi que<br />

pour <strong>les</strong> Pitayos, on se sert des Lemaireocereus griseus et<br />

L. stellatus, qui donnent une abondante fructification dont<br />

la récolte fournit à époque constante un article de vente sur<br />

tous <strong>les</strong> marchés de la région.<br />

Le L. stellatus, que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />

de Pitayo xoconostle, grâce à ses tiges très longues et toujours<br />

bien rectilignes, peut encore se prêter à la consti-<br />

tution de palissades de peu d’épaisseur, comme cel<strong>les</strong> qui<br />

sont exécutées avec le Pachycereus marginatus et le Lemaireocereus<br />

Hollianus (fig. 92).<br />

Parmi <strong>les</strong> Cardones, c’est le Lemaireocereus Weberi qui<br />

est le plus employé ; ce Cierge, qui peut atteindre avec l’âge<br />

de vastes proportions, fournit avec son tronc, lorsqu’il est<br />

complètement lignifié, un bois <strong>du</strong>r et compact qui trouve<br />

son application dans la charpente et la menuiserie locale<br />

(fig. 93).<br />

Sur le versant <strong>du</strong> Pacifique, on emploie encore comme


Fig. 92 — Clôture faite avec le Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose.<br />

(D’après une photographie de la collection Weber).<br />

Dans un village de l’État de Oaxaca.


352 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Pitayo de clôture <strong>les</strong> Lemaireocereus queretaroensis Safford<br />

(Jalisco, Michoacan) et le L. Thurberi Britt. et Rose<br />

(Sonora, Sinaloa, Basse-Californie).<br />

Dans la même région, <strong>les</strong> Cardones presque exclusivement<br />

utilisés pour <strong>les</strong> clôtures sont <strong>les</strong> Pachycereus Pringlei Britt.<br />

et Rose et P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose ; ces deux<br />

espèces de Cierges géants sont d’un emploi très courant sur<br />

toute la côte Pacifique depuis le nord de l’État de Sonora<br />

jusqu’à l’Isthme de Tehuantepec.<br />

clôtuRes mixtes. — Souvent on fait des haies composites<br />

avec différents genres et espèces de Cactacées (Pereskiopsis,<br />

Opuntia, Cierges érigés ou rampants, Cactacées globuleuses)<br />

auxquel<strong>les</strong> on associe certains arbres, arbustes et lianes ; on<br />

arrive alors, lorsque tout est bien ordonné, à réaliser des<br />

haies parfois d’un bel effet ornemental (fig. 94).<br />

Dans ces conditions, on place des formes érigées ou à<br />

ramification désordonnée, comme par exemple <strong>les</strong> Pereskiopsis<br />

et <strong>les</strong> Nopalea, dans l’intérieur <strong>du</strong> fourré, de façon<br />

à constituer une ossature maintenant le tout et le rendant<br />

en même temps impénétrable. Quant aux Cactacées globu-<br />

leuses, lorsqu’on <strong>les</strong> fait entrer dans la combinaison, on<br />

<strong>les</strong> place en bor<strong>du</strong>re afin de combler <strong>les</strong> vides qui pourraient<br />

se trouver à la base de la haie ; c’est ce que l’on fait par<br />

exemple dans l’État de Oaxaca avec le Neomamillaria Karwinskiana<br />

Britt. et Rose.<br />

On fait encore des haies mixtes en intercalant des Cierges<br />

avec des arbres à fût bien dressé et de croissance rapide<br />

dont on peut ensuite exploiter le bois ; c’est ainsi par exemple<br />

que sur <strong>les</strong> plaines <strong>du</strong> versant Pacifique, on utilise ce genre<br />

de clôture en alternant le Pachycereus Pringlei Britt. et<br />

Rose avec des Cedrela ou encore des Erythrines, dont le<br />

bois est d’un usage courant dans cette région et constitue<br />

même un article d’exportation (fig. 95).<br />

plantation d’une haie de <strong>cactacées</strong>. — Les plantations<br />

de ces haies se font toujours par bouturage direct ou par<br />

repiquage de boutures suivant <strong>les</strong> espèces employées. Les


23<br />

Fig. 93. — Route passant entre deux clôtures de Lemaireocereus Weberi Britt. et Rose.<br />

San Sebastian Zinacatepec (État de Puebla).


354 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

boutures doivent, à quelque espèce qu’el<strong>les</strong> appartiennent,<br />

être toujours bien cicatrisées au point où on <strong>les</strong> a sec-<br />

tionnées, et cela pour éviter la pourriture qui, au contact<br />

<strong>du</strong> sol plus ou moins humide, risquerait d’envahir toute la<br />

tige et la ferait périr.<br />

Les bouturages doivent presque toujours se faire sur<br />

des talus plus ou moins élevés ou sur des déclivités de<br />

terrain, afin d’éviter une terre trop humide à la partie de<br />

la plante où doivent se développer <strong>les</strong> racines ; cela est<br />

important, surtout dans <strong>les</strong> régions où ont lieu des saisons<br />

pluvieuses régulières.<br />

Pour le bouturage des Opuntia qui se fait avec de<br />

simp<strong>les</strong> artic<strong>les</strong> ou tout au plus avec des rameaux de deux<br />

ou trois de ces derniers, comme leur enracinement et leur<br />

entrée en végétation se font très lentement, on a souvent<br />

recours à la pépinière sur un sol de rocaille ou de terre<br />

appropriée, afin de mettre en place des spécimens de bonne<br />

dimension et en excellente voie de végétation. Dans le cas<br />

où l’on est obligé de planter <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> à l’endroit où doit<br />

se faire la haie, on protège <strong>les</strong> boutures pendant un temps<br />

plus ou moins long à l’aide de branches sèches et autant que<br />

possible épineuses, ou encore on <strong>les</strong> adosse à un mur en<br />

pierre sèche, que l’on supprime lorsque <strong>les</strong> plants ont atteint<br />

la taille voulue. Ces modes de protection sont nécessaires<br />

pour garantir <strong>les</strong> nouveaux plants contre <strong>les</strong> multip<strong>les</strong><br />

causes de destruction auxquel<strong>les</strong> ils sont sujets, et princi-<br />

palement contre <strong>les</strong> animaux herbivores qui, en général, sont<br />

très friands de ces Cactacées à pulpe comestible, et cela<br />

malgré la défense épineuse dont ils sont armés.<br />

Les clôtures avec <strong>les</strong> Cierges demandent en général moins<br />

de soins à leur début, car comme on emploie des fragments<br />

de tiges ayant de 1 mètre à 1 m. 50 de longueur, on n’a<br />

pas à attendre pour obtenir une haie de hauteur conve-<br />

nable. Comme la pulpe des Cierges n’est pas comestible et<br />

qu’elle est même parfois toxique, ou au moins de saveur<br />

amère ou désagréable, <strong>les</strong> haies de Cierges n’ont pas besoin<br />

d’être protégées contre <strong>les</strong> déprédations que peuvent causer<br />

<strong>les</strong> herbivores. Enfin, comme <strong>les</strong> rameaux ont tous le même


Fig. 94. — Clôture composite faite en grande partie de Pachycereus marginatus Britt. et Rose,<br />

de Nopalea Karwinskiana Schum. et de Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose.<br />

Dans un faubourg de Oaxaca


356 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

diamètre et que ce dernier n’augmente pas lors de la crois-<br />

sance, on peut <strong>les</strong> disposer <strong>les</strong> uns contre <strong>les</strong> autres sans<br />

qu’ils se nuisent dans leur développement. La seule pré-<br />

caution qu’il y ait à prendre lorsqu’on établit une palissade<br />

de Cierges, est de veiller à ce que <strong>les</strong> boutures se main-<br />

tiennent dans une bonne position jusqu’à ce que l’enra-<br />

cinement qui doit <strong>les</strong> fixer au sol soit achevé.<br />

Les boutures, surtout cel<strong>les</strong> d’une certaine taille, de-<br />

mandent à être plantées un peu profondément pour conserver<br />

la position verticale et résister à la poussée des vents ; dans<br />

cette condition il y a à craindre que <strong>les</strong> parties charnues<br />

trop profondément enterrées arrivent à subir une fermen-<br />

tation qui, progressivement, entraînerait la pourriture de<br />

tout le sujet. Pour obvier à cet inconvénient, on se contente<br />

habituellement d’enterrer à peine la bouture et de la main-<br />

tenir en position verticale en l’appuyant sur une ou deux<br />

traverses horizonta<strong>les</strong> que l’on fixe à une certaine hauteur<br />

à l’aide de piquets ; ce procédé convient très bien pour le<br />

Pachycereus marginatus qui est de croissance rapide.<br />

Pour <strong>les</strong> espèces à croissance lente comme cel<strong>les</strong> appar-<br />

tenant au groupe des Cardones et dont <strong>les</strong> tiges sont pourvues<br />

d’une forte lignification axiale, <strong>les</strong> indigènes ont par-<br />

fois recours à un procédé aussi simple qu’ingénieux et qui<br />

permet, sans faire usage d’aucun appareil de soutien, de<br />

maintenir <strong>les</strong> boutures en parfaite position verticale. Le<br />

procédé consiste à dénuder, sur une longueur de 20 à 30 cen-<br />

timètres, <strong>les</strong> faisceaux ligneux qui occupent la partie mé-<br />

diane <strong>du</strong> rameau ; ceux-ci, démunis de leur pulpe, viennent<br />

alors constituer une sorte de tuteur que l’on enfonce dans<br />

le sol jusqu’au ras de la partie charnue, qui est ensuite<br />

chaussée avec de la terre sèche ou <strong>du</strong> sable.<br />

<strong>cactacées</strong> employées comme moyens de pRotection. —<br />

Les crêtes des murs peuvent être efficacement préservées<br />

contre l’escalade par la plantation à leur sommet de cer-<br />

taines Cactacées à souche basse et traçante ; tels sont par<br />

exemple chez <strong>les</strong> Platyopuntia, ceux que l’on nomme Nopa<strong>les</strong><br />

rastreros et chez <strong>les</strong> Cylindropuntia ces formes extrêmement


Fig. 95. — Clôture de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose<br />

entremêlé d’Erythrina et de Cedrela.<br />

Acatlan (État de Oaxaca).


358 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

épineuses à touffes gazonnantes, dont l’Opuntia tunicata<br />

Link et Otto est le type le plus connu.<br />

Quelquefois on emploie encore pour ce but <strong>les</strong> Cierges<br />

triangulaires qui, quoique peu ou point épineux, forment<br />

sur le sommet des murs des couronnements tellement<br />

touffus qu’ils deviennent complètement inaccessib<strong>les</strong> aux<br />

animaux grimpeurs (fig. 61 et 64).<br />

Les artic<strong>les</strong> d’Opuntia séparés de leur souche sont fréquemment<br />

employés comme moyen de protection ; c’est ainsi<br />

que pour empêcher le séjour des vautours zopilotes sur <strong>les</strong><br />

toitures des habitations rura<strong>les</strong>, et éviter <strong>les</strong> foyers d’infec-<br />

tion qu’ils ne manqueraient pas d’y créer par leurs apports<br />

de matières en putréfaction et par <strong>les</strong> souillures de leurs<br />

déjections, on a coutume de disposer de place en place sur<br />

ces toitures un certain nombre d’artic<strong>les</strong> de Nopals très<br />

épineux, de façon à ce que ces oiseaux répugnants ne puissent<br />

venir s’y percher.<br />

Dans <strong>les</strong> petites cultures potagères ou ménagères que <strong>les</strong><br />

indigènes pratiquent habituellement aux alentours de leurs<br />

habitations, lorsque l’on fait des semis, on protège effica-<br />

cement ces derniers contre <strong>les</strong> oiseaux et <strong>les</strong> mammifères<br />

granivores, en plaçant sur <strong>les</strong> parties ensemencées des frag-<br />

ments de tiges de Cylindropuntia dont on débarrasse ensuite<br />

le terrain lorsque <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong> n’ont plus à craindre <strong>les</strong><br />

ravages de leurs ennemis.<br />

Enfin, dans <strong>les</strong> endroits des terres chaudes où l’on a à<br />

redouter <strong>les</strong> méfaits de ces chauves-souris sanguinaires que<br />

l’on nomme vulgairement vampires, on a coutume de sus-<br />

pendre dans <strong>les</strong> enceintes où l’on parque la nuit le bétail,<br />

des artic<strong>les</strong> de Platyopuntia bien armés ; ceux-ci, qui ne<br />

causent aucun dommage au bétail et peuvent même, au<br />

besoin, lui servir de supplément de nourriture, se montrent,<br />

grâce à leur armature vulnérante, très efficaces pour con-<br />

trarier le vol tournoyant de ces animaux buveurs de sang.<br />

On arrive ainsi, par ce simple procédé, à préserver le bétail<br />

contre <strong>les</strong> hémorragies parfois assez graves pouvant résulter,<br />

surtout pour <strong>les</strong> jeunes chevaux, des morsures répétées de<br />

ces préjudicieuses chauves-souris.


CHAPITRE XIII<br />

CACTACÉES A FIBRES<br />

Généralités et historique. — Morphologie et caractères bota-<br />

niques. — Formes aberrantes. — Variabilité des spécimens. —<br />

Distribution géographique. — Constitution de la matière<br />

fibreuse et son exploitation. — Cephalocereus et Pachycereus<br />

et leurs formes économiques.<br />

Certaines formes de Cierges, grâce à la singularité de leur<br />

mode d’inflorescence, sont susceptib<strong>les</strong> de fournir à l’in-<br />

<strong>du</strong>strie indigène une fibre soyeuse de bonne qualité. Cette<br />

dernière, qui constitue parfois une véritable laine végétale,<br />

est fournie uniquement par ce que l’on appelle le cephalium<br />

de la plante, c’est-à-dire par la partie des tiges où appa-<br />

raissent <strong>les</strong> organes floraux et qui, chez certaines espèces,<br />

devient le siège d’un épais tomentum.<br />

Tous <strong>les</strong> représentants de cette catégorie de Cactacées ont<br />

été réunis par Lemaire 1 dans un genre à part auquel il donna<br />

en 1839 le nom de Pilocereus, mais auquel le nom de Cephalocereus<br />

Pfeiffer 2 est antérieur d’un an.<br />

Les Nahuatls faisaient la distinction entre <strong>les</strong> Cierges<br />

ordinaires et <strong>les</strong> Cephalocereus ; ils désignaient ces derniers,<br />

lorsqu’ils étaient amplement pourvus de soies, sous le nom<br />

bien expressif de Lamanochtli (lama = vieillard, nochtli =<br />

Cactus), terme que <strong>les</strong> colons espagnols tra<strong>du</strong>isirent par<br />

Cabeza ou Barba de viejo, et qui a trait au cephalium dont<br />

la pilosité plus ou moins longue et souvent d’un blanc nei-<br />

1. C. lemaiRe. — Cactearum genera nova speciesque novæ, p. 6, Paris,<br />

1839. — Les Pilocereus, Revue horticole 1862. p. 265, — Histoire et révision<br />

<strong>du</strong> genre Pilocereus, Revue horticole 1863, p. 462.<br />

2. L. pFeiFFeR. — Allgemeine Gartenzeitung VI, p. 142, 1838.<br />

Allegemeine -><br />

Allgemeine


360 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

geux chez certaines formes, rappelle assez bien la chevelure<br />

ou la barbe d’un vieillard.<br />

moRphologie et caRactèRes botaniques. — Les Céphalocéréées,<br />

lorsqu’el<strong>les</strong> acquièrent leurs dimensions a<strong>du</strong>ltes,<br />

prennent en général l’allure de Cierges colomnaires bien<br />

érigés et pouvant parfois atteindre de fortes proportions ;<br />

certaines offrent une tige simple et unique (Cephalocereus<br />

Hoppenstedtii Schum.), d’autres au contraire se ramifient<br />

plus ou moins en candélabre (Cephalocereus leucocephalus<br />

Britt. et Rose).<br />

Les rameaux qui, suivant <strong>les</strong> espèces, partent soit d’un<br />

tronc régulier, soit d’une souche basse, sont habituellement<br />

cylindriques, droits, rigides, vigoureux ou parfois quelque<br />

peu flexueux à la manière de certains Cierges microgones,<br />

comme cela s’observe dans <strong>les</strong> variations d’allure <strong>du</strong> C. leucocephalus<br />

Britt. et Rose.<br />

Le mode d’inflorescence qui a servi à Lemaire pour établir<br />

son nouveau genre consiste, ainsi que l’expose le D r Weber<br />

dans sa monographie des Cactacées 1 , dans une modification<br />

plus ou moins profonde et persistante des aréo<strong>les</strong> de<br />

la partie florifère ; cel<strong>les</strong>-ci diffèrent de cel<strong>les</strong> de la partie<br />

stérile de la plante par le développement souvent considé-<br />

rable de la laine et des poils dont el<strong>les</strong> sont garnies et par<br />

la nature des aiguillons qui s’allongent et deviennent crini-<br />

formes.<br />

Le cephalium, dont le rôle évident est de constituer un<br />

appareil de protection pour l’inflorescence, n’occupe pas<br />

forcément le sommet de la tige, ainsi que l’indiquerait son<br />

nom ; étant soumis au mode particulier de la floraison de<br />

l’espèce, il se montre alors tantôt apical, tantôt latéral.<br />

Dans le premier cas, il peut fournir dans ses formes <strong>les</strong><br />

mieux développées un revêtement de soies ou de laines<br />

recouvrant le sommet de la tige d’une sorte de bonnet de<br />

fourrure (C. senilis Pfeiff.).<br />

1. A. webeR. — Article Pilocereus dans le Dictionnaire d’Horticulture<br />

de Bois, p. 964.


Fig. 96. — Cephalium de Cephalocereus chrysacanthus Britt. et Rose<br />

Environs de Tehuacan (État de Puebla).


362 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Dans le second cas, il peut être discontinu ou continu ;<br />

c’est ainsi que chez le C. chrysacanthus Britt. et Rose<br />

(fig. 96), il forme des touffes de laine blanche plus ou moins<br />

espacées <strong>les</strong> unes des autres, et chez le C. Hoppenstedtii<br />

Schum., une bande étroite, régulière, ininterrompue, qui<br />

parcourt de haut en bas une grande partie de la tige.<br />

Dans certains cas, le cephalium peut se ré<strong>du</strong>ire à des<br />

aiguillons à peine transformés, plus ou moins mélangés de<br />

poils, dont l’ensemble peut être ca<strong>du</strong>c et disparaître aux<br />

époques <strong>du</strong> repos végétatif ; c’est ce que montre par<br />

exemple le Pachycereus chrysomallus Britt. et Rose, dont le<br />

tomentum des aréo<strong>les</strong> tombe par petits flocons après la fruc-<br />

tification.<br />

Ces différentes constitutions <strong>du</strong> cephalium ont fait subdiviser<br />

<strong>les</strong> Céphalocéréées en deux catégories bien tranchées :<br />

1° cel<strong>les</strong> qui possèdent un cephalium constant, ce sont <strong>les</strong><br />

Cephalocereus ; 2° cel<strong>les</strong> dont le cephalium est interrompu,<br />

incomplet, rudimentaire et parfois ca<strong>du</strong>c.<br />

Le cephalium des Cephalocereus a été comparé à celui qui,<br />

chez <strong>les</strong> Cactacées globuleuses, caractérise <strong>les</strong> Discocactus<br />

et <strong>les</strong> Cactus, et chez <strong>les</strong> Echinocactées norma<strong>les</strong> à ce disque<br />

laineux couronnant l’apex des représentants de la série des<br />

Cephaloidei.<br />

Évidemment le cephalium, chez <strong>les</strong> Cephalocereus, ne<br />

constitue qu’un caractère secondaire, car si l’on se base<br />

uniquement sur son existence, on peut rattacher au même<br />

genre <strong>les</strong> Cephalocereus et <strong>les</strong> Pachycereus, et même le<br />

Malacocarpus Leninghausii Britt. et Rose <strong>du</strong> Brésil, considéré<br />

par certains auteurs comme devant plutôt appartenir<br />

au genre Echinocactus 1 .<br />

On a placé également dans ce groupe le Cephalocereus<br />

Tetazo Vaupel, dont <strong>les</strong> rameaux ne présentent aucune trace<br />

de pilosité ; cette espèce constitue vraisemblablement une<br />

forme intermédiaire ou de transition qui, selon le D r Weber,<br />

trouverait mieux sa place parmi <strong>les</strong> Cierges ordinaires.<br />

1. K. schumann a même créé pour cette forme sud-américaine,<br />

qu’il place parmi <strong>les</strong> Echinocactus, le sous-genre Notocactus.


chapitRe xiii 363<br />

C’est surtout sur la structure de la fleur et <strong>du</strong> fruit qu’est<br />

basé le genre Cephalocereus. La fleur a une conformation<br />

assez bien caractérisée ; elle est courte, charnue, tubuleuse<br />

ou subcampanulée ; <strong>les</strong> étamines sont filiformes, de<br />

moyenne grandeur, s’insèrent par gradins et laissent à la<br />

partie inférieure <strong>du</strong> tube floral un espace vide, sorte de<br />

cavité nectarique, que Lemaire appelle camera et qui est<br />

traversé par le style (fig. 97) ; mais cette dernière disposi-<br />

tion, comme le fait remarquer le D r Weber, n’est pas exclu-<br />

Fig. 97. — Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose.<br />

Fleur normalement épanouie et fleur sectionnée verticalement<br />

pour montrer sa structure interne.<br />

sive aux Cephalocereus, car elle se trouve également chez<br />

certains Cereus normaux.<br />

Le fruit est nu ou subquameux, de forme globuleuse ou<br />

ficiforme, tantôt charnu et donnant alors une pulpe comes-<br />

tible et savoureuse (C. chrysacanthus Britt. et Rose), tantôt<br />

plus ou moins sec et contenant une grande quantité de


364 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

graines ; ces dernières ont été utilisées comme céréa<strong>les</strong>,<br />

principalement aux époques où cel<strong>les</strong>-ci devenaient rares<br />

(C. Tetazo Vaupel).<br />

Le genre Pachycereus se distingue <strong>du</strong> genre Cephalocereus<br />

par son ovaire squameux et couvert de poils.<br />

On a encore rangé dans ce groupe le Lophocereus Schottii<br />

Britt. et Rose, mais ce dernier, quoique possédant chez la<br />

forme type décrite par Engelmann un cephalium des mieux<br />

conditionnés, présente des caractères botaniques différents et<br />

renferme des variétés très particulières qui le rapprochent<br />

de ce groupe très particulier de Cierges auxquels <strong>les</strong> indi-<br />

gènes donnent le nom de Caramballos et pour lequel, comme<br />

on l’a vu dans un chapitre précédent, Console créa un genre<br />

à part qu’il nomma Myrtillocactus 1 .<br />

vaRiabilité des spécimens. — Ainsi qu’on le constate<br />

dans la nature, beaucoup d’espèces de Cephalocereus sont<br />

sujettes à modifier leurs allures suivant <strong>les</strong> conditions de<br />

climat et de milieu. C’est ainsi qu’une même espèce, lors-<br />

qu’elle végète sur <strong>les</strong> hauteurs où le climat se montre plus<br />

froid et plus brusquement changeant, a tendance à pro<strong>du</strong>ire<br />

un cephalium plus touffu et plus laineux, tandis que ce der-<br />

nier s’amoindrit lorsque la plante qui le porte est soumise<br />

au régime plus clément des vallées.<br />

La nature des terrains ainsi que leur exposition influent<br />

également sur le port <strong>du</strong> végétal, ainsi que sur la consti-<br />

tution de ses tiges ; sur <strong>les</strong> sites abrupts ou boisés, la même<br />

espèce peut présenter des rameaux plus grê<strong>les</strong>, plus flexib<strong>les</strong><br />

et même quelque peu rampants, tandis que sur le sol des<br />

plateaux où l’ensemble de la plante peut se trouver exposée<br />

à des remous aériens fréquents, <strong>les</strong> tiges arrivent à acquérir<br />

une conformation plus robuste et mieux érigée.<br />

distRibution géogRaphique. — Les Cierges à cephalium<br />

sont originaires des régions tropica<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong> des<br />

deux Amériques ; on <strong>les</strong> rencontre au Mexique, aux Antil<strong>les</strong>,<br />

1. Dans l’Amérique <strong>du</strong> Sud, se trouve encore un autre genre pourvu<br />

de cephalium, le genre Espostoa Britt. et Rose.


chapitRe xiii 365<br />

au Brésil, au Pérou, en Bolivie ; ils habitent en général des<br />

régions de climat chaud ou tempéré, mais, néanmoins, dans<br />

l’Amérique <strong>du</strong> Sud, on peut en rencontrer des espèces<br />

confinées aux hautes altitudes où le régime climatérique<br />

peut, pendant une partie de l’année, être d’une âpreté<br />

extrême, tel est l’Espostoa lanata Britt. et Rose qui se rencontre<br />

végétant sur <strong>les</strong> hauts plateaux des Andes, <strong>du</strong> Pérou<br />

et de l’Ecuador, à une altitude pouvant aller jusqu’à<br />

2.250 mètres, sur un sol très sec et où la température, très<br />

basse pendant certaines saisons, est largement compensée<br />

par une très vive et éclatante lumière.<br />

Au point de vue botanique, ces Cactacées, en général<br />

d’assez grande stature, sont <strong>les</strong> plus résistantes et <strong>les</strong> mieux<br />

adaptées au froid que l’on connaisse ; el<strong>les</strong> laissent sous ce<br />

rapport loin derrière el<strong>les</strong> ces formes basses et ré<strong>du</strong>ites<br />

représentées par <strong>les</strong> Echinocereus et <strong>les</strong> Mamillariées<br />

adaptés aux parages élevés <strong>du</strong> Mexique et aux régions froides<br />

des Montagnes Rocheuses des États-Unis.<br />

constitution de la matièRe FibReuse utilisable. —<br />

D’après ce que l’on vient de voir, quelques espèces seule-<br />

ment sont aptes à pro<strong>du</strong>ire la fibre ayant une application<br />

in<strong>du</strong>strielle.<br />

La laine fournie par ces Cactacées, lorsqu’elle est suffi-<br />

samment longue et peu mélangée d’aiguillons, constitue<br />

d’emblée une matière première d’excellente qualité, pouvant<br />

être employée comme un succédané de ces fibres soyeuses<br />

que l’on nomme commercialement kapok. Elle peut, sui-<br />

vant l’espèce, atteindre une longueur de 5 centimètres ; elle<br />

est lustrée, blanche ou légèrement roussâtre, bien résistante<br />

et peu hygroscopique.<br />

Cette laine présente un avantage appréciable sur <strong>les</strong> laines<br />

anima<strong>les</strong> quant à son usage dans <strong>les</strong> pays chauds, car elle<br />

est beaucoup moins attaquée par <strong>les</strong> insectes ; de plus, se<br />

séchant rapidement lorsqu’elle a été mouillée, elle ne fer-<br />

mente que difficilement, même lorsqu’elle a subi un certain<br />

temps l’effet de la température et de l’humidité.<br />

Suffisamment longue, la fibre laineuse <strong>du</strong> cephalium a<br />

pu être filée comme le coton et servir aux époques préco-


366 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

lombiennes à la confection des tissus. On préparait encore<br />

avec cette laine végétale des sortes de feutres auxquels on<br />

mélangeait parfois une certaine quantité de poils d’origine<br />

animale ; un essai récent a démontré que, additionnée d’un<br />

quart de poil de lapin, la fibre fournie par le Cephalocereus<br />

leucocephalus donnait un pro<strong>du</strong>it susceptible d’être utilisé<br />

en chapellerie.<br />

Actuellement, la matière laineuse des Cephalocereus et<br />

des Pachycereus n’est plus guère employée par <strong>les</strong> indigènes<br />

que dans <strong>les</strong> rembourrages de coussins, d’oreillers, de ma-<br />

telas ; dans ces applications elle se comporte très bien, car,<br />

suffisamment souple et élastique, elle n’a pas l’inconvénient<br />

de se tasser, de se pelotonner ou de se ré<strong>du</strong>ire en poudre ;<br />

sous ce rapport, elle se montre supérieure à ces kapoks que,<br />

dans <strong>les</strong> mêmes localités, on retire des fruits de Bombacées.<br />

Ces laines de cephalium, lorsqu’el<strong>les</strong> sont employées dans<br />

<strong>les</strong> usages domestiques, peuvent se laver et se sécher faci-<br />

lement sans que l’on soit obligé de <strong>les</strong> sortir des enveloppes<br />

où el<strong>les</strong> sont contenues ; aussi, pour cette raison, <strong>les</strong><br />

emploie-t-on couramment dans certains villages des terres<br />

chaudes pour la confection de matelas servant à la literie<br />

des enfants.<br />

La fibre laineuse ne se récolte pas à toutes <strong>les</strong> saisons, car<br />

si elle reste attachée à la plante qui la pro<strong>du</strong>it, elle finit par<br />

subir un <strong>du</strong>rcissement qui lui fait perdre ses qualités de<br />

soup<strong>les</strong>se ; aussi <strong>les</strong> indigènes, afin d’avoir un pro<strong>du</strong>it tou-<br />

jours homogène, ont-ils soin d’en faire la récolte à une<br />

époque coïncidant avec la fin de la fructification.<br />

La laine, après sa récolte, ne subit guère de préparation ;<br />

c’est tout au plus si on lui donne un cardage sommaire afin<br />

d’en éliminer <strong>les</strong> aiguillons criniformes qu’elle pourrait avoir<br />

retenus.<br />

Si l’usage des laines fournies par <strong>les</strong> Cephalocereus et <strong>les</strong><br />

Pachycereus n’est pas plus connu et n’est pas venu jusqu’ici<br />

constituer un article commercial d’exportation, cela doit sur-<br />

tout s’attribuer à ce que <strong>les</strong> essences pro<strong>du</strong>ctives sont en<br />

général très localisées, et que, de plus, el<strong>les</strong> n’ont jamais<br />

fait l’objet d’une culture ni même d’une propagation de la<br />

part des indigènes, ceux-ci se contentant pour leurs besoins


Fig. 98. — Cephalocereus leucocephalus<br />

Britt. et Rose.<br />

Spécimen arborescent.<br />

Environs de Jalapa (État de Vera Cruz).


368 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

domestiques d’aller s’approvisionner de la matière laineuse<br />

aux endroits où <strong>les</strong> plantes pro<strong>du</strong>ctives croissent à l’état<br />

spontané.<br />

Néanmoins, étant données ses qualités et sa supério-<br />

rité sur <strong>les</strong> autres succédanés de pro<strong>du</strong>ction sauvage, cette<br />

matière textile mérite d’être prise en considération, surtout<br />

qu’elle provient de Cactacées ayant comme habitat des ter-<br />

rains stéri<strong>les</strong> et souvent fort escarpés où l’on ne peut établir<br />

de cultures.<br />

Les Cephalocereus et Pachycereus mexicains ne sont pas<br />

<strong>les</strong> seuls à avoir été exploités par <strong>les</strong> indigènes. Dombey si-<br />

gnalait, à la fin <strong>du</strong> xviii e siècle, la laine de certains Cierges<br />

employée dans l’Amérique méridionale ; cet explorateur en<br />

avait même fait parvenir des échantillons à Duhamel, secré-<br />

taire de l’Académie des Sciences 1 .<br />

Les espèces mexicaines de Cephalocereus sont :<br />

C. alensis Britt. et Rose (syn. : Pilocereus alensis Web.,<br />

Cereus alensis Berger). — État de Jalisco : Sierra del Alo ;<br />

C. chrysacanthus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus chrysacanthus<br />

Web., Cereus chrysacanthus Orcutt). — État de<br />

Puebla : environs de Tehuacan ; État de Oaxaca ;<br />

C. comètes Britt. et Rose (syn. : C. flavicomus Salm-Dyck,<br />

Pilocereus jubatus Salm-Dyck, P. flavicomus Rümpler,<br />

P. cometes Scheidw.). — État de San Luis Potosi ;<br />

C. Gaumeri Britt. et Rose. — État de Yucatan ;<br />

C. Hoppenstedtii Schum. (syn. : Pilocereus Hoppenstedtii<br />

Web., P. lateralis Web., P. Hagendorpi Regel, Cereus Hopenstedtii<br />

Berger). — État de Puebla : environs de Tehuacan ;<br />

État de Oaxaca ;<br />

C. leucocephalus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus leucocephalus<br />

Poselg., P. Houlletii Lem., P. Forsteri Lem.,<br />

P. Marschalleckianus Zeiss., Cereus Houlletii Berger, C. Forsteri<br />

Sencke). — Massif central <strong>du</strong> Mexique : États de Vera-<br />

Cruz, de Jalisco, de Michoacan, de Chihuahua, de Sonora ;<br />

1. Voir : abbé RozieR : Observations sur la Physique, XIX, pp. 252-<br />

254, Paris, 1782.<br />

Fôrsteri -><br />

Forsteri


24<br />

Fig. 99. — Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose<br />

à rameaux flexueux.<br />

Puerto Angel (État de Oaxaca).


Guadeloupe -><br />

Guadalupe<br />

370 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

C. macrocephalus Web. (syn. : Pilocereus macrocephalus<br />

Web., Cereus macrocephalus Berger). — État de Puebla :<br />

environs de Tehuacan ;<br />

C. Palmeri Rose (syn. : Cereus victoriensis Vaupel). —<br />

État de Mexico : près de Victoria ;<br />

C. polylophus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus polylophus<br />

Salm-Dyck, Cereus polylophus DC., C. angulosus Stieb.,<br />

C. Nickelsii Hort.). — État d’Hidalgo : vallée de Zimapan,<br />

Meztitlan, Tlacolula ;<br />

C. Purpursii Britt. et Rose. — État de Sinaloa : Mazatlan ;<br />

territoire de Tepic : Guadalupe ;<br />

C. Sartoriauus Rose. — État de Vera-Cruz ;<br />

C. scoparius Britt. et Rose (syn. : Pilocereus scoparius<br />

Poselg., P. Sterkmannii Hort., Cereus scoparius Berger). —<br />

Terres chaudes de l’État de Vera-Cruz : environ de la<br />

Soledad ;<br />

C. senilis Pfeiff. (syn. : Pilocereus senilis Lem., Cactus<br />

senilis Haw., Cactus bradypus Lehm., Cereus senilis DC.,<br />

Cephalophorus senilis Lem., Echinocactus senilis Beat.,<br />

E. Stap<strong>les</strong>iæ Tate, Melocactus bradypus Lehm.). — Massif<br />

central <strong>du</strong> Mexique, principalement dans la région d’Ixmiquilpan<br />

;<br />

C. Tetazo Vaupel (syn. : Pilocereus Tetezo Web., Cereus<br />

Tetazo Coult.). — État de Puebla : environs de Tehuacan ;<br />

État de Oaxaca.<br />

Les espèces mexicaines de Pachycereus sont au nombre<br />

de neuf :<br />

P. chrysomallus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus chrysomallus<br />

Lem., P. militaris Salm-Dyck, P. fulviceps Web.,<br />

Cephalocereus chrysomallus Schum., Cereus chrysomallus<br />

Hemsl., C. militaris Audot, C. fulviceps Berger). — État de<br />

Michoacan : District de Huetamo, vallée <strong>du</strong> Rio Balsas ;<br />

Pachycereus Columna-Trajani Britt. et Rose (syn. : Pilocereus<br />

Columna-Trajani Lem., P. lateribarbatus Pfeiffer,<br />

Cephalocereus Columna-Trajani Schum., C. Columna Lem.,


Fig. 100. — Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose.<br />

Tiges tombées sur le sol ayant donné naissance à de jeunes rameaux.<br />

Barranca <strong>du</strong> rio Santiago, environs de Guadalajarra (État de Jalisco).


Guanajuto -><br />

Guanajuato<br />

372 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Cereus Columna-Trajani Karw.). — Sud de l’État de Puebla :<br />

région de San Sebastian Zinacatepec ;<br />

P. Gaumeri Britt. et Rose 1 . — État de Yucatan : Hedo,<br />

Port Silam ;<br />

P. grandis Britt. et Rose (syn. : Cereus Bergerianus Vaupel).<br />

— État de Morelos ;<br />

P. marginatus Britt. et Rose (syn. : Cereus marginatus<br />

DC., C. gemmatus Zucc.). — États d’Hidalgo, Queretaro et<br />

Guanajuato ;<br />

P. Orcuttii Britt. et Rose (syn. : Cereus Orcuttii K. Brandeg.).<br />

— Territoire de Basse-Californie : Rosario ;<br />

P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose (syn. : Cereus Pectenaboriginum<br />

Engelm.). — États de Chihuahaca, Sonora, Colima<br />

et Basse-Californie ;<br />

Pachycereus Pringlei Britt. et Rose (syn. : P. calvus Britt.<br />

et Rose, P. Titan Britt. et Rose, Pilocereus Pringlei Web.,<br />

Cereus Pringlei Wats., C. calvus Engelm., C. Titan Engelm.).<br />

— États-Unis : Arizona ; Mexique : États de Sonora, Sinaloa,<br />

Basse-Californie ;<br />

P. ruficeps Britt. et Rose (syn. : Pilocereus ruficeps Web.,<br />

Cereus ruficeps Vaupel). — État de Puebla : environs de<br />

Tehuacan.<br />

Les Cephalocereus et <strong>les</strong> Pachycereus présentent une<br />

grande variabilité. C’est ainsi, par exemple, que le Pachycereus<br />

Columna-Trajani, qui fut signalé et décrit sommairement<br />

par Karwinski, dès 1837, paraît répondre à plu-<br />

sieurs types dont <strong>les</strong> caractères botaniques auraient été<br />

confon<strong>du</strong>s pour en former une seule espèce. L’auteur semble<br />

surtout s’être basé comme caractère le plus apparent, sur<br />

la forme colomnaire de la tige, il aurait alors été amené<br />

à confondre le Pachycereus ruficeps, <strong>les</strong> Cephalocereus Hoppenstedtii<br />

et Tetazo et plusieurs autres formes de Cierges spécia<strong>les</strong><br />

à la région et qui, lorsqu’el<strong>les</strong> croissent sur <strong>les</strong> flancs<br />

1. Ne pas confondre Cephalocereus Gaumeri Britt. et Rose et Pachycereus<br />

Gaumeri Britt. et Rose.


Fig. 101. — Cephalium de Cephalocereus<br />

leucocephalus Britt. et Rose.<br />

Barranca <strong>du</strong> rio Santiago (État de Jalisco).


374 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

des montagnes, ne se ramifient que fort peu et affectent<br />

presque toujours l’apparence d’une colonne remarquable<br />

par sa rectitude.<br />

Dans la région de San Sebastian Zinacatepec, où Kar-<br />

winski situe l’habitat <strong>du</strong> Pachycereus Columna-Trajani, on<br />

rencontre toute une série de ces Cierges peu ou point rami-<br />

fiés, formant d’assez vastes peuplements sur <strong>les</strong> lianes mon-<br />

tagneux et dont <strong>les</strong> tiges uniques émergent comme des po-<br />

teaux parfaitement dressés au sein de la végétation arbo-<br />

rescente dont ces sites sont plus ou moins garnis (fig. 15).<br />

Ce fait devient alors une cause facile de confusion qui rend<br />

difficile l’identification des espèces.<br />

Mais, en laissant de côté ces considérations d’un ordre<br />

purement systématique pour rentrer dans <strong>les</strong> limites de ce<br />

chapitre dont le but est de faire connaître <strong>les</strong> formes de Cac-<br />

tacées susceptib<strong>les</strong> de fournir des pro<strong>du</strong>its fibreux utili-<br />

sab<strong>les</strong> dans l’in<strong>du</strong>strie textile, deux espèces de Cephalocereus<br />

ont surtout, à cause de leur abondante pro<strong>du</strong>ction laineuse,<br />

été utilisées par <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique :<br />

ce sont <strong>les</strong> Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose et<br />

Hoppenstedtii Schum.<br />

Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus<br />

leucocephalus Poselg., P. Houlletii Lem., P. Forsteri<br />

Lem., P. Marschalleckianus Zeiss., Cereus Houlletii Berger,<br />

C. Forsteri Sencke). — Cette espèce se présente sous l’allure<br />

d’un Cierge bien ramifié, pouvant atteindre une hauteur de<br />

4 à 7 mètres chez <strong>les</strong> spécimens complètement a<strong>du</strong>ltes.<br />

Ce Cephalocereus varie notablement dans son allure suivant<br />

<strong>les</strong> conditions <strong>du</strong> milieu dans lequel le hasard l’a<br />

placé : il peut montrer des rameaux parfaitement droits et<br />

rectilignes qui atteignent un diamètre de 15 à 20 centimètres<br />

lorsqu’il se trouve dans des conditions d’isolement sur <strong>les</strong><br />

plateaux où il est exposé à des remous aériens à peu près<br />

constants (fig. 98). Mais, dans certaines circonstances, ces<br />

mêmes rameaux peuvent devenir plus grê<strong>les</strong>, flexueux et<br />

même quelque peu rampants et décombants au point de<br />

ressembler à ceux de la variété presque rigide <strong>du</strong> Nyctocereus<br />

serpentinus Britt. et Rose ; cette modification consti-<br />

Fôrsteri -><br />

Forsteri


Fig. 102. — Cephalocereus Hoppenstedtii<br />

Britt. et Rose.<br />

Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla


376 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tutionnelle s’observe principalement lorsqu’il croît sur <strong>les</strong><br />

pentes boisées et déclives des montagnes (fig. 99).<br />

Cette espèce présente une particularité commune avec<br />

le Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose, c’est d’émettre,<br />

lorsque ses rameaux tombent ou simplement se couchent<br />

sur le sol, des rejetons perpendiculaires à la tige ; il en<br />

résulte que <strong>les</strong> spécimens issus de ces bouturages et mar-<br />

cottages accidentels peuvent affecter une allure assez irré-<br />

gulière et assez désordonnée lorsque la plante vient à<br />

acquérir une certaine dimension (fig. 100).<br />

Les tiges sont d’un vert glaucescent, ont de sept à huit<br />

côtes épaisses arrondies à leur sommet, et sont séparées par<br />

des sillons aigus. Les aréo<strong>les</strong> sont garnies d’un <strong>du</strong>vet blanc<br />

et de longs poils soyeux de même couleur et dont l’ensemble<br />

constitue le cephalium et la matière in<strong>du</strong>striellement exploi-<br />

table.<br />

Le cephalium (fig. 101) est surtout latéral ; il offre une<br />

belle laine blanche persistante parmi laquelle apparaissent<br />

et souvent se dissimulent la fleur et le fruit. La fleur est<br />

longue de 8 centimètres environ, elle est subcampanulée,<br />

son tube est charnu et presque nu, ses divisions périgona<strong>les</strong><br />

sont recurvées et d’un rose livide ; <strong>les</strong> étamines, comme<br />

c’est le caractère des Cephalocereus, sont insérées par<br />

gradins ; le style est longuement exsert.<br />

Le fruit consiste en une baie globuleuse, écailleuse, de<br />

couleur verdâtre passant au rouge à la maturité ; sa pulpe<br />

est rouge.<br />

L’aire de dispersion de ce Cephalocereus est assez éten<strong>du</strong>e ;<br />

son centre paraît être à peu de chose près le même que celui<br />

<strong>du</strong> C. senilis, c’est-à-dire le massif central <strong>du</strong> Mexique, d’où<br />

il aurait rayonné au nord vers <strong>les</strong> États de Chihuahua et<br />

Sonora, à l’est dans l’État de Vera-Cruz où on le rencontre<br />

principalement auprès de Xalapa, à l’ouest dans <strong>les</strong> États<br />

<strong>du</strong> Michoacan et de Jalisco ; dans cette dernière région il se<br />

montre particulièrement abondant dans <strong>les</strong> sierras del Tigre<br />

et del Alo, ainsi que sur <strong>les</strong> flancs de la barranca <strong>du</strong><br />

rio Santiago, où <strong>les</strong> indigènes allaient jadis faire la récolte<br />

de la laine végétale que l’on utilisait dans <strong>les</strong> villages.


Fig. 103. — Bosquet de Cephalocereus Hoppenstedtii Schum.<br />

sur <strong>les</strong> versants montagneux.<br />

Environs de Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).


378 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Cette espèce parait préférer <strong>les</strong> versants ou <strong>les</strong> coteaux,<br />

escarpés et abrupts des montagnes où, à la saison sèche, ou<br />

la distingue facilement de très loin grâce à son cephalium<br />

d’un blanc éclatant.<br />

Cephalocereus Hoppenstedtii Schum. (syn. : Pilocereus<br />

lateralis Web., P. Hoppenstedtii Web., P. Hugendorpii Regel,<br />

Cereus Hoppenstedtii Berger). — Cette espèce se présente sous<br />

la forme d’une tige unique pouvant atteindre 8 à 10 mètres<br />

d’élévation, cylindrique ou parfois légèrement conique, dont<br />

la partie moyenne, souvent un peu renflée, peut atteindre<br />

un diamètre d’environ 40 centimètres. Cette tige, parfai-<br />

tement droite, ou tout au plus un peu recourbée à sa partie<br />

supérieure, est, dans la majorité des cas, complètement<br />

simple et sans ramification ; cependant, dans de très rares<br />

exceptions, comme parfois on peut en rencontrer dans <strong>les</strong><br />

bosquets de ces Cactacées, on trouve des spécimens pré-<br />

sentant des rudiments de rameaux ; ces derniers, proba-<br />

blement accidentels, se manifestent soit par une bifurcation<br />

de l’apex, soit par un bourgeon apparaissant sur le parcours<br />

de la tige, comme on peut le voir sur le côté gauche <strong>du</strong><br />

spécimen de la figure 102.<br />

Les côtes sont nombreuses, arrondies à leur sommet, <strong>les</strong><br />

sillons sont obtus, <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> nues et distantes <strong>les</strong> unes des<br />

autres d’environ 1 centimètre ; <strong>les</strong> aiguillons sont nombreux,<br />

blancs, subrigides, <strong>les</strong> supérieurs longs de 1 à 2 centi-<br />

mètres, <strong>les</strong> inférieurs beaucoup plus grands et pouvant<br />

atteindre un développement de 4 à 10 centimètres. Le<br />

cephalium est très caractéristique ; il est constitué par<br />

une longue bande laineuse de 10 à 20 centimètres de largeur<br />

qui s’étend régulièrement sur un des côtés de la tige, depuis<br />

le sommet jusqu’au moins la moitié de sa hauteur. La laine<br />

fournie par cette bande est très épaisse et très abondante ;<br />

elle est constituée par des éléments d’un blanc jaunâtre<br />

d’une longueur de 4 à 5 centimètres ; cette laine est entre-<br />

mêlée d’aiguillons criniformes de même couleur. Les fleurs<br />

apparaissent au sein de cette fourrure qu’el<strong>les</strong> dépassent à<br />

peine ; longues de 7 centimètres, charnues, el<strong>les</strong> sont d’un<br />

blanc jaunâtre, plus ou moins teintées de rose à l’extérieur.


Fig. 104. — Cephalocereus Hoppenstedtii Schum.<br />

surgissant de la végétation arborescente.<br />

San Antonio Nanahuatipa (État de Oaxaca)


380 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Le fruit constitue une baie ovoïde d’un diamètre de 2 à<br />

3 centimètres, d’un blanc pâle ; il contient une pulpe peu<br />

succulente.<br />

Le C. Hoppenstedtii paraît avoir une aire de dispersion<br />

assez restreinte ; jusqu’ici on ne le signale que dans le sud<br />

de l’État de Puebla et dans la partie nord-ouest de l’État<br />

de Oaxaca ; son centre de dissémination paraît être aux<br />

environs de la petite ville de Zapotitlan de las Salinas, où il<br />

forme des peuplements assez denses sur <strong>les</strong> flancs des ver-<br />

sants montagneux (fig. 103). On l’y rencontre en compagnie<br />

de plusieurs autres espèces de Cierges différemment ramifiés,<br />

tels par exemple <strong>les</strong> Cephalocereus Tetazo, Pachycereus<br />

ruficeps, Lemaireocereus Weberi, L. stellatus, Escontria<br />

Chotilla, etc.<br />

Ces deux Cephalocereus, que l’on exploite au Mexique<br />

pour l’abondance et la qualité de leur matière laineuse, sont<br />

susceptib<strong>les</strong> de fournir aux régions où ils habitent d’autres<br />

avantages très appréciab<strong>les</strong>, car, croissant de préférence sur<br />

<strong>les</strong> sols abrupts ou fortement inclinés, ils permettent sur ces<br />

parages, impropres non seulement aux cultures ordinaires<br />

mais aussi à l’établissement d’une végétation pérenne, de<br />

stabiliser une certaine couche d’humus qui, au moment des<br />

pluies orageuses, serait fatalement entraînée ; ils favorisent<br />

ainsi des conditions permettant à la végétation arborescente<br />

spontanée de prendre pied, d’où résultera un avantage pour<br />

la région. Ces faits s’observent très nettement dans <strong>les</strong> États<br />

de Puebla et de Oaxaca avec le Cephalocereus Hoppenstedtii,<br />

principalement dans la barranca de Tomelin où l’on voit,<br />

sur des sites très abrupts, une végétation arborescente des<br />

mieux fournies, parmi laquelle surgissent de nombreux<br />

Cierges colomnaires non ramifiés (fig. 104). Le même effet<br />

s’observe également avec le Cephalocereus leucocephalus<br />

dans l’État de Jalisco où, de place en place se fait jour,<br />

dans la barranca <strong>du</strong> rio Santiago et dans <strong>les</strong> ravins avoi-<br />

sinant le Valle de las playas, de nombreux spécimens de ce<br />

Cierge, dont le cephalium, d’un blanc éclatant vient, à la<br />

saison sèche, faire contraste sur la tonalité morne dont se<br />

revêtent <strong>les</strong> paysages à cette époque <strong>du</strong> repos de la nature.


CHAPITRE XIV<br />

DIFFÉRENTES AUTRES UTILISATIONS<br />

ÉCONOMIQUES DES CACTACÉES<br />

Cactacées pro<strong>du</strong>ctrices de graines alimentaires, de bois, de<br />

gommes. — Les Cardones et leurs principaux représentants :<br />

Cephalocereus Tetazo Vaupel, Lemaireocereus Weberi<br />

Britt. et Rose, Pachycereus Pringlei Britt. et Rose, P. Pectenaboriginum<br />

Britt. et Rose.<br />

A côté de ces Cierges dont l’utilisation de la fibre soyeuse<br />

fut l’objet d’une petite in<strong>du</strong>strie localisée seulement à<br />

quelques régions <strong>du</strong> Mexique, il existe d’autres espèces de<br />

Cactacées dont l’exploitation s’est plus généralisée et dont,<br />

aujourd’hui encore, on tire profit dans <strong>les</strong> régions avoisinant<br />

<strong>les</strong> bosquets de ces plantes. Tels sont ceux dont <strong>les</strong> fruits<br />

contenant une abondante quantité de graines, sont aptes à<br />

donner un pro<strong>du</strong>it alimentaire pouvant tenir lieu de<br />

Céréa<strong>les</strong>, ceux dont <strong>les</strong> tiges suffisamment lignifiées offrent<br />

un bois de bonne qualité trouvant son emploi dans <strong>les</strong><br />

usages ménagers, et enfin ceux dont on peut retirer une<br />

matière gommeuse susceptible de différentes applications.<br />

Ces utilisations, si el<strong>les</strong> ne constituent qu’une exploitation<br />

de second ordre en comparaison de ce que l’on a pu obtenir<br />

des Cactacées, méritent cependant d’être prises en consi-<br />

dération, car, en même temps qu’el<strong>les</strong> montrent tout le parti<br />

que <strong>les</strong> indigènes savaient tirer des plantes croissant en<br />

abondance dans leur pays, el<strong>les</strong> nous font également entre-<br />

voir d’autres ressources pouvant donner lieu, comme on le<br />

verra plus loin, à des applications plus appropriées aux<br />

nécessités présentes.


382 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

CACTACÉES A GRAINES ALIMENTAIRES<br />

Un certain nombre de représentants de la famille des<br />

Cactacées sont susceptib<strong>les</strong> de fournir des graines en<br />

suffisante abondance pour permettre leur utilisation comme<br />

succédanés des Céréa<strong>les</strong>, et servir alors à la préparation de<br />

farines plus ou moins panifiab<strong>les</strong>. La consommation des<br />

graines de Cactacées dans l’alimentation nationale était,<br />

aux temps précolombiens, assez répan<strong>du</strong>e dans une grande<br />

partie <strong>du</strong> Mexique, et cela aussi bien chez <strong>les</strong> populations<br />

civilisées que chez <strong>les</strong> tribus indiennes demeurées à l’état<br />

primitif.<br />

Les premières, à part la classe indigente, employaient<br />

surtout ces semences comme aliment de disette aux moments<br />

de l’année où <strong>les</strong> provisions de maïs commençaient à<br />

s’épuiser. Les secondes, qui ne se livraient pas à l’agriculture,<br />

comprenaient ces graines au nombre de cel<strong>les</strong><br />

qu’el<strong>les</strong> récoltaient dans la nature pour servir à leur nour-<br />

riture habituelle, et dont el<strong>les</strong> avaient coutume de s’appro-<br />

visionner régulièrement aux saisons propices.<br />

L’usage des graines de Cactacées dans un but alimentaire<br />

n’est pas complètement abandonné, et l’on peut encore, de<br />

nos jours, voir cette denrée occuper à certaines saisons une<br />

place sur <strong>les</strong> marchés villageois des confins des États de<br />

Puebla et Oaxaca. A ce sujet, il est bon de faire remarquer<br />

que toutes <strong>les</strong> Cactacées recherchées pour cet usage four-<br />

nissent leur récolte à l’époque de l’année où la saison est<br />

la plus sèche, tandis que <strong>les</strong> autres végétaux pro<strong>du</strong>cteurs de<br />

graines farineuses, tels que Légumineuses, Graminées et<br />

autres, n’offrent guère leurs pro<strong>du</strong>its que vers l’automne,<br />

après que des pluies copieuses ont fait apparaître une végé-<br />

tation normale, dans ces endroits en général peu fortunés<br />

qui sont le principal habitat des Cactacées.<br />

Il résulte de ces faits que <strong>les</strong> Cactacées n’étant pas sujettes,<br />

dans leur pro<strong>du</strong>ction, aux mêmes aléas que la végétation<br />

normale, peuvent assurer d’une façon constante des res-<br />

sources naturel<strong>les</strong> à une époque fixe, dans <strong>les</strong> contrées où<br />

l’on a à redouter ces disettes consécutives des grandes<br />

sécheresses.


chapitRe xiii 383<br />

Les fruits de Cactacées auxquels on a plus particu-<br />

lièrement recours pour la récolte des graines sont ceux que<br />

pro<strong>du</strong>isent <strong>les</strong> Opuntia (§ Platyopuntia), <strong>les</strong> Cierges arborescents<br />

et aussi parfois certaines grandes Echinocactées,<br />

tous ceux-ci étant, grâce au volume et à l’abondance de leurs<br />

fruits, <strong>les</strong> seuls qui puissent, dans de bonnes conditions de<br />

récolte, offrir une copieuse provision de semences.<br />

Dans le groupe des Platyopuntia, la graine fut, d’après ce<br />

que rapportent <strong>les</strong> anciens missionnaires, d’un usage cou-<br />

tumier chez <strong>les</strong> tribus nomades qui peuplaient autrefois <strong>les</strong><br />

plateaux et <strong>les</strong> montagnes <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique.<br />

Dans ces régions foncièrement désertiques où le Nopal<br />

est la plante sauvage la plus répan<strong>du</strong>e et la plus pro<strong>du</strong>ctive,<br />

<strong>les</strong> Indiens avaient soin, lorsqu’ils préparaient avec <strong>les</strong><br />

Tunas, la boisson que l’on nomme Colonche, ou la série de<br />

conserves dont il a été question au chapitre de l’exploitation<br />

des Opuntia, de mettre en réserve <strong>les</strong> graines qui devaient,<br />

dans la suite, faire partie de leur nourriture normale.<br />

Chez <strong>les</strong> Echinocactées, dont la plupart ne donnent qu’une<br />

fructification exempte de pulpe, on récoltait <strong>les</strong> fruits à<br />

l’époque de la maturité et on <strong>les</strong> laissait sécher de façon à<br />

conserver <strong>les</strong> graines que l’on extrayait ensuite à mesure<br />

des besoins.<br />

Les Cierges pouvaient fournir, comme <strong>les</strong> Opuntia, des<br />

fruits susceptib<strong>les</strong> de donner en même temps une pulpe et<br />

des graines comestib<strong>les</strong> ou, comme <strong>les</strong> Echinocactées, une<br />

baie à peu près sèche ne contenant que des semences.<br />

Les premiers de ces Cierges étaient représentés par ce que<br />

dans le langage vernaculaire on nomme Pitayos, et <strong>les</strong><br />

seconds Cardones, formes géantes dont <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> plus<br />

remarquab<strong>les</strong> seront décrites à la fin de ce chapitre.<br />

En somme, aux époques précolombiennes et dans toutes<br />

<strong>les</strong> zones désertiques <strong>du</strong> Mexique, <strong>les</strong> graines de Cactacées<br />

étaient l’objet d’une consommation coutumière chez <strong>les</strong><br />

tribus indiennes, qui mettaient alors à contribution <strong>les</strong><br />

espèces endémiques de la région qu’el<strong>les</strong> habitaient. C’est<br />

ainsi, comme on vient de le voir, que dans <strong>les</strong> steppes <strong>du</strong>


384 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

nord <strong>du</strong> Mexique, on avait recours aux Platyopuntia, et suite<br />

plateau central ainsi que sur ses deux versants où le<br />

climat est moins sec et moins rude, à différentes espèces<br />

de Cierges.<br />

Le traitement que <strong>les</strong> indigènes font subir aux graines de<br />

Cactacées pour <strong>les</strong> approprier à leur alimentation, est des<br />

plus simp<strong>les</strong> et est le même que celui employé pour <strong>les</strong><br />

autres graines récoltées à l’état sauvage. Après une expo-<br />

sition plus ou moins longue au soleil afin d’éliminer toute<br />

humidité provenant <strong>du</strong> fruit, <strong>les</strong> graines sont soumises dans<br />

une batée à une agitation rapide et à une ventilation afin de<br />

<strong>les</strong> débarrasser de la pulpe sèche et des matières étrangères<br />

qui peuvent y adhérer, puis, pour terminer, el<strong>les</strong> sont sou-<br />

mises à une légère torréfaction dans le but d’en assurer la<br />

conservation. La ré<strong>du</strong>ction à l’état de farine s’effectue tou-<br />

jours au moment de la consommation ; elle se pratique<br />

comme pour le maïs, c’est-à-dire en opérant la mouture sur<br />

la pierre plate que l’on nomme MÉtate, qui, plus ou moins<br />

modifiée de forme, est restée encore aujourd’hui d’un usage<br />

très courant dans tout le Mexique, surtout parmi <strong>les</strong> popu-<br />

lations rura<strong>les</strong>.<br />

Si la valeur nutritive des graines de Cactacées n’a pas fait<br />

jusqu’ici l’objet d’études spécia<strong>les</strong>, elle mérite cependant<br />

d’être prise en considération, car <strong>les</strong> Indiens, même <strong>les</strong> plus<br />

primitifs, ont su la reconnaître et même, semble-t-il, lui<br />

donner une préférence sur <strong>les</strong> autres graines sauvages qu’ils<br />

recherchaient pour leur nourriture. Un fait qui paraît bien<br />

le prouver est cette étrange et peu ragoûtante coutume mise<br />

en pratique chez <strong>les</strong> tribus sauvages habitant jadis la Basse-<br />

Californie et qui, d’après ce que rapportent <strong>les</strong> mission-<br />

naires, consistait, à l’époque où <strong>les</strong> Indiens se nourrissaient<br />

exclusivement de Pitayas, à extraire <strong>les</strong> graines contenues<br />

dans leurs excréments qu’ils avaient soin, en vue de cette<br />

récolte, de déposer sur des paquets d’herbe ou sur des pierres<br />

que l’on exposait au soleil afin de <strong>les</strong> sécher. Après cette<br />

dessiccation, <strong>les</strong> graines se détachaient d’el<strong>les</strong>-mêmes et<br />

pouvaient être nettoyées par le procédé de la bâtée exposé<br />

ci-dessus.


25<br />

Fig. 105. — Coupe longitudinale tangentielle <strong>du</strong> tronc d’un Opuntia Tapona Engelm.<br />

montrant l’écorce et la partie ligneuse réticulée.


386 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Le Père Clavijero mentionne le fait dans son histoire de<br />

la Basse-Californie et ajoute que <strong>les</strong> soldats espagnols quali-<br />

fièrent ironiquement cette opération de Segunda cosecha de<br />

pitayas 1 .<br />

Cette coutume, quoique des plus répugnantes, mérite<br />

cependant d’être relatée, car elle suffit bien à démontrer<br />

la valeur nutritive que l’instinct des Indiens primitifs avait<br />

su découvrir dans <strong>les</strong> graines de Cactacées.<br />

Du reste, ces mêmes Indiens consommaient encore<br />

d’autres graines de Cactacées, tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que pro-<br />

<strong>du</strong>isent le Pachycereus Pringlei Britt. et Rose et le Ferocactus<br />

Peninsulæ Britt. et Rose, et pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils<br />

n’avaient pas besoin, comme moyen de récolte, d’avoir<br />

recours à un procédé aussi immonde, la première de ces<br />

Cactacées ayant une pulpe qu’ils n’appréciaient pas et le<br />

second un fruit complètement sec.<br />

CACTACÉES FOURNISSANT UN BOIS UTILISABLE<br />

Plusieurs espèces appartenant aux Opuntia et aux Cierges<br />

sont susceptib<strong>les</strong> d’offrir une lignification suffisamment<br />

complète de leurs tiges pour fournir parfois un bois d’excel-<br />

lente qualité, que <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> ont su mettre à<br />

profit dans leurs usages domestiques et dans leur petite<br />

in<strong>du</strong>strie. Aussi dans <strong>les</strong> régions à peu près stéri<strong>les</strong> où <strong>les</strong><br />

arbres de haute futaie sont généralement rares, a-t-on fré-<br />

quemment recours à la matière ligneuse que procurent <strong>les</strong><br />

sites peuplés de Cactacées.<br />

La nature de l’axe ligneux des Cactacées varie consi-<br />

dérablement, non seulement suivant <strong>les</strong> genres, mais aussi<br />

suivant <strong>les</strong> espèces ; tantôt elle constitue une substance<br />

nerveuse et ferme, tantôt au contraire molle et flexible ; de<br />

là une série de matériaux qui peuvent convenir à des usages<br />

différents.<br />

Chez <strong>les</strong> Opuntia, la constitution de la lignification est<br />

tout à fait particulière : elle se présente sous forme de fais-<br />

1. claviJeRo. — Historia de la Antigua o Baya California. Chap.<br />

XIX, p. 24.


Fig. 106. — Coupe longitudinale axiale <strong>du</strong> tronc d’un Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose<br />

montrant l’écorce, la partie ligneuse et le canal mé<strong>du</strong>laire.


388 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

ceaux fibreux qui se recourbent, s’entrecroisent et se soudent<br />

de façon à offrir au début un corps réticulé dont <strong>les</strong> mail<strong>les</strong><br />

se rétrécissent peu à peu par suite <strong>du</strong> développement, et<br />

disparaissent pour ne plus laisser finalement qu’une masse<br />

assez homogène (fig. 105).<br />

Chez <strong>les</strong> Cierges, <strong>les</strong> fibres, au lieu de fournir un pareil<br />

enchevêtrement, se disposent longitudinalement et parallèlement<br />

entre el<strong>les</strong>, de sorte qu’ils ont une texture ligneuse<br />

se rapprochant de celle des bois ordinaires (fig. 106).<br />

La matière ligneuse des Cactacées diffère par sa structure<br />

de celle des autres végétaux dont on a coutume d’utiliser le<br />

bois : celle-ci, au lieu de s’organiser par couches concentriques,<br />

résulte toujours de l’accolement de fibres qui<br />

d’abord apparaissent isolément par faisceaux dans <strong>les</strong> parties<br />

jeunes de la plante, mais qui, par suite de la croissance,<br />

augmentent de volume et finissent par se rejoindre en se<br />

soudant <strong>les</strong> uns aux autres, de façon à former un tube complet<br />

enserrant la partie mé<strong>du</strong>laire de la tige. A la base des<br />

rameaux et surtout dans la partie formant le tronc de la<br />

plante, <strong>les</strong> parois de ce tube, en s’épaississant, envahissent<br />

presque toute la tige pour ne plus laisser au centre de<br />

cette dernière qu’un canal mé<strong>du</strong>laire relativement étroit, et<br />

à la partie extérieure qu’une mince couche corticale.<br />

C’est ce que montrent d’une façon très nette <strong>les</strong> coupes<br />

transversa<strong>les</strong> de Platyopuntia, lorsque leurs artic<strong>les</strong>, d’abord<br />

comprimés, se sont modifiés pour prendre un contour cylindrique<br />

(fig. 107), et le fût des Cierges dès qu’il parvient à de<br />

fortes dimensions (fig. 108).<br />

Les bois fournis par <strong>les</strong> Cactacées trouvent, suivant leur<br />

constitution, différentes applications dans <strong>les</strong> usages domestiques<br />

; c’est ainsi que ceux de médiocre qualité conviennent<br />

pour le chauffage et ceux bien homogènes et de bonne dimension<br />

pour la charpente dans la construction des habitations<br />

et même dans certains cas pour des travaux d’art, emplois<br />

qui sont encore restés assez courants chez <strong>les</strong> populations<br />

rura<strong>les</strong> et qui motivent encore aujourd’hui une certaine<br />

exploitation forestière des régions boisées de Cactacées.


Fig. 107. — Section transversale <strong>du</strong> tronc complètement lignifié de<br />

l’Opuntia Tapona Engelm.


390 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La séparation <strong>du</strong> principe ligneux de la partie charnue à<br />

laquelle il est intimement lié, n’offre aucune difficulté et<br />

s’opère naturellement d’elle-même. Il suffit pour cela d’aban-<br />

donner la plante abattue sur le sol aux intempéries et aux<br />

ardeurs <strong>du</strong> soleil, après toutefois l’avoir débarrassée de ses<br />

parties jeunes qui pourraient, en entrant en végétation,<br />

entraver la dessication régulière. Dans ces conditions, la<br />

pulpe ne tarde guère à se dessécher et à tomber en pous-<br />

sière, laissant ainsi un bois à peu près exempt de matières<br />

étrangères, qu’il ne reste plus alors, pour sa facilité de<br />

transport, qu’à débiter sur place et à approprier aux usages<br />

auxquels on le destine.<br />

bois de combustion. — Les bois de Cactacées que l’on<br />

emploie de préférence dans le chauffage ménager, sont ceux<br />

que fournissent <strong>les</strong> Opuntia, car la structure réticulée de<br />

leur lignification est très favorable pour donner une flamme<br />

vive et peu fuligineuse.<br />

Les Cylindropuntia sont préférés aux Platyopuntia à cause<br />

de la conformation de leur axe ligneux, qui se présente sous<br />

forme de bûches assez régulières et de moyennes dimensions,<br />

ce qui convient alors pour <strong>les</strong> foyers rudimentaires dont <strong>les</strong><br />

indigènes font usage.<br />

Les espèces <strong>les</strong> plus particulièrement employées pour<br />

cet objet sont <strong>les</strong> O. Cholla Web., Alcahes Web., imbricata<br />

DC., etc., qui se rencontrent dans la nature, formant<br />

parfois, sur d’assez vastes éten<strong>du</strong>es, des buissons que <strong>les</strong><br />

bûcherons mexicains vont exploiter pour en apporter le<br />

pro<strong>du</strong>it sur <strong>les</strong> marchés.<br />

Les extrémités des tiges de Cylindropuntia, grâce à la<br />

texture bien ajourée de leur bois (fig. 109), donnent lieu<br />

lors de leur combustion à une longue flamme très éclai-<br />

rante, aussi <strong>les</strong> monteros <strong>les</strong> réservent-ils pour faire des<br />

torches dont ils se servent pendant leurs randonnées noc-<br />

turnes à travers <strong>les</strong> steppes.<br />

On utilise encore comme bois de chauffage ceux que pro-<br />

<strong>du</strong>isent certains de ces Cierges à tiges rameuses qui, dans<br />

nombre de localités, forment comme <strong>les</strong> Cylindropuntia


Fig. 108. — Coupe transversale de la moitié d’une bille de 45 centimètres de diamètre<br />

prélevée sur la partie lignifiée <strong>du</strong> tronc d’un Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.


392 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

d’importants peuplements ; tels sont <strong>les</strong> Machacrocereus<br />

gummosus Britt. et Rose, Acanthocereus pentagonus Britt.<br />

et Rose, Myrtillocactus geometrizans Console, Lophocereus<br />

Schottii Britt. et Rose.<br />

bois de constRuction, de chaRpente, de menuiseRie. —<br />

Les grands Cierges à tiges bien érigées, comme <strong>les</strong> Pitayos<br />

et <strong>les</strong> Cardones, fournissent un élément ligneux qui, suivant<br />

sa constitution, donne lieu à des catégories de bois trouvant<br />

leur utilisation particulière dans <strong>les</strong> constructions d’habi-<br />

tations et <strong>les</strong> travaux d’art.<br />

Les premiers, sauf quelques exceptions, donnent en<br />

général un tronc relativement court par rapport à leurs<br />

tiges qui sont peu ramifiées, droites et de moyenne grosseur ;<br />

il résulte de ce fait que leur axe ligneux fournit plutôt des<br />

tubes que des pièces massives ; ceux-ci peuvent alors sup-<br />

pléer <strong>les</strong> bambous dans un certain nombre de leurs appli-<br />

cations ménagères.<br />

Les seconds, qui sont <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> plus corpulentes que<br />

comportent <strong>les</strong> Cierges, pro<strong>du</strong>isent une lignification beau-<br />

coup plus massive pouvant arriver à donner des bil<strong>les</strong> de<br />

bois qui, convenablement fen<strong>du</strong>es, pro<strong>du</strong>isent des planches<br />

de bonnes dimensions.<br />

Certains Pitayos, comme par exemple le Lemaireocereus<br />

Thurberi Britt. et Rose, grâce à la rectitude remarquable de<br />

leurs tiges, donnent des tubes ligneux longs parfois de<br />

plus de 2 mètres, dont on retire de bons avantages dans<br />

l’édification des habitations, dans <strong>les</strong> usages ménagers et<br />

dans <strong>les</strong> travaux agrico<strong>les</strong>. C’est ainsi que divisés longitu-<br />

dinalement en plusieurs segments, ils fournissent, grâce à<br />

leur texture particulière, d’excellentes lattes flexib<strong>les</strong> et bien<br />

résistantes que l’on emploie comme fermes pour soutenir<br />

<strong>les</strong> toitures de chaume, de palmes ou de tui<strong>les</strong>. Ces mêmes<br />

lattes, réunies par des liens, servent encore à confectionner<br />

ces sortes de claies repliab<strong>les</strong> que l’on désigne au Mexique<br />

sous le nom de Tapextle et qui font toujours partie <strong>du</strong><br />

mobilier sommaire des Indiens et des populations rura<strong>les</strong>.<br />

Ce tube de Pitayo coupé à dimension, soit entier, soit


Fig. 109. — Partie ligneuse de la tige<br />

d’un Opuntia (§ Cylindropuntia) imbricata DC.


394 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

fen<strong>du</strong> par le milieu, fournit des étuis ou des coffrets cylin-<br />

driques auxquels on a fréquemment recours pour la présen-<br />

tation et la conservation des objets délicats.<br />

Les rancheros mexicains emploient encore d’une façon<br />

assez courante <strong>les</strong> tubes de Pitayos dans leurs travaux agrico<strong>les</strong><br />

; ils s’en servent alors comme de bambous pour <strong>les</strong><br />

canalisations et <strong>les</strong> distributions d’eau dans l’irrigation des<br />

champs de cultures.<br />

Les Cardones, vu leurs proportions, sont susceptib<strong>les</strong> de<br />

fournir un élément ligneux beaucoup plus important et<br />

beaucoup plus massif que <strong>les</strong> Pitayos. Aussi est-ce à ceux-ci<br />

que l’on s’adresse de préférence lorsqu’il s’agit d’obtenir<br />

des tablettes ou des madriers que l’on emploie soit dans la<br />

construction pour faire <strong>les</strong> parois des habitations, soit dans<br />

<strong>les</strong> travaux d’art concernant la menuiserie ou l’ébénisterie,<br />

car certaines espèces sont capab<strong>les</strong> d’offrir un bois <strong>du</strong>r, bien<br />

homogène, et susceptible de recevoir un beau poli.<br />

La tige des Cardones donne, comme celle des Pitayos, un<br />

cylindre creux qui, grâce à l’épaisseur de sa paroi, peut être<br />

débité parallèlement à l’axe, de façon à fournir des tablettes<br />

de moyennes épaisseur et largeur, qui peuvent trouver un<br />

emploi approprié dans <strong>les</strong> travaux de charpente.<br />

Le tronc de ces Cierges fournit une bille de bois qui,<br />

suivant la dimension et le port de la plante, peut dépasser<br />

50 centimètres de diamètre sur une hauteur parfois de<br />

2 mètres.<br />

Les localités où <strong>les</strong> indigènes exploitent <strong>les</strong> bois de Cierges<br />

pour des travaux d’art, sont cel<strong>les</strong> qui sont situées à proxi-<br />

mité de ces endroits incultes où des bosquets de Cactacées<br />

couvrent, depuis des sièc<strong>les</strong>, d’assez grandes éten<strong>du</strong>es de<br />

terrain et où l’on peut facilement rencontrer des spécimens<br />

très âgés capab<strong>les</strong> de donner de bons matériaux, ou bien<br />

encore dans <strong>les</strong> pays où l’on emploie <strong>les</strong> Cierges comme<br />

clôture et où on est obligé, de temps en temps, de supprimer<br />

<strong>les</strong> sujets devenus trop encombrants par suite de leur déve-<br />

loppement.<br />

C’est ainsi que dans le sud-ouest des États-Unis et dans<br />

la partie nord-ouest <strong>du</strong> Mexique, <strong>les</strong> Indiens Pimas et


chapitRe xiv 395<br />

Opatas emploient en grande partie, dans l’édification de<br />

leurs cases, le bois qui leur est fourni par le Carnegiea<br />

gigantea Britt. et Rose.<br />

Sur le versant pacifique <strong>du</strong> Mexique on a recours pour<br />

<strong>les</strong> mêmes usages aux Pachycereus Pringlei Britt. et Rose,<br />

P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose et Lemaireocereus<br />

Thurberi Britt. et Rose.<br />

Sur le versant atlantique <strong>du</strong> Mexique, principalement dans<br />

le district de Tehuacan et dans la Basse-Mixtèque, différents<br />

Cierges sont employés ; tels sont toute la série des grandes<br />

espèces croissant dans <strong>les</strong> montagnes et <strong>les</strong> Lemaireocereus<br />

stellatus Britt. et Rose et Hollianus Britt. et Rose, que l’on<br />

cultive pour le fruit ou pour faire des clôtures ; mais c’est<br />

surtout, dans cette région où <strong>les</strong> Cierges forment de si<br />

remarquab<strong>les</strong> peuplements, au Lemaireocereus Weberi<br />

Britt. et Rose que l’on donne la préférence.<br />

Ce dernier, qui est le plus volumineux de tous ses congé-<br />

nères mexicains, donne, par ses tiges et par son tronc qui<br />

peut parfois acquérir 1 mètre de diamètre, une masse de bois<br />

considérable et qui, grâce à sa qualité, trouve un emploi<br />

courant dans <strong>les</strong> travaux de charpente ou de menuiserie.<br />

Sur le massif central, principalement dans <strong>les</strong> États de<br />

Queretaro, Jalisco et Michoacan, où <strong>les</strong> Cardones font à peu<br />

près défaut, on a parfois recours au Lemaireocereus queretaroensis<br />

Safford pour se procurer <strong>du</strong> bois ; ce Cierge, qui<br />

fait partie des Pitayos proprement dits, donne à la fois par<br />

ses rameaux bien érigés et par son tronc souvent très<br />

robuste, une nature de bois qui se rapproche assez de celle<br />

des Cardones, mais cette espèce étant surtout cultivée ou<br />

entretenue pour sa pro<strong>du</strong>ction fruitière, n’est que peu<br />

employée pour son bois que l’on ne prélève guère que sur<br />

des spécimens morts ou abattus par <strong>les</strong> ouragans.<br />

CACTACÉES PRODUCTRICES DE GOMMES<br />

La sève de Cactacées, chez bon nombre d’espèces, contient,<br />

en plus ou moins grande abondance, une matière muci-<br />

lagineuse qui, lorsqu’elle se concrète, fournit une gomme


396 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

insoluble à l’eau, que <strong>les</strong> indigènes utilisent dans nombre de<br />

cas pour leurs usages domestiques. Cette matière muci-<br />

lagineuse qui, jusqu’ici, n’a donné dans le pays où on la<br />

récolte, que des applications de médiocre importance, semble<br />

depuis peu, comme on le verra plus loin, être appelée à<br />

devenir un pro<strong>du</strong>it in<strong>du</strong>striel intéressant.<br />

Toutes <strong>les</strong> Cactacées ne la pro<strong>du</strong>isent pas ; elle semble<br />

surtout être propre à cel<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> tiges sont pourvues<br />

d’une ossature ligneuse, car à part quelques exceptions<br />

(Mamillariées Galactochylées), elle fait complètement défaut<br />

chez <strong>les</strong> Cactiers globuleux qui, comme on le sait, ont une<br />

sève tellement pure et limpide qu’elle peut servir dans cer-<br />

taines circonstances à remplacer l’eau potable.<br />

Les formes pro<strong>du</strong>ctives de cette gomme appartiennent<br />

donc aux genres Opuntia et Lemaireocereus.<br />

Chez le premier, on constate souvent que la matière<br />

mucilagineuse vient s’épancher à l’extérieur, en exsudat<br />

qui, au contact de l’air, se concrétionne en larmes, laissant<br />

alors une matière solide, légèrement translucide, d’un éclat<br />

lustré et de couleur plus ou moins blanchâtre ou jaunâtre.<br />

Cette matière concrétée, à laquelle <strong>les</strong> Espagnols don-<br />

nèrent le nom d’Alquitran de tierra, ne semble pas être,<br />

comme chez <strong>les</strong> autres arbres pro<strong>du</strong>cteurs de gomme, la<br />

conséquence d’une manifestation pathologique ou le résultat<br />

de la piqûre d’un insecte ; elle paraît au contraire être natu-<br />

relle et répondre à une modification biologique, survenant<br />

chez <strong>les</strong> Platyopuntia au moment où ils se constituent en<br />

tiges cylindriques fortement lignifiées. C’est <strong>du</strong> moins ce<br />

que paraissent indiquer certains spécimens quelque peu<br />

anormaux qui, au détriment de leurs artic<strong>les</strong> aplatis, se<br />

constituent en tronc allongé sur lequel on constate, plus<br />

que sur tout autre, d’abondants exsudats concrétés ; ces<br />

derniers, <strong>du</strong> reste, sont désignés par <strong>les</strong> indigènes sous le<br />

nom de Nopa<strong>les</strong> gomenos.<br />

Les indigènes emploient le mucilage des Platyopuntia sous<br />

ses deux états. La gomme exsudée et solide sert, comme tous<br />

<strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its à peu près similaires, à préparer des masti-<br />

catoires ou à être incorporée à différents ingrédients afin de


chapitRe xiv 397<br />

remplacer d’autres pro<strong>du</strong>ctions naturel<strong>les</strong> ne se rencontrant<br />

pas dans le pays. C’est ainsi, par exemple, que mélangée à<br />

de la graisse, on a pu, dans <strong>les</strong> petites in<strong>du</strong>stries de villages,<br />

fabriquer des cierges à bon marché qui ont toute l’appa-<br />

rence de ceux que l’on exécute d’ordinaire avec la cire<br />

d’abeille. Quant au mucilage extrait directement par l’ex-<br />

pression ou le broyage des artic<strong>les</strong>, il avait jadis nombre<br />

d’applications dans la médecine populaire.<br />

Le jus exprimé des artic<strong>les</strong> et concentré par la chaleur<br />

est mélangé à des matières inertes pour obtenir soit une<br />

substance plastique faisant l’office de mastic, soit un adhésif<br />

capable de coller <strong>les</strong> pièces de bois, ainsi que <strong>les</strong> Indiens de<br />

certaines régions ont coutume de le faire avec le suc retiré<br />

des bulbes d’Orchidacées ou encore avec celui d’une Com-<br />

posée vivace et frutescente que, dans le nord <strong>du</strong> Mexique, on<br />

désigne sous le nom vulgaire de Guayule (Parthenium argentatum<br />

A. Gray).<br />

La matière gommeuse des Cactacées était connue et<br />

employée depuis très longtemps, mais elle n’était pas sortie<br />

<strong>du</strong> domaine des applications restreintes que comportait<br />

l’utilisation indigène. Dombey, au xviii e siècle, signala cette<br />

gomme comme étant d’un emploi courant dans l’Amérique<br />

<strong>du</strong> Sud, et en envoya des échantillons à l’Académie des<br />

Sciences 1 ; Alzate, dans un Mémoire sur <strong>les</strong> Nopals, s’étonne<br />

que Dombey présente comme une nouveauté une chose<br />

connue depuis longtemps au Mexique, et ajoute que l’on<br />

pourrait appliquer cette substance à l’apprêt des tissus 2 .<br />

Récemment, Emmet S. Long 3 dit que la gomme obtenue<br />

des variétés inermes et épineuses des Platyopuntia ordinaires<br />

ressemble beaucoup à celle <strong>du</strong> Guayule et peut avantageusement<br />

lui être substituée dans <strong>les</strong> mélanges que l’on<br />

fait avec le caoutchouc dans le but d’améliorer ou de modi-<br />

fier ses propriétés. Il ajoute que par un traitement spécial<br />

suivi d’un raffinage, la substance mucilagineuse <strong>du</strong> Nopal<br />

1. B. sage. — Examen d’une substance gélatineuse recueillie par<br />

M. Dombey sur un Nopal, Paris, 1789.<br />

2. A. alzate. — Gaceta de literatura, 19 de abril 1791, réimprimé<br />

en 1831, II, p. 162-166.<br />

3. The Indian Rubber World, p. 709, 1 er Août 1920.


398 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

fournit une gomme de couleur ambrée ressemblant par ses<br />

propriétés physiques à celle <strong>du</strong> Guayule, quoique bien moins<br />

plastique. Celle-ci peut être pro<strong>du</strong>ite à un prix de revient<br />

permettant de concurrencer le caoutchouc brut et le Guayule.<br />

Avec cette gomme, qui est soluble dans le benzol et qui,<br />

dans cette solution, peut donner un pro<strong>du</strong>it très adhésif, on<br />

a pu réaliser un mélange composé de caoutchouc 50 0/0,<br />

gomme de Cactacée 40 0/0, ingrédients minéraux 10 0/0,<br />

avec lequel on obtient, après vulcanisation, des bandes ayant<br />

la même force de tension et d’élasticité que cel<strong>les</strong> fabriquées<br />

seulement avec <strong>du</strong> caoutchouc de plantation. En faisant<br />

varier la teneur des différents composants, on peut alors<br />

réaliser des pro<strong>du</strong>its pouvant s’adapter aux différents usages<br />

auxquels se prête le meilleur caoutchouc d’in<strong>du</strong>strie.<br />

L’auteur, ainsi que ceux qui ont assisté aux essais d’uti-<br />

lisation de cette gomme de Cactacée, concluent, d’après le<br />

Mémoire cité, que cette gomme est à tous points de vue<br />

égaie au Guayule et même, en certains cas, peut lui être<br />

supérieure en raison de la facilité avec laquelle elle se<br />

vulcanise et de la proportion dans laquelle elle peut rem-<br />

placer le caoutchouc brut sans nuire à la qualité <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />

fini.<br />

Les Cierges offrent également une gomme qui paraît,<br />

sinon identique, <strong>du</strong> moins analogue à celle que pro<strong>du</strong>isent<br />

<strong>les</strong> Platyopuntia et dont <strong>les</strong> indigènes ont su tirer un certain<br />

parti. C’est ainsi qu’en Basse-Californie, avec le Lemaireocereus<br />

Thurberi Britt. et Rose, ou Pitayo <strong>du</strong>lce, on a pu,<br />

comme on l’a vu au sujet de ce Cierge, retirer <strong>du</strong> suc exprimé<br />

des tiges, et après sa concentration à feu doux, une matière<br />

poisseuse dont <strong>les</strong> indigènes se sont servi pour faire un<br />

adhésif et même une poix d’excellente qualité, à laquelle <strong>les</strong><br />

marins espagnols ont eu jadis recours pour le colmatage de<br />

leurs navires.<br />

Le Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose, qui est si<br />

commun dans le sud de l’État de Puebla, où grâce à la recti-<br />

tude de ses tiges et à sa facile culture, on l’entretient pour<br />

faire des clôtures, fournit en très grande quantité un pro-<br />

<strong>du</strong>it mucilagineux qui paraît, plus que celui de toute autre<br />

espèce, devoir être exploité avec avantage pour l’in<strong>du</strong>strie<br />

de la gomme.


chapitRe xiv 399<br />

LES CARDONES<br />

Les Cierges auxquels, faute d’autres pro<strong>du</strong>ctions plus<br />

avantageuses, <strong>les</strong> populations mexicaines ont recours pour<br />

<strong>les</strong> usages domestiques qui viennent d’être exposés, appar-<br />

tiennent pour la plupart à ce groupe de formes géantes que<br />

dans la nomenclature populaire on désigne sous le nom de<br />

Cardones, désignation ayant trait au peu d’utilité de ces<br />

plantes.<br />

Les principa<strong>les</strong> espèces de ces Cardones que l’on exploite<br />

pour la pro<strong>du</strong>ction de leurs graines et de leur matière li-<br />

gneuse, sont <strong>les</strong> Cephalocereus Tetazo Vaupel, Lemaireocereus<br />

Weberi Britt. et Rose, Pachycereus Pringlei Britt. et<br />

Rose, P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />

Cephalocereus Tetazo Vaupel (syn. : Pilocereus Tetezo<br />

Web., Cereus Tetazo Coult.). — C’est une espèce qui peut<br />

atteindre une hauteur de 10 à 15 mètres ; elle présente une<br />

ramification très fournie ; ses tiges, d’un vert grisâtre, sont<br />

toujours bien érigées, peu divergentes <strong>les</strong> unes des autres,<br />

légèrement coniques et acuminées à l’extrémité (fig. 110).<br />

Les côtes sont au nombre de 10 à 12, el<strong>les</strong> sont peu proé-<br />

minentes et séparées <strong>les</strong> unes des autres par des sillons peu<br />

profonds. Les aréo<strong>les</strong> sont garnies d’un tomentum ca<strong>du</strong>c à<br />

éléments courts, feutrés, de couleur grisâtre, qui peuvent<br />

tout au plus figurer un rudiment de cephalium. Les faisceaux<br />

épineux se composent de 8 à 19 aiguillons assez courts, dont<br />

un central beaucoup mieux développé mesurant environ<br />

4 à 5 centimètres ; ces aiguillons sont droits, rigides, acicu-<br />

laires, acuminés et d’une coloration noirâtre. Les fleurs<br />

apparaissent au sommet des tiges ; el<strong>les</strong> sont d’une teinte<br />

verdâtre, longues de 6 centimètres, ne présentant aucune<br />

trace de pilosité ; sur leur tube inerme se soudent des<br />

squames linéaires charnues ; <strong>les</strong> sépa<strong>les</strong> sont arrondis, re-<br />

curvés ; <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> sont étalés et de couleur blanchâtre ; <strong>les</strong><br />

étamines sont courtes, insérées en gradins et laissent au-<br />

dessous de leur insertion un espace vide ; le style se termine<br />

au niveau <strong>du</strong> limbe. Le fruit est ficiforme, de couleur vert<br />

clair, long de 2 à 3 centimètres ; il renferme une pulpe


400 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

blanche contenant de très nombreuses graines qui sont<br />

comestib<strong>les</strong> et avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> indigènes, en temps de<br />

pénurie de céréa<strong>les</strong>, préparent une farine.<br />

Le fruit <strong>du</strong> Tetazo, en plus de ses graines, renferme une<br />

pulpe blanche légèrement sucrée qui se sèche facilement au<br />

soleil, comme on le fait pour certains fruits ; aussi <strong>les</strong> indi-<br />

gènes le conservent-ils ainsi et le consomment comme <strong>les</strong><br />

figues séchées ; il se vend couramment à sa saison sur <strong>les</strong><br />

marchés <strong>du</strong> sud de l’État de Puebla ; il sert alors pour faire<br />

des conserves ou pour en extraire <strong>les</strong> graines.<br />

Ce Cierge, par sa forme bien érigée et son peu de ramifi-<br />

cations, se confond par son aspect avec plusieurs autres<br />

Pachycereus et Cephalocereus qui se rencontrent dans la<br />

même région et qui souvent croissent en compagnie sur <strong>les</strong><br />

coteaux et <strong>les</strong> pentes des montagnes, où ils forment alors de<br />

très importants peuplements ; tels sont par exemple <strong>les</strong><br />

Pachycereus ruficeps Britt. et Rose, que <strong>les</strong> indigènes<br />

nomment faux Tetazo, le P. chrysomallus Britt. et Rose et<br />

le Cephalocereus Hoppenstedtii Britt. et Rose.<br />

L’éten<strong>du</strong>e de la zone de répartition <strong>du</strong> Cephalocereus<br />

Tetazo reste indéterminée, on sait seulement qu’il se rencontre<br />

en abondance sur <strong>les</strong> confins des États de Puebla et<br />

de Oaxaca, principalement dans <strong>les</strong> régions de Tehuacan,<br />

Chazumba, Los Cues, Tomelin, San Sebastian Zina-<br />

catepec, etc.<br />

Lemaireocereus Weberi Britt. et Rose (syn. Cereus Weberi<br />

Coult., C. candelabrum Web.). — Cette espèce est une des plus<br />

volumineuses que comportent <strong>les</strong> Cierges au Mexique,<br />

non par son élévation qui n’excède pas une dizaine de<br />

mètres, mais par son extension latérale, qui peut, chez<br />

<strong>les</strong> sujets très développés, couvrir une surface dont le<br />

diamètre arrive jusqu’au double de la hauteur de la plante.<br />

Ses tiges, d’un vert plus ou moins céru<strong>les</strong>cent, sont très<br />

vigoureuses ; el<strong>les</strong> ont environ une vingtaine de centimètres<br />

de section ; leur sommet est arrondi, quelque peu déprimé,<br />

couvert d’une laine épaisse d’où surgissent des aiguillons<br />

courts et étalés. El<strong>les</strong> ne se ramifient guère que vers leur


26<br />

Fig. 110. — Cephalocereus Tetazo Vaupel.<br />

Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).


402 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

base et après s’être brusquement recourbées, se disposent<br />

toujours parallèlement <strong>les</strong> unes aux autres, en partant d’un<br />

tronc droit et corpulent ayant parfois 1 mètre de diamètre<br />

sur une hauteur très variable, qui peut parfois, chez <strong>les</strong><br />

spécimens élancés, parvenir à 2 mètres (fig. 111).<br />

Il résulte de cet ensemble que la plante affecte, par la<br />

régularité de son port, un aspect tout à fait particulier, qui<br />

la fait facilement et à première vue distinguer des autres<br />

Cierges en compagnie desquels elle se rencontre d’habitude.<br />

Les tiges présentent neuf côtes fortement comprimées<br />

ayant une hauteur de 2 centimètres, séparées <strong>les</strong> unes des<br />

autres par de profonds sillons. Les aréo<strong>les</strong> se distancent de<br />

2 ou 3 centimètres ; el<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong> et garnies d’une pilo-<br />

sité laineuse formant coussinet. Les faisceaux épineux com-<br />

portent neuf aiguillons renflés à leur base, dont huit radiants<br />

et un central beaucoup plus développé. Les aiguillons supé-<br />

rieurs sont plus petits et ont 1 à 5 millimètres de longueur,<br />

tandis que ceux de la base atteignent 3 centimètres ; l’ai-<br />

guillon central rappelle quelque peu celui <strong>du</strong> Myrtillocactus<br />

geometrizans Console ; comme lui, il est comprimé en forme<br />

de stylet et mesure de 7 à 10 centimètres de long. Les fleurs,<br />

d’un blanc jaunâtre, apparaissent sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> latéra<strong>les</strong> ;<br />

leur longueur est de 8 à 10 centimètres. Le fruit est oblong,<br />

épineux, et atteint 6 à 7 centimètres dans son plus grand<br />

diamètre ; il est couvert de petites écail<strong>les</strong> qui portent à leur<br />

aisselle de la laine et de petits aiguillons ; ce fruit, lorsqu’il<br />

est arrivé à maturité, est presque sec et renferme une très<br />

grande quantité de graines qui sont, comme cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Cephalocereus<br />

Tetazo, récoltées par <strong>les</strong> indigènes pour subvenir,<br />

en temps de disette, à la pénurie de céréa<strong>les</strong>. Le bois fourni<br />

par <strong>les</strong> rameaux, et surtout par le tronc, est très compact,<br />

et, bien fen<strong>du</strong>, préparé par des professionnels, il peut fournir<br />

des planches de très bonne qualité qui trouvent leur emploi<br />

dans la menuiserie et l’ébénisterie.<br />

Dans l’État de Puebla, on s’en sert tout spécialement pour<br />

fabriquer <strong>les</strong> panneaux et <strong>les</strong> parties rigides des sel<strong>les</strong><br />

particulières à la région.<br />

Le Lemaireocereus Weberi est encore très couramment<br />

employé pour faire <strong>les</strong> clôtures délimitant <strong>les</strong> propriétés.


Fig. 111. — Lemaireocereus Weberi Coult.<br />

Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).


Cakteen -><br />

Kakteen<br />

404 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

A cause de ses vigoureux aiguillons, ce Cierge est désigné<br />

vernaculairement sous le nom de Cardon espinoso ; quant<br />

au nom spécifique proposé de candelaber, donné par<br />

Weber 1 , il a trait à la ramification de ce Cierge qui, lorsqu’il<br />

croît librement, affecte une forme de candélabre des plus<br />

parfaites.<br />

La répartition géographique de ce Cierge est à peu de<br />

chose près la même que celle de l’espèce précédente ; il est<br />

très répan<strong>du</strong> au sud de l’État de Puebla où on le rencontre<br />

auprès des petites vil<strong>les</strong> de Zapotitlan de las Salinas et de<br />

San Sebastian Zinacatepec.<br />

Pachycereus Pringlei Britt. et Rose (syn. : P. calvus Britt.<br />

et Rose, P. Titan Britt. et Rose, Cereus Pringlei Wats.,<br />

C. Titan Engelm., C. calvus Engelm., Pilocereus Pringlei<br />

Web.). — Ce Cierge est, avec le Carnegiea gigantea Britt. et<br />

Rose et le Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose,<br />

une des trois espèces gigantesques que l’on rencontre sur<br />

le versant pacifique <strong>du</strong> Mexique.<br />

La taille habituelle des spécimens a<strong>du</strong>ltes varie entre 8 et<br />

10 mètres, cependant elle peut parvenir parfois à une élé-<br />

vation beaucoup plus considérable sur le versant occidental<br />

de la Basse-Californie où il n’est pas rare de rencontrer,<br />

comme le montrent <strong>les</strong> figures 1 et 19, des spécimens dont la<br />

stature approche d’une vingtaine de mètres.<br />

Le port et l’allure <strong>du</strong> P. Pringlei sont assez variab<strong>les</strong> et<br />

paraissent dépendre, <strong>du</strong> moins en grande partie, d’influences<br />

loca<strong>les</strong> et climatériques. Si, parfois, certains spécimens de<br />

cette espèce peuvent ressembler au Lemaireocereus Weberi,<br />

ils sont cependant toujours infiniment moins rameux et<br />

l’on peut même en rencontrer mesurant 5 à 6 mètres d’élé-<br />

vation qui n’ont pas encore émis de ramification. Par contre,<br />

Certaines formes croissant au voisinage de la mer et princi-<br />

palement dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong> <strong>du</strong> Golfe de Californie, ont un aspect<br />

1. La description parue dans schumann : Gesamtbeschreibung der<br />

Kakteen, p. 106, 1897, porte candebabrum et non candelaber.


Fig. 112. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />

Variété peu épineuse et à tige renflée des climats insulaires.<br />

Île de la Catalana (Golfe de Californie).


406 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tout différent qui <strong>les</strong> rapproche, comme allure, de l’espèce<br />

ci-dessus mentionnée ; ils sont alors, dans leur ensemble,<br />

plus trapus et plus solides de complexion ; leurs rameaux<br />

sont plus épais, moins élancés ; le tronc qui <strong>les</strong> porte est<br />

presque toujours court, de sorte que l’ensemble de la plante<br />

a une tendance à prendre une extension latérale (fig. 112).<br />

Il résulte de ces faits que le P. Pringlei se montre assez<br />

variable dans sa conformation et qu’on peut lui différencier<br />

trois types assez bien définis :<br />

1° Une forme moyenne qui représente celle ayant servi à<br />

Watson en 1885 pour la description de son espèce et dont<br />

<strong>les</strong> échantillons avaient été récoltés par Pringle en Basse-<br />

Californie et qui paraît bien correspondre au Cereus calvus<br />

des notes manuscrites d’Engelmann ;<br />

2° Une autre beaucoup moins rameuse, mais à tiges plus<br />

élancées, habitant surtout le versant oriental de la pénin-<br />

sule californienne où, pour la première fois, elle a été ré-<br />

coltée et observée par Gabb depuis le cap San Lucas jusqu’à<br />

San Quintin et que Engelmann, dans ses mêmes notes, avait<br />

consignée sous le nom de Cereus Titan ;<br />

3° Une dernière forme beaucoup plus massive, moins<br />

élevée, à tronc très court, que l’on rencontre dans certaines<br />

î<strong>les</strong> <strong>du</strong> Golfe de Californie, tel<strong>les</strong> que la Tortuga, la Catalana,<br />

San Jose. Cette troisième forme se différencie encore et à<br />

première vue des précédentes par la coloration de ses tiges<br />

qui est d’un vert plus clair, par ses aiguillons plus aplatis et<br />

flexib<strong>les</strong>, par sa fleur et son fruit acquérant de plus grandes<br />

dimensions.<br />

Ces formes, qui ont toutes trois <strong>les</strong> mêmes caractères bota-<br />

niques, ne peuvent tout au plus constituer que des variétés<br />

car, entre el<strong>les</strong>, on rencontre toute une série de termes de<br />

transition.<br />

Chez la forme la plus communément répan<strong>du</strong>e, <strong>les</strong> tiges<br />

partent d’un tronc souvent bien développé et bien régulier ;<br />

el<strong>les</strong> ont un diamètre d’une vingtaine de centimètres ; tantôt<br />

el<strong>les</strong> s’élancent parallèlement, tantôt, au contraire, el<strong>les</strong> sont<br />

assez divergentes et peuvent même parfois prendre une<br />

allure désordonnée (fig. 113).


Fig. 113. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />

Spécimen montrant l’allure désordonnée que peut prendre<br />

la ramification dans <strong>les</strong> endroits exposés aux intempéries.<br />

Plaines alluvia<strong>les</strong> des environs de la Paz (Basse-Californie).


408 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Leur sommet est complètement inerme et <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> qui<br />

l’occupent portent, au lieu d’aiguillons, un tomentum épais ;<br />

ce qui a valu à ce Cierge le nom vernaculaire de Cardon<br />

pelon.<br />

Les côtes sont au nombre d’une douzaine ; el<strong>les</strong> sont bien<br />

conformées et séparées par de profonds sillons. Les aréo<strong>les</strong><br />

sont confluentes ou tout au plus réunies par un sillon laineux.<br />

Les faisceaux épineux sont constitués par des aiguillons<br />

grisâtres longs de 2 à 3 centimètres ; ils se répartissent<br />

en 12 extérieurs et en 8 intérieurs, dont 4 occupant le centre<br />

sont plus développés. Les fleurs (fig. 114) sont courtes, trapues<br />

; leur tube est squameux et couvert d’une laine épaisse ;<br />

<strong>les</strong> péta<strong>les</strong> sont nombreux, étroits, lancéolés, de couleur<br />

blanche. Le fruit (fig. 115) est velu, laineux ; il s’ouvre en<br />

plusieurs valves irrégulières qui, en se desséchant, s’éparpillent<br />

en de nombreuses pelotes épineuses. Le fruit contient<br />

une pulpe insipide, blanche ou de couleur rosée ; <strong>les</strong> Indiens<br />

n’en faisaient pas cas et récoltaient seulement ses graines<br />

pour leur alimentation.<br />

Étant donnée l’abondance de principes pectiques que<br />

contient cette pulpe, <strong>les</strong> missionnaires eurent l’idée de l’utiliser<br />

en l’aromatisant, afin de préparer des gelées ou des<br />

confitures qui furent appréciées et que l’on prépare encore<br />

de nos jours dans quelques ranchos de la péninsule californienne<br />

; cette préparation culinaire est surtout employée<br />

dans la médecine familiale pour remplacer <strong>les</strong> gelées de<br />

coings dans le traitement des affectations dysentériformes.<br />

Les rancheros de la Basse-Californie utilisent comme pro<strong>du</strong>it<br />

fourrager <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits lorsque toutefois ces<br />

derniers, n’étant pas encore arrivés à maturité, peuvent être<br />

consommés sans danger pour le bétail. Les vaches laitières<br />

soumises à ce régime alimentaire donnent, assure-t-on, un<br />

lait très substantiel, ce qui n’a pas lieu avec <strong>les</strong> autres Cactacées<br />

(Platyopuntia, Echinocactées) employées aux mêmes<br />

fins dans le pays aux moments des grandes sécheresses. La<br />

floraison <strong>du</strong> P. Pringlei ayant lieu vers <strong>les</strong> mois d’avril et<br />

de mai, c’est-à-dire au moment de la sécheresse saisonnière,


Fig. 114. — Fleurs et bouton floral<br />

<strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.


410 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

constitue donc un précieux appoint pour l’entretien en bon<br />

état <strong>du</strong> bétail mis en parcage dans <strong>les</strong> bosquets de ce Cierge.<br />

Ce Cardon procure encore d’autres avantages que <strong>les</strong> indigènes<br />

n’ont pas manqué de mettre à profit ; c’est ainsi,<br />

comme on l’a vu plus haut, qu’il donne avec son tronc et<br />

ses tiges, lorsqu’el<strong>les</strong> sont bien aoûtées, un bois très <strong>du</strong>r<br />

et de bonne qualité, que l’on met assez souvent à contribu-<br />

tion dans la construction et la menuiserie.<br />

Les tiges servent encore, comme on l’a mentionné au<br />

Chapitre des clôtures, à établir de solides et robustes haies<br />

vives pour l’entourage des propriétés (fig. 95).<br />

Le P. Pringlei a une répartition assez éten<strong>du</strong>e ; on le<br />

rencontre au Mexique, depuis <strong>les</strong> confins sud-ouest des<br />

États-Unis où il voisine avec le Carnegiea gigantea Britt. et<br />

Rose, jusqu’à l’isthme de Tehuantepec, et avec le Pachycereus<br />

Pecten-aboriginum Britt. et Rose ; la région où il<br />

paraît abonder davantage occupe surtout <strong>les</strong> États de<br />

Sonora, de Sinaloa et le territoire de la Basse-Californie.<br />

D’une façon générale, ce Cardon a son point d’élection<br />

sur <strong>les</strong> zones côtières ; cependant parfois on le rencontre par<br />

places dans l’intérieur <strong>du</strong> pays où quelquefois il a été trans-<br />

porté accidentellement ; c’est ainsi qu’on a pu le retrouver<br />

auprès de la petite ville d’Acatlan de Osorio (État de Puebla),<br />

située sur la partie supérieure <strong>du</strong> bassin <strong>du</strong> rio Balsas.<br />

Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose (syn. :<br />

Cereus Pecten-aboriginum Engelm. — Ce Cierge est désigné<br />

vernaculairement sous le nom de Hecho ; il ressemble assez<br />

comme morphologie générale à l’espèce précédente. Comme<br />

lui, il est médiocrement rameux et affecte des allures diffé-<br />

rentes suivant <strong>les</strong> conditions écologiques dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il<br />

se trouve ; il atteint chez <strong>les</strong> sujets <strong>les</strong> plus courants une hau-<br />

teur normale de 6 à 8 mètres, mais, dans certaines cir-<br />

constances, peut acquérir une stature beaucoup plus élevée<br />

(fig. 20).<br />

Les tiges sont vigoureuses, longues, assez rectilignes, peu<br />

ou point ramifiées ; el<strong>les</strong> présentent de 10 à 12 côtes hautes,<br />

obtuses, d’un vert foncé ou grisâtre suivant leur âge. Les


Fig. 115. — Fruit <strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose et fragment de son épicarpe<br />

montrant la desquamation des pelotes épineuses.


412 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

faisceaux épineux sont constitués par 8 à 12 aiguillons su-<br />

bulés, très forts, qui, selon leur position, peuvent être dressés<br />

ou infléchis, et de 1 à 3 centimètres de longueur ; ceux qui<br />

occupent la partie supérieure et centrale sont plus longs ;<br />

Fig. 116. — Faisceaux épineux <strong>du</strong> Pachycereus<br />

Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />

(Partie australe de la Basse-Californie).<br />

ces derniers parfois comprimés ; ils sont d’une couleur gri-<br />

sâtre et leur extrémité est noire (fig. 116). Les aréo<strong>les</strong> sont<br />

tomentueuses dans <strong>les</strong> parties jeunes, mais deviennent dans<br />

la suite glabres.


chapitRe xiv 413<br />

La fleur est infundibuliforme, de couleur violacée plus ou<br />

moins verdâtre par endroits ; elle est longue de 4 à 5 centi-<br />

mètres ; l’ovaire est squameux, laineux et épineux. Le fruit<br />

Fig. 117. — Fruit de Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />

constitue une baie sèche, qui est recouverte d’une toison<br />

épaisse constituée par de longs aiguillons flexib<strong>les</strong>, crini-<br />

formes, terminés par une pointe très acérée, ce qui donne à


414 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

ce fruit l’apparence d’une volumineuse châtaigne dont le<br />

diamètre dépasserait 10 centimètres (fig. 117).<br />

Ce fruit, lorsqu’il est complètement sec, est employé par<br />

Fig. 118. — Coupe de l’épicarpe <strong>du</strong> fruit <strong>du</strong> Pachycereus<br />

Pecten-aboriginum Britt. et Rose montrant<br />

l’insertion des aiguillons.<br />

<strong>les</strong> Indiens de Sonora et de Sinaloa, pour fabriquer des<br />

brosses à chevelure ; c’est même ce qui a valu au Cierge qui<br />

le pro<strong>du</strong>it le nom spécifique qui lui fut donné par Engel-<br />

mann. Pour se prêter à l’usage auquel on le destine, ce fruit


chapitRe xiv 415<br />

a besoin de subir une certaine préparation : on commence<br />

d’abord par supprimer par un flambage au feu ou plus sim-<br />

plement avec des ciseaux, <strong>les</strong> extrémités des crins qui sont<br />

vulnérantes ; puis on le soumet à l’eau chaude pour le ra-<br />

Fig. 119. — Brosse à chevelure des Indiens Cahita-yaquis confectionnée avec<br />

le fruit <strong>du</strong> Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />

L’extrémité des aiguillons a été rognée et la partie basilaire <strong>du</strong> fruit<br />

a été débarrassée de ses piquants afin de pouvoir être saisie à la main.<br />

Guaymas (État de Sonora).<br />

mollir et lui donner une forme convenable ; enfin, pour que<br />

cette curieuse brosse, qui ressemble assez à cel<strong>les</strong> que l’on<br />

fabrique avec le chiendent, puisse être saisie à la main, on<br />

a soin de dénuder et d’étirer la base <strong>du</strong> fruit (fig. 119).


416 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La floraison de ce Cierge apparaît toujours à l’extrémité<br />

des rameaux ; elle est parfois très abondante et <strong>les</strong> fruits<br />

qui en résultent finissent parfois, lorsqu’ils ont atteint leur<br />

développement, par se toucher de façon à recouvrir d’un<br />

Fig. 120. — Fruit <strong>du</strong> Pachycereus Pecten-aboriginum<br />

Britt. et Rose, variété.<br />

(Basse-Californie).<br />

manchon épineux l’extrémité de la tige, qui paraît alors être<br />

pourvue d’un cephalium des mieux constitués.<br />

Le P. Pecten-aboriginum est remarquable par la grosseur<br />

de ses graines qui atteignent 4 millimètres de longueur


chapitRe xiv 417<br />

sur 2,5 de largeur ; el<strong>les</strong> sont d’un noir luisant et ne peuvent,<br />

d’après le D r Weber, être confon<strong>du</strong>es avec cel<strong>les</strong> des espèces<br />

jusqu’ici connues.<br />

Ce Cardon, comme le précédent, est utilisé par <strong>les</strong> indigènes<br />

pour sa matière ligneuse ; il sert également à établir<br />

des haies vives pour la clôture des propriétés.<br />

La pulpe de ses tiges contient un principe actif qui a été<br />

isolé et décrit par Hey sous le nom de pectinine 1 . Ce pro<strong>du</strong>it,<br />

d’après l’auteur, a une action physiologique très sem-<br />

blable à l’anhalonine que l’on extrait <strong>du</strong> Lophophora Williamsii<br />

Coult.; il est très virulent et pro<strong>du</strong>it des spasmes<br />

tétaniques.<br />

Le P. Pecten-aboriginum présente une variété qui, jusqu’ici,<br />

n’a été rencontrée que dans la partie australe de la<br />

péninsule californienne ; celle-ci se distingue de l’espèce type<br />

par son fruit dont <strong>les</strong> crins sétacés sont beaucoup plus<br />

touffus, mais par contre beaucoup plus courts, de sorte que<br />

ce fruit ne peut convenir à la fabrication de brosses ; <strong>du</strong><br />

reste lorsqu’il est sec il est peu consistant et se ré<strong>du</strong>it faci-<br />

lement en fragments (fig. 120). Ces faits sembleraient indi-<br />

quer que cette variété pourrait bien être le résultat d’un<br />

croisement naturel avec le P. Pringlei, ces deux espèces fleurissant<br />

à la même époque.<br />

L’aire de dispersion <strong>du</strong> P. Pecten-aboriginum Britt. et<br />

Rose occupe à peu près la même éten<strong>du</strong>e que celle <strong>du</strong><br />

P. Pringlei Britt. et Rose, car on rencontre cette espèce au<br />

Mexique depuis le nord des États de Sonora et de Chihuahua<br />

jusqu’aux frontières <strong>du</strong> Guatemala ; cependant, sur cette<br />

longue éten<strong>du</strong>e de côtes, il fait défaut sur une grande partie<br />

de la Basse-Californie où il ne se rencontre que tout à fait<br />

à la partie australe.<br />

1. Archiv der Pharmacie t. 239, p. 451 (1901).<br />

27


CHAPITRE XV<br />

CACTACÉES EMPLOYÉES COMME FOURRAGE<br />

ET COMME ENGRAIS VERT<br />

Historique. — Vue générale sur <strong>les</strong> Cactacées recherchées comme<br />

fourrage. — Les Platyopuntia et leur complément nutritif.<br />

— Valeur alimentaire de leurs artic<strong>les</strong> et de leurs fruits. —<br />

Les Echinocactées. — Fruits de Cylindropuntia et de Cierges.<br />

— Platyopuntia employés comme engrais vert.<br />

L’emploi des Cactacées comme plantes fourragères ne<br />

remonte pas à une époque très reculée, car <strong>les</strong> anciens Mexi-<br />

cains n’eurent pas besoin d’y recourir étant donné qu’ils ne<br />

connaissaient pas l’élevage des bestiaux. C’est donc aux<br />

colons espagnols qu’on doit l’initiative de cette entreprise<br />

qui, selon toute vraisemblance, a dû leur être révélée par<br />

l’instinct des animaux, au début des élevages effectués sur<br />

<strong>les</strong> vastes solitudes <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique. Cette supposition<br />

paraît <strong>du</strong> moins se confirmer par l’attestation d’un mission-<br />

naire franciscain, le Père Arlegui 1 , lorsqu’il dit que sur <strong>les</strong><br />

grandes plaines des régions désertiques de Charcas, Mazapil,<br />

Saltillo et Zacatecas, où sont situés de nombreux bosquets<br />

de Nopals, on élève en liberté d’excellentes races de che-<br />

vaux, n’ayant guère comme pâture habituelle que des Nopals<br />

et des Biznagas.<br />

Un certain nombre de Cactacées, par la matière charnue<br />

dont sont constitués <strong>les</strong> tiges, <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits, offrent<br />

pour <strong>les</strong> herbivores un aliment sinon complet, <strong>du</strong> moins suf-<br />

fisant quand on l’emploie seul pour maintenir le bétail pen-<br />

1. Jose aRlegui. — Cronica de la Provincia de N. S. P. San Francisco<br />

de Zacatecas, Parte tercera, Capitulo 2, p. 134


420 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

dant de très longues périodes de sécheresse. Aussi, grâce à<br />

cela, <strong>les</strong> Cactacées furent-el<strong>les</strong> d’un grand secours pour<br />

l’élevage en liberté dans <strong>les</strong> régions désolées <strong>du</strong> Mexique,<br />

principalement aux époques où <strong>les</strong> voies de communications<br />

régulières n’existaient pour ainsi dire pas et où, par consé-<br />

quent, <strong>les</strong> transports de fourrages ordinaires ne pouvaient<br />

être effectués d’une façon économique.<br />

Les Cactacées auxquel<strong>les</strong> on a recours d’une façon cou-<br />

rante dans l’alimentation <strong>du</strong> bétail appartiennent tous aux<br />

Opuntiées, aux Echinocactées et aux Céréées.<br />

Chez <strong>les</strong> deux premières, la plante entière et sa pro<strong>du</strong>ction<br />

sont fourragères ; chez <strong>les</strong> Céréées, <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits<br />

peuvent seuls être utilisés car, en général, chez ces derniers<br />

la masse charnue dont sont constituées <strong>les</strong> tiges est, soit<br />

toxique, soit douée d’une saveur amère qui répugne aux<br />

animaux. Il résulte donc de ce fait que l’emploi <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />

fourrager des Céréées n’est que momentané, tandis que <strong>les</strong><br />

Opuntiées et <strong>les</strong> Echinocactées peuvent être utilisées à<br />

n’importe quelle époque de l’année.<br />

Ce sont <strong>les</strong> Platyopuntia auxquels on a surtout recours<br />

comme plantes fourragères, et leur utilisation pour ce but<br />

s’est éten<strong>du</strong>e maintenant non seulement dans le pays d’ori-<br />

gine, mais encore dans <strong>les</strong> pays où la plante, s’étant natura-<br />

lisée, est devenue, dans la suite, l’objet d’une certaine<br />

culture, comme par exemple sur le littoral méditerranéen<br />

et principalement en Sicile.<br />

Aux États-Unis, l’usage des Platyopuntia dans l’alimentation<br />

<strong>du</strong> bétail est maintenant devenu chose courante dans<br />

nombre de régions méridiona<strong>les</strong>, où le sol est aride et où<br />

le climat est en général peu différent de celui des plaines<br />

de la région septentrionale <strong>du</strong> Mexique 1 .<br />

Pour ce qui est des raquettes de Platyopuntia, on donne<br />

la préférence à cel<strong>les</strong> qui proviennent des variétés inermes,<br />

1. Pour ce qui est des Opuntia utilisés dans cette région comme<br />

fourrage, consulter <strong>les</strong> travaux de D. GRIFFITHS et de HARE publiés<br />

dans U. S. Department of Agriculture, Bureau of plant in<strong>du</strong>stry, Bulletin<br />

n° 74, 1905 ; n° 102, 1907 ; n° 124, 1908 ; n° 140, 1909.


chapitRe xv 421<br />

afin de soustraire le tube digestif des animaux aux b<strong>les</strong>sures<br />

des aiguillons et des sétu<strong>les</strong> qui, en se fixant sur <strong>les</strong> mu-<br />

queuses de l’estomac et de l’intestin, pourraient occasionner<br />

de graves accidents inflammatoires. Mais comme ces variétés<br />

inermes sont plus délicates et réclament une culture plus<br />

soignée, on est obligé plus souvent d’utiliser <strong>les</strong> variétés épi-<br />

neuses, en ayant soin toutefois de leur faire subir un trai-<br />

tement qui a pour objet d’éliminer la cause vulnérante. Pour<br />

cela, on a recours soit à un broyage des aiguillons après le<br />

passage des artic<strong>les</strong> au coupe-racines, soit à un procédé plus<br />

pratique imaginé par <strong>les</strong> Américains, et qui consiste dans<br />

un flambage ou un grillage des aiguillons à l’aide d’une<br />

lampe chalumeau, opérations qui, lorsqu’el<strong>les</strong> sont exécutées<br />

à l’aide d’appareils appropriés, ne compliquent guère la ma-<br />

nutention des artic<strong>les</strong>.<br />

Les chevaux, grâce à leur dentition spéciale, peuvent,<br />

surtout lorsqu’ils sont élevés à l’état sauvage, manger sans<br />

risque de dommage des artic<strong>les</strong> très épineux ; mais <strong>les</strong><br />

boeufs, auxquels il manque <strong>les</strong> incisives supérieures, n’ar-<br />

rivent que difficilement à ce résultat, à moins toutefois qu’ils<br />

n’aient été entraînés par <strong>les</strong> exigences et <strong>les</strong> nécessités que<br />

comporte la vie à l’état sauvage.<br />

Les artic<strong>les</strong> de Platyopuntia, pour qu’ils aient toutes <strong>les</strong><br />

qualités voulues au point de vue alimentaire, doivent être<br />

prélevés avant la floraison, car la fructification épuise for-<br />

cément la plante, ainsi que cela a été mis en évidence par<br />

l’analyse chimique, qui a démontré que des raquettes<br />

d’Opuntia qui, avant la fructification, contenaient plus de<br />

2 grammes pour cent de suc, n’en avaient plus après cette<br />

dernière que 0 gr. 296 1 .<br />

Ils en résulte donc que <strong>les</strong> Opuntia soumis à la culture<br />

en vue de l’utilisation de leurs artic<strong>les</strong> comme matière four-<br />

ragère, ne peuvent guère servir à la pro<strong>du</strong>ction fruitière, et<br />

si la floraison vient à se pro<strong>du</strong>ire, elle doit être, autant que<br />

1. Ju<strong>les</strong> gRisaud. — Emploi des Opuntia dans l’alimentation <strong>du</strong><br />

bétail, Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de France,<br />

p. 480, 1896.


422 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

possible, supprimée par un émondage, afin de prévenir une<br />

fructification qui aurait pour résultat d’amoindrir <strong>les</strong> ar-<br />

tic<strong>les</strong> en éléments nutritifs.<br />

Si <strong>les</strong> Platyopuntia constituent, par leurs artic<strong>les</strong> tendres,<br />

un fourrage permanent et toujours vert, offrant une pré-<br />

cieuse ressource pour l’élevage dans <strong>les</strong> régions arides<br />

impropres à l’agriculture et à l’existence permanente de<br />

prairies artificiel<strong>les</strong>, il ne faudrait pas pour cela en conclure<br />

que l’usage exclusif des artic<strong>les</strong> d’Opuntia dans l’alimentation<br />

<strong>du</strong> bétail soit suffisant pour permettre l’engraissement<br />

de ce dernier, car comme le montrent <strong>les</strong> faits observés, il<br />

faut pour atteindre ce résultat ajouter un complément nu-<br />

tritif. Dans <strong>les</strong> régions peuplées de Nopals, comme cel<strong>les</strong><br />

qui se rencontrent dans le nord <strong>du</strong> Mexique et où depuis la<br />

conquête espagnole on continue à entretenir de bonnes races<br />

de chevaux et de boeufs, la nature se charge elle-même de<br />

compenser la médiocrité substantielle des artic<strong>les</strong> de Platyopuntia.<br />

Ces troupeaux, laissés à leur propre initiative<br />

pour pourvoir à leur existence, trouvent à pied d’oeuvre,<br />

dans ces pays désolés, des plantes herbacées qui apparaissent<br />

aussitôt que des pluies ont eu lieu et couvrent momenta-<br />

nément le sol d’un abondant pâturage. A ces dernières<br />

viennent encore s’ajouter à certaine saison <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its four-<br />

ragers fournis par ces Légumineuses arborescentes qui font<br />

partie de la flore xérophile inhérente à ces solitudes, tels,<br />

par exemple, <strong>les</strong> Prosopis et <strong>les</strong> Acacia dont <strong>les</strong> gousses et<br />

même parfois le feuillage constituent une alimentation très<br />

substantielle pour <strong>les</strong> herbivores.<br />

Ces mêmes Platyopuntia peuvent également, au moment<br />

de la maturité de leurs fruits, concourir dans une bonne<br />

mesure à apporter leur complément à la régularité de la vie<br />

des bestiaux sur ces contrées dépourvues <strong>du</strong> confort per-<br />

manent.<br />

Dans <strong>les</strong> régions où l’on ne pratique pas ce genre d’éle-<br />

vage et ou le bétail est maintenu en parcage plus ou moins<br />

restreint, on a toujours soin, lorsqu’on emploie <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />

de Nopal comme nourriture fondamentale, d’y adjoindre des<br />

pro<strong>du</strong>its plus substantiels et plus nutritifs, comme par


chapitRe xv 423<br />

exemple ceux que fournissent <strong>les</strong> drêches et <strong>les</strong> tourteaux<br />

provenant <strong>du</strong> traitement in<strong>du</strong>striel des graines oléagineuses.<br />

C’est ainsi qu’aux États-Unis, on met à profit dans le Texas<br />

<strong>les</strong> tourteaux rési<strong>du</strong>els <strong>du</strong> traitement des graines de coton-<br />

nier ; la grande quantité de cendres que contiennent ces<br />

rési<strong>du</strong>s de fabrication, <strong>les</strong> font en outre considérer comme<br />

très favorab<strong>les</strong> à la constitution des os chez <strong>les</strong> herbivores.<br />

En somme, la valeur nutritive des artic<strong>les</strong> de Nopals, d’après<br />

<strong>les</strong> études que le professeur Chicoli a faites en Sicile, et qui<br />

ont été résumées dans le Mémoire de Grisard cité plus haut,<br />

ne peut à elle seule suffire à l’alimentation <strong>du</strong> bétail car,<br />

d’après cet auteur, environ une tonne d’artic<strong>les</strong> de Platyopuntia<br />

équivaut seulement, comme puissance nutritive, à<br />

celle de 100 kilogrammes de foin. Aussi, M. Chicoli pro-<br />

pose-t-il de faire consommer <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals en mélange<br />

avec des aliments plus riches, comme la paille, le<br />

foin, le son, le maïs, <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> de Vigne, de Mûrier,<br />

d’Orme, etc.<br />

En Algérie, où l’on emploie dans certaines régions <strong>les</strong><br />

artic<strong>les</strong> d’Opuntia, on a toujours soin d’y ajouter des gousses<br />

de Caroubier.<br />

Dans certains pays, on a avantage, suivant <strong>les</strong> conditions<br />

climatériques, à n’employer <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> d’Opuntia qu’à certaines<br />

époques de l’année ; c’est ainsi que le professeur<br />

Tacci, directeur de la Station zootechnique de Palerme,<br />

donne avec succès aux bovidés, de juin à octobre, une ration<br />

journalière composée, pour 100 kilogrammes de poids vif de<br />

l’animal, de :<br />

Raquettes de Nopals . . . . . . . . . 6 kilogrammes.<br />

Foin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 —<br />

Son . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 900 grammes.<br />

Les animaux que l’on avait soumis à ce régime se sont<br />

maintenus en bon état de force physique, et leur pro<strong>du</strong>ction<br />

de lait n’a pas subi de diminution.<br />

Comme raquettes à donner au bétail, il faut choisir cel<strong>les</strong><br />

qui sont bien constituées et rejeter cel<strong>les</strong> qui sont trop vieil<strong>les</strong><br />

ou trop jeunes, car <strong>les</strong> premières, par suite de leur lignifica-


424 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tion, sont peu digestives, et <strong>les</strong> secondes, étant très aqueuses,<br />

sont peu substantiel<strong>les</strong> et provoquent souvent des diarrhées<br />

chez <strong>les</strong> animaux qui <strong>les</strong> consomment. Ce sont <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de<br />

deuxième année qui paraissent convenir le mieux ; ceux-ci,<br />

en moyenne, comportent, d’après <strong>les</strong> résultats de l’analyse,<br />

de 89 à 91 0/0 d’eau et laissent par conséquent de 9 à 10 0/0<br />

de matière sèche dont la moitié seulement est assimilable<br />

par la digestion.<br />

Dans <strong>les</strong> sites sauvages où <strong>les</strong> colons espagnols établirent<br />

leurs premiers élevages de bestiaux, la haute teneur en eau<br />

des artic<strong>les</strong> n’avait pas <strong>les</strong> mêmes inconvénients que pour<br />

<strong>les</strong> animaux maintenus au régime de l’étable ; celle-ci, au<br />

contraire, était une chose absolument utile, car dans ces<br />

régions où l’eau de surface fait généralement défaut, le bétail<br />

trouvait alors dans la consommation des artic<strong>les</strong> jeunes,<br />

en même temps que sa nourriture, l’élément nécessaire pour<br />

étancher sa soif.<br />

Chez <strong>les</strong> Platyopuntia, <strong>les</strong> fruits peuvent, lorsqu’ils ne<br />

sont pas utilisés comme récolte fruitière pour la vente sur<br />

<strong>les</strong> marchés, servir très avantageusement d’aliment pour le<br />

bétail ; ils sont suffisamment nourrissants par leur pulpe et<br />

leurs graines pour constituer un pro<strong>du</strong>it assez riche pour<br />

être employé seul. Les ruminants se trouvent très bien de<br />

ce régime exclusif ; <strong>les</strong> vaches engraissent et donnent un<br />

lait substantiel et abondant, ainsi que l’ont démontré <strong>les</strong><br />

essais méthodiques pratiqués dans <strong>les</strong> pays où <strong>les</strong> Nopals<br />

ont été naturalisés et où on a su le mieux tirer parti de<br />

leurs avantages, comme par exemple en Sicile.<br />

En Sardaigne, on a préconisé le fruit <strong>du</strong> Figuier de Barbarie<br />

pour la nourriture des porcs, principalement pour<br />

l’élevage d’une petite race particulière au pays. Ce mode<br />

d’engraissement, pour ces derniers, a été cependant moins<br />

estimé en Sicile, car leur graisse prend, dit-on, une teinte<br />

rosée et une saveur spéciale qui la déprécie.<br />

La fructification des Nopals n’a lieu que pendant un certain<br />

temps. Aussi, pour conserver <strong>les</strong> fruits et <strong>les</strong> distribuer<br />

aux bestiaux en temps opportun, a-t-on, dans certains en-


chapitRe xv 425<br />

droits <strong>du</strong> Mexique, recours à la mise en silo, après un rapide<br />

séchage au soleil.<br />

Les fruits qui paraissent <strong>les</strong> meilleurs comme denrée<br />

fourragère sont ceux que l’on récolte sur des plantes sau-<br />

vages et qui, par conséquent, n’étant pas trop aqueux, con-<br />

tiennent par rapport à leur poids une plus grande quantité<br />

de graines et de matière solide.<br />

Les Echinocactées ou Biznagas donnent, avec l’importante<br />

masse charnue dont est constituée leur tige, un four-<br />

rage auquel on fait appel pour maintenir le bétail en temps<br />

de grande sécheresse. Mais ces plantes, de croissance très<br />

lente, n’ont pu faire jusqu’ici l’objet d’une culture ou même<br />

seulement d’un entretien méthodique qui puisse rivaliser avec<br />

ceux des Platyopuntia ; on n’y a donc surtout recours dans<br />

<strong>les</strong> élevages, qu’aux moments de pénurie fourragère et dans<br />

<strong>les</strong> endroits où <strong>les</strong> Nopals ne croissent pas en suffisante<br />

abondance.<br />

Les Echinocactées sont armées de très puissants aiguil-<br />

lons qui <strong>les</strong> protègent naturellement contre la dent des ani-<br />

maux. Comme ceux-ci, sauf de rares exceptions 1 , ne pourraient<br />

parvenir d’eux-mêmes à attaquer une nourriture<br />

aussi bien protégée, <strong>les</strong> indigènes, lorsqu’ils vont se pour-<br />

voir de Biznagas pour l’alimentation de leur bétail, commencent<br />

par la débarrasser de leur prodigieuse défense épi-<br />

neuse ; l’opération est simple et s’exécute avec rapidité en<br />

abattant dextrement, à l’aide d’un instrument tranchant,<br />

tous <strong>les</strong> sommets des côtes où sont implantés <strong>les</strong> faisceaux<br />

d’aiguillons. La masse ainsi ren<strong>du</strong>e inoffensive peut être alors<br />

facilement convoyée vers <strong>les</strong> endroits où elle sera débitée<br />

en menus fragments, au fur et à mesure de sa répartition<br />

au bétail.<br />

Quelquefois, au lieu de sacrifier en totalité ces Echino-<br />

1. Certains bovidés, guidés par leur instinct, ont trouvé le moyen<br />

de s’approprier ces Cactacées si puissamment protégés, sans s’exposer<br />

aux b<strong>les</strong>sures de leurs aiguillons, pour cela ils creusent la terre à la<br />

base de la plante, puis la renversent sur le sol ; la partie inférieure étant<br />

démunie d’aiguillons peut être alors facilement entamée


426 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

cactées dont la croissance est si lente, et qui demandent<br />

nombre d’années pour fournir des spécimens de dimension<br />

exploitable, on a recours à un procédé qui permet de conserver<br />

la plante en place. Ce procédé, qui a été exposé au<br />

chapitre des Echinocactées, consiste à prélever seulement<br />

une portion de la Biznaga et à laisser le reste se reconstituer<br />

par un processus naturel. On peut ainsi conserver sur leur<br />

terrain ces plantes dont l’existence constitue pour <strong>les</strong> régions<br />

foncièrement désertiques une garantie de sécurité pour le<br />

maintien <strong>du</strong> cheptel aux périodes diffici<strong>les</strong> des grandes disettes<br />

fourragères.<br />

Au point de vue alimentaire, <strong>les</strong> Echinocactées n’offrent<br />

qu’une valeur assez médiocre, car la pulpe, très chargée<br />

d’eau, ne contient que peu de principes nutritifs, et la pro<strong>du</strong>ction<br />

de graines que <strong>les</strong> Indiens employaient jadis à titre<br />

de céréa<strong>les</strong> pour leur usage personnel, n’est pas comme chez<br />

<strong>les</strong> Nopals en quantité suffisante pour compenser la médiocrité<br />

nutritive de la plante. L’expérience a montré d’une<br />

façon évidente que <strong>les</strong> bestiaux soumis au régime exclusif<br />

des Biznagas n’arrivent pas à engraisser et que <strong>les</strong> vaches<br />

qui en consomment la pulpe ne pro<strong>du</strong>isent qu’un lait clair<br />

et peu substantiel.<br />

Malgré ces côtés désavantageux, la pulpe des Echinocactées<br />

ne peut être considérée comme chose négligeable ou<br />

de peu d’intérêt lorsqu’il s’agit, pendant de désastreuses<br />

sécheresses, de conserver un cheptel dans <strong>les</strong> contrées torrides<br />

où le sol, de lui-même, ne peut pourvoir à une végétation<br />

fourragère constante.<br />

Dans ces régions déshéritées, <strong>les</strong> Echinocactées peuvent,<br />

en tous temps, constituer pour l’alimentation <strong>du</strong> bétail un<br />

fourrage vert de premier ordre, surtout si on a la possibilité<br />

de leur adjoindre des matières nutritives plus substantiel<strong>les</strong>.<br />

Leur pulpe gorgée d’eau est très appréciée des animaux qui<br />

s’en repaissent avec d’autant plus d’avidité qu’elle constitue<br />

alors une nourriture fraîche et hygiénique pour <strong>les</strong> contrées<br />

privées d’eau de surface et soumises presque constamment<br />

aux effets desséchants d’un soleil trop ardent. La pulpe des


chapitRe xv 427<br />

Biznagas a, en outre, sur celle des artic<strong>les</strong> de Platyopuntia,<br />

l’avantage de ne pas contenir une substance gommeuse pouvant,<br />

comme on l’a constaté, amener chez <strong>les</strong> animaux qui<br />

la consomment des engorgements et des troub<strong>les</strong> digestifs<br />

qui peuvent parfois présenter une certaine gravité.<br />

Un exemple de ce que l’on peut attendre des Biznagas<br />

comme matière fourragère en temps de disette, est fourni<br />

par l’usage qui en fut fait clans la partie australe de la<br />

péninsule californienne pendant le cours des années 1893-94,<br />

époque où, sur cette région assez restreinte et à peu près<br />

dépourvue de voies de communications, sévit une exceptionnelle<br />

sécheresse : pour ne pas laisser périr le bétail servant<br />

au ravitaillement de la population de la ville de La Paz<br />

et des mines <strong>du</strong> Triumfo, on fut obligé d’avoir recours aux<br />

Biznagas croissant dans la région ; mais cel<strong>les</strong>-ci, qui étaient<br />

représentées par le Ferocactus Peninsulæ Britt. et Rose,<br />

ne tardèrent pas, à la suite de récoltes exagérées, à disparaître<br />

dans toutes <strong>les</strong> localités avoisinantes. On fut alors<br />

obligé, pour continuer à subvenir aux besoins <strong>du</strong> bétail, de<br />

recourir aux Echinocactées que pro<strong>du</strong>isaient <strong>les</strong> î<strong>les</strong> inhabitées<br />

et qui, n’ayant pas été jusque-là exploitées, offraient<br />

alors des spécimens de grandes dimensions. Un certain<br />

nombre de petits voiliers qui, en temps ordinaire, étaient<br />

utilisés pour <strong>les</strong> pêches dans le golfe de Californie, s’équipèrent<br />

pour faire la récolte des Biznagas dans l’île de San<br />

José où el<strong>les</strong> se trouvaient en très grande abondance. Le<br />

pro<strong>du</strong>it de la récolte était alors débarqué aux baies de La<br />

Paz et de la Vantana, d’où on le dirigeait sur <strong>les</strong> différents<br />

ranchos faisant l’élevage <strong>du</strong> bétail. Grâce à l’exploitation de<br />

ce fourrage de fortune, <strong>les</strong> indigènes purent, sans trop de<br />

pertes, conserver l’intégrité de leur cheptel jusqu’au retour<br />

d’une période normale de pâturage.<br />

Les fruits d’autres espèces de Cactacées sont encore employés<br />

pour alimenter le bétail dans certaines régions arides<br />

<strong>du</strong> Mexique ; certains de ces fruits passent même pour être<br />

plus nutritifs que ceux de Nopals, mais, sauf exception,<br />

comme c’est le cas de ceux pro<strong>du</strong>its par <strong>les</strong> Cylindropuntia,


428 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

ils ne sont en général que de peu de <strong>du</strong>rée et correspondent<br />

à une saison fixe.<br />

Les Cylindropuntia donnent habituellement une grande<br />

quantité de fruits qui sont très souvent prolifères et peuvent<br />

même, dans beaucoup de cas, se transformer en rameaux,<br />

de sorte qu’ils peuvent subsister toute l’année. Une espèce<br />

est remarquable par la surabondance de sa fructification,<br />

c’est l’O. arbuscula Engelm., forme frutescente et de petite<br />

dimension que l’on rencontre en Sonora et dans le sud de<br />

l’Arizona. Ce Cylindropuntia pro<strong>du</strong>it une telle quantité de<br />

fruits, que <strong>les</strong> rameaux qui <strong>les</strong> supportent se rompent très<br />

souvent sous leur charge. Ces fruits sont très recherchés <strong>du</strong><br />

bétail abandonné en pâturage libre sur <strong>les</strong> savanes de la<br />

région.<br />

L’entretien en semi-culture de cette espèce, qui se développe<br />

assez rapidement sur <strong>les</strong> terrains <strong>les</strong> plus arides, semblerait<br />

devoir fournir de bons résultats, car par ses jeunes<br />

tiges et par ses grappes de fruits, elle donne un excellent<br />

fourrage. Malheureusement, <strong>les</strong> fruits de ce Cylindropuntia<br />

sont extrêmement pourvus de sétu<strong>les</strong>, ce qui rend leur emploi<br />

très dangereux, non seulement pour <strong>les</strong> animaux nourris<br />

à l’étable et par conséquent non accoutumés à <strong>les</strong> consommer,<br />

mais aussi pour ceux qui en font la récolte et la distribution<br />

au bétail. On a proposé de remédier à cet inconvénient<br />

en soumettant <strong>les</strong> fruits, aussitôt après leur récolte, à l’action<br />

d’un ventilateur basé à peu près sur le même principe<br />

que celui servant dans la meunerie à la séparation <strong>du</strong> son<br />

et de la farine ; cet appareil serait, assure-t-on, assez efficace<br />

pour éliminer <strong>les</strong> dangereuses sétu<strong>les</strong>.<br />

Dans la même région, mais sur une aire beaucoup plus<br />

éten<strong>du</strong>e, on rencontre un Cierge géant dont il a été parlé au<br />

chapitre précédent (Pachycereus Pringlei Britt. et Rose), qui<br />

pro<strong>du</strong>it des fleurs et des fruits très appréciés <strong>du</strong> bétail et<br />

que <strong>les</strong> rancheros ont coutume de donner en pâture dès que<br />

la saison de pro<strong>du</strong>ction est arrivée. Lorsque ce Cierge est<br />

abondant dans une région et forme de ces peuplements que<br />

l’on nomme Cardona<strong>les</strong>, il devient une grande ressource pour


chapitRe xv 429<br />

l’alimentation <strong>du</strong> bétail dans <strong>les</strong> contrées arides, car sa flo-<br />

raison et sa fructification ayant lieu en mai et juin, c’est-à-<br />

dire à une époque où sévissent des sécheresses plus ou<br />

moins rigoureuses, il permet de supporter avec succès cette<br />

période critique pour l’élevage. Les fleurs et <strong>les</strong> fruits <strong>du</strong><br />

P. Pringlei, comme on l’a constaté, sont très substantiels et<br />

constituent une nourriture très profitable au bétail, surtout<br />

aux vaches qui, lorsqu’el<strong>les</strong> en font usage même en temps<br />

de rude sécheresse, donnent un lait de très bonne qualité.<br />

Comme le bétail mis au pâturage dans <strong>les</strong> bosquets de ce<br />

Cierge ne pourrait atteindre <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its qui sont toujours<br />

situés au sommet des tiges de ce géant, <strong>les</strong> indigènes ont<br />

soin, pour <strong>les</strong> répartir à leur bétail, de <strong>les</strong> abattre sur le sol<br />

à l’aide d’une gaule, afin que le bétail puisse s’en repaître<br />

aisément.<br />

EMPLOI DES NOPALS COMME ENGRAIS VERT<br />

En terminant ce chapitre sur <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> applications<br />

que <strong>les</strong> Cactacées ont été appelées à fournir après la décou-<br />

verte de l’Amérique, il est nécessaire de donner un court<br />

aperçu sur l’utilisation de ces plantes comme engrais vert,<br />

dans <strong>les</strong> régions où la plante s’est naturalisée et est devenue<br />

l’objet d’une culture plus ou moins méthodique.<br />

De bonne heure après l’intro<strong>du</strong>ction et la propagation <strong>du</strong><br />

Figuier de Barbarie dans <strong>les</strong> régions <strong>du</strong> littoral méditerranéen,<br />

on a, suivant <strong>les</strong> besoins <strong>du</strong> pays, demandé à cette<br />

plante non seulement une pro<strong>du</strong>ction fruitière, mais encore<br />

toutes <strong>les</strong> ressources qu’elle était susceptible de rendre au<br />

sol et à l’agriculture de sa nouvelle patrie. C’est ainsi qu’en<br />

Sicile, par exemple, on s’en est servi pour transformer en<br />

de riches plantations de vignes <strong>les</strong> coulées de laves jus-<br />

qu’alors inferti<strong>les</strong> des contreforts de l’Etna.<br />

A ce sujet de Candolle dit 1 :<br />

« Parmi <strong>les</strong> conséquences pratiques qui résultent de la<br />

faculté avec laquelle ces Cactées reprennent de bouture, il<br />

1. de candolle. — Revue de la famille des Cactées, p. 105, 1829.


430 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

en est une qui mérite d’être mentionnée à cause de son<br />

importance : c’est la manière dont on se sert de l’Opuntia<br />

pour fertiliser <strong>les</strong> vieil<strong>les</strong> laves <strong>du</strong> pied de l’Etna. Dès qu’on<br />

y aperçoit une fissure, on y place un rameau ou article de<br />

l’Opuntia ; celui-ci y pousse des racines qui se nourrissent<br />

de l’eau que la pluie a pu y déposer, ou de la poussière et<br />

des débris organiques qui ont pu y former un peu de ter-<br />

reau. Ces racines, une fois développées, s’intro<strong>du</strong>isent dans<br />

<strong>les</strong> moindres petites fentes qu’el<strong>les</strong> rencontrent, <strong>les</strong> dilatent<br />

et finissent par diviser la lave en menus fragments. »<br />

Ces propriétés inhérentes aux Cactacées dans leur mode<br />

de conquête et de transformation des terrains voués à la<br />

stérilité, ont été amplement et d’une façon méthodique mises<br />

à contribution dans l’agriculture sicilienne.<br />

Les Platyopuntia, lorsqu’ils ont pris leur développement<br />

sur un sol quelconque, mais en général sec, forment une<br />

végétation pérenne tellement envahissante, qu’il est même<br />

souvent difficile de <strong>les</strong> faire disparaître. Lorsqu’on ne <strong>les</strong><br />

emploie pas comme fourrage, ils peuvent être utilisés très<br />

avantageusement pour fournir un bon engrais : il faut<br />

pour cela <strong>les</strong> ré<strong>du</strong>ire en fragments et <strong>les</strong> enterrer à une<br />

certaine profondeur ; ils subissent alors une fermentation<br />

qui anéantit toute velléité de reprise de la plante.<br />

C’est à ce procédé d’engrais que l’on a eu recours en<br />

Sicile, où <strong>les</strong> Platyopuntia ont été exploités avec le plus de<br />

succès.<br />

Dans ce pays, une des utilisations <strong>les</strong> plus dignes de<br />

remarque est celle qui consiste à se servir des artic<strong>les</strong><br />

d’Opuntia pour la fumure des vergers où l’on entretient des<br />

Figuiers, des Oliviers et des Amandiers. Pour cela, on em-<br />

ploie <strong>les</strong> variétés de mauvais rendements et dont <strong>les</strong> fruits<br />

ne sont que de médiocre qualité, ou encore <strong>les</strong> déchets pro-<br />

venant de la taille des plantations, lorsque la plante devient<br />

trop envahissante. On creuse au moment de l’été ou de la<br />

saison sèche, un fossé autour des arbres, <strong>les</strong> raquettes y sont<br />

jetées et recouvertes de terre.<br />

Dans certains endroits comme à Catane, par exemple, <strong>les</strong>


quatité -><br />

quantité<br />

chapitRe xv 431<br />

Oliviers et <strong>les</strong> Amandiers reçoivent en été des raquettes sim-<br />

plement entassées au pied de l’arbre.<br />

On a même, à Trapimi, employé avec succès <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />

d’Opuntia pour <strong>les</strong> cultures à sec des Cucurbitacées. Pour<br />

cela, on creuse une fosse au fond de laquelle on dépose une<br />

certaine quantité de raquettes, puis on recouvre le tout de<br />

terre sur laquelle on sème <strong>les</strong> Melons ; ce mode de fumure,<br />

comme on l’a constaté, réussit très bien pour <strong>les</strong> terrains<br />

calcaires, mais dans <strong>les</strong> terres fortes et argileuses, <strong>les</strong> résul-<br />

tats se sont montrés moins avantageux.<br />

Les raquettes d’Opuntia disposées en couches régulières,<br />

alternant avec d’autres éléments de fumier, régularisent la<br />

fermentation et donnent un compost pâteux très recherché<br />

pour la fumure des jardins et des champs.<br />

Quand on veut détruire une culture de Platyopuntia ou<br />

un endroit envahi par ces plantes, on accumule sur <strong>les</strong><br />

troncs coupés au ras <strong>du</strong> sol des artic<strong>les</strong> ré<strong>du</strong>its en morceaux ;<br />

la fermentation très active qui ne tarde pas à se pro<strong>du</strong>ire<br />

si le pays est un peu humide, détruit très rapidement la<br />

souche qu’il n’est plus besoin d’extraire ; on obtient ainsi<br />

une fumure sur place, dont pourra alors bénéficier une nou-<br />

velle plantation.


CHAPITRE XVI<br />

CULTURE DES CACTACÉES<br />

Généralités. — Cierges et Platyopuntia. — Nature des terrains<br />

à Cactacées. — Plantation, sélection et protection des bonnes<br />

variétés, recours à l’apiculture et à la vespiculture. — Asso-<br />

ciation d’espèces différentes sur un même terrain. — Xénie et<br />

éclaircissage.<br />

La culture méthodique des Cactacées fut pratiquée aux<br />

époques précolombiennes d’une façon régulière et même<br />

parfois intensive par nombre de populations sédentaires<br />

<strong>du</strong> Mexique.<br />

Les procédés de culture qui furent préconisés par <strong>les</strong><br />

anciens Mexicains, ont survécu en grande partie jusqu’à<br />

nos jours et cela sans trop de modifications ; on <strong>les</strong> retrouve<br />

mis en pratique par <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> de la plupart<br />

des localités arides <strong>du</strong> plateau central <strong>du</strong> Mexique. Dans<br />

ces contrées peu propices pour l’entretien et la culture des<br />

arbres et des plantes vivaces économiques importées lors<br />

de la colonisation espagnole, ces Cactacées, grâce à leur<br />

caractère xérophytique, ont conservé toute leur ancienne<br />

importance comme essence fruitière ; el<strong>les</strong> sont alors restées<br />

l’objet d’une exploitation courante, car el<strong>les</strong> présentent sur<br />

<strong>les</strong> autres végétaux de vergers, l’appréciable avantage de<br />

fournir à une époque fixe de l’année, et quel que soit le<br />

degré de sécheresse, une ample récolte, ce qui est une<br />

garantie et une sécurité pour l’existence permanente dans<br />

<strong>les</strong> pays sujets aux disettes.<br />

cieRges et platyopuntia. — Les Cierges et <strong>les</strong> Platyopuntia,<br />

par suite de leur puissance pro<strong>du</strong>ctive, sont<br />

28


434 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

presque <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> Cactacées d’utilisation économique, sur<br />

<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> des procédés de culture aient été appliqués d’une<br />

façon méthodique.<br />

Les premiers, à part <strong>les</strong> Cierges grimpants, sont repré-<br />

sentés par des espèces bien fixées donnant toujours, par<br />

suite de l’absence de polymorphisme, des pro<strong>du</strong>its à peu<br />

près identiques ; leur culture devient alors plus facile et ne<br />

réclame que des soins culturaux assez rudimentaires qui<br />

ne consistent guère que dans le maintien de la plante en<br />

bonnes conditions de végétation.<br />

Il n’en est plus de même avec <strong>les</strong> Platyopuntia ou Nopals ;<br />

ceux-ci sont, comme on le sait, extrêmement polymorphes<br />

et offrent alors des variétés présentant de très grandes diffé-<br />

rences dans la valeur de leurs pro<strong>du</strong>its ; aussi est-ce surtout<br />

sur ces derniers, ainsi que sur <strong>les</strong> Cierges grimpants, que<br />

s’est exercée la sagacité des indigènes afin d’obtenir et de<br />

conserver des plants améliorés dont la pro<strong>du</strong>ction puisse<br />

avantageusement figurer sur <strong>les</strong> marchés.<br />

natuRe des teRRains a <strong>cactacées</strong>.— Quoique la majorité<br />

des Cactacées vivent dans <strong>les</strong> endroits <strong>les</strong> plus arides ou<br />

<strong>les</strong> plus stéri<strong>les</strong> et passent pour des végétaux s’alimentant<br />

surtout de l’atmosphère en n’empruntant que fort peu au<br />

sol, il ne faudrait pas en conclure que leur réseau radicu-<br />

laire, quelque ré<strong>du</strong>it qu’il puisse être, ne joue dans la<br />

biologie de la plante qu’un rôle tout à fait secondaire et<br />

ne lui serve seulement, comme on a pu le prétendre, que<br />

de moyen de fixation au sol.<br />

Il y a un fait incontestable et dûment démontré par<br />

l’observation : c’est que la nature <strong>du</strong> sol a une influence<br />

très marquée sur la qualité de la fructification, et ce fait<br />

se constate nettement dans la nature avec <strong>les</strong> Platyopuntia<br />

qui, lorsqu’ils croissent sur un sol pauvre et dépourvu<br />

d’humus, ne pro<strong>du</strong>isent que des fruits de très médiocre<br />

qualité.<br />

Là, lorsque sur une surface rocheuse et dépourvue de<br />

dépôts organiques, sont venus s’établir des halliers de ce


chapitRe xvi 435<br />

groupe de Cactacées, cel<strong>les</strong>-ci pour la plupart sont représentées<br />

par des formes sauvages ou en voie de régression,<br />

ne donnant en général que des fruits très peu savoureux<br />

et souvent à peine comestib<strong>les</strong>. Si cependant, parmi ce<br />

peuplement spontané, on arrive à découvrir quelques spécimens<br />

bien conformés et donnant de meilleurs fruits,<br />

c’est que ces sujets ont alors pris racine sur des accidents<br />

de terrain, où des dépôts de limon sont venus s’accumuler<br />

et combler <strong>les</strong> fissures de la roche d’un humus très riche.<br />

Les Cactacées en général, quoique végétant vigoureusement<br />

sur n’importe quel terrain, pourvu toutefois qu’il<br />

ne soit pas trop humide, réclament pour la qualité de leur<br />

fructification un sol léger assez spécial ; ce dernier doit être<br />

très meuble, d’un facile drainage et susceptible de s’amender<br />

de lui-même en emmagasinant <strong>les</strong> débris végétaux qui,<br />

au moment des orages, lui sont fournis naturellement par<br />

le ruissellement des eaux ou encore artificiellement par des<br />

irrigations pratiquées modérément à certaines époques de<br />

l’année.<br />

Les terres trop compactes et capab<strong>les</strong> de conserver l’eau<br />

à l’état stagnant sont funestes aux racines des Cactacées ;<br />

cel<strong>les</strong>-ci y pourrissent rapidement et déterminent un foyer<br />

de fermentation qui peut contaminer toute la plante et la<br />

faire périr.<br />

En résumé, <strong>les</strong> terrains qui semblent le mieux convenir<br />

pour <strong>les</strong> grandes cultures de Cactacées sont, en général,<br />

constitués par une argile calcaire sablonneuse ou pierreuse<br />

apte à se sécher rapidement après <strong>les</strong> pluies ou <strong>les</strong> irrigations,<br />

et en même temps à retenir mécaniquement tous <strong>les</strong><br />

éléments de fécondation à mesure qu’ils lui sont apportés.<br />

plantation, sélection et pRotection des bonnes vaRiétés.<br />

— Une plantation de Cactacées, à quelque genre que<br />

ces dernières appartiennent, se fait toujours, comme il a<br />

été dit à maintes reprises, par le bouturage de tiges bien<br />

sélectionnées ; la propagation par graines, en plus qu’elle<br />

est longue et assez délicate, expose <strong>les</strong> espèces à se mani-


436 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

fester par un grand nombre de variétés, en général orientées<br />

vers des formes plus ou moins sauvages.<br />

Pour établir une plantation de rapport, <strong>les</strong> indigènes on<br />

soin de prélever <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> portions de tiges qui<br />

doivent fournir la bouture, à un endroit convenable de la<br />

plante ; puis on <strong>les</strong> abandonne pendant un temps plus ou<br />

moins long dans un endroit sec, afin que la b<strong>les</strong>sure résultant<br />

de la section se cicatrice et que le tronçon de tige se<br />

desséchant un peu, entre en repos végétatif, ce qui lui<br />

assure des conditions favorab<strong>les</strong> pour une bonne reprise.<br />

Le bouturage a lieu soit en pépinière, soit directement à<br />

la place que le sujet doit occuper dans le champ de culture.<br />

Le dispositif de la plantation se fait en alignements, en<br />

quinconces ou en sujets isolés ; cela dépend des conditions<br />

dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on devra utiliser le terrain ; <strong>les</strong> alignements<br />

sont préconisés surtout dans le cas où l’on doit faire des<br />

clôtures ou encore des cloisonnements dans <strong>les</strong> terrains<br />

destinés à recevoir différentes cultures. Quant aux plantations<br />

isolées, el<strong>les</strong> sont plus spécialement employées pour<br />

<strong>les</strong> spécimens que l’on soumet au forçage ou tout au moins<br />

à une culture soignée ou surveillée.<br />

Suivant qu’il s’agit d’un Platyopuntia ou d’un Cierge, la<br />

prise de bouture ainsi que la plantation se font un peu<br />

différemment. Pour <strong>les</strong> Platyopuntia, on sectionne toujours<br />

un peu au-dessous de son étranglement, de façon à ce qu’il<br />

offre une partie pulpeuse de facile cicatrisation et une<br />

surface suffisante pour qu’au contact de la terre, puissent<br />

se pro<strong>du</strong>ire de rapides bourgeonnements radiculaires. Pour<br />

ces boutures, on choisit habituellement des artic<strong>les</strong> âgés<br />

d’environ deux ans ; ceux-ci, assez bien aoûtés, sont moins<br />

sujets aux accidents de pourriture ; ils conviennent donc<br />

mieux pour <strong>les</strong> plantations courantes.<br />

Cependant dans certains cas, et surtout lorsqu’on veut<br />

obtenir des plants perfectionnés, on a avantage à recourir<br />

au bouturage de très jeunes artic<strong>les</strong>. Pour obtenir ces<br />

derniers, on dépose des artic<strong>les</strong> de bonne constitution sur<br />

des claies ou on <strong>les</strong> suspend dans l’intérieur des habitations


chapitRe xvi 437<br />

jusqu’à ce qu’ils aient émis de jeunes pousses ; lorsque<br />

cel<strong>les</strong>-ci ont acquis une dimension convenable, on <strong>les</strong> sépare<br />

de l’article qui leur a donné naissance et on <strong>les</strong> bouture<br />

avec précaution. Ce procédé assez délicat, et qui demande<br />

à être entrepris par des professionnels bien exercés, rappelle<br />

quelque peu le système de bouturage naturel dont on a<br />

parlé au sujet <strong>du</strong> Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose ;<br />

c’est très probablement par sa mise en pratique que <strong>les</strong><br />

Indiens mixtéco-zapotèques ont pu arriver à obtenir la variété<br />

stérile nommée dans la suite Nopal de Castilla, qui joua un<br />

rôle important dans l’élevage de la Cochenille domestique.<br />

Pour <strong>les</strong> Cierges de plantation courante, la bouture est<br />

obtenue avec un tronçon de tige de 50 centimètres à 1 mètre<br />

de long ; ce dernier, après légère dessication, est planté à<br />

peu de profondeur et maintenu en position verticale à<br />

l’aide d’un tuteur, ou mieux encore, comme on l’a vu au<br />

chapitre des clôtures de Cactacées, à l’aide de son axe<br />

ligneux qu’on a eu soin de dénuder sur une certaine<br />

longueur, de façon à constituer un piquet permettant la<br />

fixation directe au sol.<br />

Lorsque <strong>les</strong> boutures de Cierges se sont bien enracinées,<br />

il n’y a plus guère besoin de s’occuper de la plante, sinon<br />

pour lui conserver la qualité de son sol et veiller à ce<br />

qu’aucune végétation sauvage ne vienne l’étouffer.<br />

Pour <strong>les</strong> Platyopuntia, la chose est différente et une<br />

surveillance est nécessaire, surtout si l’on a affaire à des<br />

variétés inermes. Ces dernières, quelque bien fixées qu’el<strong>les</strong><br />

paraissent être, ont toujours une certaine tendance à<br />

retourner au type primitif, c’est-à-dire à émettre des artic<strong>les</strong><br />

épineux. Aussi, <strong>les</strong> indigènes qui se livrent à la culture<br />

des Nopals fruitiers et même fourragers, ont toujours soin<br />

d’éliminer <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> épineux dès qu’ils commencent à<br />

apparaître sur la souche mère, car ces derniers représenteraient,<br />

d’après eux, des gourmands qui, plus vigoureux<br />

et plus vivaces que <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> inermes, ne manqueraient<br />

pas de se développer à leur détriment.<br />

Une fois la plantation bien établie, il reste à la maintenir


438 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

dans de bonnes conditions de rapport et cela suivant <strong>les</strong><br />

règ<strong>les</strong> reconnues par une longue expérience.<br />

Les Platyopuntia étant très polymorphes, il s’agit, pour<br />

conserver <strong>les</strong> bonnes variétés, de <strong>les</strong> soustraire surtout aux<br />

conséquences fâcheuses pouvant résulter d’un échange de<br />

pollen avec <strong>les</strong> formes dégénérées ou sauvages, qui fatale-<br />

ment ont lieu par l’intermédiaire des insectes. Les effets<br />

de ces croisements ne portent pas seulement sur <strong>les</strong><br />

semences, mais aussi, et d’une façon très évidente, sur<br />

l’ensemble <strong>du</strong> fruit qui subit alors une modification très<br />

notable dans sa qualité et dans sa dimension. Pour obvier<br />

aux inconvénients consécutifs à des fécondations croisées<br />

livrées au hasard, <strong>les</strong> indigènes ont grand soin d’éliminer<br />

toutes <strong>les</strong> mauvaises variétés de Nopals ayant pris pied<br />

à proximité <strong>du</strong> champ de culture, et pour arriver à un<br />

résultat encore plus certain, adjoignent très souvent à leurs<br />

plantations des élevages réguliers d’Hyménoptères melli-<br />

fères. Ces derniers, lorsqu’ils sont assez nombreux, assurent<br />

d’eux-mêmes, non seulement la fécondation normale des<br />

fleurs de toute la plantation, mais aussi interdisent son<br />

accès aux autres insectes qui, venant de loin, peuvent<br />

convoyer un pollen prélevé sur des formes sauvages.<br />

apicultuRe et vespicultuRe. — Les Hyménoptères que<br />

<strong>les</strong> indigènes mexicains ont coutume de domestiquer comme<br />

auxiliaires de leur agriculture, appartiennent aux Apidés<br />

et aux Vespidés.<br />

Les premières sont représentées par l’abeille domestique<br />

dont l’élevage sur le continent américain a vraisemblablement<br />

été importé par <strong>les</strong> colons espagnols et que l’on<br />

continue à entretenir encore aujourd’hui, <strong>du</strong> moins dans<br />

<strong>les</strong> plantations de Cactacées, à l’aide d’un système assez<br />

primitif de ruchers (fig. 121), et par plusieurs espèces de<br />

Mélipones se rencontrant à l’état sauvage dans le pays ;<br />

cel<strong>les</strong>-ci, suivant leur mode d’existence, sont entretenues<br />

dans des caisses ou des poteries que l’on dispose non<br />

en alignement comme <strong>les</strong> ruchers d’abeil<strong>les</strong> domestiques,


Fig. 121. — Plantation de Lemaireocereus queretaroensis Safford et de Hylocereus tricostatus<br />

Britt. et Rose dans la cour d’une habitation rurale indienne. Au premier plan on voit une<br />

récolte de courges (Lagenaria) séchant au soleil et au second plan un rucher indigène<br />

dont <strong>les</strong> ruches constituées par des troncs d’arbre évidés sont soutenues<br />

au-dessus <strong>du</strong> sol par des tréteaux et recouvertes par des tui<strong>les</strong>.<br />

Village de San Marcos près <strong>du</strong> lac de Zacoalco (État de Jalisco).


440 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

mais de place en place entre <strong>les</strong> rameaux des plants ; el<strong>les</strong><br />

fournissent, comme l’abeille domestique, une cire et un<br />

miel qui sont d’une utilisation courante dans tout le<br />

Mexique.<br />

Les secondes comprennent des guêpes de très moyenne<br />

dimension appartenant aux genres Polybia et Nectarinia qui<br />

construisent leurs nids en forme de cloche à l’aide d’un<br />

cartonnage constitué par des débris végétaux ; el<strong>les</strong> ne<br />

fabriquent pas de cire, mais donnent un miel de bonne<br />

qualité qui, comme celui des Mélipones, est très apprécié<br />

des indigènes.<br />

Le pro<strong>du</strong>it résultant de l’exploitation de ces différents<br />

élevages d’Hyménoptères, procure un bénéfice qui vient<br />

alors s’ajouter à celui de la récolte fruitière de la plantation.<br />

Si ces Vespidés ne pro<strong>du</strong>isent pas de cire comme <strong>les</strong><br />

Apidés, el<strong>les</strong> ont d’autres avantages qui compensent le<br />

manque de ce pro<strong>du</strong>it d’utilisation in<strong>du</strong>strielle, car el<strong>les</strong><br />

concourent dans une assez grande mesure au maintien de<br />

la propreté d’une plantation en mettant à profit, comme<br />

matériaux de nidification, tous <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its de désassimilation<br />

que peut fournir la plante. De plus, ces guêpes étant<br />

carnassières, détruisent nombre de parasites particuliers<br />

au végétal qui leur offre le vivre et le couvert ; el<strong>les</strong> sont, par<br />

ce fait, une défense efficace contre <strong>les</strong> envahissements de<br />

la Cochenille sauvage, qui, comme on le sait, est l’ennemi<br />

dont une plantation de Platyopuntia a le plus à redouter<br />

<strong>les</strong> méfaits.<br />

Certaines autres espèces de Vespidés de plus grande<br />

taille, quoique ne fournissant aucun pro<strong>du</strong>it d’utilisation<br />

économique, sont encore susceptib<strong>les</strong> d’apporter un concours<br />

précieux pour le maintien, en bonnes conditions,<br />

d’une plantation de Cactacées : tel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> Polystes qui,<br />

quoique désastreuses pour la plupart des arbres fruitiers,<br />

rendent cependant aux cultures de Nopals des services qui<br />

ne sont pas à dédaigner. Aussi <strong>les</strong> indigènes, au lieu de<br />

détruire <strong>les</strong> guêpiers que ces dernières viennent suspendre<br />

aux artic<strong>les</strong> des Platyopuntia, se contentent seulement d’en


chapitRe xvi 441<br />

limiter le nombre, car leur trop grande abondance pourrait<br />

devenir nuisible.<br />

Ces guêpes, très friandes de larves de Coléoptères, constituent<br />

des agents très efficaces pour la destruction de cel<strong>les</strong><br />

qui s’attaquent particulièrement au parenchyme des Cactacées.<br />

Étant pourvues de robustes mandibu<strong>les</strong>, el<strong>les</strong> peuvent<br />

facilement entamer <strong>les</strong> tiges et pénétrer dans leur<br />

intérieur pour y capturer leur proie ; la présence de ces<br />

nids de Polystes dans une plantation de Nopals est donc<br />

une chose avantageuse qui vient compléter l’oeuvre d’assainissement<br />

des petites guêpes mellifères, car, disposant de<br />

moyens plus puissants que ces dernières, el<strong>les</strong> sont à même<br />

de détruire <strong>les</strong> insectes qui s’attaquent aux parties profondes<br />

de la plante et d’enrayer ainsi leurs dégâts. Tel<strong>les</strong> sont par<br />

exemple <strong>les</strong> larves de deux espèces très voisines de Curculionidés<br />

(Cactophayus spinolæ Gyll et C. tahorei Gyll)<br />

que l’on considère comme parasites particuliers des Platyopuntia.<br />

Les larves de ces Coléoptères s’alimentant exclusivement<br />

de la pulpe des Nopals, creusent dans l’intérieur<br />

des artic<strong>les</strong> de profondes galeries, où el<strong>les</strong> subissent toutes<br />

leurs transformations ; el<strong>les</strong> laissent alors des cavités qui,<br />

dans la suite, peuvent devenir des foyers de pourriture<br />

qui ne manqueraient pas de compromettre l’existence des<br />

Nopals.<br />

Ces Polystes en même temps qu’el<strong>les</strong> dévorent <strong>les</strong> larves,<br />

utilisent <strong>les</strong> déchets que ces dernières ont laissés et <strong>les</strong><br />

mettent à profit comme matériaux de confection de leurs<br />

gâteaux alvéolaires ; il en résulte que <strong>les</strong> parties entamées<br />

par <strong>les</strong> larves, au lieu de tomber en pourriture, peuvent,<br />

grâce à l’action des guêpes, arriver à se cicatriser.<br />

Les nidifications des Polystes, contrairement à cel<strong>les</strong> des<br />

Hyménoptères dont on vient de parler, ne sont que momentanées<br />

et n’ont lieu que pendant une certaine saison de<br />

l’année.<br />

association de diFFéRentes <strong>cactacées</strong> économiques suR<br />

un même teRRain de cultuRe. — Dans <strong>les</strong> plantations de<br />

Cierges destinés à la pro<strong>du</strong>ction fruitière, on économise


442 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

parfois le terrain en associant sur le même endroit deux<br />

espèces différentes ne pro<strong>du</strong>isant pas leur récolte à la même<br />

époque. C’est ainsi que dans l’État de Jalisco, principale-<br />

ment dans la région connue sous le nom de Valle de las<br />

playas, où se fait en grand la culture des Pitayos pour<br />

l’exportation et la vente des fruits sur <strong>les</strong> marchés urbains<br />

de la contrée, on peut voir des plantations de Lemaireocereus<br />

queretaroensis Safford, sur le tronc et <strong>les</strong> rameaux<br />

desquels <strong>les</strong> indigènes font grimper des Pitahayos, c’est-àdire<br />

des Cierges rampants à tiges de section triangulaire<br />

(fig. 65).<br />

On réalise alors sur un même emplacement l’association<br />

d’un Cierge à tiges érigées avec un autre en grande partie<br />

épiphyte, <strong>les</strong> deux donnant à des époques différentes leur<br />

pro<strong>du</strong>ction fruitière, le premier à la saison sèche, le second<br />

pendant la saison des pluies.<br />

Dans cette combinaison de culture intensive, ces deux<br />

Cierges, au lieu de se nuire, paraissent au contraire, étant<br />

donné le régime climatérique de la contrée où ils végètent,<br />

se conditionner dans un mutualisme des plus avantageux<br />

pour leur pro<strong>du</strong>ction indivi<strong>du</strong>elle.<br />

xénie et éclaiRcissage. — Une chose des plus intéressantes<br />

à laquelle soient arrivés <strong>les</strong> indigènes s’adonnant à<br />

la culture des Cactacées, est l’application à certaines<br />

espèces de la xénie et de l’éclaircissage pour le perfection-<br />

nement des fruits.<br />

La xénie ne paraît, jusqu’à présent, avoir été mise en<br />

oeuvre que dans la culture des Cierges triangulaires et aussi<br />

parfois dans quelques plantations de Platyopuntia. Selon<br />

toute vraisemblance, cette pratique horticole a été révélée<br />

aux Indiens d’après <strong>les</strong> faits observés dans la nature à la<br />

suite de fécondations croisées, ayant lieu normalement<br />

entre différentes espèces ou variétés de floraison simultanée.<br />

La xénie sur <strong>les</strong> Cierges à tiges triangulaires se pratique<br />

avec l’Hylocereus tricostatus Britt. et Rose, qui, à cause<br />

de la surabondance de ses fruits savoureux et rafraîchis-


chapitRe xvi 443<br />

sants, est l’objet d’une culture et d’un entretien courants<br />

dans <strong>les</strong> jardins de la plupart des villages des États de<br />

Jalisco et de Michoacan. Dans <strong>les</strong> plantations de cette<br />

espèce qui se font habituellement sur <strong>les</strong> arbres ou plus<br />

couramment en palissade sur <strong>les</strong> murs et clôtures des<br />

propriétés, on entretient toujours une espèce à fruits peu<br />

avantageux qui paraît être une forme sauvage ou rustique<br />

de l’Hylocereus undatus Britt. et Rose, et dont l’influence,<br />

d’après l’affirmation de ceux qui s’adonnent à cette culture,<br />

aurait pour effet d’améliorer notablement la pro<strong>du</strong>ction<br />

dans sa qualité et dans sa dimension.<br />

Pour <strong>les</strong> Platyopuntia, la chose est un peu différente :<br />

au lieu d’associer une espèce sauvage et rustique à une<br />

bonne variété sélectionnée, ce qui, comme on l’a vu, aurait<br />

pour résultat de provoquer chez cette dernière une dégénérescence,<br />

on se sert au contraire d’espèces bien améliorées.<br />

C’est ainsi que, dans <strong>les</strong> contrées ou <strong>les</strong> Nopals sont l’objet<br />

d’une grande culture, comme par exemple l’État de San<br />

Luis Potosi, on entretient au sein de la plantation d’Opuntia<br />

Ficus-indica Mill., un certain nombre d’exemplaires d’O. leucotricha<br />

DC., ou de la variété inerme de l’O. robusta<br />

Wendl. dite Camueso. Ces derniers, qui donnent de bons<br />

fruits, auraient toujours, d’après l’affirmation des indigènes,<br />

un effet heureux sur la fructification des autres<br />

Nopals entretenus dans leur voisinage.<br />

Quant à l’éclaircissage pour augmenter le volume des<br />

fruits, il ne paraît avoir été pratiqué jusqu’ici que sur la<br />

variété à gros fruits de l’O. Ficus-indica Mill. que <strong>les</strong><br />

Nathuatls désignaient sous le nom de Zapotnochtli et que<br />

<strong>les</strong> colons espagnols appelèrent dans la suite Tuna mansa,<br />

Tuna rica casta ou encore Tuna de Castilla.<br />

Cette belle variété, qu’elle soit inerme ou épineuse, donne<br />

d’ordinaire, quand on la cultive sans trop grands soins, un<br />

fruit atteignant 8 à 9 centimètres de long, qui peut arriver<br />

à doubler de volume si on lui applique un procédé assez<br />

simple.<br />

Ce dernier consiste tantôt à supprimer une floraison en


444 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

totalité ou en partie lorsque la plante en a deux à l’année,<br />

tantôt à ré<strong>du</strong>ire par un émondage judicieux le nombre des<br />

fleurs lorsque ces dernières se montrent en trop grande<br />

quantité sur un article, de façon à ce qu’il puisse fournir<br />

en plus grande abondance <strong>les</strong> sucs indispensab<strong>les</strong> à l’ac-<br />

croissement des fruits restants. On obtient alors des fruits<br />

très aqueux, très savoureux et qui, comme dimension et<br />

qualité, peuvent jusqu’à un certain point rivaliser avec ceux<br />

que pro<strong>du</strong>isent <strong>les</strong> Pitahayos.<br />

Les Nopals que l’on soumet à ce traitement doivent en<br />

outre être entretenus sur une terre de bonne qualité, bien<br />

amendée par quelques binages et de légères fumures et<br />

aménagée de façon à pouvoir recevoir de sommaires irriga-<br />

tions lorsque <strong>les</strong> plants entrent en végétation saisonnière<br />

ou lorsque la sécheresse devient trop forte.<br />

Les fleurs provenant de l’émondage ne sont pas per<strong>du</strong>es ;<br />

on <strong>les</strong> utilise à titre de condiments dans la cuisine indigène,<br />

ou encore on <strong>les</strong> sèche afin d’en faire des infusions que la<br />

médecine populaire préconise comme tisanes anodines.<br />

Les Platyopuntia soumis à ce régime finissent par perdre<br />

en grande partie leur caractère xérophytique, leur culture<br />

devient donc aussi délicate que celle des autres arbres<br />

fruitiers que l’on parvient à entretenir dans <strong>les</strong> régions<br />

mexicaines peu favorisées sous le rapport <strong>du</strong> régime des<br />

pluies, et ne peuvent répondre aux nécessités des régions<br />

foncièrement arides.<br />

*<br />

* *


chapitRe xvi 445<br />

CULTURE DES CACTACÉES D’ORNEMENT<br />

Polymorphisme. — Hybridation. — Greffe. — Adaptation. —<br />

Multiplication horticole. — Principa<strong>les</strong> formes à fleurs<br />

ornementa<strong>les</strong> : Cierges ailés, Epiphyllum mexicains, Cierges<br />

rampants et serpentiformes, Reines de la nuit. — Espèces<br />

de pleine terre en pays froids : Opuntia vulgaris Mill.,<br />

O. Rafinesquiana Engelm., O. fragilis Haw., Echinocereus,<br />

Mamillariées et Echinocactées. — Formes monstrueuses. —<br />

Platyopuntia et élevage de la Cochenille.<br />

D’après <strong>les</strong> vagues renseignements fournis par <strong>les</strong> écri-<br />

vains de l’époque de la conquête espagnole, on voit que la<br />

culture des Cactacées comme plantes d’ornement paraît<br />

avoir été pratiquée d’une façon assez suivie par <strong>les</strong><br />

anciennes populations civilisées <strong>du</strong> Nouveau Continent.<br />

Certaines espèces de Cierges grimpants, de Cierges ailés,<br />

de Mamillaria et même d’Opuntia, avaient, par l’étrangeté<br />

de leur allure, par la beauté et le charme de leurs fleurs,<br />

attiré l’attention des Indiens et <strong>les</strong> avaient amenés à <strong>les</strong><br />

comprendre parmi <strong>les</strong> spécimens hortico<strong>les</strong> servant à la<br />

décoration des parterres, des rocail<strong>les</strong>, des clôtures de<br />

jardins et même de l’intérieur des habitations.<br />

Les Espagnols, lorsqu’ils eurent établi leur conquête<br />

américaine, loin de dédaigner ces plantes dont ils avaient<br />

appris à apprécier l’intérêt et la valeur aussi bien écono-<br />

mique qu’ornementale, s’efforcèrent d’en étendre la cul-<br />

ture non seulement dans leur domaine colonial, mais<br />

encore en Europe.<br />

Sans parler <strong>du</strong> fameux Nopal que l’on désigna alors<br />

sous le nom de Figuier des Indes et qui, au moment de<br />

la découverte de l’Amérique, fut importé à titre de plante<br />

économique dans la mère-patrie où il se naturalisa pour<br />

ainsi dire de lui-même et ne cessa depuis lors de gagner<br />

toutes <strong>les</strong> zones tropica<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong> des climats secs<br />

<strong>du</strong> monde entier, nombre d’autres espèces sont venues<br />

occuper une place importante dans la flore des serres, des<br />

jardins d’hiver et même de pleine terre dans <strong>les</strong> endroits<br />

où le climat le permettait.


446 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

La culture horticole des Cactacées fut même très en<br />

vogue au cours <strong>du</strong> xviii e siècle et de la première moitié<br />

<strong>du</strong> xix e , période pendant laquelle des collections très importantes<br />

de ces plantes grasses se constituèrent dans presque<br />

tous <strong>les</strong> pays de l’Europe.<br />

Si ces cultures, en faisant décrire comme espèces dis-<br />

tinctes nombre de variétés, amenèrent la confusion dans<br />

l’étude botanique des représentants de la famille des Cac-<br />

tacées, el<strong>les</strong> eurent, <strong>du</strong> moins, l’avantage très appré-<br />

ciable de faire connaître <strong>les</strong> circonstances curieuses de la<br />

biologie de ces végétaux, en mettant en évidence le poly-<br />

morphisme de certaines espèces, leur facilité d’hybridation<br />

et la modalité de leur adaptation à des milieux très parti-<br />

culiers.<br />

Ces cultures hortico<strong>les</strong> eurent encore un avantage qui<br />

mérite d’être pris en considération : ce fut celui de démon-<br />

trer la facilité avec laquelle on peut effectuer des greffages<br />

chez <strong>les</strong> Cactacées, même entre sujets appartenant à des<br />

genres différents.<br />

La pratique de la greffe ne paraît pas voir été mise en<br />

usage dans l’ancienne agriculture mexicaine, <strong>du</strong> moins<br />

pour ce qui a trait aux cultures de Cactacées économiques,<br />

bien que certaines espèces aient pu, comme on l’a vu au<br />

sujet des Echinocactus, montrer dans la nature des<br />

exemp<strong>les</strong> de greffes accidentel<strong>les</strong>.<br />

Les cultures hortico<strong>les</strong>, au contraire, ont su tirer un<br />

profit très avantageux de la greffe et la mettre très large-<br />

ment à contribution, non seulement pour l’amélioration<br />

des espèces et des variétés, mais encore pour entretenir<br />

en bonne voie de végétation et amener à floraison<br />

<strong>les</strong> formes délicates ou adaptées à des conditions spécia<strong>les</strong>,<br />

qu’il était très difficile de réaliser sous le régime uniforme<br />

des cultures en serres.<br />

Presque toutes <strong>les</strong> espèces de Cactacées peuvent servir<br />

de porte-greffes ; cel<strong>les</strong> que l’on choisit de préférence pour<br />

ce but doivent appartenir aux spécimens <strong>les</strong> plus résistants<br />

et <strong>les</strong> mieux adaptés à un régime indifférent aux causes


chapitRe xvi 447<br />

extérieures ; aussi a-t-on plus particulièrement recours à<br />

certains types de Platyopuntia, de Cierges, de Mamillaria<br />

et même parfois de Pereskia, lorsqu’il s’agit de se servir<br />

d’un spécimen bien lignifié, se rapprochant de la végétation<br />

frutescente normale.<br />

Les fécondations croisées pratiquées artificiellement et<br />

non soumises au hasard, comme dans <strong>les</strong> cultures de plan-<br />

tations économiques, ont donné de remarquab<strong>les</strong> résultats ;<br />

el<strong>les</strong> ont permis, avec des plants issus de semis, d’obtenir<br />

une série de formes plus ou moins modifiées et améliorées,<br />

parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on en a pu sélectionner de remarqua-<br />

b<strong>les</strong> par la qualité de leur floraison et qu’il a été possible<br />

de conserver en <strong>les</strong> propageant par bouturage.<br />

C’est ainsi qu’avec <strong>les</strong> Cierges rampants, <strong>les</strong> Epiphyllum<br />

et ces Echinocactées appartenant au groupe aberrant des<br />

Astrophytum, on est arrivé à réaliser de nombreuses formes<br />

hybrides qui obtinrent un vif succès de curiosité dans <strong>les</strong><br />

cultures entreprises par <strong>les</strong> amateurs de Cactacées.<br />

Au point de vue purement floral, <strong>les</strong> plus beaux et <strong>les</strong><br />

plus remarquab<strong>les</strong> hybrides furent obtenus par la féconda-<br />

tion artificielle des fleurs <strong>du</strong> Nopalxochia phyllantoides<br />

Britt. et Rose avec le pollen des Heliocereus speciosus Britt.<br />

et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose et Cereus<br />

pteranthus Britt. et Rose.<br />

adaptation. — Certaines formes de Cactacées sont<br />

tellement bien adaptées à des conditions particulières d’exis-<br />

tence, qu’el<strong>les</strong> se montrent réfractaires aux procédés de<br />

culture horticole habituels, et si, parfois, ces spécimens<br />

extraordinaires ont pu, dans <strong>les</strong> collections de plantes<br />

vivantes, se maintenir en prospérité et parvenir à la florai-<br />

son et à la fructification, ce n’est que par la stricte<br />

observance des faits de la nature. Car à côté des espèces<br />

sylvico<strong>les</strong> qui végètent à peu près dans <strong>les</strong> mêmes cond-<br />

itions que <strong>les</strong> végétaux normaux et <strong>les</strong> Platyopuntia qui,<br />

grâce à leurs multip<strong>les</strong> formes de résistance, se montrent<br />

indifférents aux influences externes et s’accommodent à


448 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

presque tous <strong>les</strong> milieux, <strong>du</strong> moment qu’ils ne sont pas<br />

trop humides, bon nombre d’espèces se sont tellement<br />

adaptées à des régimes exclusifs, qu’il est impossible de<br />

<strong>les</strong> faire vivre si on ne <strong>les</strong> place pas dans <strong>les</strong> conditions<br />

écologiques auxquel<strong>les</strong> la nature <strong>les</strong> a conformées.<br />

Tel<strong>les</strong> sont par exemple ces petites formes de Cactacées<br />

globuleuses que l’on désigne sous <strong>les</strong> noms populaires de<br />

Peyotes et de Peyotillos, spécimens éminemment xérophytiques,<br />

croissant dans <strong>les</strong> plaines désertiques <strong>du</strong> nord <strong>du</strong><br />

Mexique et <strong>du</strong> sud des États-Unis et qui, pendant leur<br />

période de repos végétatif, arrivent à se soustraire aux<br />

rigueurs saisonnières d’un climat excessif par le curieux<br />

mécanisme d’un enfouissement spontané.<br />

Si ces Peyotes se trouvent soumis exclusivement au<br />

régime par trop clément des cultures de serres, on <strong>les</strong> voit<br />

d’abord pousser avec une certaine vigueur ; mais, au bout<br />

d’un temps plus ou moins long, ils s’anémient et finissent<br />

pas tomber en pourriture, à moins qu’on ait eu soin de<br />

<strong>les</strong> placer en terre légère, profonde, perméable, de prati-<br />

quer des arrosages très modérés pendant seulement quel-<br />

ques jours de l’année et de <strong>les</strong> conserver l’hiver dans un £<br />

terrain et une atmosphère rigoureusement secs, en leur<br />

donnant de la chaleur de fond ; ainsi traitées ces Cactacées<br />

peuvent vivre longtemps et se comporter comme dans la<br />

nature.<br />

Certains grands Cierges particuliers aux régions des<br />

crêtes montagneuses montrent également des phénomènes<br />

d’adaptation aussi curieux que ceux de ces végétaux xéro-<br />

phi<strong>les</strong>.<br />

Tels sont par exemple <strong>les</strong> Lemaireocereus Chende Britt.<br />

et Rose, et L. Chichipe Britt. et Rose, qui ne peuvent vivre<br />

et donner leurs pro<strong>du</strong>its que si on <strong>les</strong> soumet à des alter-<br />

natives presque journalières de vive lumière, de ventilation,<br />

de brumes et de rosées froides. Ces Cierges, déplacés de<br />

leur milieu habituel, comme on l’a maintes fois constaté<br />

non seulement dans <strong>les</strong> essais de culture mais aussi dans<br />

la nature, ne tardent pas à péricliter et même parfois à<br />

périr.


chapitRe xvi 449<br />

Certains Cierges à tiges décombantes sont spécialisés aux<br />

climats marins ; tels sont <strong>les</strong> Acanthocereus pentagonus<br />

Britt. et Rose et le Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />

qui, si on <strong>les</strong> change de leur habitat ordinaire, peuvent<br />

encore végéter vigoureusement, mais ne parviennent qu’ex-<br />

ceptionnellement à donner une pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />

Ce fait a été constaté il y a longtemps et d’une façon<br />

très nette avec le Machærocereus gummosus Britt. et Rose,<br />

espèce fort répan<strong>du</strong>e sur tout le littoral de la Péninsule<br />

Californienne. Ce Cierge, lorsqu’il croît sur <strong>les</strong> côtes ou<br />

dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong>, donne des fruits souvent en très grande abon-<br />

dance ; mais s’il se trouve dans l’intérieur <strong>du</strong> pays ou dans<br />

un endroit non soumis à l’influence marine, sa pro<strong>du</strong>ction<br />

devient nulle ou à peu près, bien que la plante se main-<br />

tienne en touffes vigoureuses.<br />

En somme, le polymorphisme, l’hybridation entre espèces<br />

de floraison simultanée, et l’adaptation à des milieux très<br />

différents, sont des faits biologiques qui se montrent avec<br />

fréquence chez certains représentants des Cactacées, et<br />

que la culture de collections de plantes de cette famille est<br />

venue mettre en évidence.<br />

Si <strong>les</strong> deux premières ont été utilisées avec succès dans<br />

la pratique courante de l’horticulture, il n’en a pas été de<br />

même de la troisième, qui fut plutôt un échec ou une<br />

grande difficulté qu’on a pu tout au plus tourner par la<br />

greffe, lorsque <strong>les</strong> conditions de la nature auxquel<strong>les</strong> la<br />

plante s’est conformée n’ont pu être réalisées.<br />

Néanmoins, l’adaptation à des milieux très spécialisés<br />

est une chose dont on doit tenir compte lorsqu’il s’agit de<br />

faire des peuplements de Cactacées dans des contrées très<br />

arides, soit dans un but d’exploitation économique, soit<br />

simplement à des fins d’amélioration de terrains.<br />

multiplication en hoRticultuRe. — En horticulture,<br />

on emploie comme méthode courante de propagation des<br />

Cactacées, le bouturage et le semis.<br />

Le premier mode ne diffère guère dans le cas présent de<br />

29


450 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

celui qui a été exposé ci-dessus : son but est de conserver<br />

des formes suffisamment établies en vue de leur pro<strong>du</strong>c-<br />

tion économique.<br />

Le second, au contraire, au lieu de maintenir une forme<br />

bien établie, aura pour objet d’obtenir en peu de temps<br />

une grande quantité de sujets présentant, suivant le poly-<br />

morphisme des espèces, de plus ou moins nombreuses<br />

variétés sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il sera loisible, après sélection, d’ap-<br />

pliquer tous <strong>les</strong> procédés d’amélioration dont dispose la<br />

pratique horticole.<br />

Le moment le plus favorable, selon Labouret, pour faire<br />

en Europe <strong>les</strong> semis de Cactacées, est février et mars ; il<br />

permet aux jeunes sujets de se développer normalement et<br />

d’acquérir pendant le cours de l’été suivant une dimension<br />

suffisante qui leur permettra de passer l’hiver en entrant<br />

en repos végétatif. Les semis pratiqués à cette époque per-<br />

mettent également de désaisonner facilement <strong>les</strong> espèces<br />

quand on <strong>les</strong> transporte d’un hémisphère dans l’autre ;<br />

c’est ainsi que l’on a pu faire fleurir et fructifier en Europe<br />

des espèces de l’Amérique australe à une saison où el<strong>les</strong><br />

peuvent rencontrer toutes <strong>les</strong> conditions de grande lumière<br />

indispensab<strong>les</strong> à leurs besoins écologiques.<br />

Les semis doivent toujours être faits, d’après l’avis de<br />

Labouret, dans des terrines peu profondes au fond des-<br />

quel<strong>les</strong> on place des tessons ou des graviers afin d’éviter<br />

une trop grande humidité. Sur ces derniers, on étend une<br />

couche constituée par un mélange de terre de bruyère, de<br />

terreau de feuil<strong>les</strong> bien consommé, de sable, de terre de<br />

jardin et même, dans certains cas, de calcaire et d’argile,<br />

afin de réaliser un compost assez semblable à celui que<br />

retiennent <strong>les</strong> fissures des rochers et qui, dans la nature,<br />

constitue des points d’élection pour <strong>les</strong> peuplements spon-<br />

tanés de Cactacées. Cet humus artificiel doit être légère-<br />

ment tassé et humidifié au moment où l’on fait <strong>les</strong> semis ;<br />

<strong>les</strong> graines sont répan<strong>du</strong>es à sa surface en <strong>les</strong> fixant seule-<br />

ment à l’aide d’une légère pression des doigts ; il faut<br />

éviter de <strong>les</strong> enterrer complètement parce qu’el<strong>les</strong> germe-<br />

raient alors plus difficilement.


chapitRe xvi 451<br />

Après que <strong>les</strong> semis ont été faits, il faut maintenir la<br />

terre dans un état hygrométrique constant ; pour cela, on<br />

place chaque terrine sur une soucoupe remplie d’eau et<br />

l’on maintient le tout dans une enceinte vitrée dont la<br />

température doit être constante et ne pas baisser au-dessous<br />

de 10°. Dans ces conditions, <strong>les</strong> graines, suivant <strong>les</strong><br />

espèces, lèvent plus ou moins rapidement, quelques-unes<br />

en moins d’une quinzaine de jours, d’autres en un ou deux<br />

mois. Quand ces dernières sont en bonne voie de végétation,<br />

il faut <strong>les</strong> soumettre à des soins assi<strong>du</strong>s ; on supprime <strong>les</strong><br />

soucoupes remplies d’eau, mais on veille à ce que la terre<br />

conserve cependant un certain degré d’humidité et qu’elle<br />

ne soit pas envahie par <strong>les</strong> mousses, <strong>les</strong> lichens et autres<br />

végétaux susceptib<strong>les</strong> d’étouffer <strong>les</strong> semis.<br />

Les plantu<strong>les</strong> doivent encore être abritées contre l’action<br />

directe <strong>du</strong> soleil ; pour cela, on <strong>les</strong> place sous des châssis<br />

dont <strong>les</strong> vitres ont été ren<strong>du</strong>es opaques par un badigeonnage.<br />

Lorsque <strong>les</strong> jeunes plants commencent à prendre leur<br />

forme et à montrer leurs aiguillons, il faut procéder alors<br />

à leur transplantation et <strong>les</strong> disposer assez espacés dans de<br />

nouvel<strong>les</strong> terrines, jusqu’à ce qu’ils aient atteint une<br />

dimension suffisante pour être à nouveau transplantés et<br />

placés alors isolés. Cette dernière opération, pour être effectuée<br />

dans de bonnes conditions de vitalité, peut demander<br />

un an ou parfois beaucoup plus ; cela dépend de la rapidité<br />

de croissance inhérente aux espèces.<br />

Il est facile très souvent d’augmenter la croissance des<br />

jeunes sujets issus de semis et en même temps de leur<br />

donner une belle vigueur, en ayant recours à un greffage<br />

sur une espèce ou une variété très rustique. C’est ainsi, par<br />

exemple, qu’on a pu, dans <strong>les</strong> cultures courantes, augmenter<br />

très efficacement le développement de certains<br />

Epiphyllum en <strong>les</strong> greffant sur des variétés choisies de<br />

l’Opuntia Ficus-indica Mill. et même sur des Pereskia.<br />

Par la même opération, R. Roland-Gosselin (ex litteris)<br />

a obtenu un résultat très probant en greffant sur le


452 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Wilcoxia viperina Britt. et Rose de jeunes spécimens issus<br />

de semis <strong>du</strong> W. striata Britt. et Rose. Ce dernier qui,<br />

d’après ce qu’a montré la plantation par semis, ne s’accroît<br />

que de quelques millimètres par an, a donné sur son porte-<br />

greffe des tiges qui, dans le même laps de temps, ont atteint<br />

5 centimètres de long.<br />

Dans la nature, on observe parfois des cas analogues de<br />

vigorisation de jeunes sujets à la suite d’un greffage acci-<br />

dental ; on en a vu un exemple bien net au chapitre des<br />

Echinocactées, avec l’Echinocactus ingens Zucc., qui présente<br />

un fait identique lorsque, sur sa tige b<strong>les</strong>sée et<br />

cicatrisée, des graines sont tombées et sont arrivées à<br />

germer.<br />

Les greffons de Cactacées, lorsqu’ils ont atteint un bon<br />

développement, peuvent être détachés de leur porte-greffe<br />

et bouturés selon <strong>les</strong> procédés ordinaires ; on obtient de<br />

cette façon des indivi<strong>du</strong>s plus résistants et mieux adaptés<br />

à de nouveaux régimes de végétation.<br />

Pour la multiplication des Mamillariées et de certaines<br />

Echinocactées dont <strong>les</strong> côtes sont remplacées par des ali-<br />

gnements de mamelons, on a eu souvent recours au greffage<br />

et au bouturage de ces mamelons. L’opération est facile et<br />

s’effectue de la même manière qu’avec de simp<strong>les</strong> frag-<br />

ments de tiges ; elle devient seulement un peu délicate<br />

lorsqu’il s’agit d’espèces offrant des mamelons un peu sail-<br />

lants.<br />

Grâce à ces deux procédés, on a pu obtenir pour nombre<br />

d’espèces diffici<strong>les</strong> à entretenir en bonne végétation, des<br />

plants améliorés se pliant mieux au régime de culture en<br />

serre. Tel a été par exemple le cas <strong>du</strong> Lophophora Williamsii<br />

Coult., et, en général, des espèces que l’on comprend dans<br />

la catégorie des Peyotes.<br />

pRincipa<strong>les</strong> FoRmes de <strong>cactacées</strong> cultivées pouR leuRs<br />

FleuRs. — Les spécimens qui jouirent à un moment donné<br />

d’une si grande vogue dans l’horticulture en serres, appar-<br />

tiennent, surtout dans leurs formes marquantes, au groupe<br />

de Cierges que l’on désigna primitivement sous le nom de


chapitRe xvi 453<br />

Cierges ailés ou à feuil<strong>les</strong> de Scolopendre (Phyllocactus et<br />

Epiphyllum), aux Cierges rampants ou serpentiformes et<br />

à certains types de Cactiers globuleux.<br />

Ces Cactacées, pour la plupart originaires des Antil<strong>les</strong>,<br />

furent rapportées aussitôt après la découverte de l’Amé-<br />

rique, et constituèrent ainsi le point de départ des collec-<br />

tions de plantes grasses qui, pendant longtemps, excitèrent<br />

un si grand enthousiasme chez <strong>les</strong> amateurs de plantes<br />

exotiques curieuses.<br />

Cierges ailés. — De Candolle, Pfeiffer, Miquel, <strong>les</strong> rattachèrent<br />

au genre Cereus, et Pfeiffer, pour se conformer à la<br />

nomenclature horticole, en fit la section qu’il désigna sous<br />

le nom de Cerei alati.<br />

Bien avant, Necker, en 1791, en avait fait un genre<br />

spécial sous le nom de Phyllartus 1 et Haworth, en 1812,<br />

sous celui d’Epiphyllum 2 , nom proposé auparavant par<br />

Hermann pour grouper tous <strong>les</strong> Cactiers à tiges foliacées,<br />

y compris une grande partie des représentants <strong>du</strong> genre<br />

Rhipsalis.<br />

Labouret 3 institua pour ces plantes le genre Athrophyllum<br />

qu’il subdivisa en sous-genres Phyllocactus et<br />

Epiphyllum.<br />

Britton et Rose 4 ont réparti ces Cierges qu’ils groupent<br />

en une sous-tribu : Epiphyllanæ, en neuf genres :<br />

I° Zygocactus Schum.<br />

2° Epiphyllanthus Berger.<br />

3° Schlumbergera Lem.<br />

4° Epiphyllum Haw.<br />

5° Disocactus Lindl.<br />

6° Chiapasia Britt. et Rose.<br />

7° Eccremocactus Britt. et Rose.<br />

8° Nopalxochia Britt. et Rose.<br />

9° Wittia Schum.<br />

1. Elementa botanica, II, p. 85, 1790.<br />

2. Synopsis Plantarum succulentarum, p. 197, 1812.<br />

3. Monographie des Cactées, p. 406, 1853.<br />

4. The Cactaceæ. IV, p. 177, 1923.


454 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Les Cierges ailés sont des plantes affectant la forme d’ar-<br />

brisseaux, croissant en touffes plus ou moins fournies, à<br />

l’état épiphyte, semi-épiphyte ou encore saxicole, dans <strong>les</strong><br />

grandes forêts longeant <strong>les</strong> deux versants de l’Amérique<br />

tropicale.<br />

Les rameaux sont toujours fortement comprimés, conti-<br />

nus ou articulés ; ils possèdent une nervure médiane qui<br />

se lignifie avec l’âge, ce qui leur donne l’apparence d’une<br />

feuille charnue, dont le contour, suivant <strong>les</strong> espèces, se<br />

montre plus ou moins sinué ou découpé de profondes<br />

échancrures. Cette tige, à ses débuts, apparaît cylindrique<br />

ou légèrement polygonale ; elle ne prend que plus tard<br />

cette conformation comprimée qui est la caractéristique<br />

la plus apparente des Cierges ailés.<br />

La partie non comprimée peut s’allonger en conservant<br />

sa structure ; avec l’âge elle se lignifie même assez forte-<br />

ment chez certaines espèces (Epiphyllum oxypetalum<br />

Haw.).<br />

Ces Cierges forment sur <strong>les</strong> arbres, ou sur <strong>les</strong> rochers,<br />

des touffes plus ou moins puissantes dont <strong>les</strong> rameaux,<br />

toujours en forme de lanières, sont tantôt érigés, tantôt<br />

flexueux ou encore franchement décombants ; ils émettent<br />

souvent, comme <strong>les</strong> Cierges à section polygonale, des<br />

racines adventives qui partent alors de la partie inférieure<br />

d’une articulation.<br />

Les aréo<strong>les</strong> sont situées au fond des crénelures ou aux<br />

extrémités des artic<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont munies d’un tomentum<br />

constitué par des aiguillons rudimentaires qui sont protégés<br />

par de petites squames ca<strong>du</strong>ques. Les fleurs se<br />

développent dans <strong>les</strong> alvéo<strong>les</strong> au fond des crénelures ou au<br />

sommet des artic<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont infundibuliformes, habituellement<br />

grandes ; leur tube est cylindrique, plus ou<br />

moins long, parfois démesurément allongé (Epiphyllum<br />

Phyllanthus Haw.). Ce tube est tantôt droit, tantôt coudé<br />

ou recourbé ; il présente quelques squames foliacées ; cel<strong>les</strong>ci<br />

sont glabres, inermes. La teinte des fleurs varie entre<br />

le rouge vif, le rose, le blanc et le jaunâtre ; el<strong>les</strong> sont


chapitRe xvi 455<br />

suivant <strong>les</strong> espèces, diurnes, nocturnes, persistantes, éphé-<br />

mères. Les étamines sont nombreuses, soudées sur le tube ;<br />

le style est grêle, plus long que <strong>les</strong> étamines, et se termine<br />

par plusieurs divisions stigmatiques linéaires et rayon-<br />

nantes. Le fruit est ovoïde, inerme, lisse, côtelé ; quoique<br />

comestible et parfois de saveur parfumée, il ne paraît pas<br />

être l’objet d’une consommation régulière et recherchée,<br />

aussi ne le voit-on que tout à fait exceptionnellement figurer<br />

sur <strong>les</strong> marchés mexicains.<br />

Les Cierges ailés, à cause de leur magnifique floraison,<br />

ne furent l’objet d’une culture que comme plante à fleurs ;<br />

il n’est pas étonnant que leur fructification ait été consi-<br />

dérée comme tout à fait secondaire.<br />

Comme cette catégorie de Cierges est originaire des<br />

grandes forêts tropica<strong>les</strong> où par conséquent elle se trouve<br />

adaptée à des conditions biologiques analogues à cel<strong>les</strong><br />

des végétaux normaux, il en résulte que l’on a pu, avec<br />

elle, mettre en oeuvre, non sans un réel succès, <strong>les</strong> procédés<br />

habituels de sélection et de fécondation artificielle. Aussi,<br />

par suite de l’application judicieuse de ces procédés cou-<br />

rants en horticulture, est-on arrivé à créer de très nom-<br />

breuses variétés qui pendant longtemps excitèrent l’en-<br />

thousiasme des amateurs de plantes rares et curieuses.<br />

Les trois principaux Cierges au pollen desquels on ait<br />

eu surtout recours pour la fécondation des fleurs de ces<br />

Cierges ailés, furent <strong>les</strong> Heliocereus speciosus Britt. et Rose,<br />

Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose, et S. pteranthus<br />

Britt. et Rose, espèces de même habitat et que l’on entre-<br />

tenait jadis avec un soin tout particulier dans <strong>les</strong> palissades<br />

de serre ou de jardins d’hiver 1 .<br />

Les fleurs fournies par <strong>les</strong> spécimens hybridés se sont<br />

sensiblement agrandies en même temps qu’el<strong>les</strong> se sont<br />

1. Les Heliocereus Britt. et Rose et Selenicereus Britt. et Rose<br />

appartiennent, avec <strong>les</strong> Wilmattea Britt. et Rose, Mediocactus Britt.<br />

et Rose. Deamia Britt. et Rose, Weberocereus Britt. et Rose, Werckleocereus<br />

Britt. et Rose, Aporocactus Lem. et Strophocactus Britt. et<br />

à la sous tribu des Hylocereaneæ de Britt. et Rose.


456 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

parées de coloris beaucoup plus vifs et plus riches que<br />

cel<strong>les</strong> provenant de formes naturel<strong>les</strong>.<br />

Au moment de la grande vogue de la culture des Cac-<br />

tacées, on comptait plusieurs centaines de variétés fournies<br />

par <strong>les</strong> Cierges ailés, et Simon, horticulteur parisien, n’en<br />

mentionne pas moins de trois cents dans son catalogue.<br />

Par leur morphologie et leur biologie, <strong>les</strong> Cierges ailés<br />

ne sont que la continuation à peu près ininterrompue des<br />

Cierges polygonaux ; la fleur, chez la majorité des espèces,<br />

est longuement tubulée ; quant aux tiges, comprimées et<br />

très aplaties, el<strong>les</strong> rappellent cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Selenicereus hamatus<br />

Britt. et Rose, cel<strong>les</strong> juvéni<strong>les</strong> de l’Heliocereus speciosus<br />

Britt. et Rose, et surtout cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Strophocactus Wittii<br />

Britt. et Rose, plante aberrante habitant <strong>les</strong> forêts humides<br />

<strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Brésil et que l’on a tour à tour rangée parmi <strong>les</strong><br />

Cierges polygonaux, <strong>les</strong> Cierges ailés et <strong>les</strong> Rhipsalis.<br />

Les Cerei alati ou Epiphyllaneæ doivent se répartir en<br />

deux grands groupes assez bien délimités, l’un de propor-<br />

tions plus fortes, dont la fleur est ordinairement grêle et<br />

allongée, à tube grêle, étamines abondantes et un peu iné-<br />

ga<strong>les</strong>, péta<strong>les</strong> habituellement nombreux, à limbe étalé et<br />

régulier, style filiforme, plus long que <strong>les</strong> étamines, stig-<br />

mates linéaires et rayonnants ; l’autre à tiges très rami-<br />

fiées, au lieu d’être presque continues, fragmentées en un<br />

grand nombre de petits artic<strong>les</strong> foliacés, inermes, lisses,<br />

ovoïdes, tronqués à leur sommet, denticulés ou crénelés<br />

sur leurs contours, à fleurs toutes de couleur rouge ou<br />

rosée, termina<strong>les</strong> et apparaissant au sommet des artic<strong>les</strong>,<br />

à tube habituellement assez court, souvent convexe à son<br />

orifice, à divisions pétaloïdes, à limbe plus ou moins oblique,<br />

quelquefois sublabié, à étamines formant deux séries dis-<br />

tinctes, l’extérieure insérée sur le tube, l’interne se soudant<br />

à leur base de façon à former un tube entourant le style ;<br />

ce dernier longuement exsert.<br />

Nous ne nous occuperons que <strong>du</strong> premier groupe qui<br />

comprend, au Mexique, comme représentants, <strong>les</strong> genres :<br />

Epiphyllum Haw., Nopalxochia Britt. et Rose, et Chiapasia<br />

Britt. et Rose.


chapitRe xvi 457<br />

Le genre Epiphyllum a six espèces au Mexique 1 , dont<br />

nous n’étudierons que <strong>les</strong> plus importantes.<br />

Epiphyllum Ackermannii Haw. (syn. : Phyllocactus<br />

Ackermannii Salm-Dyck, Cereus Ackermannii Otto, Cactus<br />

Ackermannii Lindl.). — Cette espèce est, par la splendeur<br />

et la <strong>du</strong>rée de sa floraison, une des formes <strong>les</strong> plus remar-<br />

quab<strong>les</strong> <strong>du</strong> groupe ; habituellement épiphyte dans la nature,<br />

elle croît sur <strong>les</strong> arbres des forêts en formant des touffes<br />

plus ou moins volumineuses de rameaux diffus, érigés ou<br />

pendants. Les rameaux, d’une longueur de près de 50 centi-<br />

mètres, partent d’une souche unique ; ils sont d’abord<br />

cylindriques ou subanguleux, puis deviennent comprimés<br />

et foliacés en présentant alors des bords profondément<br />

incisés ; leur couleur dans le jeune âge est d’un vert tendre<br />

passant parfois au brun pourpre vers <strong>les</strong> extrémités. Les<br />

aréo<strong>les</strong> qui occupent le fond des crénelures sont fréquem-<br />

ment munies d’aiguillons sétuleux que recouvre en partie<br />

une petite squamule. Les fleurs, d’une grande beauté, sont<br />

diurnes, inodores, d’une vive coloration coccinée ou écar-<br />

late ; el<strong>les</strong> restent plusieurs jours épanouies et présentent<br />

une corolle infundibuliforme qui, au moment de son com-<br />

plet épanouissement, peut atteindre un diamètre de 15 cen-<br />

timètres ; le tube, long de 4 à 5 centimètres, est glabre, de<br />

couleur verte ; il présente quelques squames rougeâtres.<br />

Les péta<strong>les</strong>, au nombre d’une douzaine, sont acuminés,<br />

<strong>les</strong> étamines et le style rouges et de même longueur ; le<br />

stigmate est blanc et présente 8 divisions.<br />

La floraison a lieu pendant une longue période ; elle<br />

débute en avril pour se terminer en septembre.<br />

Le fruit, d’environ 3 ou 4 centimètres dans sa plus<br />

grande dimension, est ovoïde, ombiliqué et rétréci à son<br />

sommet ; il présente 8 côtes aplaties et écailleuses ; sa pulpe<br />

est comestible et possède une saveur assez douce ayant un<br />

léger arôme de fraise.<br />

1. E. Ackermannii Haw., anguliger G. Don, caudatum Britt. et<br />

Rose, Darrahii Britt. et Rose, oxypetalum Haw., strictum Britt. et Rose.


458 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Quelques auteurs, dont Britton et Rose, considèrent cet<br />

Epiphyllum, non comme une espèce, mais comme le résultat<br />

d’une hybridation naturelle.<br />

L’aire de dispersion de l’E. Ackermannii est assez éten<strong>du</strong>e<br />

: elle paraît comprendre toute la forêt tropicale <strong>du</strong><br />

versant atlantique de l’Amérique, y compris <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong>.<br />

Au Mexique, le D r Weber le signale comme assez commun<br />

dans la forêt montagneuse des environs d’Orizaba ; Britton<br />

et Rose disent qu’on l’a trouvé près de Chiapas.<br />

Comme c’est une plante ornementale très cultivée et très<br />

appréciée, il est fort probable qu’elle est devenue subspon-<br />

tanée dans nombre de localités.<br />

Epiphyllum anguliger G. Don. (syn. : Phyllocactus anguliger<br />

Lem., P. serratus Brong.). — Cette espèce se présente<br />

sous un aspect tout particulier qui la fait distinguer à<br />

première vue de ses congénères ; elle forme des touffes très<br />

rameuses dont <strong>les</strong> tiges sont robustes, aplaties, épaisses,<br />

charnues, divariquées, remarquab<strong>les</strong> par leurs bords pro-<br />

fondément découpés en dents de scie, conformation qui a<br />

valu à cette espèce le nom vulgaire de Jarrana, ternie servant<br />

jadis à désigner une sorte de guitare à contours angu-<br />

leux.<br />

La tige de l’E. anguliger est, en général, très ramifiée,<br />

longue de 30 centimètres à 1 mètre, assez épaisse, très<br />

succulente ; à ses débuts elle est céréiforme, puis elle devient<br />

convexe enfin comprimée ; au fond de ses profondes décou-<br />

pures margina<strong>les</strong> apparaissent de véritab<strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, rondes,<br />

tomenteuses, sétigères, ce qui est un fait presque excep-<br />

tionnel dans ce groupe de plantes ; la squamule qui accom-<br />

pagne ce tomentum est très atrophiée et presque nulle.<br />

La fleur est blanche, longue d’environ 25 centimètres ; son<br />

tube est grêle et presque nu ; <strong>les</strong> sépa<strong>les</strong> sont lancéolés,<br />

linéaires, d’un jaune rosé, <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> blancs, satinés, trans-<br />

parents, largement lancéolés, acuminés, longs de 2 centi-<br />

mètres ; <strong>les</strong> étamines, le style et <strong>les</strong> stigmates sont blancs.<br />

Les fleurs ont une assez longue <strong>du</strong>rée, el<strong>les</strong> restent épa-


chapitRe xvi 459<br />

nouies une huitaine de jours ; el<strong>les</strong> exhalent un parfum<br />

doux et pénétrant qui rappelle celui <strong>du</strong> chèvrefeuille.<br />

Le fruit, ovoïde, subcosté, long de 3 à 4 centimètres, est<br />

blanc à sa maturité ; il est comestible et fait parfois son<br />

apparition sur <strong>les</strong> marchés concurremment à celui de l’Heliocereus<br />

speciosus Britt. et Rose.<br />

Cet Epiphyllum fleurit en automne contrairement à ses<br />

congénères dont la floraison est généralement printanière<br />

ou estivale.<br />

Cette espèce paraît être particulière au versant pacifique<br />

<strong>du</strong> Mexique où on la rencontre dans la grande forêt lon-<br />

geant la pente occidentale de la Sierra Madre de Sinaloa,<br />

Tepic, Jalisco, Colima, Guerrero.<br />

D’après Lemaire, elle a été intro<strong>du</strong>ite en Europe en 1846<br />

par Hartweg, qui, en se rendant <strong>du</strong> Mexique en Haute<br />

Californie, récolta cette intéressante espèce dans une forêt<br />

de chênes près de Matanejo, d’où il l’envoya à la Société<br />

royale d’Horticulture de Bruxel<strong>les</strong>, qui en distribua des<br />

indivi<strong>du</strong>s à ses membres en 1847.<br />

Epiphyllum oxypetalum Haw. (syn. : E. garnde Britt. et<br />

Rose, E. acuminatum Schum., Phyllocactus grandis Lem.,<br />

P., guyanensis Brong., P. latifrons Link, P. oxypetalus Link,<br />

P. acuminatus Schum., P. Purpusii Weingart, Cereus oxypetalus<br />

DC., C. latifrons Pfeiff.). — Cette remarquable<br />

espèce, qui est la forme géante <strong>du</strong> groupe des Cierges ailés,<br />

a un faciès tout à fait caractéristique qui permet de la<br />

reconnaître à première vue. Contrairement à ses congé-<br />

nères, elle est complètement terrestre et saxicole et dresse<br />

ses rameaux en s’appuyant sur <strong>les</strong> rochers ou <strong>les</strong> escarpe-<br />

ments qu’elle couvre et tapisse parfois entièrement de ses<br />

larges rameaux foliacés.<br />

La tige est élevée et peut atteindre 3 mètres ; elle est dans<br />

sa partie inférieure cylindrique ou subcomprimée, et dans<br />

sa partie supérieure dilatée en de larges lames foliacées<br />

atteignant parfois une largeur de plus de 20 centimètres.<br />

Les crénelures sont concaves, aiguës à leur sommet ; <strong>les</strong>


460 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

jeunes rameaux se développent aux crénelures et donnent<br />

souvent à la tige un aspect penné. Les aréo<strong>les</strong> sont petites<br />

et garnies d’une pilosité très fine que protège une squamule<br />

assez faible. Les fleurs, grandes, d’un blanc lustré, sont<br />

remarquab<strong>les</strong> par leur beauté ; el<strong>les</strong> sont nocturnes, très<br />

éphémères, ne <strong>du</strong>rant que quelques instants ; leur tube est<br />

long d’une vingtaine de centimètres ; la corolle a à peu<br />

près la même largeur au moment de son complet épanouis-<br />

sement. Les étamines sont nombreuses, blanches avec<br />

anthères jaunes ; le style épais, plus long que <strong>les</strong> étamines,<br />

présente 18 divisions linéaires, blanches, rayonnantes.<br />

On distingue chez cette espèce plusieurs variétés natu-<br />

rel<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> ont été décrites sous <strong>les</strong> noms de<br />

Phyllocactus latifrons Link, et de P. stenopetalus Först.<br />

Ces variétés se différencient surtout par la grandeur et le<br />

coloris de la fleur, et la plus ou moins grande dentelure<br />

des tiges.<br />

L’Epiphyllum oxypetalum a une aire de répartition géographique<br />

assez éten<strong>du</strong>e ; on le rencontre au Mexique, au<br />

Guatemala, à Cuba, au Venezuela, en Guyane, au Brésil.<br />

Nopalxochia phyllanthoides Britt. et Rose (syn. : Phyllocactus<br />

phyllanthoides Link, Cactus phyllanthoides DC.,<br />

C. elegans Link, C. speciosus Bonp., Epiphyllum speciosum<br />

Haw., E. phyllanthoides Sweet, Opuntia speciosa Steud.). —<br />

Les Nahuatls désignaient cette espèce sous <strong>les</strong> noms de<br />

Catzicnopalxochitl, Nopalquetzaltiquizi ou encore de<br />

Maquauhpatli, et <strong>les</strong> indigènes actuels le nomment Marta<br />

ou simplement Nopallilo.<br />

Les tiges de cette espèce atteignent 60 à 80 centimètres<br />

de longueur et <strong>les</strong> rameaux de 20 à 30 centimètres sur 3 à 4<br />

de largeur. Pendant la première jeunesse, ces rameaux<br />

portent souvent 3 à 4 ang<strong>les</strong> sinueux dont <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont<br />

garnies de quelques poils jaunâtres sétiformes qui recou-<br />

vrent la squamule. Les fleurs sont abondantes, de couleur<br />

rose, longues de 10 centimètres ; el<strong>les</strong> restent épanouies<br />

pendant plusieurs jours ; le tube est inerme, vert, long de


chapitRe xvi 461<br />

4 centimètres, parsemé de petites squames rouges. Les<br />

péta<strong>les</strong> extérieurs sont d’un rose intense, éten<strong>du</strong>s, acu-<br />

minés, <strong>les</strong> intérieurs blancs et se colorant de plus en plus<br />

<strong>du</strong> centre à la périphérie, plus allongés que <strong>les</strong> autres et<br />

se réfléchissant pour constituer le limbe. Les étamines sou-<br />

dées sur l’orifice <strong>du</strong> tube sont fasciculées, blanches, avec<br />

anthères de même couleur ; le style est grêle, blanc, un peu<br />

plus long que <strong>les</strong> étamines ; il se termine par un stigmate<br />

blanc présentant de 5 à 8 divisions. Le fruit, long de<br />

4 centimètres sur 2 de largeur, est nu, ovale, côtelé, de cou-<br />

leur pourpre foncée ; sa pulpe, de même teinte, est très<br />

succulente ; il met, d’après Labouret, 5 mois à parvenir à<br />

maturité.<br />

Cette espèce, grâce à sa belle et abondante floraison ainsi<br />

qu’à la facilité de sa culture et de sa multiplication, fut<br />

parmi <strong>les</strong> représentants des Cierges ailés la forme qui, à<br />

une certaine époque, obtint le plus grand succès comme<br />

plante vivante d’appartement.<br />

Labouret la signale comme se rencontrant dans presque<br />

toutes <strong>les</strong> habitations où quelques fleurs sont cultivées ; il<br />

ajoute qu’on la voit, même isolée, figurer sur la fenêtre de<br />

l’artisan dont le logis manque souvent des objets de pre-<br />

mière nécessité.<br />

Au point de vue horticole, c’est une des espèces qui a<br />

été le plus travaillée et sur laquelle, comme on l’a vu<br />

plus haut, on s’est ingénié à pratiquer le plus d’hybrida-<br />

tions.<br />

La médecine populaire en a tiré un certain parti comme<br />

émollient et adoucissant ; son suc peu actif est appliqué sur<br />

<strong>les</strong> brûlures et, en général, sur toutes <strong>les</strong> plaies afin d’en<br />

accélérer la cicatrisation.<br />

La répartition géographique <strong>du</strong> Nopalxochia phyllanthoides<br />

occupe une aire très éten<strong>du</strong>e ; on le rencontre à<br />

l’état sauvage en Colombie, dans l’Amérique centrale, aux<br />

Antil<strong>les</strong>, dans le sud <strong>du</strong> Mexique et principalement dans<br />

<strong>les</strong> forêts de Chiapas et de la côte de Vera-Cruz ; dans ce<br />

dernier pays, il semble, comme l’Epiphyllum Ackermannii,<br />

être surtout particulier au versant Atlantique.


462 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Chiapasia Nelsonii Britt. et Rose (syn. : Epiphyllum Nelsonii<br />

Britt. et Rose, Phyllocactus Nelsonii Vaupel, P. chiapensis<br />

J. Purpus). — Cette plante épiphyte est des plus<br />

curieuses car ses tiges sont dressées, toujours cylindriques<br />

et peuvent dépasser 1 m. de longueur, tandis que ses<br />

rameaux, longs de 10 à 15 cm. et larges de 3 à 4 centi-<br />

mètres, sont aplatis avec une base cylindrique et souvent<br />

pendants. Les bords de ces derniers sont crénelés, à aréo<strong>les</strong><br />

à peine visib<strong>les</strong>, garnies d’une pilosité cotonneuse avec<br />

quelques petites sétu<strong>les</strong> ca<strong>du</strong>ques. Les fleurs, en entonnoir,<br />

longues de 7 à 8 centimètres, sont d’un rouge carmin teinté<br />

de violet et souvent au nombre de plusieurs (jusqu’à 3)<br />

à l’extrémité des rameaux ; le tube, qui présente quelques<br />

petites écail<strong>les</strong>, est environ moitié plus court que le limbe<br />

dont <strong>les</strong> 8 pièces sont recourbées. Les étamines, longuement<br />

exsertes, sont au nombre d’une vingtaine, à filets rougeâtres<br />

à la base, blancs au sommet et à anthères blanches. Le<br />

style grêle, rouge, un peu plus long que <strong>les</strong> étamines, pré-<br />

sente 5 divisions blanches, recourbées.<br />

Le Chiapasia Nelsonii, dont <strong>les</strong> tiges semblent d’un Cierge<br />

serpentiforme et <strong>les</strong> rameaux d’un Epiphyllum, n’a été<br />

trouvé que dans l’État de Chiapas, aux environs de Chi-<br />

chairas, à une altitude de 900 à 1.800 mètres. C. Purpus l’a<br />

intro<strong>du</strong>it dans <strong>les</strong> cultures en 1913.<br />

Cierges rampants et serpentiformes. — Les Cierges<br />

rampants appartenant à ces formes que l’on nomme verna-<br />

culairement au Mexique Pitahayos, sont susceptib<strong>les</strong> de<br />

pro<strong>du</strong>ire une floraison des plus remarquab<strong>les</strong>, non seule-<br />

ment par sa beauté, mais aussi par sa dimension qui peut<br />

parfois dépasser 30 centimètres, tels sont <strong>les</strong> Heliocereus<br />

speciosus Britt. et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et<br />

Rose, S. pteranthus Britt. et Rose, Hylocereus undatus Britt.<br />

et Rose, etc.<br />

Ces espèces ayant été décrites comme plantes fruitières,<br />

ne sont signalées ici comme plantes ornementa<strong>les</strong> qu’à titre<br />

de mention.


chapitRe xvi 463<br />

Il n’en est pas de même pour deux autres espèces de<br />

Cierges très différents l’un de l’autre et qu’en horticulture<br />

on désigne plus particulièrement sous le nom de Cactiers<br />

serpents ou serpentins (Cerei serpentini). Ces derniers sont<br />

à tiges cylindriques, flexueuses, parfois volubi<strong>les</strong> ou tom-<br />

bantes, en forme de lanières ou de fouet ; comme <strong>les</strong> précé-<br />

dents, ils ont été l’objet de cultures tout à fait spécia<strong>les</strong> et<br />

ont fourni des sujets porte-greffe et d’hybridation dont on<br />

a tiré des résultats remarquab<strong>les</strong>.<br />

Ces Cierges serpentiformes, dont deux espèces seulement<br />

ont été employées comme plantes ornementa<strong>les</strong>, sont le<br />

Nyctocereus serpentinus Britt. et Rose et l’Aporocactus<br />

flagelliformis Lem.<br />

Nyctocereus serpentinus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

serpentinus DC., C. ambiguus DC., C. splendens Salm-<br />

Dyck ; Echinocereus serpentinus Lem., E. splendens Lem.,<br />

Cactus serpentinus Lagasca et Rodriguez, C. ambiguus<br />

Bonp.). — Ce Cierge, qui n’a été connu botaniquement<br />

qu’en 1801 par une courte description de Lagasca et<br />

Rodriguez 1 , est un des spécimens de Cactacées le plus<br />

anciennement cultivé comme plante d’ornement.<br />

La tige est cylindrique, allongée, flexueuse, subérigée,<br />

subarticulée, souvent rameuse à partir de la base ; elle<br />

peut atteindre 5 à (5 mètres de longueur sur un diamètre<br />

de 3 à 5 centimètres ; elle présente 10 à 12 côtes compri-<br />

mées, obtuses, presque rectilignes ; <strong>les</strong> sillons s’effacent<br />

assez rapidement avec l’âge. Les aréo<strong>les</strong> sont surbaissées,<br />

petites, blanches, tomenteuses ; <strong>les</strong> faisceaux épineux sont<br />

constitués par des aiguillons droits, très grê<strong>les</strong>, rigides, de<br />

1 à 1,5 centimètres de longueur, au nombre de 9 à 12 exté-<br />

rieurs et 1 central ; ils sont roses en naissant et devien-<br />

nent dans la suite blancs ou quelquefois brunâtres. La fleur<br />

est grande, blanche, nocturne, très éphémère, ne <strong>du</strong>rant que<br />

quelques heures ; elle offre un limbe de 15 à 18 centimètres<br />

1. Ana<strong>les</strong> de Ciencias natura<strong>les</strong>, IV, p. 261, 1801.


aéro<strong>les</strong> -><br />

aréo<strong>les</strong><br />

464 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

de diamètre ; le tube, d’environ une douzaine de centimètres<br />

de long, est en partie garni d’aiguillons criniformes et de<br />

squames rougeâtres, pileuses ; l’ovaire, de couleur verte,<br />

porte des aréo<strong>les</strong> et des aiguillons. Les étamines sont blan-<br />

ches et présentent des anthères assez grandes et de couleur<br />

jaune ; le style est à peine plus long et a 7 divisions. Le<br />

fruit est oviforme, rouge, comestible, remarquable par la<br />

dimension de ses graines qui atteignent 6 millimètres de<br />

long sur 4 de large et qui sont, avec cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Pachycereus<br />

Pecten-aboriginum Britt. et Rose, <strong>les</strong> plus grandes que<br />

l’on connaisse chez <strong>les</strong> Cierges.<br />

Cette plante est assez variable dans l’allure de ses tiges,<br />

dans la coloration de ses aiguillons, dans <strong>les</strong> dimensions<br />

de ses fleurs ; c’est ainsi que la variété Cereus serpentinus<br />

strictior Walp. présente, d’après Förster, des tiges bien<br />

érigées qui ne commencent à devenir flexueuses qu’à partir<br />

d’une certaine hauteur ; cette variété paraît avoir été décrite<br />

par De Candolle sous le nom de Cereus ambiguus.<br />

D’autres variétés naturel<strong>les</strong> ont été décrites sous <strong>les</strong> noms<br />

de Cereus melanhalonius Hort., C. sabintarius Hort., etc.<br />

Dans <strong>les</strong> cultures, on a obtenu par fécondation artificielle<br />

un bon nombre de variétés et d’hybrides ; de plus le Nyctocereus<br />

serpentinus a fourni un excellent porte-greffe étant<br />

donné sa facilité d’entretien et son indifférence aux milieux<br />

dans <strong>les</strong>quels on le fait végéter.<br />

D’après <strong>les</strong> observations hortico<strong>les</strong> dont fait mention<br />

Labouret, ce Cierge fleurit fréquemment dans <strong>les</strong> cultures<br />

européennes entre juillet et octobre, surtout s’il a été placé<br />

en serre chaude près d’un mur ; de plus, il semble que sa<br />

végétation est d’autant plus abondante qu’elle est plus lente<br />

pendant la mauvaise saison et plus stimulée à partir <strong>du</strong><br />

printemps.<br />

Dans certains endroits <strong>du</strong> Mexique, on se sert de ce<br />

Cierge, et principalement de sa forme érigée, pour enclore<br />

<strong>les</strong> propriétés ; on obtient ainsi des haies vives qui revêtent<br />

un fort bel aspect le soir, au moment <strong>du</strong> fugace épanouis-<br />

sement des fleurs.


disperion -><br />

dispersion<br />

chapitRe xvi 465<br />

En somme, c’est une espèce très appréciée à cause de<br />

la magnificence de sa floraison ; <strong>les</strong> indigènes l’entretiennent<br />

très fréquemment comme plante à fleurs dans <strong>les</strong> jardins,<br />

<strong>les</strong> cours, <strong>les</strong> entrées et <strong>les</strong> vérandas des habitations ; elle<br />

est disposée alors en palissade ou associée à la végétation<br />

frutescente.<br />

Son aire de dispersion est difficile à établir d’une façon<br />

bien précise : on le rencontre à peu près dans toutes <strong>les</strong><br />

régions chaudes et tempérées <strong>du</strong> Mexique où dans bien des<br />

endroits il a dû devenir subspontané.<br />

Aporocactus flagelliformis Lem. (syn. : Cactus flagelliformis<br />

Lem., Cereus flagelliformis Mill.). — Comme le<br />

Nopalxochia phyllanthoides et l’espèce précédente, ce Cierge<br />

fut, à une certaine époque, l’objet d’une culture très courante,<br />

à cause de l’étrangeté de ses tiges, de l’abondance,<br />

de la beauté et de la constitution particulière de ses fleurs.<br />

On le cultivait alors dans des poteries suspen<strong>du</strong>es afin de<br />

donner libre cours à l’expansion de ses tiges flagelliformes.<br />

Les Nahuatls le désignaient sous le nom d’Huitzocuitlapilli<br />

(queue d’iguane) ; <strong>les</strong> indigènes actuels <strong>du</strong> Mexique lui<br />

donnent, suivant <strong>les</strong> localités, différents noms, tels que<br />

ceux de Junco, Junquillo, Cuerno, Floricuerno, Flor de<br />

latigo, Hierba de Alferecia. Aux Antil<strong>les</strong> françaises, il est<br />

connu sous le nom de Cactier queue de souris ; aux Antil<strong>les</strong><br />

anglaises, sous celui de Hornflower ; dans <strong>les</strong> cultures de<br />

jardin d’hiver en France on le nommait souvent Serpentine<br />

ou encore Cactus ou Cierge serpent.<br />

Ses tiges sont rampantes ou pendantes à la manière de<br />

cordelettes, quelquefois partiellement érigées, subarticulées,<br />

très rameuses, grê<strong>les</strong>, cylindriques ou légèrement anguleuses,<br />

pourvues de racines adventives ; el<strong>les</strong> atteignent une<br />

longueur de 30 à 40 centimètres sur un diamètre variant<br />

entre un peu moins de 1 centimètre et 2. El<strong>les</strong> présentent<br />

10 à 12 côtes médiocrement saillantes, tuberculées, et<br />

des aréo<strong>les</strong> assez rapprochées, faiblement tomenteuses. Les<br />

faisceaux épineux sont constitués par 8 à 12 aiguillons<br />

courts, rigides, subérigés, rayonnants, peu vulnérants, de<br />

30


466 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

couleur brune ou jaunâtre, souvent roses à leur naissance.<br />

Les fleurs ont une structure toute particulière et bien<br />

caractéristique ; el<strong>les</strong> sont nombreuses, d’un bel aspect,<br />

tubuleuses, d’un rose pourpré, longues d’environ 8 centimètres<br />

; <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> extérieurs sont révolutés et réfléchis<br />

en collerette étagée, <strong>les</strong> internes sont droits ; le tube est<br />

grêle, <strong>les</strong> étamines exsertes, à anthère jaune soufre ; le style,<br />

plus court que <strong>les</strong> étamines, offre 5 divisions ; la corolle,<br />

d’environ 4 centimètres, se conserve épanouie pendant plusieurs<br />

jours. Le fruit, d’un diamètre de 4 centimètres, est<br />

globuleux et couvert d’aréo<strong>les</strong> sétigères d’un jaune verdâtre<br />

; sa pulpe est comestible et possède, d’après Labouret,<br />

une saveur rappelant celle de la prune.<br />

Ce Cierge présente un certain nombre d’espèces très<br />

affines qui furent décrites sous <strong>les</strong> noms d’Aporocactus leptophis<br />

Britt. et Rose (Mexique), A. flagriformis Lem.<br />

(Mexique), A. Martianus Britt. et Rose (Mexique central),<br />

A. Conzattii Britt. et Rose (État de Oaxaca : Cerro San<br />

Felipe).<br />

Ces formes se différencient entre el<strong>les</strong> par une allure plus<br />

ou moins décombante, grimpante, rampante ou encore radicante,<br />

par la gracilité ou la grosseur des tiges, par le nombre<br />

des côtes, par des aréo<strong>les</strong> à tomentum plus ou moins ré<strong>du</strong>it,<br />

par la dimension des fleurs, leur forme plus ou moins<br />

courbée et leur coloris qui peut alors varier entre le rouge<br />

purpurescent, le rouge cocciné et le rose clair, et par la<br />

formes des pièces <strong>du</strong> périanthe plus aiguës, acuminées ou<br />

apiculées au sommet.<br />

L’Aporocactus flagelliformis a fourni par la fécondation<br />

artificielle de ses fleurs avec le pollen de l’Heliocereus speciosus,<br />

plusieurs hybrides remarquab<strong>les</strong> qui obtinrent un<br />

vif succès au moment de la vogue des Cactacées en horticulture<br />

; tels furent ceux que l’on désigna sous <strong>les</strong> noms<br />

de Cereus flagelliformis variétés Funkii, Mallisonii, nothus,<br />

Scottii, Smithii, speciosus, etc.<br />

Ces hybrides, qui furent signalés et décrits dans <strong>les</strong> catalogues<br />

et publications hortico<strong>les</strong> de l’époque, tout en conser-


chapitRe xvi 467<br />

vant <strong>les</strong> caractères fondamentaux de l’Aporocactus flagelliformis,<br />

ont emprunté beaucoup dans leur allure et la nature<br />

de leur floraison à l’indivi<strong>du</strong> ayant fourni le pollen. Plus<br />

vigoureux que <strong>les</strong> formes dont ils dérivent, ils acquièrent<br />

un développement exubérant lorsqu’ils sont placés en bonne<br />

exposition et en palissade sur un mur ; ils donnent alors<br />

une quantité prodigieuse de fleurs qui se succèdent parfois<br />

toute une saison.<br />

Un des plus remarquab<strong>les</strong> parmi ces hybrides est, d’après<br />

Labouret, le Cereus Mallisonii Pfeiff. ; sa tige est cylindrique,<br />

dressée au début ; elle présente 7 côtes saillantes d’un vert<br />

lustré, rameuses ; <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> pousses sont rigides, d’un<br />

rouge pourpre et ce n’est que plus tard, en s’allongeant,<br />

qu’el<strong>les</strong> deviennent rampantes ou décombantes.<br />

Les fleurs apparaissent de juin à juillet, présentent un<br />

limbe de 12 à 14 centimètres de diamètre, sont isolées et<br />

naissent vers l’extrémité des rameaux ; leur couleur est<br />

d’un rouge vif, avec une strie rouge feu au milieu des<br />

péta<strong>les</strong> ; <strong>les</strong> étamines et le style sont semblab<strong>les</strong> à ceux de<br />

la forme typique de l’Aporocactus flagelliformis.<br />

L’Aporocactus flagelliformis était employé dans la médecine<br />

des Antil<strong>les</strong> ; l’infusion des fleurs servait à combattre<br />

<strong>les</strong> crises d’éclampsie et le suc des tiges servait comme<br />

anthelminthique, mais ce dernier emploi demandait à être<br />

administré avec précaution car ce suc est irritant pour <strong>les</strong><br />

voies digestives.<br />

Comme pour la précédente espèce, son aire de disper-<br />

sion est assez difficile à délimiter car on le rencontre dans<br />

nombre de localités rocheuses des deux Amériques où il<br />

se propage soit naturellement, soit accidentellement ; on l’a<br />

même signalé il y a longtemps comme se rencontrant à<br />

l’état sauvage en Arabie, où probablement il fut importé<br />

en même temps que l’Opuntia Ficus-indica et où, comme<br />

ce dernier, grâce à sa faculté d’adaptation, il est devenu<br />

subspontané.<br />

Ce Cierge, qui ne fait pas de véritab<strong>les</strong> peuplements, mais<br />

se rencontre le plus souvent à l’état sporadique, croît habi-


468 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tuellement parmi la végétation saxicole plus ou moins<br />

xérophile de n’importe quel<strong>les</strong> régions chaudes ou tem-<br />

pérées, depuis le niveau de la mer jusqu’à une altitude de<br />

2.000 mètres ; c’est ainsi qu’on le rencontre au Mexique sur<br />

<strong>les</strong> crêtes rocheuses des régions froides de Zimapan et de<br />

San José del Auro (État d’Hidalgo).<br />

<strong>les</strong> reines de la nuit. — Les Nyctocereus serpentinus<br />

Britt. et Rose, Selenicereus pteranthus Britt. et Rose,<br />

S. grandiflorus Britt. et Rose, Epiphyllum oxypetalum Haw.<br />

constituent, par la particularité de leur belle floraison, un<br />

groupe assez délimité, que <strong>les</strong> Mexicains, dans leur classifi-<br />

cation populaire, ont désigné sous la rubrique bien expres-<br />

sive de Reinas de la Noche.<br />

Ces quatre espèces, qui sont toutes d’allure grimpante<br />

mais appartiennent à trois genres différents de Cierges,<br />

offrent de grandes analogies dans la modalité de leur flo-<br />

raison. Leurs fleurs sont nocturnes, de très courte <strong>du</strong>rée et<br />

souvent d’épanouissement brusque, généralement abon-<br />

dantes, et se pro<strong>du</strong>isent avec régularité pendant tout le<br />

cours de la saison estivale. El<strong>les</strong> sont remarquab<strong>les</strong> par<br />

leur dimension, le galbe de leur structure, la délicatesse de<br />

leur coloris variant entre le blanc pur et le jaune d’or et<br />

parfois le parfum subtil qu’el<strong>les</strong> exhalent au moment de<br />

l’épanouissement. Ces Reines de la Nuit sont habituellement<br />

cultivées en association avec d’autres plantes vivaces grim-<br />

pantes, que l’on dispose d’ordinaire en palissade pour la<br />

parure murale des porches, des vérandas ou autres dépen-<br />

dances des habitations. Dans cette combinaison horticole,<br />

el<strong>les</strong> apportent par l’apparition subite de leurs éclatantes<br />

corol<strong>les</strong>, un charme inatten<strong>du</strong> et tout spécial qui <strong>les</strong> fait<br />

apprécier et qui leur a valu le terme pompeux sous lequel<br />

on comprend cette catégorie de Cierges à floraison nocturne.<br />

Quoique d’une grande fugacité, ces fleurs peuvent cepen-<br />

dant, grâce à un artifice assez simple, être conservées dans<br />

un parfait épanouissement pendant un temps assez long ;<br />

il suffit pour cela, au moment où el<strong>les</strong> commencent à s’en-<br />

tr’ouvrir, de <strong>les</strong> couper à leur point d’insertion sur l’ovaire,


chapitRe xvi 469<br />

puis de chausser la partie inférieure de leur tube dans<br />

<strong>du</strong> sable ou de la terre humide, ou encore de la placer<br />

dans un vase contenant un peu d’eau ; de cette façon la<br />

fleur s’épanouit complètement et conserve sa faculté d’ab-<br />

sorption pour le liquide vivifiant.<br />

Cette brusque décrépitude <strong>du</strong> limbe floral n’est pas<br />

toutefois un fait particulier aux Reines de la Nuit, car on<br />

peut encore l’observer à des degrés différents chez certains<br />

Pitahayos, dont le développement <strong>du</strong> fruit a lieu d’une<br />

façon rapide ; elle serait vraisemblablement <strong>du</strong>e à un arrêt<br />

soudain de la sève qui, déviée de la corolle, affluerait alors<br />

sur l’ovaire pour amener la prompte maturation <strong>du</strong> fruit.<br />

En résumé, <strong>les</strong> Reines de la Nuit, si on <strong>les</strong> envisage au<br />

point de vue de la nomenclature horticole indigène, consti-<br />

tuent parmi <strong>les</strong> autres Cierges grimpants un groupement<br />

assez rationnel. En effet, <strong>les</strong> Selenicereus hamatus Britt. et<br />

Rose et Heliocereus speciosus Britt. et Rose, qui sont<br />

employés aux mêmes fins décoratives, présentent une flo-<br />

raison de longue <strong>du</strong>rée, leurs rameaux sont nombreux et<br />

parfois très encombrants ; de ce fait ils doivent être<br />

employés seuls car ils peuvent étouffer la végétation envi-<br />

ronnante.<br />

Les espèces qui sont comprises dans ce groupe vernacu-<br />

laire, ont, à part l’Epiphyllum oxypetalum Haw., des tiges<br />

relativement grê<strong>les</strong> qui peuvent se dissimuler parmi <strong>les</strong><br />

différentes plantes auxquel<strong>les</strong> on <strong>les</strong> associe, et cela sans<br />

leur causer le moindre préjudice. Dans ces conditions, l’ap-<br />

parition subite de leurs fleurs aux coloris éclatants<br />

apporte, pendant <strong>les</strong> bel<strong>les</strong> nuits tropica<strong>les</strong>, une surprise<br />

florale qui vient, <strong>du</strong>rant quelques instants, égayer <strong>les</strong><br />

palissades de cette végétation sarmenteuse dont, au<br />

Mexique, <strong>les</strong> façades des habitations rura<strong>les</strong> sont assez<br />

souvent agrémentées.<br />

espèces de <strong>cactacées</strong> de Rocail<strong>les</strong> et de pleine teRRe<br />

en pays FRoids. — L’horticulture a encore tiré un parti<br />

avantageux des petites formes de Cactacées dans l’orne-


470 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

mentation des parterres ; pour cela, elle a mis à contribution<br />

<strong>les</strong> espèces naines que présentent certains Opuntia, Echinocereus,<br />

Mamillariées et même Echinocactées.<br />

Ces formes, dont quelques-unes pro<strong>du</strong>isent de très bel<strong>les</strong><br />

fleurs, conviennent très bien pour la garniture des rocail<strong>les</strong>,<br />

ou encore pour la bor<strong>du</strong>re des plates-bandes, el<strong>les</strong> se dispo-<br />

sent alors comme on le fait dans <strong>les</strong> jardins européens avec<br />

<strong>les</strong> Joubarbes ou autres Crassulacées.<br />

Ces formes naines sont, en général, très rustiques ; cer-<br />

taines même peuvent, sans inconvénient, affronter en pleine<br />

terre <strong>les</strong> effets d’hivers rigoureux.<br />

Tel est par exemple dans le groupe des Platyopuntia,<br />

l’Opuntia vulgaris Mill., espèce humifuse et de peu d’élévation<br />

qui, depuis longtemps, s’est naturalisée dans des<br />

contrées assez froides et humides de l’Europe moyenne.<br />

Cette plante adventice rappelle alors pour ces régions<br />

ce qu’est le Figuier de Barbarie pour <strong>les</strong> pays chauds et<br />

arides <strong>du</strong> littoral méditerranéen.<br />

Opuntia Rafinesquiana Engelm. (syn. : O. nana Vis.,<br />

O. italica Ten., O. intermedia Salm-Dyck, O. mesacantha<br />

Rafin., O. cæspitosa Rafin., O. Opuntia Karst., Cactus Opuntia<br />

L., C. compressus Salisb., C. humifusus Rafin.). — Ce<br />

Platyopuntia, dont la hauteur ne dépasse pas 30 à 50 centimètres,<br />

présente une tige prolifère, diffuse, couchée, avec<br />

artic<strong>les</strong> comprimés d’un vert clair, tantôt lisses tantôt ridés,<br />

suborbiculaires, d’un diamètre de 10 à 15 centimètres. Les<br />

aréo<strong>les</strong> sont espacées, généralement inermes, garnies seu-<br />

lement de sétu<strong>les</strong> parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on peut parfois voir<br />

apparaître un aiguillon rudimentaire. La fleur, large de 5<br />

à 6 centimètres, s’épanouit au soleil en une rosace de cou-<br />

leur jaune soufre. Le fruit, long de 3 centimètres, est<br />

ovoïde, de couleur rouge vif ou légèrement violacé.<br />

Ce Platyopuntia, comme <strong>du</strong> reste ses congénères, est très<br />

polymorphe et donne nombre de variétés qui furent décrites<br />

parfois comme espèces distinctes mais qui, comme le fait<br />

remarquer Labouret, retournent à un type uniforme, lors-


chapitRe xvi 471<br />

quel<strong>les</strong> se trouvent soumises au régime des cultures soi-<br />

gnées.<br />

L’O. Rafinesquiana est originaire des États-Unis où on<br />

le rencontre avec assez d’abondance depuis le nord <strong>du</strong><br />

Mexique jusqu’au Canada. En Europe, <strong>les</strong> zones où il s’est<br />

naturalisé et où il fait partie de la flore subspontanée com-<br />

prennent certaines parties de l’Allemagne, de l’Autriche,<br />

de la France, de l’Italie <strong>du</strong> nord, de la Suisse, de la<br />

Yougo-Slavie.<br />

C’est ainsi qu’on le rencontre à l’état sauvage dans <strong>les</strong><br />

cantons de Vaux, <strong>du</strong> Texin, dans quelques vallées bien<br />

exposées <strong>du</strong> Tyrol où, pendant <strong>les</strong> hivers rigoureux, la<br />

température arrive à descendre jusqu’à près de 10°.<br />

A côté de ce Platyopuntia d’allure rampante qui, de luimême,<br />

s’est naturalisé dans <strong>les</strong> régions froides où il a été<br />

transporté, il y a un certain nombre d’autres espèces origi-<br />

naires des mêmes contrées qui se montrent aussi résis-<br />

tantes aux basses températures : tel est l’O. fragilis Haw.<br />

qui se différencie aisément <strong>du</strong> précédent par la conforma-<br />

tion de ses artic<strong>les</strong> qui, au lieu d’être comprimés, sont<br />

globuleux ou cylindriques.<br />

Ce Nopal rastrero pro<strong>du</strong>it des fruits comestib<strong>les</strong> qui,<br />

quoique de qualité médiocre, sont cependant assez appré-<br />

ciés des Indiens de l’Arizona, de la Californie, de l’Utah ;<br />

ceux-ci <strong>les</strong> récoltent par grande quantité et <strong>les</strong> sèchent au<br />

soleil, afin de constituer une provision alimentaire de<br />

réserve, pour <strong>les</strong> moments diffici<strong>les</strong> de la saison hivernale.<br />

Au Mexique, <strong>les</strong> Indiens Papagos <strong>du</strong> nord de la Sonora<br />

récoltent ces fruits avant maturité et <strong>les</strong> emploient alors<br />

dans la condimentation de leur nourriture courante.<br />

Opuntia fragilis Haw. (syn. : O. brachgarthra Engelm.,<br />

Cactus fragilis Nutt.). — Ce Platyopuntia, éminemment<br />

humifuse, présente des tiges couchées ou tout au plus<br />

subérigées ; ses artic<strong>les</strong>, d’un vert lustré, sont courts, glo-<br />

buleux ou cylindriques. Les aréo<strong>les</strong>, assez espacées, sont<br />

convexes, garnies d’un tomentum blanchâtre et d’aiguillons


Wioming -><br />

Wyoming<br />

472 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

inégaux de même couleur. La fleur est jaune paille et le<br />

fruit sec, épineux, d’une longueur maximum de 2 centi-<br />

mètres.<br />

La floraison est peu abondante et <strong>les</strong> fruits arrivent<br />

rarement à maturité. Il résulte de ce fait que cette espèce<br />

se propage surtout dans la nature par une sorte de boutu-<br />

rage spontané ; ses artic<strong>les</strong>, que le moindre choc ou le<br />

moindre frôlement détache de la souche mère, peuvent être<br />

transportés à grande distance, soit par voie naturelle, soit<br />

en s’accrochant à l’aide de leurs aiguillons à tout ce qui<br />

passe à leur contact.<br />

L’aire de dispersion de l’O fragilis est assez éten<strong>du</strong>e ;<br />

on le rencontre en Colombie britannique, dans le Washing-<br />

ton, l’Orégon, le Colorado, le Kansas, l’Ouest de l’Arizona,<br />

le Nouveau Mexique, le Nord-ouest <strong>du</strong> Texas.<br />

Cette espèce, que l’on peut parfois rencontrer au Nord<br />

<strong>du</strong> Mexique, est, de tous <strong>les</strong> représentants de la famille<br />

des Cactacées, celle qui paraît le plus remonter vers <strong>les</strong><br />

régions septentriona<strong>les</strong>.<br />

Ces deux types d’Opuntia, auxquels se rattachent d’autres<br />

indivi<strong>du</strong>s plus ou moins nettement identifiés, font<br />

partie d’un groupe suffisamment caractérisé par son allure<br />

et que <strong>les</strong> Mexicains, dans leur nomenclature populaire,<br />

ont désigné sous la rubrique de Nopa<strong>les</strong> rastreros.<br />

Ce seraient vraisemblablement des formes de résistances<br />

assez bien fixées, dérivant alors de spécimens plus arbores-<br />

cents.<br />

Les Echinocereus, <strong>les</strong> Mamillariées et quelques Echinocactées<br />

fournissent également des cas analogues d’adap-<br />

tation aux régions froides et parfois humides.<br />

Tel est chez <strong>les</strong> premiers, cet Echinocereus viridiflorus<br />

Engelm. dont l’habitat remonte jusqu’au 40 e degré de<br />

latitude dans <strong>les</strong> Montagnes rocheuses et dont la disper-<br />

sion géographique comprend le Wyoming, l’ouest <strong>du</strong> Kansas,<br />

le Dakota-Sud, le Nouveau-Mexique et le Texas, vaste éten-<br />

<strong>du</strong>e de pays où <strong>les</strong> hivers sont normalement assez rigoureux.<br />

Cette espèce est considérée comme étant l’unique repré-


chapitRe xvi 473<br />

sentant des Cierges, pouvant atteindre une station aussi sep-<br />

tentrionale ; elle ressemble beaucoup, d’après le D r Weber,<br />

à l’E. pectinatus Engelm. que l’on rencontre dans l’État<br />

de San Luis Potosi et dans plusieurs endroits <strong>du</strong> plateau<br />

central <strong>du</strong> Mexique ; il n’en diffère guère que par la colo-<br />

ration plus foncée de ses aiguillons et sa fleur beaucoup<br />

plus ré<strong>du</strong>ite qui, au lieu d’être rose, est d’un jaune ver-<br />

dâtre.<br />

Dans <strong>les</strong> Mamillariées, deux espèces se rencontrent<br />

depuis le Texas jusque dans le Sud <strong>du</strong> Canada : ce sont <strong>les</strong><br />

Coryphanta vivipara Britt. et Rose, et le Neobesseya missouriensis<br />

Britt. et Rose.<br />

Quant aux Echinocactées, dont <strong>les</strong> représentants sont<br />

pour la plupart de régions chaudes et désertiques, el<strong>les</strong><br />

présentent quelques indivi<strong>du</strong>s qui ont pu se plier aux condi-<br />

tions climatiques des Montagnes rocheuses. Tel<strong>les</strong> <strong>les</strong> trois<br />

espèces de petites dimensions que l’on rencontre, à leur<br />

limite de dispersion septentrionale, dans l’Utah et le Nevada<br />

et qui sont figurées par <strong>les</strong> Sclerocactus Whippelii Britt. et<br />

Rose, Echinocactus polycepalus Engelm. et Bigel., et Pediocactus<br />

Simpsonii Britt. et Rose.<br />

En somme, <strong>les</strong> Cactacées globuleuses, dans nombre de<br />

cas, peuvent se montrer aussi résistantes à l’action des<br />

intempéries des zones froides que <strong>les</strong> Opuntia de formes<br />

naines.<br />

Au Mexique, plusieurs Mamillariées végètent vigoureu-<br />

sement à des altitudes pouvant dépasser 3.000 mètres, tels<br />

par exemple, parmi <strong>les</strong> plus anciennement connues, <strong>les</strong><br />

Neomamillaria amoena Britt. et Rose, Neomamillaria glochidiata<br />

Britt. et Rose, Mamillopsis senilis Web., etc. Dans<br />

ces régions élevées, le froid est parfois assez vif pendant la<br />

saison hivernale, <strong>les</strong> gelées y sont fréquentes et des neiges<br />

peuvent même recouvrir le sol pendant plusieurs jours.<br />

FoRmes monstRueuses de <strong>cactacées</strong>. — L’horticulture<br />

des Cactacées a mis en évidence sous le nom de cristations,<br />

une série de ces cas tératologiques qui peuvent parfois se


474 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

manifester chez certaines espèces et leur donner un aspect<br />

et une allure des plus étranges.<br />

Ces formes bizarres qui se caractérisent par des défor-<br />

mations et des torsions de l’appareil végétatif, ne sont pas<br />

le résultat de manoeuvres cultura<strong>les</strong>, mais bien au contraire<br />

des anomalies naturel<strong>les</strong> se rencontrant sur des indivi<strong>du</strong>s<br />

végétant à l’état sauvage et dont la multiplication a pu<br />

être faite sans difficulté par de simp<strong>les</strong> boutures.<br />

Aussi ces anomalies, dont la cause est restée jusqu’ici<br />

inconnue, méritent d’être signalées, car au moment de la<br />

grande vogue des cultures de Cactacées, el<strong>les</strong> excitèrent un<br />

certain enthousiasme qui amena, à titre de particularité<br />

curieuse, à en faire figurer des spécimens dans <strong>les</strong> collec-<br />

tions 1 .<br />

La cristation, chez <strong>les</strong> Cactacées, s’observe surtout chez<br />

certaines espèces de Céréées, d’Opuntia et de Neomamillaria.<br />

C’est dans le genre Cereus qu’on paraît l’avoir mentionnée<br />

pour la première fois et cela sur le Cereus peruvianus Mill.,<br />

qui est, comme on le sait, le premier spécimen de grand<br />

Cierge érigé intro<strong>du</strong>it en Europe aussitôt après la décou-<br />

verte de l’Amérique.<br />

Ce Cereus présente deux cas de monstruosités : la première,<br />

décrite sous le nom de C. peruvianus tortus, Salm-<br />

Dyck, ne diffère guère de la forme type que par des côtes<br />

qui au lieu d’être rectilignes sont contournées en spirale ;<br />

la seconde, C. peruvianus monstrosus DC. (syn. : Cactus<br />

abnormis Willd.), est une forme à cristation véritablement<br />

typique. Chez cette plante, <strong>les</strong> côtes sont découpées par de<br />

profonds sillons qui <strong>les</strong> répartissent en de nombreux mame-<br />

lons comprimés ; ceux-ci se développent souvent irréguliè-<br />

rement <strong>les</strong> uns sur <strong>les</strong> autres, de façon à donner aux tiges<br />

un aspect boursouflé ; <strong>les</strong> aiguillons sont atrophiés et attei-<br />

gnent tout au plus 1 centimètre.<br />

Dans ce type de monstruosité, on a distingué une variété<br />

1. Voir à ce sujet : FRancis peRot : Une plante unique, Bulletin de<br />

la Société d’Histoire naturelle d’Autun, p. 191, 1897.


Fig. 122. — Neomamillaria Karwinskiana Britt. et Rose<br />

Spécimen monstrueux.<br />

Jardin public de Oaxaca.


476 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

sous le nom de Cereus monstrosus minor Hort. (syn. :<br />

Cereus peruvianus monstrosus nanus Schum.), mais plus<br />

rameuse, de taille beaucoup plus ré<strong>du</strong>ite et à aiguillons<br />

encore plus courts.<br />

Le Lemaireocereus griseus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />

griseus Haw., C. eburneus Salm-Dyck) présente également<br />

deux cas bien nets de monstruosité : le premier est ana-<br />

logue à celui <strong>du</strong> Cereus peruvianus et a été désigné sous le<br />

nom de Cereus eburneus monstrosus Salm-Dyck ; l’autre,<br />

que l’on désigne sous le nom de cylindricus, présente une<br />

tige presque cylindrique, <strong>les</strong> côtes disparaissent complète-<br />

ment d’un côté, et ne sont indiquées sur la partie opposée<br />

que par des faisceaux d’aiguillons qui se réunissent en<br />

lignes presque spira<strong>les</strong>.<br />

Les Opuntia présentent également des déformations<br />

monstrueuses, el<strong>les</strong> sont même assez fréquentes chez plu-<br />

sieurs espèces de Cylindropuntia ; la torsion y porte alors<br />

plus particulièrement sur <strong>les</strong> organes de fructification ou<br />

sur <strong>les</strong> parties avoisinantes ; chez <strong>les</strong> Platyopuntia, la chose<br />

est à peu près la même, sauf cependant avec l’Opuntia<br />

microdasys Pfeiff. qui a pu montrer des altérations de forme<br />

généralisées à toute la plante, ce qui lui implique alors un<br />

aspect tout à fait étrange et désordonné.<br />

Chez <strong>les</strong> Neomamillaria, on signale une forme assez<br />

curieuse pro<strong>du</strong>ite par le N. Karwinskiana Britt. et Rose qui,<br />

au lieu de conserver sa structure globuleuse, s’allonge sur<br />

le sol en se contournant, de façon à ressembler à un serpent<br />

enroulé sur lui-même (fig. 122).<br />

Ces deux derniers spécimens de cristations ont été mis<br />

à profit par l’horticulture pour la garniture des plantations<br />

sur rocail<strong>les</strong>.<br />

<strong>les</strong> platyopuntia et l’élevage de la cochenille. —<br />

Pour conclure ce qui a trait à la culture des Cactacées, il<br />

est indispensable de mentionner ici une in<strong>du</strong>strie des plus<br />

intéressantes à laquelle celle-ci a donné lieu et qui consiste<br />

dans l’élevage de la Cochenille, le précieux insecte fournis-


chapitRe xvi 477<br />

sant la matière colorante écarlate que l’on désigne sous le<br />

nom de Carmin.<br />

Comme on le sait, cette Cochenille est le parasite dont<br />

<strong>les</strong> Opuntia ont le plus à souffrir ; aussi, pour son élevage<br />

économique et régulier, a-t-il fallu, par des procédés pure-<br />

ment culturaux, arriver à créer et à fixer des variétés de<br />

Platyopuntia suffisamment vigoureuses et résistantes pour<br />

qu’el<strong>les</strong> puissent fournir à l’insecte une copieuse subsis-<br />

tance sans en éprouver un épuisement appréciable. Aussi<br />

cette importante in<strong>du</strong>strie originaire <strong>du</strong> Mexique, qui pen-<br />

dant près de trois sièc<strong>les</strong> a fourni au monde entier un<br />

pro<strong>du</strong>it tinctorial incomparable, sera-t-elle développée dans<br />

le chapitre suivant.<br />

La Cochenille est un insecte hémiptère appartenant à la<br />

famille des Coccidées ; cette famille, bien avant que la<br />

Cochenille ne fut connue, fournissait déjà à l’in<strong>du</strong>strie<br />

européenne deux espèces pro<strong>du</strong>isant une matière tinctoriale<br />

d’un rouge écarlate. Ces deux insectes étaient alors connus<br />

sous le nom de Kermès, nom d’où l’on a fait dériver le terme<br />

carmin qui, dans la suite, fut appliqué au pro<strong>du</strong>it extractif<br />

de la Cochenille. L’un de ceux-ci, le Kermes ilicis Fab., se<br />

récoltait dans le midi de l’Europe sur le Chêne-Kermès<br />

(Quercus coccifera L.) ; l’autre, le Margarades polonicus L.,<br />

sur <strong>les</strong> racines <strong>du</strong> Scleranthus perennis L. (Illécébracées) et<br />

sur cel<strong>les</strong> de plusieurs espèces de Polygonum ; l’emploi de ce<br />

dernier était jadis assez courant dans l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale<br />

en Russie, en Pologne et en Allemagne.<br />

Ces deux espèces de Kermès, après avoir été recueillies,<br />

étaient soumises à la dessiccation et à la pulvérisation ; c’est<br />

sous cet état qu’on <strong>les</strong> livrait au commerce. Mais comme la<br />

récolte de ces insectes colorants s’effectuait sur des plantes<br />

sauvages, elle se trouvait par cela sujette à de nombreux<br />

aléas dans sa quantité et sa qualité.<br />

Il n’en était pas de même avec la Cochenille mexicaine<br />

qui, grâce à la technique de son élevage, pouvait assurer<br />

une pro<strong>du</strong>ction toujours constante et de qualité toujours<br />

égale, ce qui fit qu’elle ne tarda pas, lorsqu’elle fut connue,<br />

à supplanter tous <strong>les</strong> autres pro<strong>du</strong>its similaires.


CHAPITRE XVII<br />

LES NOPALS COCHENILLICOLES<br />

ET LEUR EXPLOITATION 1<br />

Relation historique sur la Cochenille. — L’insecte colorant :<br />

ses différentes formes, sa biologie, étymologies de ses<br />

dénominations, son principe tinctorial. — Opuntia servant à<br />

l’alimentation de la Cochenille : Nopals de San Gabriel et<br />

de Castilla. — Aménagement d’une nopalerie : préparation<br />

<strong>du</strong> sol, bouturage des plants, abris de protection. —<br />

Instruments servant au travail de la Cochenille. — Con<strong>du</strong>ite<br />

d’un élevage : mode d’ensemencement des essaims, leur<br />

surveillance, soins assi<strong>du</strong>s, récolte, procédés de traitement<br />

des récoltes en vue de leur conservation. — Catégories<br />

commercia<strong>les</strong> de Cochenil<strong>les</strong>. — Différents modes indigènes<br />

d’élevage. — Parasites et maladies de la Cochenille et des<br />

Opuntia. — Considérations généra<strong>les</strong> sur l’intérêt in<strong>du</strong>striel<br />

de la Cochenille. — Entreprises d’élevage de la Cochenille en<br />

dehors de son pays d’origine.<br />

RELATION HISTORIQUE<br />

La culture des Opuntiées pour l’élevage de la Cochenille<br />

constituait, aux époques précolombiennes, une entreprise<br />

agricole des plus prospères et des mieux ordonnées, qui<br />

témoignait de l’esprit appliqué et observateur que l’Indien<br />

a toujours su mettre en oeuvre lorsqu’il s’est agi d’obtenir<br />

le meilleur profit des richesses naturel<strong>les</strong> que son pays<br />

lui assurait.<br />

1. Ce chapitre a déjà paru, sous une forme plus résumée, dans le<br />

Journal de la Société des Américanistes de Paris, nouvelle série, VI, 1909


480 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

En effet, dans cette application des Cactacées à la zoo-<br />

technie, qu’Antonio de Ulloa comparait à la culture <strong>du</strong><br />

Mûrier pour l’é<strong>du</strong>cation <strong>du</strong> ver à soie 1 , la plante et son<br />

parasite n’étaient pas laissés au caprice <strong>du</strong> hasard, mais,<br />

bien au contraire, soumis à un régime qui eut pour consé-<br />

quence de <strong>les</strong> modifier et de <strong>les</strong> adapter l’un à l’autre,<br />

résultat qui permit de réaliser une exploitation poussée à<br />

un degré de perfection tel, qu’il n’y eut presque rien à<br />

ajouter comme technique lorsque <strong>les</strong> colons espagnols<br />

s’approprièrent l’in<strong>du</strong>strie.<br />

Quoique l’usage de la matière colorante fournie par la<br />

Cochenille fut général chez à peu près tous <strong>les</strong> peup<strong>les</strong><br />

habitant la vaste région qui devait, plus tard, former la<br />

vice-royauté de la Nouvelle-Espagne, l’élevage méthodique<br />

<strong>du</strong> précieux insecte était exclusivement limité au territoire<br />

montagneux de la région dite mixtéco-zapotèque. Les chro-<br />

niqueurs de la conquête qui ont fait plus ou moins mention<br />

de la Cochenille, s’accordent tous à reconnaître que cette<br />

exploitation, dont l’initiative devait remonter à une époque<br />

probablement assez reculée, ne s’étendait au-delà de cette<br />

contrée que sur <strong>les</strong> territoires voisins occupés par <strong>les</strong><br />

petites républiques de Tlaxcala et de Huejotzinco, et où,<br />

à leur arrivée, <strong>les</strong> conquistadores purent voir pour la<br />

première fois quelques Nopalerias 2 auprès des vil<strong>les</strong> de<br />

Cholula et de Huejotzinco.<br />

Herrera ajoute que l’exploitation de la Cochenille qui se<br />

faisait surtout le long de la vallée de Oaxaca sur un parcours<br />

de 25 lieues, s’étendait encore plus à l’ouest et qu’on pou-<br />

vait la retrouver sur la côte de Jamiltepec, mais que là,<br />

le pro<strong>du</strong>it était de qualité inférieure 3 .<br />

Avant l’établissement des Espagnols au Mexique, la<br />

1. antonio de ulloa. — Relacion historica del viage a la America<br />

meridional, II, p. 447. Madrid, 1748.<br />

2. Les Espagnols donnèrent le nom de Nopaleria à la plantation<br />

d’Opuntiées consacrée à l’élevage de la Cochenille, et celui de Nopalero<br />

au professionnel de cette in<strong>du</strong>strie.<br />

3. heRReRa. — Decada 4, libro 2, capitulo 8.


chapitRe xvii 481<br />

Cochenille constituait, principalement pour la nation mix-<br />

tèque, un article d’exportation et d’échange commercial.<br />

Les marchands voyageurs que ce peuple actif et foncière-<br />

ment commerçant entretenait pour le trafic des pro<strong>du</strong>its<br />

de son agriculture et de son in<strong>du</strong>strie, exportaient annuel-<br />

lement de grandes quantités de Cochenille qu’ils allaient<br />

négocier sur <strong>les</strong> marchés des centres civilisés <strong>les</strong> plus<br />

lointains, non seulement <strong>du</strong> Mexique, mais aussi de l’Amé-<br />

rique centrale. La ville servant, à cette époque ancienne,<br />

de centre et d’entrepôt pour le commerce de la Cochenille,<br />

était Nochistlan 1 . Cette cité dominait par sa situation <strong>les</strong><br />

principaux emplacements pro<strong>du</strong>cteurs de la Cochenille qui<br />

s’échelonnaient alors partie dans <strong>les</strong> ravins des environs,<br />

partie sur <strong>les</strong> terrains dépendant de la grande vallée<br />

de Oaxaca.<br />

Après une guerre malheureuse où <strong>les</strong> Mixtecs furent<br />

vaincus par <strong>les</strong> Aztecs, Nochistlan ne perdit pas sa desti-<br />

nation et son antique importance, mais elle fut, ainsi que<br />

l’atteste le Livre des tributs, soumise à payer annuellement<br />

au vainqueur une forte redevance en Cochenille.<br />

Les Espagnols ne connurent bien la Cochenille et son<br />

application aux arts qu’en 1518, c’est-à-dire quelques<br />

années après avoir achevé la conquête <strong>du</strong> pays ; ils en<br />

firent en 1523 la première importation en Europe.<br />

L’apparition sur le marché mondial de cette denrée qui<br />

venait révolutionner l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale en fournissant<br />

une matière colorante capable de rivaliser, par son éclat<br />

et sa solidité, avec cel<strong>les</strong> dont, jusqu’alors, on avait été<br />

tributaire des Orientaux, suscita un enthousiasme exagéré<br />

1. Nochistlan vient de Nochestli = cochenille, et Tlan = terre, localité,<br />

ou encore, suivant l’orthographe actuelle, de Nochtli = Cactus, et<br />

Ixtlan = à la vue. La première étymologie parait plus conforme à la<br />

toponimie ancienne car elle est la stricte tra<strong>du</strong>ction de Nun<strong>du</strong>co, nom<br />

mixtèque que portait la ville chez <strong>les</strong> autochtones (Nuhu = terre,<br />

village, n’<strong>du</strong>co = Cochenille , tandis que la seconde étymologie semble<br />

bien devoir s’adapter à une autre ville <strong>du</strong> Mexique portant la même<br />

dénomination et qui se trouve située dans une région de l’État de<br />

Zacatecas où se rencontrent de véritab<strong>les</strong> bosquets d’Opuntia sauvage,<br />

31


482 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

qui n’eut de comparable que celui que provoque toujours<br />

la découverte subite de riches mines de métaux précieux.<br />

Le Gouvernement des Indes ne songea plus dès lors qu’à<br />

amplifier l’entreprise mexicaine, afin d’en faire bénéficier<br />

une grande partie de son domaine colonial des deux Amé-<br />

riques. C’est ainsi que l’on vit des entreprises d’élevage<br />

régulier de Cochenille, venir successivement s’implanter<br />

au Guatemala, au Costa-Rica, au Hon<strong>du</strong>ras, en Colombie,<br />

au Pérou, etc. Mais ce bel élan d’enthousiasme ne répon-<br />

dit que très imparfaitement au résultat qu’on avait<br />

escompté ; par suite de causes multip<strong>les</strong>, la pro<strong>du</strong>ction se<br />

montra inférieure comme qualité à celle que l’on obtenait<br />

en région mixteco-zapotèque.<br />

Au Mexique, dans la riche et fertile vallée de Oaxaca,<br />

faisant partie <strong>du</strong> domaine concédé par le roi d’Espagne au<br />

conquistador Fernand Cortez, on augmenta l’éten<strong>du</strong>e des<br />

champs d’élevage déjà existants et on <strong>les</strong> plaça sous la<br />

dépendance des grandes haciendas que l’on avait, aussitôt<br />

après la conquête, établies auprès des vil<strong>les</strong> de Oaxaca,<br />

de Ocotlan, de Amatlan, de Miahuatlan, de Zimatlan, etc.<br />

A ce moment, Nochistlan commença à perdre de son<br />

importance ; son antique marché de Cochenille fut trans-<br />

féré à la ville naissante de Oaxaca qui, sous le nom provi-<br />

soire d’Atenquera, venait d’être fondée à l’endroit le plus<br />

avantageux de la grande vallée, afin d’y constituer la<br />

capitale de la province.<br />

En dehors de cette région, qui resta, jusqu’à la fin, le<br />

centre privilégié de l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille, on créa<br />

au Mexique de nouvel<strong>les</strong> nopaleries dans <strong>les</strong> provinces de<br />

Yucatan, <strong>du</strong> Michoacan et de la Nouvelle-Galice 1 . L’élevage<br />

de la Cochenille dans ces nouveaux territoires de natura-<br />

lisation, après avoir connu une certaine prospérité, ne put<br />

se continuer ; il dût même être peu à peu abandonné, soit<br />

que <strong>les</strong> soins minutieux et constants qu’il comportait aient<br />

1. Dans cette dernière province, qui forme aujourd’hui l’État de<br />

Jalisco, une ville : Autlan de la grana, indique encore par son nom<br />

l’un des centres de l’in<strong>du</strong>strie d’importation.


chapitRe xvii 483<br />

amené le découragement chez <strong>les</strong> éleveurs, soit encore que<br />

ces derniers y aient été contraints à la suite des vexations<br />

qu’ils eurent à subir de la part d’autorités gouvernemen-<br />

ta<strong>les</strong> dont l’intérêt était apparemment de faire revenir<br />

l’entreprise à son pays d’origine.<br />

Un exemple de la façon brusquée avec laquelle on pro-<br />

céda parfois à l’anéantissement des nopaleries, est<br />

raconté par de Humboldt au sujet des élevages de Cochenille<br />

dans la province <strong>du</strong> Yucatan. Dans cette contrée, où l’en-<br />

treprise cochenillicole paraît avoir joui d’une certaine<br />

prospérité pendant presque tout le cours <strong>du</strong> xviii e siècle,<br />

on vit dans une seule nuit tous <strong>les</strong> Nopals servant à l’entretien<br />

de la Cochenille être coupés et détruits. Comme expli-<br />

cation de cette violente mesure, <strong>les</strong> Indiens yucatèques<br />

accusèrent le gouvernement de s’être porté à cette extrémité<br />

afin de faire monter le prix d’une denrée dont il voulait<br />

conserver la propriété exclusive aux habitants de la Mix-<br />

teca. Les créo<strong>les</strong>, de leur côté, prétendirent que <strong>les</strong> indi-<br />

gènes, mécontents et irrités <strong>du</strong> prix modique que <strong>les</strong><br />

négociants fixaient à leur pro<strong>du</strong>ction, détruisirent à la fois,<br />

et d’un commun accord, l’insecte et son végétal nourri-<br />

cier 1 .<br />

Quel<strong>les</strong> que soient <strong>les</strong> raisons invoquées pour expliquer<br />

<strong>les</strong> mesures de restrictions qui ramenèrent l’élevage de la<br />

Cochenille à son point de départ, il semble plus vraisem-<br />

blable que ces mesures, si violentes qu’el<strong>les</strong> paraissent avoir<br />

été, ne furent pas uniquement dictées par un esprit de pur<br />

favoritisme provincial, mais bien au contraire par le souci<br />

justifié de sauvegarder toute la valeur d’une denrée qui,<br />

par ses qualités, avait conquis une réputation bien méritée,<br />

et que seuls <strong>les</strong> naturels <strong>du</strong> pays mixtèque étaient capab<strong>les</strong><br />

de pro<strong>du</strong>ire dans des conditions parfaites.<br />

C’est <strong>du</strong> moins ce que semble prouver <strong>les</strong> ordenanzas<br />

des deux vice-rois, Martin Enriquez et Luis Velasco. Ces<br />

édits, qui datent de la lin <strong>du</strong> xvi e siècle, avaient pour objet<br />

1. A. de humboldt. — Essai de la Nouvelle-Espagne, 2e Édition, III,<br />

p. 71, Paris, 1827.


484 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

principal de réprimer <strong>les</strong> fraudes que l’on pratiquait déjà<br />

sur <strong>les</strong> lots de Cochenil<strong>les</strong>, et ensuite de réglementer l’éle-<br />

vage de l’insecte colorant, de façon qu’il s’exécutât toujours<br />

suivant <strong>les</strong> méthodes reconnues <strong>les</strong> meilleures par l’obser-<br />

vation et l’expérience.<br />

Afin de conserver à la Nouvelle-Espagne le monopole<br />

d’une in<strong>du</strong>strie indigène aussi rémunératrice, le gouver-<br />

nement des vice-rois paraît s’être efforcé, par des lois très<br />

sévères, de tenir secrets, non seulement <strong>les</strong> procédés d’éle-<br />

vage de la Cochenille, mais aussi, et surtout, <strong>les</strong> sortes de<br />

Nopals qui étaient spécialement préconisées dans ce genre<br />

d’entreprise. Ce soin jaloux pour la conservation d’un pri-<br />

vilège, suffit à lui seul à expliquer <strong>les</strong> renseignements<br />

assez vagues que l’on trouve sur l’in<strong>du</strong>strie cochenillicole<br />

dans <strong>les</strong> relations des missionnaires et des chroniqueurs<br />

<strong>du</strong> début de la colonisation espagnole, écrivains qui, dans<br />

d’autres circonstances, nous ont légué des faits si bien<br />

documentés sur toutes <strong>les</strong> choses remarquab<strong>les</strong> de la Nou-<br />

velle-Espagne. Les seuls auteurs anciens qui ont contribué<br />

à faire connaître un peu la Cochenille, sont Acosta (1590),<br />

Gomara (1552), Herrera (1601) et, beaucoup plus tard,<br />

Antonio de Ulloa (1748).<br />

Ce silence sur une entreprise aussi remarquable explique<br />

encore <strong>les</strong> idées erronées et <strong>les</strong> absurdités qui, dans le but<br />

probable de dérouter <strong>les</strong> tentatives de concurrence étran-<br />

gère, eurent cours jusqu’au début <strong>du</strong> xviii e siècle, au sujet<br />

de la véritable nature de la Cochenille, certains auteurs<br />

étant allés même jusqu’à prétendre qu’elle n’était pas un<br />

insecte, mais une graine pro<strong>du</strong>ite par certaines plantes<br />

inconnues 1 .<br />

Quoique Ruuscher ait publié en 1729 un ouvrage som-<br />

maire sur la culture <strong>du</strong> Nopal et son élevage 2 , la question<br />

n’a commencé à sortir de la confusion où probablement<br />

1. Voir à ce sujet : pomet. — Histoire générale des drogues, Paris,<br />

1735, et RéaumuR. —Mémoires pour servir à l’histoire des insectes, 1738.<br />

2. RuuscheR. — Histoire Naturelle de la Cochenille justifiée par <strong>les</strong><br />

documents authentiques, Amsterdam, 1729.


chapitRe xvii 485<br />

on s’efforçait à dessein de l’entretenir qu’en 1777, époque<br />

où Thierry de Menouville, dans le but de propager cet<br />

élevage dans <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong> françaises, entreprit, au prix de<br />

grandes difficultés, un rapide voyage dans l’intendance de<br />

Oaxaca, au retour <strong>du</strong>quel il commença ses premiers essais<br />

à Saint-Domingue.<br />

Avant Thierry de Menouville, dont la relation de voyage<br />

n’a été publiée qu’en 1786 1 , il n’existait que trois mémoires<br />

assez bien détaillés sur cette question : ceux de Francisco<br />

Ibanes de Corvera, Alcade de Zimatlan (1759), de Pantaleon<br />

Ruiz y Montoya, Alcade de Nejapa (1770), et de Coadyuva,<br />

missionnaire chez <strong>les</strong> Indiens Chonta<strong>les</strong>. Mais ces mémoires,<br />

malgré <strong>les</strong> intéressants détails qu’ils fournissaient sur <strong>les</strong><br />

différentes méthodes d’élevage usitées dans la région mix-<br />

téco-zapotèque, restèrent à peu près ignorés jusqu’en 1795,<br />

époque où Antonio Alzate <strong>les</strong> résuma dans son travail sur<br />

la Cochenille 2 .<br />

LA COCHENILLE<br />

ses diFFéRentes FoRmes. — Avant de commencer l’étude<br />

de l’in<strong>du</strong>strie cochenillicole et des Opuntia servant uniquement<br />

à l’élevage de la Cochenille, il est nécessaire de<br />

faire brièvement une description de cette dernière.<br />

La Cochenille (fig. 123) est un insecte appartenant à<br />

l’ordre des Hémiptères homoptères et à la famille des<br />

1. thieRRy de menouville. — Traité delà culture <strong>du</strong> Nopal et de<br />

l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille dans <strong>les</strong> colonies françaises de l’Amérique,<br />

précédé d’un voyage à Guaxaca. Paris, 1787.<br />

2. antonio alzate. — Memoria en que se trata del insecto o cochenilla,<br />

de su naturaleza y serie de sa vida, corno tambien del metodo<br />

para propagarla al estado en que se forma, uno de los ramos mas uti<strong>les</strong><br />

de comercio, escrita en 1777, Madrid 1795, réimprimé en 1831 dans la<br />

Gaceta de literatura de Mexico, en 1856 dans l’Apendice al Diccionario<br />

universal de Historia y Geografia de oRozco y beRRa, p. 418 (article<br />

grana), II, p. 448, en 1882 dans la Naturaleza Mexicana, VI, Apendice,<br />

p. 97.


486 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Coccidés. Chez ce groupe d’insectes, <strong>les</strong> sexes se différen-<br />

cient nettement l’un de l’autre lorsqu’ils sont a<strong>du</strong>ltes : <strong>les</strong><br />

mâ<strong>les</strong>, au sortir de la nymphose, sont ailés, tandis que <strong>les</strong><br />

Fig. 123. — Croquis schématique de la Cochenille,<br />

montrant en A le mâle ailé<br />

et en B et C la femelle aptère (faces dorsale et ventrale).<br />

femel<strong>les</strong>, depuis leur naissance jusqu’à la fin de leur vie,<br />

restent aptères.<br />

On a rangé la Cochenille tour à tour dans <strong>les</strong> genres<br />

Coccus L., Dactylopius Costa, Pseudococcus Westwood.<br />

In<strong>du</strong>striellement ou commercialement parlant, on dis-<br />

tingue deux sortes de Cochenil<strong>les</strong> capab<strong>les</strong> de fournir le<br />

principe colorant auquel on donne le nom de carmin.<br />

1° La Cochenille sauvage (Dactylopius [Coccus] tomentosus<br />

Lam., connue encore sous <strong>les</strong> noms vulgaires de


chapitRe xvii 487<br />

Grana sylvestre, de Cochenille sauvage ou cotonneuse ; <strong>les</strong><br />

Nahuatls la nommaient Ixquimiliuqui et Xalnochestli.<br />

2° La Cochenille domestique (Dactylopius Coccus Costa),<br />

qui est la véritable Cochenille recherchée dans le commerce<br />

et l’in<strong>du</strong>strie pour l’excellence de son principe tinctorial,<br />

désignée vulgairement sous <strong>les</strong> différents noms de Grana<br />

fina, Cochenille cultivée, farineuse, poudreuse, mixtèque,<br />

Graine d’écarlate, etc. ; c’est le Nochestli des Nahuatls que<br />

<strong>les</strong> Indiens mixtèques appelaient N’<strong>du</strong>co.<br />

Ces deux sortes de Cochenil<strong>les</strong>, qui ne sont peut-être que<br />

<strong>les</strong> variétés d’une seule et même espèce, ont cependant été<br />

considérées par certains entomologistes comme devant<br />

constituer deux espèces distinctes.<br />

Quoi qu’il en soit, el<strong>les</strong> se distinguent facilement l’une<br />

de l’autre à première vue.<br />

La Cochenille domestique, lorsqu’elle est parvenue à son<br />

entier développement, peut offrir un volume double de sa<br />

congénère sauvage ; de plus, son corps, au lieu d’être dissi-<br />

mulé comme chez cette dernière, sous un exsudat cireux<br />

long et filamenteux, lui donnant l’apparence d’un vague<br />

flocon de matière cotonneuse, se montre seulement sau-<br />

poudré d’un exsudat pulvérulent court et clairsemé à<br />

travers lequel on peut distinguer <strong>les</strong> formes de l’insecte,<br />

aspect qui, <strong>du</strong> reste, a motivé la spécification de Cochenille<br />

farineuse ou poudreuse.<br />

L’aire de dispersion de la Cochenille sauvage est consi-<br />

dérable ; elle s’étend non seulement aux deux Amériques,<br />

mais aussi à toutes <strong>les</strong> régions où l’on a vu <strong>les</strong> Opuntia<br />

devenir subspontanés ; c’est donc le parasite constant de ces<br />

plantes, et qui peut même leur être funeste lorsque le sujet<br />

appartient à une espèce ou à une variété délicate.<br />

Quant à la Cochenille domestique, quoique l’on ne<br />

connaisse pas exactement son lieu d’origine, elle passe pour<br />

être propre à l’état de Oaxaca. Ce qui tendrait à le prouver,<br />

est un passage <strong>du</strong> rapport de Ruiz de Montoya, où l’au-<br />

teur dit que dans un village situé à sept lieues de Nejapa,<br />

« on rencontre des Nopals très élevés et très épineux, sur<br />

Nahualts -><br />

Nahuatls


488 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

<strong>les</strong>quels on récolte sans ensemencement ni soins de pro-<br />

preté, une Cochenille très riche qui, depuis le commence-<br />

ment, se maintient sans autre aide que celle de la divine<br />

Providence ».<br />

D’un autre côté, de Humboldt, qui a séjourné au Mexique<br />

à l’époque où la Cochenille mixtèque était encore dans la<br />

plénitude d’une exploitation intense 1 , dit que la forme<br />

domestique ne se rencontre pas à l’état de liberté sur <strong>les</strong><br />

Nopals sauvages, <strong>du</strong> moins dans <strong>les</strong> endroits où sont situées<br />

<strong>les</strong> principa<strong>les</strong> nopaleries ; il en conclut qu’elle doit provenir<br />

de l’espèce sauvage, soit par voie de sélection artificielle,<br />

soit d’une façon toute naturelle. Dans le premier cas, un<br />

élevage très soigné et une alimentation sur <strong>les</strong> Nopals<br />

appropriés auraient, à la longue, amené de profondes modi-<br />

fications chez l’insecte ; dans le second cas, la variation<br />

aurait pu se pro<strong>du</strong>ire d’une façon toute spontanée, grâce<br />

au concours fortuit de conditions climatériques et de cir-<br />

constances particulières. Le témoignage de Ruiz de Mon-<br />

toya semblerait donc venir à l’appui de cette dernière<br />

supposition.<br />

L’aire ré<strong>du</strong>ite de dispersion de la Cochenille domestique<br />

s’explique facilement si l’on considère l’insuffisante pro-<br />

tection dont la nature a pourvu cet insecte et qui le<br />

condamne, pour ne pas périr, à se cantonner dans des lieux<br />

à climat tempéré et régulier ; c’est cette cause qui, en partie,<br />

a motivé le recours aux abris artificiels dans <strong>les</strong> nopaleries.<br />

Pour la Cochenille sauvage, la chose est différente : pour-<br />

vue d’une épaisse toison tomenteuse, elle peut affronter<br />

<strong>les</strong> intempéries sans en avoir guère à souffrir ; c’est ce qui<br />

lui a permis de pouvoir s’étendre à toutes <strong>les</strong> régions où<br />

il est possible aux Opuntiées de croître spontanément.<br />

1. Étant donnés <strong>les</strong> édits rigoureux interdisant l’accès des nopale-<br />

ries aux étrangers, de Humboldt, comme il le dit lui-même, n’a pu voir<br />

l’élevage de la Cochenille domestique ; néanmoins, grâce aux documents<br />

réunis par <strong>les</strong> soins <strong>du</strong> comte de Tepa et, aux renseignements qui lui<br />

avaient été fournis par des personnes ayant résidé dans l’intendance<br />

de Oaxaca, il a pu faire une étude comparative entre cette forme et la<br />

Cochenille sauvage qu’il avait étudiée dans l’Amérique <strong>du</strong> Sud.


chapitRe xvii 489<br />

Les deux sortes de Cochenil<strong>les</strong> donnent une matière colo-<br />

rante identique, mais celle-ci, toujours égale comme quan-<br />

tité et qualité chez la Cochenille domestique, peut varier<br />

considérablement chez <strong>les</strong> sujets sauvages. Ce fait s’ex-<br />

plique facilement par <strong>les</strong> soins que l’on donne à la Coche-<br />

nille cultivée et qui ont pour but de favoriser un dévelop-<br />

pement régulier en lui assurant une alimentation appro-<br />

priée et constante. Tandis que chez la Cochenille sauvage,<br />

le hasard seul intervenant, il peut se faire que, par suite de<br />

circonstances défavorab<strong>les</strong>, la pro<strong>du</strong>ction de la matière<br />

colorante se trouve plus ou moins sujette à des aléas.<br />

C’est ce qui se pro<strong>du</strong>irait, par exemple, chez une forme<br />

signalée dans un des édits <strong>du</strong> vice-roi Luis Velasco sous<br />

le nom de Salnochtle (Xalnochestli). Il est probable que<br />

cette dernière, qui se rencontre, dit-il, dans <strong>les</strong> provinces<br />

des Chichimèques 1 et au Michoacan, n’est qu’une variété<br />

de Cochenille sauvage, nourrie sur des Nopals impropres à<br />

fournir l’élément indispensable à l’élaboration <strong>du</strong> principe<br />

colorant.<br />

Du reste, Luis Velasco ne signale cette forme stérile,<br />

que pour dire qu’on en fait la récolte seulement dans le<br />

but de falsifier <strong>les</strong> lots de Cochenille domestique. Ce<br />

mélange frau<strong>du</strong>leux paraît s’être pratiqué de tout temps,<br />

et le Père Sahagun, qui fut un des érudits missionnaires<br />

<strong>du</strong> début de la colonisation espagnole, en apporte le témoi-<br />

gnage lorsqu’il dit : « Il existe aussi une fausse Cochenille<br />

qui se pro<strong>du</strong>it également sur <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> de la Tuna. On<br />

l’appelle Ixquimiliuqui, elle altère la bonne espèce et fait<br />

sécher <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> elle naît. On la recueille<br />

pour la mêler à la véritable, ce qui est une grosse fraude » 2 .<br />

Au point de vue de ceux qui pratiquent l’élevage de la<br />

véritable Cochenille de Oaxaca, la Cochenille sauvage est<br />

1. On donnait aux XVI e et XVII e sièc<strong>les</strong>, le nom de provinces chichimèques<br />

à toute la partie désertique nord <strong>du</strong> Mexique où vivaient des<br />

hordes d’Indiens nomades.<br />

2. beRnaRdino sahagun. — Histoire générale des choses de la Nouvelle<br />

Espagne, Livre XI, chap. XI, P- 778 (tra<strong>du</strong>ction JouRdanet).


490 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

considérée comme étant le pire ennemi des nopaleries ;<br />

aussi s’efforce-t-on de la détruire dès que l’on a constaté sa<br />

présence sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals.<br />

Considérée au point de vue zootechnique, la Cochenille<br />

domestique peut seule être l’objet d’une culture sérieuse<br />

car elle se répand sur <strong>les</strong> Nopals d’une façon très régulière<br />

en couvrant aussi uniformément que possible <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />

sur <strong>les</strong>quels on l’ensemence, ce qui, dans le travail courant<br />

et journalier que comporte un bon élevage, facilite beau-<br />

coup <strong>les</strong> opérations de surveillance et de nettoyage.<br />

La Cochenille sauvage ne présente pas le même caractère<br />

de régularité dans son essaimage ; elle se répartit souvent<br />

d’une manière fort capricieuse, laissant parfois beaucoup<br />

de places inoccupées, ou formant par endroits des amon-<br />

cellements de sujets qui se nuisent mutuellement dans<br />

leur développement et leur alimentation. De plus, infini-<br />

ment plus vorace que sa congénère, assure-t-on, elle épuise<br />

davantage la plante, tout en pro<strong>du</strong>isant une quantité<br />

moindre de principe colorant.<br />

Quoique n’étant pas l’objet d’une culture en véritable<br />

nopalerie, la Cochenille sauvage n’a pas été délaissée des<br />

indigènes mexicains ; on l’entretenait et la recueillait sur<br />

des Nopals plus ou moins cultivés, que l’on ensemençait<br />

ou qu’on laissait envahir spontanément par l’insecte ; lors-<br />

qu’elle était arrivée à son terme de croissance, on la récol-<br />

tait pour la vendre à des prix modiques, soit pour en faire<br />

usage dans la teinturerie locale, soit pour la livrer aux<br />

fraudeurs qui s’en servaient pour frelater <strong>les</strong> lots de Coche-<br />

nil<strong>les</strong> fines.<br />

D’après de Humboldt, cette Cochenille de qualité infé-<br />

rieure fut surtout l’objet d’une exploitation dans l’Amé-<br />

rique <strong>du</strong> Sud.<br />

biologie. — Les Cochenil<strong>les</strong> sont ovovivipares ; el<strong>les</strong><br />

naissent donc à l’état de larves ; ces dernières restent libres<br />

pendant quelques jours, puis vont se fixer à demeure à<br />

l’endroit qu’el<strong>les</strong> ont choisi pour y puiser leur subsistance.


chapitRe xvii 491<br />

Dans le cours de son évolution, le corps de la Cochenille<br />

passe par quatre phases assez nettes qui se manifestent<br />

chacune par une mue bien apparente. Les deux premières<br />

correspondent à des modifications de l’état larvaire ; la<br />

troisième à la nymphose et la dernière à l’apparition de<br />

l’insecte parfait apte à la repro<strong>du</strong>ction.<br />

Pendant leur période larvaire, <strong>les</strong> mâ<strong>les</strong> se distinguent<br />

de leurs femel<strong>les</strong> respectives, ce qui permet aux nopaleros<br />

de reconnaître et d’éliminer, dès le début, ceux de la forme<br />

sauvage, lorsqu’ils se sont fourvoyés dans <strong>les</strong> essaims<br />

d’élevage.<br />

La présence de ces mâ<strong>les</strong>, facilement reconnaissab<strong>les</strong> à<br />

leur livrée tomenteuse, constitue un sérieux inconvénient<br />

pour le maintien d’un élevage soigné, car, larves, ils épui-<br />

sent inutilement la plante nourricière, et, insectes parfaits,<br />

comme ils sont aptes à féconder <strong>les</strong> femel<strong>les</strong> de Coche-<br />

nil<strong>les</strong> fines, ils deviennent par là une cause de dégénéres-<br />

cence pour <strong>les</strong> sujets destinés à la propagation.<br />

Une fois pourvus d’ai<strong>les</strong>, c’est-à-dire parvenus à l’état<br />

a<strong>du</strong>lte, <strong>les</strong> mâ<strong>les</strong> ne prennent plus de nourriture et leur<br />

existence est, de ce fait, ré<strong>du</strong>ite à peu de temps ; leur rôle<br />

ne consiste plus alors qu’à voltiger pour rechercher <strong>les</strong><br />

femel<strong>les</strong> avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils s’accouplent à plusieurs reprises<br />

puis meurent aussitôt après.<br />

Les Cochenil<strong>les</strong> femel<strong>les</strong> restent aptères pendant toute la<br />

<strong>du</strong>rée de leur existence qui est, en moyenne, d’un peu<br />

moins de trois mois. El<strong>les</strong> subissent un nombre de mues<br />

égal à celui des mâ<strong>les</strong>, mais cel<strong>les</strong>-ci, à part un accroisse-<br />

ment de volume, ne leur apportent guère de modifications<br />

externes bien apparentes.<br />

Ces femel<strong>les</strong> restent toute leur vie dans l’immobilité la<br />

plus complète à la place choisie peu après leur naissance,<br />

position dans laquelle el<strong>les</strong> paraissent puiser leur nourri-<br />

ture d’une façon continue et qu’il leur est impossible<br />

d’abandonner sans courir le risque de périr par suite de<br />

la rupture de la trompe qui fait, à la fois, l’office de moyen<br />

de fixation et d’organe de succion.


492 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Après l’accouplement, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> femel<strong>les</strong> survivent<br />

un certain temps aux mâ<strong>les</strong> ; on <strong>les</strong> voit alors prendre<br />

un accroissement subit allant en s’accentuant jusqu’au<br />

moment de la ponte, qui viendra marquer le terme de leur<br />

courte existence.<br />

étymologies. — On a fait dériver le mot Cochenille <strong>du</strong><br />

latin coccineus signifiant rouge écarlate ; mais cela ne<br />

paraît pas être la véritable interprétation à laquelle on<br />

doive s’arrêter, car incontestablement Cochenille n’est<br />

qu’une adaptation française <strong>du</strong> terme espagnol Cochenilla,<br />

diminutif de Cochina (truie), nom qui, dans le langage<br />

populaire, s’applique, en pays espagnols, aux pucerons et<br />

en général à toutes <strong>les</strong> sortes d’invasions parasitaires rava-<br />

geant <strong>les</strong> végétaux de culture.<br />

Le terme nahuatl Nochestli dérive sans aucun doute<br />

possible de Nochtli = Cactus et Eztli = sang.<br />

Quant à Xalnochestli et Ixquimiliuqui, ces deux termes<br />

signifieraient Cochenille de terre ou de région aride ou<br />

stérile 1 .<br />

pRincipe tinctoRial. — La matière colorante fournie<br />

par la Cochenille est assez analogue comme teinte à celle<br />

que l’on peut retirer des fruits rouges de Nopals et même<br />

de beaucoup d’autres Cactacées, mais elle a l’avantage sur<br />

celle de ces dernières d’être beaucoup plus fixe et de ne pas<br />

s’altérer sensiblement sous l’action de la lumière.<br />

C’est très probablement à la combinaison de la substance<br />

tinctoriale avec <strong>les</strong> principes de l’organisme de l’insecte,<br />

que doit être attribuée, <strong>du</strong> moins en grande partie, la stabi-<br />

lité <strong>du</strong> carmin. En somme, la Cochenille, considérée au<br />

seul point de vue de matière tinctoriale, ne remplirait<br />

dans la nature que le rôle d’un transformateur et d’un<br />

1. Xalli — sable ou terrain désertique ; Nochestli = Cochenille, Ixqui<br />

de ixequi brûlé, torréfié, desséché ; Mil de Milli = semence ; Yuqui,<br />

suffixe impliquant l’idée de découvrir, de s’étendre (graine desséchée<br />

couvrant).


écartlate -><br />

écarlate<br />

chapitRe xvii 493<br />

condensateur pour une substance incolore contenue dans<br />

la sève de certaines variétés d’Opuntiées, substance qui,<br />

par des réactions de biochimie, aboutit chez le végétal au<br />

principe écarlate teintant le suc de la fleur ou <strong>du</strong> fruit et<br />

qui, dévié de son but naturel, vient subir des transforma-<br />

tions probablement identiques dans le corps de l’insecte<br />

parasite où elle s’accumule en s’associant avec <strong>les</strong> réserves<br />

physiologiques, pour constituer alors la matière tinctoriale<br />

connue sous le nom de carmin.<br />

OPUNTIA SERVANT À NOURRIR LA COCHENILLE<br />

Les Opuntiées cochenillico<strong>les</strong> étaient désignées par <strong>les</strong><br />

populations nahuat<strong>les</strong> sous <strong>les</strong> différentes dénominations<br />

de Nopalnochestli, de Nochesnopalli, de Tlapalnochtli, ou<br />

de Chahuiznopalli 1 ; mais cette dernière expression qui,<br />

suivant Alzate, était surtout employée par ceux qui culti-<br />

vaient <strong>les</strong> Platyopuntia pour leurs fruits, paraît bien n’avoir<br />

été, dans le langage courant, qu’un terme de désignation<br />

dépréciative.<br />

Quoique toutes <strong>les</strong> Opuntiées soient plus ou moins sus-<br />

ceptib<strong>les</strong> de fournir l’aliment à la Cochenille, un très petit<br />

nombre seulement convient pour un bon résultat dans le<br />

travail d’une nopalerie.<br />

Les qualités que doit présenter une Opuntiée pour se<br />

prêter aux bonnes conditions d’un élevage méthodique de<br />

Cochenil<strong>les</strong> sont :<br />

1° D’offrir des artic<strong>les</strong> assez tendres et assez gorgés de<br />

sucs pour que l’insecte, une fois fixé dans la situation<br />

qu’il lui est impossible d’abandonner, puisse y rencontrer<br />

sans effort et d’une façon ininterrompue une abondante et<br />

substantielle alimentation ;<br />

1. Nopalnochestli et son inversion Nochesnopalli signifient Nopal à<br />

cochenille (Nochestli = cochenille ; Tlapalnochtli = Cactus à couleur<br />

(Tlapalli = couleur rouge). Chahuistnopalli = Nopal à pucerons. Les<br />

Mexicains, encore actuellement, emploient le terme nahuatl plus ou<br />

moins castillanisé de Chahuistli, pour désigner la vermine qui envahit<br />

leurs maisons


494 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

2° Que l’épiderme de ces artic<strong>les</strong> soit bien homogène et<br />

assez délicat sur toute son éten<strong>du</strong>e pour que <strong>les</strong> essaims<br />

de Cochenil<strong>les</strong> s’y répartissent le plus régulièrement pos-<br />

sible et qu’ils puissent, tout en économisant la place,<br />

bénéficier utilement de toutes <strong>les</strong> ressources mises à leur<br />

portée sur la périphérie de la plante nourricière 1 ;<br />

3° Que le Nopal, après une saison d’élevage, ne présente<br />

que peu de signes d’épuisement afin que l’on puisse pro-<br />

céder à plusieurs élevages successifs sans que l’on soit<br />

obligé de mettre la plante au repos.<br />

Un autre caractère propre aux Opuntiées cochenillico<strong>les</strong><br />

est, selon Alzate, de ne donner qu’une fructification fort<br />

ré<strong>du</strong>ite ou <strong>du</strong> moins peu épuisante pour la plante, ce qui<br />

permet à cette dernière d’accumuler d’amp<strong>les</strong> réserves<br />

dans le parenchyme de ses jeunes tiges et par conséquent<br />

de n’avoir pas trop à souffrir des prélèvements nécessaires<br />

à la subsistance de son parasite.<br />

A ce sujet, Alzate dit qu’un fait digne d’être pris en<br />

considération, est que <strong>les</strong> Tunas de fructification très abondante<br />

périssent dès qu’el<strong>les</strong> deviennent la proie des Coche-<br />

nil<strong>les</strong>, et il ajoute : « Cela, je le tiens confirmé par<br />

l’expérience de nombre d’années et entre autres celle de<br />

1775, où j’ai vu beaucoup de Tunas très riches être<br />

détruites sans autre cause que celle d’avoir subi l’effet d’un<br />

envahissement de Cochenil<strong>les</strong> ».<br />

La nature de Opuntiées est donc une question capitale<br />

dans la con<strong>du</strong>ite méthodique d’un élevage de Cochenil<strong>les</strong><br />

domestiques. Aussi ne doit-on pas s’étonner que <strong>les</strong> nopa-<br />

leros <strong>du</strong> pays où cette in<strong>du</strong>strie prit naissance se soient<br />

efforcés de garder pour eux le secret sur <strong>les</strong> plantes sélec-<br />

tionnées dont ils se servaient.<br />

1. Souvent, lorsque <strong>les</strong> Opuntiées ont un épiderme trop épais ou<br />

trop coriace, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> ne peuvent se fixer qu’à la base des<br />

artic<strong>les</strong> ; là, soutirant <strong>les</strong> sucs destinés aux organes végétatifs, el<strong>les</strong><br />

<strong>les</strong> anémient et <strong>les</strong> font périr de dessiccation. Ce fait s’observe<br />

fréquemment avec la Cochenille sauvage dans <strong>les</strong> régions désertiques,<br />

principalement lorsqu’elle s’attaque à des Cylindropuntia.


chapitRe xvii 495<br />

Quoique Thierry de Menouville ait clairement spécifié<br />

<strong>les</strong> deux espèces exclusivement cultivées dans <strong>les</strong> nopaleries<br />

qu’il avait visitées aux environs de la ville de Oaxaca, la<br />

question de savoir quel<strong>les</strong> étaient <strong>les</strong> véritab<strong>les</strong> Opuntiées<br />

cochenillico<strong>les</strong> demeura longtemps incertaine et contro-<br />

versée.<br />

Alzate, à ce sujet, dit que cinq ou six sortes de Nopals<br />

peuvent seuls se montrer aptes à fournir <strong>les</strong> conditions<br />

requises pour un élevage régulier, mais, quoique connais-<br />

sant <strong>les</strong> faits relatés par le botaniste français qu’il<br />

cite incidemment dans son mémoire, il se garde bien de<br />

préciser quel<strong>les</strong> étaient <strong>les</strong> espèces que la pratique et l’ex-<br />

périence avaient fait de préférence adopter pour une fruc-<br />

tueuse entreprise.<br />

Certains auteurs ont préten<strong>du</strong> que c’était le Nopalea<br />

cochenillifera Salm-Dyck ; d’autres que c’était la variété<br />

inerme ou non, de l’Opuntia Ficus-indica Mill. que l’on<br />

cultivait pour le commerce de ses fruits.<br />

Ces deux Opuntiées ont bien, il est vrai, été employées<br />

pour l’alimentation de la Cochenille, mais ce fut toujours<br />

à défaut d’autres plus avantageuses.<br />

Le Nopalea cochenillifera, qui fut primitivement décrit<br />

par Linné sous le nom de Cactus cochenillifer, paraît avoir<br />

été quelque peu utilisé dans <strong>les</strong> nopaleries de la presqu’île<br />

yucatèque. Thierry de Menouville le rapporta de cette région<br />

et lui donna le nom de Cactier de Campêche pour le différencier<br />

des deux espèces qu’il avait observées et recueillies<br />

à Oaxaca.<br />

Ce Cactier de Campêche, qui n’est peut-être qu’une<br />

variété inerme <strong>du</strong> Nopalea Karwinskiana Schum. se rencontrant<br />

à l’état sauvage dans la forêt sèche côtière <strong>du</strong><br />

Mexique et de l’Amérique centrale, est beaucoup plus rus-<br />

tique que <strong>les</strong> Opuntiées cultivées dans <strong>les</strong> nopaleries de<br />

grand élevage, mais il se montre très inférieur à ces der-<br />

nières dans ses rendements, ainsi qu’il fut constaté dans<br />

<strong>les</strong> essais entrepris à Saint-Domingue.<br />

Quant à l’Opuntia Ficus-indica, il fut employé concur-


496 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

remment à une autre espèce importée de Oaxaca, dans <strong>les</strong><br />

élevages de Cochenil<strong>les</strong> que <strong>les</strong> Espagnols réussirent à éta-<br />

blir aux Canaries 1 . C’est probablement d’après un spécimen<br />

de cette provenance que De Candolle et Redouté, dans leur<br />

ouvrage sur <strong>les</strong> plantes grasses, ont fait figurer comme<br />

Opuntia cochenillicole, un article de Nopal épineux muni<br />

d’un fruit bien développé, article et fructification qui ne<br />

laissent aucun doute sur l’identité de ce spécimen avec la<br />

forme bien connue de l’Opuntia Ficus-indica.<br />

Dans l’État de Oaxaca, où l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille<br />

constitua pendant longtemps la principale et la plus<br />

fameuse exploitation des haciendas de la grande vallée,<br />

on sait, depuis le voyage de Thierry de Menouville, que <strong>les</strong><br />

éleveurs de l’insecte tinctorial n’employaient uniquement<br />

que deux sortes d’Opuntia, auxquels ils donnaient <strong>les</strong> noms<br />

de Nopal de Castilla et de Nopal de San Gabriel.<br />

José Maria Garcia, dans une étude sur la Cochenille de<br />

Oaxaca publiée en 1869 2 , donne une description de ces<br />

deux Nopals et indique en outre l’usage particulier auquel<br />

on <strong>les</strong> employait dans le travail méthodique de l’élevage,<br />

détail important qui n’avait pu être élucidé par Thierry<br />

de Menouville au cours de sa rapide visite aux nopaleries<br />

de Oaxaca. Il ajoute que l’on essaya aussi deux autres<br />

espèces de Nopals connus sous <strong>les</strong> noms de Costeno et<br />

Memelita, mais que ceux-ci, sur <strong>les</strong>quels il ne donne aucune<br />

indication permettant leur identification, furent abandon-<br />

nés après qu’on eut reconnu leur inutilité.<br />

Les Nopals de Castilla et de San Gabriel ne se rencontrent<br />

pas dans la nature : ce sont des variétés de deux<br />

espèces différentes qui ont été modifiées par la culture<br />

1. Consulter à ce sujet heRmann von honeggeR. — Einfiihrung und<br />

Cultur der Cochenille auf den Kanarischen Inseln, p. 10-19, Der zoologische<br />

Garten. Francfort, 1879.<br />

2. José maRia gaRcia. — Ligera descripción de la grana o cochenilla<br />

de Oaxaca, Boletín de la Sociedad de Geografía y Estadística de la<br />

República mexicana de Geografía y estadística, segunda Época, V,<br />

p. 265, Mexico, 1869.


chapitRe xvii 497<br />

afin de <strong>les</strong> adapter à l’usage exclusif auquel on <strong>les</strong> desti-<br />

nait. Ces deux Nopals sont maintenant bien identifiés grâce<br />

aux études entreprises par R. Roland-Gosselin qui a cultivé,<br />

à Villefranche-sur-Mer, des spécimens authentiques préle-<br />

vés dans une des dernières nopaleries encore existantes au<br />

village de San Pedro près de Ocotlan.<br />

Le premier de ces Nopals est inerme, le second au<br />

contraire pourvu d’aiguillons bien constitués.<br />

nopal de castilla. — Ce Platyopuntia est incontestablement<br />

une variété inerme de l’Opuntia Ficus-indica Mill.,<br />

mais elle est très différente de celle qui est bien connue<br />

pour la pro<strong>du</strong>ction de gros fruits et à laquelle <strong>les</strong> colons<br />

espagnols ont donné le nom de Tuna rica ou Tuna de Castilla,<br />

et <strong>les</strong> Nahuatls celui de Teonochtli ou encore, dans<br />

certaines régions, celui de Zapotnochtli 1 .<br />

Comme cette dernière variété, le Nopal de Castilla donne<br />

de grandes et épaisses raquettes qui peuvent atteindre,<br />

sur <strong>les</strong> spécimens de belle venue (fig. 124), jusqu’à 40 cen-<br />

timètres de longueur sur une épaisseur de 5 centimètres ;<br />

il est bien conformé et affecte en général un contour ova-<br />

laire très régulier ; sa teinte est d’un vert clair légèrement<br />

céru<strong>les</strong>cent ; ses artic<strong>les</strong>, d’après ce qu’on a observé, sont<br />

tout à fait stéri<strong>les</strong> et ne paraissent pas devoir donner de<br />

bourgeons floraux avortés.<br />

Thierry de Menouville, en parlant de cette Cactacée, dit :<br />

« On ne peut rien dire de ses fleurs et de ses fruits qui<br />

n’ont jamais été vus. Actuellement encore, <strong>les</strong> indigènes de<br />

Oaxaca affirment que dans <strong>les</strong> cultures de nopaleries on ne<br />

l’a jamais vu fleurir » 2 .<br />

1. Quoique dans le langage courant Tuna de Castilla et Nopal de<br />

Castilla peuvent être considérés comme synonymes, <strong>les</strong> indigènes leur<br />

attachent une signification très différente : le premier terme spécifie la<br />

plante fruitière, et le second la plante cochenillicole. C’est à une<br />

interprétation erronée que l’on doit attribuer, <strong>du</strong> moins en partie, <strong>les</strong><br />

confusions qui ont eu lieu au sujet de la détermination des espèces<br />

préconisées en cochenilliculture.<br />

2. Loc. cit., p. 294.<br />

32


498 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

En tout cas, un article bouturé en pleine terre et sans<br />

aucun abri à Villefranche-sur-Mer, par R. Roland-Gosselin,<br />

a donné, au bout de dix années de plantation, un exem-<br />

plaire de 1 mètre 50 de hauteur sans avoir, jusqu’à cette<br />

époque, offert la moindre velléité de floraison ; il a seule-<br />

ment émis de temps en temps quelques artic<strong>les</strong> épineux<br />

comme c’est <strong>du</strong> reste le fait des Opuntia classés dans le<br />

groupe des subinermes.<br />

Le D r Weber, peu de temps avant sa mort, ayant eu entre<br />

<strong>les</strong> mains un exemplaire de Nopal de Castilla, l’avait examiné<br />

et inscrit dans ses notes manuscrites sous le nom<br />

d’Opuntia splendida afin de se conformer à la spécification<br />

de Cactier splendide (Cactus splendi<strong>du</strong>s Lam.), exposé assez<br />

sommairement dans l’Encyclopédie méthodique de Panc-<br />

kouke (Agriculture, II, p. 549).<br />

En résumé, l’O. splendida Web. est une forme horticole<br />

complètement adaptée à un usage particulier qui doit s’ap-<br />

peler, ainsi que l’a fait R. Roland-Gosselin, O. Ficus-indica<br />

Mill. var. splendida Web. 1 . Comme cette variété ne pro<strong>du</strong>it<br />

ni fructification ni floraison, ses organes végétatifs ne peu-<br />

vent s’épuiser de ce fait ; il en résulte donc que tous <strong>les</strong><br />

sucs qu’elle élabore sont alors consacrés au développement<br />

intensif des tiges, dont la sève constitue la subsistance des<br />

Cochenil<strong>les</strong>.<br />

L’origine <strong>du</strong> terme Nopal de Castilla est fournie par<br />

Thierry de Menouville qui, dans son ouvrage (p. 279), dit :<br />

« Il est appelé de Castilla parce que tout ce qui vient de<br />

Castille est excellent et tout ce qui est excellent doit être de<br />

Castille ou porter le nom de Castille, tant ce peuple long-<br />

temps possesseur et habitant avec l’Aragonais de l’Amé-<br />

rique à l’exclusion des autres provinces d’Espagne, est<br />

habitué à une haute idée de sa patrie. »<br />

nopal de san gabRiel. — Cette plante est maintenant<br />

bien identifiée ; elle est, sans aucun doute possible, l’O. Her-<br />

1. R. Roland-gosselin. — Note sur <strong>les</strong> Opuntia cochenillico<strong>les</strong>,<br />

Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle, XV. p. 507, 1909, et Opuntia<br />

à Cochenille, Bulletin de la Société nationale d’acclimatation de France,<br />

p. 320. Paris, 1903.


Fig. 124. — Opuntia Ficus-Indica Mill., var. splendida Web. (Nopal de Castilla).<br />

Variété inerme et stérile de l’Opuntia Ficus-indica Mill. servant<br />

pour la régénération de la Cochenille domestique.<br />

Nopaleries de San Pedro, près de Ocotlan (État de Oaxaca).


500 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

nandezii DC. qui a été décrite et figurée par de Candolle 1 .<br />

D’après M. R. Roland-Gosselin ce serait l’Opuntia Hernandezii<br />

DC., var. typica Rol.-Goss.<br />

Le Nopal de San Gabriel, dont l’emploi rationnel en<br />

matière d’élevage doit remonter à une époque au moins<br />

aussi ancienne que le Nopal de Castilla, est très différent<br />

de ce dernier, il fleurit normalement et donne une fleur<br />

rose ; son fruit, de petite dimension, est d’un vert clair ;<br />

il est presque sec et ne renferme aucune pulpe comestible.<br />

Les artic<strong>les</strong>, lorsqu’ils ont atteint leur développement<br />

complet, sont beaucoup plus petits que ceux <strong>du</strong> Nopal de<br />

Castilla ; ils ne dépassent que fort rarement 25 centimètres,<br />

sont d’un vert foncé et munis d’aiguillons assez nombreux,<br />

ce qui leur assure une bonne défense contre beaucoup d’ani-<br />

maux destructeurs. De plus, ils présentent une particularité<br />

assez curieuse, c’est qu’au lieu de rester plans, ils ont une<br />

forte tendance à s’incurver sous l’action <strong>du</strong> soleil, de façon<br />

à pro<strong>du</strong>ire sur un côté une face concave, qui assure alors<br />

à la Cochenille une protection naturelle contre <strong>les</strong> désastres<br />

que peuvent occasionner la pluie ou la grêle (fig. 125).<br />

Le Nopal de San Gabriel est beaucoup plus rustique que<br />

le Nopal de Castilla ; il exige par conséquent moins de soins<br />

culturaux, et, grâce à sa bonne garniture épineuse, il con-<br />

stitue une plus grande sécurité pour <strong>les</strong> essaims de Coche-<br />

nil<strong>les</strong>.<br />

Dans <strong>les</strong> écrits des auteurs ayant traité de la culture des<br />

Opuntia cochenillico<strong>les</strong>, il n’est pas fait mention de l’origine<br />

<strong>du</strong> nom Nopal de San Gabriel, il est présumable que ce<br />

nom, qui est couramment employé dans tout le pays, tire<br />

son origine, comme le pensait le D r Weber, de l’époque<br />

où s’effectue, soit la floraison, soit la plantation, soit une<br />

opération quelconque de nopalerie. La Saint Gabriel tom-<br />

bant à la fin de mars, moment de l’année où débute plus<br />

ou moins la saison sèche, doit être une époque propice à<br />

l’exécution de certains travaux agrico<strong>les</strong>.<br />

1. P. de candolle. — Revue de la famille des Cactées, Paris, 1829, et<br />

Histoire des plantes grasses, Paris, 1799-1829.


Fig. 125. — Artic<strong>les</strong> de l’Opuntia Hernandezii DC.,<br />

var. typica Rol.-Goss.<br />

sur laquelle peut se développer eu abondance<br />

la Cochenille sauvage,<br />

sans que la plante paraisse en souffrir.


502 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Lorsque Thierry de Menouville parle de cet Opuntia, il<br />

dit que <strong>les</strong> Indiens le nomment simplement Nopal. Dans<br />

l’Encyclopédie méthodique où tout ce qui a trait aux Cactacées<br />

cochenillico<strong>les</strong> est emprunté à cet auteur, on en fait<br />

mention sous le nom de Nopal silvestre.<br />

Quoique l’un et l’autre de ces deux Platyopuntia soient<br />

susceptib<strong>les</strong> de se prêter à une é<strong>du</strong>cation complète de<br />

Cochenil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> nopaleros ne <strong>les</strong> emploient pas indifféremment,<br />

mais ont soin, au contraire, pour mettre à profit<br />

leurs propriétés respectives, d’assigner à chacun d’eux une<br />

destination particulière : dans la méthode d’élevage telle<br />

qu’elle fut organisée par la pratique d’une longue expérience,<br />

le Nopal de Castilla sert surtout comme régénérateur<br />

de la Cochenille, et celui de San Gabriel comme pro<strong>du</strong>cteur<br />

intensif.<br />

Le premier, riche en principes nutritifs, procure à l’insecte<br />

une alimentation plus substantielle qui, tout en lui<br />

permettant un développement dans de bonnes conditions,<br />

lui confère en même temps une amélioration et, par suite,<br />

une régénérescence au cas où il serait issu de générations<br />

appauvries par une alimentation de médiocre qualité.<br />

Par contre, ce Nopal se montre beaucoup moins avantageux<br />

sous d’autres rapports. C’est ainsi que, plus délicat,<br />

il reste épuisé un certain temps après un élevage et ne peut<br />

alors servir à un autre immédiat ; peu fourni comme<br />

ramification, il ne donne qu’un nombre assez restreint<br />

d’artic<strong>les</strong> à chaque plant, ce qui fait que son rendement<br />

à égalité de surface de champ de culture, se montre, d’après<br />

l’appréciation des éleveurs, environ moitié moindre que<br />

celui que donne le Nopal de San Gabriel.<br />

De plus, l’élevage sur le Nopal de Castilla est toujours<br />

onéreux, par suite des soins tout spéciaux qu’il réclame<br />

pour son entretien en bonne végétation et sa mise à l’abri<br />

des agents destructeurs. Aussi emploie-t-on la majeure<br />

partie de sa pro<strong>du</strong>ction pour faire ce que l’on appelle la<br />

graine, c’est-à-dire pour obtenir des Cochenil<strong>les</strong> de bonne<br />

constitution, dont la ponte servira aux élevages rémunéra-


léon diguet 503<br />

teurs qui doivent être faits sur des Nopals plus avantageux<br />

au point de vue économique.<br />

Sur le Nopal de San Gabriel, la Cochenille se développe<br />

en plus grande abondance et forme des essaims plus<br />

denses ; après une récolte, elle peut être plusieurs fois<br />

recommencée sur la même plante sans lui causer de préju-<br />

dice ; mais cependant, pour peu que l’on répète trop d’éle-<br />

vages successifs sur le même indivi<strong>du</strong>, on ne tarde pas à<br />

constater <strong>les</strong> signes d’une dégénérescence chez <strong>les</strong> Coche-<br />

nil<strong>les</strong>.<br />

Aussi, dans la con<strong>du</strong>ite méthodique telle qu’elle a été<br />

instituée pour <strong>les</strong> nopaleries de la vallée de Oaxaca, où l’on<br />

n’a guère à se préoccuper <strong>du</strong> climat qui y est plus tempéré<br />

et beaucoup plus régulier que dans le reste de la région<br />

mixteco-zapotèque, on a l’habitude sur <strong>les</strong> quatre récoltes<br />

annuel<strong>les</strong> que peut donner une même nopalerie, de n’en<br />

pratiquer qu’une seule sur le Nopal de Castilla.<br />

Le moment le plus propice pour cette opération de régé-<br />

nération, est dans le courant des mois de mars ou d’avril,<br />

époque de la saison sèche, où le Nopal de Castilla, plus<br />

gorgé de sucs que son congénère, a plus de chances que<br />

lui d’assurer une copieuse subsistance à un élevage.<br />

oRigine de l’emploi et de la cultuRe de ces deux<br />

opuntia. — Le recours à deux sortes d’Opuntia dans<br />

l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille domestique n’est, en somme,<br />

qu’une application des enseignements de la nature que l’in-<br />

digène a su coordonner et mettre à profit pour la réalisation<br />

de ses procédés d’élevage. C’est ce que fait ressortir d’une<br />

façon bien démonstrative <strong>les</strong> figures 126 et 127, prises sur<br />

des Opuntia de semi-culture envahis fortuitement par des<br />

Cochenil<strong>les</strong> sauvages.<br />

Dans la première, représentant un Opuntia épineux qui<br />

n’est vraisemblablement qu’une variété à artic<strong>les</strong> allongés<br />

de l’O. Ficus-indica, l’insecte parasite s’est développé librement<br />

et a pu, à la suite de générations successives, recou-<br />

vrir presque en totalité l’article nourricier sans que celui-ci<br />

semble en avoir souffert d’une façon bien appréciable. Dans


504 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

la seconde qui est celle d’un Opuntia inerme appartenant à<br />

la même espèce que le précédent, on voit un essaim de<br />

Cochenil<strong>les</strong> très bien développé sous le rapport de la corpulence<br />

des sujets, mais par contre peu avantagé sous celui<br />

de leur nombre.<br />

Ces deux exemp<strong>les</strong> puisés aux sources mêmes de la<br />

nature et sans qu’aucune intervention étrangère ne soit<br />

venue apporter de modifications au cours d’événements,<br />

permettent de se rendre compte de visu des effets distincts<br />

que <strong>les</strong> Opuntia épineux et inermes exercent sur le développement<br />

des Cochenil<strong>les</strong> ; ils font voir également quel<strong>les</strong><br />

furent <strong>les</strong> causes qui dictèrent l’emploi combiné des Nopals<br />

de San Gabriel et de Castilla, dans la con<strong>du</strong>ite raisonnée<br />

de l’in<strong>du</strong>strie cochenillicole, telle qu’elle fut instituée dans<br />

le pays où elle prit naissance.<br />

Quant au système de nopalerie usité en région mixtécozapotèque,<br />

il aurait été déterminé, d’après de Humboldt,<br />

par la nécessité de conserver une valeur toujours égale à la<br />

Cochenille domestique et en même temps de la préserver<br />

de son mélange avec la Cochenille sauvage. Mais ce ne<br />

sont pas là <strong>les</strong> causes uniques qui sont intervenues lorsqu’il<br />

s’est agi d’organiser la nopalerie d’une façon pratique et<br />

définitive. Il faut encore, et surtout, faire entrer en ligne<br />

de compte l’obligation qu’il y avait alors de se conformer<br />

aux principes d’une agriculture nationale. Cette dernière<br />

fut toujours chez <strong>les</strong> autochtones mexicains une entreprise<br />

essentiellement familiale qui comportait l’emploi de<br />

champs de culture aussi restreints que possible, pour qu’ils<br />

puissent tenir leur emplacement aux alentours des habitations,<br />

conditions qui permettaient à tous <strong>les</strong> membres<br />

d’une famille de collaborer utilement à un travail commun,<br />

sans se déranger pour cela des occupations domestiques<br />

journalières.<br />

Quoiqu’a priori, cette limitation de terrain puisse<br />

paraître d’un ordre secondaire lorsqu’il s’agit d’expliquer<br />

l’origine de la nopalerie mixtéco-zapotèque, il est certain<br />

que c’est grâce à son exiguïté que <strong>les</strong> indigènes ont été


Fig. 126. — Artic<strong>les</strong> et fruit d’un Opuntia épineux sur <strong>les</strong>quels se<br />

sont développés spontanément des essaims de Cochenil<strong>les</strong> sauvages.<br />

Environs d’Agaugueo (État de Michoacan)


506 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

amenés à compliquer <strong>les</strong> opérations et à recourir à deux<br />

sortes différentes pour entretenir toujours chez la Coche-<br />

nille sa même teneur en principe colorant. Ce qui le prouve<br />

bien, c’est que <strong>les</strong> Espagnols, lorsqu’ils installèrent l’élevage<br />

de la Cochenille dans le sud de la mère patrie et aux Î<strong>les</strong><br />

Canaries, arrivèrent, comme on le verra plus loin, à obtenir<br />

des résultats comparab<strong>les</strong> à l’élevage mixtéco-zapotèque,<br />

sans avoir recours à toutes <strong>les</strong> obligations assujettissantes<br />

qu’il comportait et cela grâce uniquement à l’éten<strong>du</strong>e de<br />

terrain dont ils se servirent.<br />

AMÉNAGEMENT D’UNE NOPALERIE<br />

pRépaRation <strong>du</strong> sol. — La plantation d’une nopalerie,<br />

que ce soit avec l’une ou l’autre espèce de Nopals, se fait<br />

toujours en plein air et on laisse <strong>les</strong> plants se développer<br />

librement jusqu’à ce qu’ils soient en état de recevoir <strong>les</strong><br />

élevages de Cochenil<strong>les</strong>.<br />

Une nopalerie, pour arriver à donner de bons résultats,<br />

demande à être établie avec beaucoup de soins ; tout doit<br />

être agencé et calculé en prévision des opérations qui doi-<br />

vent suivre. Car lorsque le nopalero aura commencé l’en-<br />

semencement de la Cochenille, il doit constamment s’occu-<br />

per de son entreprise soit pour entretenir <strong>les</strong> plantes en<br />

bonne condition de végétation, soit pour se défendre des<br />

causes qui peuvent entraver le bon fonctionnement de son<br />

élevage.<br />

La plantation de Nopals doit être enfermée dans une<br />

solide clôture afin d’en interdire l’accès aux animaux<br />

domestiques. Cette clôture doit être, autant que possible,<br />

faite avec des végétaux afin d’assurer la ventilation et<br />

d’empêcher la stagnation d’une atmosphère trop humide.<br />

En outre, on doit choisir pour cela des catégories de plantes<br />

impropres à donner asile aux animaux nuisib<strong>les</strong> ou à favo-<br />

riser leur pullulement. C’est ainsi, par exemple, que <strong>les</strong><br />

Platyopuntia cultivés pour leurs fruits, sur <strong>les</strong>quels peuvent<br />

se développer des Cochenil<strong>les</strong> sauvages, doivent être abso-<br />

lument proscrits.


Fig. 127. — Article d’Opuntia inerme sur lequel se sont développées<br />

spontanément des Cochenil<strong>les</strong> sauvages.<br />

Environs d’Agaugueo (État de Michoacan).


508 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Quand on emploie, comme cela est assez général au<br />

Mexique, des Cactacées pour faire <strong>les</strong> haies de clôture, on<br />

Fig. 128. — Lisière d’une plantation sous abri permanent<br />

d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss.<br />

(Nopal de San Gabriel).<br />

Village de San Pedro, près de Ocotlan (État de Oaxaca).<br />

se sert presque exclusivement, <strong>du</strong> moins dans la vallée<br />

de Oaxaca, <strong>du</strong> Pachycereus marginatus Britt. et Rose et <strong>du</strong><br />

Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose, deux espèces bien


Fig. 129. — Bouturage d’artic<strong>les</strong> d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss.<br />

(Nopal de San Gabriel)<br />

Environs de Ocotlan (État de Oaxaca)


510 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

différentes, qui réalisent, comme on l’a vu au chapitre des<br />

clôtures avec <strong>les</strong> Cactacées, <strong>les</strong> meilleures conditions de<br />

propreté. Le Chapistle, comme on le nomme simplement<br />

dans la région, présente en outre l’avantage de fournir de<br />

longs aiguillons qui trouvent leur emploi dans le travail<br />

de la nopalerie en servant d’éping<strong>les</strong> pour détruire et écra-<br />

ser <strong>les</strong> parasites.<br />

Lorsque l’enclos est bien établi et le sol bien défriché,<br />

on procède à la plantation des Opuntia destinés à la nourriture<br />

de la Cochenille. Pour cela, à l’aide d’une sorte de<br />

houe appelée dans le pays Coa ou mieux d’une charrue, on<br />

trace des sillons aussi droits et aussi parallè<strong>les</strong> que le<br />

permet la configuration <strong>du</strong> terrain, en <strong>les</strong> espaçant <strong>les</strong> uns<br />

des autres d’un peu moins de 1 mètre.<br />

Sur le parcours de ces sillons on pratique une série de<br />

petites excavations peu profondes et régulièrement espa-<br />

cées, qui serviront à recevoir <strong>les</strong> boutures de Nopals ; la<br />

profondeur de ces excavations variant suivant la qualité<br />

de la terre, on ne dépasse pas une dizaine de centimètres<br />

dans <strong>les</strong> terrains meub<strong>les</strong> et ferti<strong>les</strong> ; dans <strong>les</strong> sols pierreux,<br />

stéri<strong>les</strong> et argileux, on va jusqu’à vingt centimètres.<br />

boutuRage des plants. — Pour effectuer le bouturage<br />

des Nopals, on choisit, dans une ancienne plantation ou<br />

dans une pépinière, des artic<strong>les</strong> en excellent état de végé-<br />

tation, c’est-à-dire des artic<strong>les</strong> tendres, bien gorgés de sucs,<br />

propres, de belle venue et d’un vert foncé, que l’on sépare<br />

de leur point d’attache à l’aide d’un couteau bien affilé, en<br />

ayant soin de pratiquer une section nette au-dessous de<br />

leur étranglement.<br />

Les boutures ainsi recueillies sont ensuite déposées dans<br />

un endroit sec, pendant un temps qui peut varier, selon<br />

la saison, de un à trois mois. Dans ces conditions, el<strong>les</strong><br />

subissent un commencement de dessiccation <strong>les</strong> obligeant<br />

à entrer en repos végétatif, ce qui leur permettra, peu après<br />

leur plantation, de reprendre avec vigueur et sans crainte<br />

de la pourriture.<br />

Lorsque <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals sont plantés (fig. 129), on


chapitRe xvii 511<br />

<strong>les</strong> abandonne à eux-mêmes jusqu’à ce qu’ils aient fourni<br />

une ramification suffisamment bien conditionnée pour être<br />

en état de pourvoir avantageusement à un élevage de Coche-<br />

nil<strong>les</strong> (fig. 130).<br />

Pendant leur croissance, <strong>les</strong> boutures de Nopals ne récla-<br />

ment que peu de soins, une inspection effectuée de temps<br />

Fig. 130. — Plantation récente d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss.<br />

(Nopal de San Gabriel) avant l’établissement de l’abri.<br />

en temps est amplement suffisante. Il faut surtout veiller à<br />

ce que le sol ne devienne ni trop humide ni trop sec ; de<br />

plus, ont doit le sarcler de temps en temps afin d’éviter<br />

l’envahissement et l’étouffement par <strong>les</strong> mauvaises herbes<br />

et la végétation spontanée. Il est nécessaire également de<br />

prendre garde à ce que tous <strong>les</strong> sujets, pendant leur crois-<br />

sance, se développent normalement et que <strong>les</strong> nouveaux<br />

artic<strong>les</strong> qui surgissent des boutures ne se touchent pas


512 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

dans leur entrecroisement avec ceux de la plante voisine ;<br />

<strong>les</strong> plants qui offriraient une allure trop défectueuse ou<br />

trop désordonnée doivent être éliminés et remplacés.<br />

Les Nopals cochenillico<strong>les</strong> réclament, suivant <strong>les</strong> loca-<br />

lités, un temps plus ou moins long pour atteindre le moment<br />

de leur exploitation. Dans <strong>les</strong> régions assez chaudes, comme<br />

Fig. 131. — Tapextle ou abri permanent.<br />

Village de San Pedro près de Ocotlan (État de Oaxaca).<br />

la vallée de Oaxaca, on compte habituellement de un à deux<br />

ans ; mais dans <strong>les</strong> endroits plus élevés des montagnes,<br />

comme par exemple à Sosola, qui fut dans la Haute-Mix-<br />

tèque un centre de pro<strong>du</strong>ction de la Cochenille et où la<br />

température est soumise à des écarts assez brusques, la<br />

croissance des Opuntia est sujette à des arrêts ; elle est,<br />

par conséquent, moins rapide et peut alors réclamer jusqu’à<br />

trois ans.


Fig. 132. — Opuntia Ficus-indica Mill., var. splendida Web. (Nopal de Castilla<br />

ensemencé de Cochenil<strong>les</strong> et placé sous un abri permanent.<br />

33<br />

Environs de Ocotlan (État de Oaxaca).


514 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

abRis de pRotection. — Lorsque l’époque d’utilisation<br />

et de mise en oeuvre de la nopalerie est arrivée, on établit<br />

sur toute la plantation des systèmes de couvertures qui ont<br />

pour objet de préserver <strong>les</strong> essaims de Cochenil<strong>les</strong> contre<br />

l’action directe <strong>du</strong> soleil, de la pluie, de la grêle, des fortes<br />

rosées et <strong>du</strong> rayonnement nocturne. Ces abris ont en outre<br />

l’avantage, par leur ombre portée, de provoquer un léger<br />

étiolement des Opuntia et par là de conserver à leurs<br />

artic<strong>les</strong> une délicatesse d’épiderme apte à favoriser la<br />

régularité de répartition des jeunes Cochenil<strong>les</strong> au moment<br />

où el<strong>les</strong> viennent se fixer.<br />

On emploie deux sortes d’abris : un permanent et un<br />

mobile.<br />

L’abri permanent (fig. 131 et 132), consiste en une sorte<br />

de toiture appelée dans le pays Tapextle 1 , qui est confectionnée<br />

avec des branchages que l’on fixe, à l’aide de<br />

ligatures, sur des traverses soutenues à hauteur d’homme<br />

par des piquets de place en place dans la nopalerie. Ce<br />

genre de toiture, qui s’emploie pendant la saison sèche,<br />

tamise bien <strong>les</strong> rayons solaires et protège également contre<br />

<strong>les</strong> accidents que peuvent occasionner <strong>les</strong> intempéries ; il<br />

permet une circulation d’air suffisante pour dissiper sans<br />

brusquerie l’humidité.<br />

A la saison des pluies, où quotidiennement de violents<br />

orages ont lieu, on a presque exclusivement recours à l’abri<br />

mobile. Pour constituer ce dernier, on étend sur des arceaux<br />

fichés en terre (fig. 133), ces sortes de paillassons ou de<br />

nattes tressées que l’on désigne au Mexique sous le nom<br />

de Petates ou, à leur défaut, ces fortes toi<strong>les</strong> servant aux<br />

emballages. Ce système d’abri, qui préserve mieux contre<br />

<strong>les</strong> pluies torrentiel<strong>les</strong>, a en outre l’avantage de pouvoir<br />

1. On donne au Mexique le nom de Tapextle ou Tapescle (<strong>du</strong> nahualt<br />

Tlapextli = lit) à ces sortes de claies fabriquées avec des tiges droites et<br />

flexib<strong>les</strong> comme par exemple <strong>les</strong> tiges grê<strong>les</strong> de Bambou, que l’on<br />

réunit à l’aide de cordelettes de façon à pouvoir être roulées ou<br />

éten<strong>du</strong>es en tapis ; ces Tlapext<strong>les</strong>, suivant leur forme ou leur dimension,<br />

ont des usages multip<strong>les</strong> dans la vie domestique des indigènes.


chapitRe xvii 515<br />

se déplacer facilement pour permettre une exposition<br />

rapide au soleil au cas où une humidité trop forte vien-<br />

drait à se pro<strong>du</strong>ire sur la plantation.<br />

INSTRUMENTS SERVANT AU TRAVAIL<br />

DE LA COCHENILLE<br />

Si le travail pendant toute la <strong>du</strong>rée de l’élevage de la<br />

Cochenille est très méticuleux, par contre <strong>les</strong> outils et<br />

Fig. 133. — Arceaux servant à soutenir un abri mobile.<br />

De chaque côté on voit de nombreux artic<strong>les</strong> que l’on a insolés<br />

en vue d’une préparation au bouturage dans une autre nopalerie.<br />

ustensi<strong>les</strong> qui doivent servir aux opérations sont des plus<br />

simp<strong>les</strong> et des plus rudimentaires. Ils consistent :


516 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

1° En des sortes de petits paniers cylindriques en forme<br />

d’étuis, longs d’environ 10 centimètres sur 3 centimètres<br />

de diamètre, faits de feuil<strong>les</strong> de palmier tressées et dans<br />

<strong>les</strong>quels on place, au moment de la ponte, <strong>les</strong> mères Coche-<br />

nil<strong>les</strong> qui doivent servir à l’ensemencement des Nopals.<br />

Fig. 134. — Étui d’ensemencement pour la Cochenille<br />

employé dans <strong>les</strong> nopaleries de la vallée de Oaxaca.<br />

Ces étuis (fig. 134), sont garnis de Paxtle ou, autrement<br />

dit, de frondaisons de Tillandsia usneoides L. sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong><br />

<strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> effectueront leur ponte et où <strong>les</strong> nouveau-<br />

nés rencontreront la fraîcheur et l’humidité nécessaires<br />

pour vivre un certain temps avant d’aller se fixer sur <strong>les</strong><br />

Nopals ;<br />

2° Une sorte de pinceau fait habituellement avec la queue<br />

d’une moufette ou d’un écureuil, que l’on emmanche sur


Fig. 135. — Zilhuastle : brosse faite avec la base d’une<br />

feuille d’Agave, servant à la récolte de la Cochenille.


518 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

une tige de bois. Ce pinceau ou plutôt cette époussette,<br />

dont <strong>les</strong> poils sont très soyeux et de contact très doux,<br />

permet, sans b<strong>les</strong>ser <strong>les</strong> sujets de l’élevage, de <strong>les</strong> débar-<br />

rasser de leurs souillures, dont l’accumulation pourrait,<br />

tout en entravant leur développement, favoriser le pullu-<br />

lement de certains parasites. Ce pinceau est appelé Escobedilla<br />

(petit balai) ; il est surtout employé pour nettoyer<br />

<strong>les</strong> essaims de Cochenil<strong>les</strong> au moment de leur deuxième<br />

mue, c’est-à-dire à l’époque où l’insecte entre en nymphose.<br />

3° Le Zilhuastle ou Chilihuastl (fig. 135), sorte de brosse<br />

plate assez ingénieuse quoique très primitive, fabriquée à<br />

l’aide d’un fragment de base de feuille d’Agave, dont on a<br />

décortiqué seulement <strong>les</strong> fibres de la partie inférieure et<br />

taillé la partie restante de façon à constituer un manche.<br />

Cet instrument sert à brosser <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals au<br />

moment de la récolte pour arracher <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> qui y<br />

adhèrent ;<br />

4° Des aiguillons de Chapistle qui servent alors de poinçons<br />

ou d’éping<strong>les</strong> pour piquer, écraser et débarrasser <strong>les</strong><br />

essaims de Cochenil<strong>les</strong> des nombreux parasites qui sont<br />

venus s’y mêler ;<br />

5° Le Chilcalpetl ou bâtée, généralement en bois, servant<br />

à recueillir <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> au fur et à mesure que le<br />

Zilhuastle <strong>les</strong> fait tomber de l’article de Nopal.<br />

CONDUITE D’UN ÉLEVAGE DE COCHENILLES<br />

Lorsque la nopalerie est en état d’être mise en exploita-<br />

tion et que <strong>les</strong> abris ont été placés, on procède à l’ensemen-<br />

cement de la Cochenille. Pour cela, à l’aide d’aiguillons de<br />

Chapistle, on fixe sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> des Nopals <strong>les</strong> étuis garnis<br />

de Paxtle et dans <strong>les</strong>quels on a enfermé <strong>les</strong> mères Cochenil<strong>les</strong><br />

au moment de leur ponte (fig. 136).<br />

La Cochenille, comme on l’a vu plus haut, est ovovi-<br />

pare ; elle met, au dire des éleveurs, une quinzaine de jours<br />

à se débarrasser de la totalité de sa ponte. Les jeunes


Fig. 136. — Étuis d’ensemencement de Cochenil<strong>les</strong> fixés, sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />

d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss. (Nopal de San Gabriel)<br />

au moyen d’aiguillons de Chapistle (Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose).


520 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Cochenil<strong>les</strong>, à mesure de leur naissance, restent quelque<br />

temps immobi<strong>les</strong>, puis se répandent sur le Paxtle, où el<strong>les</strong><br />

subissent un temps de repos pendant lequel el<strong>les</strong> se forti-<br />

fient avant d’aller se répartir aux endroits où el<strong>les</strong> doivent<br />

rencontrer leur subsistance 1 . À mesure que <strong>les</strong> jeunes<br />

Cochenil<strong>les</strong> s’échappent de leur étui d’incubation, el<strong>les</strong> vont<br />

se répandre sur la surface des artic<strong>les</strong> de Nopals, où, après<br />

avoir choisi un endroit à leur convenance, el<strong>les</strong> se fixent<br />

définitivement.<br />

Quoique ce procédé d’incubation artificielle donne <strong>les</strong><br />

meilleurs résultats, l’ensemencement des Cochenil<strong>les</strong> ne se<br />

fait pas toujours par l’intermédiaire des étuis incubateurs ;<br />

on laisse alors, au moment où l’on pratique la récolte, une<br />

partie des mères pondeuses sur place afin que le pro<strong>du</strong>it de<br />

leur ponte vienne peu à peu remplacer sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong>, <strong>les</strong><br />

Cochenil<strong>les</strong> que l’on avait d’abord éliminées. Ce procédé<br />

d’ensemencement, qui est beaucoup plus simple, mais par<br />

contre beaucoup moins avantageux et moins parfait pour<br />

la répartition régulière des essaims, était surtout usité par<br />

<strong>les</strong> Indiens ne disposant que de petites plantations de<br />

Nopals, ou encore par ceux qui entretenaient et récoltaient<br />

la Cochenille sauvage ; <strong>les</strong> nopaleros appelaient ce mode<br />

d’ensemencement desmadrar la grana.<br />

Un fait curieux et qui est digne d’être pris en considéra-<br />

tion, si l’on envisage <strong>les</strong> détails d’un élevage de Cochenil<strong>les</strong>,<br />

c’est que <strong>les</strong> nopaleros laissent <strong>les</strong> Araignées s’établir libre-<br />

ment sur toute l’éten<strong>du</strong>e de leur plantation. Le concours<br />

de ces animaux n’est pas, comme on l’a constaté, une<br />

chose négligeable dans la con<strong>du</strong>ite d’un bon élevage.<br />

Quoique <strong>les</strong> Araignées soient éminemment carnassières et<br />

fassent leur proie de n’importe quel insecte, el<strong>les</strong> ne s’atta-<br />

quent jamais aux Cochenil<strong>les</strong>, ce qui fait que leur présence<br />

sur une nopalerie est un événement très avantageux, car<br />

1. Alzate, qui avait eu fermé des pontes de Cochenil<strong>les</strong> dans des tubes<br />

de verre, constata que <strong>les</strong> jeunes Cochenil<strong>les</strong> pouvaient vivre une<br />

quinzaine de jours sans prendre de nourriture.


chapitRe xvii 521<br />

el<strong>les</strong> deviennent alors des auxiliaires précieux non seule-<br />

ment pour la défense, mais encore pour la régularisation de<br />

l’essaimage. Les toi<strong>les</strong> qu’el<strong>les</strong> tendent sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />

constituent en tout temps des protections contre <strong>les</strong> enne-<br />

mis ailés ; de plus, <strong>les</strong> filaments de ces toi<strong>les</strong>, grâce à leur<br />

disposition symétrique, deviennent au moment de l’exode<br />

des jeunes, des cordeaux de direction qui, tout en détermi-<br />

nant la régularité de répartition, permettent à ces jeunes<br />

le passage sur un autre article, au cas où le premier n’offri-<br />

rait plus de place à leur convenance.<br />

L’essaimage complet de la Cochenille sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de<br />

Nopals <strong>du</strong>re environ deux semaines, ce qui correspond à<br />

la lente ponte des mères Cochenil<strong>les</strong> et en même temps à<br />

la dernière période de leur existence.<br />

Lorsque l’on voit qu’un article de la plante nourricière<br />

est suffisamment pourvu de sa quantité de naissains, on<br />

détache <strong>les</strong> étuis incubateurs et s’ils ne sont pas complè-<br />

tement débarrassés des pro<strong>du</strong>its de la ponte, on <strong>les</strong> reporte<br />

sur d’autres artic<strong>les</strong> non ensemencés ou incomplètement<br />

couverts.<br />

Une fois bien garnis de leur ensemencement, <strong>les</strong> plants<br />

de Nopals doivent être soumis à une surveillance des plus<br />

actives afin que tout s’accomplisse en bonne condition.<br />

Au moment où, chez <strong>les</strong> essaims de Cochenil<strong>les</strong>, vient à<br />

se pro<strong>du</strong>ire la seconde mue, on procède à un soigneux<br />

nettoyage de toute la surface des artic<strong>les</strong>, afin d’éliminer<br />

complètement <strong>les</strong> déchets de la mue précédente, <strong>les</strong> amas<br />

de déjections de l’insecte mêlés aux poussières et aux<br />

filaments de toi<strong>les</strong> d’Araignées, détritus qui, si on <strong>les</strong> lais-<br />

sait s’accumuler, nuiraient au développement normal des<br />

Cochenil<strong>les</strong>, en même temps qu’ils pourraient devenir des<br />

foyers d’infection propices au pullulement d’insectes nui-<br />

sib<strong>les</strong>.<br />

Après cette délicate opération que l’on effectue à l’aide<br />

de l’Escobedilla, et qui demande à être pratiquée avec<br />

précaution et dextérité pour ne pas endommager <strong>les</strong> frê<strong>les</strong><br />

élevages, le nopalero doit, chaque jour, faire une minu-


522 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

tieuse inspection, article par article, de tous <strong>les</strong> Nopals<br />

composant sa plantation, afin de <strong>les</strong> maintenir en parfait<br />

état de propreté, et ensuite d’opérer la destruction de tous<br />

<strong>les</strong> parasites qui ont pu s’y établir.<br />

Ce dernier travail, qui est fort minutieux et qui nécessite<br />

une patiente attention, consiste en une sorte d’échenillage<br />

fait à la main. Il s’exécute de la façon la plus simple<br />

à l’aide d’aiguillons de Chapistle qui servent alors de poin-<br />

çons pour piquer, écraser et extirper <strong>les</strong> parasites au fur<br />

et à mesure qu’on <strong>les</strong> découvre.<br />

Lorsque la quatrième mue a lieu, ce qui représente chez<br />

ces insectes la sortie de la nymphose, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> sont<br />

parvenues à leur état parfait. Les mâ<strong>les</strong> qui, jusqu’alors,<br />

vivaient mêlés aux femel<strong>les</strong> sur le même terrain et dont on<br />

ne pouvait guère commencer à <strong>les</strong> distinguer que lorsqu’ils<br />

étaient parvenus à l’état de nymphe, deviennent ailés et<br />

abandonnent définitivement la plante nourricière pour<br />

venir voltiger autour des femel<strong>les</strong> et procéder à leur fécon-<br />

dation ; ils ne prennent plus alors de nourriture et leur<br />

existence est de courte <strong>du</strong>rée.<br />

Le départ des mâ<strong>les</strong> qui représentaient environ la moitié<br />

de l’effectif des essaims, laisse plus de sève à la disposition<br />

des femel<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-ci, bénéficiant d’un regain de subsis-<br />

tance, augmentent rapidement de volume jusqu’à ce<br />

qu’el<strong>les</strong> arrivent au moment de cette ponte qui doit mar-<br />

quer le début <strong>du</strong> terme de leur vie.<br />

On reconnaît que <strong>les</strong> femel<strong>les</strong> sont prêtes à effectuer<br />

leur ponte à ce que quelques-unes, plus précoces que <strong>les</strong><br />

autres, émettent à l’extrémité de l’abdomen une goutte-<br />

lette de liquide coloré en rouge.<br />

L’apparition de cette gouttelette, que <strong>les</strong> nopaleros nom-<br />

ment limos, est l’indice <strong>du</strong> moment opportun où l’on doit,<br />

sans plus tarder, procéder à la récolte des Cochenil<strong>les</strong>, car<br />

si on laissait s’effectuer la ponte même en partie, l’insecte<br />

perdrait, comme on l’a vu plus haut, toute sa valeur mar-<br />

chande.


chapitRe xvii 523<br />

Récolte de la cochenille. — La récolte de l’insecte<br />

colorant s’exécute par un rapide brossage au Zilhuastle, sur<br />

toute l’éten<strong>du</strong>e des artic<strong>les</strong> couverts de Cochenil<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-<br />

ci, brusquement arrachées <strong>du</strong> point où el<strong>les</strong> étaient fixées,<br />

sont recueillies dans le Chilcalpetl, puis on réunit toute la<br />

récolte et on la répartit en deux lots dont l’un, le moins<br />

volumineux, est destiné à la propagation et l’autre à l’in-<br />

<strong>du</strong>strie tinctoriale.<br />

Le lot réservé à la propagation est réparti immédiatement<br />

dans <strong>les</strong> étuis incubateurs où <strong>les</strong> femel<strong>les</strong> pourront, en<br />

toute sécurité et commodité, procéder à leur ponte, grâce<br />

au Paxtle qui fournit l’humidité suffisante pour el<strong>les</strong> et leur<br />

génération.<br />

Le lot destiné au commerce doit subir un traitement<br />

particulier assurant sa conservation indéfinie.<br />

pRocédés de tRaitement pouR la conseRvation de la<br />

cochenille. — Si, après la récolte, on abandonnait la<br />

Cochenille à elle-même et en tas, elle ne tarderait pas à<br />

mourir en subissant une fermentation qui entraînerait sa<br />

pourriture et par suite la destruction de sa matière colo-<br />

rante. Aussi, pour obvier à cet inconvénient et assurer au<br />

pro<strong>du</strong>it une parfaite conservation, a-t-on soin de le sou-<br />

mettre à un traitement ayant pour objet de tuer brusque-<br />

ment la Cochenille en coagulant par la chaleur ses<br />

substances fermentescib<strong>les</strong>.<br />

Les différents procédés mis en pratique pour obtenir ce<br />

résultat sont : l’étuvage, l’eau chaude, la vapeur d’eau, la<br />

chaleur sèche.<br />

Pour le premier procédé, on emploie un four à chauffage<br />

intérieur, dont on a eu soin de modérer la température des<br />

parois par la projection d’une certaine quantité d’eau,<br />

opération qui a, en outre, pour effet de créer dans l’enceinte<br />

une atmosphère uniformément chaude et humide. On place<br />

alors dans le four ainsi préparé des lots de 20 ou 30 kilo-<br />

grammes de Cochenil<strong>les</strong> contenus dans des sacs en toile<br />

et on laisse le tout pendant le temps nécessaire pour que


524 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

la vapeur l’ait complètement pénétré, puis on défourne et<br />

on expose ces lots à l’air libre jusqu’à ce qu’ils aient per<strong>du</strong><br />

leur humidité.<br />

Pour l’étuvage à sec, on a recours au Temazcalli, sorte<br />

d’étuve assez vaste construite en maçonnerie dont <strong>les</strong><br />

Indiens se servaient jadis pour <strong>les</strong> bains de vapeur ; dans<br />

l’intérieur de cette sorte de chambre chaude, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong><br />

ne sont plus placées en sacs, mais répan<strong>du</strong>es en couches<br />

peu épaisses, sur des nattes ou paillassons que l’on nomme<br />

dans le pays Petates ; l’opération peut ainsi se con<strong>du</strong>ire<br />

beaucoup plus régulièrement.<br />

Ces deux procédés d’étuvage permettent de conserver,<br />

<strong>du</strong> moins en partie, l’exsudat cireux et poudreux garnis-<br />

sant <strong>les</strong> segments abdominaux de l’insecte ; c’est un avan-<br />

tage qui, jusqu’à un certain point, permet de reconnaître<br />

à première vue si la Cochenille domestique a été mélangée<br />

avec la forme sauvage ; aussi le pro<strong>du</strong>it obtenu, auquel on<br />

donnait le nom de Grana jaspeada, était-il particulièrement<br />

apprécié des négociants.<br />

Le procédé de préparation par la vapeur ou par l’eau<br />

bouillante consiste à placer sur un récipient, où l’on main-<br />

tient de l’eau en ébullition, des sacs contenant de la Coche-<br />

nille ; lorsque la vapeur s’échappe à travers ces derniers,<br />

l’opération est terminée.<br />

Le procédé, plus expéditif, de l’eau bouillante, consiste à<br />

précipiter brusquement dans une bassine contenant de l’eau<br />

en ébullition, une certaine quantité de Cochenil<strong>les</strong> que<br />

’on agite à l’aide d’une palette ; puis, lorsque la Cochenille<br />

est devenue complètement noire, on la retire et on l’étend<br />

au soleil pendant un jour ou deux afin d’achever de la<br />

sécher.<br />

Ces deux procédés, moins parfaits que ceux de l’étuvage,<br />

fournissent un pro<strong>du</strong>it d’une teinte roussâtre, auquel on<br />

donne sur <strong>les</strong> marchés le nom de Grana renegrida.<br />

La troisième méthode, qui est celle de la chaleur sèche,<br />

donne ce que l’on appelle la Grana negra ; cette dernière,<br />

qui était surtout préparée par <strong>les</strong> Indiens ne disposant que


chapitRe xvii 525<br />

de faib<strong>les</strong> récoltes, était obtenue par deux procédés diffé-<br />

rents. Dans un de ces procédés, on mélangeait la Coche-<br />

nille avec de la cendre chaude avec laquelle on la mainte-<br />

nait en continuel état d’agitation ; lorsque la Cochenille<br />

était à peu près desséchée, on la séparait de la cendre par<br />

un passage au tamis. L’autre procédé consistait à chauffer<br />

directement l’insecte sur la plaque de terre cuite, désignée<br />

sous le nom de Comal, dont <strong>les</strong> indigènes se servent dans<br />

leurs usages domestiques pour la cuisson de ces galettes<br />

de maïs dont ils font leur alimentation courante.<br />

Ces derniers procédés, par trop primitifs, sont en outre<br />

assez défectueux, car ils ont souvent l’inconvénient de tor-<br />

réfier une partie des Cochenil<strong>les</strong> et de leur faire perdre<br />

par là de la valeur marchande.<br />

La coagulation de la Cochenille est indispensable non<br />

seulement pour sa propre conservation, mais aussi pour<br />

celle de son principe colorant, car ce dernier subissant alors<br />

une combinaison avec <strong>les</strong> matières grasses et <strong>les</strong> albumi-<br />

noïdes, acquiert une solidité qui lui permet de résister pour<br />

ainsi dire indéfiniment à l’action destructive <strong>du</strong> temps, de<br />

l’air et de la lumière.<br />

CATÉGORIES COMMERCIALES DE COCHENILLE<br />

Une fois desséchée, la Cochenille doit subir un triage au<br />

crible afin qu’elle puisse être, suivant sa dimension, répartie<br />

en quatre sortes commercia<strong>les</strong>.<br />

La première catégorie, qui est celle de choix, se nomme<br />

Engorda<strong>du</strong>ra ; elle représente l’insecte normalement et com-<br />

plètement développé. Les trois autres catégories sont cel<strong>les</strong><br />

qui sont dites : Media grana, Granilla et Mostacilla. Ces<br />

trois sortes se différencient par leur volume, la dernière<br />

étant la plus petite ainsi que l’indique sa dénomination<br />

diminutive de Mostacilla (petite graine de moutarde) ; elle<br />

représente un échantillonnage de Cochenil<strong>les</strong> atrophiées<br />

ou incomplètement développées


526 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

En plus de cette répartition commerciale, sur laquelle<br />

se fait l’empaquetage en vue de l’exportation et de la<br />

vente courante sur <strong>les</strong> marchés, on utilise comme sous-<br />

pro<strong>du</strong>its de l’élevage, deux sortes de déchets, qui trouvent<br />

encore leur utilisation dans l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale ; on<br />

désigne alors ces rési<strong>du</strong>s d’exploitation sous <strong>les</strong> noms de<br />

Zacatillo et de Tlazole.<br />

Le Zacatillo est fourni par <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> qui ont pon<strong>du</strong><br />

dans <strong>les</strong> étuis d’ensemencement ; ces dernières, quoique<br />

vidées à peu près complètement par leur ponte, conservent<br />

néanmoins, dans leurs téguments, encore une quantité<br />

appréciable de matière colorante ; le nom de Zacatillo vient<br />

de ce que l’on a récolté ce bas pro<strong>du</strong>it dans <strong>les</strong> boures de<br />

Paxtle ayant servi à garnir <strong>les</strong> étuis d’ensemencement<br />

(Zacatl = herbe, foin).<br />

Le dernier, qui est le Tlazole (Tlazolli = déchet, balayure),<br />

consiste dans tous <strong>les</strong> rési<strong>du</strong>s que le crible a retenus et qui<br />

sont constitués par des détritus de toutes sortes composés<br />

en majeure partie des mues et débris de Cochenil<strong>les</strong>, prin-<br />

cipalement des mâ<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> corps ont été retenus par<br />

<strong>les</strong> toi<strong>les</strong> d’Araignées : ce Tlazole contient encore une certaine<br />

quantité de matière colorante, ce qui lui permet une<br />

utilisation dans la petite in<strong>du</strong>strie tinctoriale de la localité.<br />

DIFFÉRENTS MODES DE CULTURE INDIGÈNE<br />

Les procédés d’exploitation de la Cochenille et de la<br />

culture de ses Nopals nourriciers, qui viennent d’être expo-<br />

sés, sont ceux que l’on pratiquait dans <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> nopa-<br />

leries de la vallée de Oaxaca. Dans d’autres régions de l’In-<br />

tendance de Oaxaca, où l’entreprise d’élevage de la Coche-<br />

nille était prospère, mais où le climat était loin de présenter<br />

la même uniformité, on était obligé de modifier <strong>les</strong><br />

méthodes d’élevage, afin de <strong>les</strong> adapter aux exigences<br />

régiona<strong>les</strong>.<br />

Dans son rapport daté <strong>du</strong> 21 février 1759, Francisco


chapitRe xvii 527<br />

Ibañez de Corvera, alcade-major de Zimathan, dit que, dans<br />

sa juridiction, on proportionne <strong>les</strong> procédés d’élevage aux<br />

conditions de terroir et de climat. C’est ainsi, affirme-t-il,<br />

que dans la région de Sosola, dont le climat peut parfois<br />

devenir momentanément assez rude, on ne pratique pas<br />

l’élevage de la Cochenille réservée à la propagation sur des<br />

plants maintenus en nopalerie, mais, bien au contraire, sur<br />

des artic<strong>les</strong> de Nopals séparés de la plante. Ces derniers<br />

sont d’abord enserrés, pendant une vingtaine de jours, dans<br />

des grottes ou dans des abris obscurs, afin de leur faire<br />

subir un léger étiolement ; puis on <strong>les</strong> place, suspen<strong>du</strong>s,<br />

sous des hangars couverts de chaume et on procède à leur<br />

ensemencement au mois de mai comme cela a lieu <strong>du</strong> reste<br />

dans <strong>les</strong> grandes nopaleries de la vallée de Oaxaca. Lorsque<br />

le moment de la ponte de cette Cochenille régénérée est<br />

arrivé, on la récolte pour la transporter sur des plants<br />

entretenus en nopalerie.<br />

Dans la région de Nejapa (Santo Domingo), <strong>du</strong> district<br />

de Jautepec, qui est la région la plus chaude où l’élevage<br />

de la Cochenille domestique ait été entreprise d’une façon<br />

courante, on laisse, comme on l’a vu d’après le rapport de<br />

Pantaleon Ruiz y Montoya, l’insecte colorant se développer<br />

spontanément et librement sur <strong>les</strong> Nopals, tout en ayant<br />

soin de pratiquer la surveillance assi<strong>du</strong>e que comporte un<br />

élevage aussi délicat.<br />

De Humboldt, dans son essai sur la Nouvelle Espagne,<br />

mentionne encore la coutume curieuse mise en usage par<br />

<strong>les</strong> indigènes habitant la Sierra d’Ixtepec, qui consiste à<br />

faire voyager la Cochenille afin de supprimer par des<br />

changements de climat l’emploi des abris protecteurs et<br />

le passage régénérateur de la Cochenille sur le Nopal de<br />

Castilla.<br />

Dans la région de cette sierra, de climat assez sec, où il<br />

ne pleut que pendant la période comprise entre décembre<br />

et avril, <strong>les</strong> Indiens placent <strong>les</strong> lots de Cochenil<strong>les</strong> destinées<br />

à la propagation et obtenues à la fin de la saison, de mai<br />

à août, en couches stratifiées sur des feuil<strong>les</strong> de palmier


528 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

qu’ils disposent dans de grandes corbeil<strong>les</strong> en jonc tressé,<br />

afin de pouvoir <strong>les</strong> transporter facilement et sans encombre<br />

à une autre station d’élevage située sur une sierra distante<br />

de neuf lieues de la ville de Oaxaca. Pendant le trajet, <strong>les</strong><br />

Cochenil<strong>les</strong> commencent leur ponte, de sorte qu’à l’arrivée<br />

à destination, on trouve sur la garniture des corbeil<strong>les</strong> de<br />

nombreux jeunes dont il n’y a plus qu’à faire la distribution<br />

dans <strong>les</strong> nopaleries aménagées à cet effet.<br />

A partir d’octobre, où a lieu la récolte, on fait subir un<br />

nouveau transport aux Cochenil<strong>les</strong> pondeuses et, cette fois,<br />

on <strong>les</strong> ensemence dans <strong>les</strong> nopaleries des vallées où le<br />

climat est, à cette saison, plus sec et plus clément que<br />

celui des montagnes.<br />

Un fait certain et qui a pu être reconnu par une longue<br />

expérience, c’est que la Cochenille, à quelque catégorie ou<br />

variété qu’elle appartienne, préfère pour sa nourriture des<br />

Nopals très gorgés de sucs et en même temps en bonne<br />

condition de végétation ; cela ne peut bien se réaliser en<br />

tout temps que sous des climats suffisamment chauds et<br />

réguliers. Par contre, dans <strong>les</strong> pays soumis à un régime<br />

climatérique un peu froid, la Cochenille acquiert une<br />

constitution meilleure, plus robuste et plus vigoureuse,<br />

mais avec cette restriction qu’elle s’y montre moins proli-<br />

fique.<br />

Aussi ce sont en grande partie ces considérations qui<br />

motivent le choix de la vallée de Oaxaca pour y établir<br />

l’entreprise en grand des nopaleries à Cochenil<strong>les</strong>, et où,<br />

selon de Humboldt, on pouvait, au commencement <strong>du</strong><br />

xix e siècle, voir des haciendas possédant jusqu’à 60.000<br />

plants de Nopals consacrés uniquement à l’é<strong>du</strong>cation de la<br />

Cochenille.<br />

En somme, il ressort de ces faits que ce sont <strong>les</strong> condi-<br />

tions climatériques, jointes aux considérations économi-<br />

ques, qui furent surtout <strong>les</strong> causes ayant dicté <strong>les</strong> différents<br />

modes employés dans l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille.<br />

Ce qui le prouve bien, c’est que <strong>les</strong> Espagnols, pour ne<br />

pas perdre le bénéfice d’une entreprise aussi fructueuse,


chapitRe xvii 529<br />

lorsqu’ils se virent contraints par <strong>les</strong> événements politiques<br />

à la transporter dans la mère patrie, eurent recours à des<br />

procédés tout différents et qui s’adaptaient alors avec leur<br />

système d’agriculture.<br />

Dans <strong>les</strong> élevages qui furent entrepris dans le sud de<br />

l’Espagne et aux Î<strong>les</strong> Canaries, on ne se conforma pas,<br />

comme l’apprend le mémoire de Hermann von Honegger<br />

cité plus haut, à l’emploi de ces nopaleries de surface<br />

limitée préconisées au Mexique, mais on utilisa <strong>les</strong> plan-<br />

tations d’Opuntia déjà existantes et dont on s’était servi<br />

jusqu’alors pour une pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />

Deux sortes d’Opuntia furent préconisées, mais ce ne<br />

fut pas, comme dans <strong>les</strong> élevages mixtèques, pour des des-<br />

tinations particulières.<br />

Ces deux espèces étaient l’O. Hernandezii DC., reconnu<br />

comme étant le plus avantageux pour une pro<strong>du</strong>ction<br />

intensive, et qui fut alors naturalisé à l’île Palma, et<br />

l’O. Ficus-indica Mill. que l’auteur, par suite d’une équivoque<br />

de dénomination, appelle O. Tuna Mill. Cultivé<br />

depuis longtemps dans le pays pour le commerce de ses<br />

fruits, l’O. Ficus-indica fut seulement, pour sa nouvelle<br />

application, sélectionné afin de réaliser une forme moins<br />

riche en fructification, mais, par contre, mieux conditionnée<br />

sous le rapport de la constitution de ses artic<strong>les</strong>.<br />

Le mode de récolte des Cochenil<strong>les</strong> fut également modi-<br />

fié ; au lieu de la faire sur la plante même, on coupait <strong>les</strong><br />

artic<strong>les</strong> chargés de Cochenil<strong>les</strong>, puis, lorsqu’on <strong>les</strong> avait<br />

dépouillés de leurs essaims, ils étaient rejetés ou, pour ne<br />

pas <strong>les</strong> perdre, on s’en servait, après <strong>les</strong> avoir ré<strong>du</strong>its en<br />

fragments, comme fourrage pour le bétail ou comme<br />

engrais vert pour améliorer <strong>les</strong> terrains trop arides.<br />

Ce procédé, quelque brutal et peu économique qu’il puisse<br />

paraître à première vue, avait l’avantage de supprimer le<br />

séjour régénérateur d’une génération de Cochenil<strong>les</strong> sur le<br />

Nopal de Castilla, car il permettait d’offrir aux essaims de<br />

Cochenil<strong>les</strong> des artic<strong>les</strong> nourriciers toujours neufs et<br />

n’ayant pas subi d’épuisement par <strong>les</strong> effets d’élevages<br />

successifs.<br />

34


530 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

PARASITES ET MALADIES DES COCHENILLES<br />

ET DES OPUNTIA<br />

Les élevages de Cochenil<strong>les</strong> sont sujets à de nombreuses<br />

causes de dommages qui, si on n’y prend garde et si on n’y<br />

remédie pas, peuvent compromettre sérieusement le succès<br />

de l’entreprise.<br />

Les causes de destruction qui peuvent surgir au cours des<br />

opérations, et qui menacent aussi bien la Cochenille que la<br />

plante sur laquelle elle vit, sont variées et comportent non<br />

seulement des destructeurs éventuels, mais aussi et surtout<br />

des agents de parasitisme et de transmission d’affections<br />

morbides.<br />

Outre le bétail et <strong>les</strong> animaux domestiques, tels que<br />

chiens et pou<strong>les</strong>, dont l’accès aux nopaleries peut entraîner<br />

de sérieux dégâts, il y a encore <strong>les</strong> animaux sauvages<br />

comme <strong>les</strong> petits rongeurs, <strong>les</strong> oiseaux insectivores, <strong>les</strong><br />

lézards, etc., dont <strong>les</strong> déprédations peuvent occasionner de<br />

sérieux préjudices ; mais leurs méfaits, dont on peut se<br />

préserver par des clôtures bien conditionnées et des pièges<br />

faci<strong>les</strong> à réaliser, ne sont que peu de chose en comparaison<br />

de ce que la nopalerie a à redouter des insectes et des<br />

maladies.<br />

Les insectes, soit à l’état larvaire, soit à l’état parfait,<br />

peuvent causer des dégâts considérab<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> effets met-<br />

tent en péril tout un élevage.<br />

Tous ces ennemis de petite taille sont parfaitement<br />

connus des éleveurs qui <strong>les</strong> désignent chacun par une<br />

dénomination vernaculaire spéciale, tels sont <strong>les</strong> Surron,<br />

Milba, Seno, Cabresto, Agugilla, Telero, Giceritu, etc.<br />

A cette liste, il faut encore, et surtout, ajouter la Coche-<br />

nille sauvage qui est peut-être le parasite dont on redoute<br />

le plus <strong>les</strong> méfaits. Lorsque cette Cochenille sauvage s’in-<br />

tro<strong>du</strong>it clans une nopalerie à côté de celle qui est soumise<br />

à l’élevage, elle ne tarde pas à la faire disparaître, non en<br />

la dévorant comme on a pu le prétendre, mais en la faisant


Araignése -><br />

Araignées<br />

chapitRe xvii 531<br />

périr par suite de privation de subsistance. Plus précoce et<br />

plus vorace, la Cochenille sauvage épuise promptement <strong>les</strong><br />

sucs des Nopals améliorés par la culture, de sorte que la<br />

plante ne pouvant plus fournir ses sucs en quantité suffi-<br />

sante à la Cochenille domestique, celle-ci dépérit et meurt<br />

d’inanition.<br />

En plus des parasites, le nopalero a encore à combattre<br />

certaines maladies qui peuvent parfois, dans <strong>les</strong> essaims<br />

de Cochenil<strong>les</strong>, revêtir un caractère épidémique. Les deux<br />

affections qui sont le plus à redouter sont cel<strong>les</strong> que l’on<br />

désigne sous <strong>les</strong> noms de Choreo et de Chamusco.<br />

Le Choreo, ainsi que son nom l’indique, est une sorte<br />

de diarrhée qui amène l’épuisement complet de l’insecte et<br />

le tue à bref délai, en le laissant ré<strong>du</strong>it à ses uniques tégu-<br />

ments externes.<br />

Dans la seconde affection, qui est celle <strong>du</strong> Chamusco,<br />

la Cochenille diminue de volume en prenant progressive-<br />

ment une teinte noirâtre, puis meurt complètement recro-<br />

quevillée.<br />

Ces deux maladies se pro<strong>du</strong>isent plus particulièrement à<br />

la saison des pluies ; el<strong>les</strong> paraissent être surtout occa-<br />

sionnées par la stagnation d’une atmosphère humide sous<br />

<strong>les</strong> abris.<br />

Contre <strong>les</strong> ravages <strong>du</strong> parasitisme et <strong>les</strong> affections mor-<br />

bides de la Cochenille, il n’y a d’autre moyen de préser-<br />

vation efficace que la destruction immédiate des parasites<br />

et des Cochenil<strong>les</strong> contaminées aussitôt que leur présence<br />

a été constatée. Cette élimination s’exécute à l’aide d’épines<br />

de Chapistle qui permettent d’extirper et de supprimer<br />

facilement toutes <strong>les</strong> causes de destruction qui se four-<br />

voient parmi <strong>les</strong> élevages.<br />

On peut, jusqu’à un certain point, comme on l’a vu plus<br />

haut, se mettre à l’abri des insectes nuisib<strong>les</strong> ailés en lais-<br />

sant <strong>les</strong> Araignées développer leur toile sous <strong>les</strong> abris et<br />

entre <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals.<br />

Les Opuntia cochenillico<strong>les</strong> sont, eux aussi, sujets à un<br />

certain nombre d’ennemis qui s’attaquent surtout aux


532 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

racines. Ces derniers sont, pour la plupart, des larves de<br />

Coléoptères ; aussi doit-on <strong>les</strong> rechercher et <strong>les</strong> détruire<br />

chaque fois que l’on pratique l’ameublissement <strong>du</strong> sol.<br />

Une affection morbide très grave, qui atteint <strong>les</strong> Opuntia<br />

et particulièrement ceux des nopaleries, est celle qui se<br />

déclare subitement sur certains plants et <strong>les</strong> font rapide-<br />

ment tomber en pourriture. Cette affection, qui est sûre-<br />

ment d’origine bactérienne, débute habituellement par <strong>les</strong><br />

racines et envahit progressivement toute la plante dont elle<br />

transforme le parenchyme en une bouillie noirâtre.<br />

Cette maladie, qui peut tuer un Nopal en l’espace de très<br />

peu de temps, se pro<strong>du</strong>it habituellement dans <strong>les</strong> terres<br />

devenues trop humides par suite d’un drainage naturel<br />

insuffisant ; elle paraît surtout être la conséquence de b<strong>les</strong>-<br />

sures faites aux racines par <strong>les</strong> larves de Coléoptères.<br />

On ne connaît d’autres procédés pratiques pour com-<br />

battre radicalement cette décomposition qui pourrait<br />

s’étendre de proche en proche à toute la plantation, que<br />

l’extirpation et la destruction par le feu des sujets conta-<br />

minés, puis l’écobuage de la partie <strong>du</strong> sol où ils végétaient.<br />

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L’INTÉRÊT<br />

INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DE LA COCHENILLE<br />

Le travail courant d’un élevage de Cochenille était,<br />

comme on le voit, fort méticuleux et fort absorbant pour<br />

celui qui s’y livrait, car la moindre incurie ou la moindre<br />

négligence de sa part pouvait entraîner des pertes irrépa-<br />

rab<strong>les</strong>.<br />

Aussi cette entreprise représentait-elle une véritable<br />

occupation familiale à laquelle devaient prendre part non<br />

seulement celui qui en avait la charge, mais tous ceux qui<br />

composaient sa famille ; car, outre l’élevage pur et simple,<br />

il y avait encore l’inspection quotidienne de chaque article<br />

de Nopal pour la recherche et l’extermination des parasites,<br />

opération délicate et indispensable qui réclamait de fré-


chapitRe xvii 533<br />

quentes visites d’inspection et qui, souvent, obligeait à des<br />

stations plus ou moins prolongées au pied de chaque plant.<br />

L’ancienne in<strong>du</strong>strie agricole des Indiens mixtèques prit,<br />

sous la domination espagnole, un essor considérable et<br />

devint rapidement, pour la colonie de la Nouvelle-Espagne,<br />

une source de grande richesse, car elle fournissait alors à<br />

l’exportation une denrée coloniale dont l’importance équi-<br />

valait, toute proportion gardée, à celle d’une exploitation<br />

minière.<br />

Pour ce qui est de l’estimation de la pro<strong>du</strong>ction annuelle<br />

dans <strong>les</strong> différentes provinces où l’on exploitait l’élevage de<br />

la Cochenille, on ne possède que de vagues renseignements<br />

qui ne permettent guère de faire une évaluation sérieuse,<br />

sauf cependant pour la province de Oaxaca où <strong>les</strong> chiffres<br />

ont été conservés et publiés.<br />

D’après de Humboldt, qui visita le Mexique au moment<br />

où cette in<strong>du</strong>strie, aujourd’hui abandonnée, était encore<br />

dans toute la splendeur de sa prospérité, la quantité de<br />

Cochenille fournie à l’Europe par la seule intendance de<br />

Oaxaca pouvait être évaluée, année commune, à 32.000 arrobas,<br />

c’est-à-dire à environ 350.000 kilogrammes.<br />

Orozco y Berra donne, dans le supplément de son Diccionario<br />

de Historia y Geografìa (I, p. 558), à l’article Cochenilla<br />

mixteca, un tableau des chiffres officiels de la pro<strong>du</strong>ction<br />

de la Cochenille, année par année, qui représente<br />

le dernier siècle de la grande exploitation.<br />

Il résulte de la moyenne de ces chiffres relevés dans le<br />

registre de l’Administration principale de rentas de Oaxaca,<br />

pendant le cours de quatre-vingt-seize années, que l’on<br />

arrive à une estimation de 300.000 kilogrammes, c’est-à-dire<br />

à une quantité sensiblement la même que celle donnée par<br />

de Humboldt.<br />

Il en résulte que la pro<strong>du</strong>ction annuelle de la Cochenille<br />

fut une source de revenus très importante, non seulement<br />

pour la province pro<strong>du</strong>ctrice, mais aussi pour le Gouver-<br />

nement espagnol, car la Cochenille se négociait sur la place<br />

de Oaxaca à raison de 90 piastres l’arrobe.


534 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

Elle payait à cette ville un droit d’exportation de 13 pias-<br />

tres, et à Vera-Cruz, qui était le port aménagé pour l’expé-<br />

dition de cette denrée en Europe, un autre droit de<br />

8 piastres par arrobe. Joints à cela différents frais que com-<br />

portaient la manutention pour le dernier transport et<br />

ensuite l’expertise ren<strong>du</strong>e obligatoire par <strong>les</strong> lois afin de<br />

sauvegarder la qualité de la marchandise, cette denrée<br />

arrivait à atteindre, ren<strong>du</strong>e à destination en Espagne, la<br />

valeur de 130 piastres l’arrobe, c’est-à-dire presque le<br />

double de ce qu’elle se négociait sur le marché de Oaxaca.<br />

Cet élevage de la Cochenille qui, pendant près de trois<br />

sièc<strong>les</strong>, constitua l’entreprise la plus remarquable de l’ex-<br />

ploitation des haciendas de la riche et fertile vallée de<br />

Oaxaca, connut, dès qu’elle passa aux mains des Espagnols,<br />

une ère de prospérité vraiment inouïe, qui alla en s’accen-<br />

tuant jusqu’à ce qu’elle eut atteint le niveau élevé où elle<br />

se maintint jusqu’au commencent <strong>du</strong> xix e siècle.<br />

A partir de cette époque, elle commença à péricliter et à<br />

subir <strong>les</strong> vicissitudes qui la con<strong>du</strong>isirent peu à peu à la<br />

déchéance et à la ruine complète où elle se trouve aujourd’hui,<br />

et qui furent la conséquence des graves événements<br />

politiques ayant amené le désarroi dans l’exploitation commerciale<br />

des colonies espagno<strong>les</strong> de l’Amérique.<br />

Ce furent d’abord <strong>les</strong> guerres ruineuses que l’Espagne<br />

eut à soutenir avec l’Angleterre et ensuite avec la France, et<br />

qui, pendant un certain temps, interrompirent le commerce<br />

interocéanique. Ensuite vint la proclamation de l’Indépendance<br />

<strong>du</strong> Mexique, qui fit perdre à l’Espagne une de ses<br />

plus pro<strong>du</strong>ctives colonies et celle où se faisait surtout, et<br />

dans <strong>les</strong> meilleures conditions, l’élevage de la Cochenille.<br />

Pour ne pas abandonner le monopole si avantageux de<br />

cette entreprise, l’Espagne <strong>du</strong>t alors transporter et établir<br />

l’élevage de la Cochenille dans la mère-patrie au détriment<br />

<strong>du</strong> pays d’origine, qui, ne pouvant faire d’exportation, se<br />

trouva ré<strong>du</strong>it aux simp<strong>les</strong> ressources qu’il avait jadis, le<br />

marché mondial lui étant désormais fermé par la concurrence<br />

des nouvel<strong>les</strong> exploitations.


chapitRe xvii 535<br />

Les nopaleries mixtéco-zapotèques qui, jusqu’alors,<br />

n’avaient pas connu de rivalité, purent néanmoins survivre<br />

grâce à leur antique renommée ; el<strong>les</strong> <strong>du</strong>rèrent jusqu’à ce<br />

ue la découverte des matières colorantes artificiel<strong>les</strong> vint<br />

irrémédiablement <strong>les</strong> ré<strong>du</strong>ire à néant.<br />

Aujourd’hui, l’antique et rémunératrice exploitation de<br />

la vallée de Oaxaca n’est plus qu’un vague souvenir qui<br />

n’était tout au plus conservé, il y a une vingtaine d’années,<br />

que par quelques petites nopaleries que <strong>les</strong> indigènes<br />

entretenaient au village de San Pedro, auprès de Ocotlan, et<br />

dont la pro<strong>du</strong>ction en Cochenille suffisait amplement aux<br />

besoins de la petite in<strong>du</strong>strie de la localité qui, malgré le<br />

cours des événements, avait pu se maintenir.<br />

ENTREPRISE DE L’ÉLEVAGE DE LA COCHENILLE<br />

EN DEHORS DE SON PAYS D’ORIGINE<br />

Les incomparab<strong>les</strong> qualités qu’offrait jadis la Cochenille<br />

comme matière colorante et dont l’in<strong>du</strong>strie mondiale était<br />

tributaire de l’Espagne, incita à entreprendre son élevage<br />

dans <strong>les</strong> régions situées dans <strong>les</strong> pays chauds ou tempérés.<br />

Le Portugal, la Hollande, l’Angleterre, l’Italie, la France,<br />

firent des efforts pour réaliser cette entreprise soit sur leur<br />

propre sol, soit surtout dans leur domaine colonial.<br />

Le Portugal en fit des élevages au Brésil, la Hollande<br />

dans ses possessions des î<strong>les</strong> de la Sonde, l’Italie dans la<br />

partie insulaire de son territoire, l’Angleterre en Australie<br />

et dans l’Inde. Pour ce dernier pays, on sait, d’après de<br />

Humboldt, que Nelson, en 1795, transporta de Rio-de-<br />

Janeiro des Cochenil<strong>les</strong> vivantes, avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on créa<br />

des nopaleries aux environs de Calcutta, de Chittagong et de<br />

Madras ; mais on ignore si <strong>les</strong> insectes transportés étaient<br />

vraiment la Cochenille fine ou simplement une de ses<br />

variétés quelconques plus ou moins sauvages recueillie sur<br />

des Opuntia brésiliens.<br />

Pour ce qui est de la France, Thierry de Menouville,


536 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

avocat et botaniste <strong>du</strong> roi, désireux de faire bénéficier de<br />

cette fructueuse entreprise la colonie de Saint-Domingue,<br />

où il résidait, entreprit, en 1777, un voyage au Mexique et<br />

pénétra, non sans difficulté, dans la province de Oaxaca<br />

d’où il rapporta des échantillons et de précieux renseignements<br />

techniques sur l’intéressante in<strong>du</strong>strie dont il espérait<br />

doter son pays. A son retour à Saint-Domingue, il<br />

entreprit auprès de Port-au-Prince ses premiers essais<br />

d’élevage dont <strong>les</strong> résultats furent encourageants ; mais,<br />

par suite de sa mort et ensuite de la révolution qui éclata<br />

dans le pays et d’où résulta pour la France la perte de sa<br />

plus belle colonie des Antil<strong>les</strong>, l’entreprise fut abandonnée.<br />

En 1806, une tentative pour l’élevage de la Cochenille<br />

fut essayée dans le sud de la France : un chirurgien de la<br />

marine française, nommé Sourceylier, réussit à apporter<br />

<strong>du</strong> Mexique en Europe des Cochenil<strong>les</strong> vivantes ; il <strong>les</strong> remit<br />

au professeur de botanique de Toulon, mais <strong>les</strong> essais que<br />

l’on fit ne donnèrent aucun résultat.<br />

Vers 1830, une tentative de naturalisation de Cochenil<strong>les</strong><br />

fut essayée en Corse par Bélaire, et une autre en 1834<br />

en Algérie par Loze, chirurgien de la Marine ; aucune de<br />

ces deux entreprises ne réussit.<br />

Vers la même époque et peu de temps après l’indépendance<br />

définitive <strong>du</strong> Mexique, <strong>les</strong> Espagnols importèrent des<br />

Cochenil<strong>les</strong> vivantes en Europe afin d’en faire un élevage<br />

en grand dans le sud de leur pays et aux Î<strong>les</strong> Canaries, ce<br />

qui leur permit de conserver <strong>du</strong> moins en partie le monopole<br />

de la pro<strong>du</strong>ction de la Cochenille, que la perte de leur<br />

colonie avait compromis.<br />

Mais <strong>les</strong> habitants, qui ne comprenaient pas l’intérêt de<br />

l’élevage d’un insecte qu’ils considéraient comme le parasite<br />

nuisible d’une plante fruitière, et contre lequel ils<br />

avaient toujours lutté, s’opposèrent, au début, à cette innovation,<br />

la considérant désastreuse pour une pro<strong>du</strong>ction<br />

fruitière, qui était depuis longtemps une ressource précieuse<br />

dans l’alimentation des classes pauvres. Ce fut seulement<br />

après <strong>les</strong> résultats obtenus par quelques agricul-


chapitRe xvii 537<br />

teurs plus éclairés, que <strong>les</strong> habitants des Canaries finirent<br />

par se rendre compte que <strong>les</strong> profits que l’on pouvait retirer<br />

de l’Opuntia étaient plus avantageux pour eux avec l’éle-<br />

vage <strong>du</strong> parasite qu’avec la récolte des fruits telle qu’on<br />

l’avait jusqu’alors pratiquée. Aussi, à partir de ce moment,<br />

l’élevage de la Cochenille prit un rapide essor que <strong>les</strong><br />

chiffres officiels d’exportation accusent clairement : en<br />

1831, le pro<strong>du</strong>it récolté n’était que de 4 kil. ; en 1832 de<br />

60 kil. ; en 1833, 660 kil. ; en 1838 de 9.000 kil., et en 1850<br />

il atteignait le chiffre de 400.000 kil., c’est-à-dire à un<br />

maximum plus élevé que la moyenne obtenue annuellement<br />

dans la vallée de Oaxaca.<br />

En 1834, plusieurs pieds de Nopals chargés de leurs<br />

insectes furent transportés aux environs de Malaga, puis à<br />

Cadix et à Valence ; le succès dans ces nouveaux pays répon-<br />

dit à ce que l’on escomptait, car, d’après l’estimation com-<br />

merciale, la Cochenille récoltée sur ces nouveaux terroirs<br />

de naturalisation arrivait, assure-t-on, à rivaliser avec<br />

celle qui était exportée des régions mixtéco-zapotèques.<br />

Les résultats obtenus par l’Espagne furent suffisamment<br />

concluants pour encourager la reprise des tentatives que<br />

jusqu’alors on avait faites sans succès en France. Simon-<br />

net, pharmacien à Alger, résolut de mettre à profit <strong>les</strong><br />

connaissances qu’un séjour d’une année en Espagne, dans<br />

<strong>les</strong> environs de Valence, lui avait permis d’acquérir sur la<br />

technique de l’élevage de la Cochenille. Il pensa que ce<br />

serait rendre un grand service à la France que de propager<br />

dans sa colonie <strong>du</strong> nord de l’Afrique la pro<strong>du</strong>ction de cette<br />

denrée pour laquelle elle dépensait annuellement, pour <strong>les</strong><br />

besoins de son in<strong>du</strong>strie, une somme estimée à 9 ou 10 mil-<br />

lions. Bravant <strong>les</strong> lois espagno<strong>les</strong> qui, comme au Mexique,<br />

prononçaient <strong>les</strong> peines <strong>les</strong> plus sévères contre quiconque<br />

exporterait de la Cochenille vivante, il partit de Valence<br />

muni de tout ce qui était nécessaire à l’exécution de son<br />

projet. Ses premiers essais ne furent pas heureux mais, ne<br />

perdant pas courage, il arriva, par sa persévérance, à sur-<br />

monter toutes <strong>les</strong> difficultés. Son principal insuccès, comme<br />

il le reconnut rapidement, provenait de ce qu’il avait eu


538 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />

recours à des Nopals impropres aux bonnes conditions de<br />

subsistance de la Cochenille. Se servant alors de variétés<br />

d’Opuntia employées en Espagne, il réussit à obtenir en<br />

1840 une petite récolte de 500 gr. qui fut reconnue de la<br />

meilleure qualité.<br />

A son instigation, plusieurs agronomes d’Algérie s’inté-<br />

ressèrent à l’affaire et installèrent des nopaleries auprès<br />

d’Alger, Bône et Oran ; une nopalerie modèle fut même<br />

créée au jardin d’essais <strong>du</strong> Hamma par <strong>les</strong> soins de<br />

Hardy, son directeur, et Loze, pharmacien de la<br />

marine, fut chargé de la direction technique. En 1847, un<br />

lot de Cochenille, prélevé sur <strong>les</strong> récoltes de 1843 et 1846,<br />

fut envoyé à Marseille par <strong>les</strong> soins <strong>du</strong> Ministère de la<br />

guerre afin de déterminer la valeur marchande <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />

des élevages algériens : la Cochenille fut reconnue<br />

identique aux meilleures sortes que l’on employait dans<br />

l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale. Depuis lors, l’élevage de la Cochenille<br />

alla en progressant ; en 1853 on pouvait déjà compter, rien<br />

que dans la seule province d’Alger, quatorze nopaleries<br />

mettant en oeuvre 61.600 plants d’Opuntia cochenillico<strong>les</strong>.<br />

Mais cette fructueuse in<strong>du</strong>strie, que l’on avait réussi,<br />

après tant d’efforts, à implanter en dehors de son pays<br />

d’origine, <strong>du</strong>t, comme <strong>du</strong> reste dans <strong>les</strong> autres pays pro-<br />

<strong>du</strong>cteurs, être complètement abandonnée à la suite de la<br />

découverte des matières colorantes artificiel<strong>les</strong> et principa-<br />

lement de l’alizarine de synthèse. Cette dernière, en venant<br />

supplanter le carmin, acheva de ruiner la remarquable<br />

entreprise dont l’in<strong>du</strong>strie mondiale fut redevable à la<br />

conquête <strong>du</strong> Mexique et qui, pendant trois sièc<strong>les</strong>, fournit<br />

une matière tinctoriale pouvant, par sa facilité d’applica-<br />

tion, lutter avantageusement avec <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its similaires<br />

d’origine végétale que l’on obtenait avec l’orseille, la<br />

garance, le Kermès (Kermes ilicis Fab.) parasite <strong>du</strong> Quercus<br />

coccifera L. et le Margarades polonicus L. vivant sur<br />

<strong>les</strong> racines <strong>du</strong> Scleranthus perennis L.


TABLE ALPHABÉTIQUE<br />

Les noms scientifiques de Cactacées sont en italique, <strong>les</strong> noms<br />

vulgaires et <strong>les</strong> noms de pro<strong>du</strong>its en romain.<br />

A<br />

Pages<br />

Abrojos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38<br />

Acanthocereus pentagonus . . . 147, 152<br />

178, 180, 201, 392, 449<br />

Agave Cactus . . . . . . . . . . . . . . . . 91<br />

Aguardiente . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142<br />

Alcaejal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101<br />

Alcaes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 101<br />

Alfilerillo . . . . . . . . 28, 38, 88, 94, 101<br />

Alicoches . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 145<br />

Alquitran de terra . . . . . . . . . . . . . . 396<br />

Anhalonium . . . . . . . . . . 245, 322, 323<br />

— areolosum . . . . . . . . . . 324<br />

— aselliforme . . . . . . . . . 318<br />

— Engelmannii . . . . . . . . 323<br />

— fissipe<strong>du</strong>m . . . . . . . . . 324<br />

— fissuratum . . . . . . . . . 323<br />

— Jourdanicum. . . . 240, 290<br />

— Kotschoubeyanum . . . 324<br />

— Lewinii . . . . . . . . 245, 291<br />

— prismaticum . . . . . . . . 324<br />

— retusum . . . . . . . . . . . 324<br />

— sulcatum . . . . . . . . . . . 324<br />

— trigonum . . . . . . . . . . . 325<br />

— turbiniforme . . . . . . . . 325<br />

Aporocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />

— Consaltii. . . . . . . . . . . 466<br />

— flagelliformis . . . . . 33, 34<br />

195, 212, 317, 463, 465, 467<br />

— flagriformis . . . . . . . . 466<br />

— leptophis. . . . . . . . . . . 466<br />

— Martianus . . . . . . . . . . 466<br />

Arbol de las palas . . . . . . . . . . 101, 102<br />

— de quebra<strong>du</strong>ras . . . . . . . 101, 102<br />

— de solda<strong>du</strong>ras . . . . . . . . 101, 102<br />

Pages<br />

Ariocarpus . . . . . 38, 245, 289, 293, 309<br />

— aselliformis . . . . . . . . 318<br />

— fissuratus . . . . . . . 131,323<br />

— Kotschoubeyanus . . . . 324<br />

— Lloydii . . . . . . . . . . . . 323<br />

— retusus . . . . . . . . 324, 325<br />

— sulcatus . . . . . . . . . . . 324<br />

— trigonus . . . . . . . . . . . 325<br />

— Williamsii . . . . . . 245, 290<br />

Astrophytum . . . 246, 247, 282, 283, 284<br />

285, 447<br />

— Asterias . . . 240, 282, 283<br />

— capricorne . 247, 283, 284<br />

— myriostigma . . . . 240, 246<br />

247, 282, 283, 284, 285<br />

— ornatum . . . 247, 249, 283<br />

284, 285<br />

— — glabrescens . 284<br />

Athrophyllum . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

Atlatonochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />

Azcatnochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />

B<br />

Baboso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346<br />

Barba de viejo . . . . . . . . . . . . . . . . 359<br />

Barrel Cactus . . . . . . . . . . . . . . . . . 269<br />

Bischop’s cap . . . . . . . . . . . . . . . . . 285<br />

Biznaga . . . 37, 38, 39, 43, 44, 235, 242<br />

245, 252, 254, 256, 264, 265, 266, 267<br />

268, 272, 273, 274, 275, 276, 281, 293<br />

294, 295, 419, 425, 426, 427<br />

Biznaga de Agua . . . . . . . . . . . . . . 255<br />

Biznaga de Cuernos . . . . . . . . . . . . 255<br />

Biznaga de Dulce . . . . . . . . . . . . . . 255


540 table alphabétique<br />

Pages<br />

Biznaga de Ganchos . . . . . . . . . . . . 260<br />

Biznaga grande . . . . . . . . . . . . . . . 255<br />

Biznaguita . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256<br />

C<br />

Cabeza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359<br />

Cactacée à feuil<strong>les</strong> de Scolopendre 145,146<br />

Cactier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102<br />

— à fruits feuillés . . . . . . . . . . 196<br />

— à mamelons . . . . . . . . . . . . 305<br />

— couronné . . . . . . . . . . . . . . 236<br />

— de Campêche . . . . . . . . . . . 495<br />

— globuleux . . . . . . . . . . . . . . 310<br />

— Queue de souris . . . . . . . . . 465<br />

— splendide . . . . . . . . . . . . . . 498<br />

Cactus . . . . . . . . . . . . . . 236, 238, 257<br />

— abnormis . . . . . . . . . . . . . . 474<br />

— Ackermannii . . . . . . . . . . . . 457<br />

— ambiguus . . . . . . . . . . . . . . 463<br />

— Bisnaga . . . . . . . . . . . . . . . 39<br />

— bradipus . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— cochenillifer . . . . . . . . . . . . 495<br />

— compressus . . . . . . . . . . . . . 470<br />

— disciformis . . . . . . . . . . . . . 325<br />

— elegans . . . . . . . . . . . . . . . . 460<br />

— flagelliformis . . . . . . . . . . . 465<br />

— fragilis . . . . . . . . . . . . . . . . 471<br />

— grandiflorus . . . . . . . . . . . . 213<br />

— humifusus . . . . . . . . . . . . . . 470<br />

— Kotschoubeyi . . . . . . . . . . . 324<br />

— Melocactus . . . . . . . . . . . . . 236<br />

— mensarum . . . . . . . . . . . . . . 195<br />

— micromeris . . . . . . . . . . . . . 326<br />

— Opuntia . . . . . . . . . . . . . . . 470<br />

— pentagonus . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— phyllantoides . . . . . . . . . . . 470<br />

— prismaticus . . . . . . . . . . . . . 324<br />

— Roseanus . . . . . . . . . . . . . . 317<br />

— Salvador . . . . . . . . . . . . . . . 257<br />

— senilis . . . . . . . . . . . . . . . . . 327<br />

— serpentinas . . . . . . . . . . . . . 463<br />

— speciosissimus . . . . . . . . . . 208<br />

— speciosius . . . . . . 208, 213, 458<br />

— splendi<strong>du</strong>s . . . . . . . . . . . . . 498<br />

— triangularis . . . . . . . . . . . . 200<br />

— turbinatus . . . . . . . . . . . . . . 325<br />

— Visnaga . . . . . . . . . . . . . . . 274<br />

Pages<br />

Cactus Serpent . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Calicoche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285<br />

Camueso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 443<br />

Cantaro Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . 294<br />

— divin . . . . . . . . . . . . . . . . . 293<br />

Carambullo 38, 144, 147, 223, 224, 226<br />

230, 364<br />

Carambuyo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223<br />

Cardasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

Cardindo . . . . . . . . . . . . . . . . 144, 148<br />

Cardo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144, 148<br />

Cardon 38, 46, 54, 66, 76, 144, 147, 148<br />

189, 338, 350, 352, 356, 381, 382<br />

392, 394, 395, 399, 408, 419<br />

— espinoso . . . . . . . . . . . 69, 404<br />

— pelon . . . . . . . . . . . . . 68, 408<br />

Carnegiea gigantea . 52, 150, 153, 189<br />

190, 191, 192, 395, 404, 408<br />

Cephalocereus . . 33, 144, 146, 148, 359<br />

362, 363, 364, 366, 368<br />

372, 374, 376, 380, 400<br />

— alensis . . . . . . . . . 368<br />

— chrysacanthus . . . 146<br />

361, 362, 363, 368<br />

— chrysomallus . . . . 370<br />

— Columna . . . . . . . . 370<br />

— Columna-Trajani . 370<br />

— cometes . . . . . . . . 368<br />

— flavicomus . . . . . . 368<br />

— Gaumeri . . . . 368, 372<br />

— Hoppenstedtii . 33, 150<br />

360, 362, 368, 372, 374, 375<br />

377, 378, 379, 380, 400<br />

— leucocephalus . . 33, 35<br />

360, 363, 366, 367, 368<br />

369, 371, 373, 374, 380<br />

— macrocephalus . . . 370<br />

— Palmeri . . . . . . . . 370<br />

— polylophus . . . . . . 370<br />

— Purpusii . . . . . . . . 370<br />

— Sartorianus . . . . . 370<br />

— scoparius . . . . . . . 370<br />

— senilis 33, 360, 370, 376<br />

— Tetazo . . . 63, 362, 364<br />

370, 372, 380, 381, 399<br />

400, 401, 402<br />

— senilis . . . . . . . . . . 370<br />

Cereus . . 16, 28, 38, 143, 144, 145, 148<br />

236, 363, 453, 474


table alphabétique 541<br />

Pages<br />

Cereus Ackermannii . . . . . . . . . . . . 457<br />

— acutangulus . . . . . . . . . . . . 180<br />

— altensis . . . . . . . . . . . . . . . . 368<br />

— ambiguus . . . . . . . . . . 463, 464<br />

— angulosus . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— Antoinii . . . . . . . . . . . . . . . 215<br />

— aquicaulensis . . . . . . . . . . . 226<br />

— bavosus . . . . . . . . . . . . . . . 346<br />

— baxaniensis . . . . . . . . . . . . 180<br />

— Bergerianus . . . . . . . . . . . . 372<br />

— bifrons . . . . . . . . . . . . . . . . 208<br />

— brachiatus . . . . . . . . . . . . . 346<br />

— brevispinulus . . . . . . . . . . . 215<br />

— callicoche . . . . . . . . . . . . . . 283<br />

— calvus . . . . . . . . . 372, 404, 406<br />

— candelaber . . . . . . . . . . . . . 404<br />

— candelabrum . . . . . . . . . . . 400<br />

— Chende . . . . . . . . . . . . . . . . 184<br />

— Chichipe . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />

— Chiotilla . . . . . . . . . . . . . . . 181<br />

— chrysacanthus . . . . . . . . . . 368<br />

— chrysomalus . . . . . . . . . . . . 370<br />

— Cochal . . . . . . . . . . . . . . . . 232<br />

— Columna-Trajani . . . . . . . . 372<br />

— compressus . . . . . . . . . . . . . 200<br />

— Cumengei . . . . . . . . . . . . . . 174<br />

— cupulatus . . . . . . . . . . . . . . 342<br />

— degradatispinus . . . . . . . . . 346<br />

— Diguetii . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />

— Donkelaari . . . . . . . . . . . . . 214<br />

— Dussii . . . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— Dyckii . . . . . . . . . . . . . . . . . 166<br />

— eburneus . . . . . . . . . . . 155, 476<br />

— — cylindricus . . . . . . 476<br />

— — monstrosus. . . . . . 476<br />

— e<strong>du</strong>lis . . . . . . . . . . . . . . . . . 155<br />

— flagelliformis . . . . . . . . . . . 465<br />

— — Funkii . . . . . . 466<br />

— — Mallisonii . . . 466<br />

— — nothus . . . . . . 466<br />

— — Scottii . . . . . . 466<br />

— — Smithii . . . . . 466<br />

— — speciosus . . . 466<br />

— flexuosus . . . . . . . . . . . . . . 178<br />

— Försteri . . . . . . . . . . . . . . . 368<br />

— × fulgi<strong>du</strong>s . . . . . . . . . . . . . . 215<br />

— fulviceps . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— Garambello . . . . . . . . . . . . 226<br />

— gemmatus . . . . . . . . . . 342, 372<br />

Pages<br />

Cereus geometrizans . . . . . . . 226, 234<br />

— giganteas . . . . . . . . . . . . . . 189<br />

— Gladiator . . . . . . . . . . . . . . 226<br />

— grandiflorus . . . . . . . . . . . . 213<br />

— Greggii . . . . . . . . . . . . . . . . 219<br />

— — transmontanus . . . 220<br />

— griseus . . . . . . . . . . . . 155, 479<br />

— gummosus. . . . . . . . . . . . . . 174<br />

— hamatus . . . . . . . . . . . . . . . 216<br />

— Hollianus . . . . . . . . . . . . . . 346<br />

— Hoppenstedtii . . . . . . . 368, 378<br />

— Houlletii . . . . . . . . . . . 368, 374<br />

— incrustatus . . . . . . . . . . . . . 342<br />

— inermis . . . . . . . . . . . . . . . . 283<br />

— latifrons . . . . . . . . . . . . . . . 459<br />

— Macdonaldiæ . . . . . . . . . . . 214<br />

— macrocephalus . . . . . . . . . . 370<br />

— Mælenii . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— × Mallisonii . . . . . . . . . . . . 467<br />

— marginatus . . . . . . . . . 342, 372<br />

— × Maynardæ . . . . . . . . 214, 215<br />

— melanhalonius . . . . . . . . . . 464<br />

— militaris . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— Mirbelii . . . . . . . . . . . . . . . 342<br />

— mixtecensis . . . . . . . . . . . . . 186<br />

— monstrosus minor . . . . . . . . 476<br />

— Nickelsii . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— niti<strong>du</strong>s . . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— nycticalus . . . . . . . . . . . . . . 215<br />

— Ocamponis . . . . . . . . . . . . . 202<br />

— Ophites . . . . . . . . . . . . . . . . 214<br />

— Orcuttii . . . . . . . . . . . . . . . . 372<br />

— oxypetalus . . . . . . . . . . . . . 459<br />

— Palmeri . . . . . . . . . . . . . . . 230<br />

— Pecten-aboriginum . . . 372, 410<br />

— pentagonus . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— peruvianus . . . . . . 72, 474, 476<br />

— — monstrosus. . . . 474<br />

— — — nanus 476<br />

— — — tortus 474<br />

— Pitajaya . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— polylophus . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— Poselgeri . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— Pottsii . . . . . . . . . . . . . . . . . 219<br />

— Princeps . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— Pringlei . . . . . . . . . . . 372, 404<br />

— prismaticus . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— pteranthus . . . . . . . . . . . . . 215<br />

— pugioniferus . . . . . . . . . . . . 226


542 table alphabétique<br />

Pages<br />

Cereus quadrangulispinus . . . . . . . 226<br />

— queretaroensis . . . . . . . . . . 160<br />

— ramosus . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— resupinatus . . . . . . . . . . . . . 155<br />

— rosaceus . . . . . . . . . . . . . . . 215<br />

— rostratus . . . . . . . . . . . . . . . 216<br />

— ruficeps . . . . . . . . . . . . . . . 372<br />

— sabintarius . . . . . . . . . . . . . 464<br />

— Sargentianus . . . . . . . . . . . 230<br />

— Schenckii . . . . . . . . . . . . . . 230<br />

— Schottii . . . . . . . . . . . . 224, 230<br />

— scoparius . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— senilis . . . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— serpentinus . . . . . . . . . . . . . 463<br />

— — strictior . . . . . . 464<br />

— Sirul . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— speciosissimus . . . . . . . . . . 208<br />

— speciosus . . . . . . . . . . . . . . 208<br />

— splendens . . . . . . . . . . . . . . 463<br />

— stellatus . . . . . . . . . . . . . . . 166<br />

— striatus . . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />

— Testudo . . . . . . . . . . . . . . . . 217<br />

— Tetazo . . . . . . . . . . . . . 370, 399<br />

— Thurberi . . . . . . . . . . . . . . . 168<br />

— Titan . . . . . . . . . . 372, 404, 406<br />

— Tonelianus . . . . . . . . . . . . . 166<br />

— triangularis . . . . . . . . . . . . 200<br />

— tricostatus . . . . . . . . . . . . . 204<br />

— tuberosus . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— un<strong>du</strong>latus . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— Uranos . . . . . . . . . . . . . . . . 214<br />

— variabilis . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— Vasmeri . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />

— victoriensis . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— viperinus . . . . . . . . . . . . . . 220<br />

— Weberi . . . . . . . . . . . . . . . . 400<br />

Cerexus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143<br />

Chahuiznopalli . . . . . . . . . . . . . . . . 493<br />

Chapistle . 339, 510, 518, 519, 522, 531<br />

Chardon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79<br />

— en flambeau . . . . . . . . . . . 144<br />

— indien . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

Chaucle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325<br />

Chende . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />

Chiapasia . . . . . . . . . . . . . . . . 453, 456<br />

— Netsonii . . . . . . . . . . . . . 462<br />

Chichipe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />

Chichituna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188<br />

Chicotl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306<br />

Chilito <strong>du</strong>lce . . . . . . . . . . . . . . . . . 306<br />

Pages<br />

Chiotilla . . . . . . . . . . . . . . . . . 181, 184<br />

Chiotilo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181<br />

Chiriocillo . . . . . . . . . . . . . . . . . 88, 94<br />

Cholla . . . . . . . . . . . . . 28, 32, 38, 101<br />

Chumbera. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

Cierge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144<br />

— Serpent . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Cina . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232, 233<br />

Cirio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144<br />

Clavellina . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 101<br />

Clavele de Carambullo . . . . . . . . . . 224<br />

Cleistocactus . . . . . . . . . . . . . 102, 144<br />

Clilnochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />

Coanochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33<br />

Coapetla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156<br />

Cobbler’s thumb . . . . . . . . . . . . . . 325<br />

Cochemiea Halei . . . . . . . . . . . . . . 317<br />

— Pondii . . . . . . . . . . . . . 317<br />

— Poselgeri 308, 317, 318, 319<br />

321<br />

— Roseana . . . . . . . . . . . 317<br />

— setispina . . . . . . . . . . . 317<br />

Colonche . . . . . 139, 140, 141, 142, 383<br />

Come<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37<br />

Comitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 30<br />

Corona del Señor . . . . . . . . . . . . . . 256<br />

Coryphantha clava . . . . . . . . . . . . . 313<br />

— cornifera . . . . . . . . . 312<br />

— <strong>du</strong>rangensis . . . . . . . 312<br />

— erecta . . . . . . . . . . . . 313<br />

— macromeris . . . . . . . 312<br />

— Muehlenpfordtii . . . . 312<br />

— octacantha . . . . . . . . 313<br />

— Ottonis . . . . . . . . . . . 313<br />

— pycnacantha . . . . . . . 312<br />

— raphidacantha . . . . . 313<br />

— sulcolanata . . . . . . . . 313<br />

— vivipara . . 305, 313, 473<br />

Costeno . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 496<br />

Cotzicnopalxochitl . . . . . . 32, 108, 460<br />

Cotzonochtli. . . . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />

Cuerno . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Cylindropuntia . . 28, 29, 32, 38, 55, 56<br />

60, 68, 85, 91, 94, 95, 96, 98, 101, 166<br />

306, 356, 358, 390, 427, 428, 476, 494<br />

D<br />

Deamia . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217, 435<br />

— Testudo . . . . . . . . . . . . . . . 217<br />

Devil’s root . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289


table alphabétique 543<br />

Pages<br />

Discocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362<br />

Disocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

Dolichothele longimamma . . . 131, 316<br />

— — sphærica .316<br />

— sphærica . . . . . . . . . . 131<br />

Dulce de Biznaga . . . . . . . . . . . . . . 275<br />

— de Carambullo . . . . . . . . . . . 226<br />

Duraznillo . . . . . . . . . . . . . . . 118, 119<br />

E<br />

Eccremocactus . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

Echinocactus . . . 34, 36, 37, 41, 43, 53<br />

60, 68, 102, 143, 235, 252<br />

258, 273, 308, 362<br />

— acanthodes . . . . . . . . 270<br />

— arizonicus . . . . . . . . . 269<br />

— Asterias . . . . . . . . . . 283<br />

— aulacogonus . . . . . . . 273<br />

— bicolor . . . . . . . 242, 258<br />

— californicus . . . . . . . 270<br />

— capricornis . . . . . . . . 284<br />

— corynacanthus . . . . . 273<br />

— Coulteri . . . . . . . . . . 262<br />

— cylindraceus . . . . . . . 270<br />

— Diguetii . . . . . . . . . . 266<br />

— disciformis . . . . . . . . 325<br />

— electracanthus . 262, 265<br />

— Emoryi . . . . . . . . . . . 269<br />

— Falconeri . . . . . . . . . 269<br />

— flexispinus . . . . . . . . 279<br />

— Galeottii . . . . . . . . . . 273<br />

— Ghiesbrechtii . . . . . . 283<br />

— Grusonii . . . . . . . . . . 258<br />

— Haageanus . . . . 273, 283<br />

— hæmatacanthus . . . . . 258<br />

— helianthodiscus . . . . 325<br />

— helophorus . . . . . . . . 273<br />

— heterochromus . . . . . 258<br />

— holopterus . . . . . . . . 283<br />

— horizontalonius . . . . 258<br />

— hystricacanthus . . . . 264<br />

— Hystrix . . . 262, 264, 273<br />

— ingeris 45, 242, 243, 250<br />

251, 253, 258, 262, 273<br />

274, 452<br />

— Jourdanianus . . 245, 290<br />

— Karwinskii . . . . . . . . 273<br />

— lancifer . . . . . . . . . . . 262<br />

Pages<br />

Echinocactus leucacanthus . . . . . . 218<br />

— Lewinii . . . . . . . . . . . 245<br />

— macracanthus . . . . . . 273<br />

— macrodiscus . . . . . . . 265<br />

— — decolor. 266<br />

— — lævior . 266<br />

— — multiflorus<br />

. . . . . . . . . . . . 266<br />

— Mælenii . . . . . . . . . . 218<br />

— melocactiformis 262, 264<br />

— micromeris . . . . . . . . 326<br />

— minax . . . . . . . . . . . . 273<br />

— microspermus . . . . . . 257<br />

— Mirbelii . . . . . . . . . . 283<br />

— myriostigma . . . . . . . 283<br />

— ornatus . . . . . . . . . . . 283<br />

— oxypterus . . . . . . . . . 262<br />

— pectinatus . . . . . . . . . 473<br />

— Peninsulæ . . . . . . . . . 270<br />

— pilosus . . . . . . . . . . . 258<br />

— platyceros . . . . . . . . . 273<br />

— polycephalus . . 238, 260<br />

261, 262, 473<br />

— porrectus . . . . . . . . . 218<br />

— pycnoxyphus . . . . . . . 264<br />

— senilis . . . . . . . . . . . . 370<br />

— Stap<strong>les</strong>iæ . . . . . . . . . 370<br />

— subporrectus . . . . . . . 218<br />

— theloideus . . . . . . . . . 218<br />

— tortus . . . . . . . . . . . . 283<br />

— turbiniformis . . . . . . 325<br />

— un<strong>du</strong>latus . . . . . . . . . 279<br />

— Williamsii . . . . . . . . . 290<br />

— Wislizenii . . . . . . . . . 269<br />

— — albispinus . 269<br />

— — decipiens . 269<br />

— — Lecontei . . 269<br />

— — rectispinus 270<br />

Echinocereus . . . 18, 38, 60, 66, 96, 98<br />

144, 145, 146, 306, 327<br />

365, 445, 470, 472<br />

— Emoryi . . . . . . . . . . . 269<br />

— Poselgeri . . . . . . . . . 218<br />

— serpentinus . . . . . . . . 463<br />

— splendens . . . . . . . . . 463<br />

— tuberosus . . . . . . . . . 218<br />

— viridiflorus . . . . 145, 472<br />

Echinofossulocactus . . . . . . . . . . . . . .279<br />

— coptogonus . . . . . . . . 279


544 table alphabétique<br />

Pages<br />

Echinofossulocactus crispatus . . . . 246<br />

256, 279, 280<br />

— Mirbelii . . . . . 283<br />

— oxypterus . . . . 262<br />

— turbiniformis . 325<br />

Echinomastus intertextus . . . . 280, 281<br />

— — dasyacanthus.<br />

. . . . . . 281<br />

— unguispinus . . . . . . . 281<br />

Echinomelocactus . . . . . . . . . 143, 236<br />

— arborescens . . . 144<br />

Echinopsis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144<br />

— Haageana . . . . . . . . . . 283<br />

— leucantha . . . . . . . . . . 281<br />

Ensade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

Epiphyllanthus . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

Epiphyllum . 18, 28, 53, 64, 144, 196, 208<br />

209, 212, 445, 447, 451<br />

453, 456, 457, 458, 459<br />

462<br />

— Ackermannii . . 30,146, 212<br />

213, 457, 458, 461<br />

— acuminatum . . . . . . . . 459<br />

— anguliger . . . 146,457,458<br />

— caudatum . . . . . . . . . . 457<br />

— Darrahii . . . . . . . . . . . 457<br />

— grande . . . . . . . . . . . . 459<br />

— Nelsonii . . . . . . . . . . . . .462<br />

— oxypetalum . 146, 454, 457<br />

459, 460, 468, 469<br />

— phyllanthoides . . . . . . 460<br />

— Phyllanthus . . . . . . . . 454<br />

— speciosum . . . . . . . . . . 460<br />

— strictum . . . . . . . . . . . 459<br />

Epithelanta micromeris . 281, 307, 326<br />

327<br />

Escontria Chiotilla . . 150, 153, 181, 182,<br />

188, 380<br />

Espostoa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 364<br />

— lanata . . . . . . . . . . . . . . . 365<br />

F<br />

Faux Tetazo . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400<br />

Ferocactus . 264, 265, 266, 268, 269, 270<br />

272<br />

— acanthodes . . . . . . . . . 270<br />

— chrysacanthus . . . . . . . 270<br />

— Covillei . . . . . . . . . . . . 44<br />

Pages<br />

Ferocactus Diguetii . 61, 237, 238, 259<br />

262, 266, 267, 268<br />

— Echidne . . . . . . . . . . . . 259<br />

— flavovirens . . 238, 239, 250<br />

258, 259, 260<br />

— glaucescens . . . . . . . . . 259<br />

— hamatacantus . 242, 260, 261<br />

— latispinus . . . 246, 256, 261<br />

— macrodiscus 255, 259, 261<br />

262, 264, 265, 266, 276<br />

— melocactiformis . . 255, 259<br />

262, 263, 264, 274, 276<br />

— nobilis . . 239,240,241, 259<br />

261<br />

— Peninsulæ . . . 44, 261, 262<br />

268, 270, 271, 272, 386, 427<br />

— rectispinus . . . . . . . . . . 270<br />

— robustus 238, 240, 250, 258<br />

— uncinatus . . . . . . . . . . . 261<br />

— viridescens . . . . . . . . . 261<br />

— Wislizenii 44, 240, 262, 269<br />

272, 313<br />

Fico de India . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

Figuier à raquettes . . . . . . . . . . . . . 121<br />

— de Barbarie . . . 75,121,126,127<br />

334, 424, 429, 470<br />

— des Chrétiens . . . . . . . . . . . 121<br />

— des Francs . . . . . . . . . . 79, 121<br />

— des Indes . . . . . . . . . . . . . . 445<br />

— des Indes occidenta<strong>les</strong> . . . . 122<br />

— des Maures . . . . . . . . . . . . 122<br />

— d’Inde . . . . 79,121,122,124,126<br />

146, 154<br />

— <strong>du</strong> Diable . . . . . . . . . . . . . . 122<br />

— indien . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

Flor de latigo . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Floricuerno . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Fraise <strong>du</strong> désert . . . . . . . . . . . . . . . 145<br />

G<br />

Grusonia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80<br />

H<br />

Hamatocactus . . . . . . . . . . . . . . . . 262<br />

Hecho. . . . . . . . . . . . . . . . . 69, 70, 410<br />

Heliocereus . . . . . . . . . . . . . . 206, 453<br />

— elegantissimus . . . . . . 210<br />

292 -> 262


Faute de<br />

Diguet<br />

Pages<br />

Heliocereus Schrankii . . . . . . . . . . 210<br />

— speciosus . 34, 64, 74, 206<br />

208, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 447<br />

455, 456, 459, 462, 466, 469<br />

Hematocactus setispinus . . . . . . . . 262<br />

Hickenia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257<br />

Hierba de Alferecía . . . . . . . . . . . . 465<br />

Hicouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />

Higo de Mauro . . . . . . . . . . . . . 121,122<br />

Higuera Chumba . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

Ho . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />

Homalocephala texensis . 246, 256, 262<br />

Hornflower. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Huatari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />

Hueycomitl . . . . . . . . . . . 37, 255, 274<br />

Huitzli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36<br />

Huitzocuitlapilli . . . . . . . . . . . . 34, 465<br />

Huiznahuac . . . . . . . 34, 235, 293, 296<br />

Hylocereus Napoleonis . . . . . . . . . 200<br />

— Ocamponis . . . . . 200, 202<br />

— triangularis . . 64,152, 200<br />

201, 202<br />

— tricostatus . . 199, 200, 203<br />

204, 205, 206, 207, 209<br />

— trigonus . . . . . . . . . . . . . .200<br />

— un<strong>du</strong>latus . . . . 195, 206, 208<br />

443, 462<br />

I<br />

Intacxoconochtli . . . . . . . . . . . . . . 27<br />

J<br />

Jacamatraca . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />

Jarrana . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146, 458<br />

Jonocostle . . . . . . . . . . . . . . . . 32, 120<br />

Joutouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />

Junco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Junquillo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

K<br />

Kamaba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />

Karnous enn N’ sarra . . . . . . . . . . . 121<br />

L<br />

Lamanochtli . . . . . . . . . . . . 32, 33, 359<br />

Lemaireocereus 147, 153, 396<br />

35<br />

table alphabétique 545<br />

Pages<br />

Lemaireocereus Chende . 150, 153, 181<br />

183, 184, 186, 188, 189<br />

226, 448<br />

— Chichipe . 150, 151, 153<br />

181, 185, 186, 187, 189<br />

226, 448<br />

— Cumengei . . . . . . . 174<br />

— gummosus. . . . . . . 174<br />

— griseus . . . 33, 34, 153<br />

155, 157, 158, 159, 160<br />

168, 181, 340, 350, 476<br />

— Hollianus . 71, 340, 346<br />

347, 348, 349, 350, 376<br />

387, 395, 398, 437<br />

— mixtecensis . . . . . . 186<br />

— Pecten-aboriginum 340<br />

— queretaroensis . . . 150<br />

153, 160, 161, 162, 163<br />

165, 168, 204, 209, 340<br />

352, 395, 439, 442<br />

— stellatus . . 32, 153,166<br />

167, 168, 169, 181, 340<br />

350, 351, 380, 395<br />

— Thurberi . . . 47,69,148<br />

150, 153, 168, 170, 171<br />

172, 173, 176, 190, 340<br />

352, 392, 395, 398<br />

— Weberi . . . . 19,52,147<br />

150, 340, 350, 353, 380, 381<br />

395, 399, 400, 402, 403, 404<br />

Lepidocereus . . . . . . . . . . . . . . . . . 190<br />

Leuchtenbergia . . . . . . . 255, 291, 293<br />

— principis . . . . 292, 293<br />

Lima de Biznaga . . . . . . . . . . 242, 204<br />

Living rock . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324<br />

Lophocereus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224<br />

— autralis . . . . . . . . . . . 230<br />

— Sargentianus . . . 230, 303<br />

— Schottii . 38, 226, 229, 230<br />

231, 232, 233, 303<br />

364, 392<br />

— — australis . . . 232<br />

Lophophora . . . . . . . . . . . 38, 245, 293<br />

— Lewinii . . . . 245, 291, 302<br />

— Williamsii . . . 131,245,286<br />

289, 290, 291, 300<br />

302, 323, 417, 452<br />

— — Lewinii . . 286


546 table alphabétique<br />

M<br />

Pages<br />

Machærocereus flexuosus. . 147, 149, 178<br />

— gummosus. . 47, 67, 69<br />

131, 147, 148, 152, 153, 174, 175, 176<br />

177, 179, 180, 303, 318, 392, 449<br />

Mahuenia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80<br />

Malacocarpus . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— Leninghausenii . . . . 362<br />

— napinus. . . . . . . . . . 218<br />

Mamillaria . . . 18, 36, 37, 53, 60, 68, 98<br />

145, 236, 280, 305, 445, 447<br />

— aloides . . . . . . . . . . . . . 324<br />

— aselliformis . . . . . . . . . 318<br />

— disciformis . . . . . . . . . 325<br />

— fissurata . . . . . . . . . . . 323<br />

— furfuracea . . . . . . . . . . 324<br />

— Greggii . . . . . . . . . . . . 326<br />

— Lewinii . . . . . . . . 245, 290<br />

— longimamma giganthothele<br />

. . 316<br />

— — hexacentra .316<br />

— longihamata . . . . . . . . 317<br />

— Mælenii . . . . . . . . . . . . 218<br />

— micromeris . . . . . . . . . 326<br />

— pectinifera . . . . . . . . . . 321<br />

— Poselgeri . . . . . . . . . . . 317<br />

— Radliana . . . . . . . . . . . 317<br />

— Roseana . . . . . . . . . . . 317<br />

— senilis . 318, 326, 327, 331<br />

— Simpsonii . . . . . . . . . . 281<br />

— turbinata . . . . . . . . . . . 325<br />

— uberiformis . . . . . . . . . 316<br />

— Williamsii . . . . . . 245, 290<br />

Mamillopsis . . . . . . . . . . 318, 326, 327<br />

— senilis . 306, 326, 327, 328<br />

329, 473<br />

Manca caballo . . . . . . . . . . . . . . . . 256<br />

Maquauhpatli . . . . . . . . . . . . . . . . . 460<br />

Marta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460<br />

Mediocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />

Melcocha . . . . . . . . . . . . 136, 137, 138<br />

Melecar<strong>du</strong>us Indiæ occi<strong>du</strong>æ . . 143, 236<br />

Melocactus . . . . . . . . . . . 102, 143, 236<br />

— bradypus . . . . . . . . . . . 370<br />

— ingens . . . . . . . . . . . . . 273<br />

Memelita . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 496<br />

Metzollin . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 37<br />

Mezcal button . . . . . . . . . . . . . . . . 289<br />

Pages<br />

Miel de Tuna . . . . . . . . . 136, 137, 138<br />

Myrtillocactus . . . . . . . . . . . . 224, 234<br />

— Cochal . . . . . . 226, 234<br />

— geometrizans . . . 34, 38<br />

131, 224, 225, 226, 227<br />

228, 230, 392, 402<br />

— Schenckii . . . . . . . . 226<br />

N<br />

Neobesseya missouriensis . 305, 312, 473<br />

Neolloydia conoidea . . . . . . . . . . . 312<br />

Neomamillaria . . . . . . . . . . . . 472, 476<br />

— amoena . . . . . . 314, 473<br />

— applanata . . . . . . . . 315<br />

— candida . . . . . . . . . 314<br />

— Celsiana . . . . . . . . . 315<br />

— coronaria . . . . 308, 314<br />

— dicipiens . . . . . . . . . 314<br />

— discolor . . . . . . . . . 314<br />

— echinaria . . . . . . . . 314<br />

— elegans . . . . . . . . . . 315<br />

— elongata . . . . . . . . . 308<br />

— formosa . . . . . . . . . 315<br />

— fragilis . . . . . . . . . . 308<br />

— glochidiata . . . 314, 473<br />

— Goodridgei . . . . . . . 314<br />

— gracilis . . . . . . . . . . 310<br />

— Karwinskiana . 315, 352<br />

475, 476<br />

— lasiacantha . . . 308, 314<br />

— magnimamma . 306, 315<br />

— meiacantha . . . . . . . 315<br />

— melanocentra . 308, 315<br />

— Mystax . . . . . . . . . . 315<br />

— — maschalacantha<br />

. . . . . . . . 308<br />

— plumosa . . . . . . . . . 314<br />

— polyedra . . . . . . . . . 316<br />

— polythele. . . . . . . . . 314<br />

— prolifera . . . . . . . . . 314<br />

— rhodantha . . . . . . . . 314<br />

— Schelhasei . . . . . . . 314<br />

— Schiedeana . . . . . . . 314<br />

— sempervivi . . . . . . . 316<br />

— sphacelata . 308, 310, 314<br />

— spinosissima . . 309, 315<br />

— tetracantha . . . . . . . 315<br />

— vetula . . . . . . . 306, 315


table alphabétique 547<br />

Pages<br />

Nexcome<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281<br />

Nexcomitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281<br />

Noble Leuchtenbergia . . . . . . . . . . 293<br />

Nochesnopalli . . . . . . . . . . . . . . . . 493<br />

Nochpalli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28<br />

Nochoctli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139<br />

Nochtli . . . . . . . . . . . . . 27, 34, 37, 293<br />

Nochxochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />

Nopal . . 16, 30, 37, 39, 46, 52, 54, 65, 75<br />

101, 148, 154, 252, 310 , 358, 383<br />

419, 422, 423, 424, 426, 427, 431<br />

437, 438, 440, 441, 443, 444, 445<br />

483, 484, 502<br />

— Caldillo . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />

— camueso . . . . . 114, 115, 116, 117<br />

— Canuto . . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />

— cardon . . . . . . . . . . . . . . . . . 111<br />

— Cardona . . . . . . . . . . . . . . . . 66<br />

— Cascaron . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />

— Chamacuero . . . . . . . . . . . . . 21<br />

— chaveno . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />

— cimaron . . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />

— de Castilla 437, 443, 479, 496, 497<br />

498, 499, 500, 502, 503, 504, 513<br />

527, 529<br />

— de San Gabriel.. 479, 496, 500, 502<br />

503, 504, 508, 509, 511, 519<br />

— <strong>du</strong>raznillo . . . . . . . . . . . . . . 118<br />

— gigantillo . . . . . . . . . . . . . . 112<br />

— gomeno . . . . . . . . . . . 396, 423<br />

— Harton . . . . . . . . . . . . 112, 113<br />

— montese . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />

— rastrero . . . . 66,103,104,105,126<br />

218, 330, 356, 471, 472<br />

— Sirgo . . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />

Nopalea . . . . . 16, 27, 80, 101, 146, 352<br />

— cochenillifera . . . . . . . 82, 495<br />

— Karwinskiana . 80, 81, 82, 334<br />

355, 495<br />

Nopalli . . . . . . . . . . . . . 28, 34, 37, 101<br />

Nopallilo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30<br />

Nopallito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30<br />

Nopalnochestli . . . . . . . . . . . . . 30, 493<br />

Xopalquetzaltiquizi . . . . . . . . . . . . 460<br />

Nopalxochia . . . . . . . . . . . . . . 453, 465<br />

— phyllanthoides . . 146, 447<br />

460, 461, 465<br />

Nopalxochilquetzaltic . . . . . . . . . . 30<br />

Notocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362<br />

Pages<br />

Nyctocereus serpentinus . . 33, 194, 195<br />

331, 374, 403, 464, 468<br />

O<br />

Opuntia . . . 16, 27, 28, 30, 32, 33, 36, 37<br />

41, 42, 60, 66, 68, 70, 72, 79, 82<br />

85, 114, 118, 132, 133, 143, 146<br />

150, 218, 224, 248, 282, 334, 335<br />

354, 358, 382, 386, 390, 396, 420<br />

421, 422, 423, 430, 431, 445, 470<br />

472, 473, 474, 476, 477, 479, 481<br />

485, 487, 493, 497, 498, 500, 501<br />

503, 504, 505, 507, 512, 514, 529<br />

531, 532, 535, 537, 538<br />

— Alcahes. . . . . . . . . . . . . . . . 390<br />

— Amyclæa . . . . . . . . . . . 105, 125<br />

— arbuscula . . . . 56, 91, 100, 428<br />

— brachyarthra . . . . . . . . . . . 471<br />

— cæspitosa . . . . . . . . . . . . . . 470<br />

— Camuessa . . . . . . . . . . . . . . 114<br />

— Cardona . . . . . 65, 70, 105, 108<br />

111, 112, 113, 114, 142, 334<br />

— Chapistle . . . . . . . . . . . . . . 337<br />

— Cholla . . . . . . . 62, 95, 96, 390<br />

— Condettii . . . . . . . . . . . . . . 111<br />

— decumana . . . . . . . . . . . . . . 125<br />

— Dillenii . . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />

— elongata . . . . . . . . . . . . . . . 125<br />

— Engelmannii . . . . . . . . . . . . 105<br />

— Ficus-indica . . . 30, 32, 79, 102<br />

105, 108, 111, 121, 123, 124, 125<br />

224, 334, 335, 443, 451, 467, 495<br />

497, 499, 503, 529<br />

— — splendida . . . . . . . 498<br />

499, 513<br />

— flavicans . . . . . . . . . . . . . . . 114<br />

— fragilis . . . . . . . 56, 145, 310, 445<br />

471, 472<br />

— Grahamii . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— Hernandezii . . . . . . . . 500, 527<br />

— — typica . . . 500, 501<br />

507, 509, 511, 519<br />

— imbrícala . . . . . . 32, 33, 96, 97<br />

390, 393<br />

— intermedia . . . . . . . . . . . . . 470<br />

— invicta . . . . . . . . . . . . . . . . 96<br />

— italica . . . . . . . . . . . . . . . . . 470


548 table alphabétique<br />

Pages<br />

Opuntia Joconostle . . 32, 105, 107, 111<br />

120<br />

— lanceolata . . . . . . . . . . . . 105<br />

— Larreyi . . . . . . . . . . . . . . . 114<br />

— leptocaulis . . . . 29, 34, 36, 96<br />

— leucotricha . . 36, 111, 118, 119<br />

120, 263, 443<br />

— linguiformis . . . . . . . . . . . 106<br />

— macrorhiza . . . . . . . . . . . . 218<br />

— maxima . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />

— mesacantha . . . . . . . . . . . 470<br />

— microdasys . . . . . . . . 108, 476<br />

— nana . . . . . . . . . . . . . . . . . 470<br />

— Opuntia . . . . . . . . . . 145, 470<br />

— orbiculata . . . 34, 36, 108, 142<br />

— pilifera . . . . . . . . . . . . . . . . 36<br />

— Pottsii . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— pubescens . . . . . . . . . . . . . 31<br />

— Rafinesquiana . 445, 470, 471<br />

— Rastrera . . . . . . . . . . 103, 104<br />

— robusta . . . . . . 51,111,114,115<br />

116, 117, 118<br />

— — Camueso . . . . . . . 443<br />

— sp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21<br />

— spathulata . . . . . . . . . . . . 336<br />

— speciosa . . . . . . . . . . . . . . 460<br />

— splendida . . . . . . . . . . . . . 498<br />

— streptacantha . . . . . . . 65, 114<br />

— Tapona . . . . 32, 43, 55,105,111<br />

125, 385, 389<br />

— Tuna . . 105, 108, 126, 334,429<br />

— tunicata . . . . . . . . 96, 99, 358<br />

— vulgaris . . . . . . . . . . 445, 470<br />

Organito do vivora . . . . . . . . . . . . . 221<br />

Organo . . . . . . . . . 16, 38, 144, 147, 342<br />

P<br />

Pachycereus . . 66, 70, 80, 147, 148, 153<br />

359, 362, 364, 366, 368, 370<br />

372, 400<br />

— calvus . . . . . . . . 372, 404<br />

— chrysomallus . . 362, 370<br />

400<br />

— Columma-Trajani . . . 150<br />

370, 372, 374<br />

— Gaumeri . . . . . . . . . . 372<br />

— grandis . . . . . . . . . . . 372<br />

Pages<br />

Pachycereus marginatus . . . 74, 147, 340<br />

341, 342, 343, 344, 345 346<br />

348, 350, 355, 356, 372, 508<br />

— Orcuttii . . . . . . . . . . . 372<br />

— Pecten-aboriginum 54, 68<br />

69, 70, 73, 80, 131, 303<br />

352, 372, 381, 395, 399<br />

404, 408, 412, 413, 414<br />

415, 416, 417, 464<br />

— Pringlei . . . 17, 50, 52, 54<br />

61, 62, 67, 68, 69, 70, 71, 80<br />

150, 190, 340, 352, 357<br />

372, 381, 386, 391, 395<br />

399, 404, 405, 406, 407<br />

408, 409, 410, 411, 417<br />

428, 429<br />

— queretaroensis . . . . . 160<br />

— ruficeps . . 150, 191, 372<br />

380, 400<br />

— Titan . . . . . . . . . 372, 404<br />

Patilon . . . . . . . . . . . . . . . . 88, 90, 337<br />

Pediocactus Simpsonii . . 280, 281, 307<br />

473<br />

Pelecyphora . . . . . . . . . . . . . . 309, 318<br />

— asselliformis . . . . 318,320<br />

— — pectinata 320<br />

— micromeris . . . . . . . . 326<br />

— pectinata . . . . . . . . . 321<br />

Peniocereus . . . . . . . . . . . . . . 218, 219<br />

— Greggii . 218, 219, 220, 221<br />

Pereskia . . . . . . . . 54, 82, 85, 447, 451<br />

— crassicaulis . . . . . . . . . . . 336<br />

— opuntiæflora . . . . . . . . .85, 338<br />

— Pititache . . . . . . . . . . . . . . 85<br />

— rotundifolia . . . . . . . . . . . . 85<br />

— spathulata . . . . . . . . . 85, 336<br />

Pereskiopsis . . . 54, 79, 82, 88, 292, 336<br />

337, 352<br />

— aquosa . . 86, 87, 89, 91,92<br />

93, 100, 121, 210<br />

— Chapistle . . . . . 36, 336, 337<br />

339, 355, 508, 519<br />

— opuntiæflora . . . . . . . 338<br />

— Pititache . . . . . . . . 83, 85<br />

— rotundifolia . . . . . . 84, 85<br />

— spathulata . . . 88, 90, 330<br />

Pereskopuntia . . . . . . . . . . . . . . . . 82<br />

Peyotl zacatecensis . . . . . 245, 289 302<br />

Peyot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296, 297


table alphabétique 549<br />

Pages<br />

Peyote 38, 245, 246, 250, 256, 287, 288<br />

291, 292, 295, 296, 297, 298, 299<br />

300, 301, 302, 303, 311, 317, 322<br />

331, 448, 452<br />

— Seni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .291<br />

Peyotillo . 245, 256, 288, 303, 317, 331<br />

448<br />

Peyolt . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 289, 295<br />

Peyutl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 289<br />

Pezuna de venado . . . . . . . . . . . . . . 324<br />

Phellosperma tetrancistra . . . . . . . 315<br />

Phyllartus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

Phyllocactus. . . . . . . . . . . . . . 102, 453<br />

— Ackermannii . . . . . . . 457<br />

— acuminatus . . . . . . . . 459<br />

— anguliger . . . . . . . . . . 458<br />

— chiapensis . . . . . . . . . 462<br />

— grandis . . . . . . . . . . . 459<br />

— guyanensis . . . . . . . . . 459<br />

— latifrons . . . . . . . 459, 460<br />

— Nelsonii . . . . . . . . . . . 462<br />

— oxypetalus . . . . . . . . . 459<br />

— phyllanthoides . . . . . . 460<br />

— Purpusii . . . . . . . . . . 459<br />

— serratus . . . . . . . . . . . 458<br />

— stenopetalus . . . . . . . 460<br />

Pilocereus . . . . . . . . . . . . 54, 226, 359<br />

— alensis . . . . . . . . . . . . . 368<br />

— chrysacanthus . . . . . . . 368<br />

— chrysomallus . . . . . . . . 370<br />

— Columna-Trajani . . . . . 370<br />

— cometes . . . . . . . . . . . . 368<br />

— Engelmannii . . . . . . . . . 189<br />

— flavicomus . . . . . . . . . . 368<br />

— Försteri . . . . . . . . 368, 374<br />

— fulviceps . . . . . . . . . . . . 370<br />

— giganteas . . . . . . . . . . . 189<br />

— Hagendorpii . . . . . 368, 378<br />

— Hoppenstedtii . . . . 368, 378<br />

— Houlletii . . . . . . . . . . 368, 374<br />

— jubatus . . . . . . . . . . . . . 368<br />

— lateralis . . . . . . . . 368, 378<br />

— lateribarbatus. . . . . . . . 370<br />

— leucocephalus . . . . 368, 374<br />

— macrocephalus . . . . . . . 370<br />

— Marschalleckianus 368, 374<br />

— militaris . . . . . . . . . . . . 370<br />

— polylophus . . . . . . . . . . 370<br />

— Pringlei . . . . . . . . . . . . 372<br />

— ruficeps . . . . . . . . . . . . 372<br />

Pages<br />

Pilocereus Sargentianus . . . . . . . . . 230<br />

— Schottii . . . . . . . . . . . . . 230<br />

— scoparius . . . . . . . . . . . 370<br />

— senilis . . . . . . . . . . . . . . 370<br />

— Sterkmannii . . . . . . . . . 370<br />

— Tetezo . . . . . . . . . . 370, 399<br />

— Thurberi . . . . . . . . . . . . 168<br />

Pitaya . . . . . 48, 152, 154, 162, 164, 384<br />

— agria . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176<br />

— de agua . . . . . . . . . . . . . . . . 210<br />

Pitahaya . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />

— de agua . . . . . . . . . . . . . . . 210<br />

— del cerro . . . . . . . . . . . . . . 210<br />

— de Sayula . . . . . . . . . . . . . 210<br />

— del volcan . . . . . . . . . . . . . 210<br />

Pitahayta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />

Pitayta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />

Pitahayo 38, 152, 155, 442, 444, 462, 469<br />

Pitajillo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />

Pitayo . 32, 38, 47, 74, 145, 147, 148, 152<br />

153, 154, 155, 158, 164, 168, 1/2<br />

174, 176, 177, 180, 181, 189, 192<br />

196, 197, 198, 200, 201, 202, 204<br />

206, 215, 218, 220, 338, 352, 383<br />

392, 394, 395<br />

— agrio . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153<br />

— de mayo . 153, 155, 156, 158, 198<br />

— de Mitla . . . . . . . . . . . . . . . . 155<br />

— de Queretaro . . . . . 153,160,198<br />

— <strong>du</strong>lce . . . 153, 168, 174, 190, 398<br />

— xoconostle 32, 153,


550 table alphabétique<br />

Pages<br />

Quauchcuezplacuitlapilli . . . . . . . . 34<br />

Queso de Tuna . . . . . . . . 136, 138, 139<br />

Quionochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182<br />

R<br />

Reina de la noche . . . . . . . . . . 194, 468<br />

Reine de la nuit . . . . . . . . . . . 468, 469<br />

Rhipsalis . . 15, 18, 53, 64, 224, 453, 456<br />

— Cassytha . . . . . . . . . . . . . 15<br />

S<br />

Sacred mushroom . . . . . . . . . . . . . . 289<br />

Sahuaro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />

Sahueso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />

Sasaluistli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29<br />

Schlumbergera . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

Sclerocactus Whipplei . . 261, 262, 473<br />

Selenicereus . . . . . . . . . . 206, 208, 455<br />

— grandiflorus 131,194,195<br />

208, 212, 213<br />

214, 215, 216<br />

303, 447, 455<br />

462, 468<br />

— — affinis . . . 214<br />

— — Macdonaldiæ<br />

. . . 214<br />

— — albispinus . .214<br />

— — callicanthus<br />

. . 215<br />

— hamatus . 34, 04, 193, 208<br />

216, 217, 218, 219, 456, 469<br />

— pteranthus . 194, 208, 215<br />

216, 447, 462<br />

408<br />

— — armata . . . 216<br />

— — gracilior . 210<br />

— — viridior . . 216<br />

— vagans . . . . . . 33, 35, 195<br />

Serpentine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />

Sinita . . . . . . . . . . . . . . . 232, 233, 234<br />

Soconoscle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32<br />

Solisia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322<br />

Starfisch Cactus . . . . . . . . . . . . . . . 285<br />

Stenocereus stellatus . . . . . . . . . . . 160<br />

Strasberrycactus . . . . . . . . . . . . . . . 145<br />

Stromatocactus . . . . . . . . . . . . . . . . 245<br />

— Kotschoubeyi . . . . . 324<br />

Pages<br />

Strombocactus disciformis . . . 281, 325<br />

326<br />

Strophocactus. . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />

— Wittii . . . . . . . . . . . . 196<br />

T<br />

Tacinga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80<br />

Tamale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276<br />

Tasajillo . . . . . . . . . . . . 28, 88, 94, 101<br />

Tasajo . . . . . . . . . . . . . . . . 28, 38, 101<br />

Tecome<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37<br />

Tenchalote . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 101<br />

Tenochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30, 32<br />

Tenopalli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30, 32<br />

Teocomitl . . . . . . . . . . . . . 37, 293, 295<br />

Teohuiznahuac . . . . . . . . . . . . . . . . 294<br />

Teonochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 497<br />

Tepenexcoinitl . . . . . . . . . . . . 256, 280<br />

Tepenopalli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32<br />

Tepepoa . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 230<br />

Tepequinochtli . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />

Tepexcoinitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37<br />

Thelocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— leucacanthus . . . . . . . . 218<br />

Tiscome<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . 37, 281<br />

Tiscomitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281<br />

Tlapalnochtli . . . . . . . . 27, 32, 33, 493<br />

Tocahuiztli . . . . . . . . . . . . . . . . 36, 108<br />

Tortilla de Carambullo . . . . . . . . . . 226<br />

Trimpanilla . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120<br />

Tuna . . . . . 37, 38, 46, 48, 131, 133, 154<br />

155, 156, 383, 489, 494<br />

— amarilla . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— Alfajayuca . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— americana . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— barbona . . . . . . . . . . . . . . . . . 230<br />

— blanca . . . . . . . . . . . . . . 120, 126<br />

— camuesa . . . . . . . . . . . . . . . . 114<br />

— Cardona . . . . . . . . . . . . . . 65, 111<br />

— colorada . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— de agua . . . . . . . . 88, 94, 96, 210<br />

— de Castilla . . . . . . . . 30, 126, 497<br />

— <strong>du</strong>raznilla . . . . . . . . . . . 118, 120<br />

— Joconostle . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />

— mansa . . . . . . . . . . . . . . 126, 443<br />

— — pelona . . . . . . . . . . . . . 125<br />

— maranjada . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— mexicana . . . . . . . . . . . . . . . . 126


table alphabétique 551<br />

Pages<br />

Tuna morada . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— passada . . . . . . . . . . . . . . . . . 135<br />

— pelona . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— pintadera . . . . . . . . . . . . . 34, 142<br />

— ranchera . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— rastrera . . . . . . . . . . . . . . . . . 103<br />

— rica . . . . . . . . . . . . . . . . . 30, 497<br />

— casta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 443<br />

— tapona . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

— teca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />

Tzacuanochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />

Tzazahuistli . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 36<br />

V<br />

Visnaga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235<br />

W<br />

Weberocereus . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />

Werckleocereus . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />

Wilcoxia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

— Diguetii . . . . . . . . . . 219, 222<br />

— papillosa . . . . . . . . . 219, 223<br />

— Poselgeri . . . . . 218, 219, 223<br />

ERRATA<br />

Pages<br />

Wilcoxia striata . . . . 74, 219, 222, 452<br />

— viperina . . 219, 220, 221, 222<br />

223, 452<br />

Willmattea . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />

Wittia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

Wohoki . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />

X<br />

Xoalacatl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34<br />

Xochilalacatl . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />

Xochilquetzaltic . . . . . . . . . . . . . . . 145<br />

Xochinochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />

Xoconochtli . . . . . . . . . . . . 30, 32, 166<br />

Xoconostle . . . . . . . . . . . . . . . . 32, 120<br />

Z<br />

Zacamatraca . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />

Zacanochtli . . . . . . . . . . . . 27, 32, 101<br />

Zacasil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

Zacaxochitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />

Zapotnochtli . . . . 30, 152, 155, 443, 497<br />

Zoconochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32<br />

Zygocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />

p. 37, 38, 39, 43, 44, au lieu de : Bisnaga, lire : Biznaga.<br />

p. 30, 1 re ligne, au lieu de : Nopalnocheztli, lire : Nopalnochestli.<br />

p. 53, note 1, le Bulletin of Plants In<strong>du</strong>stry est de 1907 et non de 1910.<br />

p. 145, 14 e ligne, lire : où el<strong>les</strong> sont exposées et adaptées,<br />

et avant dernière ligne, au lieu de : Xochilquezaltic, lire : Xochilquetzaltic.<br />

p. 218, note 1, dernière ligne, au lieu de : Zacaxochil, lire : Zacaxochitl.<br />

p. 220 , 24 e ligne, au lieu de : transmontana, lire : transmontanas.<br />

p. 245, en note, 3 e ligne, au lieu de : Jourdanianum, lire : Jourdanicum,<br />

et au lieu de : Jourdianus, lire : Jourdanianus.<br />

p. 247, 3 e ligne, au lieu de : capricormis, lire : capricorne.<br />

p. 285, 8 e ligne, au lieu de : ornatus, lire : ornatum.<br />

p. 316, 7 e et 8 e lignes, au lieu de : Mamillariées, lire : Eumamillariées.<br />

p. 447, 21 e ligne, au lieu de : phyllantoides, lire : phyllanthoides.<br />

et 23 e ligne, supprimer : Cereus.<br />

p. 460, 26 e ligne, au lieu de : Catzicnopalxochitl, lire : Cotzicnopalxochitl.


ROUEN<br />

IMPRIMERIE LECERF FILS<br />

1928

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