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ARCHIVES D’HISTOIRE NATURELLE<br />
PUBLIÉES PAR LA<br />
S O C I É T É NAT I O NA L E D ’ AC C L I M ATAT I O N D E F R A N C E<br />
IV<br />
LES CACTACÉES UTILES<br />
DU MEXIQUE<br />
PAR<br />
LÉON DIGUET<br />
Correspondant <strong>du</strong> Muséum<br />
O U V R A G E P O S T H U M E<br />
REVU PAR<br />
ANDRÉ GUILLAUMIN<br />
Docteur ès sciences<br />
Sous - Directeur de Laboratoire au Muséum<br />
AVEC UNE<br />
NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR LÉON DIGUET<br />
PAR<br />
D. BOIS<br />
Professeur <strong>du</strong> Muséum<br />
PARIS<br />
Au Siège de la Société : 198, Boulevard Saint-Germain (VII e )<br />
1928
LES CACTACÉES UTILES<br />
DU MEXIQUE
ARCHIVES D’HISTOIRE NATURELLE<br />
PUBLIÉES PAR LA<br />
S O C I É T É NAT I O NA L E D ’ AC C L I M ATAT I O N D E F R A N C E<br />
IV<br />
LES CACTACÉES UTILES<br />
DU MEXIQUE<br />
PAR<br />
LÉON DIGUET<br />
Correspondant <strong>du</strong> Muséum<br />
O U V R A G E P O S T H U M E<br />
REVU PAR<br />
ANDRÉ GUILLAUMIN<br />
Docteur ès sciences<br />
Sous - Directeur de Laboratoire au Muséum<br />
AVEC UNE<br />
NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR LÉON DIGUET<br />
PAR<br />
D. BOIS<br />
Professeur <strong>du</strong> Muséum<br />
PARIS<br />
Au Siège de la Société : 198, Boulevard Saint-Germain (VII e )<br />
1928
LÉON DIGUET<br />
Léon Diguet, explorateur-naturaliste, est décédé le<br />
31 août 1926.<br />
Il naquit au Havre le 25 juillet 1859. Après avoir étudié<br />
la Chimie in<strong>du</strong>strielle, il suivit, au Muséum, le cours de<br />
Frémy dont le laboratoire était alors fréquenté par de nom-<br />
breux élèves, parmi <strong>les</strong>quels plusieurs devinrent des savants<br />
éminents. Mais il avait une prédilection marquée pour <strong>les</strong><br />
études d’histoire naturelle, et ses goûts le portèrent vers <strong>les</strong><br />
explorations scientifiques, auxquel<strong>les</strong> il se prépara par la<br />
fréquentation de divers laboratoires.<br />
Il fit un premier voyage au Mexique, de 1889 à 1892, en<br />
qualité de chimiste, pour l’étude des mines <strong>du</strong> Boléo. Les<br />
importantes collections zoologiques, botaniques et ethnogra-<br />
phiques qu’il rapporta pour le Muséum et <strong>les</strong> nombreuses<br />
photographies documentaires qui <strong>les</strong> accompagnaient, exé-<br />
cutées avec la plus grande habileté, furent jugées si intéres-<br />
santes qu’el<strong>les</strong> donnèrent lieu à une exposition spéciale, en<br />
1899, au Muséum.<br />
Ce premier succès fit attribuer à Léon Diguet, par le minis-<br />
tère de l’Instruction publique et par le Muséum, six missions<br />
successives qu’il accomplit de 1893 à 1913.<br />
La première ayant pour but l’exploration de la Basse-<br />
Californie (1893-1896), fut relatée dans un Rapport que<br />
Diguet publia dans <strong>les</strong> Nouvel<strong>les</strong> Archives des Missions<br />
scientifiques, tome IX (1898), portant sur ses études de géographie<br />
et d’ethnographie. Ses récoltes considérab<strong>les</strong> d’his-<br />
toire naturelle furent l’objet de nombreuses et intéressantes<br />
communications insérées dans le tome I (1895) <strong>du</strong> Bulletin<br />
<strong>du</strong> Muséum d’histoire naturelle : Étude sur un nouveau type<br />
de léporidé (Lepus Edwardsi), Rémy Saint-Loup, p. 4. Sur
8 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
une collection de Crustacés décapodes recueillis en Basse-<br />
Californie, E.-L. Bouvier, p. 6. Sur deux Loranthacées de la<br />
Basse-Californie, Ph. van Tieghem, p. 30. Sur des ossements<br />
humains recueillis par M. Diguet, J. Deniker, p. 33. Sur des<br />
Mollusques de la Basse-Californie, A.-T. de Rochebrune,<br />
pp. 36 et 239. Sur des Hyménoptères <strong>du</strong> genre Polistes de la<br />
Basse-Californie, Ch. Brongniart, p. 37. Examen <strong>du</strong> miel<br />
pro<strong>du</strong>it par une Poliste de Basse-Californie, G. Bertrand,<br />
p. 38. Sur quelques minéraux des mines <strong>du</strong> Boléo, A. Lacroix,<br />
p. 39. Sur quelques roches éruptives de la Basse-Californie,<br />
E. Ritter, p. 43. Arachnides recueillis en Basse-Californie,<br />
E. Simon, p. 105. Crustacés phyllopodes, J. Richard, p. 107.<br />
Sur quelques plantes remarquab<strong>les</strong> de la Basse-Californie,<br />
J. Poisson, p. 112. Les Cactées de la Basse-Californie, Weber,<br />
p. 316.<br />
Diguet exposa <strong>les</strong> grandes lignes de ce voyage dans le<br />
Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’histoire naturelle (1895, p. 28).<br />
Une note sur son exploration en Basse-Californie parut<br />
dans Le Tour <strong>du</strong> Monde (1895, p. 261), et il publia, en collaboration<br />
avec J. Poisson, dans La Nature, 1896, p. 150, un<br />
article sur la végétation dans ce pays.<br />
On peut citer aussi : une note de l’abbé Hue, sur <strong>les</strong><br />
Lichens récoltés par Diguet (Journal de Botanique, 1895,<br />
p. 108) ; une autre de Ju<strong>les</strong> Mabille ; Les Mollusques de la<br />
Basse-Californie (Bulletin de la Société Philomatique de<br />
Paris, 1895, p. 54) ; une plus récente de Jacques Pellegrin,<br />
sur le Tænioconger Digueti Pellegrin, Poisson apode <strong>du</strong><br />
golfe de Californie (Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1923, p. 498).<br />
Dans une deuxième mission (1896-1898), il explora l’État<br />
de Jalisco et le territoire de Tépic (Mexique), et étudia tout<br />
particulièrement la Sierra <strong>du</strong> Nayarit, ses indigènes, <strong>les</strong><br />
Indiens Huichols et Coras, la flore et la faune de ce pays<br />
(L. Diguet, Relation sommaire d’un voyage au versant occi-<br />
dental <strong>du</strong> Mexique (Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’histoire naturelle,<br />
1898, p. 345). Deux Cactacées nouvel<strong>les</strong>, <strong>les</strong> Echinocactus<br />
Diguetii et Peninsulæ, récoltées par lui, furent décrites par<br />
le docteur Weber dans le Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1908, p. 98.
léon diguet 9<br />
Son troisième voyage (1899-1900) fut consacré aux États<br />
de San Luis Potosi, Jalisco, Colima et au golfe de Californie.<br />
Dans une quatrième mission (1902-1904), il visita <strong>les</strong><br />
États de Puebla, d’Oaxaca, l’isthme de Tehuantepec, le sud<br />
de la Basse-Californie et <strong>les</strong> î<strong>les</strong> avoisinantes.<br />
Dans un cinquième voyage, il parcourut <strong>les</strong> États de<br />
Michoacan (le volcan <strong>du</strong> Nevado), de Toluca, et <strong>les</strong> mon-<br />
tagnes avoisinantes.<br />
Une sixième mission (1911-1913) lui permit de visiter à<br />
nouveau l’État de Jalisco et la Basse-Californie.<br />
Il fit en outre deux voyages en Amérique, l’un en Orégon,<br />
pour l’examen de placer d’or, près de Beker City (1895),<br />
l’autre pour l’étude de terrains propres à l’agriculture dans<br />
la vallée de l’Altor (1909).<br />
Tous <strong>les</strong> matériaux d’étude recueillis par Léon Diguet font<br />
aujourd’hui partie des collections <strong>du</strong> Muséum et <strong>du</strong> Musée<br />
ethnographique <strong>du</strong> Trocadéro. Ils ont été l’objet de notes<br />
dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> furent décrites de nombreuses espèces nou-<br />
vel<strong>les</strong> pour la science, et ont donné de précieuses indications<br />
sur la distribution géographique d’espèces déjà connues.<br />
Diguet a publié lui-même divers mémoires sur l’archéo-<br />
logie et l’ethnographie des races humaines indigènes qui<br />
peuplaient le Mexique à l’époque précolombienne. C’est ainsi<br />
qu’en 1902, il s’attacha à l’étude des Mogotes, grands tumulus<br />
ou mounds américains, dans l’ancienne contrée mixteco-<br />
zapothèque et, de plus, à celle de la Sierra mixtèque, qu’il<br />
considéra (avec quelque vraisemblance, suivant Hamy),<br />
comme des « oppida », ou camps retranchés.<br />
On lui doit notamment :<br />
Note sur certaines pyramides des environs d’Ixtlain<br />
(Mexique) (L’Anthropologie, Paris, tome IX). Pictographie<br />
de la Basse-Californie (même recueil, 1900). Contribution à<br />
l’étude précolombienne <strong>du</strong> Mexique. Le Chimalhuacan et<br />
ses populations avant la conquête espagnole (Journal de la<br />
Société des Américanistes de Paris, nouvelle série, t. I er ,<br />
n° 1, Paris, 1903). Les camps fortifiés de la région mixteco-
10 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
zapothèque (même recueil, 1904). Notes d’Archéologie<br />
mixteco-zapothèque, tumulus et camps retranchés (même<br />
recueil, tome II. 1905, n° 1). Anciennes sépultures indigènes<br />
de la Basse-Californie méridionale (Journ. Soc. Amer. Paris,<br />
t. II, 1905, n° 2). Contribution à l’étude géographique <strong>du</strong><br />
Mexique précolombien, Le Mixtécapan (même recueil,<br />
tome III, 1906, n° 1). Idiome Huichol, Contribution à<br />
l’étude des langues mexicaines (même recueil, tome VIII,<br />
1911, p. 23).<br />
On lui doit aussi des notes sur la Zoologie :<br />
La pêche de l’Huître perlière dans le golfe de Californie<br />
(Journal d’Aquiculture de France, 1895, p. 3). La culture<br />
de l’Huître perlière et la formation de la perle (Revue scientifique,<br />
1899). La formation de la perle dans la Méléagrine<br />
(Comptes ren<strong>du</strong>s de l’Académie des Sciences, 1899) ; ainsi<br />
que divers artic<strong>les</strong> sur l’exploitation de l’Huître perlière ;<br />
Bulletin de l’Association des Élèves de Frémy (1899, p. 73) ;<br />
Revue des Revues d’histoire naturelle (Paris, 1900, p. 68) ;<br />
Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de France<br />
(1919, p. 183).<br />
Puis ; Histoire de la Cochenille au Mexique (Journal de la<br />
Société des Américanistes de Paris, tome VI, 1919) ; id.<br />
(Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de France,<br />
1911, p. 330). Le Mosquero, nid d’Araignées socia<strong>les</strong>, em-<br />
ployé comme piège à mouches dans certaines localités <strong>du</strong><br />
Mexique (Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de<br />
France, 1909, p. 368) et Nouvel<strong>les</strong> observations sur le Mosquero<br />
(même recueil, 1915, p. 240).<br />
Léon Diguet a publié également des notes très intéres-<br />
santes sur la Botanique, principalement sur <strong>les</strong> plantes uti<strong>les</strong><br />
pouvant être intro<strong>du</strong>ites dans <strong>les</strong> colonies ;<br />
Le Jojoba (Simmondsia californica Nutt.), Euphorbiacée<br />
à graine comestible (Revue des Sciences naturel<strong>les</strong> appliquées,<br />
Paris, 1895). Le Maïs géant de Jala (Revue des cultures<br />
colonia<strong>les</strong>, Paris, 1901). L’Agave à mescal de Tequila,<br />
sa culture, son in<strong>du</strong>strie (même recueil, 1902). Étude sur <strong>les</strong>
léon diguet 11<br />
principa<strong>les</strong> Cactées utilisées au Mexique et susceptib<strong>les</strong> d’être<br />
intro<strong>du</strong>ites dans <strong>les</strong> régions désertiques des colonies fran-<br />
çaises (Bulletin de la Société d’Acclimatation de France,<br />
Paris, 1906). Cactus géants <strong>du</strong> Mexique (La Science au<br />
XX e siècle, Paris, 1906). Les boissons alcooliques mexicaines<br />
tirées des Agaves (même recueil, 1907). Le Peyote et son<br />
usage rituel chez <strong>les</strong> Indiens Huichols (Journal des Américanistes<br />
de Paris, Paris, 1908). Le Mais et le Maguey chez<br />
<strong>les</strong> anciennes populations <strong>du</strong> Mexique (même recueil, 1910,<br />
p. 5). Sur quelques plantes mexicaines employées éventuel-<br />
lement comme fourrage (Bulletin de la Société nationale<br />
d’Acclimatation de France, Paris, 1911, p. 605). Bois et<br />
Diguet, Une plante alimentaire peu connue <strong>du</strong> Mexique<br />
(Dalembertia populifolia Baillon), (L’Agriculture pratique<br />
des pays chauds, Paris, 1914, p. 257). Culture indigène de<br />
certains Cereus dans la vallée de Las Playas (Mexique)<br />
(Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation, Paris, 1916,<br />
pp. 123 et 176). L’Arbre à Chilté (Jatropha tepiquensis Costantin<br />
et Gallaud) (Revue d’histoire naturelle appliquée,<br />
1912, p. 237). Cet arbre a été décrit comme espèce nouvelle<br />
(Revue générale de Botanique, 1906, p. 385). On en tire,<br />
dans l’État <strong>du</strong> Nayarit (Mexique), un latex coagulé ou<br />
« gomme de Chilté » utilisé comme le « chicle » provenant<br />
de l’Achras Sapota. Une analyse chimique <strong>du</strong> Chilté a été<br />
donnée par Gabriel Bertrand (Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1899,<br />
p. 134).<br />
Léon Diguet s’était attaché avec un soin tout particulier à<br />
la récolte des plantes de la famille des Cactacées et <strong>du</strong> genre<br />
Agave, qui prirent place dans <strong>les</strong> serres <strong>du</strong> Muséum et furent<br />
étudiées par le D r Weber ; il en fit parvenir à Robert Roland-<br />
Gosselin qui en cultiva dans sa belle propriété « La Colline<br />
de la Paix », à Nice, une précieuse collection, en étudia sur<br />
le vif et en décrivit plusieurs comme espèces nouvel<strong>les</strong>.<br />
(Bulletin <strong>du</strong> Muséum, 1905, p. 505.)<br />
Robert Roland-Gosselin possédait aussi une remarquable<br />
collection de Broméliacées <strong>du</strong> genre Tillandsia, dont un certain<br />
nombre avaient la même provenance.
12 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Léon Diguet était connu et estimé de tout le personnel des<br />
laboratoires <strong>du</strong> Muséum et des membres des sociétés aux-<br />
quel<strong>les</strong> il appartenait : Nationale d’Acclimatation, des Amé-<br />
ricanistes de Paris, de Géographie, de Chimie in<strong>du</strong>strielle,<br />
de Distillerie et Sucrerie.<br />
Il était correspondant <strong>du</strong> Muséum, membre correspondant<br />
de la Société Philomatique, lauréat de l’Institut (Académie<br />
des Inscriptions et Bel<strong>les</strong>-Lettres, 1907), de la Société de<br />
Géographie (Prix Ducros-Aubert, 1905).<br />
Il avait été nommé Chevalier de la Légion d’honneur<br />
en 1906.<br />
Il était vice-président de la section de Colonisation de la<br />
Société nationale d’Acclimatation, qui lui avait décerné en<br />
1906 sa grande médaille à l’effigie de Geoffroy-Saint-Hilaire.<br />
Assi<strong>du</strong> aux réunions de la Société et de rapports très<br />
agréab<strong>les</strong>, il est vivement regretté parmi nous.<br />
L’ouvrage qui parait aujourd’hui avait été entièrement pré-<br />
paré par lui avant sa mort et <strong>les</strong> superbes figures qui accom-<br />
pagnent le texte sont presque toutes la repro<strong>du</strong>ction de pho-<br />
tographies qu’il a exécutées pendant ses séjours au Mexique.<br />
Par piété fraternelle, Mlle Diguet a voulu que l’oeuvre de<br />
son frère soit réalisée et elle a confié à la Société nationale<br />
d’Acclimatation le soin de cette publication d’un grand intérêt<br />
aux points de vue biologique et de l’utilisation des<br />
Cactacées mexicaines.<br />
M. Guillaumin, Docteur ès sciences, Sous-Directeur <strong>du</strong><br />
Laboratoire de Culture au Muséum, a accepté de donner la<br />
concordance des noms cités, avec ceux de l’ouvrage de<br />
Britton et Rose, et de se charger de la correction des<br />
épreuves.<br />
D. BOIS.<br />
Professeur au Muséum national d’Histoire naturelle,<br />
Président de la Section Botanique<br />
de la Société nationale d’Acclimatation.
LES CACTACÉES UTILES<br />
DU MEXIQUE<br />
Biologie - Influence sur le Pays<br />
Rôle économique chez <strong>les</strong> Indigènes<br />
Chapitre i. — Généralités.<br />
SOMMAIRE :<br />
— ii. — terminoloGie nahuatle-espaGnole.<br />
— iii. — stations des CaCtaCées.<br />
— iV. — aVantaGes.<br />
— V. — rôle et méCanisme dans le peuplement VéGétal<br />
— Vi. — utilité.<br />
des déserts.<br />
— Vii. — opuntiées.<br />
— Viii. — exploitation des opuntiées.<br />
— ix. — Céréées.<br />
— x. — éChinoCaCtées.<br />
— xi. — mamillariées.<br />
— xii. — emploi des CaCtaCées dans <strong>les</strong> Clôtures.<br />
— xiii. — CaCtaCées a Fibres.<br />
— xiV. — diFFérentes autres appliCations éConomiques.<br />
— xV. — CaCtaCées employées Comme FourraGe et enGrais<br />
Verts.<br />
— xVi. — Culture des CaCtaCées.<br />
— xVii. — nopals a CoChenil<strong>les</strong> et leur exploitation.
CHAPITRE I<br />
APERÇU GÉNÉRAL.<br />
RAPPORT DES CACTACÉES MEXICAINES<br />
AVEC LE PAYS ET LES INDIGÈNES.<br />
Au nombre des plantes américaines dont l’économie<br />
domestique des anciens Mexicains avait su tirer un profit<br />
des plus remarquab<strong>les</strong>, on doit placer en première ligne et<br />
presque au même rang que <strong>les</strong> Agave, une notable partie des<br />
nombreuses espèces appartenant à la famille des Cactacées.<br />
Cette intéressante famille de plantes, incontestablement<br />
originaire des régions tropica<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong> <strong>du</strong> Nou-<br />
veau Continent, semble, par le grand nombre des espèces<br />
uti<strong>les</strong> qui se rencontrent au Mexique, avoir fait de ce pays<br />
sa terre de prédilection 1 .<br />
Les Cactacées, comme on le sait, sont des végétaux vivaces<br />
qui se manifestent tantôt sous des apparences naines plus<br />
ou moins frutescentes ou rampantes, tantôt au contraire, ce<br />
qui importe pour la physionomie singulière <strong>du</strong> pays, sous<br />
des formes arborescentes érigées, certaines espèces pouvant<br />
parfois atteindre des proportions considérab<strong>les</strong> (fig. 1, 2 et 3).<br />
1. Tous <strong>les</strong> représentants de la famille des Cactacées sont bien<br />
reconnus aujourd’hui comme étant d’origine américaine ; on fait<br />
cependant une exception pour le genre Rhipsalis ; le R. Cassytha<br />
Gærtn. et <strong>les</strong> espèces affines se rencontrent en effet en Amérique et<br />
en Afrique, ou aux î<strong>les</strong> Mascareignes. Il parait plausible que ces<br />
espèces épiphytes ne sont que subspontanées en dehors <strong>du</strong> continent<br />
américain, et qu’el<strong>les</strong> ont très bien pu, comme le pense de Candolle, être<br />
accidentellement exportées de leur pays d’origine, avec, d’autres plantes<br />
épiphytes, comme par exemple la Vanille, dont l’habitat est le même<br />
en Amérique.
16 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La majorité des représentants de cette famille, constituée<br />
presque uniquement de plantes grasses, présente un faciès<br />
et une allure bien typique que l’on ne retrouve guère qu’ac-<br />
cidentellement dans le reste <strong>du</strong> règne végétal, et cela seu-<br />
lement sur certains spécimens appartenant aux trois<br />
famil<strong>les</strong> des Euphorbiacées, des Asclépiadacées et des<br />
Ficoïdées. Ces spécimens aberrants, <strong>du</strong> moins quant à la<br />
morphologie normale de la famille à laquelle ils appar-<br />
tiennent, ont été d’ailleurs compris dans un groupe à part<br />
auquel on a donné en terme d’horticulture le qualificatif<br />
bien caractéristique de cactiforme.<br />
L’aspect étrange qu’affectent <strong>les</strong> Cactacées et leur impor-<br />
tante répartition sur tout le sol mexicain, où souvent ils<br />
forment par place d’épais bosquets, implique à l’ensemble<br />
des sites de cette vaste contrée un cachet tout particulier<br />
que l’on ne rencontre guère d’une façon aussi originale que<br />
sur certains points assez limités <strong>du</strong> reste <strong>du</strong> Continent amé-<br />
ricain 1 .<br />
Les hauts plateaux sont plus spécialement l’habitat des<br />
genres à tiges aplaties en forme de raquettes que l’on dé-<br />
signe sous le nom de Nopals (Nopalea et Opuntia) ; tandis<br />
que <strong>les</strong> zones plus ferti<strong>les</strong> des vallées et des escarpements<br />
qui s’inclinent jusqu’aux plaines torrides <strong>du</strong> littoral, sont<br />
de préférence <strong>les</strong> points d’élection des types colomnaires à<br />
ramifications disposées plus ou moins en candélabres, qui<br />
sont figurés par <strong>les</strong> Organos ou Cierges (Cereus, etc.).<br />
1. Dans l’Amérique <strong>du</strong> Sud qui, dans sa majeure partie, est couverte<br />
de grandes et épaisses forêts, <strong>les</strong> Cactacées se montrent relativement<br />
rares et <strong>les</strong> spécimens que l’on peut rencontrer dans ces régions<br />
boisées, ne sont représentés, à part quelques exceptions, que par des<br />
espèces plus ou moins sylvico<strong>les</strong> ou épiphytes. Cependant dans <strong>les</strong><br />
régions arides et foncièrement désertiques, comme cel<strong>les</strong> qu’offrent le<br />
Pérou et <strong>les</strong> contrées qui s’étendent entre le Chili et le Brésil méridional,<br />
où la sécheresse <strong>du</strong> sol et de l’atmosphère sont extrêmes, on rencontre<br />
de vastes groupements de Cactacées gigantesques qui viennent alors<br />
rappeler <strong>les</strong> sites mexicains. Pour la répartition géographique de la<br />
famille des Cactacées, voir : <strong>les</strong> cartes et le mémoire de schumann.<br />
Die Verbreitung der Cactaceæ im Verhältnis zu ihrer systematischen<br />
Gliederung, publié dans ; Abhandlungen der Königliche Preussische Preussiche -><br />
Akademie der Wissenschaften zu Berlin, 1899-1900.<br />
Preussische
2<br />
Fig. 1. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />
Spécimen remarquable par sa dimension (18 mètres),<br />
par la rectitude et l’élongation de sa ramification.<br />
Plaines basses <strong>du</strong> versant pacifique de la Basse-Californie.
18 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les régions élevées des crêtes montagneuses et <strong>les</strong> grandes<br />
forêts des contreforts <strong>du</strong> massif central étant moins bien<br />
partagées sous le rapport de l’expansion de cette famille,<br />
il en résulte que ces derniers parages peuvent arriver à<br />
perdre l’originalité qui caractérise l’ensemble <strong>du</strong> pays.<br />
Dans la région des crêtes et des hauts sommets où la<br />
température est assez basse et où l’humidité est assez forte<br />
toute l’année, <strong>les</strong> Cactacées ne peuvent guère dépasser une<br />
altitude de trois mille mètres ; el<strong>les</strong> sont alors, vers ces points<br />
élevés, représentées par des formes naines, en général saxi-<br />
co<strong>les</strong>, croissant en touffes plus ou moins fournies ou plus<br />
ou moins gazonnantes, parmi <strong>les</strong> anfractuosités des rochers :<br />
tel<strong>les</strong> sont par exemple certaines espèces de Mamillaria et<br />
d’Echinocereus.<br />
Dans la grande sylve, où la lumière directe ne pénètre que<br />
difficilement et où l’humidité est constante, on ne ren-<br />
contre seulement que des espèces épiphytes tel<strong>les</strong> que Epiphyllum,<br />
Rhipsalis et certaines espèces de Cierges triangulaires<br />
(fig. 4) ; encore ces derniers n’abandonnent-ils pas<br />
toujours leur existence terrestre ; on <strong>les</strong> voit alors établir<br />
un contact avec le sol par l’intermédiaire d’une lige ou<br />
d’un faisceau de racines adventives et ce n’est qu’au som-<br />
met des arbres que, rencontrant une vive lumière, ils se<br />
ramifient et se développent en touffes.<br />
De ce fait, il s’ensuit que <strong>les</strong> Cactacées, en tant qu’essence<br />
végétale dominante, se trouvent circonscrites dans cette<br />
partie de l’Amérique septentrionale : au nord par des condi-<br />
tions climatériques présentant <strong>les</strong> mêmes analogies que <strong>les</strong><br />
hauts sommets ; au sud par <strong>les</strong> épaisses forêts qui com-<br />
mencent à s’étendre à partir de la grande coupure orolo-<br />
gique figurée par l’isthme de Tehuantepec.<br />
Par l’abondance extraordinaire de leur fructification, <strong>les</strong><br />
Cactacées furent toujours une ressource alimentaire de pre-<br />
mier ordre pour <strong>les</strong> indigènes mexicains, aussi bien pour<br />
ceux qui formaient <strong>les</strong> tribus sauvages et nomades des dé-<br />
serts, que pour ceux qui, vivant à l’état sédentaire, peu-<br />
plaient <strong>les</strong> nombreux centres civilisés de l’Anahuac préco-<br />
lombien.
Fig. 2. — Lemaireocereus Weberi Britt. ET Rose.<br />
Spécimen remarquable par son développement latéral.<br />
San Sebastian Zinacatepec (État de Puebla).
20 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les ressources qu’offrent <strong>les</strong> Cactacées et leur peu d’exi-<br />
gence sous le rapport <strong>du</strong> sol, de leur entretien et de leur<br />
propagation, furent des causes suffisantes pour amener ces<br />
végétaux à prendre place auprès de l’habitation de l’indi-<br />
gène et ensuite à recevoir progressivement une certaine cul-<br />
ture lorsqu’une agriculture nationale vint à se constituer.<br />
L’origine de la culture de ces plantes économiques<br />
remonte vraisemblablement au début de la civilisation dans<br />
le pays. Cette intéressante pratique, dont <strong>les</strong> procédés se sont<br />
en partie conservés jusqu’à nos jours parmi <strong>les</strong> populations<br />
rura<strong>les</strong>, paraît surtout être l’oeuvre des Nahuatls, dont <strong>les</strong><br />
premières tribus passent, d’après la tradition, pour avoir<br />
été <strong>les</strong> initiatrices d’une agriculture méthodique sur le pla-<br />
teau central mexicain.<br />
Comme, avant leur établissement définitif, <strong>les</strong> tribus<br />
nahuat<strong>les</strong> avaient successivement effectué de longues et<br />
pénib<strong>les</strong> pérégrinations à travers <strong>les</strong> régions désertiques <strong>du</strong><br />
Mexique, il est évident qu’el<strong>les</strong> avaient été amenées à con-<br />
naître, par leur propre expérience, tous <strong>les</strong> profits et <strong>les</strong> res-<br />
sources que l’on pouvait attendre de la culture de ces végé-<br />
taux. Aussi, comme le constate Cecilio Robelo 1 , <strong>les</strong> Cactacées<br />
ont-el<strong>les</strong> joué un rôle notable dans le développement de la ci-<br />
vilisation mexicaine ; leur association, ainsi que le fait remar-<br />
quer cet auteur, avec d’autres plantes économiques sponta-<br />
nées, tel<strong>les</strong> que le Typha, l’Agave, le Maïs, constitua, dès le<br />
début, une source de bien-être qui fut suffisante pour faire<br />
germer chez <strong>les</strong> populations primitivement nomades, l’idée<br />
d’un foyer domestique avec la vie sociale et l’agriculture<br />
pour corollaires.<br />
Les ressources que <strong>les</strong> Cactacées apportent aux pays qui<br />
leur servent d’habitat sont aussi importantes que cel<strong>les</strong><br />
fournies aux indigènes. Sous l’influence <strong>du</strong> développement<br />
de ces plantes grasses, d’immenses terrains désertiques ont<br />
pu se transformer complètement, et là où jadis le climat<br />
sec et l’aridité ne permettaient pas à la végétation normale<br />
1. cecilio Robelo. — Diccionario de Mitologia nahoa, à la lin de<br />
l’article Quetzalcoatl, Mexico. 1905.
Fig. 3. — Spécimen géant d’un Opuntia (§ Platyopuntia)<br />
désigné sous le nom vulgaire de Nopal Chamacuero.<br />
Hacienda de Huejotitan, prés <strong>du</strong> lac de Chapala (État de .Jalisco).
22 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
de s’établir d’une façon permanente, des terres ferti<strong>les</strong> et<br />
des forêts ont pu progressivement apparaître. Ce double<br />
résultat confère à la famille des Cactacées une place des<br />
plus remarquab<strong>les</strong> parmi <strong>les</strong> végétaux économiques qui<br />
viennent d’être mentionnés et qui, grâce aux multip<strong>les</strong> et<br />
curieuses utilités dont bénéficièrent <strong>les</strong> indigènes, furent<br />
une richesse naturelle pour le Mexique aux époques anté-<br />
rieures à la conquête.<br />
Dans l’évolution de la végétation mexicaine, la famille<br />
des Cactacées, plus ou moins associée au groupe des Agaves,<br />
a joué le rôle d’un facteur énergique, car en servant d’inter-<br />
médiaire entre le sol dénudé <strong>du</strong> désert et son peuplement<br />
végétal définitif, elle a, comme on le verra dans le courant<br />
de cette étude, marqué une étape intéressante dans la<br />
métamorphose <strong>du</strong> pays.<br />
Ce côté curieux et intéressant dans l’oeuvre d’organisation<br />
que la nature semble bien avoir confiée à cette famille de<br />
plantes grasses sur <strong>les</strong> terres stéri<strong>les</strong> des régions torrides de<br />
l’Amérique, n’échappa pas aux auteurs et voyageurs qui<br />
commencèrent l’étude méthodique de ces végétaux.<br />
A l’époque où ces plantes, dont on compte aujourd’hui<br />
plus d’un millier d’espèces décrites, n’étaient connues que<br />
par <strong>les</strong> quelques espèces mentionnées dans <strong>les</strong> écrits de<br />
Hernandez, Tournefort, Plumier, etc., on signalait déjà leur<br />
remarquable action sur <strong>les</strong> milieux qui leur servaient<br />
d’habitat.<br />
C’est ainsi que Lanery, dans son exposé sur <strong>les</strong> Cactiers 1<br />
où il ne fait mention que d’une trentaine d’espèces cata-<br />
loguées par <strong>les</strong> botanistes de l’époque, nous dit : « C’est<br />
» donc par le moyen des nombreuses espèces de ce genre<br />
» que la nature peut vivifier et couvrir de plantes, d’arbres,<br />
» d’arbrisseaux et aussi d’animaux vivants, <strong>les</strong> vastes<br />
» cantons qui sans cela n’eussent pu être habités que par<br />
» la mort ».<br />
1. Encyclopédie méthodique (Agriculture, II), article Cactier. Dans<br />
le même ouvrage, à la partie réservée à la botanique, Lamarck donne<br />
la description des trente et une espèces de Cactiers connues à la fin<br />
<strong>du</strong> xviii e siècle.
Fig. 4. — Cierge triangulaire épiphyte végétant sur un Saule.<br />
Hacienda de Huejotitan (État de Jalisco).
24 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les Cactacées mexicaines ne furent guère connues jus-<br />
qu’au dix-neuvième siècle que par <strong>les</strong> descriptions sommaires<br />
qui en avaient été données par Francisco Hernandez dans<br />
son célèbre ouvrage sur <strong>les</strong> plantes de la Nouvelle Espagne 1<br />
et aussi par <strong>les</strong> quelques mentions que l’on pouvait ren-<br />
contrer éparses dans <strong>les</strong> écrits des historiens contemporains<br />
de la conquête et de la colonisation espagno<strong>les</strong>, tels que<br />
Acosta (1589), Herrera (1601), Oviedo (1555) et plus tard de<br />
Plumier.<br />
Ce n’est guère qu’à la suite des voyages et des études<br />
de Humboldt, Hartweg, Karwinski 2 et de l’étude des collections<br />
de Galeotti, Engelmann, Coulter, Salm-Dyck 3 , de Mont<br />
1. FRancisco heRnandez. — De Historia plantarum Novoe Hispaniæ,<br />
etc. Cet ouvrage fut terminé vers 1578, au retour d’un voyage de<br />
sept années au Mexique, où l’auteur, avec le titre de Protomedico,<br />
avait été envoyé par Philippe II, roi d’Espagne, pour étudier <strong>les</strong><br />
pro<strong>du</strong>ctions naturel<strong>les</strong> de ce pays. Le travail écrit en latin resta<br />
longtemps inédit ; il fut imprimé la première fois, dit-on, à Rome, par<br />
Recchus sous le titre de Nova plantarum, animalium et mineralium<br />
mexicanorum Historia, et ensuite à Madrid, en 1790. Cette dernière<br />
édition ne put être publiée que d’après une copie conservée au Collège<br />
des Jésuites, car le manuscrit original avait été détruit en 1671, dans<br />
l’incendie qui anéantit la bibliothèque de l’Escurial. Le travail<br />
d’Hernandez tra<strong>du</strong>it en espagnol, sur une copie laissée par l’auteur, à<br />
Mexico, fut publié dans cette ville, en 1615, par le moine dominicain<br />
Fray-Francisco-Ximenes ; il a été récemment réimprimé en deux<br />
éditions, l’une par Nicolas Léon, l’autre par Antonio Peñafiel ; cette<br />
dernière édition comporte une numération correspondant au texte<br />
madrilène.<br />
2. guillaume-FRédéRic de KaRwinsKi fut envoyé au Mexique, en<br />
1826, par la Société minière germano-américaine de Dusseldorf et le<br />
Gouvernement bavarois, dans le but d’y recueillir des collections<br />
d’histoire naturelle. Il séjourna, pendant cinq ans, principalement<br />
dans l’État de Oaxaca, et envoya dans son pays un nombre considérable<br />
de plantes vivantes, principalement de Cactacées et d’Agaves. Il<br />
parcourut Oaxaca, Ixmicuilpan, Zimapa. En 1840, il retourna au<br />
Mexique pour le compte <strong>du</strong> Gouvernement russe, et revint à Munich<br />
en 1843, où il mourut le 2 mars 1855.<br />
3. Les Cactacées de cette collection furent rapportées en 1837, par<br />
Deschamps, commerçant français établi au Mexique, et c’est grâce à<br />
M. de Montville, qui s’était ren<strong>du</strong> acquéreur des spécimens <strong>les</strong> plus<br />
remarquab<strong>les</strong>, que Lemaire put faire la description de nombre d’espèces<br />
nouvel<strong>les</strong>.
Welier -><br />
Weber<br />
chapitRe i 25<br />
ville, que <strong>les</strong> Cactacées mexicaines commencèrent à être suf-<br />
fisamment connues, pour que, réunies avec cel<strong>les</strong> que l’on<br />
avait étudiées dans <strong>les</strong> autres régions de l’Amérique, el<strong>les</strong><br />
puissent figurer en bonne place dans <strong>les</strong> monographies<br />
classiques de de Candolle, Pfeiffer, Lemaire, Labouret,<br />
Weber, Schumann, et plus récemment Britton et Rose.<br />
Depuis lors, ces plantes suffisamment étudiées n’ont<br />
cessé d’attirer l’attention et de donner lieu à de multip<strong>les</strong><br />
recherches, aussi bien au point de vue botanique qu’éco-<br />
nomique ; ce dernier objectif paraît surtout avoir été le but<br />
des recherches des Américains qui ont prévu <strong>les</strong> avantages<br />
que pouvaient offrir ces plantes grasses dans l’exploitation<br />
méthodique des terrains désertiques <strong>du</strong> sud <strong>du</strong> territoire<br />
des États-Unis
CHAPITRE II<br />
TAXINOMIE ET TERMINOLOGIE MEXICAINES<br />
Avant d’entreprendre l’étude économique des Cactacées<br />
et de leur rôle dans la végétation <strong>du</strong> Mexique, il importe<br />
de faire connaître par un exposé sommaire le système de<br />
nomenclature qui fut mis en usage par <strong>les</strong> indigènes pour<br />
la différenciation de ces végétaux.<br />
Dans la langue nahuatle, qui était l’idiome le plus perfec-<br />
tionné et le plus répan<strong>du</strong> au Mexique lors de la conquête<br />
espagnole, la plupart des Cactacées étaient comprises sous<br />
le nom générique de Nochtli et, à ce terme faisant fonction<br />
de radical, on ajoutait un affixe pour identifier <strong>les</strong> espèces,<br />
<strong>les</strong> variétés ou encore <strong>les</strong> catégories que comportait cette<br />
intéressante famille de plantes.<br />
Une idée de cette nomenclature indigène basée simplement<br />
sur des considérations d’ordre économique, morphologique<br />
ou biologique, nous est fournie par certains auteurs anciens ;<br />
c’est ainsi par exemple que Hernandez nous la fait com-<br />
prendre dans son célèbre traité des plantes de la Nouvelle<br />
Espagne 1 par <strong>les</strong> quelques dénominations suivantes : Atlatonochtli,<br />
Azcatnochtli, Ixtacxoconochtli, Tlapalnochtli, Tzacuanochtli,<br />
Xochinochtli ou Nochxochtli, Zacanochtli, etc. 2 .<br />
Les premières désignations sont cel<strong>les</strong> des espèces ou<br />
variétés d’Opuntia et Nopalea fruitiers que l’on rencontre le<br />
1. heRnandez. — De Hisloria plantarum Novæ Hispaniæ, II,<br />
lib. VI.<br />
2. Atlatonochtli de Atl = eau et tla de tlaquali = nourriture,<br />
Azcatnochtli de azcatl = fourmi, Ixtacxoconochtli de ixtac = blanc et<br />
xocotl = fruit acide, Tlapalnochtli de tlapalli = couleur rouge, Xochinochtli<br />
de Xochitl = fleur, Zacanochtli de zacatl = herbe, foin.
28 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
plus communément sur le plateau central mexicain ; <strong>les</strong><br />
deux dernières comprennent l’une la catégorie des Cactacées<br />
à fleurs ornementa<strong>les</strong>, comme <strong>les</strong> Epiphyllum et certains<br />
Cereus, l’autre un groupe de petites espèces plus ou moins<br />
frutescentes de Cylindropuntia et de Platyopuntia croissant<br />
habituellement parmi la flore herbacée des savanes, et que<br />
dans le langage populaire actuel on nomme Cholla, Tasajo,<br />
Tasajillo, Alfilerillo, etc. (fig. 5 et 6).<br />
Parfois, dans la composition des mots servant à carac-<br />
tériser <strong>les</strong> Cactacées, on remplaçait le radical Nochtli par<br />
celui de Nopalli. Ces deux ternies arrivaient à l’équivalence<br />
et pouvaient indifféremment se substituer dans la glosso-<br />
logie nahuatle, c’est ainsi <strong>du</strong> moins qu’on le constate avec<br />
l’iconographie toponymique des Codex mexicains.<br />
Dans ces manuscrits hiéroglyphiques, lorsqu’il s’agit de<br />
faire figurer une Cactacée dans la dénomination d’une<br />
localité, ce dernier, que ce soit un Cierge ou un Opuntia,<br />
est toujours représenté par le tracé stylisé d’un Platyopuntia<br />
1 .<br />
L’origine <strong>du</strong> mot Nochtli est inconnue et celle de Nopalli<br />
est très incertaine. Quant au véritable sens que comportent<br />
ces deux mots, il paraîtrait vraisemblable, d’après ce que<br />
l’on peut en conclure de l’acception populaire actuelle, que<br />
Nochtli désignerait surtout le fruit et que ce serait par<br />
extension qu’il s’appliquerait à toute la plante. Pour ce<br />
qui est de Nopalli, ou Nochpalli comme on le rencontre<br />
orthographié dans certains écrits anciens, ce mot paraît<br />
plus spécialement s’adapter, comme l’indique Cecilio<br />
Robelo 2 à des Cactacées de tiges aplaties (Platyopuntia et<br />
Epiphyllum) ; c’est <strong>du</strong> moins ce que l’on entrevoit dans<br />
1. Voir à ce sujet le mémoire de A. geRste : Notes sur la Médecine<br />
et la Botanique des Anciens Mexicains, Rome, 1909.<br />
2. cecilio Robelo. — Diccionario de Aztequismos (Mexico, 1904,<br />
p 619). Il résulterait que le sens de palli implique dans cette circonstance<br />
l’idée d’une chose aplatie, plus ou moins allongée ou ovalaire,<br />
c’est ainsi <strong>du</strong> moins ce qu’indique <strong>les</strong> expressions de Uapalli = planche,<br />
Cacuapalli = semelle de chaussure, Mecapalli — bandeau frontal pour<br />
le portage.
Fig. 5. — Opuntia (§ Cylindropuntia) leptocaulis DC.<br />
Nom vulgaire Sasaluistli.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
30 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
<strong>les</strong> termes Nopalnocheztli = Opuntia cochenillicole, de<br />
nocheztli = cochenille ; Tenopalli = Opuntia saxicole, de<br />
te de tetl = pierre ; Nopalxochilquetzaltic = Epiphyllum<br />
Ackermannii Haw. (Xochil = fleur et quetzaltic = en forme<br />
de plume de quezatl).<br />
Dans le langage populaire actuel, Nopalli qui a été castillanisé<br />
en Nopal et en ses diminutifs Nopallito et Nopallilo<br />
s’applique presque exclusivement aux Cactacées à tiges<br />
aplaties. Dans la majorité des cas, <strong>les</strong> dérivés des radicaux<br />
Nochtli et Nopalli ont presque toujours un sens collectif et<br />
au lieu de s’appliquer à une espèce déterminée, ils désignent<br />
habituellement une catégorie de Cactacées dont la forme ou<br />
la nature des pro<strong>du</strong>its présente des analogies ; cependant<br />
pour certaines localités, ces dénominations peuvent, même<br />
lorsqu’el<strong>les</strong> ne se complètent pas par des synonymies plus<br />
appropriées, devenir suffisantes pour servir à une spéci-<br />
fication.<br />
Des exemp<strong>les</strong> bien typiques de ce fait sont fournis par<br />
<strong>les</strong> termes très connus de Zapotnochtli, Xoconochtli et<br />
Tenochtli. Le premier s’applique en général à toutes <strong>les</strong><br />
Cactacées pro<strong>du</strong>ctrices de gros fruits, et le second aux Cac-<br />
tacées donnant des fruits de saveur acide ; ces deux déno-<br />
minations sont alors employées dans certaines régions pour<br />
désigner des espèces bien définies 1 . Ainsi sur <strong>les</strong> hauts plateaux<br />
mexicains, où le genre Opuntia est mieux représenté<br />
par le nombre de ses espèces que le genre Cereus, on donne<br />
le nom de Zapotnochtli à la variété culturale de l’Opuntia<br />
Ficus-indica Mill., remarquable par la grosseur de ses fruits,<br />
que <strong>les</strong> indigènes appellent maintenant Tuna de Castilla ou<br />
Tuna rica.<br />
Dans la terre chaude où <strong>les</strong> Cereus sont plus abondants,<br />
<strong>les</strong> Indiens nahuatls donnaient le nom de Zapotnochtli aux<br />
espèces d’un groupe de Cierges à fruits particulièrement<br />
1. Zapotl qui a été castillanisé en Zapote sert toujours à désigner<br />
<strong>les</strong> gros fruits charnus à quelque famille qu’ils appartiennent, quant<br />
à Xocotl il s’applique non seulement à des fruits, mais aussi à des<br />
végétaux de saveur acide ou aigrelette.
Fig. 6. — Opuntia (§ Platyopuntia) pubescens Wendl.<br />
Spécimen eu partie dégagé d’un fourré herbacé et cespiteux<br />
dont il formait en quelque sorte l’ossature.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
32 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
appréciés, que <strong>les</strong> Espagnols comprirent clans la suite sous<br />
le nom de Pitayo 1 .<br />
Quant à Zoconochtli, qui fut castillanisé en Xoconostle,<br />
Soconoscle ou Joconostle, ce terme fut appliqué suivant <strong>les</strong><br />
régions à différentes espèces d’Opuntia et de Cierges. C’est<br />
ainsi que dans la région <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique, Joconostle<br />
désigne une espèce de Cholla ou de Zacanochtli, l’O. (§ Cylindropuntia)<br />
imbricata DC. 2 . Dans la partie ouest <strong>du</strong> plateau<br />
central, le nom est appliqué à l’Opuntia Joconostle Web.<br />
Enfin, dans <strong>les</strong> états de Puebla et Oaxaca, le nom de<br />
Xoconochtli s’appliquait au Lemaireocereus stellatus Britt.<br />
et Rose, dont <strong>les</strong> fruits légèrement acides sont très appré-<br />
ciés dans ces deux provinces où on <strong>les</strong> vend sur <strong>les</strong> marchés<br />
sous le nom de Pitayo Joconostle.<br />
Tenochtli ou Tenopalli désigne d’une façon générale<br />
toutes <strong>les</strong> Cactacées saxico<strong>les</strong> et aussi par dépréciation ceux<br />
qui croissent en sauvageons. Ces deux termes s’appliquent<br />
encore dans certaines régions pour spécifier l’Opuntia<br />
Tapona Engelm.; la dénomination serait alors donnée à<br />
cette espèce, soit à cause de la <strong>du</strong>reté relative de ses fruits,<br />
soit à cause de leur effet bien connu de pro<strong>du</strong>ire des obstruc-<br />
tions intestina<strong>les</strong> chez <strong>les</strong> indivi<strong>du</strong>s qui en font une trop<br />
forte consommation.<br />
D’après Hernandez, on voit aussi le terme Tepenopalli<br />
servir dans la localité de Jolani à spécifier l’espèce bien<br />
connue <strong>du</strong> Nopal à fleur et à aiguillons jaunes que l’on<br />
appelait aussi Cotzicnopalxochitl et qui est une variété<br />
naturelle de l’Opuntia Ficus-indica.<br />
Pour compléter cet aperçu sur ce système de nomen-<br />
clature indigène il faut également ajouter <strong>les</strong> expressions<br />
assez courantes de Lamanochtli, Quanochtli, Tlapalnochtli,<br />
1. En dehors de l’appellation la plus commune de Zapotnochtli, <strong>les</strong><br />
Pitayos étaient encore désignés sous d’autres dénominations applicab<strong>les</strong><br />
également à des Opuntia ; c’est ainsi que l’on trouve dans l’ouvrage<br />
d’heRnandez, t. III, caput XCIII, p. 102, « Quauhnochtli seu teonochtli<br />
quam Pitachayam Haïtini vocant ».<br />
2. On donne encore à cette espèce le nom de Coyonochtli qui signifie<br />
alors Cactus de coyote (loup des prairies).
chapitRe ii 33<br />
qui, comme <strong>les</strong> précédentes, pouvaient se prêter à une spé-<br />
cification ou à une collectivité. Lamanochtli (lama = vieillard)<br />
désigne certaines espèces comprises dans le genre<br />
Cephalocereus que <strong>les</strong> Espagnols nommaient viejos (Cephalocereus<br />
leucocephalus Britt. et Rose, C. Hoppenstedtii<br />
Schum., C. senilis Pfeiff.; l’expression, aussi bien nahuatle<br />
qu’espagnole, fait allusion au cephalium de la plante, lequel,<br />
composé d’une laine plus ou moins entremêlée d’aiguillons<br />
sétacés, semble garnir d’une barbe blanche <strong>les</strong> parties flo-<br />
rifères des tiges.<br />
Quanochtli ou Quahunochtli (quahuitl = arbre, bois) s’applique<br />
d’une façon générale aux Opuntia et aux Cierges de<br />
forme arborescente dont <strong>les</strong> figures 1, 2 et 3 montrent des<br />
exemp<strong>les</strong> bien typiques, ou encore à ceux dont la tige est<br />
très lignifiée, comme par exemple certains Cylindropuntia.<br />
Hernandez emploie ce mot pour spécifier l’Opuntia imbricata<br />
DC., espèce qui, quoique de petite taille, constitue, par la<br />
lignification de ses rameaux, un excellent combustible pour<br />
<strong>les</strong> indigènes.<br />
Le préfixe Qua paraît parfois dériver de Quahitl = tête ;<br />
c’est <strong>du</strong> moins ainsi que l’interprètent <strong>les</strong> indigènes de l’état<br />
de Puebla dans le mot Quapetla (petla = large) nom qu’ils<br />
donnent au Pitayo de Mayo (Lemaireocereus griseus Britt.<br />
et Rose) à cause de son abondante ramification.<br />
Il ne faut pas confondre le terme Quanochtli avec celui<br />
de Coanochtli, que l’on trouve employé dans certaines localités<br />
pour désigner des Cierges grimpants ou flagelliformes.<br />
Coa (abréviation de Coatl = serpent) lorsqu’il est employé<br />
dans la terminologie botanique nahuatle, implique le plus<br />
souvent l’idée d’une liane, d’une plante à drageons ou<br />
encore à tiges rampantes. Les Nyctocereus serpentinus Britt.<br />
et Rose, Aporocactus flagelliformis Lemaire, Selenicereus<br />
vagans Britt. et Rose (fig. 7) sont des exemp<strong>les</strong> bien typiques<br />
de ces Coanochtli.<br />
Tlapalnochtli (tlapali = couleur rouge) désigne en général<br />
<strong>les</strong> Cactacées donnant des fruits à suc fortement coloré en<br />
rouge ; dans <strong>les</strong> régions <strong>du</strong> nord et <strong>du</strong> centre <strong>du</strong> Mexique ce<br />
3
34 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
terme était surtout appliqué à l’Opuntia orbiculata Salm-<br />
Dyck, que <strong>les</strong> Espagnols appelèrent Tuna pintadera ; le suc<br />
de ce fruit était jadis employé comme matière colorante<br />
dans l’in<strong>du</strong>strie indigène et remplaçait la cochenille 1 .<br />
D’après Alzate (Gazeta de litteratura de Mexico, 1790,<br />
article Grana), on appliquait encore le terme Tlapalnochtli<br />
ou Tlalnochtli aux quatre ou cinq espèces de Nopals employés<br />
par <strong>les</strong> Indiens pour l’élevage de la cochenille.<br />
Quelquefois au lieu de se servir des termes consacrés de<br />
Nochtli et Nopalli, on avait recours à un langage figuré<br />
pour désigner différentes espèces de Cactacées, mais ces<br />
expressions qui sont encore d’un usage courant parmi cer-<br />
taines populations rura<strong>les</strong> <strong>du</strong> plateau central mexicain, ne<br />
paraissent guère pour la plupart s’être généralisées en<br />
dehors de leur pays d’origine, c’est ainsi que l’on a : Quapetla<br />
(tête large), Xoalacatl (fleur en tube), Huitzocuitlapilli<br />
(queue épineuse), Quauchcuezplacuitlapilli (queue d’iguane),<br />
Tepepoa (souverain des montagnes), Tzazahuistli (épine<br />
adhérente, collante), etc. 2<br />
Les Echinocactus ne pro<strong>du</strong>isant pour la plupart que des<br />
fruits insipides ou peu alimentaires ne semblent pas avoir<br />
été compris dans le groupe Nochtli, <strong>les</strong> anciens Mexicains<br />
<strong>les</strong> désignèrent sous des dénominations figurées ou par des<br />
périphrases tel<strong>les</strong> que : Huiznahuac, Comitl, Metzollin.<br />
Huiznahuac (de huiztli = épine et nahuac = entre, parmi,<br />
entouré) paraît avoir été l’expression la plus usitée, car<br />
elle fut adoptée par <strong>les</strong> conquérants espagnols qui la castil-<br />
lanisèrent en Bisnaga ou Visnaga, appellation qui ne tarda<br />
1. Le fruit de la Tuna pintadera est petit et non comestible ; il<br />
contient une pulpe qui s’écrase facilement en abandonnant un liquide<br />
rouge écarlate ; cette particularité a fait employer ce fruit dans certains<br />
villages comme projectile en place de confettis lors des réjouissances<br />
populaires. (A. ehRenbeRg, Beitrag zur Geschichte einiger mexicanischer<br />
Cacteen, Linnæa, XIX, p. 367, 1846).<br />
2. Lemaireocereus griseus Britt. et Rose, Heliocereus speciosus Britt.<br />
et Rose, Aporocactus flagelliformis Lemaire, Selenicereus hamatus<br />
Britt. et Rose, Myrtillocactus geometrizans Console, Opuntia leptocaulis<br />
DC.
Fig. 7. — Selenicereus vagans Britt. et Rose.<br />
Spécimen très fourni<br />
enlaçant de ses tiges flagelliformes <strong>les</strong> taillis de la forêt ;<br />
à droite, quelques rameaux<br />
<strong>du</strong> Cephalocereus leucocepalus Britt. et Rose.<br />
Forêt sèche côtière des environs de Mazatlan (État de Sinaloa).
36 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
pas à se vulgariser et qui, maintenant, est restée d’un usage<br />
courant dans le langage populaire.<br />
Huitzli signifie forte épine 1 et lorsque ce terme était<br />
employé comme affixe dans la composition des mots, il<br />
devenait dans la nomenclature botanique nahuatle la carac-<br />
téristique des plantes se distinguant par la puissance ou<br />
l’importance des aiguillons ou des épines.<br />
Huitzli s’emploie encore dans la spécification des Cactacées<br />
autres que <strong>les</strong> Echinocactus, mais alors dans cette<br />
occurence, le terme, détail à noter, se place en suffixe. C’est<br />
ainsi <strong>du</strong> moins qu’on l’observe dans <strong>les</strong> dénominations de<br />
Tzazalhuiztli (Opuntia leptocaulis DC.), Tzompahuiztli<br />
(Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose), Tocahuiztli, cette<br />
dernière dénomination s’applique à un groupe d’Opuntia<br />
caractérisés par des épines aranéocriniformes donnant à la<br />
plante l’aspect d’un recouvrement de toi<strong>les</strong> d’araignées, tels<br />
sont par exemple <strong>les</strong> Opuntia leucotricha DC., orbiculata<br />
Salm-Dyck, pilifera Web., etc. 2 .<br />
Comitl (Cantaro, Olla) 3 placé dans la composition des<br />
termes botaniques pouvait faire l’office de radical, il servait<br />
alors à désigner <strong>les</strong> Echinocactus et certains Mamillaria de<br />
forme globuleuse, c’est ainsi qu’on le constate pour <strong>les</strong> pre-<br />
1. Les épines et <strong>les</strong> aiguillons végétaux sont désignés par <strong>les</strong><br />
Nahuatls sous <strong>les</strong> noms de Huistli ou Uistli, Izaptli, Ahuatl ; Huiztli<br />
s’applique aux fortes épines acérées, qui jadis servaient aux naturels<br />
d’éping<strong>les</strong>, de poinçons, de lancettes, etc.; Tzapli a un sens plus<br />
général et implique l’idée d’une chose pointue, aiguë, piquante ;<br />
Ahuatl est le nom que l’on donne aux petites épines ou <strong>du</strong>vets<br />
épineux ; ce mot a été castillanisé en Ahuate ou Aguate ; quand<br />
on l’applique aux Cactacées, il sert surtout à spécifier <strong>les</strong> sétu<strong>les</strong><br />
urticantes dont <strong>les</strong> fruits d’Opuntia sont plus particulièrement<br />
pourvus.<br />
2. Tzatzal, de Tsatzacuilia = enfermer, enserrer, adhérer ; Tzompa,<br />
de Tzompanlli = instrument servant à suspendre ; Toca, de Tocatl<br />
= araignée.<br />
3. Dans l’Amérique espagnole, on donne le nom de cantaro ou olla<br />
à des poteries de forme renflée servant, dans <strong>les</strong> usages ménagers,<br />
soit de marmite, soit de récipient pour conserver la provision d’eau<br />
potable.
chapitRe ii 37<br />
miers avec <strong>les</strong> expressions Teocomitl, Hueycomitl, Tepenexcomitl,<br />
et pour <strong>les</strong> seconds avec cel<strong>les</strong> de Come<strong>les</strong>, Tecome<strong>les</strong>,<br />
Tiscome<strong>les</strong> 1 .<br />
D’après Hernandez, on désignait encore <strong>les</strong> Echinocactus<br />
sous le nom de Metzollin 2 , cette expression que <strong>les</strong> Nahuatls<br />
consacraient à la masse charnue des troncs d’Agave, semble<br />
ici devoir faire allusion à la constitution pulpeuse de la<br />
Bisnaga.<br />
Après la conquête espagnole, le mot Nochtli fut remplacé<br />
par celui de Tuna, que <strong>les</strong> premiers colons espagnols apportèrent<br />
des Antil<strong>les</strong> où, pour la première fois, ils apprirent<br />
à connaître et à apprécier <strong>les</strong> Cactacées ; le mot d’origine<br />
nahuatle ne fut, dès lors, tout au plus conservé que dans<br />
la composition des mots lorsqu’il s’agissait d’espèces loca-<br />
lisées ; le mot Nopalli, castillanisé en Nopal, fut conservé<br />
et devint plus ou moins synonyme de Tuna. Le terme de<br />
Tuna s’applique aujourd’hui surtout au fruit et quelquefois,<br />
mais assez exceptionnellement, aux Opuntia. Pour<br />
désigner certains genres de Cactacées tels par exemple <strong>les</strong><br />
Cereus, <strong>les</strong> Espagnols employèrent de nouvel<strong>les</strong> expressions<br />
empruntées soit aux idiomes des Antil<strong>les</strong>, soit à la langue<br />
castillane ; c’est alors que <strong>les</strong> colons mirent en usage <strong>les</strong><br />
1. Teotl = dieu, divin ; Huey = grand ; Tepenexcomitl, de Tepetl = de<br />
montagne, sauvage, inculte ; Nexcomitl est la marmite dans laquelle<br />
<strong>les</strong> mexicains cuisent le maïs avec l’eau de chaux (allusion<br />
faite à la forme de la Bisnaga ou à sa couleur cendrée grisâtre).<br />
Dans Tionochcomitl on retrouve le radical Nochtli probablement<br />
parce que ces Mamillaria donnaient des fruits comestib<strong>les</strong>. Tis,<br />
de Tisatl = verni, lustré, blanc-brillant (allusion soit à l’épiderme<br />
lustré, soit à la pubescence blanchâtre dont ces végétaux sont souvent<br />
recouverts).<br />
2. Netzollin quam alii Hoeicomitl seu ollam magnam ob similitudinem<br />
vocant (heRnandez, II, p. 170). Metzollin ou Mezolli signifie encore,<br />
d’après le dictionnaire nahuatl de Rémi Siméon, une chausse-trappe,<br />
une plante épineuse ; cette acception doit vraisemblablement tenir<br />
son origine des Bisnagas dont <strong>les</strong> côtes sont garnies d’aréo<strong>les</strong><br />
épineuses. Dans le dictionnaire d’Alonzo Molina, Metzollin désigne<br />
bien la pulpe ou moelle d’Agave ; cette signification s’est <strong>du</strong> reste<br />
conservée de nos jours au Mexique, sous la forme castillanisée<br />
de Mesale.
38 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
appellations de Pitayo, Pitahayo, Carambullo, Cardon, Organo<br />
suivant la pro<strong>du</strong>ction ou la forme de la plante 1 .<br />
Les espèces appartenant au groupe des Cylindropuntia<br />
et des genres voisins de Echinocereus reçurent selon <strong>les</strong><br />
localités <strong>les</strong> différentes dénominations de Tasajo, Clavellina,<br />
Alicoches, Alfiterillo, Cholla, Alcaes, Tenchalote, Abrojos.<br />
Au groupe des Bisnagas, il faut encore ajouter celui<br />
des Peyotes 2 , terme sous lequel <strong>les</strong> indigènes actuels comprennent<br />
une catégorie de petites Cactacées renflées aber-<br />
rantes tel<strong>les</strong> que Lophophora et Ariocarpus.<br />
Pour différencier <strong>les</strong> petites espèces de Cactacées, <strong>les</strong><br />
colons espagnols eurent recours aux diminutifs de ces nou-<br />
vel<strong>les</strong> désignations comme par exemple Nopalito, Tunita,<br />
Pitayto, Cardoncito, Organito, Bisnaguita, Chollita, Tasa-<br />
jillo, etc.<br />
Ces dénominations nahuat<strong>les</strong> et espagno<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> plus<br />
courantes au Mexique, il ne faudrait pas cependant en<br />
conclure qu’el<strong>les</strong> se soient généralisées chez <strong>les</strong> peuplades<br />
indigènes qui ont conservé leur antique langage, car dans<br />
<strong>les</strong> langues opata, pima, cahita, otomites, tarasques, mixte-<br />
cozapotèques, etc., on rencontre des termes spéciaux pour<br />
désigner <strong>les</strong> espèces de cette famille de plantes, qui occupe<br />
1. Tuna signifie, en langue haïtienne, eau. Pitayo signifie dans la<br />
même langue, suivant Oviedo, fruit écailleux. Pitahayo (qui a vraisemblablement<br />
la même origine que le précédent) désigne <strong>les</strong> Cierges<br />
grimpants et à tiges triangulaires. Carambullo désigne en langue<br />
hispano-américaine, une plante pro<strong>du</strong>isant des baies, des groseil<strong>les</strong> ou<br />
des fruits analogues à des myrtil<strong>les</strong> ; ce nom a été appliqué à deux<br />
Cierges de moyenne taille pro<strong>du</strong>isant en grande abondance de très<br />
petits fruits, Myrtillocactus geometrizans Console, Lophocereus Schottii<br />
Britt. et Rose. Cardon (chardon) cette dénomination fait allusion soit<br />
à la nature de la plante qui est armée souvent de forts aiguillons, soit<br />
à son fruit qui, en général, n’est pas comestible. Organo, Cierge ayant<br />
des tiges très droites, rappelant des tuyaux d’orgues.<br />
2. Peyote vient de Peyotl ou Peyutl. L’origine de ce mot est incertaine,<br />
certains auteurs le font dériver de Peyona - nic, signifiant stimuler, ou<br />
encore de Peyutl = cocon ; la première interprétation ferait allusion aux<br />
propriétés actives que possèdent certaines espèces de ce groupe, la<br />
seconde à la forme et à l’apparence de la plante.
chapitRe ii 39<br />
une si grande place dans la flore <strong>du</strong> pays et dont <strong>les</strong> pro-<br />
<strong>du</strong>its aux époques d’indépendance furent, pour toutes <strong>les</strong><br />
peuplades mexicaines sans exception, une ressource de<br />
premier ordre.<br />
Mais en dehors de ces régions relativement ré<strong>du</strong>ites, <strong>les</strong><br />
termes nahuat<strong>les</strong> et espagnols apportés par <strong>les</strong> deux peup<strong>les</strong><br />
qui étendirent successivement leur domination sur le<br />
Mexique, prédominèrent dans le langage populaire et<br />
peuvent aujourd’hui servir à une classification vulgaire des<br />
Cactacées.<br />
Toutes <strong>les</strong> étymologies qui viennent d’être exposées ont<br />
été puisées partie chez <strong>les</strong> auteurs mexicains et partie auprès<br />
des indigènes parlant encore la langue nahuatle. Il est néces-<br />
saire de faire cette remarque pour relever <strong>les</strong> interprétations<br />
erronées qui furent émises au xvii e siècle et qui eurent<br />
surtout pour objet d’identifier <strong>les</strong> Cactacées avec certaines<br />
plantes européennes vaguement décrites dans <strong>les</strong> anciens<br />
textes. C’est ainsi par exemple que plusieurs auteurs s’ingé-<br />
nièrent à faire dériver Nopal <strong>du</strong> flamand Nope, et Bisnaga<br />
de l’arabe Bisnacha 1 ou encore <strong>du</strong> latin Pastinaca, Bisnata,<br />
Bisacuta, etc. Ces interprétations fantaisistes qui furent<br />
plusieurs fois rééditées et sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il serait oiseux<br />
d’insister se ré<strong>du</strong>isent facilement à néant lorsqu’on examine<br />
<strong>les</strong> faits dans le pays et que l’on consulte <strong>les</strong> historiens<br />
contemporains de la conquête et de la colonisation espa-<br />
gno<strong>les</strong>.<br />
1. L’interprétation de Bisnaga ou Visnaga reposant sur une étymologie<br />
de pure imagination, s’est même trouvée vulgarisée par philippe<br />
milleR, dans son Dictionnaire des jardiniers (tra<strong>du</strong>ction française,<br />
II, p. 88, 1785), où il est dit textuellement à propos <strong>du</strong> Cactus<br />
Bisnaga : « que <strong>les</strong> habitants <strong>du</strong> Mexique en font garnir <strong>les</strong> épines<br />
» d’or et d’argent, et s’en servent comme de cure-dents. Aussi donnent-<br />
» ils à cette plante le nom de Visnaga, qui veut dire cure-dents ».
CHAPITRE III<br />
STATIONS DES CACTACÉES<br />
ET LEURS RESSOURCES POUR LES NOMADES<br />
ET LES SÉDENTAIRES.<br />
Un bon nombre de Cactacées peuvent donner annuel-<br />
lement une pro<strong>du</strong>ction alimentaire considérable ; celle-ci<br />
est alors fournie soit temporairement par <strong>les</strong> fruits, soit<br />
d’une façon à peu près constante par <strong>les</strong> tiges charnues et<br />
succulentes qu’offrent certaines espèces 1 .<br />
Il s’ensuit que lorsque <strong>les</strong> Cactacées forment, au sein<br />
des régions désolées par de longues sécheresses, de ces<br />
importants groupements que l’on peut, sans trop d’exa-<br />
gération considérer comme de véritab<strong>les</strong> massifs forestiers,<br />
ils arrivent à constituer dans ces parages, d’ordinaire inhos-<br />
pitaliers, des stations où la vie peut au moins temporaire-<br />
ment devenir facile. Ces stations jouent alors le rôle d’oasis<br />
pour <strong>les</strong> voyageurs et leur permettent le transit à travers<br />
le désert en leur offrant des lieux d’étapes où se rencontre<br />
la certitude d’une copieuse subsistance et de grenier d’abon-<br />
dance pour <strong>les</strong> populations sédentaires qui vivent à proxi-<br />
mité de ces bosquets. C’est ainsi, par exemple, que grâce à<br />
l’existence de ces parages fortunés, <strong>les</strong> vastes plaines arides<br />
des plateaux septentrionaux <strong>du</strong> Mexique deviennent acces-<br />
1. Il est bon de faire remarquer que seulement un nombre assez<br />
restreint de Cactacées possède des tiges dont le parenchyme est<br />
comestible, beaucoup, au contraire, ont une pulpe de saveur désagréable<br />
qui peut même, chez certaines espèces, être franchement toxique. Les<br />
genres Opuntia et Echinocactus présentent à peu près seuls des espèces<br />
donnant une substance charnue, capable d’être utilisée dans l’alimen-<br />
tation.
42 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
sib<strong>les</strong> à certaines époques de l’année et que <strong>les</strong> hordes<br />
nomades des Indios bravos purent, longtemps même encore<br />
après la conquête espagnole, venir exercer leurs incursions<br />
dévastatrices chez <strong>les</strong> populations sédentaires et pacifiques<br />
des contrées ferti<strong>les</strong> de l’Anahuac.<br />
La fructification des Cactacées est d’une richesse et<br />
d’une abondance extraordinaire (fig. 8) ; elle se pro<strong>du</strong>it à<br />
deux époques déterminées de l’année, au printemps et à<br />
l’automne, c’est-à-dire pendant la saison sèche et immé-<br />
diatement après la saison des pluies.<br />
Certaines espèces possèdent <strong>les</strong> deux fructifications<br />
(Opuntia) et d’autres seulement une (Cierges) ; la <strong>du</strong>rée de<br />
fructification est habituellement d’un peu plus d’un mois,<br />
mais dans certaines conditions écologiques, cette <strong>du</strong>rée peut<br />
se prolonger suffisamment pour que <strong>les</strong> deux fructifications<br />
arrivent à se confondre et donnent alors un rapport constant<br />
pendant presque la moitié de l’année. Ce cas de surpro-<br />
<strong>du</strong>ction ne se manifeste que chez <strong>les</strong> Opuntia des plateaux<br />
septentrionaux <strong>du</strong> Mexique. En dehors de cette zone privi-<br />
légiée, <strong>les</strong> mêmes espèces se montrent beaucoup moins<br />
prolifiques ; el<strong>les</strong> donnent encore deux fructifications à<br />
l’année, mais ces dernières, souvent inéga<strong>les</strong> comme quan-<br />
tité, sont d’une <strong>du</strong>rée normale.<br />
Quant aux Cierges, leur pro<strong>du</strong>ction n’a lieu, norma-<br />
lement, qu’une fois l’année ; pour <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> plus<br />
connues et <strong>les</strong> plus répan<strong>du</strong>es, cette dernière a lieu à la<br />
saison sèche ; pour d’autres espèces, elle peut avoir lieu à<br />
des époques différentes mais, sauf quelques rares exceptions,<br />
comprises entre le printemps et l’automne.<br />
La constatation de ces deux périodes trouve son impor-<br />
tance au point de vue qui nous occupe, car comme <strong>les</strong><br />
fruits de Cactacées sont, parmi <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>ctions végéta<strong>les</strong><br />
naturel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique, une des meilleures et des plus<br />
abondantes, il s’ensuit que <strong>les</strong> expéditions et <strong>les</strong> séjours<br />
dans <strong>les</strong> déserts étaient subordonnés à ces dernières.<br />
En outre de la nourriture, certaines Cactacées sont aptes<br />
à procurer au voyageur altéré, l’élément qui lui est néces-
chapitRe iii 43<br />
saire pour apaiser sa soif, lorsque, sur la route, <strong>les</strong> sources<br />
font défaut. Cette catégorie, que <strong>les</strong> indigènes actuels<br />
Fig. 8. — Spécimen d’Opuntia Tapona Engelm.<br />
montrant la surabondance de fruits que peut pro<strong>du</strong>ire cette espèce.<br />
Hacienda de Huejotitan, environs <strong>du</strong> lac de Chapala (État de Jalisco).<br />
nomment communément Bisnagas (fig. 9) et dont <strong>les</strong> représentants<br />
appartiennent aux Echinocactus et genres voisins<br />
comprend certaines espèces aux formes massives et volu-<br />
mineuses dont le corps est constitué presque en totalité par
44 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
une substance pulpeuse fortement gorgée d’un liquide clair<br />
à saveur fraîche, qu’il est facile d’obtenir par une simple<br />
expression.<br />
Le recours aux Bisnagas comme moyen de fortune pour<br />
parfaire au manque d’eau est encore actuellement courant<br />
chez <strong>les</strong> naturels des contrées désertiques, principalement<br />
parmi ceux qui, sur le versant pacifique <strong>du</strong> Mexique,<br />
habitent <strong>les</strong> solitudes des États de Sinaloa, Sonora et <strong>du</strong><br />
territoire de Basse-Californie, régions désolées où sévissent<br />
souvent de longues sécheresses et où l’on rencontre à pro-<br />
fusion <strong>les</strong> Ferocactus Wislizeni Britt. et Rose et Peninsulæ<br />
Britt. et Rose, qui peuvent atteindre des proportions assez<br />
fortes pour qu’un seul spécimen soit plus que suffisant pour<br />
étancher amplement la soif ardente d’un voyageur et de<br />
sa monture.<br />
Un procédé original et assez simple permet, sans le con-<br />
cours d’aucun récipient, de collecter la quantité d’eau qui<br />
est nécessaire ; il suffit pour cela de sectionner la partie<br />
supérieure de la Bisnaga et de creuser dans son intérieur<br />
une fosse dans laquelle, à l’aide d’une pierre de forme appro-<br />
priée ou de tout autre objet pouvant faire l’office de pilon,<br />
on malaxera une partie dé la pulpe ré<strong>du</strong>ite en fragments ;<br />
la cavité ne tarde pas à collecter une certaine quantité de<br />
liquide qu’il est ensuite facile de puiser 1 .<br />
Ce procédé, employé couramment par <strong>les</strong> rancheros, n’en-<br />
traîne pas, lorsqu’il est convenablement exécuté, la destruc-<br />
tion complète de la plante ; la partie entamée, après s’être<br />
cicatrisée, peut émettre des bourgeonnements qui suffisent<br />
alors à remplacer la perte de substance.<br />
Un exemple historique <strong>du</strong> secours précieux que l’on<br />
peut attendre des Bisnagas aux heures critiques de la soif,<br />
nous est fourni lors de l’expédition <strong>du</strong> Capitan Pédro<br />
1. Voir à ce sujet le mémoire de F.-V. coville. — Desert Institution<br />
plants as a source of drinkinq water, in Annual Report of Smitsonian<br />
Institution from 1903, pp. 499-505 Deux figures de ce mémoire<br />
indiquent le moyen employé par un Indien papago pour soutirer<br />
l’eau d’un Ferocactus Covillei Britt. et Rose.
chapitRe iii 45<br />
Almendez Chirinos, en 1532, lorsque <strong>les</strong> troupes de ce<br />
conquistador eurent à traverser <strong>les</strong> régions arides de la pro-<br />
Fig. 9. — Echinocactus ingens Zucc.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />
vince de Sinaloa pour se rendre au rio Yaqui. Antonio<br />
Tello, missionnaire franciscain et chroniqueur érudit de<br />
l’époque de la colonisation espagnole, dit à propos de cette
46 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
expédition 1 : « Dans cette marche qui fut de plus de trente<br />
» lieues, il mourut beaucoup de gens de service par le<br />
» manque d’eau ; si ces gens n’avaient rencontré de ces<br />
» Cardones à aspect de Tuna, qui, lorsqu’on <strong>les</strong> entaille<br />
» avec un sabre donnent un jus tempérant la soif, ils<br />
» seraient tous morts ».<br />
La récolte des fruits de Cactacées constitue encore à<br />
l’époque présente, pour nombre de populations rura<strong>les</strong>, une<br />
source de revenu digne d’être prise en considération ; ce fait<br />
se montre avec évidence dans maintes localités, aussi bien<br />
avec <strong>les</strong> plantes croissant à l’état sauvage qu’avec cel<strong>les</strong> qui<br />
sont l’objet d’une culture plus ou moins conditionnée.<br />
Grâce aux moyens de transport dont dispose aujourd’hui<br />
le Mexique, ces fruits, qui jusqu’alors n’avaient de dé-<br />
bouchés que sur place, peuvent maintenant être transportés<br />
à grande distance, et fournir sur tous <strong>les</strong> marchés un article<br />
de vente courante. A l’époque de la fructification beaucoup<br />
d’indigènes ne possédant pas de plantations, partent en<br />
expédition afin de récolter des fruits dans <strong>les</strong> endroits<br />
incultes et désertiques où se sont établis de véritab<strong>les</strong> oasis<br />
de Cactacées. Les uns font la moisson dans un but de vente<br />
immédiate et d’exportation, d’autres pour la préparation de<br />
conserves alimentaires, d’autres enfin entreprennent cette<br />
expédition avec l’objet d’une cure sanitaire et s’astreignent<br />
sur place pendant un temps plus ou moins long à une<br />
alimentation exclusive de fruits de Cactacées, comme cela<br />
se voit par exemple de nos jours au District de Dolores<br />
Hidalgo (État de Guanajuato).<br />
Un aperçu de ce qu’offraient <strong>les</strong> parages de Nopals, lors<br />
de la colonisation espagnole, nous est fourni par le père<br />
Arlegui, missionnaire franciscain. Cet auteur 2 expose brièvement<br />
<strong>les</strong> avantages dont surent bénéficier <strong>les</strong> colons avec<br />
<strong>les</strong> stations de Nopals qui existaient sur le parcours des voies<br />
1. FRay antonio tello. — Cronica miselanea de la provincia de<br />
Jalisco. Capitulo LXI, p. 182.<br />
2. m. R. p. José aRlegui. — Cronica de la provincia de N. S. P. San<br />
Francisco de Zacatecas, Parte tercera, Capitulo 2, p. 134.
chapitRe iii 47<br />
routières mettant en communication Charcas et Zacatecas<br />
avec Mazapil et Saltillo, endroits situés dans <strong>les</strong> parties <strong>les</strong><br />
plus arides des plateaux <strong>du</strong> Mexique.<br />
Ce qui vient d’être mentionné s’applique aux terrains de<br />
la région centrale mexicaine, c’est-à-dire aux sites où <strong>les</strong><br />
Nopals ont une expansion prépondérante. Il en est de même<br />
pour <strong>les</strong> endroits où croissent en abondance ces Cierges<br />
que l’on désigne vernaculairement aujourd’hui sous le nom<br />
de Pitayos. Ces derniers étant susceptib<strong>les</strong> de former comme<br />
<strong>les</strong> Nopals de véritab<strong>les</strong> bosquets dans nombre de localités<br />
des terres chaudes et tempérées, il s’ensuit qu’ils peuvent<br />
donner lieu dans <strong>les</strong> villages d’Indiens à des exodes momen-<br />
tanés à l’époque de la fructification comme cela se voit<br />
encore annuellement dans le nord-ouest <strong>du</strong> Mexique, en<br />
Sonora et Sinaloa et comme cela se voyait surtout dans la<br />
presqu’île californienne avant la disparition de ses indi-<br />
gènes primitifs.<br />
Dans cette dernière région, comme l’apprennent <strong>les</strong> histo-<br />
riens Venegas et Glavigero 1 , l’époque de la fructification des<br />
Pitayos, quoique apparaissant à la saison de la plus forte<br />
sécheresse, était considérée par <strong>les</strong> Indiens comme étant la<br />
saison de l’année la plus heureuse et la plus fortunée 2 .<br />
A ce propos, Venegas fait remarquer que la récolte des<br />
Pitayas est pour <strong>les</strong> Indiens de la presqu’île, ce qu’est pour<br />
nous la vendange, ils la célèbrent avec <strong>les</strong> mêmes réjouis-<br />
sances et il ajoute : « Le père Salvatierra dit que pendant<br />
» <strong>les</strong> trois mois qu’elle <strong>du</strong>re, <strong>les</strong> Indiens sont aussi fous<br />
» que <strong>les</strong> Européens pendant le carnaval, ils perdent le<br />
1. venegas. — Histoire naturelle et civile de la Californie. Paris,<br />
1767, tra<strong>du</strong>ction française faite sur l’édition espagnole de 1757, publiée<br />
par le père Buriel.<br />
FRancisco JavieR clavigeRo. — Historia de la Antigua o Baja<br />
California, Mexico, 1852, tra<strong>du</strong>ction en espagnol de l’édition vénitienne<br />
de 1789.<br />
2. Les deux espèces de Pitayos que l’on rencontre en Basse-Californie<br />
sont le Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose, et le Machærocereus<br />
gummosus Britt. et Rose ; le premier entre habituellement en fructification<br />
dans le courant de juin et le second vers la fin d’août.
48 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
» peu de raison qu’ils ont et se livrent entièrement à la<br />
» bonne chère et à la danse, s’invitant réciproquement et<br />
» représentant des farces et des comédies qui <strong>du</strong>rent toute<br />
» la nuit et qui, toutes mauvaises qu’el<strong>les</strong> sont, ne laissent<br />
» pas de divertir extrêmement <strong>les</strong> spectateurs ».<br />
Clavigero complète ce tableau de la vie champêtre des<br />
Indiens pendant leur saison d’opulence en disant : « Pen-<br />
» dant la <strong>du</strong>rée de la récolte, <strong>les</strong> Indiens ne font autre<br />
» chose que parcourir toute la journée <strong>les</strong> montagnes et<br />
» <strong>les</strong> plaines pour rechercher <strong>les</strong> Pitayas mûres ». Les<br />
villégiatures que <strong>les</strong> indigènes actuels font annuellement<br />
dans <strong>les</strong> stations à Cactacées et où, pour <strong>les</strong> commodités de<br />
séjour, ils établissent parfois de primitives habitations<br />
temporaires, sont donc une survivance des anciennes cou-<br />
tumes précolombiennes 1 .<br />
En outre des Indios bravos, qui, comme on l’a vu plus<br />
haut, mettaient à profit <strong>les</strong> époques de la fructification pour<br />
entreprendre leurs incursions, il existait des peuplades<br />
sédentaires et pacifiques qui, vivant en pays où ne se ren-<br />
contraient pas <strong>les</strong> Cactacées en quantité suffisante pour<br />
satisfaire leurs besoins, venaient annuellement faire une<br />
cure de végétarisme clans <strong>les</strong> bosquets de Cactacées. C’est<br />
ainsi que Oviedo 2 parle de certaines tribus indigènes de la<br />
Louisiane qui, en temps ordinaires, étaient ichtyophages et<br />
qui, lorsqu’arrivait le mois de mai, partaient en troupe<br />
jusqu’au rio Panuco, faisant une route de plus de quarante<br />
lieues en s’alimentant uniquement de Tunas.<br />
1. Voir à ce sujet le mémoire publié par david gRiFFiths dans :<br />
U. S. Department of Agriculture, Bulletin n° 116, Washington, 1907.<br />
La planche V donne une vue des campements de fortune édifiés par<br />
<strong>les</strong> moissonneurs de fruits de Nopals dans l’état de Zacatecas.<br />
2. FeRnandez de oviedo y valdes. — Historia général y natural<br />
de las Indias, libro XXXV, cap. IV.
CHAPITRE IV<br />
AVANTAGES DES CACTACÉES<br />
ET LEUR MODE DE PROPAGATION<br />
Action sur le sol et l’atmosphère. — Mécanisme de cette action.<br />
— Effet de l’épiderme. — Réserve d’eau dans <strong>les</strong> tissus. —<br />
Exhalaison. — Fertilisation <strong>du</strong> sol par <strong>les</strong> déchets et la<br />
désassimilation. — Propagation et multiplication par graines<br />
et bouturage naturel. — Différents modes de transport et de<br />
dissémination.<br />
Les avantages que <strong>les</strong> Cactacées procurent aux contrées<br />
désertiques ne se limitent pas uniquement aux pro<strong>du</strong>its<br />
économiques que <strong>les</strong> indigènes peuvent en tirer, ils s’étendent<br />
également et dans une très large mesure au pays lui-même<br />
en lui fournissant un élément constant de fertilisation.<br />
C’est ce qu’il est facile de constater en jetant un coup d’oeil<br />
sur ces solitudes désolées des plateaux et des plaines <strong>du</strong><br />
Mexique, ou d’ordinaire une végétation normale ne peut<br />
exister que lorsque de fortes pluies orageuses sont venues<br />
momentanément humidifier <strong>les</strong> terres.<br />
Dans <strong>les</strong> régions où le sol se trouve presque toute l’année<br />
exposé à l’action journalière d’un soleil brûlant qui le sur-<br />
chauffe au point que, pendant la nuit, le rayonnement<br />
nocturne, quelque intense qu’il soit, est impuissant à pro-<br />
<strong>du</strong>ire l’abaissement de température nécessaire à la préci-<br />
pitation des rosées, <strong>les</strong> Cactacées parviennent à el<strong>les</strong> seu<strong>les</strong><br />
à provoquer l’établissement d’une végétation permanente et<br />
à métamorphoser ces parages qui semblaient voués à la<br />
stérilité absolue. Ce fait peut s’observer d’une façon très<br />
nette et très évidente lorsque ces étranges végétaux forment<br />
au sein d’un canton aride, des foyers plus ou moins éten<strong>du</strong>s<br />
4
50 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
ou même lorsqu’ils y constituent seulement <strong>les</strong> clôtures de<br />
tout un village. On voit alors là des rosées parfois abon-<br />
dantes se pro<strong>du</strong>ire presque quotidiennement, pendant<br />
qu’une végétation vivace apparaît peu à peu dans <strong>les</strong> alen-<br />
tours.<br />
La surface <strong>du</strong> sol subit également une amélioration pro-<br />
Fig. 10. — Îlot volcanique (rhyolithes) <strong>du</strong> golfe de Californie<br />
dont le sommet est occupé<br />
par de nombreux spécimens de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />
gressive <strong>du</strong> fait de sa prise de possession par <strong>les</strong> Cactacées,<br />
grâce au lacis de racines traçantes et superficiel<strong>les</strong> que ces<br />
plantes émettent ; <strong>les</strong> terres meub<strong>les</strong> charriées par <strong>les</strong> eaux<br />
sauvages, ainsi que le limon aérien peuvent se trouver<br />
retenus et fixés de façon à former des couches d’humus<br />
assez considérab<strong>les</strong> jusque dans <strong>les</strong> situations <strong>les</strong> plus<br />
abruptes et sur <strong>les</strong> rochers <strong>les</strong> plus dénudés comme par<br />
exemple le montrent <strong>les</strong> figures 10, 11, 13, 14, 15, où l’on
Fig. 11 — Promontoire rocheux<br />
sur lequel s’est développée une abondante touffe d’Opuntia robusta Wendl.<br />
Sierra de Tlaijmjahua (État de Michoacan).
52 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
voit également une végétation franchement arborescente<br />
commencer à s’établir même sous l’égide de Cierges peu<br />
ramifiés 1 .<br />
On se rend aisément compte <strong>du</strong> mécanisme de ces effets<br />
avantageux quand on considère le mode de végétation par-<br />
ticulier à cette famille de plantes.<br />
L’ombre que projettent <strong>les</strong> Cactacées sur le sol a certaines<br />
heures de la journée et la réflexion partielle des rayons<br />
solaires sur la surface lustrée des tiges, sont des motifs<br />
suffisants pour tempérer le voisinage de ces plantes en le<br />
soustrayant à un excessif échauffement diurne, de là résul-<br />
tera un effet qui aura pour conséquence de favoriser pen-<br />
dant la nuit l’action salutaire <strong>du</strong> rayonnement nocturne.<br />
En outre, la plupart des représentants de la famille des<br />
Cactacées possèdent un épiderme admirablement outillé<br />
pour capter en tous temps <strong>les</strong> moindres vapeurs atmosphé-<br />
riques, ce qui leur permet aussi, dans certains cas, de<br />
suppléer au rôle physiologique des racines, lorsque ces der-<br />
nières sont ré<strong>du</strong>ites à l’inaction par suite d’une trop grande<br />
sécheresse <strong>du</strong> sol 2 .<br />
1. On a toujours considéré <strong>les</strong> Cactacées comme n’ayant qu’un<br />
système radiculaire fort rudimentaire ; cela est exact pour la majorité<br />
des petites espèces, mais pour <strong>les</strong> formes géantes dont le développement<br />
offre une forte prise à l’action des courants atmosphériques, c’est tout<br />
différent ; un fort réseau de racines traçantes s’étendant assez loin<br />
autour de la plante, devient nécessaire pour maintenir la position<br />
verticale de ces formes gigantesques, dont certains spécimens peuvent<br />
atteindre facilement une hauteur de vingt mètres (Carnegiea gigantea,<br />
Pachycereus Pringlei, fig. 2), ou une expansion latérale considérable<br />
(Lemaireocereus Weberi, fig. 3).<br />
2. Voir w.-a. cannon : Biological relations of certain Cacti ; Desert<br />
bolanical laboratory publications n° 11 ; reprinted in The American<br />
naturalist, Vol. 40, january 1906.<br />
La morphologie concourt également dans le fonctionnement aérien<br />
des Cactacées ; il est facile de voir que la majorité des représentants<br />
de cette famille, que ce soient des Nopals ou des Cierges colomnaires,<br />
affectent dans leur ramification des dispositifs de radiateurs ; chez <strong>les</strong><br />
Nopals, c’est par la forme plus ou moins capricieuse de l’implantation<br />
des artic<strong>les</strong> ; chez <strong>les</strong> Cierges, c’est par <strong>les</strong> côtes qui s’étendent le long<br />
des tiges en formant des prolongements souvent des plus variés.
chapitRe iv 53<br />
Il résulte de là que l’abondante masse pulpeuse, dont est<br />
composée la majeure partie de la plante, fait l’office d’une<br />
véritable citerne dans <strong>les</strong> régions où la nature se montre<br />
impuissante à conserver, en temps ordinaire, la moindre<br />
réserve d’eau dans <strong>les</strong> couches superficiel<strong>les</strong> <strong>du</strong> sol.<br />
Sous <strong>les</strong> ardeurs solaires, l’exhalaison <strong>du</strong> liquide parci-<br />
monieusement accumulé dans <strong>les</strong> tissus internes des Cac-<br />
tacées ne peut avoir lieu avec la même intensité que chez<br />
<strong>les</strong> autres végétaux ; on constate cependant que lorsque de<br />
longues périodes de sécheresse viennent à sévir, <strong>les</strong> tiges<br />
fortement gorgées subissent peu à peu une flétrissure et un<br />
amaigrissement très appréciable, el<strong>les</strong> cèdent alors sur<br />
place, sans trop de dommage, une partie de l’eau qu’el<strong>les</strong><br />
avaient prélevée aux courants aériens et entretiennent dans<br />
<strong>les</strong> alentours un certain état hygrométrique qui, quoique<br />
très faible, est cependant suffisant pour maintenir, dans ces<br />
endroits desséchés, l’existence d’une végétation moins xéro-<br />
phile 1 .<br />
Les parties aériennes des Cactacées concourent également,<br />
par leurs déchets, à apporter un sérieux appoint à l’enri-<br />
chissement <strong>du</strong> sol. Cette contribution à la fertilisation <strong>du</strong><br />
terrain se pro<strong>du</strong>it de différentes façons. Tantôt c’est par<br />
une véritable chute de feuil<strong>les</strong>, comme cela a lieu dans <strong>les</strong><br />
1. L’importance de l’exhalaison cutanée des Cactacées peut varier<br />
dans de fortes limites, non seulement suivant <strong>les</strong> espèces, mais aussi<br />
suivant <strong>les</strong> conditions dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ces plantes se trouvent exposées.<br />
Chez <strong>les</strong> Rhipsalis, <strong>les</strong> Epiphyllum, et même chez certains Cierges qui<br />
vivent à l’état épiphyte et habitent <strong>les</strong> forêts, il est probable que le<br />
fonctionnement épidermique doit être plus ou moins voisin de celui<br />
de leur ambiance ; tandis que chez <strong>les</strong> Echinocactus et <strong>les</strong> Mamillaria<br />
qui représentent <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> mieux adaptées aux excessives séche-<br />
resses, la transpiration serait infime ; cette dernière aurait même été<br />
évaluée à six mille fois moins intense que celle d’une plante ordi-<br />
naire de même poids.<br />
Voir à ce sujet <strong>les</strong> deux mémoires de david gRiFFiths et haRe :<br />
Snmmary of recent investigation of the value an stock foo ; U. S.<br />
Department of Agriculture ; Bureau of plant in<strong>du</strong>stry ; Bulletin n° 102,<br />
1910.<br />
d.-i. macdougal. — The water balance of succulent plants, published<br />
by the Carnegie institution of Washington, 1910.
54 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
formes primitives de la famille (Pereskia, Pereskiopsis) qui,<br />
sur des tiges à peine charnues, montrent de nombreux limbes<br />
foliacés offrant à une saison fixe une défoliation plus ou<br />
moins complète. Tantôt c’est par la surpro<strong>du</strong>ction de la<br />
floraison et de la fructification que la Cactacée paie son<br />
tribut au milieu sur lequel il vit. Cela se voit clairement<br />
chez nombre de Nopals (fig. 12) et même chez certains Cardones<br />
dont <strong>les</strong> fruits très épineux arrivent parfois à couvrir<br />
complètement l’extrémité des tiges au point de leur donner<br />
l’apparence d’un cephalium de Pilocereus, comme on peut<br />
l’observer par exemple au voisinage de la partie méridionale<br />
de l’isthme de Tehuantepec avec le Pachycereus Pectenaboriginum,<br />
et même le P. Pringlei.<br />
Lorsque <strong>les</strong> fruits ne se pro<strong>du</strong>isent pas en quantité suf-<br />
fisante pour satisfaire à la désassimilation de la plante, ce<br />
sont <strong>les</strong> tiges qui sont appelées à leur suppléer dans cette<br />
fonction physiologique ; on voit alors <strong>les</strong> rameaux vieillis<br />
tomber naturellement, soit totalement par une désarticu-<br />
lation, soit partiellement par des pertes plus ou moins éten-<br />
<strong>du</strong>es de l’appareil végétatif qui se détachent à la suite de<br />
nécroses.<br />
Il s’ensuit donc que, d’une manière générale, <strong>les</strong> Cac-<br />
tacées empruntent infiniment plus à l’atmosphère qu’au sol<br />
et qu’au lieu d’épuiser <strong>les</strong> terrains, comme le font la plu-<br />
part des végétaux, ils deviennent au contraire pour ces der-<br />
niers une source d’enrichissement continuel qui va en aug-<br />
mentant à mesure que la plante prend <strong>du</strong> développement.<br />
L’élimination des pro<strong>du</strong>its de désassimilation chez <strong>les</strong><br />
Cactacées marque un côté intéressant dans l’évolution de<br />
la famille et si l’on prend comme base le tableau philogé-<br />
nique de cette famille donné par M. J. Massart 1 , on constate<br />
que cette élimination s’effectue suivant différents modes<br />
variant à mesure que la progression s’accentue. Ainsi, dans<br />
la forme présumée ancestrale de la famille des Cactacées,<br />
représentée par le genre Pereskia, cette élimination s’opère<br />
1. Jean massaRt. — Notice sur la Serre de Plantes grasses, Bruxel<strong>les</strong>,<br />
1905.<br />
arboriginum -><br />
aboriginum
chapitRe iv 55<br />
par la simple chute <strong>du</strong> limbe foliaire comme cela a lieu chez<br />
<strong>les</strong> représentants de la végétation normale. Chez <strong>les</strong> Pereskiopsis<br />
qui, dans la tribu des Opuntiées, font la transition<br />
entre le genre primitif et la section des Cylindropuntia, cette<br />
Fig. 12. — Artic<strong>les</strong> d’Opuntia Tapona Engelm.<br />
montrant la profusion de fruits que peut parfois fournir cette espèce.<br />
Montagnes des environs <strong>du</strong> lac de Chapala (État de Jalisco).<br />
élimination s’effectue encore par défoliation mais en même<br />
temps elle s’accomplit aussi suivant le fonctionnement<br />
physiologique propre aux formes bien caractérisées de la<br />
famille, c’est-à-dire par désagrégation épidermique, rejet<br />
d’organes mortifiés ou sains, chute de fleurs ou de fruits.
56 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La propagation naturelle des Cactacées s’effectue soit par<br />
un ensemencement, soit par un bouturage accidentel. Les<br />
deux modes considérés d’après leurs résultats se montrent,<br />
à peu de chose près, aussi efficaces dans l’accomplissement<br />
<strong>du</strong> rôle que la nature leur à dévolu dans la conquête et<br />
l’amélioration des terrains stéri<strong>les</strong>.<br />
Le premier mode cependant est plus délicat, <strong>du</strong> moins à<br />
ses débuts, car la frêle plantule issue de la graine est insuf-<br />
fisamment outillée pour lutter d’elle-même contre <strong>les</strong> agents<br />
de destruction ; elle a besoin, pour franchir son étape juvé-<br />
nile, d’une intervention étrangère qui la protège contre <strong>les</strong><br />
rudes épreuves auxquel<strong>les</strong> la soumet son terrain d’action 1 .<br />
Il n’en est pas de même avec le second mode qui s’effectue<br />
à la suite d’une chute plus ou moins provoquée de rameaux<br />
ou d’organes aériens 2 . Ces parties aériennes, abandonnées<br />
à el<strong>les</strong>-mêmes, peuvent se fixer d’emblée sur le terrain où<br />
le hasard <strong>les</strong> a déposées ; étant munies de défenses, de<br />
réserves et d’une notable provision d’eau, el<strong>les</strong> peuvent<br />
alors, par leurs propres moyens, prendre leur essor végé-<br />
tatif, bourgeonner et émettre des racines adventives sans<br />
avoir recours à un emprunt extérieur.<br />
Grâce à la singulière particularité de végétation de cette<br />
famille occupant une place bien tranchée dans le groupe<br />
des plantes grasses, ainsi que le met en lumière la remar-<br />
quable étude de M. Jean Massart 3 on peut conclure d’une<br />
1. Cette intervention est fournie par l’exubérante flore herbacée qui<br />
surgit soudainement lorsque de copieuses pluies sont venues humidifier<br />
momentanément le sol des déserts, végétation éphémère, il est vrai,<br />
mais qui, même lorsqu’elle est brûlée par <strong>les</strong> ardeurs solaires, n’en<br />
constitue pas moins un revêtement d’herbes sèches capable de sous-<br />
traire le sol à un dessèchement trop brusque.<br />
2. Certaines Cactacées éliminent sans effort, et pour ainsi dire spon-<br />
tanément, des rameaux et des organes en pleine vitalité, qui, lorsqu’ils<br />
sont au contact <strong>du</strong> sol, ne tardent pas à s’allonger et à s’enraciner,<br />
c’est, surtout dans la section Cylindropuntia que l’on constate cette<br />
particularité et <strong>les</strong> O. arbuscula Engelm. et O. fragilis Haw. sont <strong>les</strong><br />
types <strong>les</strong> plus remarquab<strong>les</strong> de ce curieux mode de multiplication.<br />
3. .J. massaRt. — Notice sur la Serre de Plantes grasses, Bruxel<strong>les</strong>,<br />
1903.
chapitRe iv 57<br />
façon générale que <strong>les</strong> différents types composant cette<br />
famille sont susceptib<strong>les</strong>, sous <strong>les</strong> climats torrides, de<br />
pouvoir s’adapter à tous <strong>les</strong> genres de sol, pourvu toutefois<br />
que ceux-ci ne soient pas trop humides.<br />
La dissémination des Cactacées peut s’opérer à l’aide des<br />
oiseaux ou de tout animal frugivore, ainsi que dans certains<br />
cas par <strong>les</strong> courants et <strong>les</strong> tourbillons aériens, mais ces<br />
procédés de répartition ne sont que secondaires et ne<br />
méritent d’être mentionnés que pour expliquer comment<br />
des touffes de ces plantes ont pu se développer sur <strong>les</strong><br />
arbres et sur <strong>les</strong> rochers élevés ou surplombants (fig. 4, 10<br />
et 11).<br />
Le véritable mode de transport pour la dissémination<br />
des Cactacées réside surtout dans l’action des eaux pluvia<strong>les</strong><br />
et torrentiel<strong>les</strong> qui, de temps en temps, font sentir leur<br />
effet sur de vastes éten<strong>du</strong>es désertiques. Le ruissellement<br />
des eaux sauvages avec <strong>les</strong> ravinements et <strong>les</strong> entraînements<br />
de terres qui en sont la conséquence, sont donc la voie la<br />
plus puissante et la plus commune dont dispose la nature<br />
pour la dispersion et la fixation des Cactacées.
CHAPITRE V<br />
RÔLE ET MÉCANISME DES CACTACÉES<br />
DANS LE PEUPLEMENT VÉGÉTAL DES DÉSERTS<br />
Coup d’oeil d’ensemble sur <strong>les</strong> terrains d’évolution. — Concours<br />
des espèces naines et géantes dans la transformation des<br />
terrains. — Sorte de mutualisme entre la plante grasse et la<br />
végétation normale. — Concurrence vitale entre <strong>les</strong> deux<br />
formes de végétation. — Zones d’influence des Opuntiées et<br />
des Cierges. — Zone intermédiaire. — Particularité des<br />
Cierges sur <strong>les</strong> terrains alluvionnaires côtiers. — Leur parallé-<br />
lisme d’action avec <strong>les</strong> Opuntiées. —Accroissement et longévité<br />
des Cactacées. — Lenteur ou rapidité de leur action suivant<br />
que <strong>les</strong> conditions sont naturel<strong>les</strong> ou artificiel<strong>les</strong>.<br />
Le fait de la lutte continuelle entre la stérilité <strong>du</strong> désert<br />
américain et l’empiétement de la végétation sous l’égide<br />
des Cactacées s’observe d’une façon très nette dans <strong>les</strong><br />
immenses plaines ou llanos des plateaux des États de Chihuahua,<br />
Coahuila, San Luis Potosi, Zacatecas, etc., régions<br />
foncièrement désertiques aujourd’hui, mais qui furent jadis,<br />
comme l’indique l’aspect de la contrée, le siège de nombreux<br />
dépôts lacustres peu à peu asséchés lors de la formation<br />
des torrents et <strong>du</strong> creusement progressif des vallées.<br />
Dans ces mornes solitudes que, dans ses tableaux de la<br />
nature, de Humboldt compare, suivant la saison, à la mer<br />
de sab<strong>les</strong> de Lybie et aux steppes élevées de l’Asie mineure,<br />
on conçoit facilement qu’une végétation normale ne peut<br />
guère se maintenir sans le voisinage des Cactacées, car, dans<br />
de tel<strong>les</strong> situations climatériques, <strong>les</strong> rares pluies qui<br />
viennent de temps en temps faire apparaître un peu de vie
60 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
sur ces lieux de désolation, sont impuissantes à compenser<br />
<strong>les</strong> effets désastreux d’un soleil embrasant le sol et des<br />
brusques et subits abaissements de température <strong>du</strong>s à l’action<br />
combinée des vents secs avec le rayonnement nocturne<br />
intense.<br />
Comme on l’a vu plus haut, <strong>les</strong> Cactacées, par leurs deux<br />
modes de multiplication, peuvent s’établir sur des surfaces<br />
complètement dépourvues de terre végétale (fig. 10 et 11),<br />
il en résulte donc qu’après une première préparation de terrain,<br />
ces pionniers de la végétation conquérante des déserts<br />
deviennent des agents efficaces dans le peuplement des<br />
régions dénudées quel<strong>les</strong> que soient <strong>les</strong> causes de la stérilité.<br />
Mais dans ce travail de la nature, lorsqu’il s’opère de luimême,<br />
on remarque qu’une seule espèce de Cactacée n’est<br />
pas suffisante pour atteindre le but définitif et qu’il faut<br />
pour que le résultat se complète, l’entrée en jeu de différentes<br />
espèces se prêtant une aide mutuelle pendant leur<br />
développement. Dans ce curieux concours, on voit d’abord<br />
<strong>les</strong> espèces naines et de croissance très lente prendre pied<br />
en formant par place des touffes plus ou moins gazonnantes<br />
(Cylindropuntia, Mamillaria, Echinocereus, Echinocactus et<br />
genres voisins), auxquel<strong>les</strong> incombent la tâche de préparer<br />
la première étape en aménageant suffisamment la surface<br />
<strong>du</strong> sol afin que des espèces de dimensions moins humb<strong>les</strong><br />
et de croissance plus rapide (Opuntia à raquettes, Cierges<br />
érigés) puissent, dans la suite, en prenant leur essor, parfaire<br />
l’amélioration écologique des conditions territoria<strong>les</strong><br />
et climatériques.<br />
Durant cette transformation, <strong>les</strong> Cactacées ne restent pas<br />
seu<strong>les</strong> à opérer, car dès l’apparition de la couche d’humus<br />
stable qui a pris son origine avec la primitive et fugace<br />
flore herbacée survenue à la suite d’une pluie, on voit qu’un<br />
nombre assez important de plantes appartenant aux famil<strong>les</strong><br />
<strong>les</strong> plus diverses sont venues se joindre et s’associer<br />
pour prendre part à une oeuvre commune (fig. 13, 14, 15).<br />
Ces derniers végétaux passent pour ainsi dire par la
Fig. 13. — Massif de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose,<br />
établi spontanément à l’emplacement d’une lagune marine comblée par <strong>les</strong> alluvions.<br />
(Entre ces Pachycereus, on remarque quelques spécimens de Ferocactus Diguetii Britt. et Rose).<br />
Île de la Catalana (Golfe de Californie).
62 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
même filière morphologique que <strong>les</strong> Cactacées ; de plantes<br />
plus ou moins herbacées au début, el<strong>les</strong> ne deviennent<br />
franchement arborescentes qu’après s’être arrêtées aux<br />
Fig. 14. — Massif de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose<br />
avec ses sous-bois de Opuntia Cholla Web. et d’arbustes xérophi<strong>les</strong>.<br />
Plaines alluvia<strong>les</strong> des environs de La Paz (Basse-Californie).<br />
alternatives <strong>les</strong> plus variées des allures frutescentes et buis-<br />
sonneuses.<br />
On constate en outre dans ce processus naturel, qu’à me-<br />
sure que la progression s’accentue toute l’association végétale<br />
devient de moins en moins xérophile.
Fig. 15. — Reboisement spontané des collines par le Cephalocereus Telazo Vaupel.<br />
San Sebastian Zinacatepec (État de Puebla).
64 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Lorsque ces deux systèmes de végétation seront parvenus<br />
à un certain degré de développement et que, sous leurs<br />
efforts mutuels, <strong>les</strong> conditions écologiques <strong>du</strong> milieu auront<br />
été avantageusement modifiées, il surviendra, grâce à la<br />
concurrence vitale, un moment critique, à l’issue <strong>du</strong>quel<br />
l’une ou l’autre de ces végétations devra prendre le dessus.<br />
Dans <strong>les</strong> régions franchement désertiques, la prédomi-<br />
nance reste aux Cactacées, mais dans le cas où la situation<br />
climatérique et la richesse <strong>du</strong> sol permettent à la végétation<br />
normale d’acquérir toute sa vigueur, on observe que la<br />
plante grasse, sans abandonner complètement la partie, se<br />
modifie considérablement et devient de plus en plus tribu-<br />
taire de son ancienne associée. C’est ainsi par exemple que<br />
l’on voit au sein des forêts, <strong>les</strong> Cactacées subir de notab<strong>les</strong><br />
modifications et s’adapter à leur nouveau milieu en pre-<br />
nant des allures de lianes (Hylocereus triangularis Britt. et<br />
Rose, Heliocereus speciosus Britt. et Rose, Selenicereus hamatus<br />
Britt. et Rose) ou devenir complètement épiphytes comme<br />
<strong>les</strong> espèces appartenant aux genres Epiphyllum, Rhipsalis.<br />
Dans le domaine où <strong>les</strong> Cactacées conservent leur supré-<br />
matie par suite des conditions spécia<strong>les</strong> de terrain (terres<br />
peu profondes, sous-sol constitué par une roche compacte<br />
ou des dépôts salins, etc.), la végétation normale reste sta-<br />
tionnaire dans son développement et se maintient en général<br />
dans l’allure arbustive particulière des buissons croissant<br />
dans <strong>les</strong> endroits arides, elle constitue alors une partie des<br />
sous-bois des bosquets de Cierges, seu<strong>les</strong> quelques grandes<br />
légumineuses comme <strong>les</strong> Prosopis et autres Mimosées désertico<strong>les</strong><br />
peuvent, dans ces conditions précaires, atteindre le<br />
déploiement de haute futaie.<br />
Pour l’accomplissement de leur rôle effectif, <strong>les</strong> Cacta-<br />
cées se répartissent sur deux zones bien tranchées, dont<br />
l’une se caractérise par la prédominance de Platyopuntia<br />
arborescents et l’autre par de gigantesques Cierges colom-<br />
naires.<br />
La première zone est celle des hauts plateaux où se ren-<br />
contrent plusieurs espèces de Platyopuntia de haute stature.
chapitRe v 65<br />
parmi <strong>les</strong>quels un surtout, que <strong>les</strong> indigènes nomment le<br />
Nopal ou la Tuna Cardona (O. Cardona Web.) 1 (fig. 16) se<br />
fait remarquer par son abondante répartition et par sa par-<br />
faite résistance aux rudes épreuves <strong>du</strong> climat steppique,<br />
sur lequel il paraît spécialement se convenir, ce qui lui<br />
Fig. 16. — Opuntia Cardona Web.<br />
Plaines désertiques de l’État de San Luis Potosi.<br />
assure une supériorité sur ses congénères et lui fait remplir<br />
parmi eux un rôle tutélaire.<br />
La seconde zone est celle des Cierges ; ces derniers ré-<br />
clamant en général une climatologie plus régulière et plus<br />
chaude, occupent <strong>les</strong> versants montagneux et <strong>les</strong> plaines qui<br />
longent le littoral. Comme là, <strong>les</strong> conditions topographiques<br />
1. Nombre d’auteurs ont confon<strong>du</strong> le Nopal Cardona avec l’espèce<br />
décrite par Lemaire sous le nom d’Opuntia streptacantha ; le D r Weber<br />
qui a partagé cette confusion a reconnu, dans la suite, que cette espèce<br />
se différenciait de la dernière.<br />
5
66 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
sont plus variées que cel<strong>les</strong> de la première zone, ce n’est<br />
plus à une seule espèce que la nature a recours pour remplir<br />
un rôle analogue à celui <strong>du</strong> Nopal Cardona, mais bien à tout<br />
ce groupe de spécimens remarquab<strong>les</strong> par leurs proportions<br />
géantes et massives que l’on désigne au Mexique sous le<br />
nom collectif de Cardon ou Cardones et pour lequel Britton<br />
et Rose ont créé le genre Pachycereus 1 .<br />
Quoique vivant sur des emplacements bien délimités, il<br />
ne faut pas en conclure que ces deux formes de Cactacées<br />
s’excluent mutuellement de leur domaine respectif ; on<br />
observe au contraire que, dans la plupart des cas, el<strong>les</strong><br />
peuvent vivre côte à côte en se comportant vis-à-vis l’une<br />
de l’autre d’une façon analogue à celle qu’on a vu plus<br />
haut entre <strong>les</strong> deux végétations hétéroclites.<br />
On voit alors (abstraction faite d’une zone voisine de<br />
1.500 mètres où Opuntia et Cierges peuvent se mesurer à<br />
égalité d’action) que plus on pénètre dans l’un ou l’autre<br />
domaine, plus <strong>les</strong> genres, <strong>les</strong> espèces et <strong>les</strong> variétés qui ne<br />
sont plus sur leur terrain d’élection, tendent rapidement à<br />
s’effacer en prenant des allures de plus en plus ré<strong>du</strong>ites à<br />
mesure que l’on s’éloigne des limites de leur habitat.<br />
C’est ainsi que sur le domaine des Platyopuntia arborescents,<br />
<strong>les</strong> grands Cierges, après avoir passé par des formes<br />
plus modestes, disparaissent presque complètement et n’ar-<br />
rivent plus guère à être représentés que par des Echinocereus<br />
et genres voisins.<br />
Le même processus d’effacement s’accomplit sur <strong>les</strong><br />
terrains des Pachycereus avec <strong>les</strong> Platyopuntia ; ceux-ci,<br />
sans toutefois modifier la forme aplatie de leurs artic<strong>les</strong>,<br />
prennent peu à peu un développement moindre, pour ne<br />
plus devenir, sur <strong>les</strong> plaines alluvionnaires <strong>du</strong> littoral, que<br />
ces spécimens rampants et gazonnants que <strong>les</strong> indigènes<br />
nomment Nopa<strong>les</strong> rastreros. Ces derniers sont des formes<br />
atrophiées ou naines de Platyopuntia ; ils comportent un<br />
1. bRitton et Rose.— The genus Cereus and its allies in North America ;<br />
in Contributions from the United States national herbarium, Vol. 12,<br />
part. 10, p. 413, 1909.
Fig. 17. — Plaines alluvia<strong>les</strong> <strong>du</strong> versant occidental de la presqu’île californienne<br />
où, parmi une rare végétation xérophile,<br />
se sont établis spontanément d’importants massifs de Machærocereus gummosus Britt. et Rose,<br />
en compagnie d’Opuntia Cholla Web. et de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />
Estero de la Purissinia (Basse-Californie).
68 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
certain nombre d’espèces disséminées indifféremment sur<br />
<strong>les</strong> deux domaines où ils viennent se confondre dans un<br />
même rôle effectif avec <strong>les</strong> petites et moyennes espèces<br />
appartenant à la section des Cylindropuntia, aux genres<br />
Echinocactus et Mamillaria.<br />
Les Cierges procèdent au peuplement végétal des déserts<br />
exactement comme le font <strong>les</strong> Opuntia, avec cette différence<br />
cependant que, lorsqu’il s’agit de vastes éten<strong>du</strong>es à couvrir<br />
de végétation, ce ne sont plus alors <strong>les</strong> hauts plateaux qui<br />
deviennent le théâtre de l’action, mais bien surtout <strong>les</strong><br />
plaines basses alluvionnaires en continuelle formation, qui<br />
s’étendent le long <strong>du</strong> littoral de la mer, principalement au<br />
voisinage des estuaires (fig. 17).<br />
C’est ce que nous montre d’une façon fort nette le versant<br />
pacifique <strong>du</strong> Mexique, avec <strong>les</strong> Pachycereus Pringlei Britton<br />
et Rose et Pecten-aboriginum Britton et Rose (fig. 18, 19<br />
et 21).<br />
Ces deux Pachycereus viennent former sur <strong>les</strong> plaines<br />
résultant, soit d’un comblement alluvionnaire des lagunes<br />
salées, soit des atterrissements le long des plages, ce type<br />
de bosquet que dans le pays on nomme Cardonal et à l’abri<br />
<strong>du</strong>quel la végétation particulière à la région pourra prendre<br />
son essor en passant exactement par <strong>les</strong> mêmes phases que<br />
l’on a vu au sujet des Platyopuntia sur <strong>les</strong> hauts plateaux.<br />
Quoique répan<strong>du</strong>s en grande abondance sur cette longue<br />
bande côtière qui s’étend depuis l’embouchure <strong>du</strong> rio Colo-<br />
rado jusqu’à la frontière <strong>du</strong> Guatemala, ces deux Cierges<br />
possèdent chacun un champ d’action qui leur est propre<br />
et en dehors <strong>du</strong>quel ils ne semblent plus jouer, vis-à-vis l’un<br />
de l’autre, qu’un rôle secondaire dans la transformation de<br />
la région.<br />
Le Pachycereus Pringlei, que l’on désigne sous le nom<br />
vernaculaire de Cardon pelon, exerce son influence sur la<br />
zone subtropicale comprise entre <strong>les</strong> États de Sonora, Sina-<br />
loa et le territoire de la Basse-Californie ; c’est une espèce<br />
remarquablement adaptée aux exigences que comportent<br />
<strong>les</strong> stations désertiques situées à proximité de la mer ; là
chapitRe v 69<br />
il peut prendre pied sur n’importe quel sol, on le voit même<br />
parfois s’établir sur un îlot volcanique où, à défaut de terre<br />
végétale il se contente des fissures de la roche pour le dé-<br />
ploiement de ses racines (fig. 10), ou bien encore, sur un<br />
terrain envahi par <strong>les</strong> <strong>du</strong>nes, qu’il parvient souvent à stabi-<br />
Fig. 18. — Roule tracée à travers une plaine<br />
où prédominent <strong>les</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose,<br />
Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose,<br />
Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />
assortis à la végétation xérophile de la région.<br />
Versant pacifique de la Basse-Californie.<br />
liser et à maintenir de la façon la plus complète, avec l’aide<br />
et le concours de la végétation buissonnante des sous bois<br />
habituels des bosquets de Cactacées arborescentes (fig. 19).<br />
Le Pachycereus Pecten-aboriginum que dans le pays on<br />
désigne sous le nom de Hecho ou encore de Cardon espinoso,<br />
quoique pouvant se rencontrer sur <strong>les</strong> mêmes terrains que
70 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
le précédent, se plaît mieux sous <strong>les</strong> climats moins rigou-<br />
reux et plus constants que lui offre la zone franchement tro-<br />
picale où chaque année la saison des pluies a lieu régu-<br />
lièrement 1 .<br />
Ce Pachycereus forme souvent d’importants Cardona<strong>les</strong><br />
sur <strong>les</strong> assolements alluvionnaires des plaines <strong>du</strong> littoral,<br />
mais son véritable point d’élection est celui où peut se déve-<br />
lopper la forêt sèche tropicale, là seulement on le voit atteindre<br />
le maximum de ses dimensions, en prenant place<br />
à côté des essences de haute futaie (fig. 21).<br />
Ces deux espèces considérées au point de vue de leur pa-<br />
rallélisme avec <strong>les</strong> autres Cactacées d’influence prédomi-<br />
nante nous montre que le Pachycereus Pringlei joue dans<br />
la nature des plaines conquises sur la mer, un rôle exac-<br />
tement identique à celui de l’Opuntia Cardona sur <strong>les</strong> anciennes<br />
régions lacustres asséchées des llanuras <strong>du</strong> Nord<br />
<strong>du</strong> Mexique, tandis que dans cette même situation de sol<br />
marin, mais sous des climats plus cléments et plus favo-<br />
rab<strong>les</strong> à la végétation exubérante, le Pachycereus Pectenaboriginum<br />
se comporte comme <strong>les</strong> Opuntia arborescents<br />
et <strong>les</strong> Cierges de localité à régime climatérique plus régu-<br />
liers, où la vie végétale rencontre <strong>les</strong> conditions adéquates<br />
pour acquérir sans trop d’obstacle l’ampleur de son déve-<br />
loppement.<br />
En somme, le rôle des Cactacées dans la conquête des<br />
déserts repose sur un mécanisme assez simple résultant de<br />
la mise en jeu de trois facteurs principaux qui permettent<br />
de surmonter et de vaincre aisément <strong>les</strong> causes habituel<strong>les</strong><br />
d’anéantissement auxquel<strong>les</strong> sont fatalement sujettes <strong>les</strong><br />
plantes de constitution normale.<br />
Ces trois facteurs sont :<br />
1° Une extraordinaire vitalité conservant aux Cactacées,<br />
1. Un fait géographique qui semble aussi démontrer la prédilection<br />
<strong>du</strong> Pachycereus Pecten-aboriginum pour <strong>les</strong> milieux franchement<br />
tropicaux, c’est que sur toute l’éten<strong>du</strong>e de la péninsule californienne,<br />
l’Hecho ne se rencontre uniquement que dans la partie australe située<br />
immédiatement au-dessous de la ligne <strong>du</strong> tropique.
Fig. 19. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />
Bosquet de Cactacées aux environs de La Paz (Basse-Californie).
à priori -> a priori<br />
72 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
même dans leurs organes morcelés et desséchés, une vie<br />
latente pendant plusieurs années 1 ;<br />
2° La mise en oeuvre de multip<strong>les</strong> moyens de propagation<br />
soit par la graine, soit par bouturages naturels ;<br />
3° Un fonctionnement biologique qui, dans des condi-<br />
tions précaires, donne à la plante la faculté de prélever a<br />
l’atmosphère son principal aliment pendant que ses parties<br />
aériennes déposent constamment des pro<strong>du</strong>its de désassimi-<br />
lation et de captation extérieure dont bénéficieront ultérieu-<br />
rement le sol et la végétation environnante.<br />
Afin de compléter l’exposé sur le rôle et l’évolution de<br />
ces agents de peuplement des déserts américains, il est né-<br />
cessaire d’ajouter un aperçu sommaire sur leur accroisse-<br />
ment et leur longévité.<br />
Pour ce qui est de leur accroissement, il est difficile d’éta-<br />
blir a priori une règle un peu générale, car outre qu’il s’ef-<br />
fectue sur des modes différents en largeur et en hauteur,<br />
il est sujet suivant <strong>les</strong> espèces à de très notab<strong>les</strong> variations,<br />
de plus <strong>les</strong> conditions climatiques, qui ne se font pas faute<br />
d’intervenir, peuvent encore modifier le cours <strong>du</strong> dévelop-<br />
pement soit en le retardant, soit en l’accélérant 2 .<br />
1. De Candolle rapporte que Th. de Saussure a conservé quatorze mois<br />
un rameau de Cactacée sans terre et sans eau ; ce rameau fut planté<br />
au bout de ce temps et a parfaitement repris et poussé de nouveaux<br />
jets. Des pieds d’Opuntia et une tige de Cereus peruvianus Mill.<br />
rapportés par M. Pépin, ont été conservés de 2 à 8 années, sans qu’ils<br />
eussent per<strong>du</strong> la faculté de reprendre. Arloing a constaté la pro<strong>du</strong>ction<br />
de racines adventives sur la moelle des boutures de Cactacées.<br />
Masson a observé que <strong>les</strong> fragments d’Opuntia desséchés conservaient<br />
par place des points capab<strong>les</strong> d’émettre des racines adventives (masson,<br />
Contribution à l’étude des Cactacées, thèse de la Faculté de Montpellier,<br />
1890).<br />
2. Suivant la nature <strong>du</strong> terrain et <strong>les</strong> conditions <strong>du</strong> climat, une<br />
même espèce de Cactacée peut accuser une grande variabilité dans sa<br />
morphologie et dans son développement. Ainsi, sur <strong>les</strong> pentes des<br />
montagnes, où l’humidité de l’air est habituellement plus constante,<br />
<strong>les</strong> Cactacées, à quelque genre qu’el<strong>les</strong> appartiennent, ont une tendance<br />
manifeste à croître en hauteur, tandis que sur <strong>les</strong> plateaux, où ces<br />
plantes se trouvent plus particulièrement exposées à l’action des vents<br />
réguliers et aux ardeurs solaires, el<strong>les</strong> se développent en largeur en<br />
affectant des allures plus étalées et plus trapues. Les longues périodes
Fig. 20. — Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />
Forêt tropicale sèche aux environs<br />
de Puerto Angel (État de Oaxaca
74 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Cependant, si pour se faire une idée approximative sur<br />
cette question, on prend pour terme de comparaison <strong>les</strong><br />
Cierges dont l’accroissement porte d’une façon plus appa-<br />
rente sur l’élongation des tiges, on constate que dans ce<br />
groupe il y a des espèces à croissance extrêmement lente<br />
comme le Wilcoxia striata Britt. et Rose, dont <strong>les</strong> tiges progressent<br />
seulement dans une année de quelques millimètres,<br />
il s’en trouve d’autres, par contre, comme le Pachycereus<br />
marginatus Britt. et Rose et le Lamaireocereus Hollianus<br />
Britt. et Rose qui, lorsqu’ils sont placés dans des conditions<br />
de végétation à leur convenance, peuvent dans un temps égal<br />
montrer des allongements de tiges d’un mètre 1 .<br />
A côté de ces exemp<strong>les</strong>, pris chez des spécimens adaptés<br />
à des conditions écologiques spécia<strong>les</strong> et qui souvent ne<br />
remplissent qu’un rôle secondaire dans l’oeuvre que la na-<br />
ture a dévolu à la famille des Cactacées, il y a toute une<br />
série de Cierges qui se montrent moins sensib<strong>les</strong> aux<br />
influences extérieures et dont le développement s’effectue<br />
avec une certaine régularité. Cette catégorie est représentée<br />
par <strong>les</strong> grandes espèces, tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que l’on désigne<br />
sous <strong>les</strong> dénominations vulgaires de Cardones et de Pitayos.<br />
Ces derniers, dans <strong>les</strong> semi-cultures dont ils sont souvent<br />
l’objet, montrent que l’élongation des tiges atteint annuel-<br />
lement et d’une façon à peu près constante, une moyenne<br />
voisine de dix centimètres. Cette constatation appliquée à<br />
des sujets pouvant normalement atteindre des statures de<br />
dix, quinze et parfois vingt mètres, permet de se faire une<br />
idée exacte sur la longévité de ces géants de la famille des<br />
Cactacées. En même temps, elle apporte une donnée sur<br />
l’existence plusieurs fois séculaire, de ces bosquets de Cierges<br />
de sécheresse agissent également dans un même sens ; sous leurs effets<br />
prolongés, <strong>les</strong> plantes grasses entrent en repos végétatif, el<strong>les</strong> se<br />
modifient par un travail interne et n’accusent plus pendant cette vie<br />
latente un accroissement sensible.<br />
1. Certains Cierges épiphytes ou grimpants montrent parfois des<br />
croissances encore plus rapides, comme cela a été signalé par Pépin<br />
sur un Heliocereus speciosus Britt. et Rose, cultivé en serre tempérée ;<br />
ce dernier dans la même année pouvait donner des rameaux dépassant<br />
deux mètres (L’horticulteur universel, V, p. 277, 1844).
chapitRe v 75<br />
qui constituent, dans la transformation des contrées <strong>du</strong><br />
Nouveau Continent, une étape bien marquée ainsi qu’une<br />
transition entre le néant <strong>du</strong> désert et <strong>les</strong> forêts couvrant<br />
aujourd’hui certaines zones torrides.<br />
Comme on le voit, le peuplement végétal des contrées dé-<br />
sertiques sous l’action des Cactacées demande, lorsque la<br />
nature est seule à opérer, un temps excessivement long et<br />
ce n’est souvent qu’après plusieurs sièc<strong>les</strong> que la transfor-<br />
mation des terrains devient suffisante pour que la forêt<br />
puisse y naître et s’y accroître.<br />
Il n’en est plus de même lorsque <strong>les</strong> soins méthodiques<br />
de l’indigène viennent seconder la nature ; l’effet avantageux<br />
de ces plantes que Bernardin de Saint-Pierre appelait avec<br />
juste raison « <strong>les</strong> fontaines et <strong>les</strong> citernes des zones tor-<br />
rides » 1 , s’accomplit alors avec régularité et l’on voit<br />
qu’avec le choix et l’entretien d’espèces appropriées au cli-<br />
mat et au sol, des milieux condamnés à la stérilité peuvent<br />
être amenés, en peu d’années, à devenir propres à l’agricul-<br />
ture. C’est ce que l’on constate parfois au voisinage de cer-<br />
tains villages mexicains, où des terrains vagues et impro-<br />
<strong>du</strong>ctifs sont, pendant un temps plus ou moins longs, aban-<br />
donnés intentionnellement à l’invasion et à la pullulation<br />
des espèces de Cactacées propres à la flore régionale.<br />
Un exemple de ce fait est fourni d’une façon encore plus<br />
démonstrative dans le sud de l’Italie, où depuis la natura-<br />
lisation <strong>du</strong> Figuier de Barbarie sur le domaine méditerranéen,<br />
<strong>les</strong> habitants ont su le mieux utiliser <strong>les</strong> avantages de<br />
ce Nopal et de ses variétés 2 . Là, grâce à la propagation intensive<br />
de cette unique espèce de Cactacée, on a réussi à créer<br />
sur <strong>les</strong> roches nues des coulées <strong>du</strong> Vésuve et de l’Etna, un<br />
sol capable de donner lieu à l’installation rémunératrice de<br />
riches et très prospères vignob<strong>les</strong>.<br />
1. Harmonies de la Nature, II, p. 130.<br />
2. Voir à ce sujet S.-B. vaRvaRo : Il fico d’India in Sicilia, dont une<br />
tra<strong>du</strong>ction française a été donnée dans le Bulletin agricole de l’Algérie<br />
et de la Tunisie de 1904, sous le titre : l’Opuntia en Sicile ; le Figuier de<br />
Barbarie ; et cuRmano : Fico d’India et suoi podatti ; in Annali di<br />
Agricoltura siciliana del prof. Inzenga, 1870.
CHAPITRE VI<br />
UTILITÉ DES CACTACÉES.<br />
Les Cactacées offrent de nombreuses et remarquab<strong>les</strong> res-<br />
sources dont <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> mexicaines ont su et<br />
savent encore tirer un profit des plus curieux. Aussi, envi-<br />
sagées à un point de vue purement économique, ces plantes<br />
peuvent-el<strong>les</strong> se répartir pour leur étude utilitaire en six<br />
groupes principaux.<br />
Suivant <strong>les</strong> espèces, <strong>les</strong> Cactacées peuvent fournir :<br />
1° des pro<strong>du</strong>its alimentaires ;<br />
2° des clôtures défensives et impénétrab<strong>les</strong> ;<br />
3° des graines pouvant tenir lieu de céréa<strong>les</strong> ;<br />
4° des fibres laineuses ;<br />
5° <strong>du</strong> bois de chauffage et de construction ;<br />
6° des fourrages permanents.<br />
La plus importante de ces utilités est incontestablement<br />
celle qui a pour objet l’alimentation ; cette dernière, comme<br />
<strong>du</strong> reste <strong>les</strong> autres, est donnée par un nombre important<br />
d’espèces appartenant presque exclusivement aux quatre<br />
groupes des Opuntiées, Céréées, Echinocactées et Mamilla-<br />
riées, dont <strong>les</strong> cultures, ainsi que <strong>les</strong> exploitations à l’état<br />
sauvage, peuvent être considérées comme une réelle richesse<br />
pour <strong>les</strong> territoires où ces plantes ont pu, grâce à des condi-<br />
tions écologiques favorab<strong>les</strong>, prendre une sérieuse extension.<br />
Aussi avant d’entreprendre l’examen des autres utilités des<br />
groupements mentionnés ci-dessus, l’étude des pro<strong>du</strong>ctions<br />
alimentaires sera-t-elle comprise dans quatre chapitres, ce<br />
qui permettra en même temps de joindre quelques rensei-<br />
gnements sommaires sur <strong>les</strong> caractères, <strong>les</strong> particularités,<br />
la morphologie, la biologie des espèces économiques appar-<br />
tenant aux genres <strong>les</strong> plus marquants de la famille des Cac-<br />
tacées.
CHAPITRE VII<br />
OPUNTIÉES<br />
Le genre Opuntia, adopté une première fois par Tournefort,<br />
a été définitivement admis dans la nomenclature<br />
botanique par Miller en 1737 (The gardeners’ dictionary).<br />
Avant la réforme linnéenne on voit ce nom figurer dans <strong>les</strong><br />
écrits d’auteurs d’histoire de plantes tels que K. Gesner<br />
(1541), Dalechamps (1586), Mattioli (1598), Hernandez<br />
(1615), Bauhin (1651), Ray (1686), Tournefort (1700), etc.;<br />
mais comme à ces époques de l’enfance de la botanique, <strong>les</strong><br />
Cactacées étaient à peine connues, ce nom n’avait pas le<br />
même caractère générique qu’il a aujourd’hui, il ne pouvait<br />
donc s’appliquer guère qu’à l’Opuntia Ficus-indica Mill. et<br />
à ses variétés qui, à la suite des premières expéditions<br />
espagno<strong>les</strong> en Amérique n’avaient pas tardé à devenir<br />
subspontané sur <strong>les</strong> terres arides des zones tempérées de<br />
l’Europe méridionale 1 .<br />
Les représentants des Opuntiées au Mexique se répar-<br />
tissent en quatre genres :<br />
1° Pereskiopsis Britt. et Rose ;<br />
2° Opuntia Mill. ;<br />
1. La dénomination d’Opuntia dérive <strong>du</strong> nom d’Opunce, ancienne<br />
cité de la Grèce et capitale des Locrides. Sur l’emplacement de cette<br />
antique ville végétait déjà spontanément et en abondance au xvi e siècle<br />
la curieuse plante que l’on désignait alors couramment sous <strong>les</strong> noms<br />
de Chardon ou Figuier d’Inde, et que <strong>les</strong> Grecs appelèrent Figuier des<br />
Francs. A ce propos, Bauhin, citant Gesner, fait remarquer l’incorrection<br />
de cette nouvelle spécification pour la plante importée d’Amérique en<br />
disant : « Gesner libere dicit ficum hune indicum aliquibus opuntiam in<br />
foliis cum penicillas. — Johan bauhin et J.-H. cheRleR : Historia plantarum<br />
universalis, 1651 ».
80 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
3° Grusonia Reichenb. ;<br />
4° Nopalea Salm-Dyck 1 .<br />
Les trois premiers n’offrent pas entre eux de caractères<br />
botaniques systématiques bien tranchés, néanmoins, ils se<br />
différencient nettement par leur morphologie générale et<br />
<strong>les</strong> particularités de leur biologie.<br />
NOPALEA<br />
Le quatrième genre comprend <strong>les</strong> sept espèces réunies<br />
dans le genre Nopalea 2 ; il est représenté typiquement par<br />
le Nopalea Karwinskiana Schum. (fig. 21).<br />
Cette espèce que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />
de Nopal de Flor ou encore de Nopallilo est assez répan<strong>du</strong>e<br />
dans la région intermédiaire située sur <strong>les</strong> plateaux à une<br />
altitude moyenne de quinze cents mètres où Platyopuntia<br />
et Cierges se mesurent à égalité d’action, mais elle ne paraît<br />
pas résider là sur son aire de prédilection, car elle n’y<br />
accuse, en général, qu’un développement moyen, tandis que<br />
dans la forêt sèche tropicale des plaines alluvionnaires<br />
baignées par l’Océan Pacifique où <strong>les</strong> Pachycereus exercent<br />
surtout leur suprématie (Pachycereus Pringlei et Pectenaboriginum),<br />
cette Opuntiée à artic<strong>les</strong> franchement aplatis<br />
acquiert une ampleur et une taille élevée, qui contraste fort<br />
avec <strong>les</strong> formes atrophiées et ré<strong>du</strong>ites que revêtent habi-<br />
tuellement <strong>les</strong> Platyopuntia normaux lorsqu’ils se trouvent<br />
à l’état sauvage sur leur extrême limite d’habitat.<br />
Les représentants <strong>du</strong> genre Nopalea n’offrent que de<br />
faib<strong>les</strong> avantages économiques, aussi ne figurent-ils ici qu’à<br />
1. On a créé encore trois autres genres d’Opuntiées. <strong>les</strong> Pterocactus<br />
Schum., Tacinga Britt. et Rose et Mahuenia Philippi, mais ces trois<br />
genres, étant uniquement particuliers à l’Amérique méridionale, ne<br />
sont seulement cités ici qu’à titre de mention.<br />
2. Les Nopalea se distinguent des autres groupes d’Opuntiées par<br />
des caractères botaniques assez bien accusés ; ainsi chez <strong>les</strong> trois<br />
autres genres la fleur présente une corolle étalée, des étamines et un<br />
style inclus, tandis que chez le Nopalea <strong>les</strong> divisions flora<strong>les</strong> sont<br />
dressées, <strong>les</strong> internes conniventes et <strong>les</strong> organes sexuels longuement<br />
exserts.
6<br />
Fig. 21. — Nopalea Karwinskiana Schum.<br />
Spécimen arborescent croissant dans la forêt sèche<br />
des environs de Puerto Angel (État de Oaxaca).
82 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
titre de simple mention ; leur principal intérêt réside dans<br />
la place qu’ils occupent dans le tableau philogénique de la<br />
famille des Cactacées où ils constituent, d’après ce que l’on<br />
admet, le plus haut stade dans l’évolution de la tribu des<br />
Opuntiées.<br />
Les fruits ne sont pas comestib<strong>les</strong>, <strong>du</strong> moins dans l’espèce<br />
type, mais l’abondante floraison de ces végétaux <strong>les</strong> rend<br />
assez décoratifs, ce qui fait que l’on y a recours dans la<br />
plantation des haies vives ; de plus, <strong>les</strong> aiguillons acérés et <strong>les</strong><br />
sétu<strong>les</strong> urticantes dont sont pourvus <strong>les</strong> jeunes rameaux<br />
permettent de constituer alors des clôtures suffisamment<br />
défensives et impénétrab<strong>les</strong>.<br />
Une seule espèce cependant, le Nopalea cochenillifera<br />
Salm-Dyck, qui n’est peut-être que la variété inerme <strong>du</strong><br />
N. Karwinskiana, fut — à défaut d’autres espèces plus<br />
appropriées — momentanément employé au Yucatan pour<br />
l’élevage de la cochenille, ce qui l’avait fait désigner par<br />
certains auteurs sous le nom de Nopal <strong>du</strong> Yucatan ou de<br />
Campèche.<br />
PERESKIOPSIS Britt. et Rose.<br />
Ce premier genre des Opuntiées a été créé en 1907 par<br />
Britton et Rose 1 mais, dès 1898, le D r Weber 2 avait fait le<br />
sous-genre Pereskopuntia afin d’identifier un groupe de<br />
Cactacées faisant la transition entre le genre Pereskia et <strong>les</strong><br />
Opuntia à tiges cylindriques.<br />
La particularité de ce genre est de présenter des carac-<br />
tères morphologiques et biologiques qui rappellent sur un<br />
même sujet <strong>les</strong> deux genres auxquels elle sert d’inter-<br />
médiaire, c’est ce qui explique pourquoi <strong>les</strong> auteurs qui<br />
décrivirent <strong>les</strong> premières espèces, n’ayant pu examiner suf-<br />
fisamment leurs caractères systématiques, <strong>les</strong> ont placées<br />
1. bRitton et Rose. — Pereskiopsis a new genus of Cactaceæ<br />
(Smithsonian Miscellaneous Collection [Quaterly Issue] vol. 50, p. 331,<br />
1907).<br />
2. webeR . — Les Pereskia et <strong>les</strong> Opuntia pereskoïdes <strong>du</strong> Mexique<br />
(Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire naturelle, IV, p. 162, 1898).
Fig. 22. — Pereskiopsis Pititache Britt. et Rose.<br />
Spécimen dépourvu de sa frondaison.<br />
Forêt sèche de la partie côtière et occidentale<br />
de l’Isthme de Tehuantepec (État de Oaxaca).
Fig. 23. — Pereskiopsis rotundifolia Britt. et Rose<br />
enchevêtrant ses rameaux sur un arbre.<br />
Plaines alluvia<strong>les</strong> des environs de La Paz (Basse-Californie).
chapitRe vii 85<br />
dans le genre Pereskia 1 . Comme mode de végétation, <strong>les</strong><br />
Pereskiopsis se rapprochent des Pereskia, comme eux ils<br />
sont généralement sylvico<strong>les</strong> et croissent parmi <strong>les</strong> fourrés<br />
de broussail<strong>les</strong> ou parmi <strong>les</strong> moyennes futaies des sous-<br />
bois de la forêt sèche tropicale, habitat dans lequel ils ne<br />
paraissent jouer vis-à-vis de la végétation arborescente qui<br />
<strong>les</strong> environne qu’un rôle assez effacé, rappelant tout au plus<br />
comme analogie celui des Cylindropuntia dans leur association<br />
avec la flore chétive des savanes.<br />
Leur allure est soit franchement arborescente (Pereskiopsis<br />
Pititache Britt. et Rose) (fig. 22), soit buissonnante<br />
(Pereskiopsis rotundifolia Britt. et Rose) (fig. 23). Les Pereskiopsis<br />
sont des végétaux très peu charnus lorsqu’ils sont<br />
a<strong>du</strong>ltes, leurs rameaux sont pourvus de limbes foliées qui<br />
subissent, à la saison sèche, une chute de feuil<strong>les</strong> plus ou<br />
moins complète suivant <strong>les</strong> espèces et suivant <strong>les</strong> conditions<br />
de milieu.<br />
Ces caractères purement morphologiques et biologiques<br />
<strong>les</strong> rapprochent des Pereskia tandis qu’au contraire ceux<br />
fournis par la floraison, la fructification, <strong>les</strong> graines et <strong>les</strong><br />
aiguillons <strong>les</strong> rapprochent des Opuntia 2 ; de plus, leur mode<br />
de multiplication naturelle qui s’effectue très souvent par<br />
bouturage accidentel à la suite de rameaux tombés sur le<br />
sol, est celui des Cylindropuntia.<br />
1. Pereskia rotundifolia DC., P. opuntiæfolia DC., de candolle :<br />
Prodomus, III, p. 473, 1828 ; P. spathulata Otto, P. Pititache Karw.,<br />
pFeiFFeR : Enum. diag. Cact. 1887.<br />
2. Les fleurs possèdent encore certains côtés qui peuvent <strong>les</strong> faire<br />
confondre avec cel<strong>les</strong> des Pereskia, mais <strong>les</strong> fruits sont ceux d’un<br />
Opuntia ; <strong>les</strong> graines sont blanchâtres, <strong>du</strong>res, osseuses et marginées,<br />
tandis que chez <strong>les</strong> Pereskia, el<strong>les</strong> ressemblent comme constitution<br />
à cel<strong>les</strong> des autres Cactacées, c’est-à-dire qu’el<strong>les</strong> sont noires ou<br />
de couleur foncée, non marginées et avec un test mince et fragile.<br />
Quant à ce qui est des aiguillons, <strong>les</strong> Pereskiopsis pro<strong>du</strong>isent en grande<br />
abondance de ces sétu<strong>les</strong> urticantes (Ahuates) qui, dans la famille,<br />
sont le propre <strong>du</strong> genre Opuntia et qui, chose méritant d’être prise en<br />
considération, se rencontrent en surabondance chez certains Pereskiopsis<br />
et Nopalea, c’est-à-dire sur <strong>les</strong> termes extrêmes entre <strong>les</strong>quels<br />
sont compris <strong>les</strong> Opuntia <strong>les</strong> mieux caractérisés.
Fig. 24. — Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose.<br />
Jeune spécimen cultivé à proximité d’une habitation indigène.<br />
Environs de Guadalajara (État de Jalisco).
Fig. 25. — Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose.<br />
Spécimen très a<strong>du</strong>lte, cultivé dans un jardin<br />
situé sur <strong>les</strong> rives <strong>du</strong> lac de Chapala (État de Jalisco).
88 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Le genre Pereskiopsis compte actuellement onze espèces<br />
décrites.<br />
A part le Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose, aucune de<br />
ces espèces ne fournit, à proprement parler, de pro<strong>du</strong>its<br />
alimentaires. Vu l’abondance des aiguillons extrêmement<br />
vulnérants dont sont pourvus <strong>les</strong> représentants de cette<br />
forme primitive d’Opuntiées, on <strong>les</strong> plante, assez fréquem-<br />
ment dans certaines localités, parmi <strong>les</strong> arbustes servant à<br />
faire <strong>les</strong> clôtures afin de rendre ces dernières efficacement<br />
défensives.<br />
Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose. — Comme distribution<br />
géographique, cette espèce n’a jusqu’ici été signalée que dans<br />
l’État de Jalisco et le Territoire de Tepic, où suivant <strong>les</strong><br />
localités, on la désigne vernaculairement sous <strong>les</strong> différents<br />
noms de Tuna de agua, Tasajillo, Alfilerillo, Chirioncillo.<br />
Cette espèce a été confon<strong>du</strong>e avec le P. spathulata Britt.<br />
et Rose qui se rencontre dans la même région et que <strong>les</strong><br />
indigènes nomment Patilon (fig. 27).<br />
On rencontre ce Pereskiopsis à l’état sauvage dans <strong>les</strong><br />
endroits boisés plus ou moins arides ; il est l’objet d’une cer-<br />
taine culture dans nombre de villages indigènes où il figure<br />
parmi <strong>les</strong> arbres fruitiers que l’on entretient dans <strong>les</strong> jardins<br />
et <strong>les</strong> clôtures de propriétés.<br />
Il affecte un port des plus variab<strong>les</strong> pendant le cours de<br />
son développement ; au début et pendant parfois un temps<br />
très long, il se cantonne dans différentes allures buisson-<br />
nantes en se ramifiant presque toujours à sa base (fig. 24)<br />
et ce n’est que lorsque l’une de ses tiges a pu se lignifier,<br />
souvent au détriment des autres, qu’il commence à acquérir<br />
la forme arborescente l’amenant à donner un arbre d’une<br />
élévation normale de cinq à six mètres (fig. 25).<br />
Lorsque cet arbre croît isolément, il affecte une allure<br />
des plus étranges et des plus désordonnées, qui est surtout<br />
<strong>du</strong>e au dispositif singulier de sa ramification diffuse, con-<br />
sistant en longues branches très étalées, naissant d’un tronc<br />
dressé et offrant sur leur trajet de capricieuses bifurcations.<br />
Cette Cactacée est très influencée par <strong>les</strong> conditions de
Fig. 26. — Fruits et rameaux dépourvus de frondaison<br />
d’un spécimen sauvage de Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose,<br />
croissant en terrain aride.<br />
Environs de Guadalajara (État de Jalisco).
Fig. 27. — Pereskiopsis spathulata Britt. et Rose.<br />
Nom vulgaire : Patilon.<br />
Environs <strong>du</strong> lac de Zacoalco (État de Jalisco).
chapitRe vii 91<br />
milieu ; dans <strong>les</strong> terrains arides elle donne des rameaux<br />
grê<strong>les</strong> et ses fruits n’arrivent que difficilement à maturité,<br />
ces derniers s’allongent ou donnent des proliférations qui<br />
se transforment en tiges (fig. 26), <strong>les</strong> fruits avortés en tombant<br />
sur le sol peuvent, comme chez beaucoup de Cylindropuntia,<br />
donner lieu à un bouturage naturel. A l’état cultivé<br />
et sur un terrain suffisamment riche, elle possède une frondaison<br />
assez fournie disposée le long des rameaux ou à leur<br />
extrémité qu’elle termine par un bouquet feuillé ; le limbe<br />
est assez charnu, de forme elliptique plus ou moins spatulée,<br />
pouvant atteindre une dizaine de centimètres dans sa plus<br />
grande dimension (fig. 28).<br />
Les fleurs sont étalées en rosace, et de couleur jaune d’or,<br />
el<strong>les</strong> sont plutôt nocturnes que diurnes, car bien épanouies<br />
à l’aurore ou en lumière diffuse, on <strong>les</strong> voit souvent se fermer<br />
brusquement lorsque la lumière solaire devient trop intense.<br />
Ces fleurs paraissent devoir prendre toujours naissance à<br />
l’extrémité d’un rameau ce qui explique qu’el<strong>les</strong> peuvent<br />
parfois paraître pédonculées (fig. 29) ; cette anomalie apparente<br />
s’explique d’ailleurs facilement en considérant que<br />
fleurs et rameaux peuvent se développer simultanément et<br />
que dans ce cas le rameau commence à s’allonger en une<br />
tige très grêle pour ne prendre <strong>du</strong> corps que lorsque le fruit<br />
se constituera, particularité biologique qu’il est bon de<br />
signaler car on la trouve chez certaine forme de Cylindropuntia<br />
de région limitée (Opuntia arbuscula Engelm.),<br />
comme on le verra plus loin.<br />
Les fruits sont piriformes et souvent très allongés, leur<br />
couleur est d’un vert clair tirant sur le jaune, ils sont tantôt<br />
solitaires, tantôt groupés en bouquets de plusieurs exemplaires.<br />
Très fréquemment, comme dans la forme précédente<br />
des terrains secs, ces fruits donnent lieu à des proliférations<br />
de feuil<strong>les</strong>, de fleurs et de fruits qui peuvent<br />
ultérieurement se transformer en tiges comme le montrent,<br />
dans toutes ses variations, <strong>les</strong> figures 26 et 28.<br />
La fructification <strong>du</strong> Pereskiopsis aquosa commence vers<br />
la fin de décembre, c’est-à-dire à une époque où la
Fig. 28. — Fruits et rameaux foliés<br />
d’un spécimen cultivé de Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose.<br />
Environs de Guadalajara (État de Jalisco).
chapitRe vii 93<br />
pro<strong>du</strong>ction fruitière des autres Cactacées est complètement<br />
terminée et que leur vente a disparu des marchés. C’est<br />
Fig. 29. — Fleurs de Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose,<br />
récoltées sur un plant de culture.<br />
Environs de Guadalajara (État de Jalisco).<br />
donc un fruit d’arrière-saison qui vient combler une lacune<br />
en présentant un avantage appréciable pour <strong>les</strong> indigènes<br />
ayant coutume de donner, dans leur alimentation, une large
94 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
part aux fruits de Cactacées. Ces fruits, de saveur aigrelette<br />
et parfumée lorsqu’ils sont à l’état de complète maturité,<br />
s’emploient à l’état frais ; ils servent alors à préparer des<br />
boissons rafraîchissantes très appréciées dans le pays de<br />
pro<strong>du</strong>ction, c’est ce qui leur a valu le nom de Tuna de agua 1 .<br />
On <strong>les</strong> consomme encore cuits à l’eau comme légume, à<br />
la façon des artic<strong>les</strong> tendres de certains Platyopuntia, ou<br />
encore en compote avec <strong>du</strong> sucre ou <strong>du</strong> miel ; on <strong>les</strong> prépare<br />
également en conserve et pour cette dernière préparation<br />
on <strong>les</strong> soumet préalablement à une légère cuisson sous la<br />
cendre, puis ensuite, après <strong>les</strong> avoir coupés en fragments,<br />
on <strong>les</strong> fait confire dans un sirop de sucre ; l’usage de ce<br />
fruit, comme légume, a pour but d’utiliser <strong>les</strong> fructifications<br />
qui, n’ayant pas été fécondées, s’allongeraient et se transfor-<br />
meraient inutilement en tiges.<br />
OPUNTIA Mill.<br />
§ Cylindropuntia Engelm.<br />
Le sous-genre Cylindropuntia a été établi par Engelmann<br />
en même temps que celui des Platyopuntia 2 afin de différencier<br />
<strong>les</strong> deux formes typiques d’Opuntia 3 .<br />
La caractéristique de ce sous-genre est de présenter des<br />
1. Quant aux autres dénominations vernaculaires qui sont des<br />
diminutifs de termes espagnols, el<strong>les</strong> ont trait, vraisemblablement,<br />
aux singularités de la plante : Tasajillo, de Tasago (viande sèche)<br />
s’applique en général aux Cylindropuntia dont, pour certaines espèces,<br />
on conserve <strong>les</strong> fruits en <strong>les</strong> séchant au soleil ; Alfilerillo, de Alfiler<br />
(épingle) à cause des aiguillons blancs et très acérés dont est pourvue<br />
la plante, en outre de ses abondantes sétu<strong>les</strong> urticantes ; Chirioncillo,<br />
de Chirion, expression populaire qui, dans la plupart de ses diverses<br />
acceptions, implique l’idée d’une chose désordonnée, allusion probable<br />
à l’allure générale assez extravagante de cette Cactacée.<br />
2. geoRge engelmann. — Synopsis of the Cactaceæ of the territory<br />
of the United States and adjacent regions (Proceedings of the American<br />
Academy of arts and sciences, III, p. 289, 1856).<br />
3. Le troisième sous-genre : Tephrocactus, ne comprend que des<br />
espèces de l’Amérique <strong>du</strong> Sud.
chapitRe vii 95<br />
rameaux aux contours plus ou moins arrondis constitués<br />
par la réunion d’artic<strong>les</strong> soudés <strong>les</strong> uns aux autres de façon<br />
Fig. 30. — Opuntia (§ Cylindropuntia) Cholla Web.<br />
Basse-Californie.<br />
à former des tiges plus ou moins étranglées avec artic<strong>les</strong><br />
noueux ou renflés (O. Cholla Web.) (fig. 30).
96 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les Cylindropuntia prennent, suivant <strong>les</strong> espèces, une<br />
allure frutescente ou cespiteuse ; dans le premier cas ce<br />
sont toujours des arbrisseaux de faible dimension dont la<br />
hauteur, chez <strong>les</strong> spécimens <strong>les</strong> plus a<strong>du</strong>ltes, peut parfois<br />
atteindre deux mètres (O. imbricata DC.) (fig. 31), mais qui,<br />
normalement, chez la plupart des espèces, n’excède guère<br />
un mètre (O. Cholla Web.) (fig. 30).<br />
L’axe est en général, chez <strong>les</strong> espèces frutescentes, formé<br />
par un tronc qui se lignifie fortement avec l’âge et d’où<br />
partent <strong>les</strong> divisions donnant naissance à leur extrémité à<br />
de nombreux artic<strong>les</strong> charnus, très épineux, se détachant<br />
brusquement sous le moindre effort.<br />
Dans le second cas, ce sont des touffes à tiges grê<strong>les</strong><br />
érigées formant buisson (O. leptocaulis DC.) (fig. 5) ou<br />
épaisses et gazonnantes (O. tunicata Link et Otto) (fig. 32)<br />
ou couchées et presque rampantes (O. invicta Brandegee).<br />
Au point de vue morphologique et biologique, <strong>les</strong> formes<br />
basses et gazonnantes rappellent assez <strong>les</strong> Echinocereus,<br />
comme eux, el<strong>les</strong> paraissent jouer un rôle analogue dans le<br />
début de la conquête des sites désertiques, mais alors, au<br />
lieu d’exercer leur influence sur <strong>les</strong> régions froides des<br />
crêtes montagneuses et des hauts plateaux, c’est plus parti-<br />
culièrement dans <strong>les</strong> situations plus chaudes de moyenne<br />
et de basse altitude qu’on <strong>les</strong> rencontre en abondance.<br />
Au point de vue alimentaire, <strong>les</strong> Cylindropuntia ne présentent<br />
qu’un intérêt tout à fait relatif ; leurs fruits, chez<br />
beaucoup d’espèces, sont comestib<strong>les</strong> et possèdent souvent<br />
une saveur aigrelette quelque peu parfumée qui permet de<br />
<strong>les</strong> employer comme succédanés de la Tuna de agua, c’està-dire<br />
pour la préparation des boissons rafraîchissantes ou<br />
de conserves sucrées, mais comme l’époque de leur maturité<br />
coïncide avec celle des autres Cactacées de pro<strong>du</strong>ction frui-<br />
tière plus appréciée, il en résulte qu’on n’a guère recours à<br />
ces fruits que lorsque la récolte des espèces plus recherchées<br />
se montre déficitaire ou insuffisante.<br />
Néanmoins, la prodigieuse abondance de fructification<br />
chez certains Cylindropuntia donne à ces plantes, éminem-
7<br />
chapitRe vii 97<br />
ment désertico<strong>les</strong>, une valeur qui n’est pas négligeable dans<br />
<strong>les</strong> pays dépourvus de communications et désolés par de<br />
Fig. 31. — Opuntia (§ Cylindropuntia) imbricata DC.<br />
Plateaux désertiques de l’État de San Luis Potosi.<br />
longues sécheresses, soit que <strong>les</strong> indigènes aient recours aux<br />
fruits pour leur usage personnel en temps de disette, soit
98 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
qu’ils <strong>les</strong> emploient pour maintenir le bétail pendant <strong>les</strong><br />
périodes de pénurie fourragère.<br />
Le bois des tiges suffisamment lignifiées constitue un<br />
excellent combustible qui a également son intérêt dans <strong>les</strong><br />
localités où <strong>les</strong> éléments de chauffage se montrent rares.<br />
Si <strong>les</strong> avantages que <strong>les</strong> Cylindropuntia peuvent fournir<br />
dans l’économie domestique sont d’ordre secondaire, il n’en<br />
est plus de même lorsqu’on envisage ces Cactacées dans<br />
le rôle qu’el<strong>les</strong> sont appelées à remplir dans la nature livrée<br />
à elle-même.<br />
Là, ces végétaux foisonnants se montrent comme <strong>les</strong> fac-<br />
teurs <strong>les</strong> plus énergiques et <strong>les</strong> plus décisifs de la famille<br />
des Cactacées dans la fertilisation et la transformation des<br />
terrains stéri<strong>les</strong>. Avec <strong>les</strong> formes presque cespiteuses, ils<br />
peuvent procéder au premier aménagement <strong>du</strong> sol en se<br />
comportant comme <strong>les</strong> Mamillaria, <strong>les</strong> Echinocereus et<br />
autres formes naines et gazonnantes de Cactacées. Avec <strong>les</strong><br />
formes frutescentes, leur action se complète par l’amélio-<br />
ration des conditions écologiques dans <strong>les</strong> couches atmo-<br />
sphériques avoisinant le sol.<br />
Lorsque cette végétation xérophile un peu élevée a pu<br />
s’établir en massif sur une certaine superficie, elle maintient<br />
et stabilise au ras <strong>du</strong> sol un certain état hygrométrique,<br />
en même temps qu’elle fournit, contre <strong>les</strong> sécheresses pro-<br />
longées et <strong>les</strong> ardeurs solaires, un abri permanent, suffisant<br />
pour permettre aux plantes vivaces et arborescentes de<br />
végéter sans trop de difficultés pendant la période délicate<br />
de leur première croissance.<br />
Ces conditions avantageuses créées par <strong>les</strong> Cylindropuntia<br />
pourront alors persister et se maintenir tant que le déve-<br />
loppement de la végétation de haute futaie ne sera pas venu<br />
modifier le milieu convenable à ces végétaux doués d’une<br />
singulière adaptation aux exigences des régions <strong>les</strong> plus<br />
sèches.<br />
Les Cylindropuntia possèdent une remarquable supériorité<br />
dans leurs moyens de multiplication et d’envahis-<br />
sement et ceux-ci, comme nous le montre la nature, ont
Fig. 32. — Opuntia (§ Cylindropuntia) tunicata Link et Otto.<br />
Plateaux désertiques de l’État, de San Luis Potosi.
100 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
plutôt lieu par l’effet d’un bouturage que d’un ensemencement.<br />
La fructification chez la plupart des espèces composant<br />
ce groupe d’Opuntiées est d’une extraordinaire profusion,<br />
mais dans leur majorité <strong>les</strong> fruits sont stéri<strong>les</strong> et après<br />
avoir accompli leur presque développement on <strong>les</strong> voit<br />
fréquemment lorsqu’ils ne tombent pas, se transformer en<br />
tiges, soit en s’allongeant, soit en donnant lieu à une prolifération<br />
de fleurs et de fruits.<br />
Chez <strong>les</strong> fruits fécondés, <strong>les</strong> graines sont habituellement<br />
très peu nombreuses, leur faible quantité ne peut alors<br />
répondre à ce but de propagation et d’envahissement pour<br />
lequel la nature semble bien <strong>les</strong> avoir spécialement destinés,<br />
c’est donc bien — comme il est facile de le constater dans<br />
<strong>les</strong> régions désertiques — par un bouturage naturel, que<br />
la repro<strong>du</strong>ction de l’espèce peut s’effectuer Je plus souvent<br />
et le plus sûrement. Aussi voit-on <strong>les</strong> artic<strong>les</strong>, disposés en<br />
grappes à l’extrémité des tiges, se rompre aisément de leur<br />
point d’attache, soit sous l’effet d’un simple choc, soit même<br />
seulement sous leur propre poids lorsque leur accroissement<br />
<strong>les</strong> rend trop pesants. Ces parties disjointes peuvent<br />
être transportées à grande distance, au moment de ces violents<br />
orages qui, de temps en temps, bouleversent subitement<br />
<strong>les</strong> surfaces des régions désertiques et alors la<br />
dissémination s’accomplit par l’entraînement des eaux et<br />
<strong>les</strong> tourbillons aériens. Une fois tombés sur le sol, ces<br />
fragments de tiges possédant en el<strong>les</strong> tous <strong>les</strong> éléments de<br />
végétation, ne tardent pas à se fixer en émettant des racines<br />
adventives.<br />
Une espèce particulière aux plaines <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique<br />
et <strong>du</strong> sud des États-Unis montre d’une façon très nette<br />
cette curieuse et remarquable adaptation au mode de multiplication<br />
par bouturage spontané : c’est l’O. arbuscula<br />
Engelm. dont l’abondance des fruits fait souvent rompre<br />
<strong>les</strong> tiges qui <strong>les</strong> portent ; <strong>les</strong> fruits non fécondés de cette<br />
dernière espèce, même lorsqu’ils sont séparés de leur attache,<br />
s’allongent comme ceux <strong>du</strong> Pereskiopsis aquosa Britt. et
chapitRe vii 101<br />
Rose et ce n’est que lorsqu’ils ont atteint un certain déve-<br />
loppement en longueur qu’ils entrent en végétation régulière.<br />
La plus grande partie des Cylindropuntia sont particuliers<br />
à l’Amérique septentrionale ; dans la végétation<br />
xérophile de l’Amérique <strong>du</strong> Sud ce sont surtout aux Tephrocactus<br />
que paraissent incomber <strong>les</strong> mêmes fonctions dans<br />
le processus de conquête végétale des déserts.<br />
Comme on l’a vu au chapitre de la terminologie, <strong>les</strong><br />
Cylindropuntia sont, suivant <strong>les</strong> localités, désignés sous <strong>les</strong><br />
différents noms de Alcaes, Alcaejal, Alfilerillo, Cholla, Clavellina,<br />
Tasajo, Tasajillo, Tenchalote 1 , etc.<br />
Les Nahuatls comprenaient en général ces Cactacées<br />
frutescentes sous le terme de Zacanochtli expression que<br />
l’on peut tra<strong>du</strong>ire par Cactacée d’herbage ou de savane<br />
(Zacatl = herbe, foin), expression faisant allusion à l’habitat<br />
de la plante et aussi très probablement à sa biologie.<br />
§ Platyopuntia Engelm.<br />
Le deuxième sous-genre des Opuntia est représenté par<br />
<strong>les</strong> Platyopuntia que <strong>les</strong> anciens Mexicains désignaient plus<br />
particulièrement sous l’appellation collective de Nopalli,<br />
dénomination qui fut, dans la suite, castillanisée comme on<br />
l’a vu au Chapitre de la taxonomie, en celle, couramment<br />
usitée aujourd’hui, de Nopal.<br />
Ce sous-genre se distingue nettement à première vue des<br />
autres genres, abstraction faite des Nopalea, par l’aspect<br />
très particulier de ses tiges consistant en rameaux plus ou<br />
moins circulaires, articulés et comprimés de façon à pré-<br />
senter deux surfaces parallè<strong>les</strong>, ce qui, au début de leur<br />
apparition en Europe, leur fit donner par <strong>les</strong> Espagnols <strong>les</strong><br />
noms bien significatifs de Arbol de las palas, de solda<strong>du</strong>ras,<br />
de quebra<strong>du</strong>ras 2 .<br />
1. Tenchalote est une castillanisation dérivant de Tenchalli ou<br />
Tenzonlli, signifiant lèvre, bord, bor<strong>du</strong>re.<br />
2. miguel colmeiRo. — Primeras noticias acerca de la vegetacion<br />
americana, suministradas por el Almitante Colon, (Ateneo de Madrid,
102 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les Platyopuntia présentent un intérêt curieux au point<br />
de vue de l’histoire de la famille des Cactacées. C’est à eux<br />
et particulièrement à l’espèce O. Ficus-indica Mill., qui<br />
s’était si extraordinairement propagée sur toutes <strong>les</strong> terres<br />
arides <strong>du</strong> midi de l’Europe où il revêtit très rapidement<br />
toutes <strong>les</strong> apparences d’un végétal endémique, que l’on<br />
appliqua le nom de Cactus ou encore de Cactier.<br />
Le terme de Cactus provient <strong>du</strong> mot grec kaktos donné<br />
par Théophraste à une plante alimentaire épineuse croissant<br />
en abondance en Sicile, plante que certains précurseurs de<br />
la botanique à l’époque de la Renaissance crurent bon, par<br />
une interprétation erronée <strong>du</strong> texte <strong>du</strong> philosophe athénien,<br />
d’identifier avec le Nopal dont ils ignoraient l’origine 1 .<br />
Le terme de Cactus, qui servit à Linné pour grouper <strong>les</strong> premiers<br />
spécimens de ces plantes aberrantes, fut employé par<br />
Adrien de Jussieu en 1770 pour dénommer la famille des<br />
Cactacées. Il désigne maintenant une vingtaine d’espèces<br />
rangées autrefois dans <strong>les</strong> Melocactus et entre dans la composition<br />
d’autres mots de la terminologie générique tels que :<br />
Echinocactus, Phyllocactus, Tephrocactus, Cleistocactus, etc.<br />
Les Platyopuntia, comme on l’a vu plus haut au sujet des<br />
Cylindropuntia, sont la forme la mieux organisée pour l’accomplissement<br />
<strong>du</strong> rôle qui leur incombe dans la nature des<br />
hauts plateaux mexicains.<br />
Ils s’offrent alors, sur ces territoires d’élection, sous <strong>les</strong><br />
aspects variés de plantes tantôt rampantes, tantôt érigées ;<br />
p. 31, 1892). Arbol de las palas désigne bien <strong>les</strong> tiges disposées en<br />
raquettes, quant à celui d’Arbol de las solda<strong>du</strong>ras et quebra<strong>du</strong>ras,<br />
quoique pouvant s’appliquer à la conformation des rameaux, il<br />
proviendrait, d’après certains auteurs, de ce que la pulpe des artic<strong>les</strong><br />
ré<strong>du</strong>ite en bouillie servait dans le pansement et la ré<strong>du</strong>ction des<br />
fractures des membres.<br />
1. D’après gesneR (Historia plantarum, 1541) la plante alimentaire<br />
épineuse dont parle théophRaste (Liv. VI, Chap. 4) serait l’Artichaut<br />
(Cynara Scolymus L.). Ce serait plus vraisemblablement, d’après<br />
certains auteurs, le Cardon (Cynara Car<strong>du</strong>nculus L.) ou encore une<br />
forme sauvage d’où pourrait dériver l’une et l’autre de ces espèces<br />
cultivées.
chapitRe vii 103<br />
dans ce dernier cas, ils revêtent des allures d’épais buissons<br />
ou même de futaies franchement arborescentes.<br />
Cette conformation des Platyopuntia, qui varie depuis la<br />
plante basse rampant sur le sol jusqu’à celle pouvant<br />
atteindre <strong>les</strong> proportions d’une assez haute futaie, corres-<br />
pond, comme la nature nous le montre clairement sur <strong>les</strong><br />
terrains d’action, à des attributions spécialisées dans la<br />
régénération vitale des régions stéri<strong>les</strong>.<br />
Dans la première forme que <strong>les</strong> indigènes désignent sous<br />
la rubrique de Tunas rastreras ou Nopa<strong>les</strong> rastreros, la<br />
plante se caractérise par des liges couchées et traçantes sur<br />
<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> s’implantent verticalement des artic<strong>les</strong> aplatis qui<br />
se ramifient rarement en hauteur (fig. 33).<br />
Cette catégorie de Nopa<strong>les</strong> comprend un certain nombre<br />
d’espèces ou de variétés dont le type le plus commun est<br />
l’O. Rastrera Web. des llanos de l’État de San Luis Potosi.<br />
Ne donnant pour ainsi dire pas de pro<strong>du</strong>its économiques<br />
utilisab<strong>les</strong>, <strong>les</strong> fruits en général étant petits et peu comes-<br />
tib<strong>les</strong>, il en résulte que l’action principale de cette forme plus<br />
ou moins gazonnante se porte surtout sur <strong>les</strong> attributions<br />
auxquel<strong>les</strong> répondent dans la nature la majorité des espèces<br />
naines de Cactacées.<br />
Aussi voit-on <strong>les</strong> Nopa<strong>les</strong> rastreros affecter de préférence<br />
comme habitat <strong>les</strong> sols légers et meub<strong>les</strong>, aussi bien des<br />
hauts plateaux que des plaines basses alluvionnaires lon-<br />
geant <strong>les</strong> grèves de l’Océan.<br />
Avec <strong>les</strong> formes frutescentes et arborescentes, qui cons-<br />
tituent l’essence la plus robuste et la plus xérophile des<br />
bosquets des hauts plateaux, on se trouve en présence <strong>du</strong><br />
fait accompli de la conquête et de la prise de possession <strong>du</strong><br />
sol, étape pendant laquelle la végétation normale peut alors<br />
s’établir et s’associer dans l’oeuvre commune d’où pourra<br />
dans la suite résulter l’établissement spontané et définitif<br />
de la véritable forêt.<br />
Il est difficile d’établir une ligne de transition bien<br />
marquée entre <strong>les</strong> deux formes érigées, car <strong>les</strong> formes<br />
arbustives de Platyopuntia ont toujours une tendance à
Fig. 33. — Opuntia Rastrera Web. (nom vulgaire : Nopal rastrero)<br />
parmi la broussaille, à la lisière d’une forêt.<br />
Puerto Angel (État de Oaxaca).
chapitRe vii 105<br />
abandonner avec l’âge l’allure buissonnante pour se cons-<br />
tituer un tronc parfois unique au sommet <strong>du</strong>quel viendront<br />
se diviser <strong>les</strong> premières ramifications 1 .<br />
Dans la conformation arbustive, l’axe central, à son départ<br />
<strong>du</strong> sol, au lieu de s’étendre horizontalement comme chez <strong>les</strong><br />
Nopa<strong>les</strong> rastreros, s’élève progressivement en donnant lieu<br />
à une abondante ramification d’artic<strong>les</strong>, qui s’implantant<br />
<strong>les</strong> uns sur <strong>les</strong> autres dans n’importe quelle direction,<br />
arrivent à figurer des buissons dont le dispositif est souvent<br />
le plus capricieusement désordonné.<br />
Cette allure constitue en majeure partie <strong>les</strong> buissonne-<br />
ments et <strong>les</strong> fourrés des bosquets désertico<strong>les</strong> des hautes<br />
altitudes, elle est surtout représentée par <strong>les</strong> formes bien<br />
typiques de l’O. Ficus-indica Mill. et de l’O. Tuna Mill.,<br />
types assez bien caractérisés morphologiquement, auxquels<br />
correspondent <strong>les</strong> nombreuses variétés ou espèces affines,<br />
que l’on désigne vulgairement dans le pays sous <strong>les</strong> déno-<br />
minations vagues de Nopa<strong>les</strong> monteses ou cimarones et qui,<br />
considérées en tant qu’espèces distinctes, furent décrites :<br />
dans la première catégorie sous <strong>les</strong> noms d’O. maxima Mill.,<br />
lanceolata Haw., Tapona Engelm., Amyclæa Ten., etc., et<br />
dans la seconde sous ceux d’O. Tuna Mill., Dillenii Haw.,<br />
Engelmannii Salm-Dyck, etc.<br />
La forme arborescente se caractérise par un tronc souvent<br />
bien dressé et cylindrique, d’où partent à une certaine hau-<br />
teur des ramifications en artic<strong>les</strong>, de façon à prendre l’aspect<br />
d’un arbre présentant une cime plus ou moins étalée en<br />
forme de parasol. Cette allure arborescente dont l’O. Xoconostle<br />
Web., montre le type le plus parfait (fig. 34) est celle<br />
à laquelle appartient l’O. Cardona Web., qui, comme on l’a<br />
1. Le milieu joue un rôle notable dans <strong>les</strong> modifications que peut<br />
subir l’allure des Platyopuntia, ainsi qu’il est facile de l’observer sur<br />
<strong>les</strong> représentants des formes buissonnantes, lorsque le hasard <strong>les</strong> a<br />
fait végéter parmi la haute futaie ou dans quelque endroit ombragé.<br />
Dans ces conditions de végétation, la plante a une tendance à s’élever<br />
pour gagner <strong>les</strong> situations où la lumière est plus intense ; elle constitue<br />
alors un fut souvent unique et plus ou moins irrégulier à l’extrémité<br />
<strong>du</strong>quel surgissent seulement des bouquets d’artic<strong>les</strong>.
106 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
vu dans un chapitre précédent, joue un rôle prépondérant<br />
sur le territoire privilégié des Cactacées à tige comprimée et<br />
que <strong>les</strong> Nahuatls dans leur taximonie botanique plaçaient<br />
parmi <strong>les</strong> Quahunochtli 1 .<br />
Les artic<strong>les</strong> des Platyopuntia présentent des particularités<br />
assez accusées ; quoique parfois ils affectent un contour cir-<br />
culaire, ils sont dans la majorité des cas franchement<br />
elliptiques, en décrivant alors une courbe plus ou moins<br />
régulière et plus ou moins allongée, dans cette dernière<br />
disposition, le diamètre transversal peut être plus grand<br />
au centre, à l’extrémité ou à la hase ; cette dernière confor-<br />
mation n’a jusqu’ici été bien constatée que sur l’O. linguiformis<br />
Griff. 2 . Les faces parallè<strong>les</strong> des artic<strong>les</strong> varient également<br />
; tantôt el<strong>les</strong> sont parfaitement planes, tantôt plus<br />
ou moins bombées, tantôt enfin el<strong>les</strong> affectent une tendance<br />
bien marquée à l’incurvation de façon à donner des artic<strong>les</strong><br />
convexo-concaves.<br />
La fleur, très homogène chez toutes <strong>les</strong> espèces de Platyopuntia,<br />
ne fournit guère de caractères distinctifs pour la<br />
spécification que par sa coloration, qui varie alors <strong>du</strong> jaune<br />
au rose plus ou moins atténué.<br />
Il en est à peu près de même avec le fruit qui peut, d’après<br />
sa conformation, se diviser en deux catégories : <strong>les</strong> fruits<br />
globuleux et <strong>les</strong> fruits allongés, ces derniers en outre peuvent<br />
donner, selon <strong>les</strong> espèces, une pulpe très charnue et très<br />
aqueuse, ou, faisant à peu près défaut, présenter une cons-<br />
titution sèche. Cette dernière considération a surtout son<br />
intérêt si l’on se place à un point de vue écologique. Quant<br />
aux colorations que peuvent revêtir <strong>les</strong> fruits, el<strong>les</strong> n’ont<br />
que fort peu d’importance, car el<strong>les</strong> varient dans de très<br />
1. Dans la formation et la structure <strong>du</strong> tronc de l’allure vraiment<br />
arborescente, on voit <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> qui entrent dans sa constitution<br />
perdre progressivement leur aplatissement et devenir cylindriques ;<br />
l’accroissement régulier <strong>du</strong> diamètre de la partie axiale s’efface alors,<br />
et fait complètement disparaître <strong>les</strong> étranglements qui séparaient <strong>les</strong><br />
artic<strong>les</strong>.<br />
2. david gRiFFiths. — Illustrated studies in the genus Opuntia (in<br />
Missouri botanical Garden Nineteenth annual Report, p. 270. 1908).
chapitRe vii 107<br />
notab<strong>les</strong> limites chez <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its d’une même espèce, el<strong>les</strong><br />
ne peuvent guère servir souvent qu’à identifier des variétés.<br />
Fig. .34. — Opuntia Joconostle Web.<br />
Hacienda de Huejotitlan. Environs <strong>du</strong><br />
lac de Chapala (État de Jalisco).<br />
Les aiguillons fournissent des caractères un peu plus<br />
certains et c’est surtout à eux que l’on a eu recours, pour<br />
établir <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> subdivisions des Platyopuntia et <strong>les</strong>
108 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
répartir en cinq groupes assez faci<strong>les</strong> à différencier à pre-<br />
mière vue.<br />
1° Pubescents : Les aiguillons bien constitués font défaut<br />
et sont remplacés sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> par des pinceaux touffus<br />
de courtes sétu<strong>les</strong> (O. microdasys Pfeiff.) ;<br />
2° Crinifères ou Chætophores : Les aiguillons chez <strong>les</strong><br />
espèces qui constituent cette catégorie sont sétacés ou crini-<br />
formes, ils donnent à la surface des artic<strong>les</strong> un aspect<br />
laineux, ou plus pittoresquement comme l’expriment <strong>les</strong><br />
Nahuatls par le mot Tocahuitli, d’un recouvrement de toi<strong>les</strong><br />
d’araignées (O. orbiculata Salm-Dyck) ;<br />
3° Flavispinés et Fulvispinés : Les aiguillons dans ces<br />
deux formes varient <strong>du</strong> jaune d’or à la teinte plus ou moins<br />
fauve, c’est à l’une de ces catégories qu’appartient le Cotzic-<br />
nopalxochitl des Nahuatls et dont le type le plus carac-<br />
térisé est l’O. Tuna Mill. et ses variétés ;<br />
4° Albispinés : Caractérisés par des aiguillons blancs bien<br />
constitués (O. Cardona Web.) ;<br />
5° Subinermes : Comprend tout le groupe possédant des<br />
artic<strong>les</strong> épais avec aréo<strong>les</strong> presque inermes portant des<br />
sétu<strong>les</strong> barbelées et quelques aiguillons plus ou moins rares,<br />
c’est à cette forme que correspond l’O. Ficus-indica Mill.<br />
En général <strong>les</strong> Platyopuntia se montrent extrêmement<br />
polymorphes et <strong>les</strong> caractères que l’on peut tirer de leurs<br />
organes sexuels ainsi que de la structure des tiges et même<br />
de leur armature épineuse 1 sont insuffisants dans l’état<br />
actuel des choses, pour une spécification rigoureuse de ses<br />
représentants, c’est même à l’interprétation inconsidérée de<br />
ces caractères que l’on doit surtout attribuer la description<br />
de si nombreuses espèces.<br />
Il est de toute évidence que l’on ne pourra arriver à une<br />
révision exacte de ces plantes que lorsque seulement el<strong>les</strong><br />
auront été soumises à une culture poursuivie très métho-<br />
diquement, laquelle permettra alors de réunir sous le cou-<br />
1. Voir à ce sujet la critique de webeR : Le Figuier de Barbarie<br />
(Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation, 48 e ann., p. 11, 1900).
chapitRe vii 109<br />
vert d’espèces bien caractérisées toutes <strong>les</strong> séries de variétés<br />
dont <strong>les</strong> termes extrêmes sont si dissemblab<strong>les</strong> dans leur<br />
morphologie générale.<br />
Ce polymorphisme, qui montre clairement un sous-genre<br />
en voie de mutation, est non seulement la conséquence<br />
d’influences séculaires <strong>du</strong> sol, de l’atmosphère, de la lumière,<br />
mais aussi d’hybridations qui peuvent s’effectuer plus ou<br />
moins accidentellement entre des variétés et même des<br />
espèces dont la floraison a lieu à la même époque. Pour ce<br />
qui est de l’hybridation, elle doit, dans une large mesure,<br />
être attribuée à l’intervention des insectes, soit par ceux qui<br />
vivent en parasites sur la plante 1 , soit par ceux qui viennent<br />
régulièrement visiter et butiner <strong>les</strong> fleurs. Parmi ces der-<br />
niers ce sont surtout <strong>les</strong> Hyménoptères qui se montrent <strong>les</strong><br />
plus efficaces ; cette fonction, comme le montre la nature,<br />
s’accomplit alors aussi bien avec l’aide de ceux qui ont une<br />
vie solitaire que par ceux qui se constituant en colonie,<br />
habitent à poste fixe <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de la plante.<br />
Avec <strong>les</strong> premiers, ce sont <strong>les</strong> transports à grande dis-<br />
tance, avec <strong>les</strong> seconds au contraire c’est l’action limitée à<br />
un faible périmètre d’où pourra dans certains cas résulter<br />
même l’entretien et la conservation de l’espèce ou de la<br />
variété. En effet dans ces rapports mutuels entre le végétal<br />
et l’animal, ce dernier trouve à pied d’oeuvre pour son mode<br />
d’existence, non seulement l’eau, l’aliment et <strong>les</strong> matériaux<br />
de construction de son habitation, mais aussi avec l’armature<br />
épineuse des artic<strong>les</strong> un camp fortifié qui, tout en lui per-<br />
mettant de se soustraire aux dévastations de ses propres<br />
ennemis, lui offre en même temps <strong>les</strong> moyens d’exercer<br />
pour le compte de la Cactacée une active surveillance <strong>du</strong><br />
domaine, afin d’en éloigner <strong>les</strong> convoyeurs de pollens<br />
étrangers.<br />
Ces faits sur <strong>les</strong>quels nous aurons l’occasion de revenir<br />
1. Voir au sujet des insectes particuliers des Opuntia le mémoire<br />
de hunteR, pRatt et mitchell : The principal Cactus insects of the United<br />
States, U.S. Department of Agriculture, Bureau of Entomology (Bulletin<br />
n° 113, 1912).
110 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
dans le cours de cet ouvrage sont indiqués ici très sommai-<br />
rement afin de faire entrevoir seulement <strong>les</strong> principa<strong>les</strong><br />
causes auxquel<strong>les</strong> répond le polymorphisme des Platyopuntia<br />
; cette particularité n’avait pas échappé à l’esprit<br />
observateur des anciens Mexicains, aussi ceux-ci en avaient-<br />
ils tiré un parti avantageux dans leurs procédés de culture.<br />
Les Platyopuntia constituent dans le genre auquel ils<br />
appartiennent, le sous-genre qui fournit aux indigènes un<br />
des pro<strong>du</strong>its <strong>les</strong> plus recherchés dans leur consommation<br />
fruitière, aussi leur exploitation, à certaines époques de<br />
l’année, donne-t-elle lieu à des entreprises de récoltes et d’in-<br />
<strong>du</strong>stries rémunératrices.<br />
Comme on l’a vu au chapitre des stations de Cactacées,<br />
<strong>les</strong> Platyopuntia fournissent deux fructifications pendant le<br />
cours de l’année, ce qui est une réelle ressource pour <strong>les</strong><br />
pays pauvres et désolés où ils exercent surtout leur influence.<br />
De plus, dans certains endroits particulièrement privilégiés,<br />
ces deux pro<strong>du</strong>ctions qui ont lieu l’une à la fin <strong>du</strong> printemps,<br />
l’autre pendant le cours de l’automne, peuvent <strong>du</strong>rer un<br />
certain temps et arriver à se confondre de façon à offrir<br />
une récolte à peu près continue pendant presque la moitié<br />
de l’année.<br />
Cette surpro<strong>du</strong>ction naturelle et localisée fut jadis un<br />
appoint sérieux dans la subsistance des nombreuses tribus<br />
d’Indiens sauvages peuplant alors <strong>les</strong> plateaux désertiques<br />
des régions Nord-Est <strong>du</strong> Mexique 1 .<br />
Tous <strong>les</strong> Platyopuntia ne sont pas aptes à fournir<br />
des pro<strong>du</strong>its utilisab<strong>les</strong> dans l’alimentation, beaucoup des<br />
espèces qui composent cet important sous-genre ne donnent<br />
que des fruits secs ne contenant que peu ou point de pulpe<br />
comestible.<br />
Le nombre des types fruitiers que comporte ce sous-genre<br />
est assez restreint et c’est tout au plus si l’on compte quatre<br />
ou cinq espèces bien définies, capab<strong>les</strong> de donner des pro-<br />
1. Consulter à ce sujet aRlegui : Cronica de la Provincia de N. S. P.<br />
San Francisco de Zacatecas, et alegRe : Historia de la Compania de<br />
Jesus en Mexico.
chapitRe vii 111<br />
<strong>du</strong>its suffisamment appréciés pour motiver une entreprise<br />
d’exportation 1 .<br />
Ces derniers sont alors représentés par l’O. Cardona Web.,<br />
l’O. robusta Wendl., l’O. leucotricha DC., l’O. Joconostle<br />
Web., l’O. Ficus-indica Mill.<br />
O. Cardona Web. (syn. O. Coindettii Web.) (fig. 16). — Ce<br />
Nopal est très bien caractérisé, il se présente sous une<br />
allure franchement arborescente, ses artic<strong>les</strong> sont assez<br />
épais, d’un ovale régulier et peu allongé, d’une couleur vert<br />
grisâtre avec aiguillons blancs.<br />
La fructification est extraordinairement copieuse et rap-<br />
pelle par son abondance celle de l’O. Tapona Engelm.,<br />
mais le fruit a l’avantage sur celui de ce dernier, d’être<br />
plutôt rafraîchissant et de ne pas occasionner d’obstruc-<br />
tions intestina<strong>les</strong> lorsqu’on en fait un usage trop prolongé.<br />
La saveur agréable des fruits de ce Platyopuntia, ainsi<br />
que leur facile conservation, <strong>les</strong> fait particulièrement appré-<br />
cier des indigènes, qui, chaque année, au moment de la<br />
maturité, organisent des expéditions pour en aller faire<br />
la moisson, soit dans un but personnel d’alimentation hygié-<br />
nique, soit pour en faire un article de vente ou d’expor-<br />
tation.<br />
Cette espèce que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />
de Tuna cardona ou Nopal cardon est remarquable par son<br />
adaptation au rude climat steptique des hauts plateaux où<br />
sous un ciel presque continuellement pur, il supporte sans<br />
inconvénient <strong>les</strong> rigueurs des extrêmes sécheresses et <strong>les</strong><br />
brusques abaissements de température <strong>du</strong>s au rayonnement<br />
nocturne, effets qui sur ces terres désolées sont <strong>les</strong> prin-<br />
cipa<strong>les</strong> causes de la stérilité permanente de la région et<br />
que <strong>les</strong> brumes passagères de l’hiver et <strong>les</strong> rares pluies orageuses<br />
de la saison estivale ne parviennent guère à atténuer<br />
que momentanément.<br />
1. Voir à ce sujet : webeR : Opuntia à fruits comestib<strong>les</strong> (Bulletin<br />
de la Société d’Acclimatation, p. 261, 1896) ; david gRiFFiths et haRe :<br />
The tuna as food for man, U. S. Department of Agriculture, Bureau of<br />
plant in<strong>du</strong>stry (Bulletin n’ 116, 1907) ; palmeR: Opuntia fruit as an<br />
article for food (West american scientist, vol. 6, p. 67, 1889).
112 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
On rencontre ce Nopal plus particulièrement dans <strong>les</strong><br />
États de Zacatecas, Durango, Aguas Calientes, Queretaro et<br />
San Luis Potosi, mais son aire de dispersion est plus consi-<br />
dérable et on peut lui assigner dans une large mesure, sur<br />
la partie centrale <strong>du</strong> Mexique, une éten<strong>du</strong>e comprise entre<br />
la frontière méridionale des États-Unis et la partie nord de<br />
l’État d’Oaxaca, zone délimitée au nord par le rio Bravo<br />
del Norte et au sud par le cours supérieur <strong>du</strong> rio Balsas.<br />
Comme cette espèce est peu sujette à des variations mor-<br />
phologiques, on ne la soumet guère à la culture régulière,<br />
bien souvent on se contente de s’en servir comme clôture,<br />
dispositif de semi-culture qui permet alors de faire faci-<br />
lement la récolte des fruits.<br />
Comme variété on peut citer surtout celle que <strong>les</strong> indi-<br />
gènes désignent sous le nom de Nopal Harton et qui paraît<br />
plus particulièrement adaptée au climat plus froid et plus<br />
humide des versants montagneux <strong>du</strong> Michoacan et de l’État<br />
de Mexico ; là, cette variété est soumise au régime estival<br />
régulier des pluies et en hiver à des alternatives de sèche-<br />
resse et d’humidité ; ces dernières sont <strong>du</strong>es aux brumes se<br />
condensant, ou aux gelées et neiges pouvant parfois per-<br />
sister pendant plusieurs jours (fig. 35).<br />
On peut encore rattacher à cette variété d’autres formes<br />
se rencontrant dans <strong>les</strong> mêmes localités et qui paraissent<br />
bien appartenir au même groupe ; ce sont <strong>les</strong> variétés ou<br />
espèces très affines que <strong>les</strong> indigènes désignent sous <strong>les</strong><br />
noms de Nopal chaveno, Caidillo, Cascaron, Sirgo, Canuto,<br />
gigantillo, etc. Ces formes, quoique toujours arborescentes<br />
et pro<strong>du</strong>isant des fruits à peu près semblab<strong>les</strong>, se diffé-<br />
rencient surtout dans leur allure particulière et dans l’allon-<br />
gement plus ou moins prononcé des artic<strong>les</strong>.<br />
Dans la nature des régions sèches, l’O. Cardona, grâce à<br />
sa robuste constitution, joue un rôle prépondérant ; son port<br />
relativement élevé en fait une plante d’assez haute futaie<br />
qui est susceptible de fournir l’abri et la protection aux<br />
sous-bois constitués par <strong>les</strong> spécimens de Cactacées de<br />
moindre importance et <strong>les</strong> formes frutescentes et buissonn-<br />
antes de la végétation normale déserticole.
8<br />
Fig. 35. — Variété d’Opuntia Cardona Web.<br />
dite Nopal Harton.
114 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
L’O. Cardona a été souvent confon<strong>du</strong> avec l’espèce décrite<br />
en 1839 par Lemaire sous le nom d’O. streptacantha, mais<br />
d’après le D r Weber qui a partagé un moment cette confusion<br />
et l’a ensuite rectifiée 1 , ces deux espèces quoique<br />
affines doivent être maintenant considérées comme bien<br />
distinctes.<br />
O. robusta Wendl. (syn. O. flavicans Lemaire). — Cet<br />
Opuntia se rencontre dans <strong>les</strong> mêmes localités que la précédente<br />
espèce, mais affecte plus particulièrement <strong>les</strong><br />
endroits moins secs et paraît se développer de préférence<br />
sur <strong>les</strong> versants des montagnes des États de Queretaro,<br />
Michoacan, Mexico, où on le cultive couramment comme<br />
arbre fruitier principalement sous cette forme inerme que<br />
<strong>les</strong> indigènes désignent sous le nom de Tuna camuesa<br />
(fig. 36) 2 .<br />
Le D r Weber avait considéré d’abord cette variété inerme<br />
comme constituant une espèce distincte et l’avait nommée<br />
provisoirement, sans la publier, O. Larreyi, puis ensuite,<br />
O. Camuessa Web.; ce n’est qu’après avoir fait une plantation<br />
par semis, qui lui donna des spécimens épineux,<br />
qu’il fut amené à reconnaître l’identité de la Tuna camuesa<br />
avec l’espèce décrite en 1835 par Wendland.<br />
Cet Opuntia est très vigoureux, mais s’élève peu en hauteur,<br />
il possède des artic<strong>les</strong> orbiculaires plus ou moins<br />
allongés, quelquefois presque ronds ; ils sont épais et très<br />
charnus, de couleur vert clair (fig. 37), <strong>les</strong> fruits sont assez<br />
gros, subglobuleux, d’une teinte pouvant varier <strong>du</strong> clair<br />
glaucescent au rouge sang, ils possèdent une saveur fraîche<br />
et parfumée qui <strong>les</strong> fait apprécier des indigènes.<br />
Le Nopal camueso fait l’objet d’une certaine culture, mais<br />
celle-ci se trouve forcément limitée par suite des soins<br />
presque continuels que l’on est obligé de donner à la plante.<br />
On plante habituellement ce Nopal à proximité des habi-<br />
tations et on le défend par des clôtures contre la voracité<br />
<strong>du</strong> bétail et des animaux domestiques. Comme <strong>les</strong> tiges, en<br />
1. Bulletin de la Société d’Acclimatation, p. 5, 1900.<br />
2. Le nom de Camuesa est employé par <strong>les</strong> Espagnols pour désigner<br />
une pomme de choix.
chapitRe vii 115<br />
général peu consistantes, sont sujettes à se rompre sous<br />
leur propre poids lorsque le végétal a atteint un trop grand<br />
développement, on est obligé souvent de <strong>les</strong> soumettre à<br />
Fig. 36. — Artic<strong>les</strong> inermes de l’Opuntia robusta Wendl.<br />
variété dite Nopal camueso.<br />
un étayage. Enfin, cette variété inerme exige, pour de<br />
bonnes conditions de végétation, un certain entretien qui<br />
consiste à maintenir <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> en parfaite propreté et à<br />
<strong>les</strong> soumettre de temps en temps à un brossage, afin d’éli-
Fig. 37. — Opuntia robusta Wendl.<br />
(Variété inerme dite Nopal camueso).<br />
Spécimen cultivé maintenu le long d’une palissade.<br />
Sierra de Tlalpujahua (État de Michoacan).
chapitRe vii 117<br />
miner <strong>les</strong> sétu<strong>les</strong> qui se sont développées sur leurs surfaces.<br />
L’O. robusta se rencontre dans la nature sous la forme épineuse<br />
et la forme inerme (fig. 38) ; cette dernière n’est donc<br />
Fig. 38. — Opuntia robusta Wendl.<br />
Variété inerme dite Nopal camueso croissant à l’état sauvage<br />
sur un rocher.<br />
Sierra de Tlalpujahua (État de Michoacan).<br />
pas une variété obtenue par la culture, mais, néanmoins,<br />
lorsqu’on veut la propager, on a toujours recours au bou-<br />
turage d’un article sélectionné. Lorsque l’on sème, comme<br />
l’a fait le D r Weber, <strong>les</strong> graines de la variété inerme, on
118 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
obtient toujours une série d’intermédiaires se différenciant<br />
par leur armature épineuse.<br />
Cette variabilité dans l’armature défensive des artic<strong>les</strong><br />
se constate également dans la nature où l’on rencontre<br />
souvent, voisinant dans <strong>les</strong> mêmes parages, des spécimens<br />
inermes et d’autres, au contraire, offrant des aréo<strong>les</strong> plus<br />
ou moins fournies en aiguillons et en pinceaux de sétu<strong>les</strong>.<br />
Ce fait paraît bien indiquer que cette espèce, qui est<br />
beaucoup moins répan<strong>du</strong>e que ses congénères, doit, con-<br />
trairement à ceux-ci, se propager à l’état sauvage plus par<br />
ses graines que par des bouturages accidentels.<br />
L’O. robusta a été rangé dans le groupe des Albispinés ;<br />
mais sur <strong>les</strong> plants résultant de semis, le D r Weber a<br />
constaté que l’on trouvait des spécimens ayant des aiguil-<br />
lons et des sétu<strong>les</strong> d’une couleur rousse plus ou moins<br />
accentuée, ce qui vient alors démontrer combien <strong>les</strong> carac-<br />
tères tirés des aiguillons sont variab<strong>les</strong> et combien la classi-<br />
fication basée sur eux est quelquefois aléatoire 1 .<br />
O. leucotricha DC. — Cette espèce (fig. 39) est désignée<br />
vernaculairement sous le nom de Nopal <strong>du</strong>raznillo ou Tuna<br />
<strong>du</strong>raznillo ; elle est très appréciée des indigènes qui en font<br />
une culture assez importante à cause de la qualité de ses<br />
fruits dont la saveur, plus agréable que celle des autres<br />
Tunas, offre un léger parfum de citron.<br />
L’O. leucotricha fleurit en juin et donne une fleur jaune<br />
pâle, diurne, s’épanouissant en plein soleil et pouvant <strong>du</strong>rer<br />
plusieurs jours ; le fruit est subglobuleux, assez gros, d’une<br />
couleur fauve clair, ce qui lui donne l’aspect d’une pêche<br />
jaune, et qui <strong>du</strong> reste lui a valu le nom indigène de Duraznillo<br />
(petite pêche).<br />
Les artic<strong>les</strong> sont recouverts d’aiguillons plus ou moins<br />
sétacés ou criniformes d’une teinte blanchâtre, caractère<br />
qui a fait ranger cet Opuntia dans le groupe des Chætophores<br />
2 .<br />
1. webeR.— Bulletin de la Société d’Acclimatation, 48e ann., p. 11, 1900.<br />
2. webeR. — Le Duraznillo des Mexicains, Opuntia leucotricha et ses<br />
espèces voisines (Bulletin de la Société d’Acclimatation, 50 e ann., p. 69.<br />
1902).
Fig. 39. — Opuntia leucotricha DC.<br />
(Nom vulgaire : Duraznillo).<br />
Plateaux désertiques de l’État de San Luis Potosi.
120 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Il existe deux variétés de Nopal <strong>du</strong>raznillo, l’une donnant<br />
un fruit à pulpe blanche, l’autre à pulpe rouge ; c’est la<br />
première qui est la plus estimée.<br />
L’O leucotricha a une allure plutôt arborescente que frutescente<br />
; lorsqu’il est parfaitement a<strong>du</strong>lte, il peut atteindre<br />
une taille de plus de 3 mètres. On le rencontre à l’état sau-<br />
vage, principalement dans <strong>les</strong> États de Zacatecas et de San<br />
Luis Potosi, où on l’entretient parmi <strong>les</strong> autres cultures de<br />
Cactacées exploitées pour la pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />
O. Joconostle Web. - Cette espèce (fig. 34), que l’on<br />
désigne vulgairement sous <strong>les</strong> noms de Joconostle, Xoconostle,<br />
Tuna blanca, Trimpanilla, etc., est remarquable par<br />
son allure arborescente qui semble être plus parfaite que<br />
chez n’importe quelle autre forme de Platyopuntia mexicain.<br />
C’est une espèce, en général, de moyenne stature, dont<br />
l’élévation ne dépasse guère 2 mètres et demi, elle possède<br />
une ramification habituellement compacte et touffue qui<br />
vient souvent former une cime étalée au sommet d’un tronc<br />
droit, cylindrique, d’une couleur grisâtre, et d’un diamètre<br />
d’une vingtaine de centimètres.<br />
Ce Nopal se développe, en général, sur un sol assez acci-<br />
denté et recouvert d’épais fourrés buissonneux, conséquences<br />
de milieu, qui semblent bien influencer quelque peu sur le<br />
modelé et la conformation de la plante.<br />
Les artic<strong>les</strong> sont petits, ova<strong>les</strong>, d’une forme plus ou moins<br />
régulière, l’épiderme est lustré, d’une couleur vert clair<br />
tirant sur le jaune, <strong>les</strong> aiguillons sont blancs, inégaux en<br />
longueur. La fleur est jaune, <strong>les</strong> fruits subglobuleux, d’en-<br />
viron 2 centimètres de diamètre, contenant une pulpe par-<br />
fumée légèrement acide, de couleur rosée.<br />
On rencontre cette espèce, qui paraît surtout adaptée au<br />
climat tempéré des plateaux d’une altitude de 1.500 mètres,<br />
où le régime des pluies est régulier, dans <strong>les</strong> États de Jalisco,<br />
Queretaro et Michoacan ; elle ne paraît pas être l’objet d’une<br />
culture importante, <strong>les</strong> indigènes qui ont coutume d’appro-<br />
visionner <strong>les</strong> marchés vont habituellement faire leur récolte<br />
dans <strong>les</strong> montagnes.
chapitRe vii 121<br />
Les fruits de la Tuna Joconostle sont d’autant plus appréciés<br />
qu’ils apparaissent en mars, époque où tous <strong>les</strong> fruits<br />
frais font complètement défaut, ils constituent alors une<br />
heureuse primeur qui vient faire la transition entre la fructi-<br />
fication d’arrière-saison <strong>du</strong> Pereskiopsis aquosa et celle des<br />
Platyopuntia de pro<strong>du</strong>ction courante, avantage précieux<br />
pour certains indigènes qui, pour des raisons hygiéniques,<br />
ont coutume, dans leur alimentation journalière, de faire<br />
usage de fruits de Cactacées.<br />
O. Ficus-indica Mill. (fig. 40). — Cette espèce est la plus<br />
connue de tous <strong>les</strong> Platyopuntia dont elle est le type. Ce qui<br />
la rend remarquable, c’est son caractère de plante adven-<br />
tice, il est impossible de lui assigner un lieu d’origine<br />
bien défini, car on la rencontre dans toutes <strong>les</strong> régions<br />
chaudes et tempérées des deux Amériques ; tous <strong>les</strong> ter-<br />
rains paraissent lui convenir, pourvu qu’ils soient bien<br />
ensoleillés et pas trop humides.<br />
Rapportée en Europe lors de la première expédition de<br />
Christophe Colomb, elle ne tarda pas à se naturaliser pour<br />
ainsi dire d’elle-même dans le midi de l’Europe, et à se<br />
propager à l’état sauvage dans tous <strong>les</strong> endroits où le hasard<br />
lui avait permis de prendre pied.<br />
La nature très épineuse de la plante et <strong>les</strong> qualités de ses<br />
fruits la firent comparer tantôt à un Chardon, tantôt à un<br />
Figuier, d’où lui vinrent alors <strong>les</strong> dénominations vulgaires<br />
de Cardasse, Chardon indien, Ensade, Figuier indien,<br />
Figuier de Barbarie ou Figuier à raquettes (France), Fico<br />
de India (Italie), Higuera Chumba ou Chumbera (Andalousie),<br />
Higo de Mauro (Catalogne), Figuier des Francs<br />
(Grèce), etc. Les Arabes, lorsqu’ils connurent ce Figuier<br />
d’un nouveau genre, à la suite <strong>du</strong> retour des Maures dans<br />
la mère patrie, lui donnèrent le nom de Figuier des Chrétiens<br />
(Karnous enn N’sarra [nazaréens]).<br />
J. Eusebio Llano y Zapata, dans ses Memorias fisicas<br />
criticoapologicas de America méridional, fait mention <strong>du</strong><br />
premier Figuier d’Inde planté en Espagne, et il ajoute que<br />
<strong>les</strong> spécimens que l’on essaya à Séville donnèrent de si
122 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
mauvais résultats qu’on <strong>les</strong> nomma alors Figuiers <strong>du</strong><br />
diable 1 .<br />
Il est présumable que ce premier essai de naturalisation<br />
<strong>du</strong> végétal rapporté des Antil<strong>les</strong> fut exécuté par semis, d’où<br />
il en résulta des sauvageons qui ne rappelaient en rien <strong>les</strong><br />
merveilleuses qualités économiques qu’exaltèrent, proba-<br />
blement avec exagération, <strong>les</strong> compagnons <strong>du</strong> célèbre navi-<br />
gateur.<br />
Cet insuccès de début ne paraît pas avoir entravé l’entre-<br />
prise de culture <strong>du</strong> Figuier d’Inde en Europe, car celui-ci<br />
ne tarda pas à se multiplier sur tout le territoire de l’Anda-<br />
lousie, grâce à l’esprit d’initiative des Maures qui formaient<br />
dans cette province une importante population de culti-<br />
vateurs et qui surent apprécier, à leur juste valeur, tous <strong>les</strong><br />
avantages et <strong>les</strong> utilités que ce Figuier d’une nouvelle nature<br />
était susceptible de fournir aux terrains incultes soumis à<br />
l’action desséchante d’un soleil brûlant.<br />
C’est à la prédilection marquée des Maures pour le fruit<br />
de ce végétal étrange que l’on attribue le nom de Figuier<br />
des Maures (Higo de Mauros) que lui donnèrent <strong>les</strong><br />
Catalans.<br />
Lorsqu’en 1610, sous le règne de Philippe III, <strong>les</strong> descen-<br />
dants des Maures furent définitivement chassés d’Espagne<br />
et retournèrent s’établir dans leur pays d’origine, ils empor-<br />
tèrent avec eux le Figuier d’Inde et le propagèrent dans<br />
tout le nord <strong>du</strong> continent africain.<br />
Pendant le siècle et quart qui s’écoula entre l’époque de<br />
la découverte de l’Amérique et l’exode des envahisseurs de<br />
la péninsule ibérique, le Figuier des Indes occidenta<strong>les</strong> ne<br />
se cantonna pas sur son point d’importation, il se propagea<br />
même d’une façon assez rapide et assez régulière dans le<br />
sud de l’Europe.<br />
On peut dès lors, sur cette région, le suivre gagnant de<br />
1. Manuscrit mentionné par le Père baRnabe cobo dans son<br />
Historia del Nuevo Mundo, 1652, où l’auteur dit textuellement : « El<br />
primer fruto de este especie de tuna se sembro en Sevilla, donde dio<br />
unos malissimos que se hicieron queselleman se Higos del diablo ».
Fig. 40. — Opuntia Ficus-indica Mill.<br />
cultivé auprès d’une habitation.<br />
Tlalpujahua État de Michoacan).
124 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
proche en proche, sous le couvert d’appellations diverses,<br />
la France méridionale, l’Italie, le Tyrol, la Dalmatie, la<br />
Grèce et <strong>les</strong> archipels méditerranéens. C’est surtout dans<br />
<strong>les</strong> Calabres, et principalement en Sicile, qu’il se révéla<br />
comme une plante in<strong>du</strong>strielle de premier ordre, ce qui,<br />
au xviii e siècle, fit dire au célèbre agronome Adrien de<br />
Gasparin que : « La manne, la Providence de la Sicile, c’est<br />
le Figuier d’Inde ».<br />
La dispersion de la plante grasse originaire d’Amérique<br />
ne se limita pas au littoral méditerranéen, elle s’étendit<br />
également à toutes <strong>les</strong> zones plus ou moins sèches ou tor-<br />
rides <strong>du</strong> globe.<br />
Cette intro<strong>du</strong>ction sur <strong>les</strong> terres <strong>les</strong> plus reculées se fit<br />
alors par l’entremise des navigateurs qui, entre le xvi e et<br />
le xviii e siècle, préconisèrent <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> jeunes et tendres<br />
<strong>du</strong> Nopal pour le traitement des affections scorbutiques qui<br />
sévirent avec tant de violence sur <strong>les</strong> équipages des flottes<br />
faisant <strong>les</strong> longues expéditions de l’Océan Pacifique.<br />
Dans le but d’un approvisionnement régulier de la pré-<br />
cieuse denrée qui, en dehors de son application médicale,<br />
pouvait encore servir pour une alimentation végétale, facile<br />
à conserver à l’état frais en toute saison, <strong>les</strong> marins entre-<br />
tenaient des plantations de Figuier d’Inde aux différents<br />
endroits d’escale.<br />
Il en résulta alors la création fortuite de centres de dis-<br />
persion, d’où l’O. Ficus-indica put spontanément et progressivement<br />
s’étendre sur <strong>les</strong> situations à sa convenance des<br />
côtes orienta<strong>les</strong> de l’Asie et de l’Afrique, au point de devenir<br />
là aussi abondamment répan<strong>du</strong> que sur le littoral médi-<br />
terranéen.<br />
Ce résumé historique de la prise de possession de<br />
l’O. Ficus-indica sur l’Ancien Continent montre bien le<br />
caractère de plante adventice et envahissante qui lui est<br />
propre et qui suffit, au point de vue biologique, pour le<br />
différencier des autres Platyopuntia économiques importés<br />
depuis longtemps et qui, quoique plantés dans <strong>les</strong> mêmes<br />
conditions, ne sont pas sortis <strong>du</strong> domaine des cultures<br />
fruitières.
chapitRe vii 125<br />
Un autre fait intéressant et bien caractéristique de cette<br />
Cactacée devenue cosmopolite est son extraordinaire polymorphisme,<br />
qui se manifeste aussi bien dans son pays<br />
d’origine, que dans ceux où le hasard a amené sa naturalisation.<br />
Les nombreuses variétés de l’O. Ficus-indica se montrent<br />
parfois très différentes <strong>les</strong> unes des autres, c’est ce qui a<br />
fait décrire comme espèces distinctes <strong>les</strong> O. Amyclæa Ten.,<br />
Tapona Engelm., decumana Haw., elongata Haw., que le<br />
Dr Weber considère seulement comme des types dissemblab<strong>les</strong><br />
d’une unique espèce 1 , car on retrouve entre eux<br />
tous <strong>les</strong> termes de transition qui, parfois, peuvent se trouver<br />
réunis sur un même exemplaire. Ce phénomène, qui n’est<br />
pas très rare, doit vraisemblablement s’attribuer, partie à<br />
des croisements, partie à des retours ataviques si <strong>les</strong> exemplaires<br />
sont issus de semis.<br />
La variabilité de l’O. Ficus-indica porte surtout, d’une<br />
façon très apparente, sur la constitution défensive de ses<br />
artic<strong>les</strong> et sur sa fructification.<br />
La nature médiocrement épineuse de ses artic<strong>les</strong> a fait<br />
ranger cette espèce dans le groupe des Platyopuntia subinermes.<br />
Les aréo<strong>les</strong>, en outre des sétu<strong>les</strong> barbelées dont<br />
el<strong>les</strong> sont presque toujours pourvues et qui sont une<br />
caractéristique <strong>du</strong> genre Opuntia, peuvent présenter des<br />
aiguillons assez bien conditionnés chez certaines variétés<br />
(O. Amyclæa), tandis que chez d’autres, ils peuvent se<br />
montrer plus ou moins ré<strong>du</strong>its en nombre ou plus ou moins<br />
atrophiés et même disparaître complètement comme, par<br />
exemple, dans la forme inerme que l’on désigne vulgairement<br />
au Mexique sous le nom de Tuna mansa pelona.<br />
Les natures épineuses paraissent bien indiquer, chez <strong>les</strong><br />
variétés de l’O. Ficus-indica, des formes de résistance que<br />
l’espèce met en oeuvre pour se maintenir et se propager dans<br />
dépouvus -><br />
<strong>les</strong> situations diffici<strong>les</strong> causées par <strong>les</strong> sols ingrats dépourvus<br />
dépourvus<br />
de subsistances, tandis que <strong>les</strong> natures inermes ou très peu<br />
1. 1. Voir à ce sujet l’article Opuntia <strong>du</strong> D r webeR dans le Dictionnaire<br />
d’Horticulture de Bois, p. 893, 1898.
126 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
armées semblent surtout adaptées au régime des terres nour-<br />
ricières.<br />
Dans le premier cas, c’est l’existence précaire <strong>du</strong> végétal<br />
ré<strong>du</strong>it à une vie presque aérienne, puisant sa subsistance par<br />
l’intermédiaire des tiges ; dans le second cas, c’est le même<br />
fonctionnement physiologique auquel vient s’ajouter, d’une<br />
façon bien évidente, l’action pourvoyeuse des racines.<br />
La variabilité portant sur la fructification se manifeste<br />
sur la qualité, la quantité, la dimension et la coloration <strong>du</strong><br />
fruit, elle fournit nombre de variétés commercia<strong>les</strong> qui se<br />
vendent sur <strong>les</strong> marchés mexicains sous <strong>les</strong> noms de Tuna<br />
Alfajayuca, amarilla, americana, blanca, de Castilla, colo-<br />
rada, mansa, mexicana, morada, maranjada, pelona, ran-<br />
chera, tapona, teca, etc.<br />
La puissance d’envahissement et le polymorphisme de<br />
l’O. Ficus-indica n’ont de comparable, parmi <strong>les</strong> Platyopuntia,<br />
que cel<strong>les</strong> que présente l’O. Tuna Mill., ce qui paraît<br />
bien constituer, pour ces deux espèces affines, un groupe-<br />
ment assez bien délimité dans le sous-genre auquel ils<br />
appartiennent. Mais ces deux espèces qui ont ce point<br />
commun se différencient l’une de l’autre, dans leur allure,<br />
dans leur rôle au sein de la nature et dans la qualité de<br />
leur pro<strong>du</strong>ction.<br />
Le Figuier d’Inde ou Figuier de Barbarie, comme on le<br />
nomme plus communément aujourd’hui, possède une allure<br />
nettement frutescente et buissonnante, bien érigée et bien<br />
ramifiée qui, chez certains spécimens très âgés, peut par-<br />
venir jusqu’à un développement presque arborescent.<br />
Il ne paraît pas avoir, comme l’O Tuna, de tendance à<br />
se plier aux formes amoindries et traçantes des Nopa<strong>les</strong><br />
rastreros, ce qui, alors, dans le rôle que la nature a attribué<br />
aux Cactacées, lui fait occuper une place bien délimitée dans<br />
<strong>les</strong> étapes de la conquête spontanée <strong>du</strong> désert et de son<br />
peuplement végétal. Son allure, en quelque sorte, serait le<br />
complément de celle de l’O. Tuna, qui représenterait alors<br />
une forme moins perfectionnée.<br />
L’O. Tuna est une espèce qui reste sauvage et ne paraît
chapitRe vii 127<br />
guère s’améliorer par la culture ; ses fruits, même dans <strong>les</strong><br />
meilleures variétés, sont en général petits et peu comes-<br />
tib<strong>les</strong> ou <strong>du</strong> moins peu recherchés pour l’alimentation.<br />
L’O. Ficus-indica fournit, au contraire, une fructification<br />
de bonne qualité très appréciée des indigènes et suscep-<br />
tible de s’améliorer par la sélection et la culture.<br />
Les nombreux avantages que présente le Figuier de Barbarie<br />
en font une plante économique de premier ordre ;<br />
néanmoins, <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its et <strong>les</strong> différentes utilités qu’on<br />
peut lui demander sont toujours inférieurs à ceux que l’on<br />
peut obtenir par un choix approprié des différentes espèces<br />
de Cactacées.<br />
En somme, ce qui constitue l’intérêt et la valeur éco-<br />
nomique de cette espèce, c’est la multiplicité des appli-<br />
cations auxquel<strong>les</strong> elle peut se prêter dans de nombreux<br />
pays et sous des climats assez différents.<br />
Il résulte de ces faits que la naturalisation <strong>du</strong> Figuier de<br />
Barbarie sur de nouveaux terroirs fut souvent un très<br />
heureux événement pour ces derniers, car en dehors de sa<br />
pro<strong>du</strong>ction fruitière qui, à elle seule, vint constituer une<br />
richesse naturelle et un grand secours pour <strong>les</strong> régions<br />
déshéritées, cette plante fut utilisée avec succès, dans ses<br />
nouvel<strong>les</strong> patries, pour régénérer <strong>les</strong> sols épuisés par <strong>les</strong><br />
cultures, pour fixer <strong>les</strong> terrains ravinés par <strong>les</strong> pluies ou<br />
sujets aux éboulements et, dans une certaine mesure, pour<br />
stabiliser <strong>les</strong> terres sablonneuses. Plantée en ligne, elle<br />
constitua des haies vives et des barrières capab<strong>les</strong> de pro-<br />
téger efficacement <strong>les</strong> cultures arbustives contre <strong>les</strong> vents<br />
et la propagation des incendies ; sur <strong>les</strong> bords de la mer,<br />
elle permet de soustraire <strong>les</strong> plantations aux embruns salés<br />
et aux envahissements de sab<strong>les</strong> mouvants.
CHAPITRE VIII<br />
EXPLOITATION DES OPUNTIÉES<br />
Utilisation comme plantes potagères et comme arbres fruitiers. —<br />
Récolte des fruits et leur appropriation. — Expéditions pour<br />
la récolte. — Fruits de consommation immédiate et fruits<br />
secs. — Préparations in<strong>du</strong>striel<strong>les</strong> : Miel, Melcocha, Queso,<br />
Colonche. — Historique de ce dernier et particularité de sa<br />
fermentation.<br />
L’exploitation des Nopals constitue, aujourd’hui encore,<br />
une des entreprises agrico<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus importantes et <strong>les</strong><br />
plus rémunératrices des haciendas situées sur <strong>les</strong> régions<br />
pauvres des hauts plateaux mexicains ; cette exploitation<br />
s’effectue alors autant avec <strong>les</strong> spécimens croissant à l’état<br />
sauvage qu’avec ceux que l’on maintient par des cultures<br />
plus ou moins régulières.<br />
Il a été suffisamment exposé, au chapitre des stations des<br />
Cactacées, <strong>les</strong> ressources et <strong>les</strong> profits que <strong>les</strong> peuplades<br />
nomades et sédentaires avaient su jadis tirer des Nopals,<br />
pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir ici. Aujourd’hui,<br />
l’exploitation de cette richesse naturelle, loin d’avoir<br />
été délaissée par <strong>les</strong> populations colonisatrices, a pris, au<br />
contraire, une grande extension, au point de devenir une<br />
source de profit constante pour <strong>les</strong> haciendias établies sur<br />
ces régions en apparence déshéritées. Avec le travail des<br />
mines et l’élevage, cette entreprise assure en partie l’existence<br />
permanente d’une population nombreuse sur une<br />
vaste contrée qui, jadis, n’était occupée que par des tribus<br />
sauvages et où, faute d’eau, l’agriculture normale ne peut<br />
s’exercer que sur des endroits privilégiés, souvent assez<br />
restreints.<br />
9
130 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Au point de vue purement alimentaire, <strong>les</strong> Platyopuntia<br />
sont utilisés actuellement comme plantes potagères et<br />
comme arbres fruitiers.<br />
Dans le premier cas, ce sont <strong>les</strong> artic<strong>les</strong>, <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong><br />
fruits avant maturité qui fournissent <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its de con-<br />
sommation et qui constituent un aliment végétal encore<br />
aujourd’hui très apprécié des indigènes. Aussi, <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />
tendres de Nopal se vendent-ils couramment sur <strong>les</strong> mar-<br />
chés mexicains et sont, comme légume, acceptés sur<br />
<strong>les</strong> tab<strong>les</strong> de toutes <strong>les</strong> classes de la société, car ils se<br />
prêtent à nombre de combinaisons culinaires. Divisée en<br />
menus fragments, cuite à l’eau et à la graisse, la matière<br />
charnue de ces artic<strong>les</strong> peut, en n’importe quelle saison,<br />
remplacer <strong>les</strong> gousses tendres des Légumineuses, dont elle<br />
possède à peu de chose près <strong>les</strong> mêmes qualités nutritives.<br />
Cervantès Salazar, qui fut un chroniqueur érudit de<br />
l’époque de la colonisation espagnole, signale 1 <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />
de Nopals préparés d’une certaine manière comme étant<br />
de son temps un manger délicat, substantiel et de haut<br />
goût.<br />
On a vu plus haut que <strong>les</strong> équipages des flottes, lors des<br />
grandes expéditions <strong>du</strong> xvi e au xviii e siècle, prisaient fort<br />
ce pro<strong>du</strong>it végétal que l’on pouvait non seulement conserver<br />
presque indéfiniment à l’état frais, mais aussi faire végéter<br />
et émettre de nouveaux artic<strong>les</strong> sans avoir recours à une<br />
plantation, ce qui fut une suprême ressource pour <strong>les</strong><br />
longues traversées où l’on avait à se prémunir contre <strong>les</strong><br />
affections scorbutiques.<br />
Les fleurs sont également utilisées dans l’alimentation ;<br />
el<strong>les</strong> s’emploient alors à titre d’herbes cuites dans la condi-<br />
mentation des mets. La récolte des fleurs pour cet objet<br />
n’est souvent que la conséquence d’un traitement horticole<br />
consistant à supprimer en partie ou en totalité une des<br />
deux floraisons annuel<strong>les</strong> des Platyopuntia, afin de ne pas<br />
1. F. ceRvantes salazaR. — Cronica de Huera Espana, manuscrit<br />
<strong>du</strong> xvi e siècle conservé à la <strong>Bibliothèque</strong> nationale de Madrid, publié<br />
par FRancisco paso y tRoncoso, t. I , chap. V, p. 1 5 , Madrid. 1914.
chapitRe viii 131<br />
trop épuiser la plante par une fructification exagérée et de<br />
la forcer en même temps, par un émondage floral, à l’amé-<br />
lioration de sa pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />
Le recours aux Platyopuntia, comme plantes potagères, n’a<br />
pas une très grande importance dans l’exploitation agricole<br />
de ces plantes, néanmoins, il est nécessaire de le signaler,<br />
car il montre l’avantage économique que présentent <strong>les</strong><br />
Nopals sur la majorité des autres Cactacées dont la pulpe<br />
et <strong>les</strong> fleurs ne peuvent être que rarement mis en usage<br />
dans l’alimentation. En effet, nombre de représentants de<br />
la famille des Cactacées offrent une pulpe et des fleurs pos-<br />
sédant une saveur amère ou désagréable, plusieurs espèces<br />
donnent même des pro<strong>du</strong>its reconnus comme franchement<br />
toxiques 1 ; ces derniers faits expliquent, en outre, comme<br />
quoi <strong>les</strong> Platyopuntia sont plus sujets que <strong>les</strong> autres genres<br />
de Cactacées aux déprédations des Insectes et aux invasions<br />
parasitaires.<br />
En dehors des Platyopuntia, la pulpe et la fleur ne sont<br />
utilisées dans l’alimentation indigène, pour la première,<br />
que chez certaines Echinocactées, et, pour la seconde, chez<br />
seulement le Myrtillocactus geometrizans Britt. et Rose,<br />
dont la très abondante floraison fournit un pro<strong>du</strong>it mar-<br />
chand que l’on désigne sous le nom de Clave<strong>les</strong> de Carambullo,<br />
et que l’on accommode, dans la cuisine indigène,<br />
comme <strong>les</strong> inflorescences d’Agave.<br />
Si cette utilisation des Nopals n’a qu’une importance très<br />
secondaire, il n’en est pas de même de celle qui a pour<br />
objet <strong>les</strong> fruits ; l’exploitation de ces derniers, que l’on dé-<br />
signe universellement au Mexique sous le nom de Tunas,<br />
devient alors, pour le pays où elle se pratique, une source<br />
importante de richesse méritant d’être prise en considé-<br />
ration.<br />
Quoique <strong>les</strong> Nopals donnent des fruits inférieurs comme<br />
1. Machærocereus gummosus Britt. et Rose, Pachycereus Pectenaboriginum<br />
Britt. et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose,<br />
Lophophora Williamsii Coult., Ariocarpus fissuratus K. Schum.,<br />
Dolichothele sphærica Britt. et Rose, D. longimamma Britt. et Rose.
132 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
qualité à ceux que pro<strong>du</strong>isent <strong>les</strong> Cierges, ils sont, en gé-<br />
néral, plus appréciés des Mexicains ; ce fait, anormal en<br />
apparence, s’explique facilement : il est dû à ce que <strong>les</strong><br />
Nopals croissent surtout dans <strong>les</strong> régions assez dépourvues<br />
de ressources fruitières, tandis que <strong>les</strong> Cierges, originaires<br />
des terres plus chaudes et par conséquent plus ferti<strong>les</strong>,<br />
végètent dans des pays où différents arbres fruitiers tro-<br />
picaux apportent une variété de pro<strong>du</strong>ction parmi laquelle<br />
doivent se confondre forcément leurs pro<strong>du</strong>its.<br />
Pour la récolte des fruits, on se sert d’un petit appareil<br />
que l’on nomme chicol 1 , et qui, construit suivant <strong>les</strong> nécessités,<br />
constitue un outil assez primitif mais qui, néanmoins,<br />
ne le cède en rien comme pratique à ceux plus perfectionnés<br />
que l’on a inventés pour la cueillette des fruits.<br />
Cet appareil s’adapte à une tige de bambou dont la lon-<br />
gueur est proportionnée à la hauteur à atteindre ; il consiste<br />
soit en un simple crochet, soit en une pointe effilée qui<br />
permet de saisir et fixer le fruit en le transperçant à sa<br />
base. Ces deux systèmes d’appareils peuvent se compléter<br />
par une pièce tranchante et un réticule permettant la col-<br />
lecte de plusieurs échantillons en une seule opération ; ce<br />
dernier agencement est surtout employé pour la récolte sur<br />
<strong>les</strong> Cierges, dont <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its, plus tendres et plus volu-<br />
mineux que ceux des Opuntia, risquent de s’écraser dans<br />
leur chute sur le sol.<br />
Certains chicols sont construits sur un modèle plus sommaire<br />
; ils consistent, alors, en une simple tige de bambou<br />
dont on fendille l’extrémité de façon à former plusieurs<br />
branches que l’on maintiendra écartées, en entonnoir, à<br />
l’aide d’un tasseau placé à la base des entail<strong>les</strong> et de liga-<br />
tures de fils d’Agave.<br />
1. Chicol est une castillanisation <strong>du</strong> mot nahuatl Chicolli ; son usage<br />
était général parmi <strong>les</strong> autochtones mexicains, même parmi <strong>les</strong> plus<br />
sauvages et <strong>les</strong> plus isolés des autres populations comme ceux, par<br />
exemple, qui formaient <strong>les</strong> tribus nomades de la péninsule californienne.<br />
Le Chicolli constituait chez <strong>les</strong> anciens Mexicains un ustensile ménager<br />
presque aussi indispensable à l’existence des populations rura<strong>les</strong> que<br />
l’était le MÉtatl ou pierre à moudre le grain.
chapitRe viii 133<br />
Une particularité de tous <strong>les</strong> fruits d’Opuntia est d’avoir,<br />
même chez <strong>les</strong> variétés inermes, un péricarpe hérissé d’un<br />
<strong>du</strong>vet urticant plus ou moins fourni, lequel est constitué<br />
par de fines sétu<strong>les</strong> barbelées qui, si on prenait <strong>les</strong> fruits<br />
sans précaution, risqueraient de s’implanter dans l’épi-<br />
derme des mains, où el<strong>les</strong> occasionneraient des piqûres<br />
douloureuses pouvant donner lieu, dans la suite, à des in-<br />
flammations et à des ulcérations d’une certaine gravité 1 .<br />
Les indigènes, pour se garantir de cet inconvénient lors<br />
de la récolte, ont soin, après avoir répan<strong>du</strong> <strong>les</strong> Tunas sur<br />
le sol, de <strong>les</strong> frotter vigoureusement sur une terre meuble<br />
et sablonneuse avec des branchages munis de leurs feuil<strong>les</strong> ;<br />
cette opération, vivement exécutée, suffit à débarrasser<br />
complètement <strong>les</strong> fruits de leur revêtement vulnérant, ils<br />
peuvent être alors ramassés impunément avec <strong>les</strong> mains 2 .<br />
Dans certaines localités où l’eau peut se rencontrer au<br />
voisinage, on débarrasse <strong>les</strong> fruits de leurs sétu<strong>les</strong> par un<br />
brassage avec de l’eau ; cette opération, un peu plus compli-<br />
quée que la précédente, s’effectue alors dans une cuve ou<br />
à l’aide d’une bâtée.<br />
Le procédé d’élimination des sétu<strong>les</strong> par un balayage sur<br />
un sol poudreux, tout insignifiant qu’il puisse paraître,<br />
mérite cependant d’être relaté, car, d’après Cervantès<br />
Salazar 3 , sa connaissance des Espagnols se rattacherait à<br />
un épisode de la conquête, qui tendrait à démontrer que<br />
ce procédé, pourtant si simple, n’était mis en pratique que<br />
par <strong>les</strong> Mexicains.<br />
1. Lorsque, par mégarde, des sétu<strong>les</strong> se sont fixées sur l’épiderme,<br />
<strong>les</strong> indigènes ont recours à un procédé assez simple et assez expéditif<br />
pour s’en débarrasser : ils prennent une boulette de cire et la font<br />
rouler sur <strong>les</strong> parties endolories, <strong>les</strong> sétu<strong>les</strong> se fixant alors sur la cire<br />
sont ainsi rapidement extirpées des endroits où el<strong>les</strong> s’étaient insérées.<br />
2. Plusieurs espèces de plantes se rencontrant au voisinage des<br />
Nopals et auxquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> indigènes donnent le nom bien significatif<br />
de Limpia tunas, sont employées plus spécialement à cette opération ;<br />
ce sont par exemple <strong>les</strong> rameaux de Baccharis multiflora H. B. et K.,<br />
Zaluzania angustata Sch.-Bip., Ipomoea stans Cav., etc.<br />
3. Cronica de Nueva Espana, t. I, p. 248, chap. XXXIII.
134 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les conquistadors, qui connaissaient la valeur alimentaire<br />
des fruits de Platyopuntia, grâce à leur séjour aux<br />
Antil<strong>les</strong>, ignoraient ce moyen ingénieux et efficace de<br />
rendre ces fruits complètement inoffensifs ; ils l’apprirent<br />
des Indiens Tamemes 1 , lorsque, se trouvant exténués de<br />
fatigue et pressés par la faim, ils <strong>du</strong>rent, sur <strong>les</strong> plaines<br />
de Cholula, avoir recours à un approvisionnement rapide<br />
des fruits de Nopals.<br />
Les grandes moissons de Tunas, quand el<strong>les</strong> n’ont pas<br />
lieu sur <strong>les</strong> plants cultivés des haciendas, s’effectuent sur-<br />
tout dans <strong>les</strong> endroits où, depuis des temps immémoriaux,<br />
cette végétation de plantes grasses et épineuses constitue<br />
par place d’épais massifs, au sein de cette nature morne et<br />
désolée qu’offrent en grande partie <strong>les</strong> États de Coahuila,<br />
Zacatecas, San Luis Potosi, Queretaro et Guanajuato.<br />
Les indigènes qui se livrent plus particulièrement à cette<br />
entreprise appartiennent, en général, au personnel des<br />
travailleurs des haciendas. Lorsque ces moissonneurs spé-<br />
ciaux n’ont pas, à proximité de leur résidence, des planta-<br />
tions de Nopals suffisamment importantes, ils entre-<br />
prennent alors des expéditions pour aller se fixer, momen-<br />
tanément, au voisinage d’un bosquet de l’arbre fruitier à<br />
exploiter. Là, ils établissent un campement de fortune de-<br />
vant servir pendant plusieurs mois d’abri pour eux, leur<br />
famille et le matériel nécessaire à une exploitation en règle.<br />
Les fruits de Nopals, suivant l’abondance de la moisson,<br />
sont répartis au fur et à mesure de leur récolte en deux<br />
catégories : ceux qui doivent servir à l’exportation et à la<br />
vente immédiate, et ceux qui, suivant <strong>les</strong> circonstances,<br />
doivent faire l’objet d’une préparation de fruits secs ou de<br />
pro<strong>du</strong>its manufacturés.<br />
Dans le premier cas, <strong>les</strong> fruits, débarrassés sur place de<br />
leurs sétu<strong>les</strong> vulnérantes, sont emballés pêle-mêle dans ces<br />
sortes de paniers de transports que l’on nomme, dans le<br />
pays, Cacaxtle ou Jacal, et sont dirigés ainsi par convois<br />
1. Ou donnait le nom de Tamemes aux Indiens que l’on employait<br />
alors comme portefaix.
chapitRe viii 135<br />
sur <strong>les</strong> lieux de vente. Grâce à leur épiderme épais et lustré,<br />
ces fruits peuvent résister à l’évaporation et se conserver<br />
à l’état frais pendant souvent près d’un mois.<br />
Quant à ce qui est de la préparation des fruits secs ou<br />
Tunas passadas, pour que leur dessiccation s’effectue dans<br />
de bonnes conditions, on commence par <strong>les</strong> débarrasser de<br />
la couche superficielle de leur épiderme, afin de faciliter<br />
l’évaporation de l’eau contenue dans <strong>les</strong> tissus ; cette opé-<br />
ration assez délicate s’effectue néanmoins très rapidement<br />
grâce à la dextérité de ceux qui ont coutume de la prati-<br />
quer, elle consiste en un pelage au couteau par un mou-<br />
vement tailladant.<br />
Les fruits, ainsi débarrassés de leur couche protectrice,<br />
sont exposés en plein soleil sur des claies construites avec<br />
des bambous ou d’autres tiges longues d’arbustes que l’on<br />
assemble à l’aide de courroies de cuir ou de fibre d’Agave 1 .<br />
Ce séchage demande environ une quinzaine de jours ; on<br />
reconnaît que l’opération est terminée, lorsque <strong>les</strong> fruits se<br />
revêtent d’une légère efflorescence cendrée qui est consti-<br />
tuée, en grande partie, par <strong>les</strong> matières sucrées et mucila-<br />
gineuses exsudées par la masse charnue <strong>du</strong> fruit.<br />
Ces Tunas passadas sont ensuite empaquetées dans des<br />
corbeil<strong>les</strong> tressées ou dans de petites caisses, où el<strong>les</strong><br />
peuvent alors se conserver aussi longtemps que <strong>les</strong> autres<br />
fruits secs, tels que figues, raisins, pêches, goyaves, etc., et<br />
qui sont <strong>du</strong> reste préparés, dans ces localités, par le même<br />
procédé.<br />
Habituellement, <strong>les</strong> Tunas passadas sont préparées avec<br />
<strong>les</strong> espèces ou variétés cultivées tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que l’on<br />
nomme Tunas mansas ou, à leur défaut, avec <strong>les</strong> sauvages<br />
donnant des fruits suffisamment volumineux. Pour cette<br />
préparation, on choisit de préférence <strong>les</strong> fruits de couleur<br />
claire, car ceux qui ont une teinte rouge un peu foncée<br />
deviennent complètement noirs par la dessiccation, ce qui<br />
déprécie la marchandise en la rendant moins appétissante.<br />
1. Ce genre de claie que l’on peut facilement étendre et rouler sur<br />
elle-même lorsqu’on n’en fait pas usage, se nomme dans le pays<br />
Tapextle.
136 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les pro<strong>du</strong>its manufacturés que l’on obtient avec <strong>les</strong> fruits<br />
de Nopals s’élaborent encore, actuellement, par des pro-<br />
cédés et un matériel restés tout ce qu’il y a de plus pri-<br />
mitifs.<br />
Ces pro<strong>du</strong>its, que l’on différencie commercialement sous<br />
<strong>les</strong> noms de Miel, Melcocha, Queso de Tuna, sont le résultat<br />
de la cuisson et de l’évaporation <strong>du</strong> jus fourni par <strong>les</strong><br />
Tunas. Cette opération s’effectue dans des bassines de métal<br />
ou de poterie que l’on chauffe sur un fourneau de fortune<br />
construit sommairement avec des pierres et de l’argile, et<br />
pour lequel on utilise, comme combustible, le bois sec que<br />
l’on rencontre dans <strong>les</strong> environs.<br />
Les fruits de Nopals destinés à cette manutention sont<br />
pelés aussitôt leur récolte et placés dans un récipient que<br />
le moissonneur porte avec lui et qui est exclusivement<br />
affecté au transport des Tunas pelées vers <strong>les</strong> lieux où doit<br />
s’opérer le traitement. Ces fruits sont alors cuits tels que,<br />
ou exprimés à l’aide d’un nouet, ou encore d’une sorte de<br />
moulin malaxeur, qui permet, dans une seule opération,<br />
d’éliminer <strong>les</strong> graines et de pro<strong>du</strong>ire un jus suffisamment<br />
limpide 1 .<br />
miel de tuna. — Dans la préparation de cette denrée,<br />
l’expression et le tamisage <strong>du</strong> jus <strong>du</strong> fruit sont rarement<br />
pratiqués, on se contente seulement de charger <strong>les</strong> bassines<br />
avec une certaine quantité de fruits pelés, que l’on chauffe<br />
gra<strong>du</strong>ellement jusqu’à ce que la masse se liquéfie et entre<br />
en ébullition ; on ajoute alors, peu à peu, une nouvelle quan-<br />
tité de fruits afin de régulariser la cuisson et d’avoir en<br />
même temps un certain volume en traitement. Lorsque la<br />
liquéfaction de la charge est complète, on procède, à l’aide<br />
d’une passoire, à l’écumage et à l’enlèvement des graines<br />
qui, au cours de l’opération, se sont précipitées au fond de<br />
la cuve, puis on recommence à chauffer régulièrement afin<br />
1. Consulter à ce sujet le travail très documenté et très circonstancié<br />
de david gRiFFiths et haRe : The tuna as food for man, U. S.<br />
Department of Agriculture, Bureau of plant in<strong>du</strong>stry (Bulletin n°116,<br />
1907).
chapitRe viii 137<br />
d’amener par évaporation le tout à la consistance de miel<br />
d’abeille. On verse alors la masse épaissie dans des réci-<br />
pients de bois où on la brasse à l’aide d’une palette jusqu’à<br />
ce qu’elle soit complètement refroidie, puis on l’abandonne<br />
au repos pendant environ vingt-quatre heures, avant de la<br />
répartir dans <strong>les</strong> bouteil<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> vases de terre cuite qui<br />
serviront pour sa conservation et sa mise en vente sur <strong>les</strong><br />
marchés.<br />
L’aspect de ce Miel de Tuna rappelle assez, par sa couleur<br />
et sa consistance, la mélasse de canne à sucre ; ce pro<strong>du</strong>it<br />
peut se conserver pendant plusieurs années ; néanmoins, il<br />
finit par se prendre en masse solide par suite de la cristalli-<br />
sation de la grande quantité de sucre contenue.<br />
melcocha. — La préparation de la Melcocha s’effectue,<br />
comme la précédente, avec des Tunas pelées ; ces dernières,<br />
alors, sont passées au moulin malaxeur, puis, avec le liquide<br />
qui s’écoule de cet appareil, on remplit aux deux tiers <strong>les</strong><br />
bassines de cuisson et l’on fait bouillir pendant près d’une<br />
heure sur un feu assez vif, en ayant soin d’ajouter de temps<br />
en temps une nouvelle quantité de jus, afin de régler l’ébul-<br />
lition et en même temps de maintenir dans la cuve un ni-<br />
veau à peu près constant.<br />
Au début de l’opération, il se pro<strong>du</strong>it une quantité<br />
d’écume assez abondante, mais qui finit par disparaître<br />
d’elle-même lorsque le sirop s’épaissit ; cette opération <strong>du</strong>re<br />
à peu près le même temps que celle de la préparation <strong>du</strong><br />
Miel de Tuna, c’est-à-dire quatre ou cinq heures. La matière,<br />
ensuite, est maintenue chaude pendant un temps plus ou<br />
moins long, afin que l’évaporation se continue lentement et<br />
que la masse cuite acquière le degré de consistance voulu,<br />
on reconnaît que ce point est atteint quand une prise d’essai<br />
faite à la cuiller montre une pâte suffisamment liée, mais<br />
ne restant pas attachée à la cuiller.<br />
La Melcocha peut être conservée dans des vases de terre<br />
non bouchés, c’est le mode le plus usité pour sa conserva-<br />
tion dans <strong>les</strong> emmagasinages ; on la conserve néanmoins<br />
par petites quantités en l’enveloppant dans des feuil<strong>les</strong> de
138 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
maïs, c’est sous cette forme qu’elle se vend le plus couram-<br />
ment au détail sur <strong>les</strong> marchés mexicains.<br />
La solidification intégrale de la Melcocha commence au<br />
bout d’un mois ou deux ; la matière devient, comme pour le<br />
Miel de Tuna, de plus en plus consistante avec le temps.<br />
queso de tuna. — Ce dernier pro<strong>du</strong>it n’est que de la<br />
Melcocha ayant subi une préparation plus complète ; en<br />
effet, la manipulation de début est la même, sauf que la<br />
cuisson est poussée un peu plus loin, mais au lieu de laisser<br />
la masse cuite se refroidir lentement, on lui fait subir,<br />
comme dans l’élaboration <strong>du</strong> Miel de Tuna, un malaxage à<br />
la palette afin de la refroidir brusquement et d’arrêter<br />
l’évaporation. Quand la température est devenue assez basse<br />
pour qu’on puisse toucher la masse cuite à la main sans<br />
risque de brûlure, on la laisse reposer pendant un jour ou<br />
deux, en ayant soin de couvrir le récipient où elle est con-<br />
tenue, puis on lui fait subir un pétrissage sur une table,<br />
suivi immédiatement d’un battage sur une dalle de pierre<br />
que l’on a eu soin d’humecter, au préalable, afin d’éviter<br />
son adhérence avec la niasse plastique. Cette ultime opé-<br />
ration, qui a pour but de donner une certaine soup<strong>les</strong>se au<br />
pro<strong>du</strong>it manufacturé en l’amenant à la consistance d’une<br />
pâte de fromage, d’où <strong>du</strong> reste lui vient le nom de Queso<br />
(fromage), est la plus laborieuse et la plus difficile de toute<br />
la fabrication.<br />
Le battage s’exécute en prenant une masse d’environ une<br />
dizaine de kilogrammes et en la projetant, d’une certaine<br />
hauteur, avec force et un grand nombre de fois, sur la dalle<br />
de pierre. Cette opération, pour être bien réussie, demande<br />
à être menée vivement et sans arrêt ; comme elle est très<br />
fatigante, elle requiert presque toujours le concours de<br />
deux ouvriers.<br />
Après cette énergique manipulation, le Queso de Tuna est<br />
terminé, on le met alors en forme dans de petites caisses<br />
ou de petits paniers que l’on a eu soin d’humecter préala-<br />
blement afin d’éviter l’adhérence <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it avec son<br />
moule.
chapitRe viii 139<br />
Le Queso de Tuna se conserve très longtemps lorsqu’on<br />
le place dans un endroit frais et sec, il finit, néanmoins,<br />
comme <strong>les</strong> autres pro<strong>du</strong>its in<strong>du</strong>striels de la Tuna, par se<br />
<strong>du</strong>rcir ; pour éviter cet inconvénient, on le conserve parfois<br />
en l’enveloppant d’une feuille de papier d’étain.<br />
colonche. — Le Colonche est une boisson fermentée<br />
assez alcoolique que l’on obtient par la fermentation <strong>du</strong> jus<br />
exprimé de plusieurs espèces de Tunas. Ce breuvage, d’une<br />
saveur sucrée et d’une belle couleur rouge, est très apprécié<br />
des indigènes qui en font l’objet d’une préparation et d’une<br />
consommation à peu près journalière tout le temps que<br />
<strong>du</strong>re la fructification des Nopals.<br />
Comme cette sorte de vin ne se conserve dans un état<br />
convenable pour la consommation qu’une quinzaine de<br />
jours tout au plus, il s’ensuit qu’il ne peut, <strong>du</strong> moins avec<br />
<strong>les</strong> procédés habituels de conservation, faire l’objet d’une<br />
exportation comme <strong>les</strong> autres pro<strong>du</strong>its obtenus avec <strong>les</strong><br />
Tunas ; il résulte, de ce fait, que sa fabrication et son usage<br />
se trouvent limités au pays de pro<strong>du</strong>ction.<br />
Cette in<strong>du</strong>strie, forcément restreinte, rappelle beaucoup<br />
celle qui se fait sur <strong>les</strong> plateaux de l’Anahuac avec le suc<br />
fermenté de l’Agave, ou Pulque, et, comme ce dernier, dont<br />
la pro<strong>du</strong>ction la plus renommée est celle des Llanos de<br />
Apam, le Colonche le plus réputé est celui que l’on obtient<br />
dans l’État de San Luis Potosi, où <strong>les</strong> plantations de Nopals<br />
sont plus ou moins réservées à sa fabrication.<br />
L’origine <strong>du</strong> mot Colonche paraît être inconnue ; il est<br />
vraisemblable que, comme celle de Pulque, cette dénomination<br />
fut d’importation espagnole. Les Nahuatls dési-<br />
gnaient ce pro<strong>du</strong>it sous le nom de Nochoctli (vin de Cactus),<br />
comme ils désignaient le Pulque sous celui de Metoctli<br />
(vin d’Agave). L’invention de ces deux breuvages analogues<br />
comme emploi extrêmement localisé, paraît bien remonter<br />
à une époque assez ancienne.<br />
La préparation <strong>du</strong> Colonche était pratiquée très couramment<br />
par <strong>les</strong> tribus sauvages, aujourd’hui complètement<br />
éteintes, qui peuplaient jadis le vaste territoire que <strong>les</strong><br />
Nahuatls désignaient sous le nom de Chichimecatlali.
140 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Le Père Alegre nous donne une idée de l’usage que <strong>les</strong><br />
Indiens faisaient de cette boisson au début de la coloni-<br />
sation espagnole, lorsqu’il nous dit : 1<br />
« La matière première de laquelle <strong>les</strong> Indiens retirent<br />
» leur vin est la Tuna.<br />
» Les femmes font le vin chaque trois jours, et <strong>les</strong> In-<br />
» diens en boivent largement jusqu’à perdre la raison.<br />
» Le procédé, pour obtenir ce vin, consiste à enlever la<br />
» pelure <strong>du</strong> fruit et à passer ensuite sa pulpe dans une sorte<br />
» de tamis de paille, afin d’en obtenir un liquide clair que<br />
» l’on chauffe soit au soleil soit sur le feu ; au bout d’une<br />
» heure, la fermentation se pro<strong>du</strong>it d’une façon très active.<br />
» Comme cette espèce de vin n’est pas très forte, l’ivresse<br />
» <strong>du</strong>re peu, aussi <strong>les</strong> Indiens recommencent-ils à boire.<br />
» La Tuna <strong>du</strong>re sept ou huit mois, ceux qui possèdent la<br />
» plante à proximité de leur habitation sont per<strong>du</strong>s par<br />
» l’occasion ; ceux qui sont obligés d’aller la récolter au<br />
» loin abandonnent leur lieu d’habitation, en ne laissant<br />
» pour la garde qu’un vieux ou une vieille. »<br />
Le procédé de fabrication <strong>du</strong> Colonche, tel qu’il se pratique<br />
de nos jours, n’a subi que très peu de modifications<br />
depuis l’époque ancienne, de sorte qu’il constitue une sur-<br />
vivance d’anciennes coutumes.<br />
Vu le peu de <strong>du</strong>rée de la conservation <strong>du</strong> Colonche,<br />
l’usage de cette boisson alcoolique se trouve ré<strong>du</strong>it aux pays<br />
de pro<strong>du</strong>ction, et quoique certaines haciendas puissent<br />
parfois en pro<strong>du</strong>ire des quantités relativement importantes<br />
pour l’approvisionnement des marchés, sa préparation cou-<br />
rante constitue plutôt un travail ménager qu’une véritable<br />
entreprise in<strong>du</strong>strielle, aussi, pour cette raison, la fabri-<br />
cation <strong>du</strong> Colonche est-elle, comme aux temps anciens,<br />
laissée aux soins et à l’initiative des femmes.<br />
Le mode de préparation <strong>du</strong> Colonche, tel qu’il est pratiqué<br />
aujourd’hui, consiste à prendre des Tunas pelées et<br />
à <strong>les</strong> exprimer soit au nouet, soit au moyen <strong>du</strong> moulin<br />
1. alegRe. — Historia de la Compania de Jesus en Mexico, I,<br />
p. 281.
chapitRe viii 141<br />
malaxeur. Le jus limpide qui s’en écoule est maintenu<br />
pendant deux ou trois heures en ébullition lente et légère ;<br />
de temps en temps, on ajoute un peu de nouveau liquide<br />
afin de compenser la perte <strong>du</strong>e à l’évaporation ; une fois<br />
bouilli, le liquide est refroidi puis abandonné à la fermen-<br />
tation spontanée ; quelquefois, pour accélérer le départ de<br />
cette dernière, on ajoute un peu de vieux Colonche ou<br />
encore quelques écorces <strong>du</strong> fruit qui contiennent alors un<br />
ferment d’une constitution spéciale.<br />
La fermentation s’opère rapidement en quelques heures ;<br />
une fois cette dernière terminée, le Colonche peut être<br />
consommé immédiatement ; au début, cette boisson est<br />
légèrement sucrée et d’un goût très agréable, mais avec le<br />
temps elle finit toujours par s’aigrir, c’est <strong>du</strong> reste ce qui<br />
a lieu avec le Pulque ou vin d’Agave. En somme, ces deux<br />
boissons, à part la couleur, ont de nombreux points de<br />
ressemblance.<br />
La fermentation <strong>du</strong> Colonche n’est pas une fermentation<br />
alcoolique ordinaire, elle est <strong>du</strong>e, d’après une remarquable<br />
étude de M. Lutz, à un ferment symbiotique présentant de<br />
grandes analogies avec celui <strong>du</strong> kéfir 1 . Ce ferment, que l’on<br />
désigne sous le nom de Tibi, est constitué par l’association<br />
de deux types très différents de germes, dont l’un est<br />
aérobie et l’autre anaérobie ; ils sont figurés, dans le pre-<br />
mier cas, par un Bacille, et dans le second, par une Torule.<br />
C’est par la symbiose de ces deux éléments que s’effectue<br />
la fermentation alcoolique <strong>du</strong> Colonche, car, ainsi que le<br />
démontre l’expérience, si l’on sépare chacun de ces deux<br />
éléments et qu’on <strong>les</strong> cultive en milieux différents, aucun<br />
ne sera capable de pro<strong>du</strong>ire de l’alcool.<br />
Il semble que cette levure est sinon la même, <strong>du</strong> moins<br />
l’analogue de celle que <strong>les</strong> Nahuatls désignaient sous le<br />
nom d’Octpatli (médecine <strong>du</strong> vin), et dont on se sert encore<br />
1. L. lutz. — Le tibi (Comptes ren<strong>du</strong>s de la Société de Biologie,<br />
p. 1124, 1898) ; Recherches biologiques sur la constitution <strong>du</strong> tibi et<br />
Nouvel<strong>les</strong> recherches sur le tibi (Bulletin de la Société mycologique de<br />
France, pp. 68 et 157, 1899).
142 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
aujourd’hui dans certaines circonstances pour activer la<br />
fermentation <strong>du</strong> Pulque.<br />
Le Colonche, comme <strong>du</strong> reste toutes <strong>les</strong> autres préparations<br />
de Tunas, peut s’obtenir avec n’importe quels fruits<br />
de Nopals, souvent même on mélange plusieurs espèces de<br />
façon à avoir une même coloration ; c’est ainsi, par exemple,<br />
que, lorsqu’on n’a à sa disposition que des fruits blancs,<br />
on a soin d’ajouter une certaine quantité de fruits forte-<br />
ment colorés, même quand ceux-ci ne sont pas comestib<strong>les</strong>,<br />
c’est alors que l’on a parfois recours au fruit à chair rouge<br />
écarlate de l’O. orbiculata Salm-Dyck, vulgairement nommé<br />
Tuna pintadera, fruit insipide et peu comestible que <strong>les</strong><br />
indigènes emploient comme succédané de la cochenille dans<br />
la teinture et dans la peinture et aussi dans leurs prépa-<br />
rations culinaires lorsqu’il s’agit de colorer <strong>les</strong> mets ou <strong>les</strong><br />
boissons.<br />
Dans l’État de San Luis Potosi, où la consommation<br />
journalière <strong>du</strong> Colonche paraît être plus grande que partout<br />
ailleurs dans la région nord-ouest <strong>du</strong> Mexique, on a surtout<br />
recours pour sa préparation au fruit de l’O. Cardona Web.<br />
qui, comme on le sait, est le Nopal le plus pro<strong>du</strong>ctif et le<br />
plus répan<strong>du</strong> de cette contrée.<br />
Pour tirer parti des déchets et des pro<strong>du</strong>its de rebut <strong>du</strong><br />
traitement in<strong>du</strong>striel des Nopals, on a parfois soumis <strong>les</strong><br />
épluchures des fruits à la fermentation puis à la distillation<br />
pour obtenir une sorte d’Aguardiente, mais ce pro<strong>du</strong>it, ainsi<br />
que celui résultant de la distillation <strong>du</strong> Colonche vieux et<br />
aigri, n’a pas eu beaucoup de succès à cause des éthers et<br />
alcools lourds qu’il contient en plus ou moins grande quan-<br />
tité et qui peuvent procurer une ivresse dangereuse. On a<br />
également tenté d’utiliser sans plus de réussite la grande<br />
quantité de graines résultant des traitements et avec<br />
<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> anciens indigènes fabriquaient une sorte de<br />
farine. Jusqu’à présent, aucun de ces essais n’a amené de<br />
résultats satisfaisants, aussi utilise-t-on aujourd’hui tous<br />
ces déchets soit dans l’alimentation <strong>du</strong> bétail, soit sim-<br />
plement comme engrais pour régénérer <strong>les</strong> terres trop<br />
appauvries.
« Pedro Pena »<br />
devrait être<br />
« Pierre Pena »!<br />
CHAPITRE IX<br />
CÉRÉÉES<br />
Historique. — Caractères et subdivisions. — Echinocereus. —<br />
Cierges ailés. — Cephalocereus. — Cierges colomnaires. —<br />
Pitayos et Cardones. — Absence de polymorphisme chez ces<br />
derniers. — Différentes espèces de Pitayos et formes pouvant<br />
s’y rattacher. — Cierges à liges rampantes. — Pitahayas. —<br />
Cierges à racines tubéreuses. — Garambullos.<br />
Le nom de Cierge ou de Cereus est presque aussi ancien<br />
que celui d’Opuntia ; on le voit figurer dans <strong>les</strong> traités de<br />
botanique <strong>du</strong> xvi e siècle, tels que ceux, par exemple, de<br />
Pena (1572) et Dalechamps (1586-87) 1 , où il fait l’objet<br />
d’une courte description accompagnée d’une figure exécutée<br />
schématiquement et mise en parallèle avec celle d’un<br />
Figuier d’Inde.<br />
Le terme Cereus ou Cerexus, comme on le trouve orthographié<br />
dans un des ouvrages cités ci-dessus, servait au<br />
début, ainsi que parfois celui de Melecar<strong>du</strong>us Indiæ occi<strong>du</strong>æ<br />
ou Echino-melocactus, à désigner toutes <strong>les</strong> séries de<br />
Cactacées dont <strong>les</strong> tiges étaient soit globuleuses, soit colom-<br />
naires et sillonnées de côtes longitudina<strong>les</strong> ; il englobait<br />
alors confusément ce que l’on a depuis différencié sous <strong>les</strong><br />
noms génériques de Echinocactus, Melocactus et Cereus<br />
véritab<strong>les</strong> 2 .<br />
1. pedRo pena et matthias de l’obel.. — Nora stirpium adversaria,<br />
1 vol. in-fol., Londres, 1570, Anvers, 1576.<br />
dalechamps. — Histoire générale des plantes contenant 18 livres,<br />
faite française par Jean des moulins, Lyon. 1615, 2 vol. in-fol., tra<strong>du</strong>ite<br />
de l’édition latine, Lyon, 1587.<br />
2. touRneFoRt réunissait toutes <strong>les</strong> Cactacées qui ne faisaient pas<br />
partie des Opuntia sous la rubrique de Melocactus, nom qu’il avait
144 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Le nom de Cereus, en tant que terme générique, avait<br />
bien été adopté par Bauhin, mais il ne paraît avoir été défi-<br />
nitivement admis dans la nomenclature botanique qu’après<br />
Miller qui, dans son Gardeners’ Dictionary, s’en servit pour<br />
établir une distinction bien nette de ce qu’alors on nommait<br />
dans le langage populaire : Chardon en flambeau, Cardo,<br />
Cardindo, Cardon, Cirio, Cierge, Organo, et pour <strong>les</strong>quels<br />
Plumier avait auparavant proposé le nom d’Echinomelocactus<br />
arborescens.<br />
La fleur des Cereus, ainsi que celle des autres genres qui<br />
en ont été détachés, se différencie d’une façon bien tranchée<br />
de celle des Opuntiées ; elle consiste en un tube plus ou<br />
moins long terminé par une corolle souvent bien étalée.<br />
Actuellement, on peut répartir <strong>les</strong> Cierges mexicains en<br />
sept séries principa<strong>les</strong> qui sont basées sur <strong>les</strong> caracté-<br />
ristiques fournies par l’allure générale et <strong>les</strong> particularités<br />
des tiges et des racines.<br />
Ces sept séries sont :<br />
1° Echinocereus ;<br />
2° Cierges colomnaires ou Céréastres ;<br />
3° Cierges rampants, grimpants ou serpentiformes ;<br />
4° Cierges à racines tubéreuses ;<br />
5° Cierges à apex laineux ou Cephalocereus ;<br />
6° Cierges ailés ;<br />
7° Cierges aberrants ou Carambullos 1 ;<br />
Les Echinocereus, ainsi que <strong>les</strong> Cierges ailés, sont considérés<br />
par beaucoup de botanistes comme devant former<br />
deux groupes distincts des Cereus proprement dits ; car<br />
chacun des deux constitue un groupe très homogène et très<br />
délimité qu’il est facile de reconnaître à première vue à<br />
proposé pour désigner toutes <strong>les</strong> Cactacées dont la tige, plus ou moins<br />
ovoïde à ses débuts, était sillonnée par des côtes longitudina<strong>les</strong>, et<br />
rappelait ainsi la configuration d’un melon.<br />
1. Les Cleistocactus, <strong>les</strong> Echinopsis, <strong>les</strong> Schlumbergera, etc., sont<br />
considérés comme faisant partie des Céréées, comme sous-genres ou<br />
comme genres distincts ; mais comme ils sont exclusivement originaires<br />
de l’Amérique <strong>du</strong> Sud, ils ne peuvent figurer ici.
chapitRe ix 145<br />
leur allure et à la conformation des rameaux. Le premier<br />
se caractérise par ses tiges, courtes, mol<strong>les</strong>, basses, cespiteuses,<br />
souvent réunies en touffes gazonnantes ; par son<br />
ovaire épineux, par son stigmate d’un vert franc et par ses<br />
graines tuberculées, il représente la forme primitive <strong>du</strong><br />
genre Cereus.<br />
Il est exclusivement originaire <strong>du</strong> Mexique et <strong>du</strong> sud des<br />
États-Unis où, dans ce dernier pays, il est représenté par<br />
l’Echinocereus viridiflorus Engelm., qui est, avec l’Opuntia<br />
fragilis Haw., l’O. Opuntia Karst. et aussi quelques Mamillaria,<br />
<strong>les</strong> représentants <strong>les</strong> plus septentrionaux de la famille<br />
des Cactacées ; on rencontre ces espèces de genre différent<br />
vivant côte à côte dans <strong>les</strong> Montagnes Rocheuses jusqu’au<br />
40e degré de latitude où ils sont exposés et adaptés aux froids<br />
<strong>les</strong> plus rigoureux.<br />
Au point de vue économique, <strong>les</strong> Echinocereus que <strong>les</strong><br />
indigènes mexicains désignent sous <strong>les</strong> noms de Pitaytos<br />
ou de Alicoches et <strong>les</strong> Américains sous celui de Strawberrycactus,<br />
fournissent des baies comestib<strong>les</strong> dont certaines<br />
sont assez appréciées et qui, dans l’État de San Luis Potosi,<br />
comme le rapporte le Dr Strasberry -><br />
Strawberry<br />
Weber, étaient très recherchées,<br />
lors de l’époque de l’intervention, par <strong>les</strong> soldats français<br />
qui <strong>les</strong> nommaient Fraises <strong>du</strong> désert.<br />
Les Cereus ailés, eux, quoique donnant pour la plupart<br />
des fruits de saveur agréable, ne sont pas considérés par<br />
<strong>les</strong> indigènes comme faisant partie, à proprement parler,<br />
des espèces à fruits comestib<strong>les</strong> ; on <strong>les</strong> recherche surtout<br />
pour la beauté de leur floraison ; ils sont tous épiphytes ou<br />
saxico<strong>les</strong> et sont facilement reconnaissab<strong>les</strong> à la conformation<br />
aplatie et décombante de leurs tiges, dont la réunion<br />
forme des touffes sur <strong>les</strong> arbres ou <strong>les</strong> rochers, rappelant<br />
un peu, chez certaines espèces, <strong>les</strong> frondaisons des Fougères<br />
Aspléniées, ce qui leur a valu le nom de Cactacées à<br />
feuil<strong>les</strong> de Scolopendre ; <strong>les</strong> Nahuatls <strong>les</strong> comprenaient<br />
sous la dénomination collective de Xochilquezaltic (fleur<br />
ou plante en forme de plumes cauda<strong>les</strong> <strong>du</strong> couroucou dit<br />
quezatlotol).<br />
10
146 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Au Mexique, ces Cactacées à feuil<strong>les</strong> de Scolopendre sont<br />
représentées par quelques espèces dont <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> sont<br />
<strong>les</strong> Nopalxochia phyllantoides Britt. et Rose, Epiphyllum<br />
Ackermannii Haw., oxypetalum Haw. et anguliger Don ; ce<br />
dernier, que <strong>les</strong> indigènes actuels désignent sous le nom de<br />
Jarrana, paraît être plutôt particulier aux grandes forêts<br />
<strong>du</strong> versant pacifique, tandis que <strong>les</strong> trois autres se rencontrent<br />
surtout dans l’État de Vera-Cruz.<br />
Dans le rôle que la nature semble bien avoir attribué à<br />
ces deux termes extrêmes <strong>du</strong> genre, <strong>les</strong> Echinocereus remplissent<br />
<strong>les</strong> fonctions des formes naines et gazonnantes<br />
auxquel<strong>les</strong> incombe la première étape dans la transformation<br />
des terrains incultes et stéri<strong>les</strong>, leur organisme<br />
étant alors merveilleusement adapté pour la résistance aux<br />
longues sécheresses ainsi qu’aux alternatives brusques de<br />
température et d’humidité. Les Cierges ailés, au contraire,<br />
représentent <strong>les</strong> indivi<strong>du</strong>s tout à fait transformés et devenus<br />
inaptes à la résistance contre <strong>les</strong> moindres sécheresses, aussi<br />
vivent-ils dans l’atmosphère humide de la grande forêt<br />
tropicale.<br />
Les jeunes rameaux des Cierges ailés rappellent chez<br />
beaucoup d’espèces la tige des Cierges ; ils offrent à leur<br />
début des contours cylindriques ou prismatiques et ce n’est<br />
qu’en se développant qu’ils acquièrent la structure aplatie<br />
et ailée qui est la caractéristique de la série. En somme, <strong>les</strong><br />
Cierges ailés peuvent être considérés comme étant la forme<br />
la plus évoluée <strong>du</strong> phylum des Cereus et, comparativement<br />
à ce que l’on voit chez <strong>les</strong> Opuntiées, ils sont à peu de chose<br />
près aux Cierges grimpants ce que <strong>les</strong> Nopalea sont aux<br />
Opuntia <strong>du</strong> sous-genre Platyopuntia.<br />
Quant à ce qui est des Cephalocereus, plusieurs auteurs<br />
sont d’accord pour <strong>les</strong> séparer des Cereus proprement dits<br />
et en faire un genre à part, se caractérisant à première vue<br />
par une terminaison apicale plus ou moins sétacée ou laineuse,<br />
que l’on désigne sous le nom de cephalium.<br />
Comme <strong>les</strong> espèces qui correspondent à cette forme particulière,<br />
à part le Cephalocereus chrysacanthus Britt. et Rose
chapitRe ix 147<br />
(fig. 96), ne donnent pas à proprement parler de fruits<br />
comestib<strong>les</strong>, mais seulement chez certaines espèces une<br />
fibre laineuse in<strong>du</strong>striellement utilisable, ils seront l’objet<br />
d’un chapitre spécial.<br />
Pour le moment, on ne fera ici que l’étude des Cierges<br />
susceptib<strong>les</strong> de donner une pro<strong>du</strong>ction alimentaire compa-<br />
rable à celle des Opuntia, ceux-ci sont alors représentés par<br />
<strong>les</strong> quatre séries des Cierges colomnaires, des Cierges ram-<br />
pants, des Cierges à racines tuberculisées et de ces Cierges<br />
aberrants que l’on nomme vulgairement Carambullos.<br />
1<br />
CIERGES COLOMNAIRES<br />
Les représentants de cette série sont caractérisés par des<br />
formes arborescentes ou frutescentes donnant dans certains<br />
cas des tiges parfaitement droites et disposées symétrique-<br />
ment sur un tronc unique, de manière à figurer vaguement<br />
un jeu de tuyaux d’orgue, ce qui leur a valu de la part des<br />
Espagnols le nom d’Organos (Pachycereus marginatus Britt.<br />
et Rose, Lemaireocereus Weberi Britt. et Rose), où, au contraire,<br />
<strong>les</strong> tiges se montrent plus ou moins flexueuses et<br />
décombantes (Acanthocereus pentagonus Britt. et Rose,<br />
Machærocereus gummosus Britt. et Rose, Machærocereus<br />
flexuosus Britt. et Rose (fig. 41).<br />
On répartit cette série de Cierges en deux groupements<br />
assez bien caractérisés si on ne <strong>les</strong> considère qu’à un point<br />
de vue purement économique, mais qui sont discutab<strong>les</strong> si<br />
On <strong>les</strong> envisage selon la systématique adoptée : ce sont ceux<br />
que <strong>les</strong> indigènes désignent sous <strong>les</strong> noms de Pitayos et de<br />
Cardones et qui correspondent en partie à ceux pour<br />
<strong>les</strong>quels Britton et Rose ont créé <strong>les</strong> subdivisions géné-<br />
riques de Lemaireocereus et de Pachycereus 1 .<br />
1. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />
America (Contributions from the U. S. national herbarium, vol. 12,<br />
part. 10, p. 413).
148 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Ces deux subdivisions établissent une différenciation bien<br />
tranchée entre <strong>les</strong> Cierges fruitiers, dont <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its riva-<br />
lisent sur <strong>les</strong> marchés avec ceux des Nopa<strong>les</strong>, et <strong>les</strong> formes<br />
massives et géantes que <strong>les</strong> Espagnols désignaient plus<br />
particulièrement sous <strong>les</strong> dénominations vulgaires de Cardos,<br />
Cardindos, Cardones et qui, à part quelques exceptions, ne<br />
donnent pas à proprement parler de fruits comestib<strong>les</strong> 1 .<br />
Un fait à prendre en considération, c’est que le poly-<br />
morphisme, qui est presque un caractère général chez la<br />
plupart des Platyopuntia, n’existe pour ainsi dire pas chez<br />
<strong>les</strong> représentants de ces deux subdivisions, aussi <strong>les</strong> espèces<br />
peuvent-el<strong>les</strong> être exactement définies. Ce fait doit être impu-<br />
table en grande partie à ce que ces espèces sont réparties<br />
indivi<strong>du</strong>ellement sur des zones auxquel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> sont bien<br />
adaptées et qui leur sont propres ; de plus, lorsque des<br />
espèces différentes ont le même habitat (Lemaireocereus<br />
Thurberi Britt. et Rose, Machærocereus gummosus Britt. et<br />
Rose), leurs floraisons n’ont pas lieu à la même époque, ce<br />
qui, sauf de rares exceptions, <strong>les</strong> met à l’abri des fécon-<br />
dations croisées.<br />
Les seu<strong>les</strong> variations que l’on puisse observer chez <strong>les</strong><br />
Pitayos et <strong>les</strong> Cardones résident presque uniquement dans<br />
la coloration des fruits et dans l’armature des tiges. Ainsi,<br />
chez <strong>les</strong> variétés à fruits blancs de Pitayos, on note que<br />
le port de la plante est plus trapu, que <strong>les</strong> tiges sont un<br />
peu plus épaisses et d’un vert plus clair et moins bien<br />
armées sous le rapport des aiguillons, ce qui permet alors,<br />
en dehors de l’époque de la fructification, de <strong>les</strong> distinguer<br />
des autres variétés qui, el<strong>les</strong>, en temps ordinaire, ne se<br />
différencient pas par leur aspect externe.<br />
Pour <strong>les</strong> Pachycereus, dont la coloration des fruits ne<br />
paraît pas être sujette à des différences, la variabilité porte<br />
1. Contrairement à ce qui doit être, d’après la systématique adoptée,<br />
cette subdivision basée uniquement sur l’allure générale de la plante<br />
et la nature de sa fructification, comprend un certain nombre de<br />
Cephalocereus. Néanmoins, toute irrégulière qu’elle paraisse être, elle<br />
a sa raison d’être si l’on se place au point de vue purement économique.
Fig. 41. — Machærocereus flexuosus Britt. et Rose.<br />
Environs de Manzanillo (État de Colima).
150 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
surtout sur <strong>les</strong> tiges ; c’est ainsi, par exemple, que le Pachycereus<br />
Pringlei Britt. et Rose donne, comme on le verra<br />
plus loin, des spécimens beaucoup plus corpulents et moins<br />
armés lorsqu’ils sont adaptés aux climats insulaires que<br />
lorsqu’ils végètent sous le régime continental (fig. 112) ;<br />
causes vraisemblablement <strong>du</strong>es à l’effet d’une humidité<br />
atmosphérique plus constante sur des terrains toujours<br />
très secs.<br />
L’allure générale de ces deux groupes varie dans cer-<br />
taines limites et, ainsi que paraît bien le démontrer la<br />
nature, elle est en rapport avec la configuration des terrains.<br />
Sur <strong>les</strong> parties déclives et abruptes des flancs montagneux,<br />
on rencontre plus habituellement <strong>les</strong> types à allure peu ou<br />
point ramifiée : Carnegiea gigantea Britt. et Rose, Pachycereus<br />
Columna-Trajani Britt. et Rose, Cephalocereus Hoppenstedtii<br />
Schum., Pachycereus ruficeps Britt. et Rose.<br />
Parfois cependant, dans ces mêmes régions accidentées,<br />
mais surtout au voisinage des crêtes où la situation d’ha-<br />
bitat est soumise à un régime continuel de courants aériens,<br />
on rencontre de ces spécimens très rameux qui font con-<br />
traste avec <strong>les</strong> précédents et dont la dichotomie des tiges<br />
rappelle en quelque sorte celle des Opuntia ; tels sont, par<br />
exemple, <strong>les</strong> Escontria Chiotilla Rose, Lemaireocereus<br />
Chende Britt. et Rose, Lemaireocereus Chichipe Britt. et<br />
Rose de la région escarpée de Tehuacan.<br />
Certains de ces Cierges, comme le Lemaireocereus Chichipe,<br />
peuvent dans des conditions particulières d’exposition,<br />
parvenir à un degré tellement ramifié qu’ils finissent<br />
par acquérir une cime nettement déployée en parasol<br />
(fig. 42).<br />
Dans <strong>les</strong> vallées, sur <strong>les</strong> plaines qui bordent <strong>les</strong> rivages<br />
marins ou encore dans <strong>les</strong> régions bien abritées, <strong>les</strong> repré-<br />
sentants de ce groupe affectent de préférence une forme<br />
régulière ayant des rameaux nombreux et bien disposés<br />
en candélabre : Lemaireocereus queretaroensis Safford,<br />
L. Weberi Britt. et Rose, L. Thurberi Britt. et Rose, Pachycereus<br />
Pringlei Britt. et Rose, etc.
Fig. 42. — Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose.<br />
Cerro Colorado, environs de Tehuacan (État de Puebla).
152 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Mais cependant, sur <strong>les</strong> zones avoisinant la mer, à côté<br />
de ces Cierges superbement érigés, on rencontre des formes<br />
flexueuses dont <strong>les</strong> tiges sont pour la plupart décombantes.<br />
Ces derniers viennent alors constituer par place, soit sur<br />
<strong>les</strong> rochers, soit sur <strong>les</strong> surfaces planes, de grandes et<br />
épaisses touffes (Acanthocereus pentagonus Britt. et Rose,<br />
Machærocereus gummosus Britt. et Rose).<br />
PITAYOS<br />
Pitayo, Pitahayo ou Pitajallo comme l’écrivent certains<br />
auteurs, n’est pas un terme mexicain quoiqu’il soit devenu<br />
d’un usage courant et presque exclusif dans tout le pays,<br />
lorsqu’il s’agit, dans le langage populaire, de spécifier <strong>les</strong><br />
Cierges à gros fruits comestib<strong>les</strong> et marchands. Ce terme,<br />
ainsi que beaucoup d’autres d’ailleurs, fut importé dans la<br />
Nouvelle - Espagne, lors de sa conquête, par <strong>les</strong> premiers<br />
colonisateurs qui avaient appris pendant leur séjour aux<br />
Antil<strong>les</strong> à se familiariser avec <strong>les</strong> plantes uti<strong>les</strong> américaines.<br />
Actuellement, sur le territoire mexicain, le nom de Pitayo<br />
est réservé plus particulièrement aux Cierges colomnaires<br />
fruitiers et celui de Pitahayo ou Pitajallo aux représentants<br />
des Cierges rampants ou grimpants (Hylocereus triangularis<br />
Britt. et Rose). Les premiers, quoiqu’ayant des termes<br />
plus précis pour <strong>les</strong> désigner, étaient compris par <strong>les</strong><br />
Nahuatls dans la catégorie des Zapotnochtli, c’est-à-dire des<br />
Cierges à fruits volumineux, nom collectif qui comprenait<br />
également certaines variétés cultura<strong>les</strong> de Nopals ; <strong>les</strong><br />
seconds, sous celui de Xochilalacatl (fleur allongée).<br />
Par extension, on donne <strong>les</strong> dénominations diminutives<br />
de Pitayto et de Pitahayto à différentes espèces de Cactacées<br />
pro<strong>du</strong>isant de petites baies. Ces termes s’appliquent à la<br />
plante elle-même ; <strong>les</strong> fruits sont, sur <strong>les</strong> lieux de vente,<br />
désignés par <strong>les</strong> appellations de Pitaya, Pitahaya ; Pitayta,<br />
Pitahayta.<br />
Pour ce qui est des véritab<strong>les</strong> Pitayos, <strong>les</strong> seuls de cette<br />
série de Cierges colomnaires qui nous occupent en ce<br />
moment, ils sont représentés par cinq espèces nettement
chapitRe ix 153<br />
définies et qui, toutes, végètent, détail à noter, dans des<br />
localités bien spécialisées où el<strong>les</strong> occupent pour la plupart<br />
un rang privilégié parmi <strong>les</strong> arbres fruitiers, ce sont :<br />
Pitayo de mayo, Lemaireocereus griseus Britt. et Rose,<br />
— de Queretaro, — queretaroensis Safford,<br />
— xoconostle, — stellatus Britt. et Rose,<br />
— <strong>du</strong>lce, — Thurberi Britt. et Rose,<br />
— agrio, Machæocereus gummosus Britt. et Rose.<br />
A ce premier groupe on peut encore en rattacher deux<br />
autres dont l’un comprend trois espèces qui, toutes trois,<br />
sont originaires <strong>du</strong> sud de l’État de Puebla et ne se rencontrent<br />
là que sur une aire de dispersion assez ré<strong>du</strong>ite,<br />
ce sont : <strong>les</strong> Escontria Chiotilla Rose, Lemaireocereus<br />
Chende Britt. et Rose, Lemaireocereus Chichipe Britt. et<br />
Rose.<br />
A l’autre subdivision correspond une seule espèce jusqu’ici<br />
connue et qui est représentée par le Carnegiea<br />
gigantea Britt. et Rose, <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique et <strong>du</strong> sud-ouest<br />
des États-Unis ; c’est une forme en général très peu ramifiée,<br />
remarquable par sa corpulence et sa taille élevée qui peut,<br />
dit-on, chez <strong>les</strong> spécimens très développés, atteindre une<br />
stature voisine de 30 mètres. Ce géant de la famille des<br />
Cactacées se rattache aussi bien par ses côtés morphologiques<br />
que par la nature de sa fructification aux Lemaireocereus<br />
et aux Pachycereus, entre <strong>les</strong>quels il paraît, par certains<br />
côtés, sinon faire la transition, <strong>du</strong> moins en réunir <strong>les</strong><br />
particularités.<br />
Les Pitayos de mayo et de Queretaro, qui sont réputés<br />
comme <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> meilleures et <strong>les</strong> plus marquantes<br />
des contrées de moyenne altitude (1.000 à 1.500 mètres),<br />
ont l’avantage de donner des fruits beaucoup plus savoureux<br />
que ceux des Nopals ; ils sont, pour cette raison, plus<br />
appréciés aussi bien comme alimentation fruitière de saison<br />
que comme alimentation hygiénique.<br />
D’après Manuel Orozco y Berra, <strong>les</strong> propriétés médicina<strong>les</strong><br />
des fruits de Pitayos furent mises en vogue au temps<br />
<strong>du</strong> vice-roi Enriquez de Almanzu qui, par l’emploi de ces<br />
fruits, guérit nombre de maladies ; l’auteur ajoute que ces
154 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
effets sont analogues à ceux de la Tuna, seulement la petitesse<br />
des graines a un avantage sur celle-ci au point de vue<br />
thérapeutique 1 .<br />
Si l’usage et la culture de ces Cactacées ne se sont pas<br />
propagées à travers le monde, comme cela eut lieu pour le<br />
Figuier d’Inde, ce fait tient surtout à ce qu’ils sont plus<br />
délicats que ce dernier et qu’ils réclament, pour de bonnes<br />
conditions de végétation, un climat doux assez régulier, et<br />
ensuite à ce que leurs moyens naturels de propagation sont<br />
beaucoup plus limités ; car, dans la nature, cette propa-<br />
gation ne paraît guère s’effectuer chez la plupart des<br />
espèces que par <strong>les</strong> graines, la plante restant alors, dans<br />
ces conditions, longtemps chétive et exposée aux nombreuses<br />
causes d’anéantissement. Enfin, une autre cause qui doit<br />
entrer en ligne de compte est l’absence chez cette catégorie<br />
de Cactacées de ce polymorphisme qui permet à certaines<br />
espèces de Platyopuntia de se fixer sur n’importe quel ter-<br />
rain, en prenant une forme de résistance, ce qui leur donne<br />
la faculté de se maintenir, en attendant que des circon-<br />
stances plus favorab<strong>les</strong> viennent leur fournir <strong>les</strong> moyens<br />
d’une amélioration spontanée.<br />
L’exploitation des Pitayos se fait comme celle des<br />
Nopa<strong>les</strong>, c’est-à-dire qu’elle a lieu aussi bien avec des<br />
plants sauvages qu’avec ceux que l’on entretient par des<br />
cultures régulières.<br />
Comme <strong>les</strong> fruits de ces Cierges ne sont pas pourvus de<br />
sétu<strong>les</strong> urticantes, la récolte des Pitayas ne demande pas<br />
<strong>les</strong> mêmes minuties que celle des Tunas ; <strong>les</strong> fruits sont<br />
bien, il est vrai, armés d’aiguillons parfois assez puissants,<br />
mais leurs b<strong>les</strong>sures sont sans gravité ; de plus, comme ils<br />
sont peu adhérents à l’époque de la maturité, on <strong>les</strong> élimine<br />
avec facilité.<br />
La cueillette s’effectue comme pour <strong>les</strong> Nopals à l’aide <strong>du</strong><br />
Chicol qui, vu la circonstance, doit être muni d’un dispositif<br />
de retenue afin de prévenir l’écrasement des fruits par<br />
leur chute sur le sol.<br />
1. Apendice al dictionario universal de Historia y de Geografia<br />
(article pitahayo), Mexico, 1856.
chapitRe ix 155<br />
Les fruits de Pitayos, sauf quelques exceptions, apparaissent<br />
au printemps ; ce sont donc des primeurs que l’on<br />
apporte à la saison sèche sur <strong>les</strong> marchés, et par conséquent<br />
bien avant la pro<strong>du</strong>ction de la plupart des arbres frui-<br />
tiers qui a lieu pendant <strong>les</strong> périodes pluvieuses de l’été.<br />
Malgré leur abondance, ces fruits sont surtout consommés<br />
à l’état frais, quoiqu’ils puissent se prêter beaucoup mieux<br />
à la série de préparations commercia<strong>les</strong> que l’on obtient<br />
avec <strong>les</strong> Tunas. Comme conserves, on n’en prépare guère<br />
que deux sortes consistant alors en de simp<strong>les</strong> confitures<br />
contenant <strong>les</strong> graines et en gelées. Encore ces conserves,<br />
qui sont loin d’avoir comme fabrication l’importance de<br />
celle de Tunas, sont-el<strong>les</strong> préparées dans un but plutôt<br />
d’approvisionnement ménager que pour un objet commer-<br />
cial ou d’exportation.<br />
Considéré au point de vue économique, le Pitayo est, dans<br />
son pays d’origine, l’arbre fruitier le plus avantageux pour<br />
<strong>les</strong> indigènes qui ne possèdent qu’un modeste champ de<br />
culture auprès de leurs habitations, car, ne puisant que fort<br />
peu de subsistance <strong>du</strong> sol, il n’épuise pas <strong>les</strong> terres, ce qui<br />
permet alors de faire sans inconvénients, à son voisinage<br />
immédiat, des cultures de plantes annuel<strong>les</strong> de rapport.<br />
Lemaireocereus griseus Britt. et Rose (syn. : Cereus griseus<br />
Haw., C. eburneus Salm-Dyck, C. resupinatus Salm-<br />
Dyck, C. e<strong>du</strong>lis Hort.). Ce Cierge est le plus anciennement<br />
connu et, par conséquent, le type le plus marquant parmi<br />
<strong>les</strong> Cierges fruitiers ; c’est à lui que <strong>les</strong> Espagnols appli-<br />
quèrent pour la première fois le nom de Pitayo ou Pitahayo.<br />
Au Mexique, on le désigne vulgairement sous <strong>les</strong> noms de<br />
Pitayo de mayo et de Pitayo de Mitla ; ces dénominations<br />
sont <strong>du</strong>es : pour la première, à ce que <strong>les</strong> fruits font leur<br />
apparition sur <strong>les</strong> marchés au début <strong>du</strong> mois de mai, et,<br />
pour la seconde, à ce que Mitla, l’antique cité zapotèque,<br />
est la région où, dans l’État de Oaxaca, la pro<strong>du</strong>ction de<br />
ce Cierge est la plus réputée pour sa quantité et sa qualité.<br />
Les Nahuatls, qui comprenaient cette espèce au nombre<br />
des Zapotnochtli, lui donnaient, à cause de sa vaste rami-
156 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
fication, <strong>du</strong> moins dans l’État de Puebla, le nom de Quapetla,<br />
terme qui, d’après <strong>les</strong> indigènes actuels, signifie tête<br />
large (quahitl = tête, petla = large, gros). Il se pourrait<br />
encore que cette dénomination, qui ne se trouve mentionnée<br />
par aucun auteur, ait une origine tout autre et qu’elle pourrait<br />
alors s’orthographier Coapetla (gros serpent), à cause<br />
de la nature quelque peu désordonnée et souvent flexueuse<br />
de ses tiges, ce qui, dans leur ensemble, <strong>les</strong> ferait ressembler<br />
à un enchevêtrement de grosses couleuvres.<br />
L’aire de dispersion <strong>du</strong> Pitayo de mayo est assez éten<strong>du</strong>e ;<br />
elle paraît limitée plus particulièrement au versant oriental<br />
de l’Amérique centrale ; aussi, le rencontre-t-on sur ce versant,<br />
sinon toujours à l’état sauvage, <strong>du</strong> moins en culture,<br />
depuis presque le nord <strong>du</strong> Mexique jusqu’au Vénézuéla, en<br />
passant par <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong>.<br />
Le Pitayo de mayo (fig. 43), dont la taille peut atteindre<br />
une hauteur de (6 à 7 mètres, constitue une forme très<br />
ramifiée dont <strong>les</strong> rameaux tantôt droits, tantôt flexueux et<br />
même parfois décombants, donnent à l’ensemble de la<br />
plante un aspect bien particulier qui la distingue à première<br />
vue de ses congénères. La fleur est longue d’une dizaine de<br />
centimètres ; elle est rougeâtre à l’extérieur et blanche, plus<br />
ou moins rosée, à l’intérieur. Le fruit est globuleux et légèrement<br />
ovoïde, de la grosseur d’une pomme de moyenne<br />
grandeur ; sa chair, habituellement d’une couleur rouge<br />
assez intense, présente cependant des variations blanches<br />
et jaunes. Ce fruit est quelque peu écailleux et souvent assez<br />
épineux, mais ses aiguillons disposés en faisceaux rayonnants<br />
tombent habituellement d’eux-mêmes au moment de<br />
la maturité, ce qui fait que sur <strong>les</strong> lieux de vente on <strong>les</strong><br />
voit toujours complètement glabres.<br />
Quoique la fructification n’ait lieu qu’une seule fois<br />
l’année et qu’elle soit limitée seulement à une courte période<br />
d’un peu plus d’un mois, la récolte des pro<strong>du</strong>its n’en constitue<br />
pas moins, pour <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong>, un important<br />
article de commerce local et d’exportation pouvant, momentanément<br />
il est vrai, rivaliser avec celle des Tunas. Aussi
Fig. 43. — Lemaireocereus griseus Britt. et Rose.<br />
Environs d’Oaxaca
158 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
voit-on, en mai et au commencement de juin, tous <strong>les</strong> mar-<br />
chés mexicains des vil<strong>les</strong> et des villages abondamment<br />
approvisionnés de Pitayas.<br />
Les Pitayas de mayo sont très appréciées des indigènes qui<br />
<strong>les</strong> préfèrent aux fruits de Nopals à cause de leur saveur et<br />
de la petitesse de leurs graines ; aussi, dans <strong>les</strong> endroits de<br />
pro<strong>du</strong>ction, en fait-on souvent, en dehors d’une alimen-<br />
tation saisonnière, une consommation curative et hygié-<br />
nique pour <strong>les</strong> voies digestives.<br />
On entretient le Lemaireocereus griseus à l’état de<br />
culture à peu près dans tous <strong>les</strong> villages et même dans <strong>les</strong><br />
cours et <strong>les</strong> jardins des faubourgs des grandes vil<strong>les</strong> où<br />
souvent il est l’unique plante de rapport.<br />
La croissance de ce Cierge, comme <strong>du</strong> reste celle des<br />
autres espèces de Pitayos, est fort lente, aussi sa propagation<br />
culturale ne peut se faire par semis, ce qui récla-<br />
merait trop de temps et trop de soins minutieux ; on a<br />
recours alors au bouturage, ce moyen ayant en outre<br />
l’avantage de permettre une sélection des meilleures variétés.<br />
Le bouturage se fait avec des rameaux d’environ un mètre<br />
de long, que l’on prélève sur des sujets reconnus pour leurs<br />
meilleures conditions de rapport.<br />
Quand, dans une culture, on ne maintient pas seulement<br />
ce Cierge isolé dans <strong>les</strong> champs, on le plante en quinconce<br />
ou encore on s’en sert pour clôturer <strong>les</strong> propriétés (fig. 44).<br />
Les boutures sont, dans ce dernier cas, disposées en ligne<br />
à une certaine distance <strong>les</strong> unes des autres, puis on garnit<br />
<strong>les</strong> espaces entre <strong>les</strong> plants par des arbustes ou des Nopals<br />
de façon à obtenir, dès le début, des haies infranchissab<strong>les</strong><br />
et en même temps une protection pour <strong>les</strong> tiges bouturées.<br />
Une plantation de Pitayos demande, dans ces conditions,<br />
environ deux ans pour s’établir, et ce n’est qu’à partir de<br />
ce temps qu’elle commence à entrer en végétation régulière,<br />
mais ce n’est qu’au bout d’un temps souvent très long que<br />
le Pitayo commence à donner une fructification un peu<br />
abondante. Une fois bien établie, cette plantation peut avoir<br />
une existence plusieurs fois séculaire et donner alors un
Fig. 44. — Route bordée de clôtures de Lemaireocereus griseus Britt. et Rose.<br />
Miahuatlanj (État de Oaxaca).
160 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
rapport constant pour nombre de générations sans réclamer<br />
d’el<strong>les</strong> d’autres soins que le simple nettoyage <strong>du</strong> terrain sur<br />
lequel il végète, afin d’en éliminer la végétation parasite qui<br />
pourrait lui nuire.<br />
Lemaireocereus queretaroensis Safford (syn. : Cereus<br />
queretaroensis Web., Pachycereus queretaroensis Britt. et<br />
Rose). — Ce Cierge est désigné vulgairement sous le nom de<br />
Pitayo de Queretaro, nom qui lui vient de la province où<br />
sa culture s’effectue concurremment avec celle des Nopals.<br />
Il est très voisin de l’espèce précédente avec laquelle on l’a<br />
longtemps confon<strong>du</strong>, ses qualités et son époque de pro<strong>du</strong>ction<br />
étant à peu de chose près <strong>les</strong> mêmes. Il s’en distingue<br />
néanmoins de prime abord par son allure générale<br />
qui est plus massive ; sa ramification est un peu moins<br />
fournie et moins enchevêtrée, beaucoup plus droite et plus<br />
vigoureusement élancée ; il atteint, en outre, une taille plus<br />
élevée et peut monter, chez des spécimens très âgés, à une<br />
hauteur de 10 mètres (fig. 45).<br />
La fleur est à peu près la même que celle de l’espèce<br />
précédente ; comme elle, elle possède une corolle bien étalée<br />
et de couleur blanche plus ou moins rosée (fig. 46). Le fruit,<br />
de même grosseur et de même apparence que celui <strong>du</strong><br />
Lemaireocereus griseus, s’en différencie cependant par<br />
l’épaisse toison épineuse recouvrant complètement son<br />
péricarpe et qui lui constitue une bourre particulièrement<br />
avantageuse pour son transport, ce qui permet de l’expédier<br />
dans des paniers sans avoir recours à aucune sorte<br />
d’empaquetage (fig. 47). Comme pour tous <strong>les</strong> Pitayos,<br />
ce recouvrement protecteur <strong>du</strong> fruit n’est plus adhérent à<br />
l’épiderme au moment de la maturité ; il est facile de s’en<br />
débarrasser par un simple et rapide brossage lors de la<br />
mise en place sur le marché.<br />
Ce fruit, comme celui de l’espèce précédente, offre trois<br />
variétés se différenciant par leur coloris : blanc, jaune,<br />
rouge ; c’est cette dernière qui est la plus connue sur <strong>les</strong><br />
marchés et aussi la plus estimée.<br />
L’aire de dispersion géographique <strong>du</strong> Lemaireocereus
11<br />
Fig. 45. — Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose.<br />
Guadalajara (État de Jalisco).
162 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
queretaroensis s’étend sur une vaste zone qui embrasse<br />
une partie <strong>du</strong> plateau central et <strong>du</strong> versant pacifique <strong>du</strong><br />
Mexique, depuis l’État de Durango jusqu’à l’isthme de<br />
Tehuantepec. Le point central de l’expansion de cette<br />
espèce paraît être plus particulièrement <strong>les</strong> États de Guanajuato,<br />
Queretaro, Jalisco et Michoacan ; c’est là <strong>du</strong> moins<br />
qu’on le rencontre en plus grande abondance et où on en<br />
fait surtout l’objet d’une culture coutumière. On entretient<br />
ce Pitayo comme le précédent, c’est-à-dire soit en plantation<br />
régulière, soit en clôture dans <strong>les</strong> villages, soit encore dans<br />
<strong>les</strong> faubourgs des grandes vil<strong>les</strong>, où il vient alors représenter<br />
l’arbre fruitier le plus avantageux pour <strong>les</strong> cours et<br />
<strong>les</strong> jardins de la population suburbaine (fig. 48).<br />
La localité la plus réputée pour la culture et la pro<strong>du</strong>ction<br />
<strong>du</strong> Lemaireocereus queretaroensis se trouve située<br />
dans l’État de Jalisco, dans une région que l’on nomme le<br />
Valle de las playas. Cette région, située à 1.300 mètres<br />
d’altitude, est encaissée de hautes chaînes de montagnes ;<br />
elle offre un vaste cirque dont une partie <strong>du</strong> fond est<br />
occupée, à certains endroits, par <strong>les</strong> lagunes plus ou moins<br />
salées de Tizapan, Zacoalco, Sayula et Zapotlan. Ces quatre<br />
grandes nappes d’eau, dont <strong>les</strong> éten<strong>du</strong>es varient suivant la<br />
saison, sont sans issue vers la mer ; el<strong>les</strong> sont permanentes<br />
mais de peu de profondeur ; el<strong>les</strong> suffisent néanmoins à<br />
constituer pour cette région encaissée un réservoir où<br />
viennent se collecter, à la saison pluviale, <strong>les</strong> eaux torrentiel<strong>les</strong><br />
provenant des escarpements montagneux. L’évaporation<br />
de ces surfaces lacustres sous un soleil ardent pendant<br />
la saison sèche entretient d’une façon constante sur<br />
toute la vallée un certain degré d’humidité. Celle-ci, jointe<br />
à la nature plus ou moins salée des terrains à certains<br />
endroits, doit, ainsi que la qualité des fruits paraît l’indiquer,<br />
avoir une influence heureuse sur <strong>les</strong> conditions<br />
écologiques <strong>du</strong> Pitayo.<br />
Les terrains salés <strong>du</strong> Valle de las playas où se font <strong>les</strong><br />
meilleures récoltes de Pitayas étaient, il n’y a pas encore<br />
très longtemps, exploités comme salines. Cette exploitation
Fig. 46. Fig. 47.<br />
Rameaux florifères et fructifères<br />
<strong>du</strong> Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose.<br />
Guadalajara (État de Jalisco).
164 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
paraît même remonter à une époque assez reculée, car <strong>les</strong><br />
historiens tels que Tello et Mota Padilla nous apprennent<br />
que <strong>les</strong> peuplades indiennes de la région se livraient souvent<br />
à des guerres pour s’assurer la possession de ces fameuses<br />
salines ; <strong>du</strong> reste, au voisinage des lacs de Zapotlan et de<br />
Sayula où sont <strong>les</strong> plus importantes plantations de Pitayos,<br />
on rencontre encore aujourd’hui de nombreux vestiges<br />
d’appareils antiques ayant servi au traitement <strong>du</strong> sel.<br />
Ces terres, de constitution argilo-sablonneuse peu riche<br />
en matières organiques, qui paraissent si favorab<strong>les</strong> à la<br />
qualité des Pitayas, contiennent, d’après un essai de<br />
M. Philippe, 20 0/0 de matières salines, et <strong>les</strong> efflorescences<br />
de ces dernières, prélevées à la surface <strong>du</strong> sol au moment<br />
de la saison sèche, ont donné à l’analyse 1 :<br />
Humidité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15,00<br />
Insoluble (terre entraînée) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18,30<br />
Chlorure de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15,50<br />
Sulfate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9,40<br />
Carbonate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35,20<br />
Bicarbonate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2,00<br />
Silice soluble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0,90<br />
Phosphate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1,70<br />
Nitrate de sodium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0,80<br />
Oxyde de fer et matières organiques . . . . . . . . . . . 1,20<br />
La qualité des Pitayas <strong>du</strong> Valle de las playas réside<br />
surtout, d’après le dire des indigènes, dans leur homo-<br />
généité et dans leur plus longue conservation, avantages<br />
qui permettraient alors d’approvisionner <strong>les</strong> marchés dans<br />
de meilleures conditions. C’est ainsi que, par exemple, à<br />
Guadalajara, qui est la ville la plus populeuse et la plus<br />
importante de tout le versant pacifique, <strong>les</strong> Pitayas de cette<br />
provenance sont préférées, comme article de vente, à cel<strong>les</strong>,<br />
cependant plus savoureuses, que l’on récolte aux environs<br />
immédiats de la ville comme, par exemple, dans la barranca<br />
<strong>du</strong> rio Santiago.<br />
1. philippe. — Analyse des efflorescences salines provenant des terrains<br />
<strong>du</strong> lac de Zacoalco (Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire naturelle de Paris,<br />
IX, p. 375, 1903).
Fig. 48. — Verger de Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose<br />
dans la cour d’une habitation suburbaine de Guadalajara.<br />
(État de Jalisco).
166 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
stellatus Pfeiff., C. Dyckii Mart., C. Tonelianus Lemaire,<br />
Stenocereus stellatus Riccobono). — Ce Cierge est désigné<br />
vernaculairement sous le nom de Pitayo xoconostle, c’està-dire<br />
Pitayo à fruits aigrelets ou astringents ; <strong>les</strong> Nahuatls<br />
le désignaient simplement sous le nom de Xoconochtli,<br />
terme que l’on donnait également à un Nopal et à un<br />
Cylindropuntia dans d’autres localités.<br />
Ce Cierge est d’une taille moyenne et peut atteindre<br />
5 à 6 mètres chez <strong>les</strong> sujets bien développés (fig. 49) ; il se<br />
distingue nettement à première vue des espèces précédentes<br />
par ses rameaux beaucoup plus grê<strong>les</strong> et par son allure<br />
générale qui est caractérisée par une ramification assez<br />
fournie partant d’un tronc peu élevé sur le sol ; ses tiges,<br />
d’ordinaire, sont bien érigées et parfaitement rectilignes,<br />
quoiqu’el<strong>les</strong> puissent parfois se recourber accidentellement<br />
lorsqu’el<strong>les</strong> ont atteint une trop forte élongation.<br />
La fleur, longue de 5 à 6 centimètres, blanc rosé, apparaît<br />
autour <strong>du</strong> sommet de la tige où elle se groupe parfois en<br />
couronne.<br />
Le fruit est un peu plus petit que celui de ses congénères,<br />
il est médiocrement épineux et possède une saveur<br />
légèrement aigrelette qui, <strong>du</strong> reste, lui a fait donner son<br />
nom ; il arrive à maturité vers le mois d’août, c’est-à-dire<br />
un mois environ après <strong>les</strong> dernières grandes récoltes <strong>du</strong><br />
Lemaireocereus griseus, c’est ce qui le fait alors doublement<br />
apprécier, car il vient dans cette région prolonger<br />
l’époque de la fructification des Cierges et permettre, en<br />
même temps, d’atteindre le moment de la seconde fructification<br />
des Nopals.<br />
L’aire de dispersion de ce Cierge est plus ré<strong>du</strong>ite que<br />
celle des deux espèces précédentes ; jusqu’à présent, on ne<br />
le signale que dans le sud de l’État de Puebla et dans l’État<br />
de Oaxaca jusqu’à l’isthme de Tehuantepec qu’il dépasse<br />
même un peu, car, d’après la tradition, ce serait à sa présence<br />
dans l’État de Chiapas que l’on attribue le nom de<br />
Zoconusco ou Xoconochco (Xoconochtli-co) donné à la
Fig. 49. — Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose.<br />
Environs de Oaxaca.
168 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
ville qui fut, au temps des monarques aztecs, le lieu célèbre<br />
d’où on exportait le cacao le plus renommé.<br />
Quoique croissant spontanément et en grande abondance<br />
dans le pays, ce Cierge est l’objet d’une assez grande cul-<br />
ture de la part des indigènes. Il est surtout très abondant<br />
dans la Basse-Mixtèque, où il vient, par exemple à la<br />
petite ville d’Acatlan, remplir près de l’habitation de l’in-<br />
digène le même office que <strong>les</strong> autres Pitayos (fig. 50).<br />
Les trois espèces : Lemaireocereus griseus, queretaroensis<br />
et stellatus végètent dans de mêmes conditions ; on <strong>les</strong> rencontre<br />
indifféremment dans la terre chaude ou tempérée,<br />
mais cette dernière est celle qu’ils paraissent préférer ; ils<br />
se conviennent surtout sur <strong>les</strong> terrains arides et bien<br />
drainés, mais où cependant la saison des pluies se fait<br />
sentir chaque année d’une manière normale et régulière.<br />
Il n’en est plus de même pour <strong>les</strong> deux espèces qui vont<br />
suivre, cel<strong>les</strong>-ci sont au contraire de pays et de climat fon-<br />
cièrement désertiques, où le régime pluvial est des plus<br />
aléatoires.<br />
Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
Thurberi Engelm., Pilocereus Thurberi Rümpler). — Ce<br />
Cierge est particulier aux régions arides <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong><br />
Mexique où on le désigne communément sous le nom de<br />
Pitayo <strong>du</strong>lce.<br />
Fray Antonio de Ascension paraît être l’auteur qui, le<br />
premier, en ait fait mention ; attaché comme cosmographe<br />
de l’expédition de Sebastiano Viscaino, en 1602, ce moine<br />
carme, dans une de ses relations, signale ce Pitayo comme<br />
étant une des principa<strong>les</strong> pro<strong>du</strong>ctions végéta<strong>les</strong> de la partie<br />
méridionale de la péninsule californienne.<br />
Les missionnaires jésuites qui, dans la suite, prirent pos-<br />
session de la Basse-Californie au nom <strong>du</strong> roi d’Espagne<br />
et y fondèrent d’importantes missions, nous ont donné de<br />
minutieux détails sur cette plante qui jouissait d’une<br />
grande importance dans l’alimentation saisonnière des<br />
Indiens sauvages peuplant alors le pays ; ils s’accordent<br />
tous à reconnaître que ce Pitayo, très différent de ceux que
Fig. 50. — Plantation de Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose<br />
auprès de l’habitation d’un indigène.<br />
Acatlan (État de Oaxaca).
170 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
l’on rencontre dans l’intérieur <strong>du</strong> Mexique, est un végétal<br />
éminemment xérophile ne se convenant que sous des climats<br />
à la fois très chauds et très secs 1 . En effet, cette plante est<br />
tellement bien adaptée au régime particulier des pays déser-<br />
tiques subtropicaux que sa pro<strong>du</strong>ction fruitière peut, ainsi<br />
que le fait remarquer Clavigero 2 , devenir complètement<br />
nulle lorsque des pluies plus abondantes que de coutume<br />
ont lieu sur ces terrains habituellement soumis à de grandes<br />
et longues sécheresses.<br />
En somme, ce que requiert ce Cierge pour ses besoins<br />
spécifiques, c’est une année normale pour la contrée, c’est-<br />
à-dire où l’on ne compte qu’une ou deux pluies copieuses ;<br />
dans ces conditions, il donne une fructification extraordi-<br />
nairement abondante, mais, lorsque l’année s’est montrée<br />
trop sèche et qu’il n’y a eu pendant son cours que des<br />
pluies tout à fait insignifiantes, la plante ne paraît pas en<br />
souffrir en elle-même, mais sa pro<strong>du</strong>ction fruitière devient<br />
très faible. Ces faits sont uti<strong>les</strong> à mentionner parce qu’ils<br />
mettent en évidence le caractère propre à certaines espèces<br />
de Cactacées et qu’ils démontrent bien aussi <strong>les</strong> particu-<br />
larités biologiques <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi, ainsi que<br />
son adaptation au climat très spécial sous lequel il vit. En<br />
résumé, une trop grande humidité peut lui être funeste,<br />
tandis que d’un autre côté une sécheresse trop excessive<br />
paralyse ses moyens d’action.<br />
L’aire de dispersion <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi se<br />
trouve limitée aux régions désertiques <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong><br />
Mexique et <strong>du</strong> sud des États-Unis ; aussi le rencontre-t-on<br />
en grande abondance dans l’Arizona, la Basse-Californie, <strong>les</strong><br />
États de Sonora et Sinaloa.<br />
C’est une plante médiocrement ramifiée dont l’allure<br />
générale rappelle un peu celle <strong>du</strong> Pitayo xoconostle. En<br />
effet, cette espèce se ramifie presque à sa base ou ne donne<br />
tout au plus qu’un tronc très peu élevé au-dessus <strong>du</strong> sol.<br />
1. venegas. — Noliciasde Califomia, Madrid, 1757.<br />
2. clavigeRo. — Historia de la Antigua o Baja Califomia, Mexico,<br />
1852.
Fig. 51. — Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose.<br />
Environs de La Paz (Basse-Californie).
172 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Ses tiges, chez <strong>les</strong> sujets ordinaires, sont habituellement<br />
rectilignes et bien dressées (fig. 51) ; el<strong>les</strong> ne se ramifient<br />
que rarement et cela n’a guère lieu que chez <strong>les</strong> spécimens<br />
très âgés croissant parmi <strong>les</strong> bosquets de Cactacées (fig. 52).<br />
Cette espèce est de moyenne élévation ; chez <strong>les</strong> sujets<br />
<strong>les</strong> plus a<strong>du</strong>ltes, on peut rencontrer parfois certains spéci-<br />
mens atteignant une hauteur de 6 à 7 mètres, mais la<br />
dimension la plus commune varie entre 3 ou 4 mètres. La<br />
fleur mesure environ 10 centimètres de longueur ; elle est<br />
campanulée et d’une couleur blanche plus ou moins teintée<br />
de rouge ou de rose. Le fruit atteint le volume d’une petite<br />
orange, il est généralement rouge lorsqu’il est à maturité,<br />
mais peut présenter des variations jaunes et blanches ;<br />
cette dernière variété, comme pour <strong>les</strong> autres Pitayos, se<br />
pro<strong>du</strong>it sur des spécimens d’une teinte plus claire et à tiges<br />
un peu plus grosses.<br />
La fructification a lieu vers le commencement <strong>du</strong> mois de<br />
juin dans la majeure partie de la Basse-Californie et dans<br />
l’État de Sinaloa ; dans <strong>les</strong> régions plus septentriona<strong>les</strong>,<br />
comme le nord de la Basse-Californie et la Sonora, elle a<br />
lieu un peu plus tard et ce n’est guère que vers le mois<br />
d’août qu’elle atteint son véritable moment d’abondance.<br />
L’apparition des fruits de ce Pitayo marquait, comme on l’a<br />
vu au chapitre des avantages des Cactacées, l’époque la<br />
plus fortunée de l’année pour <strong>les</strong> populations autochtones<br />
qui peuplaient jadis ces terres désolées. C’était surtout dans<br />
la presqu’île californienne, ainsi que nous l’apprennent <strong>les</strong><br />
missionnaires, que ces fruits étaient considérés comme<br />
représentant le plus riche présent de la nature. Aussi, dans<br />
ce pays peuplé alors uniquement de tribus vivant dans l’état<br />
le plus primitif, la fructification <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi<br />
était-elle accueillie par des réjouissances délirantes ;<br />
elle apportait, sur cette contrée soumise plus particuliè-<br />
rement au régime des longues sécheresses, une opulence<br />
subite qui permettait, lorsque l’année avait été bonne, de<br />
vivre sans efforts pendant deux ou trois mois en s’alimen-<br />
tant presque uniquement d’un pro<strong>du</strong>it si savoureux et si<br />
substantiel.
Fig. 52. — Lemaireocereus Thurberi Britt. et Rose (spécimen très âgé).<br />
Environs de la Paz Basse-Californie).
174 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Le Pitayo <strong>du</strong>lce croissant en général dans des régions<br />
peu habitées, n’a pas été jusqu’à présent l’objet de la<br />
moindre culture, <strong>les</strong> indigènes actuels se contentent d’aller<br />
faire la récolte dans <strong>les</strong> endroits incultes où souvent ce<br />
Cierge constitue des bosquets plus ou moins éten<strong>du</strong>s.<br />
Les indigènes retirent encore quelques autres pro<strong>du</strong>its<br />
utilisés de ce Pitayo ; c’est ainsi que de la masse charnue<br />
des tiges ils extraient un suc poisseux qui, concentré à feu<br />
doux, donne une sorte de glu susceptible d’application dans<br />
<strong>les</strong> usages domestiques ; <strong>les</strong> marins espagnols s’en sont par-<br />
fois servi avec succès lorsque, pour le colmatage de leurs<br />
navires, la poix leur faisait défaut. Avec la partie ligneuse<br />
des tiges qui est constituée, comme <strong>du</strong> reste chez presque<br />
tous <strong>les</strong> Cierges colomnaires, par un tube creux très résis-<br />
tant et légèrement flexible, on fait des lattes pour appa-<br />
reiller <strong>les</strong> charpentes et faire surtout <strong>les</strong> pièces destinées à<br />
supporter <strong>les</strong> toitures.<br />
Machærocereus gummosus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
gummosus Engelm., C. Cumengei Web., Lemaireocereus<br />
gummosus Britt. et Rose, L. Cumengei Britt. et Rose). —<br />
Ce Cierge est désigné vulgairement sous le nom de Pitayo<br />
agrio à cause de la saveur légèrement acide de son fruit.<br />
Cette espèce se distingue très nettement à première vue<br />
de la précédente par son allure qui, au lieu d’être celle d’une<br />
plante parfaitement érigée, est, au contraire, flexueuse ; elle<br />
constitue de grands buissons dont l’élévation ne dépasse<br />
pas 2 mètres, formant de ci de là, sur <strong>les</strong> flancs des collines<br />
ou sur <strong>les</strong> plaines, des touffes frutescentes, constituées par<br />
des rameaux décombants plus ou moins ramifiés émergeant<br />
d’une souche centrale, d’où ils s’étendent dans toutes <strong>les</strong><br />
directions en adoptant un dispositif des plus désordonnés<br />
(fig. 53).<br />
Son aire de dispersion est assez ré<strong>du</strong>ite ; elle ne paraît pas<br />
s’étendre au delà <strong>du</strong> territoire représenté par la Basse-<br />
Californie et la Sonora ; encore est-elle, dans ces deux ré-<br />
gions baignées par l’Océan Pacifique et le golfe de Californie,<br />
particulièrement limitée aux zones côtières.
Fig. 53. — Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />
croissant en touffe buissonnante sur un terrain plat argilo-sablonneux.<br />
Environs de La Paz (Basse-Californie).
176 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La fleur est diurne et s’épanouit complètement le matin ;<br />
elle est blanche, quelque peu teintée de rose par endroits ;<br />
elle atteint une longueur de 20 centimètres, et est consti-<br />
tuée par une belle corolle bien étalée à l’extrémité d’un<br />
long tube (fig. 54). Le fruit est globuleux (fig. 55), un peu<br />
plus gros que celui de l’espèce précédente, d’un rouge écar-<br />
late ; il est armé, de place en place, de forts aiguillons qui se<br />
détachent d’eux-mêmes à l’époque de la maturité. Cette der-<br />
nière a lieu au mois de septembre et peut <strong>du</strong>rer parfois jus-<br />
qu’à la fin de novembre.<br />
La fructification de ce Pitayo, venant immédiatement après<br />
celle <strong>du</strong> Lemaireocereus Thurberi, était plus particulièrement<br />
bien accueillie des Indiens qui voyaient en elle, outre<br />
une meilleure qualité de fruits, la continuation et le complé-<br />
ment de la période heureuse de l’année.<br />
Comme on l’a vu plus haut, ce Cierge est une espèce qui<br />
paraît uniquement adaptée au climat marin, car si on la<br />
rencontre parfois croissant vigoureusement dans <strong>les</strong> mon-<br />
tagnes de l’intérieur des terres, il ne donne là, comme il est<br />
facile de le constater, qu’une très faible pro<strong>du</strong>ction frui-<br />
tière, tandis que lorsqu’il se trouve à proximité de la mer<br />
ou au moins sur un terrain où il puisse en toute saison<br />
posséder un certain degré hygrométrique de l’atmosphère,<br />
sa fructification devient très abondante.<br />
Les situations qui paraissent lui convenir davantage sont<br />
cel<strong>les</strong> qui sont soumises à l’action constante des brises<br />
marines et qui se rencontrent en Basse-Californie sur <strong>les</strong><br />
grandes plaines longeant <strong>les</strong> plages <strong>du</strong> Pacifique et dans <strong>les</strong><br />
î<strong>les</strong> <strong>du</strong> golfe de Californie. Parmi ces dernières, l’île de Mon-<br />
serrate, qui est située un peu au-dessous <strong>du</strong> 26°, serait,<br />
d’après <strong>les</strong> marins et <strong>les</strong> pêcheurs qui fréquentent ces côtes<br />
inhabitées, l’endroit où l’on récolte <strong>les</strong> Pitayas agrias <strong>les</strong><br />
plus réputées pour leur qualité, leur volume et leur abon-<br />
dance.<br />
Le Machærocereus gummosus contient dans le parenchyme<br />
de ses tiges un principe toxique auquel <strong>les</strong> indigènes<br />
ont parfois recours comme moyen illicite dans leurs pro-<br />
cédés de pêche. Pour cela, ils hachent <strong>les</strong> tiges et <strong>les</strong> ré-
12<br />
Fig. 54 — Floraison <strong>du</strong> Machærocereus gummosus<br />
Britt. et Rose.<br />
Environs de La Paz (Basse-Californie).
178 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
<strong>du</strong>isent en menus fragments qu’ils répandent dans <strong>les</strong><br />
criques et <strong>les</strong> lagunes marines ; sous l’action de ce principe<br />
soluble dans l’eau, le poisson s’engourdit peu à peu et vient<br />
flotter inerte à la surface.<br />
A côté de ce Pitayo viennent se ranger deux autres Cierges<br />
à ramification flexueuse, végétant dans des conditions à peu<br />
près identiques au voisinage de la mer : ce sont <strong>les</strong> Machærocereus<br />
flexuosus et Acanthocereus pentagonus Britt. et<br />
Rose.<br />
Ces deux espèces bien nettement caractérisées ne se ren-<br />
contrent plus alors sur <strong>les</strong> sols désertiques de la partie sub-<br />
tropicale <strong>du</strong> Mexique ; el<strong>les</strong> végètent au contraire dans des<br />
régions beaucoup plus humides et soumises au régime ré-<br />
gulier des pluies estiva<strong>les</strong>.<br />
On <strong>les</strong> rencontre le plus habituellement dans la forêt sèche<br />
tropicale ou au voisinage des estuaires et criques dans <strong>les</strong><br />
plaines qui longent <strong>les</strong> rivages de la mer.<br />
Machærocereus flexuosus Britt. et Rose (syn. Cereus<br />
flexuosus Engelm.). — Cette espèce (fig. 41) est assez voisine<br />
de la précédente avec laquelle elle a été longtemps con-<br />
fon<strong>du</strong>e 1 ; son fruit est à peu près pareil et a la même coloration.<br />
La fleur, par contre, est différente ; elle est rose,<br />
beaucoup plus petite et très incomplète, an point qu’elle<br />
se trouve presque ré<strong>du</strong>ite à son tube. Les tiges présentent<br />
également quelques différences dans leur structure ; quoique<br />
cylindriques, el<strong>les</strong> peuvent parfois devenir quelque peu<br />
prismatiques. L’allure générale varie également, soit que<br />
la plante croisse isolément, soit qu’elle végète parmi <strong>les</strong><br />
buissons.<br />
On rencontre ce Cierge sur le versant pacifique, sur <strong>les</strong><br />
côtes des États de Sinaloa, Tepic, Jalisco, Colima, Michoa-<br />
can et Guerrero ; il ne paraît pas s’étendre aux rivages de<br />
l’État de Oaxaca où il est alors remplacé dans <strong>les</strong> mêmes<br />
conditions d’habitat par l’Acanthocereus pentagonus Britt.<br />
et Rose.<br />
1. bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, Washington, 1920, p. 116).<br />
soutiennent encore cette opinion.
Fig. 55. — Fruit mûr<br />
<strong>du</strong> Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />
sur sa tige.<br />
Environs de La Paz (Basse-Californie).
180 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Acanthocereus pentagonus Britt. et Rose (syn. : Cactus<br />
pentagonus L., Cereus pentagonus Haw., C. baxaniensis<br />
Karw., C. prismaticus Haw., C. Pitajaya DC., C. Dussii<br />
Schum., C. ramosus Karw., C. niti<strong>du</strong>s Salm-Dyck, C. varia-bilis<br />
Engelm., C. acutangulus Otto, C. Vasmeri Young,<br />
C. Princeps Pfeiff., C. un<strong>du</strong>latus Hort., C. Sirul Web.). — Ce<br />
Cierge est très anciennement connu, il est même cultivé de-<br />
puis très longtemps dans <strong>les</strong> collections de plantes de serre.<br />
Sa tige est rameuse et d’un vert foncé ; elle présente de trois<br />
à cinq côtes suivant son âge, <strong>les</strong> jeunes rameaux rappelant<br />
beaucoup ceux des Cierges triangulaires.<br />
Il croît dans <strong>les</strong> buissons en entrelaçant ses rameaux avec<br />
ceux des arbrisseaux, ou à l’état d’isolé ; il forme alors de<br />
grosses touffes ayant à peu près le même aspect que cel<strong>les</strong><br />
<strong>du</strong> Machærocereus gummosus.<br />
Son aire de dispersion est assez éten<strong>du</strong>e sur <strong>les</strong> zones<br />
marines des tropiques des deux versants <strong>du</strong> Mexique ; sur<br />
la côte atlantique on le rencontre dans <strong>les</strong> États de Tamau-<br />
lipas et de Vera-Cruz et sur la côte pacifique dans <strong>les</strong> États<br />
de Oaxaca et Guerrero. En dehors <strong>du</strong> Mexique, on le trouve<br />
dans <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong> et au Vénézuéla.<br />
Comme <strong>les</strong> espèces précédentes, il se cantonne de préfé-<br />
rence sur <strong>les</strong> zones basses et ne paraît pas, <strong>du</strong> moins dans<br />
l’État de Vera-Cruz, devoir dépasser une altitude de<br />
400 mètres.<br />
Quoique cultivé depuis très longtemps, la fleur et le fruit<br />
ne paraissent pas avoir été observés dans <strong>les</strong> cultures de<br />
collections ; ce fait peut s’attribuer à ce qu’il ne fleurit pas<br />
dans <strong>les</strong> cultures de serres chaudes où cependant il végète<br />
vigoureusement, mais sans avoir le climat marin indispen-<br />
sable à ses besoins spécifiques. La fleur est nocturne, à long<br />
tube, à sépa<strong>les</strong> verts et à pétale s blancs ; le fruit est ovale,<br />
épineux, rouge intus et extra, <strong>les</strong> graines grosses ; ce fruit<br />
est à peu de chose près semblable à celui des deux espèces<br />
précédentes et aurait <strong>les</strong> mêmes qualités et la même époque<br />
de maturité.<br />
Au groupe des Pitayos proprement dits, on peut encore
chapitRe ix 181<br />
ajouter une autre série qui s’y rattache par la nature de ses<br />
pro<strong>du</strong>its. Ce nouveau groupe comprend trois espèces bien<br />
distinctes que l’on rencontre dans le sud de l’État de Puebla,<br />
principalement aux environs de Tehuacan, et qui sont figu-<br />
rées par <strong>les</strong> Escontria Chiotilla Rose, Lemaireocereus Chende<br />
Britt. et Rose, Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose.<br />
L’allure générale de ces trois plantes est à peu près la<br />
même : ce sont des Cierges d’un développement moyen dont<br />
la hauteur n’excède guère 4 ou 5 mètres ; ils ont un tronc<br />
régulièrement dressé <strong>du</strong>quel partent de nombreuses tiges<br />
toujours bien érigées, ce qui en fait <strong>les</strong> types bien accomplis<br />
de ces Cierges de montagnes dont il a été fait mention plus<br />
haut et qui se caractérisent par une cime remarquablement<br />
étalée.<br />
Malgré leurs points communs, ces Cierges se distinguent<br />
nettement <strong>les</strong> uns des autres par des caractères botaniques<br />
bien tranchés. Ce fait est dû, en partie, à ce que leur flo-<br />
raison ayant lieu à des époques différentes, <strong>les</strong> mettent entre<br />
eux à l’abri de fécondations croisées, ce qui habituellement,<br />
chez <strong>les</strong> Cactacées, est la cause de variations dans <strong>les</strong> espèces.<br />
La fructification de ces trois Cierges se pro<strong>du</strong>it entre juin<br />
et août, c’est-à-dire au moment où <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its des deux<br />
principaux Pitayos de la localité (Lemaireocereus griseus et<br />
stellatus) abondent sur <strong>les</strong> marchés ; ils viennent donc là<br />
apporter une diversité parmi <strong>les</strong> fruits de vente courante, ce<br />
qui <strong>les</strong> fait d’autant plus apprécier des indigènes.<br />
Escontria Chiotilla Britt. et Rose (syn. Cereus Chiotilla<br />
Web.). — Ce Cierge est désigné dans la localité sous le nom<br />
de Chiotillo, et son fruit sous celui de Chiotilla ; il atteint en<br />
général une hauteur de 4 à 5 mètres, son tronc est assez<br />
bien dressé, quoique souvent bifurqué vers la base ; il donne<br />
naissance à son sommet à de très nombreux rameaux qui,<br />
se subdivisant toujours obliquement sur leur point d’émer-<br />
gence, arrivent à former par leur grand nombre une cime<br />
très touffue (fig. 56).<br />
C’est la nature toujours très rectiligne de ces rameaux<br />
qui a fait donner à cette espèce le nom vulgaire de Chiotillo,
182 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
lequel dérive <strong>du</strong> mot nahuatl Quionochtli (quio, de quiotl =<br />
hampe florale, bourgeon ou rejet droit, et nochtli = Cactus).<br />
Fig. 56. — Escontria Chiotilla Britt. et Rose.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />
La fleur est campanulée, de moyenne grandeur et blanche.<br />
Le fruit est gris verdâtre, très écailleux, de la dimension<br />
d’une noix ; sa pulpe est rouge ; il arrive à maturité au mois<br />
d’août et fait l’objet d’un certain commerce dans la localité.
Fig. 57. — Lemaireocereus Chende Britt. et Rose.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
184 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Ce Cierge croît principalement dans <strong>les</strong> vallées et sur <strong>les</strong><br />
plateaux à une altitude variant entre 1.800 et 2.000 mètres.<br />
Quoique très répan<strong>du</strong> à l’état sauvage sur ces régions éle-<br />
vées, on l’entretient néanmoins en culture assez régulière<br />
dans <strong>les</strong> villages de la grande vallée qui se trouve entre<br />
Puebla et Tehuacan, principalement dans le district de Teca-<br />
machalco où, parait-il, ses fruits se pro<strong>du</strong>isent de meilleure<br />
qualité.<br />
Lemaireocereus Chende Britt. et Rose (syn. : Cereus Chende<br />
Roland-Gosselin). — Comme allure et comme port, ce Cierge<br />
se rapproche beaucoup <strong>du</strong> précédent avec lequel il est facile<br />
de le confondre à première vue ; ses ramifications, tout en<br />
étant aussi rigides, sont un peu moins longues (fig. 57) ; il<br />
serait alors, sous ce rapport, intermédiaire entre cette der-<br />
nière espèce et la suivante ; comme celle-ci, il ne se ren-<br />
contre guère que sur <strong>les</strong> pentes abruptes des montagnes<br />
dans <strong>les</strong> situations sujettes à des courants aériens à peu<br />
près continuels et à une altitude variant entre 2.000 et<br />
2.500 mètres.<br />
Le fût de la plante est gros, simple et court ; sur <strong>les</strong> sujets<br />
qui ont atteint leurs proportions norma<strong>les</strong>, il commence à<br />
donner sa première ramification à environ un mètre au-<br />
dessus <strong>du</strong> sol. La fleur est rouge ; elle offre une corolle d’environ<br />
4 centimètres, peu étalée, avec un tube court d’environ<br />
1 centimètre ; elle exhale un parfum assez agréable. Le fruit<br />
est à peu près de même volume que la Chiotilla, mais au<br />
lieu d’être écailleux et inerme, il est recouvert entièrement<br />
d’une toison rude de couleur brune constituée par de fins<br />
aiguillons criniformes, courts et assez acérés, qui persistent<br />
lorsque le fruit a atteint sa complète maturité. La pulpe<br />
est blanche et contient des graines très petites ; ces fruits<br />
font leur apparition en juin sur <strong>les</strong> marchés de la localité.<br />
La pulpe charnue interne des tiges est d’une couleur jaune<br />
safran, ce qui est un fait très rare chez <strong>les</strong> autres espèces<br />
de Cactacées et qui est digne d’être pris en considération<br />
parmi <strong>les</strong> caractères distinctifs de cette espèce.<br />
La dénomination de Chende paraît devoir être d’origine
Fig. 58. — Rameaux fructifères <strong>du</strong> Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose.<br />
Cerro Colorado, environs de Tehuacan (État de Puebla).
186 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
mixtèque, langue dans laquelle ce terme signifie « détritus,<br />
pourriture, déchet », etc.; selon toute vraisemblance, elle<br />
aurait été donnée par <strong>les</strong> Indiens Mixtecs, soit à cause de la<br />
couleur brun foncé <strong>du</strong> fruit qui, lorsqu’il est tombé sur le<br />
sol, ne se distingue guère des autres détritus végétaux, soit<br />
parce que, lorsque la plante ne se trouve pas bien exposée<br />
aux courants aériens qui paraissent lui être indispensab<strong>les</strong>,<br />
elle est envahie par une sorte de Lichen qui, se propageant<br />
très rapidement, fait tomber la pulpe des tiges en décom-<br />
position.<br />
Le Lemaireocereus Chende est désigné par <strong>les</strong> Indiens qui<br />
parlent encore le nahuatl dans la localité, sous le nom de<br />
Cotzonochtli, et son fruit sous celui de Clilnochtli (cotzic =<br />
jaune, à cause de la teinte de la masse charnue des tiges ;<br />
clil = noir ou obscur, à cause <strong>du</strong> revêtement foncé <strong>du</strong> fruit).<br />
Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
Chichipe Roland-Gosselin, C. mixtecensis Purpus, Lemaireocereus<br />
mixtecensis Britt. et Rose). — Cette espèce est<br />
remarquable par son excessive ramification, c’est même<br />
parmi tous <strong>les</strong> représentants des Cierges colomnaires, celui<br />
qui se caractérise le plus par l’ampleur de sa ramification,<br />
qui rappellerait, en quelque sorte, la dichotomie des Platyopuntia.<br />
Le tronc est court, simple, assez gros et bien droit ; il ne<br />
diffère guère de celui des deux espèces précédentes, mais <strong>les</strong><br />
rameaux qui en émergent sont beaucoup plus nombreux,<br />
plus ré<strong>du</strong>its et plus courbes à leur naissance. Ce tronc se<br />
subdivise assez près <strong>du</strong> sol et donne lieu à des tiges qui, à<br />
force de se ramifier, finissent pas se toucher en formant<br />
une volumineuse cime constituée en forme de dôme. Cette<br />
cime étalée représente habituellement un diamètre double<br />
de la hauteur de la plante qui, sur <strong>les</strong> sujets <strong>les</strong> plus cou-<br />
rants, ne dépasse guère 3 mètres (fig. 59).<br />
La cause de cette singulière et extraordinaire ramification<br />
doit, en grande partie, être attribuée aux conditions clima-<br />
tiques particulières à l’habitat de la plante, qui se trouve<br />
entre 2.000 et 2.500 mètres d’altitude. En effet, ce Cierge se
Fig. 59. — Lemaireocereus Chichipe Britt. et Rose,<br />
forme à rameaux plus allongés se rencontrant dans <strong>les</strong> endroits abrités.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
188 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
rencontrant le plus souvent sur <strong>les</strong> petits plateaux des cols<br />
ou des crêtes des montagnes, est soumis au régime des ter-<br />
rains fréquemment balayés par des courants aériens parfois<br />
très forts et exposés à l’action de rayonnements nocturnes<br />
intenses, ce qui le place dans des conditions de végétation<br />
à peu près analogues à cel<strong>les</strong> que possèdent <strong>les</strong> Platyopuntia<br />
communs aux régions désertiques <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique.<br />
Dans <strong>les</strong> endroits plus abrités, ce Cierge modifie quelque<br />
peu son allure, ses rameaux deviennent alors plus longs et<br />
moins régulièrement enchevêtrés, d’où il résulte que la cime<br />
se montre moins uniformément constituée.<br />
La fleur à l’état frais n’a été connue que tout récemment.<br />
M. R. Roland-Gosselin, qui a donné la première description<br />
de ce Cierge, ainsi que <strong>du</strong> précédent 1 , a fait l’étude de cette<br />
fleur d’après un échantillon desséché se trouvant encore<br />
adhérent à un fruit parvenu à maturité ; elle paraît se rap-<br />
procher beaucoup de celle de la précédente espèce ; comme<br />
elle, elle aurait un tube très court 2 .<br />
Le fruit est désigné sur <strong>les</strong> marchés de la localité sous le<br />
nom de Chichituna ; il arrive à sa maturité en juillet et par<br />
conséquent à une époque intermédiaire entre celle <strong>du</strong><br />
Lemaireocereus Chende et de l’Escontria Chiotilla.<br />
Ce fruit est sphérique et atteint un diamètre de 3 centi-<br />
mètres ; il a un épiderme lisse, lustré, d’une teinte variant<br />
<strong>du</strong> vert clair au violacé et passant parfois au rouge par<br />
places ; il présente à sa surface seulement quelques aiguil-<br />
lons courts et peu adhérents. Sa pulpe est blanche et con-<br />
tient de petites graines qui ne mesurent qu’à peine un milli-<br />
mètre.<br />
Comme le Lemaireocereus Chende, il est attaqué par le<br />
même Lichen, mais ce dernier paraît lui être moins funeste ;<br />
quelques Broméliacées épiphytes <strong>du</strong> genre Tillandsia se<br />
fixent parfois sur la partie terminale de ses rameaux, mais<br />
1. R. Roland-gosselin. — Quatre Cactées nouvel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique<br />
(Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire naturelle de Paris, XI, p. 506, 1905).<br />
2. Suivant bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 90, Washington,<br />
1920) elle serait jaune-verdâtre.
chapitRe ix 189<br />
ces dernières ne paraissent pas lui occasionner de grands<br />
dommages.<br />
Le nom de Chichipe paraît bien dériver <strong>du</strong> terme nahuatl<br />
Chichipitl, signifiant glande arrondie, nom que l’on aurait<br />
alors donné à cause de la forme <strong>du</strong> fruit et que l’on a éten<strong>du</strong><br />
à toute la plante, quoique dans le pays <strong>les</strong> Indiens la dé-<br />
signent encore sous celui de Tepequionochtli (tepelt = montagne,<br />
quiotl = hampe florale, rejeton dressé, et nochtli =<br />
Cactus) Cactus à rejetons droits des montagnes.<br />
Les Lemaireocereus Chende et Chichipe se rencontrent au<br />
Cerro Colorado, montagne des environs immédiats de Tehua-<br />
can ; leur aire de dispersion à tous deux est restée jusqu’ici<br />
inconnue ; il paraîtrait, au dire des indigènes, qu’elle devrait<br />
comprendre un territoire assez vaste, limité aux crêtes mon-<br />
tagneuses de la région, constituée en majeure partie par le<br />
bassin <strong>du</strong> cours supérieur <strong>du</strong> rio Balsas et qui comprendrait<br />
alors une notable éten<strong>du</strong>e dans l’ancienne province de la<br />
Mixteca 1 .<br />
Comme annexe aux Pitayos, il faut encore ajouter la gigantesque<br />
espèce des régions désertiques <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong><br />
Mexique et <strong>du</strong> sud-ouest des États-Unis qui est représentée<br />
par le Carnegiea gigantea Britt. et Rose, et à laquelle <strong>les</strong><br />
indigènes donnent le nom de Sahuaro ou Sahueso.<br />
Ce remarquable Cierge, qui est de tous <strong>les</strong> représentants<br />
de la famille des Cactacées le spécimen atteignant <strong>les</strong> plus<br />
hautes et <strong>les</strong> plus fortes proportions et, parmi <strong>les</strong> Céréées,<br />
celui dont l’habitat remonte le plus au nord, offre, grâce à<br />
son abondante fructification, une ressource pouvant riva-<br />
liser avec celle des plus pro<strong>du</strong>ctives espèces de Nopa<strong>les</strong> et de<br />
Pitayos.<br />
Carnegiea gigantea Britt. et Rose (syn. : Cereus giganteus<br />
Engelm., Pilocereus Engelmannii Lemaire, P. giganteus<br />
Rümpl.). — Ce Cierge se rattache, par l’ensemble de ses<br />
caractères distinctifs, aussi bien aux Pitayos qu’aux Cardones<br />
et même aux Pilocereus. C’est pour cette raison qu’En-<br />
1. Suivant bRitton et Rose (loc. cit. pp. 90 et 91) <strong>les</strong> deux espèces<br />
se rencontreraient dans <strong>les</strong> États de Puebla et de Oaxaca.
190 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
gelmann avait cru devoir le placer dans un sous-genre à part,<br />
qu’il désignait sous le nom de Lepidocereus et dans lequel<br />
il faisait encore entrer le Lemaireocereus Thurberi ou Pitayo<br />
<strong>du</strong>lce de Sonora et de Basse-Californie et même aussi le<br />
Pachycereus Pringlei 1 .<br />
Ce géant de la famille des Cactacées fut signalé pour la<br />
première fois en 1538, lors des expéditions d’exploration par<br />
terre et par mer de Francisco Vasquez Coronado, gouverneur<br />
de la Nueva-Galicia, et <strong>du</strong> capitaine Francisco Alarcon, mais<br />
il ne commença à être bien connu qu’à partir des travaux<br />
et recherches d’Engelmann en 1859.<br />
L’aire de répartition géographique <strong>du</strong> Carnegiea gigantea<br />
est nettement localisée sur le versant pacifique entre le<br />
30° et le 32°; elle correspond à la zone désertique particu-<br />
lière au confluent des rio Gila et Colorado, et qui s’étend<br />
depuis l’Arizona jusque sur <strong>les</strong> parties nord des États mexi-<br />
cains de Sonora et de Chihuahua.<br />
Ce Cierge peut atteindre, assure-t-on, une élévation voi-<br />
sine de 30 mètres, mais <strong>les</strong> spécimens bien développés, que<br />
l’on rencontre le plus habituellement, ne dépassent guère<br />
une vingtaine de mètres, ce qui leur donne alors une stature<br />
analogue à celle des représentants <strong>les</strong> mieux développés<br />
<strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose, dont la limite<br />
septentrionale d’extension géographique aboutit à la même<br />
contrée.<br />
Comme allure générale, ce Cierge est normalement peu<br />
ramifié ; il se développe d’abord en une colonne très droite,<br />
plus ou moins régulière ou parfois un peu en massue vers<br />
l’apex, et dont le diamètre, chez <strong>les</strong> exemplaires très cor-<br />
pulents, peut parfois atteindre près d’un mètre. Lorsqu’ap-<br />
paraissent ses ramifications, cel<strong>les</strong>-ci se recourbent brus-<br />
quement à leur point d’émergence et se dressent presque<br />
1. La caractéristique de ce nouveau sous-genre était basée sur <strong>les</strong><br />
particularités des épines, des fleurs courtes, de l’ovaire et <strong>du</strong> tube<br />
portant de nombreux sépa<strong>les</strong> imbriqués et écailleux, des péta<strong>les</strong><br />
charnus. engelmann : Cactaceæ of Mexican boundary, p. 42, Washington,<br />
1859, et in Silliman’s American journal of science and arts, march 1854 ;<br />
lemaiRe : in Illustration horticole, IX, misc. 97, 1862.
chapitRe ix 191<br />
toujours parallèlement à la tige centrale faisant l’office de<br />
tronc.<br />
Par son aspect et son mode de ramification, ce Cierge<br />
rappelle beaucoup le Pachycereus ruficeps Britt. et Rose<br />
des environs de Tehuacan ; comme lui, il paraît préférer<br />
<strong>les</strong> sites escarpés et abrupts des flancs des montagnes,<br />
où souvent il vient pareillement constituer d’importants<br />
massifs de hautes futaies. Lorsqu’il croît isolément dans<br />
<strong>les</strong> plaines, il se montre en général plus ramifié et affecte<br />
un port mieux disposé en candélabre, ce qui lui donne<br />
alors quelque peu de ressemblance avec la forme insulaire<br />
<strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose, ou Cardon pelon de<br />
Basse-Californie.<br />
Le Carnegiea gigantea fleurit en mai et juin et ses fruits<br />
mûrissent en juillet et août ; certains même, détail parti-<br />
culier, n’arrivent à maturité que dans le courant de<br />
l’année suivante.<br />
Les fleurs se montrent en abondance et sont générale-<br />
ment groupées au voisinage de la partie apicale des tiges ;<br />
el<strong>les</strong> sont grandes et ont de 10 à 15 centimètres de long,<br />
sur 9 à 12 d’épanouissement corollaire ; <strong>les</strong> segments<br />
externes sont charnus et d’un blanc verdâtre, <strong>les</strong> internes<br />
d’un blanc terne. Le fruit est régulièrement ovale, long de<br />
8 à 9 centimètres sur 4 de large, lisse et portant de petites<br />
squames triangulaires, mucronées. Le péricarpe, d’environ<br />
4 millimètres d’épaisseur, s’ouvre, au moment de la com-<br />
plète maturité <strong>du</strong> fruit, en trois ou quatre valves irrégu-<br />
lières, de couleur rouge écarlate sur leur face interne, ce<br />
qui explique pourquoi certains voyageurs ont décrit ce<br />
Cierge comme ayant des fleurs rouges. La pulpe, légèrement<br />
sucrée, a la consistance de celle de la figue ; elle se sépare<br />
complètement de l’enveloppe qui la contient ; lorsque celle-ci<br />
est desséchée sous l’action des ardeurs <strong>du</strong> soleil, elle tombe<br />
alors à terre, où <strong>les</strong> Indiens vont la recueillir pour la pétrir<br />
et la réunir en une masse assez volumineuse dans un but<br />
de conservation. Cette masse est soumise ensuite à la pres-<br />
sion, afin d’en extraire un pro<strong>du</strong>it épais et sucré comparable<br />
au Miel de Tuna.
192 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les fruits, avant leur déhiscence, sont récoltés de la<br />
même façon que ceux des Pitayos ; on <strong>les</strong> apporte alors sur<br />
<strong>les</strong> marchés de la région où ils sont ven<strong>du</strong>s comme ceux<br />
des autres fruits de Cactacées.<br />
Le Carnegiea gigantea parait surtout affectionner <strong>les</strong> terrains<br />
rocailleux, grâce auxquels il trouve d’excellentes<br />
conditions pour l’insertion de ses racines et une base<br />
assurée pour le maintien de sa volumineuse et puissante,<br />
complexion.<br />
C’est une espèce admirablement adaptée aux rudes exi-<br />
gences (<strong>les</strong> climats foncièrement désertiques et, sous ce<br />
rapport, il paraît se conformer plutôt au régime habituel<br />
des Echinocactées géantes, qu’à celui qui convient à la<br />
majorité des grandes Céréées. En effet, dans <strong>les</strong> sites que<br />
la nature lui a assignés comme habitat, on le voit végéter<br />
avec vigueur sous un climat à peu près analogue à celui<br />
des plateaux <strong>du</strong> Mexique, où <strong>les</strong> vents secs <strong>du</strong> nord et un<br />
rayonnement nocturne intense amènent pendant quelques<br />
heures des baisses subites de température, mais où cepen-<br />
dant, à certains moments, <strong>les</strong> excès de suprême sécheresse<br />
peuvent être subitement corrigés, en hiver, par d’abondantes<br />
condensations de brumes froides, et, en été, par des pluies<br />
orageuses.<br />
Ces faits peuvent expliquer pourquoi cette plante, si<br />
extraordinairement robuste dans la nature et si bien<br />
conformée à une climatologie variant brusquement aux<br />
extrêmes, croît d’une façon si chétive lorsqu’on la soumet<br />
au régime par trop constant des cultures en serre tempérée.<br />
II<br />
CIERGES A TIGES RAMPANTES<br />
Les espèces qui constituent cette série sont représentées<br />
par des formes pour la plupart adaptées au régime clima-<br />
tique des régions forestières.<br />
Ces Cactacées qui ont per<strong>du</strong> à peu près tout caractère<br />
xérophile sont alors saxico<strong>les</strong> ou épiphytes ; leurs tiges, au
chapitRe ix 193<br />
lieu d’être franchement érigées et rigides, sont, au contraire,<br />
toujours flexueuses et, dans certains cas, plus ou moins<br />
tombantes ou décombantes, conformation qui, dans la<br />
nature, <strong>les</strong> oblige à recourir à des appuis et à se développer<br />
soit en tapis sur <strong>les</strong> rochers, soit à grimper sur <strong>les</strong> arbres<br />
à la façon des lianes, soit encore à s’insinuer et à s’enche-<br />
vêtrer dans des buissonnements arbustifs.<br />
Ces différentes allures ont valu aux représentants de la<br />
série <strong>les</strong> désignations bien significatives de Cactiers ou<br />
Cierges couchés, grimpants, serpents, serpentins, qui leur<br />
furent au début appliqués dans la terminologie horticole.<br />
Pour se fixer sur <strong>les</strong> soutiens indispensab<strong>les</strong> à leurs<br />
conditions d’existence, nombre de ces Cierges ont recours à<br />
des racines crampons qui, surgissant le long des tiges, leur<br />
permettent d’adhérer fortement à n’importe quelle surface<br />
et même à s’y maintenir en touffes puissantes dans des<br />
positions tout à fait vertica<strong>les</strong>.<br />
D’autres, comme c’est le cas <strong>du</strong> Selenicereus hamatus<br />
Britt. et Rose, utilisent comme moyen de fixation <strong>les</strong><br />
saillies foliacées et recourbées dont sont pourvus <strong>les</strong> bords<br />
des côtes et qui, dans la circonstance, font alors l’office de<br />
véritab<strong>les</strong> grappins.<br />
Tous ces Cierges sont remarquab<strong>les</strong> par la beauté, la<br />
délicatesse de coloris et, souvent, la grandeur de leurs<br />
fleurs ; ces avantages leur assurèrent depuis longtemps une<br />
certaine notoriété dans l’horticulture et <strong>les</strong> firent apprécier<br />
comme plantes ornementa<strong>les</strong> de serres et de jardins situés<br />
en pays tempérés.<br />
La plupart, lorsqu’ils croissent en régions à régime clima-<br />
tique régulier, fleurissent et fructifient pendant la saison<br />
des pluies ; certains même, comme on a pu le constater<br />
dans <strong>les</strong> cultures, ont pour leur floraison une date remar-<br />
quablement fixe et qui se répète invariablement chaque<br />
année.<br />
Sauf quelques exceptions, <strong>les</strong> fleurs sont crépusculaires<br />
ou nocturnes et en général de très courte <strong>du</strong>rée ; c’est ce<br />
qui a valu à plusieurs espèces d’avoir été comprises dans<br />
13
194 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
la classification populaire des pays espagnols sous le nom<br />
de Reina de la noche, tels sont : <strong>les</strong> Nyctocereus serpentinus<br />
Britt. et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose,<br />
S. pteranthus Britt. et Rose.<br />
Quoique considérées en général comme peu odorantes,<br />
ces fleurs peuvent néanmoins, à certaine période de leur<br />
épanouissement, exhaler momentanément un parfum assez<br />
accentué de vanille.<br />
Comme cela a lieu chez toutes <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> plus<br />
évoluées des genres appartenant à la famille des Cactacées,<br />
le polymorphisme et la propension au croisement entre<br />
espèces sont manifestement très accusés dans ce groupe<br />
des Cierges à tiges rampantes. Ce fait doit, en grande partie,<br />
être attribué à ce que toutes ces plantes fleurissent à peu<br />
près à la même époque et pendant la saison des pluies,<br />
moment de l’année où, sous <strong>les</strong> tropiques, la vie est plus<br />
intense et où, par conséquent, la fécondation par l’inter-<br />
médiaire des insectes doit s’opérer de façon plus efficace.<br />
Si cette particularité a pu être mise avantageusement à<br />
profit dans <strong>les</strong> cultures, elle a eu par contre l’inconvénient<br />
de contribuer à créer <strong>les</strong> confusions régnant actuellement<br />
dans la spécification de ces Cierges, car elle a fait décrire<br />
comme espèces distinctes, non seulement des variétés<br />
issues de semis, mais aussi des formes modifiées par des<br />
croisements naturels et qui, comme il est à présumer,<br />
avaient, par suite de circonstances particulières, fini par<br />
s’implanter et se maintenir spontanément dans une localité.<br />
Il résulte donc de ces faits que l’identification spécifique<br />
des Cierges rampants ne pourra reposer sur une base<br />
sérieuse que lorsque leur culture aura été entreprise d’une<br />
façon méthodique et à l’abri de toute cause de perturbation.<br />
Car, en somme, il existe exactement pour ce groupe de<br />
Cierges <strong>les</strong> mêmes causes de variabilité qui ont été con-<br />
statées plus haut, au chapitre des Opuntiées, pour ce qui<br />
a trait aux Nopals.<br />
On répartit <strong>les</strong> Cierges rampants en deux groupes bien<br />
tranchés qui se caractérisent à première vue par la struc-<br />
ture des tiges :
chapitRe ix 195<br />
1° Les Cierges à rameaux cylindriques, cannelés, presque<br />
volubi<strong>les</strong> (Selenicereus vagans Britt. et Rose), ou parfois<br />
partiellement érigés (Nyctocereus serpentinus Britt. et<br />
Rose), ou encore complètement tombants et flagelliformes<br />
(Aporocactus flagelliformis Lemaire). De Candolle avait<br />
proposé pour cette subdivision la désignation de Microgni,<br />
à cause de la gracilité des nombreuses côtes dont sont<br />
pourvus ses représentants ;<br />
2° Les Cierges à rameaux prismatiques dont <strong>les</strong> formes<br />
<strong>les</strong> plus marquantes et <strong>les</strong> plus typiques sont figurées par<br />
<strong>les</strong> Hylocereus un<strong>du</strong>latus Britt. et Rose et Selenicereus<br />
grandiflorus Britt. et Rose. Ceux-ci se différencient à première<br />
vue des précédents par le nombre des côtes variant<br />
entre trois et sept au maximum. C’est à ces derniers que<br />
<strong>les</strong> Mexicains appliquent exclusivement le nom de Pitahayos.<br />
Entre <strong>les</strong> Cierges microgones et <strong>les</strong> Pitahayos, l’espèce<br />
qui, par ses caractères botaniques, semble le mieux faire la<br />
transition, serait, d’après de Candolle, le Nyctocereus serpentinus<br />
1 .<br />
Les Pitahayos offrent un certain intérêt au point de vue<br />
de la qualité de leur pro<strong>du</strong>ction fruitière ; aussi, dans ce<br />
chapitre, ne parlerons-nous que des espèces appartenant à<br />
cette catégorie. Les fruits de ces derniers sont toujours de<br />
bonne dimension et de belle apparence ; ils sont en général<br />
ovoïdes, inermes et, de plus, très savoureux lorsqu’ils sont<br />
issus de bonnes variétés, ce qui leur permet de prendre<br />
place à côté des fruits <strong>les</strong> mieux achalandés des tropiques,<br />
et c’est <strong>du</strong> reste pour cette raison que Thierry de Menon-<br />
ville <strong>les</strong> avait appelés Cactus mensarum.<br />
Les Pitahayos peuvent, d’après la structure de leurs tiges<br />
et <strong>les</strong> particularités de leurs fleurs et de leurs fruits, se<br />
répartir en deux subdivisions assez nettement délimitées :<br />
l’une dont la section de la tige est invariablement trian-<br />
gulaire et le fruit écailleux, ce sont <strong>les</strong> Pitahayos propre-<br />
1. de candolle. — Revue de la famille des Cactées, 1829
196 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
ment dits, et l’autre dont la tige présente un contour plus<br />
polygonal et a le fruit verruqueux 1 .<br />
pitahayos tRiangulaiRes. — Le groupe des Pitahayos<br />
proprement dits a reçu le nom d’Hylocereus 2 ; il répond à ce<br />
qu’au début de la classification des Cactacées on nommait<br />
Cactiers à fruits feuillés à cause des prolongements squa-<br />
meux dont le péricarpe des fruits est orné.<br />
Ces Pitahayas forment un groupe des plus homogènes,<br />
caractérisé chez tous par l’uniformité de la structure de la<br />
tige, mais aussi par celle des fleurs et des fruits.<br />
Les fleurs sont très grandes (el<strong>les</strong> peuvent dépasser<br />
30 centimètres de longueur), crépusculaires ou nocturnes,<br />
d’un beau blanc lustré pouvant parfois virer légèrement au<br />
jaune sur <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> externes ; el<strong>les</strong> sont en général de très<br />
courte <strong>du</strong>rée, ne restant épanouies que quelques heures ;<br />
néanmoins, lorsqu’el<strong>les</strong> se sont ouvertes pendant la nuit<br />
ou au matin, el<strong>les</strong> peuvent <strong>du</strong>rer parfois une partie de la<br />
journée ; c’est ce qui a lieu habituellement lorsqu’el<strong>les</strong> se<br />
trouvent en exposition suffisamment ombragée, mais dès<br />
que le soleil vient <strong>les</strong> atteindre directement, on voit leur<br />
corolle aussitôt se flétrir et même quelquefois tomber en<br />
se détachant brusquement de leur point d’insertion sur<br />
l’ovaire.<br />
Les fruits, assez variab<strong>les</strong> dans leur volume et dans leur<br />
coloration, sont complètement inermes, <strong>les</strong> épines étant<br />
alors remplacées par des écail<strong>les</strong> charnues plus ou moins<br />
nombreuses et plus ou moins développées.<br />
1. On doit encore rattacher au premier de ces groupes, un Cierge<br />
épiphyte à rameaux complètement aplatis que l’on rencontre dans <strong>les</strong><br />
forêts marécageuses <strong>du</strong> Brésil et qui a été décrit sous le nom de<br />
Strophocactus Wittii Britt. et Rose. Ce Cierge semble bien, d’après<br />
Berger, faire la transition entre <strong>les</strong> Cierges et <strong>les</strong> Epiphyllum ; des<br />
premiers, il a la fleur, et des seconds, la structure de la tige.<br />
2. A. beRgeR : .A systematic revision of the genus Cereus (Missouri<br />
botanical Garden sixteenth annual Report, p. 57, 1905), comme section ;<br />
et bRitton et Rose : The genus Cereus and its allies in North America<br />
(Contributions from U. S. national Herbarium, vol. 12, p. 428, 1909),<br />
comme genre.
chapitRe ix 197<br />
Les rameaux, comme c’est la caractéristique <strong>du</strong> groupe,<br />
sont constitués par des tiges à trois côtes fortement<br />
Fig. 60. — Touffe d’un Pitahayo<br />
à l’état épiphyte sur le tronc et <strong>les</strong> rameaux<br />
d’un Cordia Boissieri DC.<br />
Hacienda de Huejotitan près <strong>du</strong> lac de Chapala<br />
(État de Jalisco).<br />
accusées, délimitant deux ang<strong>les</strong> profonds et un troisième<br />
très obtus et souvent même presque plan ; ces côtes sont<br />
armées d’aiguillons en général médiocrement développés et
198 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
peu vulnérants. Les rameaux varient comme couleur entre<br />
le vert clair bien lustré et le vert sombre plus ou moins<br />
céru<strong>les</strong>cent ou grisâtre.<br />
Dans la nature, ces plantes, quoique adaptées à un<br />
régime sylvicole, choisissent presque toujours <strong>les</strong> situations<br />
<strong>les</strong> plus vivement éclairées ; aussi <strong>les</strong> voit-on dans <strong>les</strong><br />
forêts gagner <strong>les</strong> parties des arbres ou des rochers où<br />
l’éclairage est plus intense ; certaines deviennent presque<br />
complètement aériennes (fig. 60, 61), tandis que d’autres,<br />
au contraire, n’abandonnent qu’en partie la vie terrestre à<br />
laquelle el<strong>les</strong> se relient par l’intermédiaire soit d’une tige plus<br />
grêle, soit de faisceaux de racines adventives ; ce dernier<br />
cas se voit habituellement lorsque la base de l’arbre ou <strong>du</strong><br />
rocher sur lequel el<strong>les</strong> se sont cramponnées se trouve être<br />
fortement ombragé (fig. 63).<br />
Ces Cierges subissent très facilement des croisements<br />
naturels entre espèces lorsque ces dernières se trouvent<br />
placées à proximité l’une de l’autre ; il en résulte alors des<br />
modifications dans la pro<strong>du</strong>ction florale et fruitière qui ont<br />
été intentionnellement mises à profit dans <strong>les</strong> plantations<br />
indigènes.<br />
Quoique ayant de fort bel<strong>les</strong> et grandes fleurs, <strong>les</strong> Pitahayos<br />
sont, dans leur pays d’origine, presque uniquement cultivés<br />
pour leurs fruits dont la saveur fraîche et souvent assez<br />
parfumée est très appréciée des indigènes ; ces derniers en<br />
font même, à maturité, un article de vente courante qui,<br />
comme belle apparence et qualité, rivalise avantageusement<br />
sur <strong>les</strong> marchés mexicains avec <strong>les</strong> autres récoltes fruitières.<br />
Comme ces Cierges requièrent pour leur bon déve-<br />
loppement des emplacements bien ensoleillés, on <strong>les</strong> plante<br />
en palissade sur <strong>les</strong> murs, ou on <strong>les</strong> fait grimper sur <strong>les</strong><br />
arbres ; souvent aussi on <strong>les</strong> fait végéter sur le faîte des<br />
murs de clôture afin de leur donner un couronnement<br />
touffu capable d’interdire l’accès aux animaux grimpeurs.<br />
On cultive <strong>les</strong> Pitahayos aussi bien dans <strong>les</strong> villages que<br />
dans <strong>les</strong> cours et <strong>les</strong> jardins suburbains des grandes vil<strong>les</strong> ;<br />
là souvent, comme <strong>les</strong> Pitayos de mayo et de Queretaro, ils
Fig. 61. — Hylocereus tricostatus Britt. et Rose<br />
végétant sur la crête d’un mur<br />
et émettant des racines adventives atteignant le sol.<br />
Village de San Martin Tlaxicolcinco (État de Jalisco).
200 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
constituent l’unique essence fruitière entretenue par <strong>les</strong><br />
gens <strong>du</strong> peuple.<br />
Pour la plantation, on a toujours recours au bouturage<br />
de rameaux sélectionnés ; la propagation par <strong>les</strong> graines,<br />
en plus qu’elle est très longue, ne donnant habituellement<br />
que de médiocres résultats. La bouture demande environ<br />
un an pour entrer en végétation, et ce n’est qu’à partir de<br />
la seconde année qu’elle commence à prendre un déve-<br />
loppement régulier, qui peut être alors très rapide si la<br />
plante rencontre <strong>les</strong> conditions qui lui sont propices.<br />
L’entretien de ces plantes ne requiert dans la suite que<br />
fort peu de soins culturaux, ces derniers ne consistant<br />
guère que dans un élagage des rameaux trop exubérants,<br />
ainsi que dans l’éclaircissage des fleurs lorsqu’el<strong>les</strong> se mon-<br />
trent trop nombreuses sur certains points, afin de sauvegarder<br />
<strong>les</strong> bonnes conditions de pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />
Les Pitahayos à tiges triangulaires comprennent six<br />
espèces ou types assez bien définis et auxquels on doit pou-<br />
voir rattacher bon nombre d’espèces ou de variétés qui ont<br />
été décrites 1 .<br />
Les six types sont représentés par <strong>les</strong> Hylocereus<br />
triangularis Safford, Napoleonis Britt. et Rose, Ocamponis<br />
Britt. et Rose, trigonus Safford, tricostatus Britt. et Rose,<br />
Purpusii Britt. et Rose, qui se distinguent entre eux et à<br />
première vue par des tiges qui sont plus ou moins grê<strong>les</strong>,<br />
plus ou moins rameuses ou rampantes, par le coloris <strong>du</strong><br />
fruit et par ses squames qui peuvent être très ré<strong>du</strong>ites ou<br />
au contraire très fortement développées au point de recouvrir<br />
en totalité le fruit, en s’imbriquant <strong>les</strong> unes sur <strong>les</strong> autres.<br />
Parmi ces espèces, trois sont plus spécialement l’objet,<br />
au Mexique, d’une entreprise culturale : ce sont <strong>les</strong> H. triangularis,<br />
Ocamponis et tricostatus.<br />
Hylocereus triangularis Britt. et Rose (syn. : Cactus triangularis<br />
L., Cereus triangularis Haw., C. compressus<br />
1. Voir à ce sujet le mémoire de R. Roland-gosselin : Cereus<br />
tricostatus et C. Plumieri (Bulletin de la Société botanique de France,<br />
LIV, p. 664, 1907).
chapitRe ix 201<br />
Mill.). — Cette espèce est la plus anciennement connue des<br />
Cierges triangulaires, aussi peut-elle être considérée comme<br />
devant être le type autour <strong>du</strong>quel viennent se grouper <strong>les</strong><br />
Pitahayos proprement dits.<br />
Ce Cierge se trouve signalé en 1696 dans l’Almagestum<br />
de Plukenet 1 , et Jacquin, en 1763, en donne une première<br />
description 2 où il distingue chez cette plante deux formes<br />
bien distinctes. L’une qu’il appelle Aphylle, ayant un fruit<br />
glabre de saveur acide et que l’on désigne aux Antil<strong>les</strong><br />
sous le nom de Poirier Chardon, et une autre à fruits<br />
squameux de saveur insipide.<br />
Oviedo et Cobo le signalent sous le nom de Pitahayo,<br />
mais la courte description qu’ils en donnent paraît indiquer<br />
une confusion avec l’Acanthocereus pentagonus Britt. et<br />
Rose qui habite <strong>les</strong> mêmes parages.<br />
Les caractères spécifiques qui distinguent ce Cierge des<br />
espèces affines sont en général fort peu saillants à pre-<br />
mière vue. La fleur est blanche, grande ; elle peut atteindre<br />
et même dépasser 30 centimètres ; elle est parfois odorante<br />
à certaine phase de son épanouissement. La tige est tri-<br />
angulaire, d’un beau vert lustré ; elle est médiocrement<br />
grimpante et peut, dans sa ramification, former sur le sol<br />
des buissons touffus qui donnent parfois à l’allure générale<br />
de la plante celle de l’Acanthocereus pentagonus Britt. et<br />
Rose. Les aiguillons sont courts, droits, rigides, de couleur<br />
brune. Le fruit est ce qui distingue le mieux l’espèce ; il est<br />
de belle couleur coccinée et habituellement de la grosseur<br />
d’un oeuf de dinde ; il présente un certain nombre de prolon-<br />
gements squamiformes qui peuvent se développer assez<br />
longuement mais sans toutefois recouvrir sa surface.<br />
Comme pour presque tous <strong>les</strong> Cierges rampants donnant<br />
des fleurs et des fruits remarquab<strong>les</strong>, le pays d’origine de<br />
l’Hylocereus triangularis est inconnu. On pense, étant<br />
donnée sa plus grande abondance en certains endroits, qu’il<br />
1. pluKenet. — Opera botanica IV, pl. 29, f. 3, Londres, 1696.<br />
2. N.-J. Jacquin. — Selectarum stirpium americanarum historia,<br />
p. 15, Vienne, 1763.
202 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
est originaire de la partie septentrionale de l’Amérique <strong>du</strong><br />
Sud, ou encore des Antil<strong>les</strong>, d’où il aurait gagné de proche en<br />
proche <strong>les</strong> régions tropica<strong>les</strong> des deux Amériques, soit par<br />
des voies naturel<strong>les</strong> de dissémination, soit transporté par<br />
<strong>les</strong> indigènes en vue d’une culture à la fois ornementale et<br />
fruitière.<br />
L’Almagestum de Plukenet le fait endémique <strong>du</strong> Brésil et<br />
de la Jamaïque ; Jacquin lui assigne comme patrie la<br />
Colombie où, dit-il, on le cultive à Carthagène dans <strong>les</strong><br />
jardins situés au bord de la mer ; il le mentionne comme<br />
très abondant dans l’île Mango où sa floraison a lieu en<br />
juillet, août et septembre, et la maturité de ses fruits en<br />
octobre 1 .<br />
Au Mexique, l’Hylocereus triangularis se rencontre à<br />
l’état sauvage dans <strong>les</strong> forêts des deux versants <strong>du</strong> pays ;<br />
il est surtout l’objet de cultures sur le versant atlantique<br />
où on le rencontre dans <strong>les</strong> jardins depuis le niveau de la<br />
mer jusqu’à une altitude de 2.500 mètres.<br />
Ce Pitahayo, après la découverte de l’Amérique, a été<br />
plus ou moins propagé dans toutes <strong>les</strong> zones de climat tem-<br />
péré de l’Ancien Continent ; néanmoins, dans ces régions<br />
d’importation, sa culture s’est généralisée plutôt comme<br />
plante curieuse que comme plante fruitière à proprement<br />
parler.<br />
Hylocereus Ocamponis Britt. et Rose (syn. : Cereus Ocamponis<br />
Salm-Dyck). — Cette espèce se distingue de la<br />
précédente par ses artic<strong>les</strong> plus volumineux, de couleur<br />
céru<strong>les</strong>cente ou cendrée, par ses aiguillons jaunes d’une<br />
longueur de 1 à 2 centimètres qui sont plus nombreux et<br />
plus vigoureux. Le fruit est gros et parfois le double de<br />
celui de l’espèce précédente ; son péricarpe est beaucoup<br />
moins squameux, de couleur blanche ou légèrement jau-<br />
nâtre ; il possède un sarcocarpe complètement blanc.<br />
Ce Pitahayo est plus grimpant que l’Hylocereus tri-<br />
1. D’après bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 192, Washington,<br />
1920) cette plante serait originaire de la Jamaïque
Fig. 62. — Floraison d’un Hylocereus tricostatus<br />
Britt. et Rose.
204 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
angularis et paraît être, à l’état sauvage, plutôt saxicole<br />
qu’arboricole.<br />
Au Mexique, on le rencontre surtout dans l’État de<br />
Michoacan, dans l’État de Colima et dans la partie sud de<br />
l’État de Jalisco, où <strong>les</strong> indigènes en font l’objet d’une cer-<br />
taine culture.<br />
Hylocereus tricostatus Britt. et Rose (syn. : Cereus tricostatus<br />
Roland-Gosselin 1 ). — Cette espèce se différencie<br />
très nettement des deux précédentes par l’aspect de son<br />
fruit qui est beaucoup plus écailleux et dont <strong>les</strong> prolon-<br />
gements squamiformes se recouvrent en s’imbriquant de<br />
façon à lui donner l’apparence d’un capitule d’Artichaut ;<br />
il est d’une belle couleur coccinée et possède une pulpe<br />
variant <strong>du</strong> rose au rouge vif. La fleur ne paraît pas pré-<br />
senter de différences bien marquées avec cel<strong>les</strong> des espèces<br />
affines ; <strong>les</strong> rameaux, relativement assez grê<strong>les</strong>, sont armés<br />
d’aiguillons grisâtres, peu puissants et quelque peu re-<br />
courbés (fig. 62).<br />
A cause de son abondante pro<strong>du</strong>ction fruitière, l’Hylocereus<br />
tricostatus est l’objet d’une culture importante sur<br />
le versant occidental <strong>du</strong> Mexique, principalement dans<br />
l’État de Jalisco où on le voit alors en plantations régu-<br />
lièrement entretenues.<br />
La plantation de ce Cierge se fait comme celle des autres<br />
Pitahayos, c’est-à-dire en palissade le long des murs ou en<br />
garniture sur leur faîte (fig. 63, 64), ou bien encore en <strong>les</strong><br />
faisant grimper sur certains arbres de grande taille tels<br />
que Ficus, Prosopis, Leucoena, Cordia, etc., qui, à cause de<br />
la qualité de leur ombrage, sont plantés habituellement<br />
auprès des habitations rura<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique.<br />
Dans certaines localités comme, par exemple, le Valle de<br />
las playas (Jalisco), on fait grimper l’Hylocereus tricostatus<br />
sur le Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose ; cette<br />
1. H. Roland-gosselin. — Cereus tricostatus et Cereus Plumieri (Bulletin<br />
de la Société botanique de France, LIV, p. 664, 1907).<br />
bRitton et Rose. (The Cactaceæ, II, p. 187, Washington, 1920) identifient<br />
cette espèce avec l’Hylocereus un<strong>du</strong>latus Britt. et Rose.<br />
Cerus -><br />
Cereus
Fig. 63. — Hylocereus tricostatus Britt. et Rose en floraison dans un jardin indien<br />
au village de San Martin Tlaxicolcinco.<br />
Environs de Guadalajara (État do Jalisco).
206 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
association de deux Cierges, loin de nuire à l’une ou à<br />
l’autre espèce, comme on pourrait le croire, présente au<br />
contraire l’avantage appréciable de réaliser à des saisons<br />
différentes et sur le même terrain une double pro<strong>du</strong>ction<br />
annuelle (fig. 65).<br />
Les indigènes de l’État de Jalisco mettent à profit la<br />
faculté de croisement des Cierges grimpants pour améliorer<br />
la pro<strong>du</strong>ction fruitière de l’Hylocereus tricostatus. C’est<br />
ainsi que parmi <strong>les</strong> plantations de ce Pitahayo on voit souvent<br />
figurer une variété, probablement issue de l’Hylocereus<br />
un<strong>du</strong>latus, ne donnant que des fruits peu avantageux.<br />
Celle-ci, mise à proximité de l’Hylocereus tricostatus,<br />
aurait sur lui, <strong>du</strong> moins d’après le dire des indigènes, une<br />
influence heureuse sur la qualité de la fructification.<br />
Ce Cierge paraît être plus rustique et de culture plus<br />
facile que <strong>les</strong> autres espèces affines, aussi a-t-il pu s’adapter<br />
très bien au climat <strong>du</strong> midi de la France ; un essai d’accli-<br />
matation parfaitement réussi à Villefranche-sur-Mer,<br />
dans la propriété de M. Roland-Gosselin où, après deux ans<br />
de bouture, un rameau a donné un plant capable de fournir<br />
des fruits arrivant à complète maturité.<br />
pitahayos a tiges polygona<strong>les</strong>. — Le second groupe des<br />
Cierges grimpants à tiges prismatiques comprend <strong>les</strong> spé-<br />
cimens à rameaux dont <strong>les</strong> ang<strong>les</strong> plus ou moins arrondis<br />
ou effacés ne dépassent pas le nombre de sept. Il est repré-<br />
senté par ce que A. Berger a considéré comme <strong>les</strong> sections<br />
Heliocereus et Selenicereus, que Britton et Rose ont élevées<br />
au rang de genres 1 .<br />
Les Heliocereus ne comprennent jusqu’ici que cinq<br />
espèces dont le type est 1’H. speciosus Britt. et Rose.<br />
Cette espèce, de par sa nature et ses caractères bota-<br />
niques, paraît bien constituer un point de transition non<br />
seulement entre <strong>les</strong> deux catégories de Cierges rampants à<br />
1. A. beRgeR : A systematic revision of the genus Cereus (Missouri<br />
botanical Garden sixteenth annual Report, p. 74, 1905) ; et bRitton et<br />
Rose : The genus Cereus and ils Allies in North America (Contributions<br />
from U. S. National herbarium, vol. 12, pp. 433 et 429, 1909).
Fig. 64. — Hylocereus tricostatus Britt. et Rose planté en couronnement d’un mur.<br />
(Ce plant est le même que celui de la ligure 61. la vue est prise sur le côté <strong>du</strong> mur faisant face à la roule),<br />
Village de San Martin Tlaxicolcinco (État de Jalisco)
208 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tiges prismatiques, mais aussi entre ces derniers et le genre<br />
Epiphyllum, dont elle se rapproche apparemment par son<br />
existence presque complètement aérienne et par certains<br />
côtés de son inflorescence, laquelle est diurne, de longue<br />
<strong>du</strong>rée et de coloration coccinée.<br />
Les Selenicereus sont représentés par dix-sept espèces,<br />
parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> S. grandiflorus Britt. et Rose, S. pteranthus<br />
Britt. et Rose et S. hamatus Britt. et Rose.<br />
Tous <strong>les</strong> représentants de ce dernier groupe se font<br />
remarquer par le charme et la beauté de leurs fleurs, qui,<br />
exception faite pour le S. speciosus, varie comme coloris<br />
entre le jaune d’or plus ou moins accentué et le blanc le<br />
plus éclatant, par le fruit inerme à sa maturité et qui au<br />
lieu d’être squameux comme chez <strong>les</strong> Cierges triangulaires,<br />
est verruqueux.<br />
Tous trois sont sylvico<strong>les</strong> et ont une distribution géo-<br />
graphique presque aussi éten<strong>du</strong>e que celle de l’Hylocereus<br />
un<strong>du</strong>latus Britt. et Rose.<br />
Heliocereus speciosus Britt. et Rose (syn. : Cactus speciosus<br />
Cavanil<strong>les</strong>, C. speciosissimus Desf., Cereus speciosissimus<br />
DC., C. speciosus Schum., C. bifrons Haw.). —<br />
Cette espèce est une des plus anciennement connues parmi<br />
<strong>les</strong> Cierges grimpants ; elle est naturellement épiphyte et<br />
sylvicole ; on la rencontre dans presque toutes <strong>les</strong> régions<br />
forestières élevées <strong>du</strong> Mexique et de l’Amérique centrale.<br />
Ce Cierge qui est surtout de climat tempéré vit sur <strong>les</strong> flancs<br />
boisés des montagnes où se pro<strong>du</strong>isent quotidiennement<br />
des rosées abondantes.<br />
L’Heliocereus speciosus se conforme à un mode d’existence<br />
assez analogue à celui des Epiphyllum ; comme eux<br />
on le voit, lorsqu’il est complètement épiphyte, choisir <strong>les</strong><br />
bifurcations élevées des arbres, pour se développer en puis-<br />
santes touffes, ou encore le long <strong>du</strong> tronc qu’il peut parfois<br />
recouvrir en s’attachant fortement à l’aide de ses racines<br />
crampons (fig. 66) ; rarement, dans la nature, on le ren-<br />
contre relié au sol comme c’est le cas à peu près habituel<br />
des autres Cierges grimpants.
14<br />
Fig. 65. — Association culturale de l’Hylocereus tricostatus Britt. et Rose<br />
et <strong>du</strong> Lemaireocereus queretaroensis Britt. et Rose dans une plantation indigène<br />
au village de San Marcos, près <strong>du</strong> lac de Zacoalco (État de Jalisco).
210 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les rameaux sont d’un vert assez sombre, subérigés,<br />
diffus, alternativement quadrangulaires, triangulaires, ou<br />
encore, chez <strong>les</strong> jeunes pousses, comprimés de façon à rap-<br />
peler ceux d’un Epiphyllum. La fleur est diurne, d’un beau<br />
rouge avec reflets métalliques bleutés ; elle reste épanouie<br />
pendant plusieurs jours. La floraison de cette espèce se<br />
pro<strong>du</strong>it pendant près de six mois et a lieu avant et pendant<br />
la saison des pluies. Le fruit est ficiforme, verruqueux,<br />
inerme, d’un vert olivâtre, à pulpe blanche, assez parfumée,<br />
quelque peu mucilagineuse et acide ; <strong>les</strong> indigènes l’em-<br />
ploient pour la préparation de limonades, ce qui a fait<br />
donner à ce fruit le nom de Pitahaya de agua 1 . Le sarcocarpe<br />
additionné de sucre se consomme à l’état frais ou à<br />
l’état de conserve, la substance de cette pulpe se prêtant<br />
bien à la préparation de gelées de confiserie.<br />
Le fruit arrive à sa maturité dans le courant de l’année<br />
qui suit la floraison, on le récolte dans <strong>les</strong> forêts en février,<br />
mars, avril, pour le vendre sur <strong>les</strong> marchés.<br />
Ce Cierge est l’objet, pour sa pro<strong>du</strong>ction fruitière, d’une<br />
semi-culture, <strong>les</strong> indigènes habitant <strong>les</strong> forêts des mon-<br />
tagnes l’entretiennent et le propagent sur <strong>les</strong> arbres avoi-<br />
sinant leurs champs de culture, de façon à pouvoir faire<br />
facilement la récolte à l’époque voulue.<br />
C’est ce que l’on peut voir dans l’État de Jalisco aux<br />
sierras del Tigre, de Sayula, <strong>du</strong> volcan de Colima ; c’est<br />
même à cause de cette provenance que le fruit est désigné<br />
parfois sur <strong>les</strong> marchés de la région sous <strong>les</strong> différents noms<br />
de Pitahaya del cerro, del volcan, de Sayula.<br />
L’Heliocereus speciosus présente un assez grand nombre<br />
de variétés, soit naturel<strong>les</strong>, soit obtenues par <strong>les</strong> semis de<br />
culture. Les plus anciennement connues parmi cel<strong>les</strong> que<br />
l’on rencontre à l’état sauvage sont <strong>les</strong> H. Schrankii Britt.<br />
et Rose et elegantissimus Britt. et Rose, que l’on considère<br />
1. Il ne faut pas confondre ce nom avec celui de Tuna de agua ou<br />
Pitaya de agua que l’on applique, dans l’État de Jalisco, aux fruits <strong>du</strong><br />
Pereskiopsis aquosa Britt. et Rose, et qui sont également employés<br />
pour la préparation de boissons rafraîchissantes.
Fig. 66. — Heliocereus speciosus Britt. et Rose<br />
sur le tronc d’un Chêne.<br />
Sierra del Tigre (État de Jalisco).
212 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
souvent comme espèces distinctes 1 . .Dans <strong>les</strong> cultures, on<br />
signale environ une quinzaine de variétés obtenues par<br />
semis.<br />
Ce Cierge se prête très bien à l’hybridation ; on a pu le<br />
croiser avec le Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose,<br />
l’Aporocactus flagelliformis Lemaire, et même avec <strong>les</strong><br />
Epiphyllum, principalement avec l’E. Ackermannii Haw.<br />
Ces croisements nous révèlent un fait intéressant en ce<br />
qui concerne ce que l’on a vu plus haut au sujet <strong>du</strong> rang<br />
particulier occupé par cet Heliocereus, dans le groupe des<br />
Pitahayos.<br />
Avec le Selenicereus grandiflorus, <strong>les</strong> hybrides obtenus<br />
tiennent plus de l’Heliocereus speciosus dans <strong>les</strong> caractères<br />
floraux, tandis qu’avec l’Epiphyllum Ackermannii et<br />
l’Aporocactus flagelliformis, c’est le contraire qui a lieu.<br />
A cause de la beauté, de l’éclat de ses fleurs et de sa<br />
facilité de culture, l’Heliocereus speciosus a joui, à l’époque<br />
de la vogue des Cactacées en horticulture, d’un grand suc-<br />
cès dans <strong>les</strong> cultures de serres tempérées. Pépin, jardinier<br />
en chef <strong>du</strong> Muséum de Paris, cite 2 le cas d’un spécimen<br />
âgé de trente ans qui, en 1844, se trouvait dans la propriété<br />
de M. Gervais, à Andilly (Vallée de Montmorency), et qui,<br />
palissé sur le mur, au fond d’une serre, donnait chaque<br />
année plus de deux mille fleurs. La floraison de ce remar-<br />
quable plant <strong>du</strong>rait depuis le printemps jusqu’en juillet et<br />
il n’était pas rare de voir, pendant le mois de juin, sept<br />
cents à huit cents fleurs épanouies en même temps, ce qui,<br />
comme le fait remarquer l’auteur, pro<strong>du</strong>isait une éblouis-<br />
sante tapisserie grâce aux reflets vraiment métalliques des<br />
péta<strong>les</strong>. Tous <strong>les</strong> ans ce Cierge pro<strong>du</strong>isait un grand nombre<br />
de fruits parvenant tous à complète maturité ; on en sema<br />
à différentes reprises des graines, qui repro<strong>du</strong>isirent soit<br />
identiquement la mère, soit, et plus souvent, des variétés<br />
distinctes de forme et de diamètre.<br />
1. Ainsi que le font bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 127,<br />
Washington, 1920).<br />
2. pepin. — Dimensions extraordinaires d’un indivi<strong>du</strong> de Cereus<br />
speciosissimus (L’Horticulteur universel, V, p. 277, 1844).
chapitRe ix 213<br />
Quant à la rapidité de croissance de ce spécimen, Pépin<br />
ajoute qu’il a vu cette année (juin 1844) des tiges nouvel<strong>les</strong><br />
atteignant déjà plus de 2 mètres.<br />
L’aire de dispersion de l’Heliocereus speciosus est assez<br />
vaste et comprend tout le massif central <strong>du</strong> Mexique plus<br />
l’Amérique centrale. Au Mexique, on rencontre cette espèce<br />
plus particulièrement à une altitude voisine de 2.000 mètres,<br />
où il croît de préférence sur <strong>les</strong> Chênes dont l’écorce ru-<br />
gueuse convient au développement et à la fixation de ses<br />
racines adventives.<br />
Ce Cierge fut primitivement nommé Cactus speciosus,<br />
mais ce nom ayant été donné par Bonpland à la suite d’une<br />
erreur d’étiquetage à l’Epiphyllum Ackermannii, de Candolle<br />
lui donna, afin d’éviter une confusion, la spécification<br />
de speciosissimus qui lui a été conservée le plus souvent.<br />
Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose (syn. : Cactus<br />
grandiflorus L., Cereus grandiflorus Mill.). — Ce Cierge est<br />
une espèce des plus remarquab<strong>les</strong> par la magnificence de<br />
ses fleurs ; c’est ce qui l’a fait cultiver depuis très longtemps<br />
et lui fit à une certaine époque occuper un tout premier<br />
rang parmi <strong>les</strong> plantes de serres tempérées.<br />
Le Selenicereus grandiflorus possède une zone de dispersion<br />
géographique très éten<strong>du</strong>e sur toute la côte orientale<br />
de l’Amérique tropicale et subtropicale ; on le croit origi-<br />
naire de l’Amérique méridionale, mais néanmoins on le<br />
rencontre assez couramment dans toutes <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong> 1 et<br />
au Mexique, principalement dans la région côtière des<br />
États de Vera-Cruz et de Tamaulipas, où dans ces derniers<br />
parages on le trouve, d’après A. Mathsson, croissant spon-<br />
tanément à l’état sauvage jusqu’à une altitude de<br />
1.000 mètres 2 .<br />
La tige, d’environ 2 centimètres de diamètre, est longue,<br />
1. bRitton et Rose : (The Cactaceæ, II, p. 197, Washington, 1920)<br />
pensent qu’il est originaire de la Jamaïque et de Cuba.<br />
2. A. mathsson. — Kakteen aus dem State Fera Cruz (Monatsschrift<br />
fur Kakteenkunde, Jahrgang 1891-1892, p. 79).
214 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
très rameuse, d’un vert jaunâtre, grimpante ; elle pro<strong>du</strong>it<br />
des racines adventives et de courts et faib<strong>les</strong> aiguillons<br />
entremêlés de poils. La fleur, jaune d’or dans <strong>les</strong> péta<strong>les</strong><br />
extérieurs, prend une belle teinte aurore chez <strong>les</strong> centra<strong>les</strong> ;<br />
elle est crépusculaire et d’une très courte <strong>du</strong>rée, ne restant<br />
épanouie tout au plus que quelques heures ; elle possède<br />
environ 20 centimètres de longueur sur un diamètre de<br />
corolle égal ; le tube est pileux avec sépa<strong>les</strong> linéaires jaunes ;<br />
elle exhale un parfum de vanille assez prononcé.<br />
Ce Cierge fleurit pendant la saison estivale ; sa floraison,<br />
d’après de Candolle et Redouté, est remarquable par sa<br />
régularité ; ces auteurs, à l’appui de ce fait, font mention<br />
d’un spécimen cultivé à Paris et que l’on a vu pendant<br />
quatre ans de suite fleurir le 15 juillet à 7 heures <strong>du</strong> soir ;<br />
le bouton de la fleur commençait à apparaître au prin-<br />
temps, il grandissait jusqu’à la longueur de 15 centimètres<br />
et, le jour où la fleur devait s’épanouir, le bouton s’entr’ou-<br />
vrait légèrement.<br />
Le fruit de ce Cierge est comestible, et lorsqu’il provient<br />
d’une bonne variété, il est très savoureux. Miller, dans son<br />
Dictionnaire des Jardiniers, dit que <strong>les</strong> habitants de la Barbade<br />
cultivent cette plante en palissade contre leurs habi-<br />
tations et que son fruit, de la grosseur d’une poire Bergamote,<br />
est d’une saveur délicieuse.<br />
Le Selenicereus grandiflorus présente de nombreuses variétés,<br />
dont <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> ont été décrites sous <strong>les</strong> noms de<br />
Cereus Ophites Lemaire, Donkelaari Salm-Dyck, Macdonaldiæ<br />
Hook, Uranos Hort 1 .<br />
La variété Macdonaldiæ (Bot. Mag. 4707), se rencontre<br />
au Hon<strong>du</strong>ras et au Mexique ; elle a une tige plus vigoureuse<br />
que le type et des fleurs dont la longueur dépasse 30 centi-<br />
mètres.<br />
Les variétés affinis et albispinus, provenant des Antil<strong>les</strong>,<br />
ont des tiges moins allongées, présentant sept côtes rameuses<br />
à la base et des rameaux divariqués tout à fait rampants.<br />
1. bRitton et Rose. (The Cactaceæ, II, Washington, 1920) considèrent<br />
<strong>les</strong> Cereus Donkelaarii et Macdonaldiæ connue espèces distinctes sous<br />
le nom de Selenicereus Donkelaari et Macdonaldiæ Britt. et Rose
chapitRe ix 215<br />
Les Cereus Maynardæ Lemaire et fulgi<strong>du</strong>s Hooker sont<br />
le résultat d’un croisement naturel avec l’Heliocereus speciosus<br />
; ils ont des fleurs d’un beau rouge. D’après Labouret,<br />
le Cereus Maynardæ Lemaire a des fleurs d’une teinte coccinée<br />
très gaie ; el<strong>les</strong> se rapprochent de cel<strong>les</strong> de l’Heliocereus<br />
speciosus par la couleur et de cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Selenicereus<br />
grandiflorus par la forme et la dimension. Ces fleurs restent<br />
épanouies pendant plusieurs jours, ce qui est un caractère<br />
emprunté à l’Heliocereus speciosus.<br />
Le Selenicereus grandiflorus se croise également avec le<br />
Selenicereus pteranthus Britt. et Rose ; il donne alors l’hybride<br />
qui a été décrit sous le nom de Cereus callicanthus.<br />
La fleur et la pulpe des tiges de ce Pitahayo renferment<br />
un principe actif isolé par F.-W. Sultan et auquel il a donné<br />
le nom de cactine ; ce pro<strong>du</strong>it, sous forme d’extrait, a été<br />
préconisé en médecine pour <strong>les</strong> affections <strong>du</strong> coeur et <strong>les</strong><br />
troub<strong>les</strong> de la circulation.<br />
Selenicereus pteranthus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
pteranthus Link et Otto, C. nycticalus Link, C. brevispinulus<br />
Salm-Dyck, C. Antoinii Pfeiff., C. rosaceus Hort.). —<br />
Cette espèce est très affine de la précédente ; <strong>les</strong> indigènes<br />
la désignent sous le nom vernaculaire de Pitahayo real, à<br />
cause de la beauté de sa fleur et de la qualité exquise de<br />
ses fruits lorsqu’ils proviennent d’un plant en bonne condi-<br />
tion d’existence.<br />
Comme presque toutes ses congénères, cette espèce est<br />
cultivée aussi bien comme plante d’ornement que comme<br />
plante fruitière ; sa floraison a lieu au début de la saison<br />
des pluies, c’est-à-dire en juillet.<br />
Les fleurs sont assez semblab<strong>les</strong> à cel<strong>les</strong> de l’espèce pré-<br />
cédente, mais en général plus grandes ; el<strong>les</strong> sont nocturnes,<br />
peu ou point odorantes ; le tube de la fleur a une longueur<br />
de 20 centimètres, avec squames vert brunâtre à peine<br />
garnies de laine.<br />
Les péta<strong>les</strong> externes sont rouges ou brun clair, <strong>les</strong> in-<br />
ternes blancs, avec une strie médiane verte en dehors ;<br />
l’ovaire est subglobuleux à squames serrées, pileux et porte
216 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
(<strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>. Le fruit est rouge, sphérique, d’un diamètre<br />
de 5 centimètres ; il est pourvu sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> de laine et<br />
d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs ; sa pulpe est blanche, quelque peu ver-<br />
dâtre, d’une saveur acide soit insipide soit parfumée et<br />
sucrée selon <strong>les</strong> variétés. La tige est subdressée, très longue,<br />
à artic<strong>les</strong> de formes diverses, <strong>les</strong> uns cylindriques, <strong>les</strong> autres<br />
polygonaux, présentant de quatre à six ang<strong>les</strong> plus ou moins<br />
arrondis, d’un diamètre variant entre 1,5 et 2,5 centimètres,<br />
et des aiguillons très courts rigides.<br />
Les horticulteurs distinguent trois variétés : une à tige<br />
grêle ou gracilior, une autre d’un beau vert ou viridior, et<br />
une troisième à aiguillons plus nombreux ou armata.<br />
Ce Cierge se laisse facilement croiser avec le Selenicereus<br />
grandiflorus et donne l’hybride que l’on a mentionné<br />
plus haut sous le nom de Cereus callicanthus.<br />
Au Mexique, on rencontre le Selenicereus pteranthus à<br />
l’état sauvage dans <strong>les</strong> forêts des États de Vera-Cruz et de<br />
Tamaulipas, où il croît de préférence sous <strong>les</strong> arbres et <strong>les</strong><br />
arbrisseaux des endroits rocailleux, mais où cependant le<br />
sol est riche en humus.<br />
Selenicereus hamatus Britt. et Rose (syn. : Cereus hamatus<br />
Scheidw., C. rostratus Lemaire). — Cette espèce se distingue<br />
facilement des deux précédentes par ses caractères<br />
botaniques et surtout par son allure qui est très particu-<br />
lière : la fleur est d’une belle teinte blanc laiteux, grande,<br />
d’une longueur de 25 à 30 centimètres ; son tube est squa-<br />
meux et de couleur verte ; il porte des crins noirs sub-<br />
érigés. Le fruit, qui est comestible, est analogue comme na-<br />
ture et saveur à ceux des espèces précédentes ; son épi-<br />
derme d’un vert olivâtre est verruqueux et sa pulpe est<br />
blanche.<br />
Cette espèce constitue une forme très rameuse, présen-<br />
tant chez <strong>les</strong> sujets parvenus à l’état complètement a<strong>du</strong>lte<br />
une tige principale bien lignifiée qui, au début, est tétra-<br />
gone mais ne tarde pas à devenir cylindrique par suite de<br />
l’effacement des côtes. De couleur brune ou grisâtre, elle<br />
est érigée et, de plus, légèrement flexueuse, ce qui lui<br />
permet de s’insinuer parmi <strong>les</strong> buissons <strong>les</strong> plus touffus.
chapitRe ix 217<br />
Cette tige se subdivise à son sommet en un assez grand<br />
nombre de rameaux, d’un vert luisant, d’environ 2 centi-<br />
mètres de diamètre, offrant quatre côtes bien accusées, qui<br />
sont remarquab<strong>les</strong> par <strong>les</strong> prolongements en saillies qui<br />
naissent sous <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, en formant des becs recourbés<br />
ou sortes de rostres donnant à ces rameaux la faculté de<br />
se cramponner aux branchages des taillis qui sont à sa<br />
portée.<br />
Le Selenicereus hamatus a à peu près le même habitat<br />
sylvicole que <strong>les</strong> espèces précédentes ; il se rencontre au<br />
Mexique dans <strong>les</strong> grandes forêts de l’État de Vera-Cruz ; il<br />
est assez commun aux environs de Jalapa.<br />
En terminant ce qui est relatif à ce groupe de Cierges<br />
grimpants, il faut encore faire mention d’une espèce peu<br />
connue et assez anormale qui vient s’y rattacher : c’est le<br />
Cereus Testudo Karw., dont Britton et Rose ont fait un<br />
genre spécial, Deamia. On le rencontre aux environs de<br />
Teocelo (État de Vera-Cruz) 1 .<br />
Le Deamia Testudo Britt. et Rose, très variable dans la<br />
structure de ses tiges, est, d’après l’auteur qui l’a signalé,<br />
constitué par des rameaux très courts, de forme plus ou<br />
moins circulaire, séparés <strong>les</strong> uns des autres par un étran-<br />
glement et dont l’ensemble donne parfois à la plante l’appa-<br />
rence d’une troupe de petites tortues gravissant <strong>les</strong> rochers<br />
ou <strong>les</strong> arbres, dispositif qui, <strong>du</strong> reste, a valu à la plante le<br />
nom vernaculaire de Pitahayo de tortuga.<br />
III<br />
CIERGES A RACINES TUBÉREUSES<br />
La série à laquelle appartiennent ces Cierges ne com-<br />
prend jusqu’ici que cinq ou six espèces qui se caractérisent<br />
surtout par le fait de présenter des renflements en tuber-<br />
1. D’ après bRitton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 213, Washington,<br />
1923) le Deamia Testudo Britt. et Rose se rencontrerait jusqu’en<br />
Colombie.
218 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
cu<strong>les</strong> plus ou moins volumineux, soit à la naissance de la<br />
tige, soit sur le trajet des prolongements radiculaires.<br />
Cette anomalie dans une famille de plantes dont <strong>les</strong> ra-<br />
cines ne constituent guère que des accessoires fort rudi-<br />
mentaires, n’est pas exclusivement limitée aux Cierges ;<br />
elle se manifeste aussi chez quelques spécimens de Thelocactus,<br />
de Malacocarpus et de Platyopuntia 1 , mais elle n’entraîne<br />
pas chez ces derniers de grandes modifications dans<br />
la structure des tiges et des fleurs, comme cela a lieu chez<br />
<strong>les</strong> représentants de ce groupe.<br />
Les Cierges à racines tubéreuses, dont Britton et Rose<br />
ont fait <strong>les</strong> genres Wilcoxia et Peniocereus, ont une tige<br />
grêle, habituellement cylindrique, fortement lignifiée, d’une<br />
couleur brunâtre, qui leur donne l’aspect de rameaux des-<br />
séchés, sauf cependant pour une espèce : le Peniocereus<br />
Greggii Britt. et Rose, chez laquelle <strong>les</strong> rameaux partant<br />
de la tige centrale sont charnus et rappellent assez ceux<br />
d’un Cierge rampant à tiges prismatiques, tel par exemple<br />
le Selenicereus hamatus Britt. et Rose.<br />
Du reste, <strong>les</strong> Cierges à racines tubéreuses se rattachent<br />
sous bien des rapports aux Pitahayos, mais cependant avec<br />
cette différence biologique qu’au lieu d’avoir comme habitat<br />
la grande forêt, ils se rencontrent toujours dans <strong>les</strong> régions<br />
foncièrement désertiques où ils croissent de préférence<br />
1. Chez <strong>les</strong> premiers, on a le Thelocactus leucacanthus Britt. et<br />
Rose (syn. : Cereus tuberosus Pfeiffer, C. Moelenii Pfeiffer, Echinocactus<br />
leucacanthus Zucc., E. theloideus Salm-Dyck, E. subporrectus<br />
Lemaire, E. Moelenii Salm-Dyck, E. porrectus Lemaire, Mamillaria<br />
Mœlenii Salm-Dyck) qu’il ne faut pas confondre avec le Wilcoxia<br />
Poselgeri Britt. et Rose (syn. : Cereus tuberosus Poselg., C. Poselgeri<br />
Coult., Echinocereus Poselgeri Lemaire, E. tuberosus Poselg.), espèce<br />
aujourd’hui bien définie, se rencontrant dans le Texas et l’État de<br />
Coahuila, que <strong>les</strong> indigènes de cette dernière région nomment Zacasil<br />
ou Zacaxochil.<br />
Les Malacocarpus présentent un curieux spécimen à racine tuberculisée<br />
avec le M. napinus Britt. et Rose, <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Chili.<br />
Quant aux Opuntia, le groupe des Nopa<strong>les</strong> rastreros nous a offert <strong>les</strong><br />
O. Pottsii Salm-Dyck, macrorhiza Engelm., Grahamii Engelm.. des<br />
régions désertiques des États-Unis
chapitRe ix 219<br />
dans <strong>les</strong> terrains meub<strong>les</strong>, ce qui permet à leurs racines de<br />
rencontrer <strong>les</strong> circonstances et <strong>les</strong> conditions propices à<br />
leur expansion.<br />
Comme <strong>les</strong> Cierges sylvico<strong>les</strong>, ils ne croissent pas iso-<br />
lément ; on <strong>les</strong> rencontre toujours enchevêtrant leurs frê<strong>les</strong><br />
rameaux avec ceux des arbustes xérophi<strong>les</strong>, avec <strong>les</strong>quels<br />
ils se confondent sans toutefois paraître s’en servir comme<br />
d’un moyen sérieux d’appui.<br />
Les fleurs, assez analogues à cel<strong>les</strong> des Cierges à tiges<br />
polygona<strong>les</strong>, sont cependant beaucoup plus grê<strong>les</strong> et pro-<br />
portionnellement plus longuement tubulées ; el<strong>les</strong> sont,<br />
suivant <strong>les</strong> espèces, blanches, rouges, jaunes. Les fruits<br />
sont ovoïdes, plus ou moins allongés et de couleur rouge ;<br />
ils sont armés d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs, s’éliminant spontané-<br />
ment à l’époque de la maturité.<br />
La série des Cierges à racines tubéreuses est représentée<br />
jusqu’ici par six espèces qui sont : Peniocereus Greggii<br />
Britt. et Rose ; Wilcoxia viperina Britt. et Rose ; Poselgeri<br />
Britt. et Rose ; papillosa Britt. et Rose ; striata Britt. et Rose ;<br />
Diguetii Dig. et Guillaum., cette dernière espèce, qui n’est<br />
peut-être qu’une variété de la précédente, en diffère cepen-<br />
dant par la coloration de sa fleur qui est complètement<br />
blanche et non jaune comme celle <strong>du</strong> type décrit par Bran-<br />
degee 1 .<br />
Peniocereus Greggii Britt. et Rose (syn. : Cereus Greggii<br />
Engelm., C. Pottsii Salm-Dyck). — Cette espèce, pour laquelle<br />
Britton et Rose ont créé le genre Peniocereus 2 , présente<br />
quelques points de ressemblance avec le Selenicereus<br />
hamatus Britt. et Rose. Comme lui, elle est constituée au<br />
début par une tige unique, se lignifiant rapidement en pre-<br />
nant avec la croissance un contour cylindrique. Celle-ci<br />
peut atteindre 60 à 80 centimètres de longueur sur un dia-<br />
mètre d’environ 2 centimètres ; elle se subdivise à son<br />
1. bRandegee. — Zoe, II, p. 19, 1891.<br />
2. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />
America (Contributions from U. S. National Herbarium, vol. 12, p. 428,<br />
1909).
220 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
sommet en plusieurs rameaux présentant trois à six côtes,<br />
dressés, horizontaux ou décombants, de couleur verte passant<br />
insensiblement au grisâtre. La tige principale surgit d’un tu-<br />
bercule très charnu de couleur jaunâtre, au début bien napi-<br />
forme mais devenant dans la suite plus ou moins difforme<br />
en se renflant ou en s’allongeant ; ce tubercule peut atteindre<br />
chez <strong>les</strong> sujets bien développés une longueur de 30 à<br />
40 centimètres de long sur 15 à 20 centimètres de large.<br />
Cette racine serait, dit-on, fourragère et aurait été employée<br />
en temps de sécheresse comme aliment de fortune pour le<br />
bétail. La fleur, d’une longueur de 14 à 17 centimètres, est<br />
nocturne, longuement tubulée, de couleur blanche, très<br />
odorante ; elle apparaît latéralement sur <strong>les</strong> jeunes rameaux ;<br />
l’ovaire est vert sombre avec aréo<strong>les</strong> circulaires<br />
épineuses. Le fruit est comestible et rappelle assez celui des<br />
Pitahayos ; sa forme est un ovoïde allongé pouvant atteindre<br />
5 à 6 centimètres de long sur 2 à 3 de diamètre ; il porte<br />
de nombreux aiguillons ca<strong>du</strong>cs, sa couleur est d’un rouge<br />
écarlate.<br />
Une figure bien démonstrative portant sur l’ensemble de<br />
la plante, sa fleur et son tubercule, a été publiée par Britton<br />
et Rose 1 .<br />
Ce Cierge offre plusieurs variétés, entre autres une qui<br />
a été nommée Cereus Greggii transmontana Engelm., qui<br />
se différencie <strong>du</strong> type primitivement décrit par des aréo<strong>les</strong><br />
plus arrondies et un tube floral plus grêle et plus pileux.<br />
L’aire de dispersion <strong>du</strong> Peniocereus Greggii est assez<br />
éten<strong>du</strong>e ; elle comprend, aux États-Unis, <strong>les</strong> régions déser-<br />
tiques <strong>du</strong> Texas et de l’Arizona et au Mexique cel<strong>les</strong> des<br />
États de Zacatecas, Chihuahua, Sonora, Sinaloa et la partie<br />
méridionale de la Basse-Californie.<br />
Wilcoxia viperina Britt. et Rose (syn. : Cereus viperinus<br />
Web. 2 Herborium -><br />
). — Cette espèce, qui est désignée par <strong>les</strong> indigènes<br />
Herbarium<br />
1. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />
America (Contributions from U. S. National Herbarium, vol. 12, p.<br />
429, 1909).<br />
2. R. Roland-gosselin. — Œuvres posthumes <strong>du</strong> D r Weber (Bulletin<br />
<strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, X, p. 382, 1904).
chapitRe ix 221<br />
sous le nom vernaculaire d’Organito de vivora, se distingue<br />
nettement et à première vue de la précédente par son<br />
allure qui est bien typique et qui est celle des Cierges à<br />
racines tubéreuses complètement adaptés au régime exclusif<br />
des climats très secs.<br />
Le Wilcoxia viperina croît à une altitude de 1.500 à<br />
1.700 mètres, dans ces endroits arides à sol calcaire où, en<br />
dehors des Cactacées, des Agave et des Yucca, ne croissent<br />
guère comme végétation pérenne que de chétifs arbustes<br />
habituellement desséchés par <strong>les</strong> ardeurs solaires et au mi-<br />
lieu desquels il se confond par sa couleur terne au point<br />
d’en être difficilement distingué de prime abord.<br />
Ce Cierge possède une tige principale très courte, de cou-<br />
leur grisâtre ou brunâtre, qui vient surgir d’un tubercule<br />
unique pouvant atteindre parfois <strong>les</strong> mêmes proportions<br />
que celui <strong>du</strong> Peniocereus Greggii. Cette tige est courte, rameuse,<br />
non grimpante ni radicante, ayant un diamètre<br />
maximum d’environ 2 centimètres. Elle présente une<br />
dizaine de côtes arrondies et aplaties sur le sommet, sépa-<br />
rées <strong>les</strong> unes des autres par des sillons peu profonds. Les<br />
aréo<strong>les</strong> sont nues, distantes <strong>les</strong> unes des autres d’environ<br />
un centimètre ; <strong>les</strong> aiguillons sont grê<strong>les</strong>, rigides, très courts,<br />
de couleur grisâtre ; <strong>les</strong> jeunes rameaux, à leur début, sont<br />
toujours verts, mais ne tardent pas à prendre la teinte<br />
uniforme de la plante ; ils sont légèrement renflés à l’in-<br />
sertion des aréo<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-ci présentent un léger <strong>du</strong>vet flo-<br />
conneux blanc, qui disparaît promptement à mesure que<br />
le rameau se lignifie. La fleur est rouge, longue d’environ<br />
5 ou 6 centimètres. Le fruit est sphérique et d’une belle<br />
couleur rouge au moment de sa maturité ; il a environ<br />
3 centimètres de diamètre, ses aréo<strong>les</strong> sont tomentueuses<br />
et pourvues d’aiguillons grê<strong>les</strong>, rigides, bruns ou noirâtres.<br />
Le fruit est comestible, d’une saveur sucrée et parfumée<br />
très agréable, ce qui le fait apprécier des indigènes ; ceux-ci<br />
vont en faire la récolte au moment de la maturité, époque<br />
où, grâce à sa vive coloration, on le distingue facilement<br />
dans <strong>les</strong> fourrés broussailleux parmi <strong>les</strong>quels se dissimule<br />
la plante en temps ordinaire.
222 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Ce Cierge, jusqu’ici, n’a été signalé qu’aux environs de<br />
Zapotitlan de las salinas (État de Puebla), où il croît en<br />
abondance, dans <strong>les</strong> terrains argilo-calcaires, parmi la végé-<br />
tation arbustive des sols brûlés par <strong>les</strong> ardeurs <strong>du</strong> soleil<br />
et où il a été rencontré pour la première fois par le D r Weber<br />
vers 1867.<br />
Wilcoxia striata Britt. et Rose (syn. : Cereus striatus<br />
Brandegee) 1 et W. Diguetii Dig. et Guillaum. (syn. : Cereus<br />
Diguetii Web.) 2 . — Ces deux Cierges se différencient de l’espèce<br />
précédente par leurs rameaux plus érigés, leur allure<br />
plus élancée et la tuberculisation de leurs racines qui, au<br />
lieu d’être unique, se montre répartie tout le long des pro-<br />
longements radiculaires, de façon à offrir des tubercu<strong>les</strong><br />
disposés en chapelet.<br />
Ces deux espèces, jusqu’ici encore peu connues et qui ne<br />
constituent peut-être que de simp<strong>les</strong> variétés, se distinguent<br />
l’une de l’autre par la coloration de la fleur, qui, dans la<br />
première espèce, est jaune, et dans la seconde, blanche ;<br />
cette dernière est crépusculaire et apparaît au mois d’avril ;<br />
le fruit, de couleur rouge, arrive à maturité en juin ou<br />
juillet ; il est assez analogue à celui <strong>du</strong> Wilcoxia viperina,<br />
mais moins sphérique et plus allongé ; comme lui, il est de<br />
saveur agréable et très apprécié des indigènes.<br />
Les rameaux, très ligneux, de couleur brunâtre, sont<br />
cylindriques, très grê<strong>les</strong>, ils peuvent atteindre une longueur<br />
de 50 centimètres, sur un diamètre de quelques millimètres.<br />
Ces deux Cierges sont désignés par <strong>les</strong> indigènes sous le<br />
nom de Jacamatraca 3 ; ils se distinguent très difficilement,<br />
comme l’espèce précédente, de la végétation avec laquelle<br />
ils s’associent, leur aspect étant à première vue celui de<br />
brindil<strong>les</strong> brûlées par <strong>les</strong> ardeurs <strong>du</strong> soleil.<br />
1. bRandegee.. — Cereus striatus (Zoe, II, p. 19, 1891).<br />
2. webeR. — Cereus Diguetii (Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle<br />
de Paris, I, p. 319, 1893).<br />
3. Ce nom parait dériver, <strong>du</strong> moins en partie, d’un terme nahuatl<br />
importé par <strong>les</strong> colons espagnols et qui devrait alors s’orthographier<br />
Zacamatraca (zacatl = herbe desséchée, foin, etc., et matraca, mot<br />
espagnol signifiant baguette flexible).
chapitRe ix 223<br />
Les terrains qu’ils paraissent plus particulièrement pré-<br />
férer pour leurs bonnes conditions d’existence, sont <strong>les</strong> sols<br />
argilo-sablonneux avoisinant <strong>les</strong> rivages de la mer ; néan-<br />
moins, on peut parfois <strong>les</strong> rencontrer sur <strong>les</strong> plateaux assez<br />
élevés et sur <strong>les</strong> flancs des montagnes, où souvent alors ils<br />
insinuent leurs racines entre <strong>les</strong> fissures des rochers, ou<br />
entre <strong>les</strong> pierres, ce qui occasionne parfois un aplatisse-<br />
ment ou une déformation des renflements des racines.<br />
Gomme répartition géographique, ces Cierges, qui repré-<br />
sentent vraisemblablement la forme la plus évoluée ou la<br />
plus transformée des Cierges à racines tubéreuses, n’ont<br />
été jusqu’ici signalés que sur le territoire de la Basse-Cali-<br />
fornie et dans l’État de Sonora.<br />
D’après <strong>les</strong> semis qui ont été exécutés par M. R. Roland-<br />
Gosselin, à Villefranche-sur-Mer, la croissance de l’une de<br />
ces espèces ou variétés est extrêmement lente et ne repré-<br />
sente qu’un allongement de quelques millimètres à l’année,<br />
mais greffée sur le Wilcoxia viperina, la croissance des tiges<br />
a pu atteindre, dans le même laps de temps, 4 à 5 centi-<br />
mètres 1 .<br />
IV<br />
CIERGES ABERRANTS<br />
(GARAMBULLOS)<br />
A la suite des Cierges à fruits comestib<strong>les</strong>, on doit encore<br />
placer ce que, dans le langage populaire, on nomme au<br />
Mexique : <strong>les</strong> Garambullos ou Carambuyos ; ces derniers,<br />
par leur allure générale, rappellent <strong>les</strong> Cierges colomnaires<br />
<strong>les</strong> mieux caractérisés ; mais par leurs caractères floraux,<br />
ils s’en éloignent très notablement et se rapprochent alors<br />
1. En plus de ces espèces, Britton et Rose (The Cactaceæ, II, p. 112,<br />
Washington, 1920) ont signalé la présence <strong>du</strong> Wilcoxia Poselgeri Britt.<br />
et Rose dans l’État de Coahuila, et <strong>du</strong> W. papillosa dans l’État de<br />
Sinaloa.
224 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
beaucoup plus des représentants <strong>du</strong> genre Rhipsalis, que<br />
de n’importe quel groupe de Cierges. Aussi est-ce pour cette<br />
raison que Console, en 1897, proposa de <strong>les</strong> détacher <strong>du</strong><br />
genre dans lequel on <strong>les</strong> plaçait jusqu’alors et de créer,<br />
pour cette forme incertaine, un genre à part auquel il donna<br />
le nom de Myrtillocactus 1 . Depuis, Britton et Rose ont fait<br />
<strong>du</strong> Cereus Schottii Engelm. le type d’un autre genre Lophocereus<br />
2 .<br />
Les fleurs et <strong>les</strong> fruits de Carambullos ont, comme caractère<br />
particulier, d’être de petites dimensions, mais cette<br />
exiguité des pro<strong>du</strong>its est amplement compensée par une<br />
extraordinaire surabondance.<br />
Les fleurs, comme cel<strong>les</strong> de l’Opuntia Ficus-indica Mill.,<br />
sont comestib<strong>les</strong>, <strong>du</strong> moins pour ce qui est de l’espèce type<br />
le M. geometrizans Console ; el<strong>les</strong> se vendent même assez<br />
couramment sur <strong>les</strong> marchés mexicains où on <strong>les</strong> désigne<br />
sous le nom de Clave<strong>les</strong> de Carambullos ; dans <strong>les</strong> usages<br />
culinaires, on <strong>les</strong> emploie alors comme succédanées des in-<br />
florescenses d’Agave.<br />
Quant aux fruits, ils sont constitués par de petites baies<br />
assez analogues comme apparence à cel<strong>les</strong> de myrtil<strong>les</strong>, d’où<br />
l’origine <strong>du</strong> nom de Myrtillocactus donné par Console. Les<br />
fruits sont d’une saveur excellente, ce qui leur permet de<br />
venir concurrencer sur <strong>les</strong> endroits de vente <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its<br />
<strong>les</strong> plus estimés des Opuntia et des Cierges ; comme eux, on<br />
<strong>les</strong> consomme à l’état frais ou en conserves ; sous ce der-<br />
nier rapport ils se prêtent à toute la série de préparations<br />
que l’on a coutume d’élaborer avec <strong>les</strong> fruits de Cactacées.<br />
Dans la confiserie indigène, on prépare plus spécialement<br />
le suc <strong>du</strong> fruit de Carambullo sous la forme d’un extrait<br />
sec, en feuillets minces que l’on obtient par la cuisson et<br />
l’évaporation <strong>du</strong> jus exprimé, sur une plaque modérément<br />
chauffée. Ce pro<strong>du</strong>it, qui constitue une sucrerie d’une belle<br />
1. console. — Bolletino R. Orto botanico Palermo, I, p. 8, 1897.<br />
2. bRitton et Rose. — The genus Cereus and its allies in North<br />
America (Contributions from U. S. National Herbarium, vol. 12. p. 426,<br />
1909).
15<br />
Fig. 67. — Myrtillocactus geometrizans Console.<br />
Plaines arides des environs de San Luis Potosi.
226 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
couleur rouge, est ven<strong>du</strong> sur <strong>les</strong> marchés mexicains sous<br />
le nom de Tortilla ou Dulce de Carambullo.<br />
Les Carambullos sont représentés par quatre espèces. Le<br />
Myrtillocactus geometrizans Console se rencontre très<br />
abondamment sur tous <strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong> massif central <strong>du</strong><br />
Mexique ; le M. Cochal Britt. et Rose est spécial à la Basse-<br />
Californie et le M. Schenckii Britt. et Rose aux États de<br />
Puebla et de Oaxaca ; le Lophocereus Schottii Britt. et Rose<br />
que l’on a rangé à tort parmi <strong>les</strong> Pilocereus à cause d’un<br />
faux cephalium qui, chez la forme primitivement décrite,<br />
vient constituer la partie florifère des tiges, habite exclu-<br />
sivement <strong>les</strong> régions désertiques <strong>du</strong> versant pacifique où<br />
on le rencontre principalement en Sonora et sur toutes <strong>les</strong><br />
parties peu élevées de la péninsule californienne.<br />
Myrtillocactus geometrizans Console (syn. : Cereus geometrizans<br />
Mart., C. pugioniferus Lemaire, C. quadrangulispinus<br />
Lemaire, C. Gladiator Otto et Dietr., C. Garambello<br />
Haage, C. aquicaulensis Hort.). — Ce Cierge est frutescent<br />
et atteint en général une hauteur d’environ 4 mètres.<br />
Lorsqu’il croît isolément et en terrain découvert (fig. 67),<br />
il est extrêmement rameux et prend alors une allure rap-<br />
pelant celle de certains Cierges de sites escarpés et dont<br />
<strong>les</strong> spécimens <strong>les</strong> plus marquants sont figurés par <strong>les</strong><br />
Lemaireocereus Chende Britt. et Rose et Chichipe Britt.<br />
et Rose. Mais lorsqu’il se trouve parmi <strong>les</strong> bosquets de<br />
Cierges élevés, on peut le voir parfois prendre une allure<br />
toute différente, ses tiges s’allongeant considérablement et,<br />
devenant moins ramifiées, prennent alors l’aspect de cel<strong>les</strong><br />
des formes environnantes (fig. 68).<br />
Les fleurs <strong>du</strong> M. geometrizans sont blanches et de la<br />
dimension de cel<strong>les</strong> d’oranger ; el<strong>les</strong> apparaissent au<br />
nombre de quatre ou cinq par aréo<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont comes-<br />
tib<strong>les</strong> comme on l’a vu plus haut. Les fruits sont petits,<br />
toujours très abondants, de couleur rouge, ayant l’appa-<br />
rence de myrtil<strong>les</strong> ou mieux de raisins de moyenne gran-<br />
deur. Les tiges sont dressées, de couleur verte plus ou
Fig. 68. — Myrtillocactus geometrizans Console.<br />
Bosquets de Cactacées des Environs de Tehuacan (État de Puebla).
228 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
moins céru<strong>les</strong>cente ; el<strong>les</strong> présentent cinq ou six côtes, avec<br />
sillons larges, presque plans ; ces côtes sont obtuses, angu-<br />
leuses, garnies de tubercu<strong>les</strong>, convexes ; <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont es-<br />
pacées, rondes, blanches, munies d’un tomentum très court.<br />
Les aiguillons (fig. (59) sont inégaux, rigides, au nombre de<br />
quatre, dont un inférieur beaucoup plus développé ressem-<br />
Fig. 69. — Faisceaux épineux<br />
<strong>du</strong> Myrtillocactus geometrizans Console (grandeur naturelle).<br />
blant comme forme à la lame d’un poignard, d’où <strong>les</strong> noms<br />
de pugioniferus et de Gladiator donnés à ce Cierge ; cette<br />
forme d’aiguillons est très caractéristique <strong>du</strong> genre, car on<br />
ne la rencontre chez aucun autre représentant des Cierges ;<br />
néanmoins, ces aiguillons peuvent parfois faire défaut en<br />
partie ou en totalité chez certains spécimens et présenter<br />
alors des formes qui peuvent, jusqu’à un certain point,<br />
constituer une variété ; telle est par exemple celle que l’on<br />
rencontre dans la région de Mitla (État de Oaxaca), et qui
Fig. 70. — Lophocereus Schottii Britt. et Rose.<br />
Environs de La Paz (Basse-Californie).
230 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
est presque inerme, et celle de la sierra de la Mixteca dé-<br />
crite par Purpus sous le nom de Cereus Schenckii 1 qui se<br />
différencie <strong>du</strong> type classique par la teinte des tiges et ses<br />
aiguillons plus ré<strong>du</strong>its.<br />
Les Nahuatls désignaient le Carambullo sous le nom de<br />
Tepepoa, terme que Hernandez tra<strong>du</strong>isit en latin par planta<br />
numerans montem, mais qui, si l’on s’en réfère à l’étymologie<br />
nahuatle, devrait se tra<strong>du</strong>ire plutôt par plante souve-<br />
raine ou distinguée des montagnes (tepetl = montagne, et<br />
poa, suffixe impliquant une idée de fierté, de distinction, de<br />
souveraineté ou encore de chose digne de remarque).<br />
L’aire de dispersion <strong>du</strong> Myrtillocactus geometrizans est<br />
assez éten<strong>du</strong>e : elle comprend surtout le plateau central <strong>du</strong><br />
Mexique, depuis le nord de l’État de San Luis Potosi jus-<br />
qu’à la grande vallée de l’État de Oaxaca.<br />
Lophocereus Schottii Britt. et Rose (syn. : Cereus Schottii<br />
Engelm., C. Palmeri Engelm., C. Sargentianus Orcutt, Pilocereus<br />
Schottii Lemaire, P. Sargentianus Orcutt, Lophocereus<br />
Sargentianus Britt. et Rose, L. australis Britt. et Rose).<br />
— Ce Carambullo (fig. 70), qui est désigné par <strong>les</strong> indigènes<br />
sous le nom de Tuna barbona, offre une allure assez différente<br />
de l’espèce précédente ; comme elle, il peut atteindre<br />
une hauteur voisine de 4 mètres, mais ses tiges, infiniment<br />
moins rameuses, partent souvent d’un tronc très court et<br />
peu élevé sur le sol ; ces dernières sont remarquab<strong>les</strong> par<br />
la différence qui existe chez la forme type entre leur partie<br />
inférieure, qui est stérile, et leur partie supérieure qui est<br />
alors florifère et se termine chez l’espèce type par une sorte<br />
de cephalium très fourni.<br />
Sur <strong>les</strong> tiges de cette espèce, <strong>les</strong> aiguillons sont d’abord<br />
courts, subulés, de couleur noire ; ils se transforment brus-<br />
quement vers l’apex en longs crins flexib<strong>les</strong>, grisâtres,<br />
pouvant parfois atteindre de 8 à 10 centimètres, dont l’en-<br />
semble viendra former une sorte de cephalium sur lequel<br />
apparaîtra la floraison (fig. 71). Les fleurs sont de couleur<br />
1. J.-A. puRpus. — Cereus Schenckii (Monatsschrift fur Kakteenkunde,<br />
XIX, p. 38. 1909).
Fig. 71. — Cephalium de Lophocereus Schottii Britt. et Rose<br />
avec sa fructification.
232 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
rosée et assez semblab<strong>les</strong> comme forme à cel<strong>les</strong> de l’espèce<br />
précédente, mais cependant un peu plus petites. Le fruit<br />
n’en diffère également que par sa dimension qui est un peu<br />
plus grande ; il est de même couleur et également de même<br />
saveur agréable.<br />
Le Lophocereus Schottii présente une variété assez curieuse<br />
qui se distingue par l’absence totale de ce pseudo-<br />
cephalium qui constitue le caractère le plus saillant <strong>du</strong> type<br />
décrit par Engelmann.<br />
Cette variété, que <strong>les</strong> indigènes désignent sous le nom de<br />
Cina ou Sinita (fig. 72), avait été considérée par Orcutt 1<br />
comme une espèce distincte, à laquelle il avait donné le<br />
nom de Cereus Sargentianus ; mais, depuis, on a reconnu<br />
qu’on pouvait rencontrer tous <strong>les</strong> termes de transition entre<br />
cette forme chauve et l’espèce type à cephalium.<br />
La forme à cephalium le mieux fourni se rencontre<br />
surtout dans la partie méridionale de la Basse-Californie,<br />
ce qui lui a fait donner par Brandegee le nom de variété<br />
australis.<br />
D’après Mac Gee, qui a entrepris des voyages d’études et<br />
d’explorations dans <strong>les</strong> régions où croît ce Cierge, la for-<br />
mation <strong>du</strong> cephalium <strong>du</strong> Lophocereus Schottii serait <strong>du</strong>e<br />
à l’action d’un insecte qui, s’attaquant aux rameaux flori-<br />
fères, provoquerait la transformation des aiguillons.<br />
La pulpe des tiges de ce Cierge renferme un principe<br />
toxique qui a été isolé et décrit par Hey sous le nom de<br />
pilocéréine.<br />
L’aire de répartition <strong>du</strong> Lophocereus Schottii et de ses<br />
variétés comprend aux États-Unis le sud de l’Arizona, et<br />
au Mexique <strong>les</strong> États de Sonora, de Sinaloa et le territoire<br />
de Basse-Californie.<br />
Orcutt a encore décrit, sous le nom de Cereus Cochal 2 ,<br />
une autre forme dépourvue de cephalium, se rencontrant<br />
1. oRcutt. — Garden and forest, IV, p. 436, 1891, et Monatsschrift<br />
für Kakteenkunde, II, p. 76, 1892.<br />
2. oRcutt. — West American Scientist, vol. 6, p. 29, 1889.
Fig. 72. — Cina ou Sinita.<br />
Variété sans cephalium <strong>du</strong> Lophocereus Schottii Britt. et Rose.<br />
Environs de La Paz (Basse-Californie).
234 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
dans le nord de la péninsule californienne aux environs de<br />
la baie de Ensenada Todos Santos ; cette forme, qui se<br />
caractérise par des aiguillons beaucoup plus robustes que<br />
ceux des Sinitas ordinaires, a été considérée par K. Brandegee<br />
comme étant plutôt une variété <strong>du</strong> Cereus geometrizans<br />
Mart. 1 ; Britton et Rose en ont fait une espèce<br />
spéciale de Myrtillocactus sous le nom de M. Cochal Britt.<br />
et Rose 2 .<br />
1. K. bRandegee. - Zoe, V, p. 4, 1900.<br />
2. bRitton et Rose. — The genus Cereus and ils allies in North<br />
America (Contributions from U. S. National Herbarium. vol. 12, p. 427,<br />
1909).
CHAPITRE X<br />
ÉCHINOCACTÉES<br />
Historique. — Distribution géographique. — Constitution<br />
anatomique et morphologique, différence avec <strong>les</strong> Cactus.<br />
— Caractères généraux et particuliers. — Rôle dans la<br />
nature. — Echinocactées inermes et leur mode de protection.<br />
— Considérations sur <strong>les</strong> aiguillons et leurs anomalies. —<br />
Mode de propagation et de dissémination. — Greffage<br />
naturel. — Subdivisions scientifiques des Echinocactées. —<br />
Classification indigène. — Espèces typiques. — Utilisation<br />
domestique et in<strong>du</strong>strielle. — Espèces de transition. — Espèces<br />
aberrantes. — Caractère sacré des Cactacées globuleuses chez<br />
<strong>les</strong> anciens Mexicains. — Les Biznagas divinisées. — Les<br />
Peyotes, leur usage rituel, leurs propriétés, leurs principes<br />
actifs.<br />
Les Echinocactées sont désignées vulgairement au<br />
Mexique sous le nom de Visnaga ou Biznaga, terme qui,<br />
comme on l’a vu au chapitre de la terminologie, dérive par<br />
corruption <strong>du</strong> mot nahuatl Huiznahuac, signifiant entouré<br />
d’épines, expression très juste et qui a trait à l’armature<br />
puissamment défensive dont sont pourvus <strong>les</strong> spécimens<br />
<strong>les</strong> plus typiques de cette tribu.<br />
Le genre Echinocactus fut institué en 1827 par Link et<br />
Otto pour identifier un groupe très homogène et bien caractérisé<br />
de Cactacées possédant des tiges globuleuses et côtelées,<br />
et le séparer en même temps d’un autre groupe avec lequel
nebs -> nebst<br />
236 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
on l’avait jusqu’alors confon<strong>du</strong> : <strong>les</strong> Melocactus 1 , pour <strong>les</strong>quels<br />
on réserve maintenant le nom de Cactus.<br />
A ces deux genres que l’on avait, comme on l’a vu au cha-<br />
pitre précédent, séparés d’abord des Cereus, puis ensuite des<br />
Mamillaria, on donnait primitivement le nom d’Echinomelocactus<br />
ou de Melocar<strong>du</strong>us Indiæ occi<strong>du</strong>æ, terme qui<br />
correspondait à la configuration de la plante et auquel on<br />
substitua, lorsqu’à la suite des travaux de A. de Jussieu <strong>les</strong><br />
Cactacées commencèrent à être mieux connues et mieux<br />
étudiées, la dénomination, plus conforme à la systématique,<br />
de Cactiers couronnés, à cause de leur inflorescence apicale.<br />
Le type le plus anciennement connu de ces Cactiers couronnés<br />
est le Cactus Melocactus L., espèce des Antil<strong>les</strong>, dont<br />
l’intro<strong>du</strong>ction en Europe comme plante curieuse de serre<br />
remonte au xvi e siècle.<br />
distRibution géogRaphique. — Quoique constituant des<br />
genres voisins et habitant des terrains de même nature,<br />
<strong>les</strong> Echinocactées et <strong>les</strong> Cactus ont chacun une répartition<br />
géographique assez bien délimitée.<br />
Les Echinocactées sont représentées sur tous <strong>les</strong> terri-<br />
toires désertiques des régions torrides des deux Amériques,<br />
mais ils paraissent faire complètement défaut sur la zone<br />
équatoriale, tandis que <strong>les</strong> Cactus sont surtout particuliers<br />
à l’Amérique <strong>du</strong> Sud et à la région des Antil<strong>les</strong>.<br />
constitution anatomique et moRphologique. — Les<br />
Echinocactées et <strong>les</strong> Cactus, outre leur conformation extérieure,<br />
présentent encore une similitude de constitution<br />
interne ; cette dernière est alors formée par line abondante<br />
masse charnue parfaitement homogène et exempte de tout<br />
1. linK et otto. — Über die Gattungen Melocactus und Echinocactus<br />
nebst Beschreibung und Abbil<strong>du</strong>ng der Verhandlungen des Vereins zur<br />
Beförderung des Gartenbaues im preussischen Staate, III, p. 413, Berlin,<br />
1827.<br />
Quant au terme Melocactus, il avait été proposé par Tournefort pour<br />
désigner <strong>les</strong> Cactacées à côtes, mais il n’a été définitivement admis<br />
comme terme générique que par linK et otto.<br />
preussichen -><br />
preussischen
Fig. 73. — Ferocactus Diguetii Britt. et Rose.<br />
Île de la Catalana (Golfe de Californie).
238 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tégument lignifié ; cette masse charnue offre même chez<br />
beaucoup de sujets de ces deux groupes un pro<strong>du</strong>it délicat<br />
que <strong>les</strong> indigènes ont su mettre à contribution, non seule-<br />
ment pour leur alimentation, mais aussi comme pro<strong>du</strong>it<br />
fourrager aux moments de grande sécheresse.<br />
Cette texture anatomique, particulière à toutes <strong>les</strong> Cac-<br />
tacées globuleuses, <strong>les</strong> différencie nettement des Cierges et<br />
des Opuntiées, dont <strong>les</strong> tissus parenchymateux sont main-<br />
tenus intérieurement par une charpente ligneuse.<br />
Chez le groupe qui nous intéresse, la masse charnue est<br />
uniquement soutenue par <strong>les</strong> côtes qui sont alors renforcées<br />
par de puissants faisceaux d’aiguillons, qui viennent cons-<br />
tituer une sorte d’exosquelette permettant à la plante, lors-<br />
qu’elle se développe en hauteur, de conserver un maintien<br />
vertical assez régulier.<br />
Le caractère botanique bien apparent qui permet de diffé-<br />
rencier <strong>les</strong> Echinocactées des Cactus, est celui de la présence<br />
chez ces derniers d’une sorte de cephalium tomentueux<br />
surgissant au centre <strong>du</strong> sommet de la tige et sur<br />
lequel apparaît seulement la floraison.<br />
Chez <strong>les</strong> Echinocactées, cette sorte de hampe florale fait<br />
défaut ; <strong>les</strong> fleurs se montrent cependant au sommet, mais<br />
alors el<strong>les</strong> sortent directement des aréo<strong>les</strong> pour venir con-<br />
stituer sur l’apex un couronnement circulaire parfois assez<br />
fourni.<br />
caRactèRes généRaux et paRticulieRs. — La tige des<br />
Echinocactées affecte toujours, à ses débuts, une forme plus<br />
ou moins régulièrement globuleuse, mais qui, avec la crois-<br />
sance, peut s’allonger et revêtir, chez <strong>les</strong> espèces atteignant<br />
de fortes proportions, un contour presque uniformément<br />
cylindrique, comme cela se voit chez certains spécimens<br />
très a<strong>du</strong>ltes (Ferocactus Diguetii Britt. et Rose, fig. 73).<br />
Cette tige, chez la plupart des espèces, est simple, mais<br />
elle peut, chez de rares représentants <strong>du</strong> genre, se montrer<br />
très ramifiée ; tel est le cas des Echinocactus polycephalus<br />
Engelm. et Bigelow, Ferocactus flavovirens Britt. et Rose<br />
(fig. 74) et F. robustus Britt. et Rose (fig. 75). Chez ce der-
chapitRe x 239<br />
nier, la tige, tout d’abord simple et subglobuleuse, devient<br />
peu à peu prolifère et, au lieu de s’allonger, se ramifie tel-<br />
lement que <strong>les</strong> parties constituantes de la dichotomie<br />
finissent par se toucher, ce qui, avec le temps, peut donner<br />
alors à la plante l’aspect d’une grosse touffe hémisphérique<br />
Fig. 74. — Ferocactus flavovirens Britt. et Rose.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />
composée d’une agglomération de plusieurs centaines de<br />
bou<strong>les</strong>.<br />
Lorsque la tige des Echinocactées est simple, elle est<br />
érigée, et quand par accident elle vient à être renversée sur<br />
le sol, on voit aussitôt <strong>les</strong> parties nouvel<strong>les</strong> de l’apex se<br />
recourber brusquement afin de reprendre la position nor-<br />
male. Une espèce cependant s’écarte de cette règle, c’est le<br />
Ferocactus nobilis Britt. et Rose qui, au début, s’élance<br />
droit, mais qui peu à peu, sous un effet de torsion, peut<br />
prendre <strong>les</strong> directions <strong>les</strong> plus variées (fig. 76).
240 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La tige des Echinocactées est sillonnée de côtes qui sont<br />
tantôt vertica<strong>les</strong> (Ferocactus Wislizenii Britt. et Rose), tantôt<br />
spiralées (Ferocactus nobilis Britt. et Rose) (fig. 76), ou<br />
encore tuberculisées (Astrophytum myriostigma Lemaire<br />
et A. Asterias Lemaire). Ces côtes, excepté chez <strong>les</strong> formes<br />
Fig. 75. — Ferocactus robustus Britt. et Rose.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).<br />
dites inermes, sont garnies d’aréo<strong>les</strong> armées d’aiguillons<br />
biformes, <strong>les</strong> uns externes radiants, <strong>les</strong> autres intérieurs<br />
plus robustes ; ces derniers peuvent être cylindriques ou<br />
aplatis, lisses ou striés transversalement, plus ou moins<br />
droits ou plus ou moins incurvés ; ils sont terminés par une<br />
pointe très acérée qui, parfois, se recourbe en hameçon.<br />
Cette garniture épineuse implantée sur la crête des côtes,<br />
en même temps qu’elle est une puissante défense, constitue,<br />
comme on vient de le voir, un système de maintien donnant<br />
à la volumineuse masse charnue la possibilité de conserver
chapitRe x 241<br />
sur toute sa surface un contour régulier et vertical, ce qui<br />
permet alors à certaines espèces très a<strong>du</strong>ltes d’atteindre,<br />
sans trop de déformation, une hauteur de 4 mètres 1 .<br />
1. Chez <strong>les</strong> spécimens de fortes proportions, on constate presque<br />
toujours des sortes d’affaissements qui se tra<strong>du</strong>isent par des bourrelets<br />
circulaires ; ces derniers, quoique <strong>du</strong>s en partie au peu de consistance<br />
de la masse, sont surtout pro<strong>du</strong>its par <strong>les</strong> accroissements intermittents<br />
de la tige après des périodes plus ou moins prolongées de repos<br />
végétatif (fig. 9 et 77).<br />
16<br />
Fig. 70. — Ferocactus nobilis Britt. et Rose.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
242 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les fleurs qui, comme on l’a vu plus haut, se développent<br />
toujours sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> voisines de l’apex, revêtent, suivant<br />
<strong>les</strong> espèces, des teintes blanches, jaunes, rouges ; el<strong>les</strong> sont<br />
diurnes et s’épanouissent complètement au soleil ; leur tube<br />
est squameux, glabre ou sétigère. Le fruit est constitué par<br />
une baie plus ou moins charnue, souvent presque sèche ;<br />
son péricarpe peut être nu, écailleux, laineux ; quelques<br />
espèces donnent des fruits succulents qui sont comestib<strong>les</strong><br />
et que l’on peut parfois rencontrer sur <strong>les</strong> marchés où on<br />
<strong>les</strong> nomme Limas de Biznagas ; tels sont ceux par exemple<br />
des Ferocactus hamatacanthus Britt. et Rose, Echinocactus<br />
bicolor Galeotti, Echinocactus ingens Zucc.<br />
Les Echinocactées sont représentées par des formes<br />
naines, moyennes et géantes.<br />
Rôle dans la natuRe. — A quelque catégorie qu’el<strong>les</strong> appartiennent,<br />
<strong>les</strong> Echinocactées se révèlent comme des végé-<br />
taux éminemment xérophi<strong>les</strong>, qui ne se rencontrent guère<br />
que sur <strong>les</strong> sols <strong>les</strong> plus ingrats et <strong>les</strong> plus désolés par <strong>les</strong><br />
ardeurs solaires. Le rôle que la nature semble cependant<br />
leur avoir attribué dans l’amélioration des déserts est beau-<br />
coup moins complet que celui qui incombe aux Opuntia et<br />
aux Cierges ; ils ne paraissent pas, <strong>du</strong> moins dans <strong>les</strong> formes<br />
typiques <strong>du</strong> genre, devoir dans leur fonction dépasser la<br />
deuxième étape, c’est-à-dire celle qui correspond à l’entre-<br />
tien permanent <strong>du</strong> sol ; encore dans celle-ci ne se bornent-ils<br />
surtout qu’à la captation de l’humidité atmosphérique et à<br />
sa fixation sur place ; ils ne parviennent donc pas jusqu’à<br />
la protection et l’entretien efficace de la maigre et chétive<br />
végétation frutescente. C’est ce qui expliquerait pourquoi<br />
<strong>les</strong> Echinocactées, sur leurs terrains de prédilection, se ren-<br />
contrent la plupart <strong>du</strong> temps croissant sinon complètement<br />
isolées, <strong>du</strong> moins rarement accompagnées de buissons,<br />
comme cela se voit pour toutes <strong>les</strong> autres Cactacées adaptées<br />
aux mêmes fins.<br />
Un autre fait curieux et qui vient s’ajouter aux particu-<br />
larités de ces Cactacées aux tiges complètement renflées,<br />
c’est que leurs espèces naines, auxquel<strong>les</strong> incombent la
Fig. 77. — Echinocactus ingens Zucc.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
244 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
situation de premier occupant <strong>du</strong> sol aride, ne sont plus<br />
alors des formes primitives, mais bien au contraire des<br />
indivi<strong>du</strong>alités d’un degré plus élevé dans l’ordre philogé-<br />
nique <strong>du</strong> groupe ; ce sont alors ces formes ré<strong>du</strong>ites qui<br />
représentent <strong>les</strong> types de transition entre ce groupe et celui<br />
des Mamillariées.<br />
La biologie des espèces naines d’Echinocactées est, <strong>du</strong><br />
reste, à peu de chose près, la même que celle des Mamil-<br />
lariées.<br />
echinocactées ineRmes et leuR mode de pRotection. —<br />
Chez nombre de représentants de formes ré<strong>du</strong>ites de l’un<br />
ou de l’autre de ces deux groupes, on retrouve fréquemment<br />
<strong>les</strong> mêmes moyens de protection contre <strong>les</strong> agents externes<br />
de destruction. C’est ainsi, par exemple, que pour <strong>les</strong><br />
espèces dénuées en partie ou en totalité de garniture épi-<br />
neuse, on observe une curieuse particularité qui consiste<br />
à <strong>les</strong> garantir de l’âpreté d’un climat excessif par un enfouis-<br />
sement périodique et spontané dans le sol. Ce moyen na-<br />
turel, qui permet à la plante mal armée de résister à une<br />
dessiccation complète et, par suite, à son anéantissement,<br />
tout extraordinaire qu’il paraisse à première vue, est le<br />
résultat d’un mécanisme assez simple qui est bien connu de<br />
ceux qui ont pratiqué la culture des Cactacées, en se con-<br />
formant aux conditions écologiques que réclament certains<br />
sujets.<br />
Lorsque la saison sèche commence à se faire sentir, la<br />
plante qui, à ses débuts, est constituée par un corps napi-<br />
forme, se contracte peu à peu par suite de la perte d’eau<br />
de ses tissus. La terre qui l’environne se dessèche également<br />
en se fendillant : il en résulte de part et d’autre un retrait<br />
en sens inverse, donnant lieu à la formation d’une cavité<br />
en entonnoir, au fond de laquelle la plante se trouve pro-<br />
gressivement entraînée par suite de la traction de ses ra-<br />
cines. Peu à peu, <strong>les</strong> limons aériens ainsi que la terre<br />
meuble, en se désagrégeant, viendront combler le vide et<br />
recouvrir la plante, qui demeurera alors complètement ense-<br />
velie tout le temps que <strong>du</strong>rera la période de sécheresse.
chapitRe x 245<br />
Cette plante se conservera là en repos végétatif jusqu’à ce<br />
que <strong>les</strong> pluies ou de fortes rosées viennent, en humidifiant<br />
<strong>les</strong> terres, lui donner la faculté de reprendre son déve-<br />
loppement et de réapparaître à la surface <strong>du</strong> sol par<br />
l’émission de nouveaux bourgeonnements.<br />
Cette organisation pour la lutte contre <strong>les</strong> éléments de<br />
destruction se manifeste d’une façon bien accusée chez cer-<br />
taines formes que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />
collectif assez confus de Peyotes ou de Peyotillos ; ces dernières<br />
sont représentées par quatre ou cinq espèces que l’on<br />
a tour à tour rangées dans <strong>les</strong> genres : Ariocarpus (Scheidweiler<br />
1838), Anhalonium (Lemaire 1841), Stromatocactus<br />
(Karwinski 1885) et Lophophora (Coulter 1894).<br />
L’espèce la plus anciennement connue de ces formes<br />
aberrantes est celle que Hernandez désignait sous le nom<br />
de Peyotl zacatecensis ; cette espèce qui, par son mode de<br />
floraison sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, se rattache aux Echinocactées, est<br />
le Lophophora Williamsii Coulter 1 .<br />
Les Peyotes et <strong>les</strong> Peyotillos présentent pour la plupart<br />
cette particularité notoire de contenir des principes toxiques<br />
ou au moins de saveur désagréable, ce qui supplée à leur<br />
manque d’armature défensive et <strong>les</strong> préserve efficacement<br />
contre la destruction par <strong>les</strong> rongeurs et <strong>les</strong> herbivores.<br />
Les principes que contiennent <strong>les</strong> Peyotes ont été utilisés<br />
par certaines tribus indiennes soit dans leur méde-<br />
cine, soit surtout dans leurs cérémonies religieuses où l’on<br />
s’en servait pour obtenir des hallucinations ; c’est ce dernier<br />
emploi, comme on le verra plus loin, qui fit considérer par<br />
<strong>les</strong> anciens Mexicains <strong>les</strong> Peyotes comme étant des Biznagas<br />
de caractère sacré possédant un pouvoir surnaturel.<br />
considéRations suR <strong>les</strong> aiguillons et leuRs anomalies.<br />
— Ce curieux artifice de la nature, qui permet à un nombre<br />
1. Lophophora Williamsii Coulter a été décrit sous <strong>les</strong> noms de :<br />
Ariocarpus Williamsii Voss., Anhalonium Williamsii Lemaire, A. Lewinii<br />
Hennings, A. Jourdanianum Lewin, Echinocactus Jourdianus Rebut,<br />
E. Lewinii Hennings, Mamillaria Williamsii Coulter, M. Lewinii<br />
Karsten, Lophophora Lewinii Thompson
246 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
assez restreint de spécimens de se soustraire aux rigueurs<br />
d’un climat excessif, n’est qu’une exception dans la biologie<br />
des Echinocactées, car, au contraire, <strong>les</strong> représentants <strong>les</strong><br />
plus typiques doivent leur protection contre <strong>les</strong> <strong>du</strong>res<br />
épreuves climatériques aux puissantes armatures épineuses<br />
dont la nature <strong>les</strong> a dotées. Ces armatures défensives, qui<br />
varient dans leur agencement suivant <strong>les</strong> espèces et surtout<br />
suivant l’adaptation aux milieux, sont organisées de telle<br />
façon qu’el<strong>les</strong> arrivent parfois à constituer un lacis inextricable,<br />
englobant toute la plante et la maintenant dans une<br />
sorte de cage, comme cela se voit d’une façon très typique,<br />
par exemple, chez <strong>les</strong> Ferocactus latispinus Britt. et Rose,<br />
Homalocephala texensis Britt. et Rose et Echinofossulocactus<br />
crispatus Lawrence, espèces habitant <strong>les</strong> mêmes<br />
régions désertiques que <strong>les</strong> Peyotes.<br />
Ce réseau d’aiguillons plus ou moins enchevêtrés, en plus<br />
d’un abri protecteur bien conditionné, fait encore l’office<br />
d’un véritable isolateur, car en même temps qu’il tamise<br />
<strong>les</strong> rayons solaires en procurant un certain ombrage, il maintient<br />
à l’état stagnant une couche d’air suffisante pour atténuer<br />
et contrebalancer <strong>les</strong> effets brusqués de l’atmosphère<br />
sur l’épiderme de la plante.<br />
En somme, la puissance de l’armature défensive est une<br />
des principa<strong>les</strong> caractéristiques chez <strong>les</strong> Echinocactées ; si<br />
quelques spécimens réputés inermes paraissent faire exception<br />
à la règle générale, ce n’est que d’une façon tout<br />
à fait relative. Car, comme on le constate dans <strong>les</strong> semis<br />
de Peyotes, <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong> issues de ces derniers se montrent<br />
toujours assez bien pourvues d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs qui s’éliminent<br />
naturellement dès que le végétal tend à prendre<br />
son développement normal et définitif.<br />
Les Astrophytum qui, eux aussi, comptent parmi <strong>les</strong><br />
représentants aberrants <strong>du</strong> même groupe, présentent dans<br />
leur système des particularités assez paradoxa<strong>les</strong>. C’est ainsi<br />
par exemple que l’A. myriostigma Lemaire montre, au lieu<br />
d’aiguillons bien définis, une multitude de ponctuations<br />
pérennes de couleur blanchâtre, constituées par des amas
chapitRe x 247<br />
de <strong>du</strong>vets rudimentaires, qui viennent parsemer réguliè-<br />
rement son épiderme (fig. 78). Chez d’autres espèces de ce<br />
même genre, comme par exemple <strong>les</strong> A. capricormis Britt.<br />
et Rose et ornatum Weber, ces ponctuations font défaut<br />
mais el<strong>les</strong> sont alors remplacées par de forts aiguillons<br />
Fig. 78. — Astrophytum myriostiyma Lemaire.<br />
s’éliminant spontanément dans <strong>les</strong> parties inférieures de la<br />
tige à mesure que celle-ci s’accroît (fig. 79).<br />
Un fait en apparence analogue peut parfois se constater<br />
chez <strong>les</strong> Echinocactées norma<strong>les</strong> lorsqu’atteignant de<br />
grandes dimensions, el<strong>les</strong> montrent, sur une certaine hau-<br />
teur, leur base démunie de son armature défensive. Mais ce<br />
cas est alors tout différent de celui des Astrophytum ; la<br />
perte d’aiguillons, qui n’est ni périodique ni saisonnière<br />
comme chez ces derniers, doit surtout s’attribuer à un<br />
vieillissement de la couche épidermique qui se lignifie<br />
quelque peu en même temps qu’elle se dépouille de ses par-<br />
ties mortifiées par la dessiccation.
248 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
mode de pRopagation et de dissémination. — Les Echinocactées<br />
se propagent dans la nature uniquement par <strong>les</strong><br />
graines ; il est facile de comprendre qu’étant donnée la<br />
constitution essentiellement pulpeuse de ces Cactacées, leur<br />
propagation par bouturage accidentel, comme cela a lieu<br />
chez <strong>les</strong> Opuntia et même chez certains Cierges, serait impossible<br />
et qu’elle réclamerait alors des artifices que, seule,<br />
l’horticulture serait tout au plus capable de fournir.<br />
La propagation par semis, pour être vraiment efficace,<br />
paraît devoir s’opérer suivant certaines conditions, ainsi que<br />
tendraient à le prouver <strong>les</strong> difficultés que l’on éprouve<br />
lorsque l’on entreprend des semis de ces plantes.<br />
Il est probable que, pour que la germination des graines<br />
puisse s’effectuer dans <strong>les</strong> conditions naturel<strong>les</strong>, il est nécessaire<br />
que la graine reste longtemps en contact avec <strong>les</strong><br />
tissus <strong>du</strong> fruit, ou encore, à son défaut, avec ceux de la<br />
plante ; c’est <strong>du</strong> moins ce que <strong>les</strong> faits de la nature semblent<br />
bien indiquer chez nombre d’espèces à fruits secs ou non pulpeux.<br />
Les fruits d’Echinocactées restent chez la plupart des<br />
espèces longtemps attachés à la plante qui <strong>les</strong> a pro<strong>du</strong>its, et<br />
ce n’est que lorsqu’ils sont à peu près desséchés qu’ils<br />
tombent sur le sol, où ils finissent par disparaître sous un<br />
recouvrement de sab<strong>les</strong> et de sédiments, situation dans laquelle<br />
ils se conserveront ensevelis jusqu’à ce que d’heureuses<br />
manifestations climatériques viennent, de nouveau,<br />
rappeler la vie sur <strong>les</strong> sols désolés, circonstances qui provoqueraient<br />
alors la germination des graines contenues dans<br />
leur enveloppe protectrice et peut-être même quelque peu<br />
nourricière chez certaines espèces.<br />
Une fois germées, <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong> d’Echinocactées forment<br />
des agglomérations qui pourront être, soit de nouveau ensevelies<br />
par <strong>les</strong> terres où el<strong>les</strong> subiront en groupe un repos<br />
végétatif, soit au contraire désunies et dispersées à longue<br />
distance par <strong>les</strong> transports superficiels <strong>du</strong> sol, lors des<br />
pluies orageuses.<br />
Certaines de ces agglomérations de jeunes Echinocactées<br />
ayant pu rester en place par suite de la nature <strong>du</strong> terrain,
Fig. 79 — Astrophytum ornatum Web.
250 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
se développeront en commun et deviendront parfois de vo-<br />
lumineuses touffes (fig. 80) ; mais ce dernier cas est assez<br />
rare et ne se présente guère que sur des surfaces disposées<br />
en cuvette.<br />
La plupart <strong>du</strong> temps, <strong>les</strong> Echinocactées sont entraînées<br />
pendant leur période juvénile par <strong>les</strong> courants et <strong>les</strong> remous<br />
boueux qu’occasionnent <strong>les</strong> eaux sauvages au moment des<br />
fortes pluies. El<strong>les</strong> peuvent être alors dispersées sur d’assez<br />
grandes éten<strong>du</strong>es où probablement el<strong>les</strong> n’entreront en végé-<br />
tation fixe et définitive qu’après des alternatives d’enfouis-<br />
sement analogues à cel<strong>les</strong> des formes naines, comme par<br />
exemple cel<strong>les</strong> qui sont représentées par <strong>les</strong> Peyotes.<br />
gReFFage natuRel. — L’agglomération des grandes Echinocactées<br />
chez certaines espèces, comme par exemple<br />
l’Echinocactus ingens Zucc., n’est pas toujours le résultat<br />
d’un défaut de dispersion chez <strong>les</strong> jeunes sujets. Quelque-<br />
fois, au lieu d’une réunion côte à côte et dont chaque terme<br />
possède son indivi<strong>du</strong>alité complète et distincte, on rencontre<br />
une agglomération de tiges formant parfois, sur une unique<br />
souche, un groupement de plusieurs indivi<strong>du</strong>s, qui donne à<br />
cette plante normalement à tige simple, l’illusion d’une ra-<br />
mification naturelle rappelant quelque peu celle des Ferocactus<br />
robustus Britt. et Rose et flavovirens Britt. et Rose.<br />
Cette anomalie nous révèle un côté curieux et particulier<br />
que l’on rencontre parfois chez certaines Echinocactées et<br />
principalement chez l’Echinocactus ingens Zucc. : c’est<br />
celui de nous montrer un greffage pouvant, quoique acci-<br />
dentel, s’effectuer naturellement et d’une façon pour ainsi<br />
dire spontanée (fig. 81).<br />
Cette apparence de ramification est occasionnée, soit par<br />
une simple b<strong>les</strong>sure, soit encore, et c’est le cas le plus<br />
commun, par une destruction ou un prélèvement plus ou<br />
moins grand d’une partie de la masse charnue de la plante<br />
dans un but d’exploitation. Sur <strong>les</strong> parties mises à vif, des<br />
graines ont pu tomber ou être apportées ; rencontrant là,<br />
au contact de la pulpe plus ou moins cicatrisée et recou-<br />
verte de poussière, <strong>les</strong> conditions favorab<strong>les</strong> à une bonne
Fig. 80. — Echinocactus ingens Zucc.<br />
Spécimens réunis accidentellement en touffe dans une dépression <strong>du</strong> sol.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
252 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
germination, el<strong>les</strong> ont donné naissance à des plantu<strong>les</strong> qui,<br />
sans pour ainsi dire émettre de racines, ont trouvé moyen<br />
de se greffer d’el<strong>les</strong>-mêmes sur la masse charnue, au point<br />
de venir constituer le remplacement par autoplastie de la<br />
partie supprimée. Parfois aussi, on a pu constater sur ces<br />
mêmes Biznagas, des Nopals qui, issus de graines transportées,<br />
étaient venus s’y greffer par un processus identique.<br />
Il est à remarquer que ces greffages naturels donnent, en<br />
général, un rejet beaucoup plus vigoureux et de croissance<br />
infiniment plus rapide que celui de la plante qui fournit le<br />
porte-greffe.<br />
Ces particularités que, dans la nature désertique, on ne<br />
rencontre seulement que chez certains Echinocactus, sont<br />
uti<strong>les</strong> à connaître, car, dans la conquête et l’aménagement<br />
méthodique des déserts en vue de cultures, <strong>les</strong> Biznagas,<br />
qui sont toujours de croissance très lente, et pour cela ne<br />
peuvent guère se prêter à une exploitation rémunératrice,<br />
pourront être appelées à devenir de précieux auxiliaires<br />
dans <strong>les</strong> terrains trop secs, en faisant l’office de porte-greffes<br />
pour <strong>les</strong> essences de Cactacées plus délicates, mais par<br />
contre plus avantageusement pro<strong>du</strong>ctives.<br />
subdivisions scientiFiques des echinocactées. — Les<br />
Biznagas que l’on rencontre sur <strong>les</strong> territoires mexicains et<br />
<strong>du</strong> sud des États-Unis se répartissent dans <strong>les</strong> sept séries<br />
suivantes :<br />
1° Céphalocactées ou Cephaloidei, dont l’apex offre une<br />
partie tomenteuse figurant un rudiment de cephalium ;<br />
2° Euéchinocactées ou Macrogoni, représentant la forme<br />
la mieux définie <strong>du</strong> genre ;<br />
3° Ancistrocactées ou Uncinati, caractérisées surtout par<br />
l’existence dans leurs faisceaux épineux, d’un ou de plusieurs<br />
aiguillons terminés par une pointe recourbée en crochet ;<br />
4° Sténocactées ou Stenogoni, dont <strong>les</strong> côtes fortement<br />
comprimées revêtent une apparence plus ou moins foliacée ;<br />
5° Thélocactées ou Phymatogoni, chez <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> la<br />
caractéristique est de présenter en place des côtes régu-<br />
lièrement constituées, des alignements de tubercu<strong>les</strong> plus<br />
ou moins confluents ;
Fig. 81. — Echinocactus ingens Zucc.<br />
Spécimen montrant un greffage naturel et spontané<br />
à la suite de germination de graines sur une partie b<strong>les</strong>sée.<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
254 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
6° Astrophytées ou Asteroidei, représentées par des<br />
spécimens dont la partie apicale offre dans le dispositif des<br />
côtes une certaine ressemblance avec le rayonnement d’une<br />
Astérie ou étoile de mer ;<br />
7° Lophophorées, qui sont alors la forme typique et proba-<br />
blement ancestrale de cette catégorie de Cactacées globu-<br />
leuses que dans le langage populaire on désigne sous la<br />
dénomination collective de Peyotes.<br />
Ces sept séries dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> sont rangées <strong>les</strong> Biznagas<br />
mexicaines, ne sont pas <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> que comporte le groupe<br />
des Echinocactées : on en a établi d’autres, mais ces<br />
dernières étant exclusivement représentées dans l’Amérique<br />
<strong>du</strong> Sud, ne sont pas mentionnées ici.<br />
Le D r Weber, dans sa monographie des Cactacées,<br />
n’adoptait que <strong>les</strong> deux grandes subdivisions géographiques<br />
de nord et sud américaines, cel<strong>les</strong>-ci, suivant l’auteur, étant<br />
suffisantes pour correspondre aux affinités. Dans la classi-<br />
fication présentée ci-dessus, <strong>les</strong> spécimens appartenant aux<br />
trois premières séries sont <strong>les</strong> représentants <strong>les</strong> plus<br />
typiques des Echinocactées ; aussi comme ils jouent un<br />
rôle assez important dans l’exploitation indigène, nous<br />
occuperons-nous tout spécialement d’eux et de leur uti-<br />
lisation dans ce chapitre, comme étant alors <strong>les</strong> formes<br />
<strong>les</strong> mieux caractérisées et en même temps à peu près <strong>les</strong><br />
seu<strong>les</strong> économiques que comporte ce groupe de Cactacées<br />
globuleuses.<br />
Les Sténocactées et <strong>les</strong> Thélocactées sont toutes repré-<br />
sentées par des indivi<strong>du</strong>s de moyenne et petite dimensions ;<br />
c’est de ces deux séries que viennent incontestablement<br />
dériver <strong>les</strong> Mamillariées norma<strong>les</strong> et avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils ont,<br />
<strong>du</strong> reste, de fortes analogies, si l’on se place au point de<br />
vue de la morphologie, de la biologie et surtout de la pro-<br />
pension au polymorphisme. En réalité ils se manifestent<br />
comme étant des termes de transition entre la forme clas-<br />
sique des Echinocactées et celle plus évoluée des Mamil-<br />
lariées.<br />
Quant aux Astrophytées et aux Lophophorées, ce sont des
chapitRe x 255<br />
types essentiellement aberrants, auxquels, selon toute vrai-<br />
semblance, doivent correspondre, <strong>du</strong> moins pour <strong>les</strong> seconds,<br />
certains représentants anormaux des Mamillariées, tels que<br />
ceux qui sont figurés par <strong>les</strong> Pélécyphorées et Ariocarpées.<br />
Pour clore la liste des subdivisions des Echinocactées<br />
mexicaines, on doit encore ajouter comme capable de<br />
constituer à elle seule une dernière série, cette unique et<br />
étrange espèce pour laquelle Hooker a créé, en 1848, la<br />
désignation générique de Leuchtenbergia.<br />
classiFication indigène. — Dans leur nomenclature<br />
populaire, <strong>les</strong> Mexicains répartissent actuellement <strong>les</strong><br />
Echinocactées en cinq catégories :<br />
1° Biznagas de Agua, c’est-à-dire <strong>les</strong> espèces bien gorgées<br />
d’eau et capab<strong>les</strong>, lorsqu’el<strong>les</strong> ont acquis un certain déve-<br />
loppement, de fournir en tous temps et sur un seul indivi<strong>du</strong>,<br />
une copieuse provision d’eau potable (Ferocactus Wislezinii<br />
Britt. et Rose) ;<br />
2° Biznagas de Dulce, dont la masse charnue, plus consistante<br />
que celle des précédentes, se prête plus avantageusement<br />
aux préparations de la confiserie (Ferocactus melocactiformis<br />
Britt. et Rose, F. macrodiscus Britt. et Rose).<br />
C’est à ce groupe et au précédent qu’appartiennent exclu-<br />
sivement ces spécimens géants auxquels <strong>les</strong> Nahuatls<br />
donnaient le nom de Huegcomitl et que <strong>les</strong> indigènes actuels<br />
nomment Biznagas grandes ;<br />
3° Biznagas de Cuernos, groupe nettement caractérisé par<br />
l’ampleur exagérée d’une armature épineuse peu en rapport<br />
avec le volume de la plante, et par de vigoureux aiguillons<br />
affectant l’apparence de cornes, ce qui <strong>du</strong> reste a motivé<br />
sa dénomination.<br />
Cette subdivision vernaculaire, qu’il ne faut pas confondre<br />
avec l’ensemble des Ancistrocactées, quoique plusieurs de<br />
ses représentants appartiennent à cette série, ne comprend<br />
qu’un nombre assez restreint d’espèces de très moyennes<br />
dimensions, confinées comme habitat à ces mêmes régions<br />
arides et désolées où vivent <strong>les</strong> Cactacées globuleuses<br />
inermes et avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> viennent former un con-
256 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
traste curieux dans <strong>les</strong> moyens dont la nature <strong>les</strong> a dotés<br />
pour la résistance aux excessives rigueurs de sol et de<br />
climat.<br />
Les spécimens <strong>les</strong> plus remarquab<strong>les</strong> et <strong>les</strong> plus typiques<br />
que comporte ce groupe sont <strong>les</strong> Ferocactus latispinus Britt.<br />
et Rose et Homalocephala texensis Britt. et Rose.<br />
Le premier, à cause de l’enchevêtrement de ses aiguillons<br />
recourbés et acérés, est désigné dans l’État de San Luis<br />
Potosi sous le nom de Corona del Senor ; le second possède<br />
une défense épineuse tellement puissante et tellement vulné-<br />
rante, que <strong>les</strong> indigènes l’ont surnommé Manca caballo<br />
(Estropie cheval) à cause des b<strong>les</strong>sures assez graves qu’il<br />
peut occasionner aux pieds <strong>du</strong> bétail lorsque celui-ci le<br />
heurte par mégarde. A côté de ces deux espèces qui sont<br />
des Ancistrocactées de petite dimension, il y a encore plu-<br />
sieurs formes qui peuvent s’y rattacher, tel est par exemple<br />
l’Echinofossulocactus crispatus Lawrence (Sténocactées)<br />
et plusieurs de ses variétés, espèce curieuse par la nature<br />
de ses aiguillons, et qui, selon Hernandez, était le type d’un<br />
groupe que <strong>les</strong> Nahuatls désignaient sous le nom de Tepenexcomitl,<br />
terme qui selon l’auteur avait trait à sa couleur et<br />
signifiait Biznaga cendrée des montagnes (tepetl, nextli, comitl)<br />
;<br />
4° Biznaguitas, ce groupe comprend non seulement toutes<br />
<strong>les</strong> espèces naines d’Echinocactées, mais aussi la plupart<br />
des Mamillariées, avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>du</strong> reste <strong>les</strong> indigènes ne<br />
paraissent pas établir de distinction ;<br />
5° Peyotes, groupe réunissant confusément toutes <strong>les</strong><br />
formes anorma<strong>les</strong> et pour la plupart inermes ou subinermes<br />
que peuvent comporter <strong>les</strong> Echinocactées et <strong>les</strong> Mamil-<br />
lariées, dont <strong>les</strong> types <strong>les</strong> plus marquants sont pour <strong>les</strong><br />
premiers <strong>les</strong> Lophophorées et pour <strong>les</strong> seconds <strong>les</strong> Ario-<br />
carpées.<br />
A ces derniers il faut encore ajouter le groupe des<br />
Peyotillos, dans lequel <strong>les</strong> indigènes font entrer toute une<br />
série de formes plus ou moins épineuses rappelant quelque<br />
peu <strong>les</strong> Peyotes, soit par la morphologie, la biologie, ou<br />
encore la teneur en principes toxiques.
chapitRe x 257<br />
espèces typiques. — Les trois séries Céphalocactées,<br />
Euéchinocactées et Ancistrocactées que comprennent <strong>les</strong><br />
subdivisions ci-dessus représentent <strong>les</strong> formes classiques<br />
et <strong>les</strong> mieux définies des Echinocactées. Parmi ces trois<br />
séries seulement se rencontrent au Mexique toutes <strong>les</strong><br />
formes géantes que comprennent ces Cactacées globuleuses,<br />
ce qui permet, grâce à leur volume et à la qualité de leur<br />
parenchyme, de pouvoir <strong>les</strong> exploiter avec profit ; el<strong>les</strong><br />
constituent donc ce que l’on est en droit d’appeler <strong>les</strong><br />
Echinocactées économiques.<br />
Comme distribution géographique, la première série ren-<br />
ferme des sujets se rencontrant dans <strong>les</strong> deux Amériques,<br />
la deuxième et la troisième sont exclusivement localisées<br />
à l’Amérique septentrionale.<br />
Cependant, pour ce qui est des Ancistrocactées, une seule<br />
espèce de très petite dimension, l’Echinocactus microspermus<br />
Web., dont Britton et Rose ont fait le genre<br />
Hickenia que l’on rencontre en République Argentine, doit<br />
y être rattachée. Évidemment cette dernière plante ne figure<br />
là qu’une exception qui viendrait alors rappeler cette ano-<br />
malie de distribution géographique que l’on a constatée<br />
plus haut au sujet <strong>du</strong> Cactus Salvador Britt. et Rose, qui<br />
est l’unique représentant jusqu’ici connu dans l’Amérique<br />
<strong>du</strong> Nord, d’un genre particulier aux Antil<strong>les</strong> et à la partie<br />
méridionale <strong>du</strong> Nouveau Continent.<br />
céphalocactées<br />
Cette série se caractérise par des sujets présentant un<br />
apex laineux bien délimité et persistant qui vient rappeler<br />
en ré<strong>du</strong>ction ce cephalium particulier dont sont pourvus<br />
<strong>les</strong> Cactus. Cette partie tomenteuse parmi laquelle a lieu<br />
la floraison, peut aussi, en apparence, se rencontrer chez<br />
certains représentants des deux séries suivantes ; mais là,<br />
elle est diffuse et souvent ca<strong>du</strong>que, n’étant en réalité que<br />
la réunion, plus ou moins fortuite, de pilosités laineuses gar-<br />
nissant, chez certaines espèces, <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> des parties<br />
jeunes de la plante.<br />
17
258 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les Céphalocactées sont représentées au Mexique par <strong>les</strong><br />
espèces suivantes :<br />
Echinocactus bicolor Galeotti. — Plateau central, États<br />
de Chihuahua, Queretaro, San Luis Potosi, Coahuila, Sal-<br />
tillo ;<br />
E. hæmatacanthus Monville. — Mexique central entre<br />
Puebla et Tehuacan ;<br />
E. heterochromus Weber. — Nord <strong>du</strong> Mexique principalement<br />
dans l’État de Coahuila ;<br />
E. Grusonii Hildmann. — Mexique central : États de San<br />
Luis Potosi et Hidalgo ; espèce signalée par Heese comme<br />
végétant plus particulièrement sur <strong>les</strong> pentes abruptes de<br />
la barranca del Infierno ;<br />
E. horizontalonius Lemaire. — Nord <strong>du</strong> Mexique : État de<br />
Coahuila ;<br />
E. ingens Zuccarini. — Espèce géante très répan<strong>du</strong>e sur<br />
nombre de points <strong>du</strong> plateau central entre San Luis Potosi<br />
et Oaxaca ;<br />
E. pilosus Galeotti. — Espèce moyenne atteignant au plus<br />
50 centimètres de hauteur, signalée seulement jusqu’ici<br />
dans l’État de San Luis Potosi.<br />
euéchinocactées<br />
Cette série, qui constituait pour Schumann le sous-genre<br />
Euechinocactus <strong>du</strong> genre Echinocactus, comprend, ainsi<br />
que son nom l’indique, <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> mieux caractérisées<br />
et <strong>les</strong> plus typiques. Toutes <strong>les</strong> espèces appartenant à ce<br />
groupe présentent des côtes bien accentuées et fortement<br />
constituées, aussi est-ce pour cela que Lemaire <strong>les</strong> avait<br />
réunies sous le nom de Macrogoni.<br />
La tige des Euéchinocactées est au début globuleuse, mais<br />
tend, en s’accroissant, à prendre un contour nettement cylin-<br />
drique. Cette tige est habituellement simple, cependant chez<br />
deux espèces elle se montre au contraire soit très prolifère<br />
(Ferocactus flavovirens Britt. et Rose), soit extrêmement<br />
ramifiée (Ferocactus robustus Britt. et Rose).
chapitRe x 259<br />
Les aiguillons, au lieu d’être droits ou claviformes comme<br />
dans la première série, sont plus ou moins incurvés ou<br />
infléchis.<br />
Les Euéchinocactées sont particulières à l’Amérique <strong>du</strong><br />
Nord et principalement au Mexique ; on ne connaît, dans<br />
l’Amérique <strong>du</strong> Sud, aucune espèce pouvant leur être<br />
rattachée. Aussi cette considération de répartition géo-<br />
graphique bien délimitée est-elle une raison assez valable<br />
pour militer en faveur de leur séparation <strong>du</strong> groupe pré-<br />
cédent, avec lequel <strong>du</strong> reste el<strong>les</strong> n’offrent, au point de vue<br />
botanique, que î<strong>les</strong> caractères secondaires assez peu tran-<br />
chés.<br />
Les Euéchinocactées <strong>les</strong> plus connues sont :<br />
Ferocactus Diguetii Britt. et Rose. — Golfe de Californie,<br />
où il n’a été jusqu’ici rencontré que dans quelques î<strong>les</strong><br />
principalement dans la Catalana et San José ;<br />
F. Echidne Britt. et Rose. — Mexique central ;<br />
F. flavovirens Britt. et Rose. — États de Puebla et Oaxaca ;<br />
F. melocactiformis Britt. et Rose. — Mexique central :<br />
États de Jalisco, Queretaro, Hidalgo, San Luis Potosi ;<br />
F. glaucescens Britt. et Rose. — Mexique central ;<br />
F. robustus Britt. et Rose. — États de Puebla et Oaxaca,<br />
région de Tehuacan.<br />
ancistRocactées<br />
El<strong>les</strong> ont, en général, une tige obovée pouvant devenir<br />
complètement cylindrique lorsque la plante atteint un grand<br />
développement. Cette tige est habituellement simple et bien<br />
érigée, mais elle peut cependant, comme dans la série pré-<br />
cédente, offrir des exceptions à la loi commune ; c’est ainsi<br />
que par exemple chez le Ferocactus macrodiscus Britt. et<br />
Rose, le corps de la plante s’accroissant surtout en largeur,<br />
reste bas, <strong>du</strong> moins à ses débuts, en affectant une confor-<br />
mation subglobuleuse plus ou moins aplatie. Chez le Ferocactus<br />
nobilis Britt. et Rose, la tige présente une parti-
260 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
cularité assez singulière qui se manifeste au cours de son<br />
développement : c’est celle de modifier son allure sous l’in-<br />
fluence de ses côtes. Au début, cette tige s’élance droite et<br />
ses côtes sont vertica<strong>les</strong>, mais à mesure qu’elle s’accroît, <strong>les</strong><br />
côtes prennent une direction oblique et finissent par se<br />
tordre en spirale, ce qui implique à la plante un changement<br />
d’allure et lui fait tour à tour adopter une position érigée,<br />
couchée ou rampante (fig. 76).<br />
Enfin, chez l’Echinocactus polycephalus Engelm. et Bigelow,<br />
qui est une espèce des États-Unis, elle est prolifère<br />
et rappelle ce que nous ont montré <strong>les</strong> Macrogoni avec<br />
le Ferocactus flavovirens Britt. et Rose.<br />
Les côtes, chez <strong>les</strong> représentants de cette série, sont<br />
toujours très vigoureuses et assez comprimées, el<strong>les</strong> se<br />
renflent seulement à l’endroit des aréo<strong>les</strong>. Les aiguillons,<br />
habituellement très vigoureux, constituent chez <strong>les</strong> Ancistrocactées,<br />
un des caractères <strong>les</strong> plus saillants de la série ; ils<br />
sont, suivant <strong>les</strong> espèces, flexib<strong>les</strong>, rigides, cylindriques,<br />
aplatis, striés transversalement, quelquefois de coloration<br />
différente. Les aiguillons intérieurs, et aussi dans quelques<br />
cas <strong>les</strong> extérieurs, sont toujours plus ou moins recourbés<br />
en hameçon, c’est ce qui a fait donner à ces plantes la<br />
désignation vulgaire de Biznagas de Ganchos. L’aiguillon<br />
central peut même acquérir, par rapport aux autres, un<br />
déploiement exagéré, comme cela se voit d’une façon vraiment<br />
remarquable chez le Ferocactus hamatacanthus Britt.<br />
et Rose.<br />
Comme distribution géographique, <strong>les</strong> Ancistrocactées<br />
ont une aire de dispersion beaucoup plus éten<strong>du</strong>e que <strong>les</strong><br />
Euéchinocactées ; el<strong>les</strong> se rencontrent aussi bien dans <strong>les</strong><br />
régions arides <strong>du</strong> Mexique central et septentrional que dans<br />
le sud des États-Unis, mais cependant cette série paraît<br />
être plus particulièrement mieux représentée sur <strong>les</strong> territoires<br />
<strong>du</strong> versant pacifique que sur celui de l’Atlantique.<br />
C’est, parmi <strong>les</strong> Echinocactées typiques, le groupe qui<br />
remonte le plus vers le Nord, car on en rencontre des<br />
espèces adaptées au régime parfois assez rude des régions
chapitRe x 261<br />
des montagnes rocheuses de l’Utah et <strong>du</strong> Nevada, tels par<br />
exemple <strong>les</strong> Sclerocactus Whipplei Britt. et Rose et Echinocactus<br />
polycephalus Engelm. et Bigelow. Il est vrai que ces<br />
deux espèces de médiocres dimensions croissent dans <strong>les</strong><br />
mêmes conditions écologiques que certains Phymatogoni,<br />
avec <strong>les</strong>quels <strong>du</strong> reste ils semblent bien, sinon établir une<br />
transition directe, <strong>du</strong> moins avoir de fortes affinités.<br />
Au Mexique, le Ferocactus macrodiscus Britt. et Rose, qui<br />
est particulier à une zone bien spéciale de la région centrale,<br />
est également adapté pour supporter des froids assez rigou-<br />
reux et assez brusques, car, d’après Karwinski, on le ren-<br />
contre jusqu’à une altitude de 3.000 mètres, situation élevée<br />
où ne croissent plus guère comme Cactacées que certaines<br />
Mamillariées.<br />
En somme, <strong>les</strong> Ancistrocactées représentent, parmi <strong>les</strong><br />
trois groupes constituant <strong>les</strong> Echinocactées typiques, la<br />
série qui paraît offrir le plus d’affinités avec <strong>les</strong> Thélo-<br />
cactées et <strong>les</strong> Sténocactées qui, comme on l’admet géné-<br />
ralement, sont <strong>les</strong> formes de transition entre <strong>les</strong> Echino-<br />
cactées et <strong>les</strong> Mamillariées.<br />
Les principaux types d’Ancistrocactées sont :<br />
Ferocactus hamatacanthus Britt. et Rose. — Nord et<br />
centre <strong>du</strong> Mexique : États de Coahuila, Chihuahua, Nuevo-<br />
Leon, Durango ; sud des États-Unis : Texas, Nouveau<br />
Mexique, Arizona ;<br />
F. latispinus Britt. et Rose. — Mexique central : États<br />
d’Hidalgo, San Luis Potosi ;<br />
F. macrodiscus Britt. et Rose. — Partie centrale <strong>du</strong><br />
Mexique : États de San Luis Potosi, Mexico, Queretaro,<br />
Puebla, Oaxaca ;<br />
F. nobilis Britt. et Rose. — Plateau central <strong>du</strong> Mexique :<br />
États de Puebla, Oaxaca ;<br />
F. Peninsulæ Britt. et Rose. — Basse-Californie ;<br />
F. uncinatus Britt. et Rose. — Nord <strong>du</strong> Mexique : Parias,<br />
États de Coahuila, Chihuahua ; sud des États-Unis : Texas ;<br />
F. viridescens Britt. et Rose. — Haute-Californie ;
Hematocactus -><br />
Hamatocactus<br />
262 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
F. Wislizenii Britt. et Rose. — Sonora, Basse-Californie ;<br />
sud des États-Unis ; Nouveau Mexique, Arizona, Colorado,<br />
Utah, Haute-Californie ;<br />
Sclerocactus Whipplei Britt. et Rose. — Sud des États-<br />
Unis : Montagnes Rocheuses, Arizona, Utah ;<br />
Hamatocactus setispinus Britt. et Rose. — Nord-est <strong>du</strong><br />
Mexique ; sud des États-Unis : Texas.<br />
Homalocephala texensis Britt. et Rose. — États de Tamaulipas,<br />
Nuevo-Leon, Coahuila ; sud des États-Unis : Texas ;<br />
Echinocactus polycephalus Engelm. et Bigelow. — Environs<br />
<strong>du</strong> rio Gila et <strong>du</strong> Bas-Colorado ; sud des États-Unis :<br />
Nevada, Arizona, Haute-Californie, Utah.<br />
Les espèces appartenant aux trois séries d’Echinocactées<br />
typiques, auxquel<strong>les</strong> on a le plus souvent recours pour des<br />
usages économiques, grâce à la qualité et à la quantité de<br />
leur pulpe parenchymateuse, sont <strong>les</strong> Ferocactus melocactiformis<br />
Britt. et Rose, F. macrodiscus Britt. et Rose,<br />
F. Diguetii Britt. et Rose, F. Wislizenii Britt. et Rose, F.<br />
Peninsulæ Britt. et Rose, et l’Echinocactus ingens Zucc.<br />
Aussi, avant d’entreprendre l’exposé de leur exploitation,<br />
donnerons-nous la description de chacune de ces espèces.<br />
Ferocactus melocactiformis Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />
melocactiformis DC., E. Hystrix DC., E. electracanthus<br />
Lemaire, E. oxypterus Zucc., E. Coulteri G. Don,<br />
E. lancifer Reichb., Echinofossulocactus oxypterus Lawrence)<br />
(fig. 82). — La tige de cette espèce est simple et<br />
globuleuse, d’un vert glauque, son diamètre est de 50 à<br />
60 centimètres et sa hauteur, chez <strong>les</strong> sujets bien développés,<br />
peut atteindre près d’un mètre. Les côtes sont comprimées,<br />
subvertica<strong>les</strong>, régulièrement arrondies à leur sommet, très<br />
vigoureuses et saillantes d’environ 3 centimètres, renflées<br />
en tubercu<strong>les</strong> à l’endroit des aréo<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-ci sont oblongues<br />
et pourvues d’un tomentum ca<strong>du</strong>c, épais et laineux. Les<br />
côtes donnent lieu à de profonds sillons d’abord aigus, mais<br />
qui s’aplatissent et s’effacent à mesure qu’ils s’approchent<br />
de la base de la plante. L’armature épineuse consiste en un
Fig. 82. — Ferocactus melocactiformis Britt. et Rose.<br />
An second plan et à gauche : Opuntia leucotricha DC.<br />
Environs de San Luis Potosi.
264 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
faisceau composé de neuf à dix aiguillons radiants dont un<br />
plus développé occupe le centre. Ces aiguillons, très vigou-<br />
reux et longs de 5 à 6 centimètres, sont droits ou légèrement<br />
incurvés, ils sont striés transversalement, d’apparence<br />
cornée ; à leur base ils sont rouges, mais ne tardent pas à<br />
prendre une coloration jaunâtre ou ambrée sur presque<br />
toute leur éten<strong>du</strong>e. Les fleurs sont jaunes et d’une gran-<br />
deur de 2 à 3 centimètres. Le fruit consiste en une baie<br />
squameuse de 2 à 3 centimètres, d’une couleur vert pâle ;<br />
il est comestible et possède une pulpe molle, blanche, de<br />
saveur fraîche et agréable, ce qui le fait apprécier des<br />
indigènes ; à sa saison, ce fruit se vend sur <strong>les</strong> marchés<br />
urbains sous le nom de Lima de Biznaga.<br />
Le Ferocactus melocactiformis comporte deux variétés qui<br />
ont été décrites par Lemaire sous <strong>les</strong> noms d’Echinocactus<br />
hystricacanthus et de pycnoxyphus ; ces deux variétés se<br />
différencient <strong>du</strong> type par la <strong>du</strong>plicature des aiguillons dont<br />
<strong>les</strong> quatre centraux sont plus vigoureux.<br />
Cette Biznaga est originaire de la zone tempérée des<br />
plateaux <strong>du</strong> Mexique central. Elle se rencontre dans <strong>les</strong><br />
États de Jalisco, Queretaro, Hidalgo, San Luis Potosi ; ou<br />
la signale surtout dans <strong>les</strong> stations de Meztitlan, San<br />
Bartolo, San Sebastian, Santa Rosa de Toliman, Ixmiquilpan,<br />
Actopan, Minerai del Monte, environs de San Luis Potosi.<br />
A cause de la qualité de sa pulpe, ce Ferocactus est<br />
particulièrement recherché pour <strong>les</strong> préparations de confi-<br />
serie ; c’est cet emploi qui a longtemps entretenu la confusion<br />
dans la spécification des différentes espèces de Biznagas<br />
économiques.<br />
Labouret, pour aider à différencier au premier examen<br />
cette plante de cel<strong>les</strong> qui lui ressemblent, signale le carac-<br />
tère particulier de ses faisceaux épineux dont <strong>les</strong> aiguillons<br />
sont rouges à la base et s’écartent en s’incurvant ; de plus,<br />
la présence d’un ou de plusieurs aiguillons centraux, ce qui<br />
est un fait quelque peu anormal chez <strong>les</strong> Euéchinocactées.<br />
Ce Ferocactus est plus généralement connu sous <strong>les</strong><br />
synonymes d’Hystrix que lui avait donné P. de Candolle
chapitRe x 265<br />
en 1828, et sous celui d’electracanthus que lui avait attribué<br />
Lemaire en 1838. Néanmoins, la dénomination de melocactiformis<br />
employée par de Candolle doit lui être conservée<br />
par raison de priorité.<br />
Ferocactus macrodiscus Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />
macrodiscus Mart.). — Ce Ferocactus que l’on range<br />
dans la série des Uncinati, offre une tige simple et de peu<br />
d’élévation qui, dans sa structure, présente certaines parti-<br />
cularités qui permettent à première vue de différencier cette<br />
espèce. En effet, cette tige à ses débuts est hémisphérique,<br />
et lorsqu’elle commence à prendre son développement, au<br />
lieu de se faire globuleuse, comme c’est le cas de la plupart<br />
des Biznagas, elle s’accroît latéralement de façon à prendre<br />
la conformation d’un disque aplati dont le diamètre, suivant<br />
Karwinski, peut parfois atteindre 50 centimètres, mais<br />
qui, chez <strong>les</strong> spécimens <strong>les</strong> plus courants, n’excède guère<br />
20 à 30 centimètres. C’est <strong>du</strong> reste cette conformation assez<br />
singulière qui a valu à la plante sa spécification bien expli-<br />
cite de macrodiscus.<br />
Les côtes, chez cette espèce, sont légèrement obtuses et<br />
échancrées vers <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont séparées par des<br />
sillons nets et aigus ; <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont garnies d’un tomentum<br />
gris d’où émergent vers le sommet quelques pinceaux de<br />
poils. Les faisceaux épineux sont constitués par des aiguil-<br />
lons rigides, de teinte rougeâtre, striés transversalement,<br />
dont quatre intérieurs plus robustes et légèrement recourbés :<br />
<strong>les</strong> aiguillons extérieurs varient comme nombre ; plusieurs<br />
sont ca<strong>du</strong>cs et tombent avec l’âge. Les fleurs sont rougeâtres.<br />
l’ovaire est écailleux, imbriqué, glabre.<br />
Le Ferocactus macrodiscus paraît rechercher de préférence,<br />
comme habitat, <strong>les</strong> terrains découverts situés au<br />
voisinage des crêtes montagneuses, où on le rencontre<br />
croissant parmi <strong>les</strong> touffes de ces grandes Graminées qui,<br />
d’ordinaire, tapissent dans certaines régions mexicaines <strong>les</strong><br />
sommets élevés. Son adaptation au régime des altitudes<br />
mérite d’être signalée, car elle constitue une anomalie dans<br />
la biologie des Echinocactées mexicaines qui, comme on
266 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
l’a vu plus haut, sont surtout confinées à ces milieux arides<br />
et secs que l’on rencontre sur nombre de plaines et de pla-<br />
teaux des terres chaudes ou tempérées.<br />
Il est probable que <strong>les</strong> causes qui permettent au Ferocactus<br />
macrodiscus d’affronter des situations où <strong>les</strong> Cactacées<br />
globuleuses ne sont plus représentées que par<br />
certaines formes de Mamillariées, doivent surtout être<br />
attribuées à sa faible élévation sur le sol et à son association<br />
plus ou moins intime avec <strong>les</strong> Graminées dont <strong>les</strong> touffes,<br />
entre <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il se dissimule, lui assurent en tous temps<br />
une protection contre <strong>les</strong> frimas.<br />
Cette Biznaga, quoique de médiocre proportion, est<br />
cependant très appréciée des indigènes pour la qualité et<br />
la délicatesse de sa pulpe que l’on utilise dans <strong>les</strong> usages<br />
domestiques au même titre que celle <strong>du</strong> Ferocactus melocactiformis.<br />
Trois variétés, probablement hortico<strong>les</strong>, ont été décrites<br />
sous <strong>les</strong> noms de Echinocactus macrodiscus lævior Monv.,<br />
E. macrodiscus decolor Monv., E. macrodiscus multiflorus<br />
R. Meyer ; <strong>les</strong> deux premières se différencient de la forme<br />
type par la nature des aiguillons qui sont en plus ou moins<br />
grand nombre ou plus ou moins teintés, la troisième par<br />
l’abondance de la floraison.<br />
L’aire de répartition de ce Ferocactus est assez éten<strong>du</strong>e<br />
sur le massif central <strong>du</strong> Mexique, mais, dans celte contrée,<br />
<strong>les</strong> spécimens de la plante se montrent en général assez<br />
disséminés et peu abondants.<br />
On rencontre principalement le Ferocactus macrodiscus<br />
dans <strong>les</strong> États de San Luis Potosi, Mexico, Queretaro, Puebla,<br />
Oaxaca ; dans cette dernière province, il est assez commun<br />
parmi <strong>les</strong> gazonnements herbacés qui garnissent <strong>les</strong> escar-<br />
pements et <strong>les</strong> collines avoisinant la Valle Grande.<br />
Ferocactus Diguetii Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />
Diguetii Web.) (fig. 73). — Ce Ferocactus est remarquable<br />
par son habitat exclusivement insulaire et par <strong>les</strong> fortes<br />
proportions qu’il peut atteindre. La nature de ses aiguillons<br />
lui fait prendre place dans la série des Euéchinocactées,
chapitRe x 267<br />
fait constituant une anomalie de répartition géographique<br />
des Echinocactées qui, dans la région nord-ouest <strong>du</strong> versant<br />
pacifique, ne sont représentées, <strong>du</strong> moins dans leurs formes<br />
norma<strong>les</strong> ou géantes, que par des spécimens appartenant à<br />
la série des Ancistrocactées.<br />
D’après la description <strong>du</strong> D r Weber qui, le premier, fit<br />
connaître cette espèce 1 , la tige est colomnaire et peut<br />
atteindre chez <strong>les</strong> sujets très a<strong>du</strong>ltes une hauteur de<br />
4 mètres sur un diamètre pouvant aller jusqu’à 80 centi-<br />
mètres ; l’apex de cette tige est déprimé et offre même une<br />
concavité autour de laquelle vient se développer la floraison.<br />
Les côtes sont nombreuses et peuvent dépasser la trentaine ;<br />
el<strong>les</strong> sont, à leur début, étroites et comprimées ; <strong>les</strong> sillons<br />
qui <strong>les</strong> bordent sont aigus et profonds, mais ils s’élargissent<br />
dans la suite en devenant plus obtus à mesure que <strong>les</strong> côtes<br />
s’épaississent. Les faisceaux épineux sont constitués par<br />
des aiguillons jaunâtres, droits ou légèrement arqués ; ils<br />
sont grê<strong>les</strong>, aciculaires, lisses et à peu près égaux entre eux ;<br />
leur nombre est de six à sept ; ils se groupent de façon à<br />
donner un central, un inférieur, quelquefois un supérieur,<br />
quatre latéraux radiants ; ce faisceau épineux n’occupe que<br />
la partie inférieure de l’aréole ; à son sommet on remarque<br />
quelques aiguillons rudimentaires ou glan<strong>du</strong>lés, cornés. Les<br />
aréo<strong>les</strong>, dans leur jeunesse, sont longues de 15 centimètres<br />
sur 8 millimètres de largeur ; el<strong>les</strong> sont subconfluentes et<br />
garnies d’un feutrage laineux ca<strong>du</strong>c, de teinte roussâtre. Les<br />
fleurs apparaissent au sommet de la plante et forment un<br />
couronnement autour de la partie déprimée de l’apex ; el<strong>les</strong><br />
sont jaune rougeâtre ; l’ovaire est glabre et couvert de<br />
nombreuses squames. Le fruit n’a été connu que tout récem-<br />
ment 2 .<br />
Le Ferocactus Diguetii possède, comme la plupart des<br />
grandes espèces de Biznaga, une pulpe que l’on peut utiliser<br />
soit dans l’alimentation, soit encore et surtout comme<br />
1. webeR. — Les Echinocactus de Basse-Californie (Bulletin <strong>du</strong><br />
Muséum d’Histoire naturelle de Paris, IV, p. 100, 1898).<br />
2. bRitton et Rose. — The Cactaceæ, III. p. 131, Washington, 1922.
268 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
fourrage en temps de disette. Cette pulpe n’a jusqu’ici<br />
guère été mise à profit par <strong>les</strong> indigènes, car la plante qui<br />
la fournit végétant dans des î<strong>les</strong> inhabitées et souvent<br />
d’accès difficile, ne se trouve par conséquent pas à portée<br />
de ceux qui pourraient en bénéficier ; ce fait explique pour-<br />
quoi on peut facilement rencontrer des spécimens ayant<br />
atteint tout leur développement.<br />
Cependant, au cours de l’année 1893-94, époque où sévit<br />
une grande sécheresse sur la partie méridionale de la<br />
Basse-Californie, on fut obligé, par le manque de fourrage,<br />
d’avoir recours à cette Biznaga pour maintenir le bétail,<br />
car <strong>les</strong> spécimens de proportions exploitab<strong>les</strong> <strong>du</strong> Ferocactus<br />
Peninsulæ avaient disparu des localités habitées par suite<br />
de leur utilisation pour combattre la famine. Pour cela, un<br />
certain nombre de bateaux voiliers s’équipèrent afin d’aller<br />
exploiter <strong>les</strong> Biznagas insulaires <strong>du</strong> golfe de Californie ; le<br />
pro<strong>du</strong>it de la récolte était ensuite apporté à La Paz et à la<br />
baie de la Vantana, d’où il était réparti aux différents<br />
ranchos faisant l’élevage <strong>du</strong> bétail destiné au ravitaillement<br />
des centres urbains.<br />
Le Ferocactus Diguetii offre un caractère biologique très<br />
particulier, c’est son adaptation à un climat absolument<br />
marin, fait qui ne se rencontre pas chez <strong>les</strong> autres Biznagas<br />
qui sont plutôt continenta<strong>les</strong> et ne croissent qu’accidentellement<br />
dans <strong>les</strong> terrains avoisinant la mer.<br />
La répartition géographique de ce Ferocactus est limitée<br />
exclusivement à certaines î<strong>les</strong> <strong>du</strong> golfe de Californie, principalement<br />
à cel<strong>les</strong> dont le sol est de constitution granitique ;<br />
c’est ainsi qu’on le rencontre en grande abondance dans<br />
<strong>les</strong> deux î<strong>les</strong> de la Catalana et de Ceralbo, et non dans <strong>les</strong><br />
î<strong>les</strong> intermédiaires de San José et d’Espiritu Santo, qui sont<br />
en grande partie d’origine volcanique.<br />
D’après Britton et Rose, la présence de cette espèce a été<br />
encore constatée par Ivan M. Johnston, botaniste de la California<br />
Academy of Sciences, dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong> Angel de la<br />
Guardia, Coronado, Carmen, Danzante, San Diego, lors de<br />
l’expédition américaine en 1921 ; néanmoins dans ces î<strong>les</strong>
chapitRe x 269<br />
elle ne paraît pas aussi répan<strong>du</strong>e qu’à Ceralbo et à la Cata-<br />
lana.<br />
Ferocactus Wislizenii Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />
Wislizenii Engelm., E. Emoryi Engelm., E. Falconeri Orcutt,<br />
E. arizonicus O. Ktze., Echinocereus Emoryi Rümpler). —<br />
Ce Ferocactus est d’assez fortes proportions ; cependant il<br />
ne dépasse guère, chez <strong>les</strong> spécimens que l’on rencontre le<br />
plus communément, une hauteur d’un mètre, sur un diamètre<br />
maximum d’environ 50 centimètres. Il possède une<br />
forme plutôt obovée que cylindrique, c’est ce qui lui a valu<br />
de la part des Américains le nom vulgaire de Barrel Cactus<br />
Sa tige présente de vingt à vingt-cinq côtes aiguës, crénelées<br />
ou plus ou moins tuberculées ; son apex est laineux. Les<br />
aréo<strong>les</strong> sont oblongues, assez rapprochées <strong>les</strong> unes des<br />
autres et garnies dans leur jeunesse d’un tomentum fauve.<br />
Les faisceaux épineux sont constitués par de très nombreux<br />
aiguillons rayonnants ; <strong>les</strong> centraux sont au nombre<br />
de quatre, très vigoureux, de teinte rouge, striés transversalement<br />
; l’intérieur est aplati et recourbé en crochet.<br />
Les extérieurs sont au nombre d’une vingtaine qui se<br />
groupent alors en trois supérieurs, trois inférieurs assez<br />
analogues à ceux <strong>du</strong> centre comme forme et coloration, mais<br />
moins robustes, et une douzaine de latéraux plus grê<strong>les</strong>,<br />
complètement lisses et d’une teinte jaunâtre. Enfin, à la<br />
partie supérieure <strong>du</strong> faisceau épineux, on remarque quelques<br />
aiguillons atrophiés plus ou moins glan<strong>du</strong>laires. La fleur<br />
est jaune, longue de 5 à 6 centimètres. Le fruit est écailleux,<br />
sec, quelque peu lignifié et de teinte jaunâtre.<br />
La pulpe de la tige est comestible et utilisée de même que<br />
celle des autres Echinocactées géantes.<br />
Le Ferocactus Wislizenii comporte trois variétés qui ont<br />
été décrites sous <strong>les</strong> noms d’Echinocactus Wislizenii albispinus<br />
Toumey, decipiens Engelm. et Lecontei Engelm 1 .<br />
1. bRitton et Rose (The Cactaceæ, III, p. 1 2 9 . Washington. 1922),<br />
considèrent celte dernière comme une espèce spéciale.
270 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La répartition géographique de cette espèce comprend :<br />
aux États-Unis, <strong>les</strong> régions désertiques de l’Arizona, <strong>du</strong><br />
Colorado, de l’Utah et de la Haute-Californie ; au Mexique,<br />
le nord de la Sonora et de la Basse-Californie.<br />
Dans la partie centrale de la Basse-Californie, aux envi-<br />
rons de la petite ville de Mulege, Gabb a trouvé une plante<br />
qu’Engelmann a considérée comme une variété rectispinus<br />
mais dont Britton et Rose font une espèce distincte.<br />
On a signalé un certain nombre d’espèces très affines ou<br />
de variétés de ce Ferocactus, qui ont été décrites sous <strong>les</strong><br />
noms de Ferocactus acanthodes Britt. et Rose, F. chrysacanthus<br />
Britt. et Rose, F. rectispinus Britt. et Rose ; leur<br />
différenciation repose surtout sur la structure des aiguillons<br />
et sur la conformation de la tige, qui se montre alors plus<br />
ou moins élancée.<br />
Le Ferocactus acanthodes Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />
acanthodes Lemaire, E. californicus Monv., E. cylindraceus<br />
Engelm.) a été décrit par Lemaire en 1839, sur un<br />
type cultivé par Courant au Havre, et a fleuri chez de Mon-<br />
ville en 1846.<br />
D’après Britton et Rose, il se distinguerait <strong>du</strong> F. Wislizenii<br />
par l’épine centrale de l’aréole plus longue et plus<br />
large, tortueuse et plus ou moins courbée, mais jamais en<br />
hameçon. On le rencontrerait dans le sud <strong>du</strong> Nevada, le<br />
sud-est de la Californie et le nord de la Basse-Californie.<br />
Ferocactus Peninsulæ Britt. et Rose (syn. Echinocactus<br />
Peninsulæ Engelm.) (fig. 83). — Cette espèce fut pour la<br />
première fois signalée et nommée par Engelmann (in litteris)<br />
; l’étude fut ensuite reprise et complétée par le<br />
D r Weber, avec des spécimens et des échantillons rapportés<br />
de Basse-Californie 1 .<br />
La tige est ovoïde, mais ne tarde pas à devenir cylin-<br />
drique. Les côtes sont au nombre maximum d’une vingtaine,<br />
1. webeR. — Les Echinocactus de la Basse-Californie (Bulletin <strong>du</strong><br />
Muséum d’Histoire naturelle de Paris, I, p. 320, 1895, IV, et p. 102, 1898).
Fig. 83. — Ferocactus Peninsulæ Britt. et Rose.<br />
Basse-Californie.
272 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
el<strong>les</strong> sont vigoureuses, renflées autour des aréo<strong>les</strong>, et sépa-<br />
rées par de larges et profonds sillons.<br />
Ce Ferocactus est voisin <strong>du</strong> F. Wislizenii ; il s’en distingue<br />
cependant à première vue par un bien moins grand nombre<br />
d’aiguillons. Les faisceaux épineux sont constitués par des<br />
éléments robustes et vigoureux ayant à leur début une cou-<br />
leur coccinée passant au jaune vers l’extrémité de leur<br />
pointe, mais qui tend à se modifier avec l’âge en prenant<br />
alors une teinte grisâtre uniforme. Ceux-ci sont groupés de<br />
façon à se répartir en onze aiguillons externes, rayonnants,<br />
droits, cylindriques, et quatre internes, striés transversa-<br />
lement ; parmi ces derniers, <strong>les</strong> trois supérieurs, longs d’en-<br />
viron 3 centimètres, sont droits et cylindriques ; l’inférieur,<br />
beaucoup plus puissant, est long de 5 à 7 centimètres, aplati,<br />
parcouru sur toute son éten<strong>du</strong>e d’une arête centrale et ter-<br />
miné par une pointe recourbée en crochet. La fleur, longue<br />
de 5 à 6 centimètres, est jaune à l’intérieur et plus ou moins<br />
rougeâtre extérieurement. Le fruit est sec et quelque peu<br />
ligneux ; il est couvert de squames imbriquées jaunâtres ; sa<br />
longueur est d’environ 3 centimètres.<br />
Le F. Peninsulæ peut atteindre une hauteur de 2 mètres,<br />
mais <strong>les</strong> spécimens d’un tel développement sont très rares<br />
et ne peuvent guère se rencontrer que dans <strong>les</strong> endroits<br />
isolés (fig. 83), car, dans un pays aussi sujet aux longues<br />
périodes de sécheresse que la Basse-Californie, il en résulte<br />
que <strong>les</strong> Biznagas sont d’un grand secours pour maintenir<br />
sur son sol aride l’existence <strong>du</strong> bétail lorsque <strong>les</strong> fourrages<br />
herbacés viennent à disparaître. Il résulte donc que ces<br />
plantes xérophi<strong>les</strong> et de croissance extrêmement lente sont<br />
utilisées dès qu’el<strong>les</strong> ont atteint une dimension avantageuse<br />
pour leur emploi, ce qui fait que <strong>les</strong> échantillons dépassant<br />
une taille de 30 à 50 centimètres ne se rencontrent guère<br />
que dans <strong>les</strong> situations où l’on ne peut facilement <strong>les</strong><br />
récolter.<br />
L’aire de dispersion géographique <strong>du</strong> F. Peninsulæ est<br />
limitée jusqu’ici à la Basse-Californie où il est l’espèce la<br />
plus commune.
chapitRe x 273<br />
Echinocactus ingens Zucc. (syn. : Melocactus ingens<br />
Karw., Echinocactus aulacogonus Lemaire, E. corynacanthus<br />
Scheidw. ?, E. Galeottii Scheidw. ?, E. Haageanus Linke,<br />
E. helophorus Lemaire, E. Hystrix Monv., E. Karwinskii<br />
Zucc., E. macracanthus De Vriese, E. minax Lemaire, E. platyceras<br />
Lemaire) (fig. 77). — Cette Biznaga, qui atteint<br />
<strong>les</strong> plus volumineuses dimensions de toutes cel<strong>les</strong> habitant<br />
<strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong> Mexique central, offre, à ses débuts, une tige<br />
globuleuse qui ne tarde pas, par suite de l’accroissement, à<br />
devenir cylindrique et même presque colomnaire. Cette tige,<br />
d’après le Dr Weber, peut atteindre une hauteur de 3 mètres,<br />
mais d’ordinaire, chez <strong>les</strong> sujets très a<strong>du</strong>ltes et de belle<br />
venue que l’on rencontre assez fréquemment, elle ne dépasse<br />
guère 2 mètres d’élévation. L’apex de la plante est pourvu<br />
d’un disque tomenteux bien délimité affectant un contour<br />
circulaire régulier, ce qui est la caractéristique des Céphalocactées,<br />
dont cet Echinocactus peut, à bon droit, être considéré<br />
comme le type le plus parfait. Les côtes sont nombreuses,<br />
obtuses, moyennement saillantes. Les faisceaux<br />
épineux donnent lieu à des aiguillons vigoureux, subulés,<br />
no<strong>du</strong>leux à la base, striés transversalement, quelquefois<br />
un peu aplatis, longs de 4 à 6 centimètres et qui<br />
se répartissent en six extérieurs et quatre intérieurs plus<br />
robustes. Les fleurs sont jaune clair, largement épanouies en<br />
une rosace de 5 à 6 centimètres de diamètre ; el<strong>les</strong> émergent<br />
toujours <strong>du</strong> disque laineux apical. Le fruit est sec, d’environ<br />
4 centimètres de long, enveloppé d’une laine dense, de teinte<br />
jaunâtre.<br />
Cette Biznaga, grâce aux fortes proportions qu’elle peut<br />
atteindre, est susceptible de fournir une ample quantité de<br />
pulpe qui, quoique moins délicate que celle des espèces plus<br />
ré<strong>du</strong>ites employées en confiserie, n’en est pas moins utilisée<br />
avec avantage par <strong>les</strong> indigènes qui y ont alors recours soit<br />
dans leur propre consommation, soit encore et surtout<br />
comme fourrage de fortune dans <strong>les</strong> endroits où, à la saison<br />
sèche, <strong>les</strong> pâturages deviennent précaires, comme cela se<br />
voit par exemple aux environs de la ville de Tehuacan, où,<br />
18
274 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
depuis l’établissement de la colonisation espagnole, on a<br />
l’habitude de faire subir une étape de repos aux troupeaux,<br />
amenés à petites journées depuis <strong>les</strong> côtes <strong>du</strong> Pacifique jusqu’aux<br />
parquages d’engraissement des régions ferti<strong>les</strong> de<br />
l’État de Puebla.<br />
Comme distribution géographique, l’Echinocactus ingens<br />
Zucc. occupe une zone d’extension assez vaste dans la partie<br />
centrale <strong>du</strong> Mexique, où il est alors la Biznaga géante de la<br />
région, ce qui l’avait fait considérer par <strong>les</strong> Nahuatls comme<br />
étant le type le mieux caractérisé de ce qu’ils appelaient<br />
Hueycomitl. Les principaux points <strong>du</strong> massif central mexicain<br />
où cette remarquable espèce a été signalée comme plus<br />
abondante, et où elle arrive, sur <strong>les</strong> sols à sa convenance, à<br />
former parfois certains peuplements, sont : dans <strong>les</strong> États de<br />
Puebla et de San Luis Potosi, <strong>les</strong> localités de Actopan, Ixmiquilpan,<br />
Zimatlan, Mextitlan, Atotonocapa, San Pedrito et,<br />
dans l’État de Puebla, <strong>les</strong> environs de la ville de Tehuacan,<br />
principalement à la côte de Coapan et à Zapotitlan de las<br />
Salinas.<br />
L’Echinocactus ingens Zucc. et le Ferocactus melocactiformis,<br />
ainsi que toutes <strong>les</strong> espèces de grande et moyenne<br />
dimensions habitant le plateau central <strong>du</strong> Mexique, ont été<br />
longtemps confon<strong>du</strong>es sous le nom de Cactus Visnaga ; ce<br />
n’est que depuis <strong>les</strong> voyages de Karwinski, Galeotti et de plu-<br />
sieurs autres voyageurs botanistes, que ces Echinocactées,<br />
mieux étudiées, ont commencé à sortir de cette confusion,<br />
dont la principale cause doit être <strong>du</strong>e à l’utilisation qu’en<br />
faisaient <strong>les</strong> indigènes dans leurs besoins économiques.<br />
exploitation des biznagas. — Les Céphalocactées, <strong>les</strong><br />
Euéchinocactées et <strong>les</strong> Ancistrocactées possèdent une volu-<br />
mineuse pulpe dont <strong>les</strong> Mexicains savent tirer un certain<br />
profit, soit comme boisson, soit comme matière susceptible<br />
de fournir un pro<strong>du</strong>it de premier ordre pour la confiserie,<br />
soit encore, comme on le verra dans un chapitre spécial,<br />
pour l’alimentation des bestiaux aux moments critiques de<br />
grande sécheresse.<br />
Pour ce qui est de la boisson que l’on peut tirer des
chapitRe x 275<br />
Biznagas et qui consiste en un liquide frais et limpide,<br />
auquel le voyageur a recours éventuellement dans <strong>les</strong> tra-<br />
versées des déserts lorsqu’il se sent torturé par la soif, il<br />
en a été suffisamment parlé au chapitre des stations des<br />
Cactacées pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir ici.<br />
L’emploi in<strong>du</strong>striel de ces Biznagas consiste surtout aujourd’hui<br />
dans l’usage qu’on en fait comme matière pre-<br />
mière dans la confiserie locale. Pour cela, on découpe la<br />
pulpe en fragments de moyenne grosseur, puis on la fait<br />
confire et cuire dans une bassine, avec un épais sirop de<br />
sucre, pendant un temps plus ou moins long, suivant la<br />
nature de l’espèce de Biznaga employée. La masse est mise<br />
ensuite à égoutter et à refroidir ; elle donne alors un pro<strong>du</strong>it<br />
très consistant qui est de bonne conservation si l’on a soin<br />
de le soustraire à l’humidité ou à la dessiccation spontanée ;<br />
ce pro<strong>du</strong>it se débite ensuite en fragments réguliers pour la<br />
répartition sur <strong>les</strong> lieux de vente. Comme la pulpe est par<br />
elle-même insipide, on a soin d’ajouter au sirop de cuisson<br />
différentes sortes d’extraits de fruits ou d’essences, afin de<br />
lui donner une saveur agréable et de l’adapter au goût des<br />
consommateurs 1 .<br />
Ce pro<strong>du</strong>it commercial, que l’on nomme dans le pays<br />
Dulce de Biznaga, rappelle assez bien, <strong>du</strong> moins par sa nature<br />
et sa consistance, <strong>les</strong> préparations marchandes que<br />
l’on obtient avec le fruit de l’Ananas.<br />
Cette in<strong>du</strong>strie, qui était nationale au Mexique, est, depuis<br />
un certain temps, pratiquée aux États-Unis, où l’on se sert<br />
alors, pour cette sorte de confiserie, des différentes espèces<br />
d’Echinocactées que fournissent <strong>les</strong> déserts des États d’Ari-<br />
zona, Californie, Texas, etc.<br />
Jadis, la pulpe de Biznaga était d’un usage assez courant<br />
dans l’alimentation des populations nomades et sauvages<br />
<strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique. D’après Hernandez, ces Indiens, que<br />
1. L’ingrédient que l’on emploie le plus communément dans la<br />
confiserie mexicaine pour l’aromatisation de la pulpe de Biznaga est<br />
le zeste de citron ou encore celui de variétés d’oranges très parfumées<br />
tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que l’on nomme Lima.
276 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
l’on désignait sous le nom collectif de Chichimèques, avaient<br />
recours parfois, en guise de céréa<strong>les</strong>, à la pulpe de Biznaga<br />
pour confectionner ces sortes de mets que l’on nomme au<br />
Mexique Tama<strong>les</strong> et qui consistent en un hachis de viande<br />
mélangé de farine, le tout enveloppé dans une feuille et cuit<br />
à la vapeur ou à l’étouffée. Au Mexique, plusieurs espèces de<br />
Biznagas sont utilisées pour cette préparation, mais néanmoins,<br />
à cause de la qualité de la pulpe, on donne la préférence<br />
aux Ferocactus melocactiformis Britt. et Rose, qui<br />
croissent sur <strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique, et macrodiscus<br />
Britt. et Rose, espèce très répan<strong>du</strong>e sur <strong>les</strong> escarpements<br />
montagneux de l’État de Oaxaca.<br />
L’in<strong>du</strong>strie des Biznagas est forcément limitée, car ces<br />
plantes, très résistantes aux plus fortes sécheresses, ont une<br />
croissance et un développement fort lents ; ce n’est donc<br />
qu’au bout d’un assez grand nombre d’années qu’el<strong>les</strong> parviennent<br />
à un état utilisable. C’est ce qui explique pourquoi<br />
<strong>les</strong> Echinocactées n’ont jamais pu faire l’objet d’une culture<br />
rémunératrice ; on se contente toujours d’aller <strong>les</strong> recueillir<br />
dans <strong>les</strong> régions désertiques, ce qui, forcément, au<br />
bout d’un certain temps, supprime <strong>les</strong> Biznagas exploitab<strong>les</strong><br />
et arrête, <strong>du</strong> moins momentanément, le bénéfice d’une récolte<br />
que la nature est seule à pro<strong>du</strong>ire. Ce fait explique<br />
pourquoi, aux environs des grands centres, <strong>les</strong> spécimens<br />
de belle corpulence sont souvent rares et ne peuvent guère<br />
se rencontrer que dans <strong>les</strong> endroits non fréquentés, comme,<br />
par exemple, <strong>les</strong> montagnes aux flancs abrupts et <strong>les</strong> territoires<br />
insulaires restés inhabités.<br />
Les indigènes ont su tirer un certain parti des aiguillons<br />
flexib<strong>les</strong> et de nature cornée que leur offraient <strong>les</strong> Echinocactées<br />
; ils <strong>les</strong> employaient aux mêmes usages que ceux de<br />
la pointe terminale des Agave, c’est-à-dire, suivant leur<br />
forme et leur dimension : comme clous, poinçons, éping<strong>les</strong>,<br />
lancettes, et même cure-dents. C’est cette dernière application<br />
qui a donné lieu, comme on l’a vu au chapitre de la<br />
terminologie, à une interprétation fantaisiste et erronée de<br />
l’origine <strong>du</strong> mot Biznaga. Actuellement encore, <strong>les</strong> tribus
chapitRe x 277<br />
indiennes vivant dans <strong>les</strong> régions avoisinant le rio Colorado<br />
emploient couramment <strong>les</strong> aiguillons d’Echinocactées pour<br />
confectionner des hameçons de pêche, principalement ceux<br />
qui ont une pointe très acérée et naturellement recourbée<br />
à leur extrémité, comme par exemple ceux que fournissent<br />
<strong>les</strong> Ancistrocactées.<br />
Les Echinocactées étant armées de redoutab<strong>les</strong> défenses<br />
épineuses, leur récolte réclame un certain traitement, afin<br />
de supprimer <strong>les</strong> éléments qui pourraient nuire à leur<br />
facilité de transport.<br />
Pour exploiter une Biznaga, <strong>les</strong> indigènes commencent<br />
par la débarrasser de son appareil vulnérant ; pour cela,<br />
rapidement, à l’aide d’un couteau, d’une hachette, ou plus<br />
habituellement d’un mechete, ils abattent de haut en bas le<br />
sommet des côtes où sont insérés <strong>les</strong> faisceaux d’aiguillons,<br />
puis ensuite ils partagent la masse charnue restante en plu-<br />
sieurs tronçons, afin de pouvoir la convoyer aisément vers<br />
<strong>les</strong> endroits où l’on doit en faire l’utilisation.<br />
echinocactées de tRansition. — Cette catégorie de Cactacées<br />
globuleuses comprend un certain nombre d’espèces<br />
qui viennent constituer un, passage bien évident et presque<br />
ininterrompu entre <strong>les</strong> formes norma<strong>les</strong> d’Echinocactées et<br />
cel<strong>les</strong> plus évoluées des Mamillariées.<br />
Quoiqu’ayant des caractères botaniques <strong>les</strong> rattachant<br />
incontestablement aux Echinocactées, <strong>les</strong> représentants de<br />
ce groupement systématique offrent parfois des particula-<br />
rités morphologiques et biologiques qui sembleraient devoir<br />
plutôt leur donner une étroite parenté avec <strong>les</strong> Mamillariées,<br />
dont ils ont en somme tout l’aspect extérieur ; c’est ce qui<br />
explique pourquoi quelques espèces ont été alors décrites<br />
comme appartenant à ce groupe.<br />
Certaines formes, comme on le verra dans le courant de<br />
ce chapitre et <strong>du</strong> suivant, arrivent même à présenter des<br />
caractères tellement indécis, qu’il devient souvent difficile<br />
de <strong>les</strong> rattacher plutôt à l’un qu’à l’autre genre.<br />
La biologie des Echinocactées de transition est à peu près<br />
la même que celle des Mamillariées ; comme el<strong>les</strong>, el<strong>les</strong> pos-
278 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
sèdent un polymorphisme des plus accusés dont peut résulter<br />
une grande confusion lorsqu’il s’agit de l’identification<br />
des espèces.<br />
L’aire de dispersion de ce groupe de Cactacées est assez<br />
limitée et paraît uniquement se cantonner à certaines contrées<br />
désertiques <strong>du</strong> sud des États-Unis et de la partie septentrionale<br />
<strong>du</strong> Mexique, comme, par exemple, dans ce dernier<br />
pays, <strong>les</strong> terres arides de Pachuca et d’Ixmicuilpan qui<br />
sont, comme on le sait, <strong>les</strong> centres privilégiés de la plupart<br />
des formes aberrantes que comportent <strong>les</strong> Echinocactées<br />
et Mamillariées.<br />
Les Echinocactées de transition se subdivisent en deux<br />
séries assez bien délimitées qui sont <strong>les</strong> Sténocactées et <strong>les</strong><br />
Thélocactées.<br />
Les Sténocactées ou Stenogoni Lemaire comprennent des<br />
formes à tiges déprimées, globuleuses ou ovées, à sommet<br />
ombiliqué ; <strong>les</strong> côtes sont nombreuses, presque toujours<br />
comprimées en une lame mince, on<strong>du</strong>lée, aux contours plus<br />
ou moins crispés suivant <strong>les</strong> espèces ou <strong>les</strong> variétés ; ces<br />
côtes s’interrompent plus ou moins fortement à l’endroit des<br />
aréo<strong>les</strong> qui sont en général assez espacées <strong>les</strong> unes des<br />
autres. Les faisceaux épineux sont constitués par des éléments<br />
biformes dont <strong>les</strong> supérieurs et <strong>les</strong> inférieurs se<br />
montrent toujours plus vigoureux que <strong>les</strong> extérieurs et <strong>les</strong><br />
intérieurs ; ces aiguillons sont en général aplatis, flexueux<br />
ou parfois parcheminés.<br />
Comme on l’a constaté dans <strong>les</strong> semis de culture, <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong><br />
de Sténocactées ne présentent pas de côtes ; cel<strong>les</strong>-ci<br />
sont alors remplacées par des mamelons disposés en alignements<br />
spiralés ; ces derniers ne sont cependant qu’éphémères<br />
et ne tardent pas à disparaître et à se transformer<br />
en côtes grê<strong>les</strong> presque foliacées dès que le végétal commence<br />
à acquérir sa constitution normale. Cette particularité<br />
de la période juvénile montre clairement une étroite<br />
parenté non seulement avec <strong>les</strong> Mamillariées norma<strong>les</strong>, mais<br />
aussi et surtout avec la série suivante dont <strong>les</strong> côtes, chez<br />
<strong>les</strong> sujets a<strong>du</strong>ltes, sont toujours figurées, comme on le verra
chapitRe x 279<br />
dans la suite, par des rangées de mamelons plus ou moins<br />
confluents.<br />
On a décrit un bon nombre d’espèces appartenant à cette<br />
série, mais, d’après <strong>les</strong> faits révélés par <strong>les</strong> semis de cul-<br />
ture, ces formes, quoique souvent très dissemblab<strong>les</strong>, ne<br />
sont en réalité que de simp<strong>les</strong> manifestations de polymor-<br />
phisme.<br />
Les formes <strong>les</strong> plus typiques et <strong>les</strong> mieux identifiées de la<br />
série des Sténocactées sont <strong>les</strong> Echinofossulocactus coptonogonus<br />
Lawrence et crispatus Lawrence.<br />
Le premier possède une tige avec sommet ombiliqué de<br />
couleur glauque cinérascente, d’un diamètre de 6 à 8 centi-<br />
mètres, de conformation sphéroïde ou ovoïde. Les côtes sont<br />
vertica<strong>les</strong>, épaisses, crénelées, à arête aiguë, el<strong>les</strong> sont au<br />
nombre de dix à quatorze. Les aréo<strong>les</strong> sont espacées et pro-<br />
fondément immergées ; el<strong>les</strong> sont pourvues, sur <strong>les</strong> parties<br />
jeunes, d’un tomentum blanc qui s’élimine avec l’âge.<br />
Les faisceaux épineux sont constitués par cinq aiguillons<br />
inégaux, vigoureux, anguleux, aplatis ; celui <strong>du</strong> haut est<br />
érigé, <strong>les</strong> latéraux sont subérigés et plus courts ; quant aux<br />
inférieurs ils sont très petits. La fleur, de couleur pourpre,<br />
a environ 3 centimètres de longueur ; elle est diurne et<br />
s’épanouit complètement en plein soleil pour se fermer la<br />
nuit ; elle <strong>du</strong>re une huitaine de jours.<br />
Cette plante fut décrite par Lemaire sur des échantillons<br />
rapportés <strong>du</strong> Mexique par Deschamps en 1837. A cause des<br />
côtes compactes qui différencient cette Cactacée des autres<br />
espèces de la série, Lawrence en a fait le type d’un genre<br />
à part, auquel il donna le nom d’Echinofossulocactus 1 .<br />
Comme distribution géographique, l’E. coptonogonus<br />
Lawrence se rencontre dans <strong>les</strong> États de San Luis Potosi et<br />
de Hidalgo, principalement auprès de Pachuca, de Concep-<br />
cion et de Mineral del Monte.<br />
Quant à l’Echinofossulocactus crispatus Lawrence, ses<br />
principaux synonymes ou variétés sont : Echinocactus flexispinus<br />
Salm-Dyck et un<strong>du</strong>latus Dietrich.<br />
1. lawRence. — Catalogue of the Cacti in the collection of the Rev.<br />
Théodore Williams (Gardeners’ Magazine, XVII, p. 313, London, 1841 .
280 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Cette espèce qui, d’après Hernandez, était désignée par <strong>les</strong><br />
Nahuatls sous le nom de Tepenexcomitl, est nettement caractérisée<br />
par ses côtes nombreuses, comprimées, quelque-<br />
fois presque membraneuses, on<strong>du</strong>lées et crispées. Les<br />
aréo<strong>les</strong> sont espacées, oblongues, pourvues à leur début<br />
d’un tomentum ca<strong>du</strong>c. Les faisceaux épineux sont généra-<br />
lement constitués par trois aiguillons supérieurs érigés en<br />
forme de trident ; ils sont plus ou moins aplatis, quelquefois<br />
foliacés ou glumacés, suivant <strong>les</strong> variétés ; l’aiguillon central<br />
peut ou non faire défaut ; <strong>les</strong> aiguillons inférieurs et exté-<br />
rieurs sont toujours plus grê<strong>les</strong>. La fleur, de moyenne gran-<br />
deur, diffère peu de celle de l’espèce précédente ; elle est de<br />
coloration pourpre avec bor<strong>du</strong>re blanche.<br />
L’Echinofossulocactus crispatus Lawrence se rencontre<br />
dans <strong>les</strong> États de San Luis Potosi et d’Hidalgo ; dans ce<br />
dernier comme localité précisée, il a été signalé près de<br />
Pachuca, au Real del Monte, à Zimapan et à Ixmiquilpan.<br />
Chez presque toutes <strong>les</strong> espèces appartenant à la série<br />
des Thélocactées ou Phymatogoni, appelées aussi Theloidei<br />
Salm-Dyck, la tige est ellipsoïde, subglobuleuse, ou déprimée,<br />
recouverte entièrement de mamelons à contours arrondis<br />
ou polyédriques, portant <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> et <strong>les</strong> faisceaux épineux.<br />
Certaines espèces semblent cependant faire quelque peu<br />
exception à la règle ; c’est ainsi par exemple que l’Echinomastus<br />
intertextus Britt. et Rose présente des rudiments de<br />
côtes dont <strong>les</strong> contours sont assez bien délimités et rela-<br />
tivement peu mamelonnés. Néanmoins, la majorité des<br />
Thélocactées offrent, dans leur structure, de grandes ana-<br />
logies avec <strong>les</strong> Mamillariées ; c’est ainsi par exemple que<br />
le Pediocactus Simpsonii Britt. et Rose, qui est voisin de<br />
l’Echinomastus intertextus Britt. et Rose, donne sa floraison<br />
sur un très court mamelon, au-dessous des faisceaux épi-<br />
neux et très près de l’aisselle, ce qui vient donc constituer<br />
un type tout à fait intermédiaire entre <strong>les</strong> Echinocactées<br />
et <strong>les</strong> Mamillariées ; aussi Marius Jones a-t-il été d’avis que<br />
cette plante devait être considérée comme un Mamillaria.<br />
Enfin, on a cru devoir encore rattacher à cette série deux
chapitRe x 281<br />
formes tout à fait anorma<strong>les</strong> : le Strombocactus disciformis<br />
Britt. et Rose et l’Epithelantha micromeris Weber.<br />
Les principa<strong>les</strong> espèces qui ont été décrites comme appar-<br />
tenant à la série des Thélocactées sont :<br />
Echinomastus intertextus Britt. et Rose. — Mexique :<br />
région septentrionale ; États-Unis : Texas et Arizona.<br />
Echinopsis leucantha Walp. — Mexique central : Ixmiquilpan,<br />
Zimapan.<br />
Pediocactus Simpsonii Britt. et Rose. — États-Unis :<br />
Montagnes Rocheuses, Colorado, Utah, Nevada, Idaho, Mon-<br />
tana, Kansas, Nouveau Mexique.<br />
Toutes ces espèces sont affines <strong>les</strong> unes des autres, leur<br />
tige est arrondie, recouverte entièrement d’une toison d’ai-<br />
guillons ; el<strong>les</strong> présentent un apex laineux ; quant aux fleurs,<br />
el<strong>les</strong> sont petites, de couleur rose ; le fruit est constitué par<br />
une baie squameuse.<br />
L’Echinomastus intertextus Britt. et Rose, ainsi que sa<br />
variété dasyacanthus, est voisin <strong>du</strong> Pediocactus Simpsonii<br />
Britt. et Rose (syn. : Mamillaria Simpsonii Jones). L’Echinomastus<br />
unguispinus Britt. et Rose, qui a été décrit comme<br />
espèce distincte, n’en est qu’une forme se différenciant seule-<br />
ment par la nature des aiguillons qui sont plus forts et<br />
terminés en hameçon.<br />
Les indigènes, dans leur nomenclature populaire, font un<br />
groupe à part pour <strong>les</strong> Sténocactées et <strong>les</strong> Thélocactées, qu’ils<br />
nomment alors Tiscome<strong>les</strong> et Nexcome<strong>les</strong>, termes castillanisés<br />
des expressions nahuat<strong>les</strong> Tiscomitl et Nexcomitl,<br />
signifiant Biznagas d’aspect cendré.<br />
echinocactées abeRRantes. — Ce groupe est représenté<br />
par <strong>les</strong> trois séries Astrophytées, Lophophorées et Leuchten-<br />
bergiées.<br />
Ces trois séries, quoique offrant des caractères botaniques<br />
<strong>les</strong> rattachant aux Echinocactées, présentent néanmoins de<br />
tel<strong>les</strong> anomalies dans leur morphologie générale, que cer-
282 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tains auteurs ont cru devoir <strong>les</strong> considérer comme en marge<br />
des Echinocactées.<br />
L’insertion des organes floraux chez ces types hétéro-<br />
morphes a toujours lieu sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, caractère admis<br />
comme fondamental des Echinocactées. La floraison, en<br />
outre, se pro<strong>du</strong>it uniquement sur <strong>les</strong> mamelons <strong>du</strong> centre<br />
apical, particularité qui vient d’un côté <strong>les</strong> rattacher aux<br />
Echinocactées de transition et d’un autre aux Mamillariées<br />
anorma<strong>les</strong>, dont el<strong>les</strong> semblent bien, <strong>du</strong> moins pour cer-<br />
taines, n’être que des formes attardées en cours d’évolution.<br />
Les Astrophytées ou Asteroidei ont un aspect tout particulier<br />
qui permet de <strong>les</strong> distinguer à première vue ; el<strong>les</strong><br />
sont tantôt complètement inermes (Astrophytum myriostigma<br />
Lemaire et A. Asterias Lemaire), tantôt au contraire<br />
pourvues d’aiguillons plus ou moins fortement développés<br />
(A. capricorne Britt. et Rose et A. ornatum Weber). mais<br />
cet appareil défensif se montre habituellement ca<strong>du</strong>c et<br />
n’existe guère que sur <strong>les</strong> parties jeunes de la plante, d’o<br />
il se détache spontanément lorsque cel<strong>les</strong>-ci vieillissent.<br />
La tige, à ses débuts, est hémisphérique, mais elle ne<br />
tarde pas, en s’accroissant, à devenir colomnaire ; certains<br />
spécimens bien a<strong>du</strong>ltes peuvent atteindre une hauteur de<br />
1 mètre sur un diamètre de 30 centimètres ; c’est cette<br />
conformation qui a fait considérer ces plantes par Galeotti<br />
et Scheidweiler comme étant des Cierges. Un caractère<br />
bien saillant chez <strong>les</strong> Astrophytum est de présenter un<br />
épiderme d’un vert plus ou moins grisâtre ou brunâtre,<br />
parsemé d’une multitude de fines ponctuations blanches<br />
constituées par un <strong>du</strong>vet rudimentaire ayant quelque peu<br />
l’aspect de sétu<strong>les</strong> d’Opuntia. Les fleurs, assez grandes, sont<br />
de couleur jaune clair ; el<strong>les</strong> ont un tube court se distinguant<br />
à peine de l’ovaire, qui est entièrement couvert de laine<br />
jaunâtre entremêlée de soies ; ces fleurs sont diurnes et<br />
<strong>du</strong>rent plusieurs jours ; el<strong>les</strong> s’épanouissent complètement<br />
au soleil pour se fermer la nuit ; el<strong>les</strong> ont environ 8 centi-<br />
mètres de diamètre lorsqu’el<strong>les</strong> sont dans leur complet épa-<br />
nouissement.
chapitRe x 283<br />
Tous <strong>les</strong> Astrophytum connus jusqu’ici sont originaires<br />
<strong>du</strong> Mexique central ou de la partie nord-est de ce pays.<br />
Quatre espèces ont été décrites comme appartenant à<br />
cette section : ce sont <strong>les</strong> A. myriostigma Lemaire, A. Asterias<br />
Lemaire, A. ornatum Weber, A. capricorne Britt. et<br />
Rose.<br />
Astrophytum myriostigma Lemaire (syn. : Echinocactus<br />
myriostigma Salm-Dyck, Cereus callicoche Galeotti, C.<br />
inermis Scheidw.). — Cette espèce possède, au début, une<br />
tige hémisphérique qui devient plus tard colomnaire ; elle<br />
peut acquérir chez <strong>les</strong> sujets complètement a<strong>du</strong>ltes une<br />
taille d’environ 50 centimètres, elle présente de cinq à sept<br />
côtes très épaisses, renflées et presque aplaties sur la partie<br />
apicale. La surface de l’épiderme est entièrement constellée<br />
de points blancs ; <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont saillantes, tomenteuses,<br />
inermes ou presque inermes (fig. 78).<br />
L’Astrophytum myriostigma se rencontre dans <strong>les</strong> États<br />
de Coahuila, d’Hidalgo et de San Luis Potosi, principalement<br />
auprès de Torreon, au Cerro de la Bola et dans <strong>les</strong> mon-<br />
tagnes de Viesca, à la Sierra de la Tabla, près de Cuascama<br />
ou Minas de San Rafael, au Real del Monte, station où<br />
Galeotti rencontra cette espèce pour la première fois.<br />
Astrophytum Asterias Lemaire (syn. : Echinocactus Asterias<br />
Zucc.). — Espèce très voisine de la précédente, présentant<br />
huit côtes beaucoup plus aplaties et des sillons peu<br />
marqués ; <strong>les</strong> ponctuations blanches plus larges et moins<br />
nombreuses sont disposées en séries transversa<strong>les</strong>.<br />
Cette espèce a été signalée sans localité précise, dans <strong>les</strong><br />
États de Nuevo-Leon et de Tamaulipas.<br />
Astrophytum ornatum Weber (syn. : Echinocactus ornatus<br />
DC., E. holopterus Miq., E. tortus Scheidw., E. Mirbelii<br />
Lemaire, E. Ghiesbrechtii Salm-Dyck, E. Haageanus<br />
Rümpler, Echinopsis Haageana Linke, Echinofossulocactus<br />
Mirbelii Lawrence). — Cette espèce se caractérise par une<br />
tige claviforme, plus tard colomnaire, pouvant atteindre<br />
plus d’un mètre de hauteur sur un diamètre d’une trentaine<br />
tomentueuses -><br />
tomenteuses
284 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
de centimètres. L’épiderme est vert grisâtre, parsemé de<br />
points blancs analogues à ceux de l’A. myriostigma. Les<br />
aréo<strong>les</strong> sont plus ou moins espacées <strong>les</strong> unes des autres,<br />
el<strong>les</strong> sont revêtues d’un <strong>du</strong>vet brun, d’où émergent des<br />
faisceaux d’aiguillons jaunâtres, rigides, quelquefois mé-<br />
plats, longs de 3 à 5 centimètres et au nombre de sept à<br />
huit extérieurs et un central (fig. 79).<br />
L’A. ornatum comporte une variété glabrescens, qui se<br />
différencie par un épiderme vert foncé avec une ponctuation<br />
blanche moins abondante qui disparaît sur <strong>les</strong> parties<br />
a<strong>du</strong>ltes.<br />
Cet Astrophytum a été signalé dans <strong>les</strong> États de Queretaro<br />
et d’Hidalgo, principalement aux localités de Zimapan<br />
et <strong>du</strong> Real del Monte, où il se rencontre avec l’A. myriostigma.<br />
Astrophytum capricorne Britt. et Rose (syn. : Echinocactus<br />
capricornis Dietr.). — Cette espèce, quoique très affine de<br />
la précédente, s’en distingue néanmoins facilement par la<br />
nature de ses aiguillons qui, au lieu d’être droits, se<br />
recourbent en prenant la forme de cornes de bélier ; ceux-ci<br />
pour la plupart sont ca<strong>du</strong>cs et disparaissent normalement<br />
des parties a<strong>du</strong>ltes de la plante, de sorte que <strong>les</strong> vieil<strong>les</strong><br />
aréo<strong>les</strong> sont toujours inermes. Les ponctuations blanches<br />
de l’épiderme n’ont lieu que sur <strong>les</strong> parties jeunes et dispa-<br />
raissent de la même façon que <strong>les</strong> aiguillons. La fleur,<br />
jaune pâle, comme chez <strong>les</strong> autres espèces de la série,<br />
présente une large tache centrale rouge carminé.<br />
L’A. capricorne se rencontre surtout dans <strong>les</strong> États de<br />
Coahuila et de Nuevo-Leon ; il est signalé particulièrement<br />
aux localités de la Rinconada, Saltillo, Mariposa, Peña,<br />
Villareal, Cerro de la Bola et Sierra de la Paila.<br />
Toutes <strong>les</strong> formes comprises dans cette série sont, en<br />
résumé, très affines <strong>les</strong> unes des autres et paraissent<br />
répondre plutôt à des variétés qu’à de véritab<strong>les</strong> espèces,<br />
car el<strong>les</strong> ne se différencient entre el<strong>les</strong> que par des carac-<br />
tères secondaires basés surtout sur la nature de l’armature<br />
épineuse. En somme, comme l’a fait remarquer Labouret,
chapitRe x 285<br />
<strong>les</strong> Astrophytum sont un groupe insolite dans <strong>les</strong> Echinocactées,<br />
contrairement aux formes typiques ainsi qu’aux<br />
anorma<strong>les</strong> de ce genre ; on ne leur connaît pas de corres-<br />
pondants parmi <strong>les</strong> Mamillariées.<br />
Chez ces plantes, l’hybridation paraît facile, et l’abbé<br />
Beguin a obtenu, en 1896 et 1901, à Brigno<strong>les</strong> (Var), par la<br />
fécondation artificielle, une soixantaine de spécimens assez<br />
différents en croisant l’A. myriostigma et l’A. ornatus ; <strong>les</strong><br />
résultats de ses expériences furent, à cette époque, consignés<br />
dans le Monatsschrift für Kakteenkunde.<br />
Ces Echinocactées anorma<strong>les</strong>, aussitôt que Galeotti <strong>les</strong><br />
eut fait connaître, furent l’objet d’une certaine vogue en<br />
horticulture ; leur morphologie curieuse en même temps<br />
qu’ornementale, ainsi que leurs fleurs apica<strong>les</strong>, <strong>les</strong> firent<br />
vite apprécier dans <strong>les</strong> cultures de serre tempérée. Les<br />
premiers échantillons rapportés eu Europe furent cultivés<br />
aux serres de Wandermallen, à Bruxel<strong>les</strong>, et la première<br />
floraison a été obtenue au Havre dans <strong>les</strong> serres de Courant.<br />
Les Astrophytum sont des Cactacées de terres froides ou<br />
tempérées ; Galeotti a pu même rencontrer au Real del Monte<br />
des spécimens de l’A. myriostigma végétant sur <strong>les</strong> sommets<br />
montagneux à une altitude de 3.000 mètres.<br />
Les Mexicains donnent à ces plantes le nom vulgaire de<br />
Calicoche et <strong>les</strong> Américains celui de Starfisch Cactus (Cactus<br />
Astérie), ou encore de Bischop’s cap (bonnet d’évêque). Le<br />
premier nom a trait à ce que la plante, lorsqu’elle est jeune,<br />
revêt plus ou moins la conformation d’une étoile de mer ;<br />
le second à ce que, lorsqu’elle se développe en hauteur, elle<br />
prend la forme de ce genre de mitre que portaient <strong>les</strong><br />
évêques au moyen âge. Quant au terme d’Astrophytum qui<br />
fut institué par Lemaire comme nom générique, il est à peu<br />
de chose près la tra<strong>du</strong>ction de Starfisch Cactus.<br />
lophophoRées<br />
Cette série a été créée afin d’établir une distinction dans<br />
le groupe de ces petites formes inermes de Cactacées glo-<br />
buleuses que l’on désigne sous le nom vernaculaire de
286 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Peyotes et que <strong>les</strong> botanistes rattachaient jusqu’alors tantôt<br />
aux Echinocactées, tantôt aux Mamillariées.<br />
Les Lophophorées comprennent seulement une seule<br />
forme bien caractérisée, qui est le Lophophora Williamsii<br />
Coulter et sa variété Lewinii Coulter. L’insertion des organes<br />
floraux chez ces derniers ayant lieu sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> en font<br />
par conséquent une Echinocactée parfaitement caractérisée,<br />
de laquelle viendraient alors dériver ces formes anorma<strong>les</strong> de<br />
Mamillariées constituant <strong>les</strong> séries des Pélécyphorées et<br />
surtout des Ariocarpées.<br />
Les Lophophorées et <strong>les</strong> Ariocarpées présentent entre el<strong>les</strong><br />
de très grandes analogies, ce qui fut la cause de l’incertitude<br />
de répartition générique où on <strong>les</strong> a tenues pendant long-<br />
temps. Leur structure morphologique, leurs particularités<br />
biologiques, leur teneur en principes chimiques et la position<br />
de la fleur, qui est toujours au centre de l’apex, en font un<br />
groupe aberrant qu’il faut, étant donnés <strong>les</strong> caractères bota-<br />
niques, scinder, et dont <strong>les</strong> représentants doivent prendre<br />
place, l’un parmi <strong>les</strong> Echinocactées, <strong>les</strong> autres parmi <strong>les</strong><br />
Mamillariées.<br />
La tige, chez ces deux séries, offre deux parties bien<br />
distinctes : une souterraine napiforme faisant l’office de<br />
racine pivotante, et une aérienne constituée par une rosace<br />
de mamelons dont <strong>les</strong> contours varient suivant <strong>les</strong> espèces.<br />
Cette rosace apicale ne s’élève guère en hauteur ; il n’en est<br />
pas de même de la tige souterraine qui s’accroît en pénétrant<br />
dans le sol.<br />
Comme biologie, ces spécimens non protégés par des fais-<br />
ceaux épineux contre <strong>les</strong> agents de destruction naturels ont,<br />
par le mécanisme spécial exposé au commencement de ce<br />
chapitre, la faculté de s’enfouir spontanément dans le sol<br />
lorsque viennent <strong>les</strong> périodes saisonnières de grandes séche-<br />
resses, cause d’où résulte l’allongement de la partie sou-<br />
terraine par suite de la résorption ou de la chute des<br />
mamelons de la base de la rosace apicale.<br />
Tous ou presque tous contiennent des substances nocives<br />
qui constituent, chez ces petites formes inermes, un moyen
chapitRe x 287<br />
de protection contre <strong>les</strong> animaux destructeurs, au moins<br />
aussi efficace que <strong>les</strong> défenses épineuses dont la nature, en<br />
général, a doté <strong>les</strong> Cactacées globuleuses.<br />
Ces végétaux ne sont cependant pas inermes pendant toute<br />
la <strong>du</strong>rée de leur existence ; <strong>les</strong> semis de culture ont permis<br />
de constater que, dans leur période juvénile, ils sont recouverts<br />
de fines aiguil<strong>les</strong> épineuses ; mais cette armature défensive<br />
n’est qu’éphémère et ne tarde pas à disparaître dès que<br />
le sujet se dépouille de sa forme en quelque sorte larvaire<br />
pour accomplir son développement normal.<br />
Les principes actifs élaborés par <strong>les</strong> Peyotes sont tous<br />
plus ou moins toxiques ; ils ont été, aux États-Unis et en<br />
Allemagne, l’objet de recherches et d’études chimiques,<br />
physiologiques et thérapeutiques de la part d’Erwin<br />
E. Eweil, Hefter, Hennings, Kander, Lewin, Morgan,<br />
Prentiss, Richardson, Edmundio White, Writers, et, en<br />
France, tout récemment, de Rouyer. Les Indiens, qui ont<br />
toujours eu une tendance à faire usage de violents excitants,<br />
n’ont pas manqué d’avoir recours aux effets physiologiques<br />
que leur offraient ces étranges Cactacées ; aussi <strong>les</strong> ont-ils<br />
employées, soit dans leur médecine, soit comme stimulants<br />
dans <strong>les</strong> marches sous un soleil ardent, soit mélangées à<br />
des boissons alcooliques pour pro<strong>du</strong>ire une ivresse délirante,<br />
soit encore et surtout dans <strong>les</strong> pratiques religieuses<br />
afin d’obtenir des effets hallucinants avec visions fantastiques.<br />
Grâce à leurs propriétés, ces plantes extraordinaires<br />
jouissaient d’une haute vénération chez <strong>les</strong> anciens Mexicains<br />
; ils <strong>les</strong> considéraient, ainsi qu’on le verra à la fin de<br />
ce chapitre, comme des plantes sacrées capab<strong>les</strong> de conférer<br />
des aptitudes surnaturel<strong>les</strong> à ceux qui s’y adonnaient.<br />
Les Peyotes sont des plantes parfaitement adaptées aux<br />
plus excessives sécheresses et à un sol surchauffé par <strong>les</strong><br />
ardeurs solaires ; ils croissent dans la nature sur ces terres<br />
meub<strong>les</strong> constituées en grande partie par des dépôts d’alluvions<br />
aériens, c’est ce qui leur permet un enfouissement<br />
facile à l’époque des grandes sécheresses ; aussi, dans <strong>les</strong><br />
cultures de serres, a-t-on été obligé de <strong>les</strong> planter dans une
288 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
terre légère, de leur donner de la chaleur de fond et une<br />
sécheresse complète pendant l’hiver et le printemps, afin de<br />
réaliser à peu près <strong>les</strong> conditions dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils<br />
végètent naturellement.<br />
La distribution géographique des Lophophorées et des<br />
Ariocarpées est la même. On <strong>les</strong> rencontre aux États-Unis<br />
dans le Texas et la région avoisinant le cours <strong>du</strong> rio Grande<br />
del Norte, au Mexique dans la partie septentrionale et cen-<br />
trale. La toponymie des États de Coahuila et de San Luis<br />
Potosi nous précise là quelques localités où ces plantes se<br />
rencontrent en plus grande abondance et où très proba-<br />
blement, aux époques précolombiennes, <strong>les</strong> Indiens venaient<br />
<strong>les</strong> récolter ; tels sont par exemple : Peyotes, vaste région<br />
de plus de 100 kilomètres d’éten<strong>du</strong>e située au sud de<br />
Zaragoza, dans le district <strong>du</strong> Rio Grande (Coahuila) :<br />
Peyotillos, sierra <strong>du</strong> Municipio de Meoqui (Coahuila) ; Jesus<br />
Peyotes, environs de San Ildefonso (Coahuila) ; Peyote, dans<br />
le Municipio de Guadaleazar (San Luis Potosi).<br />
Sur le versant occidental de la sierra <strong>du</strong> Nayarit, il y a<br />
un village appelé San Juan Peyotan ; là cependant la déno-<br />
mination toponymique n’indique pas la présence de la<br />
Cactacée en question, mais celle d’une ou plusieurs plantes<br />
appartenant à la famille des Composées, ayant, assure-t-on,<br />
des propriétés analogues à cel<strong>les</strong> des Peyotes et que, dans<br />
la médecine locale actuelle, on emploie en application dans<br />
<strong>les</strong> rhumatismes articulaires 1 . Dans l’État de Puebla on<br />
donne encore le nom de Peyote, probablement par similitude<br />
de conformation, à une Crassulacée, le Cotylédon<br />
cæspitosa Haw. Ces faits méritent d’être signalés afin<br />
d’éviter <strong>les</strong> erreurs et <strong>les</strong> confusions que peuvent entraîner<br />
<strong>les</strong> homonymies vulgaires.<br />
Il ne faut pas encore confondre Peyote et Peyotillo ; ces<br />
deux termes ont dans la nomenclature populaire une signi-<br />
fication assez distincte. Le premier s’applique surtout aux<br />
1. Les Composées auxquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> indigènes appliquent le nom de<br />
Peyote sont <strong>les</strong> Senecio ovalifolius Sch.-Bip., albo-lutescens Sch.-Bip.,<br />
Petasitis DC.. Hartwegii Benth.
chapitRe x 289<br />
formes inermes caractérisées par le Lophophora Williamsii<br />
et <strong>les</strong> Ariocarpus, tandis que le second, qui est un diminutif<br />
<strong>du</strong> premier terme, est usité par <strong>les</strong> indigènes pour désigner<br />
certaines espèces même épineuses, ayant quelques points<br />
communs avec <strong>les</strong> véritab<strong>les</strong> Peyotes, soit dans leur teneur<br />
en principes toxiques, soit dans leur structure, soit encore<br />
dans leur faculté de disparaître momentanément dans le<br />
sol en temps de grande sécheresse ; tels sont par exemple<br />
<strong>les</strong> Dolichothele longimamma Britt. et Rose, Solisia pectinata<br />
Britt. et Rose, Pelecyphora aselliformis Ehren., etc.<br />
Le terme Peyote est une castillanisation de l’expression<br />
nahuatl Peyutl ou Peyotl, dont l’origine est inconnue ;<br />
certains auteurs, comme Manuel Urbina 1 , le feraient dériver,<br />
d’après le dictionnaire de Molina et l’avis de l’abbé Hunt<br />
y Cortez, <strong>du</strong> verbe nahuatl Peyona-nic = stimuler, aiguillonner,<br />
ou encore de Peyutl = cocon de ver à soie, parce<br />
que la plante est de forme globuleuse et se montre plus<br />
ou moins pourvue de filaments soyeux en guise d’aiguillons.<br />
Aux États-Unis, <strong>les</strong> Peyotes, en outre <strong>du</strong> terme vernaculaire<br />
mexicain, sont désignés sous <strong>les</strong> noms de Mezcal<br />
button, Devil’s root, Sacred mushroom.<br />
L’usage <strong>du</strong> Peyote doit remonter à une époque reculée ;<br />
<strong>les</strong> conquérants espagnols le constatèrent dès leur arrivée<br />
dans le pays, et <strong>les</strong> missionnaires qui évangélisèrent <strong>les</strong><br />
Indiens <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique, en parlent souvent avec<br />
détails dans leurs écrits et le donnent comme étant chez<br />
certaines tribus d’un emploi courant.<br />
La forme qui doit servir de type au groupe des Peyotes<br />
est incontestablement le Lophophora Williamsii Coult. ; c’est<br />
<strong>du</strong> moins l’espèce la plus anciennement définie et qui fut<br />
clairement spécifiée par Hernandez sous le nom de Peyotl<br />
zacatecensis ; il appartient bien aux Echinocactées par ses<br />
caractères botaniques et semble en outre être la forme ances-<br />
trale de ce groupe de Mamillariées aberrantes représenté<br />
par <strong>les</strong> séries des Pélécyphorées et Ariocarpées.<br />
1. manuel uRbina. — Ana<strong>les</strong> del Museo nacional de Mexico, Julio et<br />
Setiembre 1900.<br />
19
290 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Lophophora Williamsii Coulter (syn. : Echinocactus Williamsii<br />
Lemaire, E. Jourdanianus Rebut, Anhalonium Williamsii<br />
Lemaire, A. Jourdanicum Lew., Mamillaria Williamsii<br />
Coult., Ariocarpus Williamsii Voss). — Cette espèce<br />
présente une tige habituellement simple, parfois cependant<br />
ramifiée, mais, dans ce cas, la ramification doit être <strong>du</strong>e à un<br />
traumatisme qui fait alors apparaître plusieurs rameaux glo-<br />
buleux à la partie supérieure de la tige souterraine. Comme<br />
chez tous <strong>les</strong> Peyotes, la tige se compose de deux parties<br />
distinctes ; la partie supérieure, ombiliquée à son centre, est<br />
constituée par une rosace de mamelons confluents, d’une<br />
couleur vert cinérascente, s’alignant régulièrement pour con-<br />
stituer huit à dix côtes annelées, vertica<strong>les</strong>, séparées par<br />
des sillons aigus. La partie souterraine napiforme est de<br />
couleur brunâtre ; elle prend un contour plus ou moins<br />
cylindrique par suite de l’oblitération des mamelons au<br />
moment de la pénétration dans le sol ; cette partie de la tige<br />
faisant l’office de racine pivotante, acquiert sur <strong>les</strong> échan-<br />
tillons bien conformes une élongation maximum d’une<br />
vingtaine de centimètres sur un diamètre moyen de 8 centi-<br />
mètres ; elle présente vers son extrémité inférieure quelques<br />
radicel<strong>les</strong> adventives qui, en même temps qu’el<strong>les</strong> fixent<br />
la plante, jouent un rôle dans sa pénétration dans le sol.<br />
Les mamelons ont un modelé arrondi lorsqu’ils sont gorgés<br />
de suc, mais leur surface s’aplatit en devenant polyédrique<br />
lorsque la plante subit <strong>les</strong> effets de la sécheresse.<br />
Certaine forme présentant de très petits mamelons fut<br />
considérée comme étant une variété, mais cette différence<br />
s’observe parfois dans <strong>les</strong> semis provenant d’un même sujet.<br />
Les aréo<strong>les</strong> sont arrondies et garnies d’un pinceau laineux<br />
touffu et érigé. La fleur est petite, infundibuliforme, légè-<br />
rement charnue, d’une couleur blanche ou rose ; elle apparaît<br />
toujours au centre de l’apex et <strong>du</strong>re plusieurs jours. Le<br />
fruit est constitué par une baie allongée, en massue à sa<br />
partie supérieure, de couleur coccinée et d’une longueur de<br />
1 à 2 centimètres ; il contient peu de graines.<br />
Le L. Williamsii comporte une variété qui a été désignée<br />
sous le nom de Lophophora Lewinii Thomps. ou Anhalonium
chapitRe x 291<br />
Lewinii Henn. ; cette dernière paraît avoir été confon<strong>du</strong>e par<br />
certains auteurs et horticulteurs avec la forme typique à<br />
petits mamelons. Cette variété, quoique ne présentant pas<br />
de caractères botaniques bien tranchés, peut cependant,<br />
d’après Roland-Gosselin (ex litteris), se distinguer facilement<br />
à première vue <strong>du</strong> type classique <strong>du</strong> L. Williamsii<br />
par sa teinte jaunâtre et la coloration de sa fleur et de son<br />
fruit qui sont jaunes ; de plus, <strong>les</strong> auteurs qui mentionnent<br />
ces deux formes s’accordent à dire que l’on ne <strong>les</strong> a jamais<br />
trouvées dans la même station.<br />
Le L. Lewinii serait particulier au Texas et à la région <strong>du</strong><br />
rio Grande del Norte, tandis que le véritable L. Williamsii<br />
se rencontrerait plus au sud comme par exemple <strong>les</strong> États de<br />
Zacatecas et San Luis Potosi ; dans cette dernière province,<br />
<strong>les</strong> Indiens de la sierra <strong>du</strong> Nayarit vont annuellement le<br />
récolter aux environs <strong>du</strong> Real de Catorce.<br />
Suivant <strong>les</strong> localités et suivant <strong>les</strong> idiomes parlés par <strong>les</strong><br />
Indiens, le L. Williamsii est désigné au Mexique sous différents<br />
noms. C’est ainsi qu’à la Sierra Madre il est nommé<br />
Kamaba par <strong>les</strong> Tepehuanes et Hicouri par <strong>les</strong> Tarahumares ;<br />
à la Sierra <strong>du</strong> Nayarit : Huatari par <strong>les</strong> Coras et Hicouri par<br />
<strong>les</strong> Huichols ; ces derniers Indiens qui se servent dans leur<br />
langage courant <strong>du</strong> même terme que <strong>les</strong> Tarahumares,<br />
désignent encore le Peyote dans leurs chants sous le nom de<br />
Joutouri, c’est-à-dire la fleur ou la plante symbolique. Dans<br />
l’État de Queretaro on nomme le Peyote Seni, et à la frontière<br />
des États-Unis Ho ou encore Wohoki.<br />
leuchtenbeRgiées<br />
L’origine de cette dénomination est <strong>du</strong>e à Hooker qui<br />
créa, en 1848, le nom générique de Leuchtenbergia pour<br />
identifier une étrange et singulière forme d’Echinocactée que<br />
l’on désignait alors en horticulture sous le nom d’Agave<br />
Cactus et dont l’aspect, suivant <strong>les</strong> auteurs, rappelait l’allure<br />
d’une Cycadacée ou d’un Agave à frondaison étroite.<br />
La série des Leuchtenbergiées ne comprend qu’une seule<br />
espèce représentée par le Leuchtenbergia principis Hook.
292 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Cette espèce, chez <strong>les</strong> sujets parvenus à l’état a<strong>du</strong>lte, offre<br />
une tige simple, cylindrique, de couleur brunâtre, pouvant<br />
atteindre une hauteur de 30 centimètres sur un diamètre de<br />
8 centimètres, dont la partie supérieure se termine comme<br />
chez <strong>les</strong> Peyotes par une rosace de nombreux mamelons<br />
allongés, triquètres et rigides, longs de 8 à 10 centimètres.<br />
Ces mamelons, d’une teinte glaucescente, présentent à leur<br />
extrémité des faisceaux épineux constitués par des aiguillons<br />
blanchâtres d’apparence parcheminée, flexib<strong>les</strong>, plus ou<br />
moins crispés ou tor<strong>du</strong>s, dont un central beaucoup plus fort<br />
pouvant atteindre une dizaine de centimètres d’élongation.<br />
Les aréo<strong>les</strong> ont environ un demi-centimètre de diamètre,<br />
el<strong>les</strong> sont revêtues d’un tomentum laineux feutré, de cou-<br />
leur grise, d’où émergent plusieurs aiguillons marginaux et<br />
un à deux médians. Les fleurs apparaissent au sommet de la<br />
plante ; el<strong>les</strong> naissent alors à l’extrémité de jeunes mamelons<br />
et au-dessus <strong>du</strong> faisceau d’aiguillons ; ce dispositif floral a<br />
fait croire aux premiers observateurs que l’inflorescence <strong>du</strong><br />
Leuchtenbergia principis était axillaire comme celle des<br />
Mamillariées. La fleur, de couleur jaune, est longue de<br />
8 à 9 centimètres ; elle est semblable à celle d’un Hamatocactus<br />
; elle <strong>du</strong>re plusieurs jours, s’épanouit en plein soleil<br />
et se ferme pendant la nuit.<br />
Cette Cactacée présente une particularité de développe-<br />
ment qui vient s’ajouter à l’étrangeté de sa structure et qui<br />
peut en quelque sorte rappeler la défoliation annuelle des<br />
Pereskiopsis : c’est celle de perdre, au moment de la saison<br />
sèche, la rangée de mamelons située à la base de la rosace.<br />
Cette élimination saisonnière et spontanée d’organes vieillis<br />
pro<strong>du</strong>it alors l’élongation de la partie de la tige constituant<br />
le fût ou le pivot aérien, la rosace qui le couronne s’accroît<br />
elle aussi, à la saison suivante, en pro<strong>du</strong>isant de nouveaux<br />
mamelons qui viennent alors prendre naissance au centre<br />
de son sommet. Cette particularité biologique, très faible-<br />
ment indiquée chez <strong>les</strong> autres Cactacées globuleuses par la<br />
perte plus ou moins normale et régulière d’aiguillons,<br />
l’aplatissement de côtes ou la résorption de mamelons aux<br />
parties avoisinant le sol, est loin de revêtir un caractère
chapitRe x 293<br />
aussi net et aussi tranché que celui que l’on constate chez<br />
cette espèce si anormale dans le groupe auquel elle appar-<br />
tient.<br />
En somme, le Leuchtenbergia principis se rapproche beaucoup<br />
dans sa structure morphologique des Lophophora et<br />
Ariocarpus, dont il ne serait peut-être qu’une forme aberrante<br />
chez laquelle <strong>les</strong> mamelons démesurément allongés se-<br />
raient devenus fusiformes, mais avec cependant cette diffé-<br />
rence que ces derniers, après leur disparition, donnent nais-<br />
sance à un fût s’élevant hors <strong>du</strong> sol au lieu d’y pénétrer<br />
pour constituer un pivot radiculaire.<br />
Comme distribution géographique, le L. principis se rencontre<br />
par places et par groupements isolés dans la partie<br />
<strong>du</strong> plateau central comprise dans <strong>les</strong> États d’Hidalgo, San<br />
Luis Potosi et Coahuila ; on le signale comme plus particu-<br />
lièrement répan<strong>du</strong> auprès de Pachuca (Hidalgo), à Pata-<br />
galina (San Luis Potosi). D’après Purpus, cette Cactacée<br />
serait également abondante à la Sierra de Paila, au nord<br />
de Parras (Coahuila).<br />
Le genre Leuchtenbergia et son espèce furent, d’après<br />
Britton et Rose, dédiés à la mémoire d’Eugène de Beauhar-<br />
nais, <strong>du</strong>c de Leuchtenberg et prince d’Eichstadt (1781-1824).<br />
D’après ces auteurs, la plante, bien avant sa description,<br />
était connue et cultivée en Europe ; on la désignait alors<br />
sous le nom d’Agave Cactus ou encore de noble Leuchtenbergia.<br />
caRactèRe sacRé des échinocactées chez <strong>les</strong> anciens<br />
mexicains. — Les Biznagas ou Huiznahuac, comme <strong>les</strong><br />
appelaient <strong>les</strong> Nahuatls, jouissaient d’une grande vénération<br />
chez <strong>les</strong> anciennes populations <strong>du</strong> plateau de l’Anahuac ;<br />
c’est probablement à cette cause qu’il faut attribuer la rai-<br />
son pour laquelle ces plantes ne semblent pas, dans l’an-<br />
cienne nomenclature indigène, avoir été comprises au<br />
nombre des Nochtli ou Cactacées ordinaires.<br />
En outre <strong>du</strong> terme Huiznahuac, <strong>les</strong> Nahuatls donnaient<br />
encore aux Echinocactées le nom de Teocomitl, que l’on a
294 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tra<strong>du</strong>it par Cantaro divin 1 , parce que, soi-disant, ces Cactacées<br />
étaient considérées par <strong>les</strong> Indiens comme une source<br />
naturelle placée providentiellement à la portée <strong>du</strong> voyageur<br />
torturé par la soif, dans <strong>les</strong> endroits arides, où l’eau de sur-<br />
face faisait complètement défaut. Cette interprétation,<br />
quoique répondant bien aux faits apparents, ne doit cepen-<br />
dant pas être la véritable signification de Teocomitl ; ce<br />
dernier terme doit plus vraisemblablement se tra<strong>du</strong>ire par<br />
Cantaro Dieu, car d’après ce que nous apprennent <strong>les</strong> écrivains<br />
de l’époque de la conquête, <strong>les</strong> Biznagas étaient, aux<br />
temps précolombiens, l’objet d’un certain culte chez <strong>les</strong> popu-<br />
lations de l’Anahuac.<br />
Tout paraît donc indiquer que cette forme de Cactacée<br />
était considérée par <strong>les</strong> Indiens d’origine nahuatle comme<br />
une incarnation de Tlaloc (dieu des eaux), sur <strong>les</strong> régions<br />
dépourvues de l’élément indispensable à l’existence. Ce qui<br />
semblerait bien confirmer cette manière de voir, c’est que<br />
cette Cactacée avait été déifiée sous le nom de Teohuiznahuac<br />
ou simplement Huiznahuac ; on lui avait même élevé<br />
un temple particulier à Mexico, auquel on donnait le nom<br />
de Huiznahuac teopan.<br />
Le culte de cette divinité n’était pas spécial à la capitale<br />
des Aztecs, car à Tlaxcala, <strong>les</strong> conquistadors espagnols, à<br />
leur arrivée, virent un autel consistant en un monolithe de<br />
pierre en forme de Biznaga qui était consacré à ce dieu et<br />
sur lequel, au moment des fêtes <strong>du</strong> dieu Mixcoatl, on immolait<br />
des victimes humaines.<br />
1. Le terme Comitl était employé surtout pour désigner le récipient<br />
ménager destiné à la provision d’eau potable dans <strong>les</strong> habitations et<br />
que l’on nomme maintenant au Mexique Cantaro ou Olla. Ce terme<br />
avait un sens plus éten<strong>du</strong> dans la composition des mots nahuatls ; il<br />
impliquait, lorsqu’il s’agissait de végétaux, l’idée d’une chose gorgée<br />
d’eau tel un tubercule ou un bulbe, etc…; c’est ainsi par exemple<br />
qu’il figure dans l’expression Cacomitl ou Cacomite, que l’on donne au<br />
bulbe comestible d’une Iridacée <strong>du</strong> genre Tigridia ; quant à Teo,<br />
abréviation de Teotl (Dieu), mot qui, par une fortuite et curieuse<br />
coïncidence homophonique, rappelle l’expression grecque, il servait,<br />
suivant <strong>les</strong> cas, à exprimer un attribut divin, une chose d’excellence,<br />
de supériorité ou bien encore primitive et sauvage.
chapitRe x 295<br />
De plus, on voit dans le Codex de la pérégrination des<br />
Aztecs, que la Biznaga qui, sur <strong>les</strong> terres arides, se dresse<br />
isolément comme un menhir, fut parfois utilisée comme<br />
Tenchatl ou pierre de sacrifice, par <strong>les</strong> Nahuatls lors de leur<br />
pénible vie errante à travers l’immense contrée désertique<br />
que l’on nommait alors la Chichimecatlali.<br />
Les aiguillons des Biznagas servaient au même titre que<br />
celui que l’on recueillait à la partie terminale des feuil<strong>les</strong><br />
d’Agave ; on <strong>les</strong> employait comme lancettes, aiguil<strong>les</strong> ou<br />
poinçons, dans l’exercice des rites sanguinaires auxquels se<br />
livraient <strong>les</strong> anciens Mexicains pendant leurs cérémonies<br />
religieuses. Ces aiguillons faisaient même l’objet d’un approvisionnement<br />
dans une des dépendances <strong>du</strong> grand<br />
temple de la Placa mayor de Mexico ; là, d’après <strong>les</strong> historiens<br />
de la conquête, <strong>les</strong> prêtres aztecs <strong>les</strong> conservaient dans<br />
un édifice que l’on nommait Huitzacualco.<br />
A côté de ces Teocomitl divinisés et qui sont représentés<br />
dans la nature par des spécimens de moyenne et de grande<br />
dimensions, venait se ranger toute la série de ces formes<br />
naines auxquel<strong>les</strong> on donnait le nom collectif de Peyotes<br />
et aux vertus desquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> Indiens avaient également recours<br />
dans leurs cérémonies religieuses. Ces petites formes,<br />
dont la pulpe contient des principes narcotiques, stimulants<br />
et hallucinants, <strong>les</strong> faisaient considérer comme des Biznagas<br />
merveilleuses, capab<strong>les</strong> de pro<strong>du</strong>ire des effets surnaturels.<br />
Ces Peyotl ou Peyotes comme on <strong>les</strong> nomme actuellement,<br />
étaient surtout préconisés par <strong>les</strong> tribus sauvages et nomades<br />
<strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique ; ces dernières en faisaient un<br />
usage à peu près constant, tant au point de vue religieux<br />
qu’au point de vue médical ; c’est pour ce dernier objet,<br />
comme nous l’apprend l’historien Sahagun, que <strong>les</strong> Indiens<br />
nommés Teochichimèques venaient en faire le commerce<br />
sur <strong>les</strong> marchés de Mexico et d’autres grands centres. Car,<br />
en outre de ses propriétés considérées comme surnaturel<strong>les</strong><br />
qui en faisaient une plante sacrée, et de son emploi en<br />
médecine, le Peyote avait la réputation de conférer à celui<br />
qui en faisait un usage modéré, une vigueur et une force
296 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
suffisantes pour permettre d’affronter sans boire ni manger<br />
de longues et pénib<strong>les</strong> marches sous un soleil ardent, ce qui,<br />
aux yeux des Indiens, passait pour une supériorité sur <strong>les</strong><br />
simp<strong>les</strong> Huiznahuac qui ne pouvaient fournir au voyageur<br />
épuisé que des moyens de réconfort ordinaires.<br />
L’usage <strong>du</strong> Peyote se continua encore longtemps après la<br />
conquête espagnole chez <strong>les</strong> tribus nomades <strong>du</strong> nord <strong>du</strong><br />
Mexique, ainsi que nous l’apprennent <strong>les</strong> missionnaires<br />
chargés de l’évangélisation <strong>du</strong> pays.<br />
Le père Arlegui dit à ce sujet 1 :<br />
« La plante qu’ils vénèrent le plus est celle que l’on<br />
» appelle Peyot, de laquelle, après l’avoir broyée et exprimée,<br />
» ils boivent le suc dans toutes <strong>les</strong> maladies ; elle ne serait<br />
» pas si mauvaise si <strong>les</strong> Indiens n’abusaient de ses vertus<br />
» pour avoir des révélations sur l’avenir et savoir comment<br />
» ils sortiront des batail<strong>les</strong>.<br />
» Ils la consomment moulue avec de l’eau, et comme elle<br />
» est très forte, elle leur donne une ivresse avec accès de<br />
» folie et avec toutes <strong>les</strong> visions fantastiques qui leur sur-<br />
» viennent avec cette horrible boisson ; ils établissent des<br />
» présages sur leur destin, s’imaginant que la plante leur<br />
» révèle <strong>les</strong> succès futurs. Le pire est que, non seulement<br />
» <strong>les</strong> barbares exécutent cette diabolique superstition, mais<br />
» qu’aussi <strong>les</strong> Indiens domestiqués conservent cet infernal<br />
» abus, quoiqu’ils le fassent en cachette ; mais comme il y<br />
» a peu de secret entre <strong>les</strong> ivrognes, ceux qui s’y livrent<br />
» finissent par être découverts et châtiés avec sévérité. »<br />
Le même missionnaire parle encore de l’usage <strong>du</strong> Peyote<br />
à l’époque des naissances et dit (Cap. IV, p. 144) :<br />
» Les parents se réunissent et convient d’autres Indiens<br />
» pour une horrible solennité que l’on fait au père. On le<br />
» contraint à prendre un breuvage confectionné avec une<br />
» racine que l’on nomme Peyot et qui a la propriété non<br />
1. aRlegui. — Cronica de la provincia de San Francisco de<br />
Zacalecas, Capitulo V, p. 154.
chapitRe x 297<br />
» seulement d’enivrer celui qui la boit, mais aussi de le<br />
» rendre insensible en endormant <strong>les</strong> chairs et en paraly-<br />
» sant tout le corps.<br />
» Ce breuvage est administré au patient après vingt-<br />
» quatre heures de jeûne, puis on le place assis sur une<br />
» ramure de cerf dans un emplacement choisi en plein<br />
» champ.<br />
» Les Indiens viennent avec des os affilés et des dents de<br />
» différents animaux ; puis, avec de ridicu<strong>les</strong> cérémonies,<br />
» s’approchant un à un <strong>du</strong> malheureux patient, chacun lui<br />
» fait une saignée faisant couler beaucoup de sang ; l’in-<br />
» fortuné reste ainsi si maltraité que, de la tète aux pieds,<br />
» il offre un lamentable spectacle.<br />
» D’après l’état <strong>du</strong> sacrifié, on augure de la valeur qu’aura<br />
» le nouveau-né.<br />
» Chez <strong>les</strong> Indiens soumis (Indios politicos), il arrive que<br />
» <strong>les</strong> pères suspendent au cou des enfants de petits sachets<br />
» dans <strong>les</strong>quels, au lieu des quatre évangi<strong>les</strong> comme cela<br />
» se fait en Espagne, ils placent <strong>du</strong> Peyot ou une autre<br />
» herbe. Si on leur demande la vertu de cette plante, ils<br />
» disent sans détour ni honte que c’est un pro<strong>du</strong>it merveil-<br />
» leux pour beaucoup de choses, car, avec des sachets, <strong>les</strong><br />
» enfants deviendront de bons torreros, des hommes agi<strong>les</strong><br />
» pour dompter <strong>les</strong> chevaux et ayant de bonnes mains pour<br />
» tuer le bétail, de sorte que ceux qui sont élevés avec ce<br />
» talisman seront aptes dans la vie à toutes <strong>les</strong> entre-<br />
» prises. »<br />
Le Père Sahagun fournit également quelques détails sur<br />
le cérémonial auquel donnait lieu, encore au moment de<br />
la colonisation espagnole, l’usage rituel <strong>du</strong> Peyote, et à ce<br />
sujet il dit 1 :<br />
« Les Teochichimèques avaient une très grande connais-<br />
» sances des plantes et des racines, de leurs qualités et de<br />
1. beRnaRdino sahagun. — Histoire générale des choses de la<br />
Nouvelle Espagne, paragraphe 2 <strong>du</strong> chap. XXIX.
298 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
» leurs vertus ; ils furent <strong>les</strong> premiers à faire connaître le<br />
» Peyot, qui entrait dans leur consommation à la place <strong>du</strong><br />
» vin. Après l’avoir absorbé, ils se réunissaient sur un pla-<br />
» teau où ils se livraient au chant, à la danse, de jour et<br />
» de nuit, tout à leur aise, le premier jour surtout, car le<br />
» lendemain ils pleuraient tous abondamment en disant que<br />
» <strong>les</strong> larmes servent à laver <strong>les</strong> yeux et le visage. »<br />
Il ajoute que l’ivresse <strong>du</strong> Peyote <strong>du</strong>rait trois jours.<br />
Aujourd’hui, l’usage constant ou rituel <strong>du</strong> Peyote, contre<br />
lequel <strong>les</strong> missionnaires s’étaient efforcés de réagir, a dis-<br />
paru à peu près complètement, <strong>du</strong> moins des régions où<br />
cette plante croît à l’état spontané ; ce fait est dû d’abord<br />
à l’extinction des hordes sauvages qui peuplaient cette con-<br />
trée et ensuite à ce que <strong>les</strong> indigènes qui leur ont succédé<br />
comme occupants de leur territoire, ne paraissent pas avoir<br />
su priser l’ivresse et <strong>les</strong> effets physiologiques de cette plante<br />
qui sont souvent pénib<strong>les</strong> au début.<br />
Néanmoins, en dehors de cette contrée, cette coutume,<br />
quoique un peu modifiée, s’est perpétuée jusqu’à nos jours<br />
chez <strong>les</strong> Indiens de la Sierra <strong>du</strong> Nayarit (Huichols) et ceux<br />
de la Sierra Madré de Durango (Tepehuanes et Tarahu-<br />
mares).<br />
Chez ces Indiens vivant retirés dans <strong>les</strong> sites escarpés,<br />
situés en dehors des voies de communications, le Peyote<br />
continue à être d’un usage courant dans le cérémonial reli-<br />
gieux ; il est considéré comme étant un aliment conférant<br />
à ceux qui s’y adonnent, une disposition mentale capable<br />
de <strong>les</strong> mettre en relation directe avec <strong>les</strong> divinités tutélaires,<br />
afin d’en obtenir des révélations.<br />
Comme cette Cactacée sacrée ne croît pas dans <strong>les</strong> mon-<br />
tagnes, on est obligé d’aller chaque année en faire la récolte<br />
et un approvisionnement sur <strong>les</strong> terrains où elle végète spon-<br />
tanément. Pour cela, à la fin d’octobre, peu de temps après<br />
que <strong>les</strong> fêtes de la moisson <strong>du</strong> maïs ont eu lieu, on orga-<br />
nise dans la Sierra <strong>du</strong> Nayarit une expédition en règle, pour<br />
se rendre en troupe au Real de Catorce (État de San Luis<br />
Potosi), lieu où, d’après la tradition, <strong>les</strong> ancêtres des In
chapitRe x 299<br />
diens actuels, sous la con<strong>du</strong>ite de leur chef et législateur<br />
Majakuagy, apprirent à connaître le Peyote et ses vertus 1 .<br />
Cette expédition, qui revêt le caractère d’un pèlerinage<br />
bien ordonné, a une <strong>du</strong>rée, aller et retour, d’un mois ; elle<br />
s’accomplit par étapes suivant un itinéraire et un cérémo-<br />
nial qui est toujours le même et dont le but, outre la récolte,<br />
est la commémoration d’un épisode fameux de la découverte<br />
<strong>du</strong> Peyote ; cette pérégrination à travers <strong>les</strong> plaines désertiques<br />
<strong>du</strong> Chichimecatlali devait se terminer par la prise de<br />
possession de ces territoires montagneux que <strong>les</strong> descen-<br />
dants de ces Indiens occupent encore aujourd’hui.<br />
Une fois la moisson <strong>du</strong> Peyote effectuée, <strong>les</strong> adeptes <strong>du</strong><br />
pèlerinage reviennent à leurs villages respectifs où l’on pro-<br />
cède alors à une solennité de retour à laquelle prend part,<br />
sans distinction de caste, toute la population. La provision<br />
de la précieuse denrée est répartie en deux lots, l’un sert<br />
à la consommation immédiate pendant la fête de retour,<br />
l’autre est mis en réserve pour <strong>les</strong> autres fêtes qui auront<br />
lieu dans le courant de l’année. Ce dernier lot est conservé<br />
avec soin, et pour le préserver contre la dessiccation ou la<br />
pourriture, on le plante dans une terre appropriée contenue<br />
habituellement dans un vase de poterie auprès <strong>du</strong>quel, pour<br />
plus de sûreté, on dispose <strong>les</strong> attributs des divinités tuté-<br />
laires <strong>du</strong> Peyote, afin que, au dire des Indiens, la provision<br />
se maintienne dans toute sa vitalité et ne perde pas ses pro-<br />
priétés surnaturel<strong>les</strong> 2 .<br />
Les Indiens, lorsqu’ils font la moisson de la plante mer-<br />
veilleuse, ont grand soin de ne pas l’arracher tout entière ;<br />
ils en prélèvent seulement la partie supérieure et laissent<br />
en terre une grande partie <strong>du</strong> pivot, ce qui permet au végétal<br />
1. L’endroit précis où <strong>les</strong> pèlerins vont aujourd’hui faire la récolte<br />
<strong>du</strong> Peyote se nomme la Mojonera, anciennement c’était dans une<br />
localité plus éloignée, que dans <strong>les</strong> chants on désignait sous le nom<br />
de Rahitoumouany.<br />
2. Consulter au sujet <strong>du</strong> rôle et de l’emploi <strong>du</strong> Peyote chez <strong>les</strong><br />
Indiens <strong>du</strong> Mexique :<br />
manuel uRbina. — Le Peyote et l’Olioluiqui, Anna<strong>les</strong> del Museo<br />
nacional de Mexico, VII, julio et deciembre 1900.<br />
caRl lumoltz. — Symbolisai of Huichols, Memoirs of the American<br />
Museum of Natural History, III, New-York.
300 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
de se reconstituer en émettant de nouveaux bourgeonne-<br />
ments qui assureront <strong>les</strong> récoltes futures 1 .<br />
Si parmi <strong>les</strong> tribus indiennes habitant <strong>les</strong> montagnes, le<br />
culte <strong>du</strong> Peyote s’est assez bien conservé jusqu’à nos jours<br />
avec toutes <strong>les</strong> manifestations rituel<strong>les</strong> qu’il comportait aux<br />
temps des anciens, il n’en est plus de même de son impor-<br />
tance ; cette dernière, depuis déjà nombre d’années, tend à<br />
diminuer et à disparaître progressivement. C’est ainsi que,<br />
pour ne parler que <strong>du</strong> Nayarit, <strong>les</strong> Indiens huichols sont<br />
maintenant à peu près <strong>les</strong> seuls à entreprendre l’expédition<br />
annuelle de récolte ; <strong>les</strong> Coras l’ont presque complètement<br />
délaissée et c’est tout au plus lorsqu’ils veulent se procurer<br />
<strong>les</strong> effets de l’ivresse particulière au Peyote, s’ils ont recours<br />
au pro<strong>du</strong>it que leurs voisins leur fournissent par<br />
voie d’échange.<br />
De plus, la récolte <strong>du</strong> Peyote commence à devenir plus<br />
difficile et moins abondante sur <strong>les</strong> endroits où la tradition<br />
ramenait chaque année une troupe de moissonneurs ; ceci<br />
est dû en grande partie au développement de l’agriculture<br />
et à l’affermage des terrains, causes qui ne laissent plus au-<br />
jourd’hui un libre transit à travers <strong>les</strong> grandes plaines dont<br />
la plante recherchée a fait son habitat.<br />
Ces derniers faits permettent de prévoir le moment pro-<br />
bablement peu éloigné où l’antique survivance et l’usage<br />
rituel <strong>du</strong> Peyote aura disparu dans son dernier refuge et<br />
avec lui le dernier vestige <strong>du</strong> caractère sacré des Echino-<br />
cactées chez <strong>les</strong> anciens Mexicains. Il en sera de cela comme<br />
<strong>du</strong> reste il en est résulté avec <strong>les</strong> nombreuses et pitto-<br />
resques coutumes antiques longtemps conservées dans <strong>les</strong><br />
régions retirées <strong>du</strong> Mexique, et qui ont fini par s’évanouir<br />
en ne laissant plus dans le pays que de vagues souvenirs<br />
parmi <strong>les</strong> générations d’une population presque unifiée.<br />
Pour terminer ce qui est relatif à ces Peyotes ayant joué<br />
1. C’est probablement à ces mutilations intentionnel<strong>les</strong> de récolte<br />
que l’on doit attribuer <strong>les</strong> spécimens de Lophophora Williamsii<br />
présentant des ramifications. Roland-Gosselin (ex litteris) a constaté,<br />
dans ses cultures à Villefranche-sur-Mer, que lorsqu’on sectionne la<br />
rosace d’un Peyote resté en terre, il repousse autour de la cicatrice un<br />
ou plusieurs bourgeons qui donnent en deux ans à la plante l’aspect<br />
de plusieurs Peyotes poussant côte à côte.
chapitRe x 301<br />
un rôle si marquant dans <strong>les</strong> coutumes de certaines popu-<br />
lations indiennes et qui pour el<strong>les</strong> furent, à peu de choses<br />
près, ce qu’est le hachisch chez <strong>les</strong> Orientaux, il est nécessaire<br />
d’ajouter quelques considérations sur la nature des<br />
principes qui leur ont attaché un si curieux intérêt au point<br />
de vue ethnologique.<br />
D’après <strong>les</strong> études des auteurs américains, allemands et<br />
français dont <strong>les</strong> noms ont été cités plus haut, <strong>les</strong> Peyotes,<br />
qu’ils appartiennent aux Echinocactées ou aux Mamillariées,<br />
ont donné aux investigations chimiques un certain nombre<br />
de pro<strong>du</strong>its qui semblent bien être particuliers à la<br />
famille des Cactacées et qui, chacun, ont des effets physio-<br />
logiques bien distincts.<br />
Selon Georges Hey, <strong>les</strong> principes actifs des Peyotes se<br />
trouvent associés dans la plante avec des matières rési-<br />
neuses et de la saponine ; ils sont au nombre de sept et ont<br />
été désignés sous <strong>les</strong> noms de : Anhalamine, Anhaloïdine,<br />
Anhaline, Anhalonine, Lophophorine, Mezcaline, Pellotine.<br />
Les uns sont peu actifs, <strong>les</strong> autres au contraire sont sti-<br />
mulants à la manière de la strychnine (lophophorine), nar-<br />
cotiques (pellotine), hallucinants (mezcaline) ; c’est à ce<br />
dernier que sont <strong>du</strong>s ces troub<strong>les</strong> visuels ou phosphènes<br />
provoquant ces étranges apparitions brillantes et colorées<br />
que l’on a signalées comme étant le phénomène le plus sail-<br />
lant de l’intoxication par le Peyote.<br />
Les six substances retirées des Peyotes paraissent bien<br />
dériver <strong>les</strong> unes des autres et n’être en réalité que des étapes<br />
de la transformation des réserves sous l’effet des réactions<br />
biochimiques, comme cela est <strong>du</strong> reste une loi à peu près<br />
commune chez la plupart des végétaux contenant une asso-<br />
ciation de principes extractifs.<br />
Leur absence ou leur prédominance sont évidemment<br />
fonction de conditions écologiques et doivent alors dépendre<br />
non seulement de l’espèce, mais aussi et surtout de la na-<br />
ture <strong>du</strong> sol où croît la plante, ainsi que de l’époque de sa<br />
récolte. C’est ce qui explique pourquoi, parmi <strong>les</strong> Peyotes<br />
que l’on a recueillis pour des recherches chimiques, on a<br />
rencontré parfois des spécimens peu ou point actifs.<br />
Instruits probablement de ces faits par une observation
302 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
et une expérience ancestrale, <strong>les</strong> Indiens montagnards qui<br />
ont encore conservé l’usage rituel de la Cactacée sacrée,<br />
n’entreprennent leur expédition annuelle de récolte que sur<br />
<strong>les</strong> terrains avoisinant le Real de Catorce et seulement au<br />
mois d’octobre, c’est-à-dire peu après la saison des pluies,<br />
moment où le végétal ayant accompli son développement<br />
saisonnier, se trouve alors dans la plénitude de ses<br />
substances élaborées.<br />
L’espèce préconisée par ces Indiens et qui a été spécifiée<br />
la première fois par Hernandez sous le nom de Peyotl zacatecensis,<br />
est bien, d’après le D r Weber et Roland-Gosselin,<br />
qui ont reçu et cultivé des échantillons provenant de la<br />
récolte rituelle des Indiens huichols, la forme type <strong>du</strong><br />
Lophophora Williamsii Coulter, ainsi que sa variété à petits<br />
tubercu<strong>les</strong>.<br />
Les autres espèces de Peyotes ont été l’objet également<br />
d’un usage courant chez <strong>les</strong> Indiens <strong>du</strong> Nord <strong>du</strong> Mexique<br />
et <strong>du</strong> sud des États-Unis ; mais comme ces derniers sont<br />
disparus depuis longtemps, on ne connaît sur leurs pro-<br />
priétés et leur mode d’emploi que <strong>les</strong> renseignements som-<br />
maires transmis par <strong>les</strong> écrits des premiers missionnaires,<br />
ce qui rend difficile l’identification des différentes espèces<br />
utilisées par ces Indiens.<br />
Les études chimiques ont permis cependant de constater<br />
des différences dans <strong>les</strong> teneurs en principes actifs de ces<br />
espèces.<br />
C’est ainsi que, selon Heffter (ex litteris), et d’après<br />
Schumann, l’Anhalonine prédominerait chez le Lophophora<br />
Lewinii Thomps., tandis que chez le Lophophora<br />
Williamsii Coulter, ce serait la Pellotine.<br />
Le L. Lewinii, suivant Edmundio White, donnerait quantitativement<br />
:<br />
Mezcaline et Anhaloïdine . . . . . . . . 1.16 %<br />
Anhalonine . . . . . . . . . . . . 0.46<br />
Lophophorine . . . . . . . . . . . . 0.13<br />
plus deux corps résineux et de saveur de mezcal.<br />
L’Arioearpus fissuratus Schum. contiendrait, d’après le<br />
même auteur, surtout de l’Anhalamine et de la Pellotine ;
chapitRe x 303<br />
ses effets sur l’organisme sont analogues, suivant Richardson,<br />
à l’action combinée de la strychnine et de la digitaline.<br />
Des faits qui viennent d’être sommairement exposés, il<br />
ne faudrait pas conclure que <strong>les</strong> Peyotes, ainsi que plusieurs<br />
de ces Mamillariées que l’on a appelées Peyotillos, soient <strong>les</strong><br />
seu<strong>les</strong> Cactacées ayant la faculté de fabriquer des principes<br />
à action physiologique bien évidente. En dehors de ces Cac-<br />
tacées globuleuses, on connaît un certain nombre d’espèces<br />
de Cierges qui offrent la même particularité. C’est ainsi que<br />
d’après Hey, le Lophocereus Sargentianus Britt. et Rose,<br />
variété inerme <strong>du</strong> L. Schottii Britt. et Rose, contient un principe<br />
actif auquel il donne le nom de Pilocéréine ; le Pachycereus<br />
Pecten-aboriginium Britt. et Rose, une substance<br />
très semblable à l’Anhalonine, pro<strong>du</strong>isant des spasmes téta-<br />
niques ; le Machærocereus gummosus Britt. et Rose, dont<br />
<strong>les</strong> indigènes de la Basse-Californie emploient parfois dans<br />
la pêche <strong>les</strong> rameaux ré<strong>du</strong>its en bouille pour paralyser le<br />
poisson, une saponine que l’auteur désigne sous le nom<br />
de Cereinsaure et qui est très semblable, assure-t-il, à la<br />
toxisaponine <strong>du</strong> Quillaja Saponaria Molina, ou Bois de<br />
Panama.<br />
En plus de ces trois espèces de Cierges particulières aux<br />
régions <strong>du</strong> versant pacifique mexicain, on connaît encore,<br />
parmi le groupe des Cierges rampants plus ou moins cul-<br />
tivés sur le versant atlantique <strong>du</strong> Mexique, une espèce, le<br />
Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose, dont on retire un<br />
principe nommé Cactine, qui est depuis assez longtemps<br />
entré dans le domaine de la thérapeutique où on le préconise<br />
avec succès dans le traitement de certaines affections car-<br />
diaques.<br />
En somme, toutes ces substances que l’on vient de mettre<br />
en parallèle avec cel<strong>les</strong> fournies par <strong>les</strong> Peyotes semblent<br />
bien démontrer chez <strong>les</strong> représentants de la famille des Cac-<br />
tacées, une même nature dans la constitution chimique des<br />
pro<strong>du</strong>its élaborés qui, vraisemblablement, dériveraient de<br />
saponines particulières à ces plantes grasses.
CHAPITRE XI<br />
MAMILLARIÉES<br />
Historique. — Distribution géographique. — Pro<strong>du</strong>ction<br />
économique. — Rôle dans la nature. — Morphologie. —<br />
Polymorphisme des espèces. — Mode de propagation. —<br />
Divisions systématiques : Coryphantha, Neomamillaria,<br />
Dolichothele, Cochemiea, Pelecyphora, Ariocarpus, Epi-<br />
thelantha, Mamillopsis. — Considérations sur la biologie<br />
des Cactacées globuleuses <strong>du</strong> Mexique.<br />
histoRique. — Le genre Mamillaria correspond à ce que<br />
l’on désignait primitivement sous le nom de Cactier à<br />
mamelons ; il a été créé en 1812 par Haworth 1 qui identifia<br />
le genre et le détacha <strong>du</strong> groupe confus des Cactacées<br />
globuleuses dont l’ensemble n’était guère connu jusqu’alors<br />
que par <strong>les</strong> spécimens originaires de la région des Antil<strong>les</strong>.<br />
distRibution géogRaphique. — Les Mamillariées sont<br />
surtout particulières au Mexique et au sud des États-Unis ;<br />
aux Antil<strong>les</strong> ainsi que dans l’Amérique centrale, el<strong>les</strong> sont<br />
rares ; quant à l’Amérique <strong>du</strong> Sud, el<strong>les</strong> n’y ont jamais été<br />
signalées et paraissent par conséquent y faire complètement<br />
défaut.<br />
Aux États-Unis, leur aire de dispersion remonte depuis<br />
le cours <strong>du</strong> rio Bravo del Norte jusqu’aux régions froides<br />
des sources <strong>du</strong> Missouri, où certaines espèces, comme le<br />
Coryphantha vivipara Britt. et Rose, et le Neobesseya missouriensis<br />
Britt. et Rose, sont capab<strong>les</strong>, grâce à leur constitution,<br />
d’affronter <strong>les</strong> frimas d’hivers rigoureux.<br />
1. A. hawoRth. — Synopsis plantarum succulentarum cum descriptionibus,<br />
synonymis, locis, etc., p. 194, Londres, 1812, Nuremberg,<br />
1819.<br />
20
306 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Au Mexique, qui est la terre privilégiée des Mamillariées,<br />
ces dernières sont représentées à toutes <strong>les</strong> altitudes.<br />
Quoique spécia<strong>les</strong> surtout aux plateaux désertiques de<br />
l’intérieur <strong>du</strong> pays, on peut néanmoins <strong>les</strong> voir figurer parmi<br />
la flore de toutes <strong>les</strong> stations un peu arides comprises entre<br />
<strong>les</strong> zones torrides des plaines avoisinant le niveau de la<br />
mer et cel<strong>les</strong> des climats froids des montagnes où certaines<br />
espèces peuvent même parfois affronter des altitudes dépas-<br />
sant 3.000 mètres (Neomamillaria vetula Britt. et Rose,<br />
Mamillopsis senilis Weber).<br />
pRo<strong>du</strong>ction économique. — Au point de vue fruitier, <strong>les</strong><br />
Mamillariées n’offrent que peu d’intérêt, aussi paraissent-<br />
el<strong>les</strong> n’avoir jamais été, de la part des indigènes, l’objet<br />
d’une entreprise culturale ; beaucoup d’espèces cependant<br />
fournissent en abondance de petites baies comestib<strong>les</strong> et<br />
savoureuses très appréciées des Mexicains qui ont coutume,<br />
à la saison propice, d’aller <strong>les</strong> récolter afin d’en approvi-<br />
sionner <strong>les</strong> marchés urbains, où on <strong>les</strong> vend sous le nom<br />
nahuatl de Chicotl, ou encore de Chilitos <strong>du</strong>lces (petits<br />
piments sucrés), ce qui, à peu de chose près, est la tra<strong>du</strong>ction<br />
espagnole <strong>du</strong> terme précédent.<br />
L’espèce la plus connue pour sa pro<strong>du</strong>ction fruitière est le<br />
Neomamillaria magnimamma Britt. et Rose, qui est remarquable<br />
par son polymorphisme donnant lieu à de nom-<br />
breuses variations de formes <strong>les</strong> plus dissemblab<strong>les</strong>, et que<br />
l’on rencontre largement répan<strong>du</strong> sur <strong>les</strong> plateaux <strong>du</strong><br />
Mexique central où il vient parfois former, sur le sol de<br />
la steppe, des touffes gazonnantes assez éten<strong>du</strong>es.<br />
Rôle dans la natuRe. — Si <strong>les</strong> Mamillariées n’ont qu’une<br />
très médiocre importance comme plantes économiques, il<br />
n’en est plus de même si on <strong>les</strong> envisage au point de vue<br />
de la conquête des terrains désertiques ; là leur rôle est<br />
capital, car el<strong>les</strong> constituent avec certains Echinocereus et<br />
Cylindropuntia, <strong>les</strong> uniques essences végéta<strong>les</strong> aptes à créer<br />
la première étape de la vie sur ces parages déshérités où<br />
<strong>les</strong> conditions écologiques sont tel<strong>les</strong> que la nature est
chapitRe xi 307<br />
impuissante, sans leur concours, à subvenir aux débuts<br />
d’une végétation normale et pérenne, ainsi qu’on l’a vu au<br />
chapitre <strong>du</strong> rôle des ‘Cactacées dans le peuplement végétal<br />
des déserts.<br />
Le mécanisme par lequel ces humb<strong>les</strong> Cactacées peuvent<br />
faire surgir la vie et la fertilité sur des terres continuellement<br />
brûlées et désolées par <strong>les</strong> ardeurs solaires est,<br />
comme nous le montre la nature, des plus simp<strong>les</strong>. En se<br />
développant en amas plus ou moins gazonnants, <strong>les</strong> Mamillariées<br />
établissent par place des points d’obstacle et de<br />
retenue, formant alors des récifs, contre <strong>les</strong>quels peu à peu<br />
viendront butter et s’amasser ces détritus de toutes sortes<br />
qui sont, en temps de sécheresse, véhiculés par <strong>les</strong> tourbillons<br />
aériens et, au moment des pluies torrentiel<strong>les</strong>,<br />
charriés par le ruissellement des eaux sauvages.<br />
Du fait de la présence de ces plantes n’empruntant pour<br />
ainsi dire presque rien au sol, se pro<strong>du</strong>iront des stations améliorées,<br />
où il sera possible à une végétation vivace un peu<br />
moins résistante de venir s’établir spontanément, en bénéficiant,<br />
pour le développement de ses racines, de l’humus<br />
et de la faible humidité que la présence de ces infimes Cactacées<br />
aura, de distance en distance, collectés et stabilisés<br />
sur des terrains jusqu’alors réfractaires à la végétation.<br />
moRphologie. — Les Mamillariées représentent la forme<br />
la plus évoluée des Cactacées globuleuses ; el<strong>les</strong> viennent<br />
immédiatement après <strong>les</strong> Echinocactées dont, en somme,<br />
el<strong>les</strong> ne sont, pour la plupart, que <strong>les</strong> spécimens un peu plus<br />
perfectionnés de Sténocactées et de Thélocactées.<br />
Le caractère le plus saillant qui différencie ces deux<br />
groupes réside dans la position occupée par le bourgeon<br />
floral, qui, chez <strong>les</strong> Mamillariées, est axillaire, tandis que<br />
chez <strong>les</strong> Echinocactées, il est aréolaire. Cependant, entre<br />
<strong>les</strong> deux groupes on peut rencontrer tous <strong>les</strong> termes de<br />
transition ; c’est ainsi, par exemple, que chez le Pediocactus<br />
Simpsonii Britt. et Rose, le bourgeon surgit à environ midistance<br />
de l’aréole et de la saillie, et que, chez l’Epithelantha<br />
micromeris Weber, il devient franchement aréolaire.
308 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
A part quelques rares espèces qui, comme <strong>les</strong> Neomamillaria<br />
melanocentra Britt. et Rose, coronoria et Mystax<br />
Britt. et Rose, variété maschalacantha, dont <strong>les</strong> dimensions<br />
peuvent atteindre le volume d’un Echinocactus d’assez<br />
bonne proportion, le groupe des Mamillariées ne comprend<br />
que des spécimens de faible dimension, certains même sont<br />
très ré<strong>du</strong>its et ne dépassent pas une grandeur de 2 à 3 centi-<br />
mètres (Neomamillaria fragilis Britt. et Rose, lasiacantha<br />
Britt. et Rose, elongata Britt. et Rose). Ce dernier, qui est<br />
une espèce très voisine sinon une variété <strong>du</strong> N. sphacelata<br />
Britt. et Rose, est remarquable par la gracilité de ses tiges<br />
cylindriques.<br />
La conformation de la tige des Mamillariées peut être<br />
sphérique, subglobuleuse, claviforme, ou encore tout à fait<br />
cylindrique ; cette dernière forme peut même s’allonger au<br />
point de prendre l’allure d’un Cierge rampant (Neomamillaria<br />
sphacelata Britt. et Rose, Cochemiea Poselgeri Britt.<br />
et Rose). Cette tige est tantôt simple, tantôt ramifiée, tantôt<br />
prolifère ; sa surface est couverte de mamelons affectant des<br />
contours moniliformes, coniques, cylindriques, polyédriques,<br />
implantés soit en série, soit en spirale. Ces mamelons, que<br />
l’on désigne encore sous le nom de tubercu<strong>les</strong>, portent à<br />
leur sommet un faisceau d’aiguillons ; leur aisselle, qui<br />
donne naissance à l’inflorescence, est tantôt nue, tantôt<br />
tomenteuse. La symétrie dans l’implantation de ces mame-<br />
lons est vraiment remarquable chez certaines espèces ;<br />
aussi L. Castle avait-il comparé leur régularité à celle de<br />
pièces de mécanique de précision 1 . Les épines qui couronnent<br />
<strong>les</strong> mamelons varient considérablement dans leur<br />
forme ; el<strong>les</strong> se présentent sous le dispositif d’un rayon-<br />
nement étoilé dont le centre est occupé par un aiguillon qui<br />
peut être, suivant <strong>les</strong> espèces, pectiné ou sans terminaison,<br />
offrant alors un stylet, plus ou moins long et flexible, dont<br />
l’extrémité peut parfois, comme chez <strong>les</strong> Ancistrocactées, se<br />
recourber en hameçon.<br />
1. L . castle. — Cactaceous planta, their history and culture,<br />
Londres. 1884.
chapitRe xi 309<br />
Un certain nombre de Mamillariées sont inermes, ou <strong>du</strong><br />
moins l’armature épineuse peut être parfois remplacée par<br />
des squames quelque peu parcheminées (Pelecyphora, Ariocarpus).<br />
La sève est limpide chez la plupart des espèces apparte-<br />
nant au groupe des Mamillariées ; néanmoins, elle peut se<br />
montrer lactescente chez un certain nombre de sujets. Ce<br />
caractère a même été jugé suffisant pour motiver une sub-<br />
division dans la série des Eumamillariées et <strong>les</strong> faire répartir<br />
en Hydrochylées et Galactochylées.<br />
Les fleurs sont axillaires, disposées en zones plus ou moins<br />
rapprochées <strong>du</strong> sommet de la plante ; el<strong>les</strong> sont, sauf<br />
quelques exceptions, petites ou tout au plus de grandeur<br />
médiocre ; el<strong>les</strong> sont habituellement nombreuses, diurnes,<br />
et affectent des colorations blanches, jaunes, rouges, roses.<br />
Le tube floral est court, l’ovaire est toujours couvert de<br />
squames et se trouve parfois un peu enfoncé dans la plante.<br />
Lorsque le fruit se développe et approche de la maturité, il<br />
s’allonge, devient saillant en donnant une petite baie plus<br />
ou moins ronde, ovoïde, cylindrique, de couleur rouge ou<br />
rose, quelquefois verdâtre ou jaunâtre.<br />
polymoRphisme. — La variabilité des espèces dans le<br />
groupe des Mamillariées est extrêmement grande ; elle se<br />
manifeste aussi bien chez <strong>les</strong> plantes soumises à la culture<br />
en serre que chez cel<strong>les</strong> qui se rencontrent dans la nature ;<br />
c’est ce qui explique pourquoi une foule d’espèces ont été<br />
décrites plusieurs fois sous des noms différents. Pour donner<br />
un exemple de ce polymorphisme, le D r Weber cite (Dictionnaire<br />
d’Horticulture de Bois) une espèce <strong>du</strong> Texas, le<br />
Neomamillaria spinosissima Britt. et Rose, qui a reçu de la<br />
part des botanistes et des horticulteurs près de soixante<br />
désignations spécifiques.<br />
Cette variabilité, si déconcertante qu’elle puisse être, si<br />
on se place au point de vue de l’identification des espèces,<br />
n’est cependant pas une chose qui doive étonner, car elle<br />
semble bien répondre à une loi naturelle régissant <strong>les</strong> trois
310 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
grands groupes de Cactacées, lorsque leurs représentants<br />
parviennent à un certain degré d’évolution.<br />
Les Mamillariées constituant la forme la plus perfec-<br />
tionnée des Cactacées globuleuses nord-américaines, il est<br />
tout naturel qu’el<strong>les</strong> viennent alors se conformer à ce que<br />
nous montrent <strong>les</strong> Opuntiées avec <strong>les</strong> Nopals, <strong>les</strong> Céréées<br />
avec <strong>les</strong> Cierges serpentins, <strong>les</strong> Echinocactées avec <strong>les</strong> Phymatogoni<br />
et <strong>les</strong> Stenogoni.<br />
modes de pRopagation. — Les Mamillariées ont, dans la<br />
nature, différents moyens de se propager.<br />
Pour <strong>les</strong> espèces à tige simple et érigée, la multiplication<br />
s’opère de la même façon que chez <strong>les</strong> Echinocactées nor-<br />
ma<strong>les</strong>, c’est-à-dire par la simple voie de semis. Pour <strong>les</strong><br />
indivi<strong>du</strong>s à tige rampante, on peut assez souvent observer<br />
des propagations par marcottage naturel, ou encore par<br />
bouturage accidentel (Neomamillaria sphacelata Britt. et<br />
Rose). Chez <strong>les</strong> espèces prolifères, la multiplication peut<br />
s’effectuer par drageonnement et fournir des cas d’auto-<br />
tomie analogues à ceux que l’on constate chez certains<br />
Opuntia (O. fragilis Haw.) ; c’est ce que nous montre d’une<br />
façon bien nette le Neomamillaria gracilis Britt. et Rose,<br />
dont le corps de la plante, au lieu de s’accroître en une tige<br />
unique, se ramifie en une agglomération de petits globu<strong>les</strong><br />
qui se détachent de la souche mère à la moindre secousse et<br />
qui, mis en liberté, vont prendre racine aux endroits où le<br />
hasard des agents de dissémination <strong>les</strong> ont transportés.<br />
Comme, à proprement parler, le groupe des Mamillariées<br />
ne présente pas d’applications économiques bien mar-<br />
quantes, <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> mieux connues ne seront pas<br />
décrites, mais seulement mentionnées avec leur localité<br />
dans <strong>les</strong> subdivisions systématiques qui vont suivre. Cepen-<br />
dant, on s’étendra davantage sur <strong>les</strong> formes aberrantes ou<br />
anorma<strong>les</strong> afin de faire ressortir <strong>les</strong> caractères et <strong>les</strong> parti-<br />
cularités que comporte le groupe le plus évolué des Cactiers<br />
globuleux, qui, grâce à la petitesse de ses représentants, peut<br />
avoir une influence importante dans le rétablissement de la<br />
vie végétale sur le sol des déserts mexicains.
chapitRe xi 311<br />
subdivisions systématiques. — Les Mamillariées se répartissent<br />
dans six séries assez bien délimitées et qui sont<br />
<strong>les</strong> suivantes :<br />
1° Coryphanthées ;<br />
2° Eumamillariées ;<br />
3° Dolichothélées ;<br />
4° Cochemieées ;<br />
5° Pélécyphorées ;<br />
6° Ariocarpées.<br />
Les Coryphantées et <strong>les</strong> Eumamillariées sont <strong>les</strong> formes<br />
<strong>les</strong> mieux caractérisées <strong>du</strong> groupe ; <strong>les</strong> Dolichothélées et <strong>les</strong><br />
Cochemieées se différencient de ces dernières par leur mode<br />
d’inflorescence et par la structure de la tige. Quant aux<br />
Ariocarpées et Pélécyphorées, ce sont des formes inermes<br />
ou à peu près, dont l’armature épineuse est remplacée par<br />
des <strong>du</strong>vets sétacés ou encore par des écail<strong>les</strong> plus ou moins<br />
parcheminées ; ces dernières, dans la classification populaire,<br />
sont rangées parmi le groupe des Peyotes.<br />
A ces six séries, on peut encore en ajouter deux autres<br />
qui, quoique présentant l’allure et le faciès de Mamillariées<br />
norma<strong>les</strong>, s’en écartent cependant par leurs caractères botaniques<br />
: ce sont <strong>les</strong> Epithélanthées et <strong>les</strong> Mamillopsidées ;<br />
ces deux séries, qui ne sont représentées que par une seule<br />
espèce chacune, montrent pour la première un prototype<br />
et pour la seconde la forme la plus évoluée que comporte<br />
le groupe des Mamillariées.<br />
CORYPHANTHÉES<br />
Les Coryphanthées sont caractérisées par une inflorescence<br />
voisine de l’apex, par un sillon qui partage la face supé-<br />
rieure <strong>du</strong> mamelon et reçoit l’aréole aculéifère et l’aréole<br />
florifère. Les différentes espèces de cette série constituent<br />
la transition entre <strong>les</strong> deux groupes des Echinocactées et<br />
Mamillariées.<br />
Les Coryphanthées se répartissent en deux subdivisions :<br />
<strong>les</strong> Aulacothè<strong>les</strong> et <strong>les</strong> Glan<strong>du</strong>lifères.
312 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
coRyphanthées aulacothè<strong>les</strong><br />
Les Aulacothè<strong>les</strong>, ou Coryphanthées proprement dites,<br />
peuvent encore se partager en deux groupements morphologiques<br />
assez distincts :<br />
1° Ceux qui ont des tiges élancées de forme colomnaire,<br />
pourvues de mamelons arrondis, se recouvrant <strong>les</strong> uns <strong>les</strong><br />
autres dans une sorte d’imbrication et dont l’ensemble de<br />
la plante s’accroît de façon à constituer sur le sol des gazonnements<br />
;<br />
2° Ceux dont le corps court offre une structure globulaire<br />
ou conique et dont <strong>les</strong> touffes fournissent plutôt des agglomérations<br />
en masse que de véritab<strong>les</strong> gazonnements.<br />
Les principa<strong>les</strong> espèces de Coryphanthées Aulacothè<strong>les</strong><br />
sont :<br />
Neolloydia conoidea Britt. et Rose. — Sud-est des États-<br />
Unis : Texas ; nord <strong>du</strong> Mexique : États de Nuevo-Leon,<br />
Hidalgo, San Luis Potosi, Coahuila.<br />
Neobesseya missouriensis Britt. et Rose. — États-Unis :<br />
États <strong>du</strong> Missouri, <strong>du</strong> Montana, <strong>du</strong> Nebraska, <strong>du</strong> Dakota<br />
sud, <strong>du</strong> Colorado, etc. ;<br />
Coryphantha cornifera Lemaire. — Espèce très répan<strong>du</strong>e<br />
<strong>du</strong> Nord au Sud <strong>du</strong> Mexique, mais se rencontrant surtout<br />
dans l’État d’Hidalgo à Zimapan, Ixmiquilpan, Actopan,<br />
Cerroventoso, Pachuca, Minerai del Monte ;<br />
C. <strong>du</strong>rangensis Britt. et Rose. — État de Durango : vallée<br />
de Lerdo et rio Nasas ;<br />
C. macromeris Lemaire. — Frontière <strong>du</strong> Mexique et des<br />
États-Unis vers le rio Grande del Norte, dans <strong>les</strong> États <strong>du</strong><br />
Nouveau-Mexique et de Chihuahua.<br />
C. pycnacantha Lemaire. — Vallée de Mexico, État d’Hidalgo<br />
auprès de Pachuca, San Mateo, Atotonileo, Grande<br />
Regla ;<br />
C. Muehlenpfordtii Britt. et Rose. — États-Unis : États<br />
<strong>du</strong> Nouveau-Mexique et <strong>du</strong> Texas ; Mexique : États de<br />
Sonora, Chihuahua, Coahuila ;
chapitRe xi 313<br />
C. sulcolanata Lemaire. — Mexique central et État de<br />
Oaxaca.<br />
C. vivipara Britt. et Rose. — États-Unis : États <strong>du</strong> Texas,<br />
Nevada, Utah, Nouveau-Mexique ; Mexique : État de Chi-<br />
huahua.<br />
coRyphanthées glan<strong>du</strong>liFèRes<br />
Cette subdivision est caractérisée par l’existence de<br />
glandes nectarifères de couleur rouge ou jaunâtre, situées<br />
aux axes des tubercu<strong>les</strong> ou dans <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> comme on<br />
l’observe, à peu de chose près, chez une espèce appartenant<br />
aux Uncinati (Ferocactus Wislizenii Britt. et Rose).<br />
Les principa<strong>les</strong> espèces qui constituent ce groupe sont :<br />
Coryphantha clava Lemaire. — Mexique central : État<br />
d’Hidalgo au Mineral del Doctor ;<br />
C. erecta Lemaire. — Mexique central : État d’Hidalgo à<br />
Ixmiquilpan et Zimapan ;<br />
C. octacantha Britt. et Rose. — Mexique central : État<br />
d’Hidalgo au Real del Monte, Pachuca, Atotonilco ;<br />
C. Ottonis Lemaire. — Mexique central : États de Queretaro<br />
et d’Hidalgo ;<br />
C. raphidacantha Lemaire. — États de Queretaro et de<br />
San Luis Potosi.<br />
EUMAMILLARIÉES<br />
A cette série appartiennent <strong>les</strong> spécimens que l’on consi-<br />
dère comme <strong>les</strong> plus typiques <strong>du</strong> groupe ; ils présentent<br />
comme principal caractère distinctif de posséder des mame-<br />
lons non sillonnés et des fleurs disposées latéralement sur<br />
la tige.<br />
Comme dans la série précédente, on subdivise <strong>les</strong> Euma-<br />
millariées en deux groupes qui sont alors figurés par <strong>les</strong><br />
Hydrochylées et <strong>les</strong> Galactochylées.<br />
Ototonilco -><br />
Atotonilco
314 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
eumamillaRiées hydRochylées<br />
Dans ce groupe qui est nettement caractérisé par l’exis-<br />
tence d’une sève limpide, on range <strong>les</strong> espèces suivantes :<br />
Neomamillaria amoena Britt. et Rose. — États de Mexico,<br />
Hidalgo, Michoacan ;<br />
N. candida Britt. et Rose. — État de San Luis Potosi ;<br />
N. coronaria. — État d’Hidalgo au Real del Monte et à<br />
Atotonilco ;<br />
N. decipiens Britt. et Rose. — Mexique central ;<br />
N. discolor Britt. et Rose. — État de Puebla ;<br />
N. echinaria Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : Puente de<br />
Dios, Mineral del Monte ;<br />
N. glochidiata Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : San Pedro<br />
Nolasco, Ixmiquilpan ; État de Jalisco : environs de Guada-<br />
lajara ;<br />
N. Goodridgei Britt. et Rose. — Basse-Californie ;<br />
N. lasiacantha Britt. et Rose. — États-Unis : États <strong>du</strong><br />
Texas, Arizona ; Mexique : État de Chihuahua ;<br />
N. plumosa Britt. et Rose. — Nord <strong>du</strong> Mexique et Mexique<br />
central : État de Coahuila, État de Nuevo-Leon, région de<br />
Monterey ;<br />
N. polythele Britt. et Rose. — Mexique central : État d’Hidalgo,<br />
Ixmiquilpan ;<br />
N. prolifera Britt. et Rose. — Antil<strong>les</strong> : Cuba ; littoral <strong>du</strong><br />
golfe <strong>du</strong> Mexique, État de Tamaulipas, Rio Grande del Norte,<br />
El Paso, État de Coahuila ;<br />
N. rhodantha Britt. et Rose. — États de Mexico et d’Hidalgo<br />
;<br />
N. Schelhasei Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : Ixmiquilpan,<br />
Actopan ;<br />
N. Schiedeana Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : Barrancas<br />
de Meztitlan ;<br />
N. sphacelata Britt. et Rose. — Mexique central : États de<br />
Puebla, Sonora ;
Hidago -><br />
Hidalgo<br />
chapitRe xi 315<br />
N. spinosissima Britt. et Rose. — États de Morelos et<br />
d’Hidalgo ;<br />
N. tetracantha Britt. et Rose. — État d’Hidalgo : barrancas<br />
de Meztitlan ;<br />
A. vetula Britt. et Rose. — Mexique central : État d’Hidalgo<br />
;<br />
Phellosperma tetrancistra Britt. et Rose. — États-Unis :<br />
États de Californie et d’Arizona, rios Gila et Colorado.<br />
eumamillaRiées galactochylées<br />
Les Galactochylées se différencient <strong>du</strong> groupe précédent<br />
par une sève lactescente rappelant quelque peu le latex des<br />
Euphorbiacées ou des Asclépiadacées. Les espèces principa<strong>les</strong><br />
appartenant à cette subdivision sont :<br />
Neomamillaria applanata Britt. et Rose. — États-Unis :<br />
États <strong>du</strong> Texas et d’Arizona ; Mexique : Nuevo-Leon, Sonora,<br />
Basse-Californie ;<br />
N. Celsiana Britt. et Rose. — États de San Luis Potosi et<br />
de Mexico ;<br />
N. elegans Britt. et Rose. — Mexique central, États de<br />
Mexico, Hidalgo, Puebla, Oaxaca ;<br />
N. formosa Britt. et Rose. — États de Nuevo-Leon et de<br />
San Luis Potosi ;<br />
N. Karwinskiana Britt. et Rose. — États de Puebla et de<br />
Oaxaca ;<br />
N. magnimamma Britt. et Rose. — Hauts plateaux <strong>du</strong><br />
Mexique central, État d’Hidalgo : Pachuca, San Mateo, Atotonilco,<br />
Grande Regia ; État de Mexico : environs de la capitale,<br />
Tacubaya ;<br />
N. meiacantha Britt. et Rose. — États-Unis : États <strong>du</strong><br />
Texas, Rio Grande, Guadalupe river, et <strong>du</strong> Nouveau-Mexique ;<br />
N. melanocentro Britt. et Rose. — États de Coahuila,<br />
Nuevo-Leon, région de Monterey ;<br />
N. Mystax Britt. et Rose. — États de San Luis Potosi,<br />
d’Hidalgo, de Puebla, de Oaxaca ;
316 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
N. polyedra Britt. et Rose. — États de Oaxaca, de Vera-<br />
Cruz à Jalapa, d’Hidalgo à Zimapan, Ixmiquilpan, Meztitlan ;<br />
N. sempervivi Britt. et Rose. — Mexique central : États<br />
de Queretaro, Hidalgo, San Luis Potosi, Chihuahua.<br />
DOLICHOTHELEES<br />
Cette série a été créée afin de différencier une forme<br />
quelque peu anormale, qui d’un côté se rattache aux Mamil-<br />
lariées par l’absence de sillons sur ses mamelons, et<br />
de l’autre aux Coryphanthées par l’ampleur de sa fleur sur-<br />
gissant au sommet de la plante.<br />
Les Dolichothélées se distinguent cependant assez nette-<br />
ment de ces deux séries entre <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> semblent à<br />
première vue faire la transition, par de longues fleurs avec<br />
pubescence soyeuse ou en aiguil<strong>les</strong>, qui rayonnent sur<br />
l’aréole terminale, et par la structure bien caractéristique<br />
des mamelons qui s’allongent démesurément (4 à 5 centi-<br />
mètres), en prenant alors une conformation digitée.<br />
Une seule espèce est connue jusqu’ici comme repré-<br />
sentant de cette série, c’est le Dolichothele longimamma<br />
Britt. et Rose et sa variété sphærica.<br />
Les formes que l’on a décrites sous <strong>les</strong> noms de Mamillaria<br />
uberiformis Zucc. 1 , M. longimamma gigantothele Berg<br />
et M. longimamma hexacentra Berg, ne sont en réalité,<br />
d’après le D r Weber, que des variétés plus ou moins distinctes<br />
<strong>du</strong> type décrit par le Candolle.<br />
La forme typique se rencontre dans l’État d’Hidalgo,<br />
principalement dans <strong>les</strong> localités de Pachuca, Ixmiquilpan,<br />
Zimapan et, plus au nord, dans <strong>les</strong> barrancas des rios<br />
Grande de Mesillos, d’Aquicaleo. La variété sphærica est<br />
originaire des régions plus septentriona<strong>les</strong> et aussi plus<br />
orienta<strong>les</strong> ; elle habite le Texas et le Tamaulipas, sur le<br />
littoral <strong>du</strong> Golfe <strong>du</strong> Mexique, d’où elle remonte la vallée <strong>du</strong><br />
1. bRitton et Rose (The Cactaceæ, IV, p. 61, Washington, 1923),<br />
considèrent <strong>les</strong> Mamillaria sphærica et uberiformis comme des espèces<br />
distinctes.
chapitRe xi 317<br />
rio Grande del Norte depuis son embouchure jusqu’aux<br />
confins orientaux <strong>du</strong> désert <strong>du</strong> Colorado.<br />
La forme typique ainsi que sa variété contiennent toutes<br />
deux des principes toxiques ou hallucinants, ce qui <strong>les</strong> a<br />
fait comprendre dans le groupe des Peyotes ou, plus exactement,<br />
des Peyotillos.<br />
COCHEMIEÉES<br />
Les Cochemieées rappellent par leur allure générale <strong>les</strong><br />
Coryphanthées Aulacothè<strong>les</strong> à tige colomnaire.<br />
Cette série se caractérise par le longues fleurs rouges<br />
avec étamines incluses ; le fruit est constitué par une baie<br />
rouge, globulaire, quelque peu aplatie à sa partie supé-<br />
rieure. Les tiges sont relativement grê<strong>les</strong> et cylindriques,<br />
el<strong>les</strong> sont garnies de mamelons très petits et très nombreux<br />
donnant émergence à des faisceaux d’aiguillons longs et<br />
glochidiés ; ceux qui occupent la partie centrale sont plus<br />
développés et peuvent atteindre 3 centimètres.<br />
L’espèce typique de la série est le Cochemiea Poselgeri<br />
Britt. et Rose (syn. : C. Roseana Wallon, Mamillaria Poselgeri<br />
Hildmann, M. Roseana Brandegee, M. longihamata<br />
Engelm., M. Radliana Quehl, Cactus Roseanus Coulter).<br />
La série comprend encore trois espèces affines qui peut-<br />
être ne sont que des variétés et que l’on a décrites sous <strong>les</strong><br />
noms de C. Halei Walton, C. setispina Walton, C. Pondii<br />
Walton 1 .<br />
La forme typique <strong>du</strong> Cochemiea Poselgeri se développe<br />
tantôt en tiges érigées d’environ une vingtaine de centi-<br />
mètres de hauteur, tantôt en tiges mol<strong>les</strong> et flagelliformes<br />
pouvant parfois arriver jusqu’à dépasser une élongation<br />
d’un mètre, affectant alors quelque peu l’allure de certains<br />
Cierges serpentins, comme par exemple l’Aporocactus flagelliformis<br />
Lemaire.<br />
1. coulteR. — Preliminary revision of the North American species<br />
of Cactus (Contributions for U.S. national herbarium, vol. 3, p. 105,<br />
1892). — bRandegee, Proceedings of Californian Academy, II, p 161,<br />
1889. — Kate bRandegee, Erythea, V, p. 117.1897. — gReene, Pittonia,<br />
I, p. 268, 1889.
318 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Dans le premier cas, <strong>les</strong> touffes assez bien fournies<br />
forment sur <strong>les</strong> surfaces planes des tapis cespiteux parfois<br />
assez éten<strong>du</strong>s (fig. 84), dans le second cas, ces touffes,<br />
ré<strong>du</strong>ites à quelques tiges, rampent ou pendent le long des<br />
déclivités (fig. 85).<br />
C’est une espèce plutôt saxicole paraissant préférer, pour<br />
sa végétation, <strong>les</strong> roches où se trouvent des dépôts de<br />
guano. Ainsi que le Machærocereus gummosus Britt. et<br />
Rose qui vit dans la même région, cette Mamillariée affecte<br />
de préférence comme habitat le voisinage de la mer.<br />
La répartition géographique <strong>du</strong> Cochemiea Poselgeri, de<br />
même que celle de ses espèces affines, ne comprend jusqu’ici<br />
que <strong>les</strong> deux versants de la Basse-Californie et ses î<strong>les</strong><br />
côtières. Sur le versant occidental, il a été signalé à San<br />
Borga, au cañon de San Julio et dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong> fermant la<br />
baie de Sebastiano Vizcaino. Sur le versant oriental, on le<br />
rencontre de place en place dans la partie côtière comprise<br />
entre Loreto et le cap San Lucas ainsi que dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong><br />
Carmen, San José, Espiritu-Santo, Ceralbo.<br />
A la série des Cochimieées, on avait encore rattaché le<br />
Mamillaria senilis Loddiges, espèce curieuse et aberrante,<br />
croissant sur <strong>les</strong> sommets élevés de la Sierra Madré <strong>du</strong> ver-<br />
sant occidental <strong>du</strong> Mexique ; mais cette dernière a été retirée<br />
de la série pour être, comme on le verra plus loin, reportée<br />
dans un groupement particulier : Mamillopsis.<br />
Le terme Cochemiea, donné par Walton, vient de Cochimi<br />
qui était le nom d’une tribu indienne aujourd’hui disparue,<br />
qui occupait jadis une grande partie de la péninsule cali-<br />
fornienne.<br />
PÉLECYPHORÉES<br />
La série des Pélécyphorées est représentée par une seule<br />
espèce facilement reconnaissable à son faciès particulier,<br />
c’est le P. aselliformis Ehrenb. (syn. : Mamillaria aselliformis<br />
Monv., Anhalonium aselliforme Web., Ariocarpus<br />
aselliformis Web.).<br />
Cette Mamillariée est de dimension ré<strong>du</strong>ite (8 à 10 centi-
Fig. 84. — Cochemiea Poselgeri Britt. et Rose.<br />
Forme gazonnante croissant sur le sommet d’un îlot volcanique.<br />
Île San Jose (Golfe de Californie),
320 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
mètres de hauteur) ; elle présente une tige subglobuleuse<br />
devenant claviforme avec l’âge. D’abord simple, cette tige<br />
devient rameuse ou plutôt multiple à sa base ; lorsque la<br />
plante prend de l’accroissement, elle se ramifie et donne<br />
alors des rejets venant surgir au sommet <strong>du</strong> pivot radi-<br />
culaire. La tige <strong>du</strong> P. aselliformis donne naissance à des<br />
mamelons comprimés, à base rhomboïdale, très rapprochés<br />
<strong>les</strong> uns des autres et implantés en série spiralée ; l’aisselle<br />
de ces mamelons est, au début, garnie d’un tomentum ca<strong>du</strong>c<br />
s’éliminant peu à peu de lui-même à mesure que <strong>les</strong> parties<br />
subadjacentes tendent à se fortifier. Ces mamelons sont<br />
pourvus à leur sommet d’une aréole aplatie, squameuse,<br />
partagée dans le sens de sa longueur par un sillon sur lequel<br />
prennent naissance des rudiments d’aiguillons soudés <strong>les</strong><br />
uns aux autres en affectant le dispositif d’une barbe de<br />
plume et dont l’extrémité libre vient former des franges ou<br />
des dentelures aux contours de cette aréole. Cette confor-<br />
mation tout à fait particulière de l’aréole, recouvrant en<br />
grande partie le sommet <strong>du</strong> mamelon, donne à la plante un<br />
aspect étrange qui la fait paraître comme recouverte d’une<br />
multitude de Cloportes, ce qui, <strong>du</strong> reste, lui a valu la spéci-<br />
fication bien explicite d’aselliformis. La fleur de cette Mamillariée<br />
surgit entre <strong>les</strong> mamelons <strong>du</strong> sommet ; elle est rela-<br />
tivement grande et donne un épanouissement corollaire de<br />
2 à 3 centimètres ; elle est bicolore, <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> externes sont<br />
blancs ou rosés, <strong>les</strong> internes rose violacé, <strong>les</strong> anthères sont<br />
orangées et <strong>les</strong> stigmates blancs. Le fruit consiste en une<br />
baie fusiforme de couleur rose, à épiderme mince se rom-<br />
pant facilement à maturité en laissant échapper <strong>les</strong> graines,<br />
qui sont réniformes et de couleur noire.<br />
Comme répartition géographique, cette espèce se ren-<br />
contre dans <strong>les</strong> États de Nuevo-Leon et de San Luis Potosi ;<br />
dans cette dernière province, elle a été signalée par le<br />
D r Weber comme assez répan<strong>du</strong>e dans le Valle del Maiz.<br />
A la série des Pélécyphorées, on avait encore ajouté une<br />
autre espèce qui, par son apparence extérieure, semblait<br />
devoir s’y rattacher et qu’en horticulture on avait désignée<br />
provisoirement sous le nom de P. aselliformis variété pecti-
nata Nichols ; Stein 1 l’avait même décrite sous le nom de<br />
P. pectinata Stein.<br />
Le D r Weber a démontré que cette forme, qu’il a appelée<br />
Mamillaria pectinifera Web., avait bien, grâce à la confor-<br />
Fig. 85. — Cochemiea Poselgeri Britt. et Rose.<br />
Forme rampante croissant sur un rocher.<br />
mation de ses faisceaux épineux, le faciès d’un Pelecyphora,<br />
mais qu’elle s’en éloignait totalement par ses caractères<br />
botaniques.<br />
1. Gartenflora, XXXIV, p. 23, 1885.<br />
21<br />
Île San Jose (Golfe de Californie).
322 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Britton et Rose 1 en ont l’ait le type d’un genre spécial :<br />
Solisia.<br />
ARIOCARPÉES<br />
Les Ariocarpées correspondent dans le groupe des Mamil-<br />
lariées à ce que, chez <strong>les</strong> Echinocactées, sont <strong>les</strong> Lopho-<br />
phorées.<br />
La dénomination d’Ariocarpus, créée par Scheidweiler,<br />
doit avoir la priorité sur celle d’Anhalonium préconisée par<br />
Lemaire, quoique cette dernière ait été plus couramment<br />
employée, car la première tut publiée un an avant la<br />
seconde 2 .<br />
Entre la série appartenant aux Mamillariées et celle<br />
appartenant aux Echinocactées, il existe de très grandes<br />
analogies comme structure de tige et comme biologie, ce qui<br />
<strong>les</strong> a fait souvent confondre et réunir dans le même grou-<br />
pement, quoique leurs caractères botaniques soient suffi-<br />
samment tranchés pour ne pas permettre d’hésitation sur<br />
leur répartition dans le groupe qui leur convient.<br />
Chez <strong>les</strong> Ariocarpées, le bourgeon floral est axillaire au<br />
lieu d’être interaréolaire, comme c’est la caractéristique des<br />
Lophophorées.<br />
En somme, ces Ariocarpées font constater chez un groupe<br />
de formes inermes et aberrantes <strong>les</strong> mêmes faits d’évo-<br />
lution observés entre Echinocactées et Mamillariées présen-<br />
tant <strong>les</strong> formes classiques des deux groupes.<br />
La classification populaire considère <strong>les</strong> Ariocarpées<br />
comme étant des formes bien typiques de Peyotes, <strong>les</strong> deux<br />
offrant une structure de tige analogue, c’est-à-dire con-<br />
stituée par une tige souterraine soit napiforme, soit tur-<br />
binée, couronnée à sa partie émergeant <strong>du</strong> sol par une<br />
1. The Cactaceæ, IV, p. 64, Washington, 1923.<br />
2. M. scheidweileR. — Descriptio diagnostica novarum cactearum<br />
quæ a domino Galeotti, in provincia Potosi et Guanajuato regni<br />
mexicani inveninntur (Bulletin de l’Académie royale des Sciences et<br />
Bel<strong>les</strong>-Lettres de Bruxel<strong>les</strong>, p. 491, 1838). — C. lemaiRe, Cactearum<br />
genera nova, speciesque novæ, etc… p. 1 et 102, Paris, 1839.
chapitRe xi 323<br />
rosace de mamelons, conditions qui permettent à la plante,<br />
inerme, de se soustraire aux effets désastreux de la grande<br />
sécheresse par le mécanisme d’un enfouissement spontané<br />
dans le sol.<br />
De plus, tous ou presque tous <strong>les</strong> sujets représentant ces<br />
deux séries de groupes différents, sont réputés comme<br />
renfermant des principes actifs plus ou moins analogues à<br />
ceux <strong>du</strong> Lophophora Williamsii Coulter, qui est le type le<br />
plus fameux de ce groupement vernaculaire.<br />
Les Ariocarpus se caractérisent par le sommet de leur<br />
tige portant une rosace de mamelons constituée par des<br />
saillies foliacées qui, à l’exception d’une seule espèce, offrent<br />
toujours une aréole inerme tellement ré<strong>du</strong>ite et tellement<br />
peu visible qu’elle paraît faire défaut, caractère qui a motivé<br />
au groupe de ces plantes le nom d’Anhalonium. Ces saillies<br />
foliacées, entre <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> surgit toujours le bouton floral,<br />
sont plus ou moins triangulaires ou polyédriques ; el<strong>les</strong><br />
ressemblent assez à cel<strong>les</strong> de certains spécimens appar-<br />
tenant à la famille des Crassulacées, tels que par exemple<br />
<strong>les</strong> Joubarbes ou Sempervivum. Les fleurs sortent <strong>du</strong> vertex<br />
laineux de la plante ; el<strong>les</strong> sont axillaires ou supra-axillaires,<br />
de couleur blanche, rouge ou pourpre, de forme subcam-<br />
panulée, à tube court et nu.<br />
La série des Ariocarpées comprend cinq espèces bien<br />
définies qui sont :<br />
Ariocarpus fissuratus Schum. (syn. : A. Lloydii Rose,<br />
Mamillaria fissurata Engelm., Anhalonium Engelmannii<br />
Lemaire, A. fissuratum Engelm. — Celte espèce est bien<br />
caractérisée : elle présente une partie supérieure de tige<br />
subglobuleuse dont le diamètre varie entre 10 et 20 centi-<br />
mètres. Elle offre des mamelons de couleur vert foncé ou<br />
grisâtre, qui sont sillonnés sur leur face supérieure ; l’épi-<br />
derme qui <strong>les</strong> recouvre est chagriné ou crustacé, leur<br />
aisselle est laineuse. Les fleurs sont roses, supra-axillaires,<br />
d’environ 4 centimètres.<br />
Cette Mamillariée se rencontre dans <strong>les</strong> terrains allu-<br />
vionnaires des plaines désertiques <strong>du</strong> Texas occidental et
324 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
au nord des États de Zacatecas et Coahuila ; elle est désignée<br />
par <strong>les</strong> Américains sous le nom vulgaire de Living rock, nom<br />
que lui a valu sa forme irrégulière et sa couleur obscure<br />
qui lui donnent, à première vue, l’aspect d’une pierre<br />
rugueuse émergeant <strong>du</strong> sol.<br />
Ariocarpus Kotschoubeyanus Schum. (syn. : A. sulcatus<br />
Schum., Anhalonium sulcatum Salm-Dyck, A. Kotschoubeyanum<br />
Lemaire, A. fissipe<strong>du</strong>m Monv., Cactus Kotschoubeyi<br />
O. Ktze., Stromatocactus Kotschoubeyi Karw.). —<br />
Cette espèce est une forme de petite dimension (3 à 4 centimètres),<br />
offrant des mamelons triquètres, grisâtres, à<br />
aisselle laineuse, disposés en série spiralée, partagés par un<br />
sillon laineux, profond, à bords nets et d’apparence cornée<br />
qui donne à ces mamelons l’aspect d’un pied de biche, d’où<br />
vient le nom indigène de Pezuna de venado, donné à la<br />
plante.<br />
La tige souterraine est turbinée ; la fleur est rouge, assez<br />
grande par rapport à l’exiguïté de la plante.<br />
Cette espèce, rapportée pour la première fois en 1845 par<br />
Karwinski, fut rencontrée par ce voyageur naturaliste dans<br />
l’État de San Luis Potosi au nord de Matahuela (partido<br />
de Catorce) ; elle fut depuis retrouvée par le Dr Weber dans<br />
la même localité.<br />
Ariocarpus retusus Scheidw. (syn. : Anhalonium retusum<br />
Salm-Dyck, A. prismaticum Lemaire, A. areolosum Lemaire,<br />
Mamillaria aloides Monv., M. furfuracea Wats., Cactus<br />
prismaticus O. Ktze.). — Cette espèce, dont la tige souterraine<br />
est constituée par un fort pivot gorgé d’un suc mucilagineux<br />
épais, donne naissance dans ses parties aériennes<br />
à une rosace de 12 à 15 centimètres de diamètre formée par<br />
des mamelons trièdres, sillonnés, terminés par une pointe<br />
cornée.<br />
Cette Mamillariée ressemble à une Joubarbe, ou, mieux,<br />
à une forme curieuse d’Aloïnée <strong>du</strong> sud de l’Afrique (Haworthia<br />
retusa Haw.), similitude morphologique qui lui avait<br />
valu d’être inscrite dans le catalogue de la collection Monville<br />
sous le nom provisoire de Mamillaria aloides.
chapitRe xi 325<br />
La partie acuminée des mamelons porte une aréole ovale<br />
habituellement ca<strong>du</strong>que, mais qui, parfois, peut persister.<br />
Les aissel<strong>les</strong> des mamelons sont garnies de laine blanche<br />
assez abondante. Les fleurs, d’un diamètre de 5 centimètres,<br />
sont blanches et <strong>du</strong>rent plusieurs jours épanouies. Le fruit<br />
est ovoïde ; il varie comme couleur <strong>du</strong> blanc au rose vif et<br />
a, comme diamètre maximum, 2 centimètres.<br />
L’A. retusus, qui servit de type pour le genre Ariocarpus,<br />
fut rapporté pour la première fois en Europe par Galeotti.<br />
Cette Mamillariée est désignée par <strong>les</strong> Américains sous le<br />
nom vulgaire de Cobbler’s thumb, et par <strong>les</strong> indigènes mexicains<br />
sous celui de Chaucle, désignations qui paraissent l’une<br />
et l’autre faire allusion à la forme des mamelons.<br />
Les Mexicains emploient cette Cactacée dans leur méde-<br />
cine populaire et la préconisent, dit-on, pour combattre <strong>les</strong><br />
effets <strong>du</strong> paludisme.<br />
Cette espèce se rencontre principalement dans <strong>les</strong> États<br />
de Coahuila et San Luis Potosi ; dans ce dernier, on la si-<br />
gnale à la Rinconada, à Carneros, au Saltillo, et auprès de<br />
la ville de San Luis Potosi.<br />
Ariocarpus trigonus Schum. (syn. : Anhalonium trigonum<br />
Web.). — C’est une espèce voisine de l’A. retusus Scheidw.,<br />
mais qui s’en différencie à première vue par une moindre<br />
dimension (10 centimètres) et par des mamelons érigés,<br />
acuminés, triangulaires, non rétus, longs de 3 centimètres<br />
sur une épaisseur de 5 millimètres, terminés par une pointe<br />
cornée, avec une aréole très petite.<br />
On rencontre cette espèce, d’après le D r Weber, dans<br />
l’État de Nuevo-Leon, au nord de Monterey, sur <strong>les</strong> collines<br />
calcaires depuis Marin jusqu’à Ramos et Papagallos.<br />
Strombocactus disciformis Britt. et Rose (syn. : Anhalonium<br />
turbiniforme Web., Echinocactus helianthodiscus<br />
Lem., E. turbiniformis Pfeiff., E. disciformis Schum.,<br />
Mamillaria disciformis DC., M. turbinata Hook., Cactus turbinatus<br />
O. Ktze., C. disciformis O. Ktze., Echinofossulocactus<br />
turbiniformis Lawrence.) — Cette espèce, ainsi que
326 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
le démontre sa nombreuse synonymie, donna lieu à bien des<br />
controverses sur la place qu’elle devait occuper.<br />
Le S. disciformis présente une conformation de tige assez<br />
singulière ; cette dernière est discoïde ou, mieux, turbinée ;<br />
<strong>les</strong> mamelons qui recouvrent sa partie aérienne sont polyé-<br />
driques à leur base et disposés en spirale. Ces mamelons,<br />
peu élevés, portent à leur sommet une petite aréole accom-<br />
pagnée de quelques aiguillons sétacés de couleur grisâtre<br />
qui sont ca<strong>du</strong>cs et s’éliminent spontanément lorsque le<br />
mamelon vieillit.<br />
Cette Mamillariée, qui fut trouvée en 1829 par Coulter, se<br />
rencontre dans l’État d’Hidalgo à Ixmiquilpan et à San<br />
Pedrito de los Ange<strong>les</strong>.<br />
A côté de ces formes aberrantes dans la morphologie<br />
générale des Mamillariées, il y en a d’autres qui, quoique<br />
présentant à première vue l’aspect typique de ce groupe,<br />
s’en écartent très notablement lorsqu’on <strong>les</strong> envisage d’après<br />
leurs caractères botaniques, tels sont l’Epithelantha micromeris<br />
Web. et le Mamillopsis senilis Web. Les caractères<br />
botaniques que ces curieux spécimens viennent présenter<br />
sont suffisants, selon le D r Weber, pour permettre de<br />
<strong>les</strong> ranger dans des groupements spéciaux. Le Mamillaria<br />
micromeris Engelm. constituerait alors le type <strong>du</strong> genre<br />
Epithelantha Web., et le Mamillaria senilis Loddiges, celui<br />
des Mamillopsis Web.<br />
Ces deux formes anorma<strong>les</strong> occupent des situations très<br />
différentes dans le tableau philogénique <strong>du</strong> groupe auquel<br />
el<strong>les</strong> se rattachent. Le premier, qui est une espèce déser-<br />
ticole, représenterait plutôt un prototype <strong>du</strong> genre, tandis<br />
que le second, qui est sylvicole, en serait le type le plus<br />
évolué.<br />
Epithelantha micromeris Web. (syn. : Mamillaria micromeris<br />
Engelm., Cactus micromeris O. Ktze., Echinocactus<br />
micromeris Web., Mamillaria Greggii Safford, Pelecyphora<br />
micromeris Poselger et Hildmann.) — Cette espèce, qui est<br />
une forme incertaine entre <strong>les</strong> Echinocactées et <strong>les</strong> Mamil-<br />
lariées, fut tour à tour rangée dans l’un et l’autre de ces
chapitRe xi 327<br />
groupes. La position aréolaire de ses fleurs, c’est-à-dire au<br />
sommet des jeunes mamelons et non à leur aisselle, en font<br />
une Echinocactée, mais sa forme globuleuse avec mamelons<br />
très petits, verruqueux, très rapprochés, à aréo<strong>les</strong> laineuses<br />
dans leur jeunesse et aiguillons nombreux, en font une<br />
Mamillariée ; aussi certains auteurs la rangent-ils parmi <strong>les</strong><br />
Eumamillariées Hydrochylées.<br />
L’Epithelantha micromeris est une petite espèce de 2 à<br />
3 centimètres, de forme globuleuse aplatie, présentant des<br />
mamelons très ré<strong>du</strong>its, verruqueux, très rapprochés, avec<br />
une aréole laineuse au début, mais devenant dans la suite<br />
glabre ; <strong>les</strong> aiguillons sont abondants, sétacés, blancs, plus<br />
longs et plus compacts sur <strong>les</strong> jeunes aréo<strong>les</strong> florifères. Les<br />
fleurs, petites, de couleur rose, apico<strong>les</strong>, sont insérées au<br />
sommet des jeunes mamelons et non à leur aisselle.<br />
Cette espèce se rencontre au Mexique, dans <strong>les</strong> États de<br />
Coahuila et de Chihuahua ; aux États-Unis, dans le Texas<br />
où on la signale sur <strong>les</strong> sommets et <strong>les</strong> versants des mon-<br />
tagnes avoisinant le Val Verde et El Paso del Norte.<br />
Mamillopsis senilis Web. (syn. : Mamillaria senilis<br />
Loddiges, Cactus senilis O. Ktze.). — Cette espèce, très remarquable<br />
par son bel aspect, possède une tige ellipsoïde, d’un<br />
vert clair, de 10 à 15 centimètres de long, subprolifère ; <strong>les</strong><br />
mamelons sont à aisselle glabre, de forme conique obtuse,<br />
avec aréo<strong>les</strong> tomenteuses. Les aiguillons donnent à cette<br />
Mamillariée un caractère très particulier qui la font faci-<br />
lement reconnaître ; ils sont longs de 2 à 5 centimètres, cri-<br />
niformes, blancs, flexib<strong>les</strong>, extrêmement abondants et s’en-<br />
trecroisent entre eux ; ceux qui occupent le centre <strong>du</strong> fais-<br />
ceau épineux sont un peu plus forts et présentent une ter-<br />
minaison franchement glochidiée. Ces aiguillons constituent<br />
autour de la tige une sorte de fourrure d’un blanc neigeux<br />
recouvrant complètement sa partie supérieure, ce qui a fait<br />
dire à Van Houtte 1 que c’était « la plus vêtue des Mamil-<br />
1. L. van houtte. — Flore des serres et des jardins de l’Europe, XXI,<br />
p. 27, 1875.
328 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
laires et que son manteau d’hermine était si épais que l’on<br />
pouvait difficilement juger de sa structure sous-jacente ».<br />
Lorsque ces aiguillons se dessèchent et tombent, ils arrivent<br />
à former sur <strong>les</strong> surfaces rocheuses un tapis feutré adhé-<br />
rent, qui permet à la plante de développer ses racines et<br />
d’utiliser ainsi ses propres déchets.<br />
La fleur <strong>du</strong> Mamillopsis est grande, rouge orangé ou<br />
violacée ; elle a une longueur de 6 à 7 centimètres avec un<br />
épanouissement corollaire à peu près égal en diamètre. Elle<br />
diffère de celle des autres espèces appartenant au même<br />
groupe par son tube allongé et squameux, par son limbe<br />
hypocratériforme, par ses étamines fasciculées, insérées en<br />
partie sur le tube. Cette fleur reste épanouie pendant plu-<br />
sieurs jours sans se refermer la nuit.<br />
Cette Mamillariée croît toujours au voisinage des crêtes<br />
montagneuses, à une altitude de 2.500 à 3.000 mètres ; sur<br />
ces stations exposées aux grandes lumières, aux frimas<br />
assez intenses et à une humidité à peu près constante, elle<br />
se développe soit en larges touffes gazonnantes, soit en<br />
agglomérations globuleuses, dans <strong>les</strong> concavités ou anfrac-<br />
tuosités des roches granitiques qu’el<strong>les</strong> finissent par combler<br />
d’un tapissement mousseux blanc argenté.<br />
Cette espèce, qui est exclusivement sylvicole, est remar-<br />
quable par son adaptation particulière au régime clima-<br />
tique qu’elle rencontre à ces altitudes où, au Mexique, ne<br />
croissent guère, comme essences forestières spontanées, que<br />
<strong>les</strong> Chênes et <strong>les</strong> Pins.<br />
Les régions de cet habitat sont, pendant une grande partie<br />
de l’année, exposées à des brumes et à des condensations<br />
de rosées souvent glacées, passagères il est vrai, mais cepen-<br />
dant assez fréquentes en saison sèche ; l’hiver à des gelées<br />
subites et même à de la neige, l’été à des pluies journalières<br />
orageuses et torrentiel<strong>les</strong>.<br />
Quoique certaines espèces d’Echinocereus, de Mamillariées,<br />
de Platyopuntia nains, puissent végéter vigoureusement<br />
sous des régimes climatiques souvent assez rigoureux,<br />
aucun de ces derniers ne paraît aussi bien agencé que le<br />
Mamillopsis senilis pour répondre aux conditions spécia<strong>les</strong>
chapitRe xi 329<br />
de la forêt des terres froides mexicaines. L’adaptation com-<br />
plète de cette plante à un tel milieu paraît <strong>du</strong>e en grande<br />
partie au dispositif singulier de ses aiguillons, qui vient<br />
constituer, autour des tiges et même des racines, une épaisse<br />
fourrure créant alors une ambiance suffisamment bien<br />
conditionnée pour soustraire l’ensemble de la plante aux<br />
influences extérieures.<br />
L’aire d’extension <strong>du</strong> Mamillopsis senilis ne paraît comprendre<br />
que <strong>les</strong> crêtes élevées de la Cordillière occidentale<br />
<strong>du</strong> Mexique ; <strong>du</strong> moins cette espèce, assez peu connue, n’a<br />
jusqu’ici été signalée qu’à la Sierra Madre de Durango et<br />
de Chihuahua, à la Sierra <strong>du</strong> Nayarit (Jalisco) et à la Sierra<br />
de Pluma (Oaxaca) 1 .<br />
considéRations suR l’habitat et la biologie des <strong>cactacées</strong><br />
globuleuses mexicaines. — Pour terminer ce qui est<br />
elatif à ces formes de Cactacées à tiges dépourvues d’ossature<br />
ligneuse interne, il est intéressant de faire ressortir par une<br />
comparaison biologique <strong>les</strong> adaptations climatiques et topo-<br />
graphiques que la nature semble avoir assignées aux Echi-<br />
nocactées et aux Mamillariées.<br />
Les Echinocactées sont toutes, <strong>du</strong> moins dans <strong>les</strong> formes<br />
norma<strong>les</strong>, des types confinés exclusivement aux terres<br />
chaudes ou tempérées ; aussi ne <strong>les</strong> voit-on pas, à part de<br />
très rares exceptions, étendre leur aire de dispersion à des<br />
altitudes trop élevées, ainsi qu’à des régions où parfois des<br />
frimas rigoureux peuvent régner pendant un certain temps.<br />
Ce sont des plantes xérophi<strong>les</strong>, pouvant atteindre parfois<br />
de très fortes proportions, qui se sont simplement adaptées<br />
à des climats désertiques toujours assez réguliers, comme<br />
ceux que l’on rencontre dans <strong>les</strong> steppes des plateaux de<br />
moyenne élévation et des plaines basses des régions tropi-<br />
ca<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong>, régions où pendant l’été la saison<br />
pluviale peut se manifester seulement par quelques rares<br />
et violents orages.<br />
Les Mamillariées, au contraire, sont pour la plupart de<br />
1. .J. G. oRtega l’a récolté en 1921 à la Sierra de Chabarra (Sinaloa).
330 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
très petits spécimens ; ils sont surtout originaires des pla-<br />
teaux centraux et septentrionaux <strong>du</strong> Mexique, ainsi que<br />
des plaines et montagnes rocheuses <strong>du</strong> sud des États-Unis,<br />
d’où ils semblent avoir émigré pour venir rayonner d’un<br />
côté sur la zone propre aux Echinocactées, d’un autre sur<br />
ces sommets et ces plaines alluvionnaires correspondant à<br />
ce que l’on appelle au Mexique <strong>les</strong> terres froides. Leur point<br />
de départ appartient donc alors en grande partie à ce do-<br />
maine où <strong>les</strong> Platyopuntia arborescents arrivent parfois à<br />
constituer d’épais bosquets, lequel est en même temps l’ha-<br />
bitat exclusif de ces Sténocactées et que l’on considère<br />
comme <strong>les</strong> termes de transition entre <strong>les</strong> Echinocactées et<br />
<strong>les</strong> Mamillariées, <strong>du</strong> moins quant à leurs formes norma<strong>les</strong>.<br />
En résumé, l’aire de dispersion géographique des Mamil-<br />
lariées est, comme on l’a vu au début de ce chapitre, confinée<br />
à l’Amérique septentrionale et centrale, y compris <strong>les</strong><br />
Antil<strong>les</strong> ; elle comprend alors comme limite extrême la zone<br />
à climat assez régulier des Echinocactées nord-américaines<br />
et celle parfois assez froide où <strong>les</strong> Platyopuntia n’arrivent<br />
plus à être représentées que par leurs formes plus ou moins<br />
atrophiées que l’on désigne vulgairement sous le nom de<br />
Nopa<strong>les</strong> rastreros.<br />
Un bon nombre d’espèces appartenant aux types nor-<br />
maux de Mamillariées peuvent supporter des climats à la<br />
fois chauds, froids et assez humides, sans que leur végéta-<br />
tion paraisse en souffrir d’une façon bien appréciable. Aussi<br />
ces derniers ont-ils pu jusqu’à un certain point végéter<br />
convenablement en pleine terre sous le régime climatique<br />
de l’Europe centrale, à la condition toutefois que le sol soit<br />
parfaitement drainé et exempt d’humidité stagnante. Par<br />
contre, certaines autres espèces appartenant pour la plu-<br />
part au groupe des formes aberrantes se sont tellement<br />
adaptées à des modes d’existence si spécialisés, qu’il est<br />
impossible, même dans leur pays d’origine, de <strong>les</strong> conserver<br />
en végétation lorsqu’on <strong>les</strong> transporte en dehors de leur<br />
milieu d’élection. Aussi ces dernières ont-el<strong>les</strong> été consi-<br />
dérées comme incultivab<strong>les</strong> si on ne leur fournit des condi-<br />
tions rigoureusement identiques à cel<strong>les</strong> qu’el<strong>les</strong> rencontrent
chapitRe xi 331<br />
dans la nature, à moins cependant qu’on y supplée par un<br />
artifice de l’horticulture tel, par exemple, que le greffage<br />
sur une Cactacée plus indifférente aux influences externes.<br />
Cela a réussi pour le Mamillaria senilis Web. qu’on a pu<br />
amener ainsi à bonne floraison en employant comme porte-<br />
greffe le Nyctocereus serpentinus Britt. et Rose.<br />
Pour <strong>les</strong> formes foncièrement désertico<strong>les</strong> comme la plu-<br />
part des Peyotes et des Peyotillos, il a fallu, pour une bonne<br />
réussite dans <strong>les</strong> entreprises de culture horticole, leur<br />
fournir un sol très meuble, très sec, et, de plus, donner à<br />
ces derniers une bonne chaleur de fond, afin qu’ils puissent<br />
retrouver là toutes <strong>les</strong> conditions vita<strong>les</strong> auxquel<strong>les</strong> ils ont<br />
été astreints par l’inclémence d’une nature soumise aux<br />
rigueurs d’une sécheresse excessive.<br />
L’exposé de ces quelques faits montre bien au point de<br />
vue biologique la différence qui existe entre <strong>les</strong> deux groupes<br />
de Cactiers globuleux sur le territoire mexicain.<br />
En résumé, <strong>les</strong> Echinocactées représentent la forme ances-<br />
trale qui s’est cantonnée dans <strong>les</strong> limites des climats régu-<br />
lièrement chauds et secs, tandis que <strong>les</strong> Mamillariées qui<br />
en dérivent ont acquis, par le fait de l’évolution, une consti-<br />
tution leur permettant d’étendre leur action aux régimes<br />
<strong>les</strong> plus variés et <strong>les</strong> plus dissemblab<strong>les</strong>, résultat qui pro-<br />
portionne à ces humb<strong>les</strong> représentants de la famille des<br />
Cactacées, la faculté de remplir un rôle de pionnier dans<br />
l’oeuvre de conquête et de fertilisation des terrains réfrac-<br />
taires à la végétation.
CHAPITRE XII<br />
EMPLOI DES CACTACÉES DANS LES CLÔTURES<br />
Généralités et avantages.— Opuntiées.— Pereskiopsis.— Céréées.<br />
— Clôtures mixtes. — Plantation d’une haie de Cactacées. —<br />
Cactacées servant de protection pour <strong>les</strong> crêtes des murs, <strong>les</strong><br />
toits des habitations, <strong>les</strong> champs ensemencés, <strong>les</strong> étab<strong>les</strong>.<br />
Les clôtures de propriétés à l’aide de haies de Cactacées<br />
sont couramment usitées au Mexique, principalement par<br />
<strong>les</strong> populations résidant sur <strong>les</strong> territoires sujets à des<br />
sécheresses de longue <strong>du</strong>rée.<br />
Le recours aux Cactacées pour la clôture des champs et<br />
des propriétés offre de précieux avantages, car non seule-<br />
ment ces plantes grasses fournissent des haies vives de<br />
très longue <strong>du</strong>rée, suffisamment défensives et bien impéné-<br />
trab<strong>les</strong>, mais encore el<strong>les</strong> font bénéficier <strong>les</strong> surfaces qu’el<strong>les</strong><br />
délimitent, de tous <strong>les</strong> profits que <strong>les</strong> Cactacées sont suscep-<br />
tib<strong>les</strong> d’apporter sur <strong>les</strong> terrains condamnés à l’aridité, ainsi<br />
que cela a été exposé au chapitre concernant le rôle des<br />
Cactacées dans la conquête végétale des déserts.<br />
De plus, grâce à la grande quantité de liquide dont sont<br />
gorgés leurs tissus, ces plantes grasses, lorsqu’el<strong>les</strong> sont<br />
disposées en alignements réguliers, se montrent très effi-<br />
caces pour opposer une barrière à la propagation des incen-<br />
dies dans <strong>les</strong> villages indigènes, où <strong>les</strong> habitations sont habi-<br />
tuellement rapprochées et parfois couvertes en chaume.<br />
Un fait certain et qui a été confirmé par l’expérience,<br />
c’est que <strong>les</strong> groupements de Cactacées résistent très bien à<br />
l’effet <strong>du</strong> feu pendant un temps assez prolongé, et cela sans<br />
que leur vitalité en soit compromise. Aussi a-t-on, à plu-<br />
sieurs reprises, proposé pour le littoral méditerranéen où
334 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
le Figuier de Barbarie s’est si bien naturalisé, d’avoir recours<br />
à cette plante pour établir des haies en cloisonnement<br />
au sein des forêts et des plantations de Pins, afin de pré-<br />
venir, dans une certaine mesure, <strong>les</strong> dévastations causées<br />
par <strong>les</strong> incendies aux moments de sécheresse.<br />
Quant à ce qui est des clôtures de Cactacées en pays<br />
arides où <strong>les</strong> pluies sont rares et où l’on maintient <strong>les</strong> cul-<br />
tures à l’aide d’irrigations, il est facile de concevoir que ce<br />
genre de clôture ne peut avoir qu’une influence heureuse.<br />
Car, en plus de l’ombre qu’el<strong>les</strong> peuvent fournir pendant<br />
quelques heures de la journée, ces haies vives s’opposent<br />
aux courants aériens sur <strong>les</strong> surfaces plus ou moins éten-<br />
<strong>du</strong>es qu’el<strong>les</strong> entourent, provoquant ainsi une stagnation de<br />
l’état hygrométrique de l’atmosphère, condition d’où forcé-<br />
ment résulteront des condensations de rosées aux heures<br />
où <strong>les</strong> effets <strong>du</strong> rayonnement nocturne viendront à se faire<br />
sentir.<br />
Toutes <strong>les</strong> espèces de Cactacées ne peuvent évidemment<br />
convenir à donner des sujets propres à constituer de bonnes<br />
clôtures ; il faut en premier lieu qu’el<strong>les</strong> soient susceptib<strong>les</strong><br />
d’acquérir une certaine élévation, qu’el<strong>les</strong> soient de crois-<br />
sance relativement rapide et, de plus, suffisamment rus-<br />
tiques pour résister aux causes habituel<strong>les</strong> de destruction.<br />
Aussi ces conditions ne peuvent guère être bien réalisées<br />
qu’avec certains spécimens appartenant aux Opuntiées et<br />
Céréées.<br />
clôtuRes avec opuntiées. — Dans le genre Opuntia, ce<br />
sont surtout <strong>les</strong> Platyopuntia qui fournissent <strong>les</strong> meilleurs<br />
sujets ou, <strong>du</strong> moins, ceux que l’on emploie le plus commu-<br />
nément. Dans ce sous-genre, <strong>les</strong> espèces auxquel<strong>les</strong> on a plus<br />
particulièrement recours sont <strong>les</strong> variétés très épineuses de<br />
l’O. Ficus-indica Mill. et de l’O. Tuna Mill.<br />
Dans certaines localités on emploie aussi l’O. Cardona<br />
Web. et le Nopalea Karwinskiana Schum.<br />
La première espèce a donné de bons résultats sur tout<br />
le littoral méditerranéen et, même là, lorsqu’on la plante au<br />
voisinage de la mer, elle se montre toujours très avanta-
chapitRe xii 335<br />
geuse, car, résistant aux embruns de l’eau salée, elle en<br />
protège <strong>les</strong> cultures qu’elle abrite ; de plus, <strong>les</strong> haies de cette<br />
Cactacée constituent un obstacle excellent contre la progres-<br />
sion et l’envahissement des sab<strong>les</strong> mouvants.<br />
Néanmoins, ces Nopals, parfaitement résistants aux causes<br />
de destructions, présentent des inconvénients assez graves<br />
qui, dans certaines circonstances, en limitent l’emploi.<br />
C’est d’abord le dispositif de leurs artic<strong>les</strong> qui, en s’entre-<br />
croisant, forment une multitude de recoins où peuvent se<br />
déposer et s’accumuler <strong>les</strong> poussières et <strong>les</strong> détritus de<br />
toutes sortes charriés constamment par <strong>les</strong> courants atmo-<br />
sphériques, ce qui, si l’on veut conserver la haie en bon état<br />
de propreté, nécessite des nettoyages, à moins que le pays<br />
ne soit suffisamment favorisé sous le rapport <strong>du</strong> régime<br />
pluvial. De plus, <strong>les</strong> Opuntia ont l’inconvénient de pro<strong>du</strong>ire<br />
des sétu<strong>les</strong> urticantes qui, sous l’action des remous aériens,<br />
se détachent facilement et peuvent rester quelque temps en<br />
suspension dans l’atmosphère, d’où peut alors résulter un<br />
danger assez grave pour <strong>les</strong> yeux et <strong>les</strong> organes respiratoires.<br />
Ensuite, <strong>les</strong> indivi<strong>du</strong>s que l’on choisit de préférence pour<br />
établir <strong>les</strong> meilleures haies, devant de préférence être pré-<br />
levés parmi <strong>les</strong> formes sauvages, ne peuvent donc convenir<br />
dans <strong>les</strong> localités où l’on cultive des Nopals sélectionnés<br />
pour la pro<strong>du</strong>ction fruitière. Car tous <strong>les</strong> Platyopuntia fleurissant<br />
à la même époque, il y a, de ce fait, toujours lieu de<br />
redouter <strong>les</strong> conséquences de fécondations croisées, ce qui,<br />
comme on l’a maintes fois constaté, entraîne fatalement la<br />
dégénérescence de la fructification chez <strong>les</strong> variétés sélec-<br />
tionnées.<br />
Enfin, un autre inconvénient pouvant encore résulter de<br />
l’emploi des haies d’Opuntia, est que ces derniers, plus que<br />
toutes <strong>les</strong> autres Cactacées, sont sujets à des infections<br />
parasitaires, parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on doit en première ligne<br />
placer <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong>. Ces insectes, relativement peu préju-<br />
diciab<strong>les</strong> aux formes sauvages de Platyopuntia, le sont au<br />
contraire excessivement pour cel<strong>les</strong> beaucoup plus délicates<br />
que l’on entretient en cultures régulières ; tel<strong>les</strong> sont, par<br />
exemple, ces variétés d’O. Ficus-indica pro<strong>du</strong>isant de gros
336 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
fruits, qui ne tardent pas à périr d’épuisement lorsqu’une<br />
invasion de Cochenil<strong>les</strong> vient à <strong>les</strong> contaminer. Aussi, dans<br />
<strong>les</strong> endroits où l’on fait la culture des Platyopuntia fruitiers,<br />
a-t-on grand soin de supprimer dans un certain périmètre<br />
toutes <strong>les</strong> formes sauvages qui peuvent s’y rencontrer, afin<br />
de sauvegarder non seulement la qualité de la pro<strong>du</strong>ction,<br />
mais aussi de mettre <strong>les</strong> plantes à l’abri de parasites désas-<br />
treux.<br />
clôtuRes avec peResKiopsis. — Parmi <strong>les</strong> Pereskiopsis,<br />
quelques espèces sont employées, dans certains endroits,<br />
pour faire des clôtures de propriétés ; el<strong>les</strong> fournissent alors<br />
des haies buissonnantes très propres, que l’on peut tailler<br />
comme on le fait avec tous <strong>les</strong> arbustes dont on se sert pour<br />
le même objet. Deux espèces sont remarquab<strong>les</strong> par la beauté<br />
et le lustre de leur frondaison : ce sont <strong>les</strong> P. spathulata<br />
Britt. et Rose et P. Chapistle Britt. et Rose ; leur emploi cependant<br />
est très localisé et ne s’étend pas au delà des régions<br />
<strong>les</strong> pro<strong>du</strong>isant spontanément.<br />
Le premier est particulier au sud de l’État de Jalisco et<br />
le second à l’État de Oaxaca. Quoique très voisines, ces deux<br />
espèces se distinguent facilement l’une de l’autre à première<br />
vue par leur allure. Le P. spathulata présente des rameaux<br />
flexueux et décumbants, tandis qu’ils sont droits, rigides et<br />
presque toujours ascendants chez le P. Chapistle.<br />
P. spathulata Britt. et Rose (syn. : Opuntia spathulata<br />
Web., Pereskia spathulata Otto, P. crassicaulis Zucc.). —<br />
Cette espèce, que l’on désigne vulgairement sous le nom de<br />
Patilon, se présente, lorsqu’elle croît isolée, sous une allure<br />
arbustive, de 1 à 2 mètres de hauteur, offrant une tige<br />
centrale bien lignifiée, de 3 à 4 centimètres de diamètre, de<br />
couleur glaucescente au début, mais devenant dans la suite<br />
brunâtre à mesure qu’elle vieillit. Cette tige centrale donne<br />
lieu à de nombreux rameaux décombants qui se couvrent<br />
de feuil<strong>les</strong> spatulées ou lancéolées d’un beau vert lustré,<br />
dont la dimension varie entre 3 et 8 centimètres de longueur<br />
sur 2 à 3 de largeur. Les aréo<strong>les</strong> sont tomenteuses et assez
chapitRe xii 337<br />
espacées ; el<strong>les</strong> donnent naissance, à leur partie inférieure,<br />
à un ou deux aiguillons barbelés très acérés, et à leur partie<br />
supérieure à des sétu<strong>les</strong> brunâtres (fig. 27).<br />
Les fleurs sont rouges ou rosées ; le fruit est allongé, de<br />
4 à 5 centimètres de longueur sur 2 de diamètre ; il est vert,<br />
jaunâtre ou rougeâtre, et porte des pinceaux de sétu<strong>les</strong> bar-<br />
belées ; il n’est pas comestible.<br />
Les haies de Patilon se font par boutures avec la tige<br />
centrale dont on plante des fragments d’environ un mètre<br />
de longueur, à des interval<strong>les</strong> assez rapprochés ; <strong>les</strong> rameaux<br />
qui surgissent dans la suite sont décombants et finissent,<br />
en s’allongeant, par garnir <strong>les</strong> parties basses de la bouture,<br />
de façon à donner une haie buissonnante.<br />
Comme distribution géographique cette Opuntiée n’a<br />
jusqu’ici été signalée que dans le sud de l’État de Jalisco ;<br />
elle est particulièrement commune dans la grande vallée où<br />
se trouvent <strong>les</strong> lacs de Tizapam, Zacoalco et Zapotlan ; il y<br />
a même dans cette région une localité portant le nom de<br />
Los patilones.<br />
P. Chapistle Britt. et Rose (syn. : Opuntia Chapistle<br />
Web.). — Ce Pereskiopsis, beaucoup plus robuste que le<br />
précédent, offre une tige centrale qui, chez une forme bien<br />
a<strong>du</strong>lte, peut former un tronc de 1 m. 50 de hauteur sur un<br />
diamètre dépassant une vingtaine de centimètres. Les ra-<br />
meaux qui partent de ce fût sont droits ainsi que <strong>les</strong> jeunes<br />
pousses qui atteignent à leur naissance un diamètre d’en-<br />
viron 1 centimètre ; l’épiderme de ces dernières est lisse,<br />
sans trace de pubescence ; il est d’abord d’une couleur<br />
glauque, tendant, dans la suite, à devenir uniformément<br />
grisâtre. Les aréo<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong>, distantes <strong>les</strong> unes des<br />
autres, garnies d’un tomentum grisonnant dont émergent<br />
quelques rares et courtes sétu<strong>les</strong> glochidiées de teinte gri-<br />
sâtre. Sur <strong>les</strong> pousses suffisamment aoûtées, surgit un grand<br />
aiguillon unique, long de 6 à 10 centimètres, blanc verdâtre<br />
ou grisâtre, quelque peu strié longitudinalement, presque<br />
toujours inséré à angle droit sur le rameau. Cet aiguillon,<br />
bien rigide et légèrement flexueux, est mis à contribution,<br />
22
338 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
dans le pays, pour servir d’épingle ; il est même ven<strong>du</strong> pour<br />
cet objet par petits paquets sur <strong>les</strong> marchés à la ville de<br />
Oaxaca ; <strong>les</strong> femmes indigènes <strong>les</strong> utilisent couramment en<br />
guise d’épingle pour leurs ouvrages de dentellerie. Les<br />
feuil<strong>les</strong> qui garnissent <strong>les</strong> rameaux sont subsessi<strong>les</strong>, char-<br />
nues, épaisses de 4 à 5 millimètres, d’un beau vert clair<br />
lustré ; el<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong>, acuminées aux deux extrémités<br />
et mesurent 5 centimètres de longueur sur 35 millimètres<br />
de largeur. Les fleurs, d’après le dire des indigènes,<br />
varient de coloris entre le jaune et le rose ; quelques-unes<br />
sont panachées, <strong>les</strong> fruits sont rouges et recouverts plus ou<br />
moins de sétu<strong>les</strong> 1 .<br />
Le D r Weber, qui étudia cette espèce peu de temps avant<br />
sa mort, la considérait comme très voisine <strong>du</strong> Pereskiopsis<br />
opuntiæflora Britt. et Rose, décrit par de Candolle sous le<br />
nom de Pereskia opuntiæflora (Prodrome III, p. 475).<br />
L’éten<strong>du</strong>e de l’aire de dispersion de ce Pereskiopsis n’a<br />
pas été jusqu’ici déterminée ; on le rencontre communément<br />
à l’état sauvage et cultivé dans le cours supérieur de la<br />
vallée de Oaxaca et dans la Basse-Mixtèque, où il est employé<br />
très souvent pour faire de bel<strong>les</strong> haies vives, dont on peut<br />
voir même de beaux spécimens dans <strong>les</strong> faubourgs de la<br />
ville de Oaxaca (fig. 86 et 94).<br />
clôtuRes avec céRéées. — De nombreuses espèces de<br />
Céréées peuvent concourir pour l’établissement de clôtures<br />
de propriétés, et pour cet objet on se sert indifféremment,<br />
suivant <strong>les</strong> localités, de Cardones et de Pitayos ; le principal<br />
est d’avoir des tiges bien érigées et autant que possible<br />
bien rectilignes. Aussi chacune des contrées mexicaines<br />
présente-t-elle souvent ces particularités avec <strong>les</strong> espèces<br />
employées.<br />
Comme éléments de clôture, <strong>les</strong> Céréées se montrent, dans<br />
la plupart des cas, beaucoup plus avantageuses que <strong>les</strong><br />
Opuntiées, car, plantées côte à côte, el<strong>les</strong> forment des haies<br />
1. R. Roland-gosselin. — Œuvres posthumes <strong>du</strong> D r Weber (Bulletin<br />
<strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, X, p. 382, 1904).
Fig. 86. — Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose.<br />
Noms vulgaires : Chapistle, Tzompahuiztli.<br />
Environs de Oaxaca
340 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
droites, s’adaptant à un alignement parfait et ayant tout<br />
au plus, lorsqu’el<strong>les</strong> ne sont pas ramifiées, l’épaisseur et la<br />
bonne hauteur d’un mur ordinaire.<br />
En général, on dispose, suivant <strong>les</strong> besoins, <strong>les</strong> plants de<br />
Céréées de deux façons ; lorsqu’il s’agit simplement d’en-<br />
tourer une habitation et ses dépendances, tels qu’un jardin<br />
ou une cour, et par là d’économiser le terrain, on se sert<br />
d’une simple palissade composée de tiges placées côte à<br />
côte ; mais lorsqu’on veut enclore un champ assez vaste de<br />
culture ou de pâturage, on a recours à des sujets capab<strong>les</strong><br />
d’offrir un abri ou un ombrage plus important ; on se sert<br />
alors d’espèces susceptib<strong>les</strong> de se développer en candélabre.<br />
Mais comme ces Cactacées ne se rejoignent que par leur<br />
partie ramifiée, on est alors obligé de garnir <strong>les</strong> espaces<br />
situés au-dessous de la ramification par des murs en pierres<br />
sèches ou par des arbrisseaux formant broussail<strong>les</strong>, à moins<br />
que l’on bouture <strong>les</strong> tiges de Céréées sur des talus assez<br />
élevés.<br />
C’est ainsi que l’on emploie, suivant <strong>les</strong> localités, <strong>les</strong><br />
Lemaireocereus griseus Britt. et Rose, L. queretaroensis<br />
Safford, L. stellatus Britt. et Rose, L. Thurberi Britt. et<br />
Rose, L. Weberi Britt. et Rose, Pachycereus Pringlei Britt.<br />
et Rose, P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />
Quoique la plupart des Céréées, lorsqu’el<strong>les</strong> présentent<br />
des tiges suffisamment rectilignes, puissent servir à faire des<br />
clôtures, deux espèces surtout se recommandent par leur<br />
rapidité de croissance et la rectitude de leurs tiges, et si<br />
leur emploi ne s’est pas généralisé à toutes <strong>les</strong> régions mexi-<br />
caines possédant un même climat, c’est uniquement à ce<br />
que l’on a recours, faute de transports faci<strong>les</strong>, aux formes<br />
<strong>les</strong> plus appropriées qui se rencontrent à l’état sauvage<br />
dans la région.<br />
Ces deux espèces sont le Pachycereus marginatus Britt.<br />
et Rose et le Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose ; le<br />
premier se rencontre sur presque tout le plateau central <strong>du</strong><br />
Mexique, le second sur une région très localisée au sud<br />
de l’État de Puebla.
Fig. 87. — Pachycereus marginatus Britt. et Rose<br />
croissant à l’état sauvage.<br />
Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).
342 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Pachycereus marginatus Britt. et Rose (syn. : Cereus marginatus<br />
DC., C. gemmatus Zucc., C. incrustatus Otto, C. Mirbelii<br />
Hort., C. cupulatus Hort). — Ce cierge est une des<br />
espèces <strong>les</strong> plus anciennement signalées comme servant à<br />
faire des haies vives ; <strong>les</strong> indigènes lui appliquent plus parti-<br />
culièrement qu’à tout autre de ses congénères à tiges dressées,<br />
le nom d’Organo, parce qu’il rappelle assez bien, lorsqu’il<br />
est placé en alignement régulier, le dispositif des tuyaux<br />
d’un jeu de grandes orgues.<br />
Le P. marginatus, lorsqu’il croît à l’état sauvage, se présente<br />
sous deux aspects différents : c’est tantôt une plante<br />
se ramifiant au ras <strong>du</strong> sol en formant une touffe de tiges<br />
parallè<strong>les</strong>, peu espacées <strong>les</strong> unes des autres, tantôt une<br />
forme parfaitement arborescente, pourvue d’un tronc aux<br />
contours assez irréguliers et quelque peu difforme, mesu-<br />
rant environ 1 mètre à 1 m. 50 de hauteur sur un diamètre<br />
d’une trentaine de centimètres, <strong>du</strong>quel part une première<br />
ramification presque horizontale d’où surgissent des rejets<br />
bien dressés, parallè<strong>les</strong>, de même diamètre et assez espacés<br />
<strong>les</strong> uns des autres, qui peuvent atteindre 2 mètres d’élon-<br />
gation sans présenter souvent la moindre ramification<br />
(fig. 87).<br />
Les rameaux <strong>du</strong> P. marginatus poussent toujours très<br />
droits ; ils sont, ainsi que la partie <strong>du</strong> fût dont ils émergent,<br />
fort peu lignifiés ou tout au plus pourvus d’un bois mou et<br />
peu consistant, ce qui donne à toute la plante une certaine<br />
flexibilité qui lui permet de résister aux effets des bour-<br />
rasques. Ces rameaux, toujours d’un vert lustré dans <strong>les</strong><br />
parties jeunes, sont obtus à leur sommet ; ils offrent de<br />
cinq à sept côtes également à crête obtuse, séparées par des<br />
sillons aigus qui, ainsi que <strong>les</strong> côtes, finissent par s’effacer,<br />
de sorte que la tige en vieillissant devient plus ou moins<br />
cylindrique. Les aréo<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong> et légèrement con-<br />
fluentes ; el<strong>les</strong> sont garnies d’un tomentum court et épais<br />
qui tend, vu le rapprochement des aréo<strong>les</strong> chez <strong>les</strong> parties<br />
jeunes, à couvrir la crête des côtes ; ce tomentum, ainsi que<br />
<strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, disparaissent avec l’aplatissement des côtes.<br />
Les faisceaux épineux sont constitués par cinq à huit
Fig. 88. — Clôture d’une propriété indigène avec le Pachycereus marginatus Britt. et Rose.<br />
Dans un village de la Vallée de Oaxaca.
344 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
aiguillons radiants assez courts, dont un central d’environ<br />
1 centimètre de longueur ; ils sont subca<strong>du</strong>cs et s’éliminent<br />
au moment de la disparition des aréo<strong>les</strong>. Les fleurs sont<br />
tubuleuses, charnues, de 3 à 4 centimètres de long sur 1 de<br />
large ; el<strong>les</strong> sont d’une couleur variant entre le rosé, le rouge<br />
brun et le verdâtre. Le fruit est globuleux, d’un diamètre de<br />
4 centimètres, de couleur jaunâtre ou rougeâtre, couvert<br />
d’aiguillons ca<strong>du</strong>cs et contenant une pulpe insipide non<br />
comestible.<br />
L’aire de dispersion de ce Cierge est assez éten<strong>du</strong>e et<br />
comprend une grande partie <strong>du</strong> massif central mexicain ;<br />
on le rencontre végétant spontanément dans <strong>les</strong> États de<br />
San Luis Potosi, Hidalgo, Queretaro, Guanajuato, Mexico,<br />
Puebla, Oaxaca.<br />
Pour faire une haie bien conditionnée, on choisit d’assez<br />
jeunes rameaux, non encore bien aoûtés, d’une longueur<br />
pouvant aller de 50 centimètres à 1 mètre et on <strong>les</strong> plante<br />
le plus rapprochés <strong>les</strong> uns des autres et souvent sur deux<br />
rangées, de façon à obtenir une palissade complètement<br />
close. Lorsque le terrain convient à ces boutures, el<strong>les</strong><br />
croissent rapidement et peuvent souvent, lorsqu’el<strong>les</strong> sont<br />
bien enracinées, s’allonger facilement de 1 mètre dans le<br />
cours d’une année.<br />
Ce système de plantation à tout touche convient très bien à<br />
cette espèce de Cierge, car <strong>les</strong> tiges placées <strong>les</strong> unes contre<br />
<strong>les</strong> autres se trouvent forcées de s’élever ; el<strong>les</strong> peuvent<br />
donc, grâce à leur appui mutuel, acquérir une élongation de<br />
5 à 6 mètres (fig. 88, 89), ce qui ne peut avoir lieu lorsqu’el<strong>les</strong><br />
croissent isolément ; leur taille alors ne passant guère<br />
2 mètres sans se ramifier.<br />
Les clôtures de P. marginatus convenablement entretenues<br />
offrent un aspect très propre et très agréable à la<br />
vue, car l’épiderme des tiges étant d’un vert clair bien lustré,<br />
il en résulte que leur surface ne donnant aucune prise aux<br />
poussières, se conserve toujours d’une netteté parfaite.<br />
Les clôtures faites avec ce Cierge ne demandent que peu<br />
d’entretien pour être maintenues en bon état ; lorsque parfois<br />
quelques-uns de leurs éléments constituants se comportent
Fig. 89. — Clôture de Pachycereus marginatus Britt. et Rose.<br />
Au village de Xoxo (État de Oaxaca).
346 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
d’une façon irrégulière, il suffit, pour rétablir l’harmonie<br />
de la palissade, de supprimer ces sujets défectueux et de<br />
<strong>les</strong> remplacer par d’autres choisis dans de meilleures condi-<br />
tions de végétation.<br />
Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
Hollianus Web., C. bavosus Web., C. degratispinus Hildm.,<br />
C. brachiatus Hort.). — Dans une partie assez restreinte de<br />
l’État de Puebla, on emploie aux mêmes fins que le Pachycereus<br />
marginatus Britt. et Rose, le Lemaireocereus Hollianus<br />
Britt. et Rose.<br />
Les indigènes désignent ce Cierge sous le nom verna-<br />
culaire de Baboso, parce que toutes <strong>les</strong> parties de la plante,<br />
aussi bien <strong>les</strong> tiges que <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits, exsudent,<br />
lorsqu’on <strong>les</strong> b<strong>les</strong>se ou <strong>les</strong> écrase, un suc visqueux et gluant.<br />
Les tiges sont simp<strong>les</strong> et rarement ramifiées ; cependant<br />
lorsque ces dernières sont bouturées isolément et aban-<br />
données à el<strong>les</strong>-mêmes, el<strong>les</strong> finissent par former une touffe<br />
en se constituant un tronc qui, peu à peu, se lignifie et<br />
atteint environ 1 m. 50 de hauteur sur 30 centimètres de<br />
diamètre, d’où partent des ramifications toujours droites,<br />
parallè<strong>les</strong> et peu écartées <strong>les</strong> unes des autres ; le tout<br />
prend alors une forme arborescente pouvant atteindre<br />
8 à 10 mètres de hauteur (fig. 90).<br />
Le tronc, lorsqu’il a acquis son entier développement,<br />
fournit un bois assez mou, mais cependant suffisamment<br />
compact pour être parfois employé dans la menuiserie<br />
locale. Les rameaux se rétrécissent faiblement vers leur<br />
sommet qui est arrondi et pourvu de nombreux aiguillons<br />
courts, entre <strong>les</strong>quels la laine est à peine visible. Les tiges<br />
anciennes prennent une teinte grisâtre uniforme ; <strong>les</strong> jeunes<br />
rameaux sont vert sombre et ont 5 à 6 centimètres de dia-<br />
mètre et présentent huit à neuf côtes séparées par des<br />
sillons aigus. Les côtes sont à peine comprimées ; el<strong>les</strong> dispa-<br />
raissent progressivement à mesure que <strong>les</strong> tiges deviennent<br />
cylindriques par suite de leur vieillissement. Les aréo<strong>les</strong><br />
sont circulaires, peu profondes, d’un diamètre d’environ<br />
1 centimètre, pourvues d’un tomentum clairsemé, ca<strong>du</strong>c.
Fig. 90 — Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose.<br />
Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).
348 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les aiguillons sont infléchis, toujours assez longs et grê<strong>les</strong> ;<br />
certains peuvent atteindre une longueur de 20 centimètres.<br />
La fleur est grande et acquiert facilement 25 centimètres ;<br />
elle est d’un blanc rosé et apparaît toujours au sommet des<br />
tiges. Le fruit est ovoïde, d’une dizaine de centimètres dans<br />
son plus grand diamètre ; sa couleur est rouge obscur ; il<br />
n’est pas comestible.<br />
Ce que ce Cierge a de remarquable, c’est sa prodigieuse<br />
puissance végétative ; ses rameaux qui, en l’espace d’une<br />
année, peuvent parfois s’allonger de plus d’un mètre, pos-<br />
sèdent la curieuse faculté, lorsqu’ils sont détachés de la<br />
souche mère et tombés sur le sol, d’émettre des racines<br />
adventives et de faire surgir perpendiculairement sur leur<br />
longueur un certain nombre de rejets vigoureux (fig. 91).<br />
Cette particularité biologique inhérente au L. Hollianus<br />
n’avait pas échappé à l’observation des indigènes ; aussi<br />
n’ont-ils pas manqué d’en tirer parti lorsqu’il s’est agi de<br />
constituer des haies de ce Cierge dans <strong>les</strong> meilleures condi-<br />
tions possib<strong>les</strong>. Aussi, au lieu de bouturer directement des<br />
rameaux comme on le fait avec <strong>les</strong> autres Cierges, on com-<br />
mence par étendre sur le sol un certain nombre de fragments<br />
de tiges, puis, lorsque cel<strong>les</strong>-ci ont pro<strong>du</strong>it des rejets de la<br />
dimension voulue, on <strong>les</strong> divise en un certain nombre de<br />
tronçons que l’on dispose en alignement et que l’on recouvre<br />
ensuite de terre sèche jusqu’au niveau <strong>du</strong> point d’émergence<br />
des jeunes rameaux. Ainsi plantés, ces derniers s’accroissent<br />
rapidement et peuvent, l’année même de leur plantation,<br />
donner une haie d’au moins 1 mètre de hauteur.<br />
Les haies faites avec ce Cierge, sans avoir la même pro-<br />
preté et le même bel aspect que cel<strong>les</strong> faites avec le Pachycereus<br />
marginatus, n’en présentent pas moins des avantages<br />
qui compensent largement leur manque de qualité<br />
ornementale ; el<strong>les</strong> sont le croissance beaucoup plus rapide<br />
et de plus, grâce aux longs aiguillons dont sont pourvus<br />
leurs éléments, el<strong>les</strong> sont sérieusement défensives.<br />
Si l’utilisation <strong>du</strong> Lemaireocereus Hollianus ne s’est pas<br />
plus généralisée sur <strong>les</strong> régions où on a l’habitude d’em-<br />
ployer <strong>les</strong> Cierges comme clôture de propriété, cela doit tenir
Fig. 91. — Rameaux de Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose tombés sur le sol<br />
et s’enracinant d’eux-mêmes en émettant de place en place des bourgeons verticaux.<br />
Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).
350 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
à la nature des terrains qu’il semble affectionner et, de plus,<br />
à sa localisation paraissant assez restreinte dans un pays<br />
où l’on n’utilise, comme on l’a vu plus haut, que des espèces<br />
se rencontrant toujours à pied-d’oeuvre.<br />
L’éten<strong>du</strong>e de la zone de répartition <strong>du</strong> L. Hollianus reste<br />
jusqu’ici indéterminée ; on signale cette espèce comme étant<br />
abondante sur <strong>les</strong> sols très calcaires <strong>du</strong> sud de l’État de<br />
Puebla, comme par exemple la région de Tehuacan et prin-<br />
cipalement auprès de la petite ville de Zapotitlan de las<br />
Salinas, où il est à peu près la seule essence servant à<br />
enclore <strong>les</strong> propriétés villageoises.<br />
Dans <strong>les</strong> États de Puebla et de Oaxaca, le Pachycereus<br />
marginatus et le Lemaireocereus Hollianus ne sont pas<br />
exclusivement employés à faire des haies vives ; lorsqu’il<br />
s’agit de ces grandes clôtures à ombrages dont on a recours<br />
pour l’entourage de champs de culture ou de pâturage, on<br />
préfère alors se servir des espèces appartenant au groupe<br />
des Pitayos et des Cardones.<br />
Comme pour ces derniers on a l’embarras <strong>du</strong> choix, on<br />
choisit de préférence des espèces susceptib<strong>les</strong> de quelque<br />
rapport en fait de pro<strong>du</strong>its économiques. C’est ainsi que<br />
pour <strong>les</strong> Pitayos, on se sert des Lemaireocereus griseus et<br />
L. stellatus, qui donnent une abondante fructification dont<br />
la récolte fournit à époque constante un article de vente sur<br />
tous <strong>les</strong> marchés de la région.<br />
Le L. stellatus, que l’on désigne vulgairement sous le nom<br />
de Pitayo xoconostle, grâce à ses tiges très longues et toujours<br />
bien rectilignes, peut encore se prêter à la consti-<br />
tution de palissades de peu d’épaisseur, comme cel<strong>les</strong> qui<br />
sont exécutées avec le Pachycereus marginatus et le Lemaireocereus<br />
Hollianus (fig. 92).<br />
Parmi <strong>les</strong> Cardones, c’est le Lemaireocereus Weberi qui<br />
est le plus employé ; ce Cierge, qui peut atteindre avec l’âge<br />
de vastes proportions, fournit avec son tronc, lorsqu’il est<br />
complètement lignifié, un bois <strong>du</strong>r et compact qui trouve<br />
son application dans la charpente et la menuiserie locale<br />
(fig. 93).<br />
Sur le versant <strong>du</strong> Pacifique, on emploie encore comme
Fig. 92 — Clôture faite avec le Lemaireocereus stellatus Britt. et Rose.<br />
(D’après une photographie de la collection Weber).<br />
Dans un village de l’État de Oaxaca.
352 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Pitayo de clôture <strong>les</strong> Lemaireocereus queretaroensis Safford<br />
(Jalisco, Michoacan) et le L. Thurberi Britt. et Rose<br />
(Sonora, Sinaloa, Basse-Californie).<br />
Dans la même région, <strong>les</strong> Cardones presque exclusivement<br />
utilisés pour <strong>les</strong> clôtures sont <strong>les</strong> Pachycereus Pringlei Britt.<br />
et Rose et P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose ; ces deux<br />
espèces de Cierges géants sont d’un emploi très courant sur<br />
toute la côte Pacifique depuis le nord de l’État de Sonora<br />
jusqu’à l’Isthme de Tehuantepec.<br />
clôtuRes mixtes. — Souvent on fait des haies composites<br />
avec différents genres et espèces de Cactacées (Pereskiopsis,<br />
Opuntia, Cierges érigés ou rampants, Cactacées globuleuses)<br />
auxquel<strong>les</strong> on associe certains arbres, arbustes et lianes ; on<br />
arrive alors, lorsque tout est bien ordonné, à réaliser des<br />
haies parfois d’un bel effet ornemental (fig. 94).<br />
Dans ces conditions, on place des formes érigées ou à<br />
ramification désordonnée, comme par exemple <strong>les</strong> Pereskiopsis<br />
et <strong>les</strong> Nopalea, dans l’intérieur <strong>du</strong> fourré, de façon<br />
à constituer une ossature maintenant le tout et le rendant<br />
en même temps impénétrable. Quant aux Cactacées globu-<br />
leuses, lorsqu’on <strong>les</strong> fait entrer dans la combinaison, on<br />
<strong>les</strong> place en bor<strong>du</strong>re afin de combler <strong>les</strong> vides qui pourraient<br />
se trouver à la base de la haie ; c’est ce que l’on fait par<br />
exemple dans l’État de Oaxaca avec le Neomamillaria Karwinskiana<br />
Britt. et Rose.<br />
On fait encore des haies mixtes en intercalant des Cierges<br />
avec des arbres à fût bien dressé et de croissance rapide<br />
dont on peut ensuite exploiter le bois ; c’est ainsi par exemple<br />
que sur <strong>les</strong> plaines <strong>du</strong> versant Pacifique, on utilise ce genre<br />
de clôture en alternant le Pachycereus Pringlei Britt. et<br />
Rose avec des Cedrela ou encore des Erythrines, dont le<br />
bois est d’un usage courant dans cette région et constitue<br />
même un article d’exportation (fig. 95).<br />
plantation d’une haie de <strong>cactacées</strong>. — Les plantations<br />
de ces haies se font toujours par bouturage direct ou par<br />
repiquage de boutures suivant <strong>les</strong> espèces employées. Les
23<br />
Fig. 93. — Route passant entre deux clôtures de Lemaireocereus Weberi Britt. et Rose.<br />
San Sebastian Zinacatepec (État de Puebla).
354 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
boutures doivent, à quelque espèce qu’el<strong>les</strong> appartiennent,<br />
être toujours bien cicatrisées au point où on <strong>les</strong> a sec-<br />
tionnées, et cela pour éviter la pourriture qui, au contact<br />
<strong>du</strong> sol plus ou moins humide, risquerait d’envahir toute la<br />
tige et la ferait périr.<br />
Les bouturages doivent presque toujours se faire sur<br />
des talus plus ou moins élevés ou sur des déclivités de<br />
terrain, afin d’éviter une terre trop humide à la partie de<br />
la plante où doivent se développer <strong>les</strong> racines ; cela est<br />
important, surtout dans <strong>les</strong> régions où ont lieu des saisons<br />
pluvieuses régulières.<br />
Pour le bouturage des Opuntia qui se fait avec de<br />
simp<strong>les</strong> artic<strong>les</strong> ou tout au plus avec des rameaux de deux<br />
ou trois de ces derniers, comme leur enracinement et leur<br />
entrée en végétation se font très lentement, on a souvent<br />
recours à la pépinière sur un sol de rocaille ou de terre<br />
appropriée, afin de mettre en place des spécimens de bonne<br />
dimension et en excellente voie de végétation. Dans le cas<br />
où l’on est obligé de planter <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> à l’endroit où doit<br />
se faire la haie, on protège <strong>les</strong> boutures pendant un temps<br />
plus ou moins long à l’aide de branches sèches et autant que<br />
possible épineuses, ou encore on <strong>les</strong> adosse à un mur en<br />
pierre sèche, que l’on supprime lorsque <strong>les</strong> plants ont atteint<br />
la taille voulue. Ces modes de protection sont nécessaires<br />
pour garantir <strong>les</strong> nouveaux plants contre <strong>les</strong> multip<strong>les</strong><br />
causes de destruction auxquel<strong>les</strong> ils sont sujets, et princi-<br />
palement contre <strong>les</strong> animaux herbivores qui, en général, sont<br />
très friands de ces Cactacées à pulpe comestible, et cela<br />
malgré la défense épineuse dont ils sont armés.<br />
Les clôtures avec <strong>les</strong> Cierges demandent en général moins<br />
de soins à leur début, car comme on emploie des fragments<br />
de tiges ayant de 1 mètre à 1 m. 50 de longueur, on n’a<br />
pas à attendre pour obtenir une haie de hauteur conve-<br />
nable. Comme la pulpe des Cierges n’est pas comestible et<br />
qu’elle est même parfois toxique, ou au moins de saveur<br />
amère ou désagréable, <strong>les</strong> haies de Cierges n’ont pas besoin<br />
d’être protégées contre <strong>les</strong> déprédations que peuvent causer<br />
<strong>les</strong> herbivores. Enfin, comme <strong>les</strong> rameaux ont tous le même
Fig. 94. — Clôture composite faite en grande partie de Pachycereus marginatus Britt. et Rose,<br />
de Nopalea Karwinskiana Schum. et de Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose.<br />
Dans un faubourg de Oaxaca
356 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
diamètre et que ce dernier n’augmente pas lors de la crois-<br />
sance, on peut <strong>les</strong> disposer <strong>les</strong> uns contre <strong>les</strong> autres sans<br />
qu’ils se nuisent dans leur développement. La seule pré-<br />
caution qu’il y ait à prendre lorsqu’on établit une palissade<br />
de Cierges, est de veiller à ce que <strong>les</strong> boutures se main-<br />
tiennent dans une bonne position jusqu’à ce que l’enra-<br />
cinement qui doit <strong>les</strong> fixer au sol soit achevé.<br />
Les boutures, surtout cel<strong>les</strong> d’une certaine taille, de-<br />
mandent à être plantées un peu profondément pour conserver<br />
la position verticale et résister à la poussée des vents ; dans<br />
cette condition il y a à craindre que <strong>les</strong> parties charnues<br />
trop profondément enterrées arrivent à subir une fermen-<br />
tation qui, progressivement, entraînerait la pourriture de<br />
tout le sujet. Pour obvier à cet inconvénient, on se contente<br />
habituellement d’enterrer à peine la bouture et de la main-<br />
tenir en position verticale en l’appuyant sur une ou deux<br />
traverses horizonta<strong>les</strong> que l’on fixe à une certaine hauteur<br />
à l’aide de piquets ; ce procédé convient très bien pour le<br />
Pachycereus marginatus qui est de croissance rapide.<br />
Pour <strong>les</strong> espèces à croissance lente comme cel<strong>les</strong> appar-<br />
tenant au groupe des Cardones et dont <strong>les</strong> tiges sont pourvues<br />
d’une forte lignification axiale, <strong>les</strong> indigènes ont par-<br />
fois recours à un procédé aussi simple qu’ingénieux et qui<br />
permet, sans faire usage d’aucun appareil de soutien, de<br />
maintenir <strong>les</strong> boutures en parfaite position verticale. Le<br />
procédé consiste à dénuder, sur une longueur de 20 à 30 cen-<br />
timètres, <strong>les</strong> faisceaux ligneux qui occupent la partie mé-<br />
diane <strong>du</strong> rameau ; ceux-ci, démunis de leur pulpe, viennent<br />
alors constituer une sorte de tuteur que l’on enfonce dans<br />
le sol jusqu’au ras de la partie charnue, qui est ensuite<br />
chaussée avec de la terre sèche ou <strong>du</strong> sable.<br />
<strong>cactacées</strong> employées comme moyens de pRotection. —<br />
Les crêtes des murs peuvent être efficacement préservées<br />
contre l’escalade par la plantation à leur sommet de cer-<br />
taines Cactacées à souche basse et traçante ; tels sont par<br />
exemple chez <strong>les</strong> Platyopuntia, ceux que l’on nomme Nopa<strong>les</strong><br />
rastreros et chez <strong>les</strong> Cylindropuntia ces formes extrêmement
Fig. 95. — Clôture de Pachycereus Pringlei Britt. et Rose<br />
entremêlé d’Erythrina et de Cedrela.<br />
Acatlan (État de Oaxaca).
358 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
épineuses à touffes gazonnantes, dont l’Opuntia tunicata<br />
Link et Otto est le type le plus connu.<br />
Quelquefois on emploie encore pour ce but <strong>les</strong> Cierges<br />
triangulaires qui, quoique peu ou point épineux, forment<br />
sur le sommet des murs des couronnements tellement<br />
touffus qu’ils deviennent complètement inaccessib<strong>les</strong> aux<br />
animaux grimpeurs (fig. 61 et 64).<br />
Les artic<strong>les</strong> d’Opuntia séparés de leur souche sont fréquemment<br />
employés comme moyen de protection ; c’est ainsi<br />
que pour empêcher le séjour des vautours zopilotes sur <strong>les</strong><br />
toitures des habitations rura<strong>les</strong>, et éviter <strong>les</strong> foyers d’infec-<br />
tion qu’ils ne manqueraient pas d’y créer par leurs apports<br />
de matières en putréfaction et par <strong>les</strong> souillures de leurs<br />
déjections, on a coutume de disposer de place en place sur<br />
ces toitures un certain nombre d’artic<strong>les</strong> de Nopals très<br />
épineux, de façon à ce que ces oiseaux répugnants ne puissent<br />
venir s’y percher.<br />
Dans <strong>les</strong> petites cultures potagères ou ménagères que <strong>les</strong><br />
indigènes pratiquent habituellement aux alentours de leurs<br />
habitations, lorsque l’on fait des semis, on protège effica-<br />
cement ces derniers contre <strong>les</strong> oiseaux et <strong>les</strong> mammifères<br />
granivores, en plaçant sur <strong>les</strong> parties ensemencées des frag-<br />
ments de tiges de Cylindropuntia dont on débarrasse ensuite<br />
le terrain lorsque <strong>les</strong> plantu<strong>les</strong> n’ont plus à craindre <strong>les</strong><br />
ravages de leurs ennemis.<br />
Enfin, dans <strong>les</strong> endroits des terres chaudes où l’on a à<br />
redouter <strong>les</strong> méfaits de ces chauves-souris sanguinaires que<br />
l’on nomme vulgairement vampires, on a coutume de sus-<br />
pendre dans <strong>les</strong> enceintes où l’on parque la nuit le bétail,<br />
des artic<strong>les</strong> de Platyopuntia bien armés ; ceux-ci, qui ne<br />
causent aucun dommage au bétail et peuvent même, au<br />
besoin, lui servir de supplément de nourriture, se montrent,<br />
grâce à leur armature vulnérante, très efficaces pour con-<br />
trarier le vol tournoyant de ces animaux buveurs de sang.<br />
On arrive ainsi, par ce simple procédé, à préserver le bétail<br />
contre <strong>les</strong> hémorragies parfois assez graves pouvant résulter,<br />
surtout pour <strong>les</strong> jeunes chevaux, des morsures répétées de<br />
ces préjudicieuses chauves-souris.
CHAPITRE XIII<br />
CACTACÉES A FIBRES<br />
Généralités et historique. — Morphologie et caractères bota-<br />
niques. — Formes aberrantes. — Variabilité des spécimens. —<br />
Distribution géographique. — Constitution de la matière<br />
fibreuse et son exploitation. — Cephalocereus et Pachycereus<br />
et leurs formes économiques.<br />
Certaines formes de Cierges, grâce à la singularité de leur<br />
mode d’inflorescence, sont susceptib<strong>les</strong> de fournir à l’in-<br />
<strong>du</strong>strie indigène une fibre soyeuse de bonne qualité. Cette<br />
dernière, qui constitue parfois une véritable laine végétale,<br />
est fournie uniquement par ce que l’on appelle le cephalium<br />
de la plante, c’est-à-dire par la partie des tiges où appa-<br />
raissent <strong>les</strong> organes floraux et qui, chez certaines espèces,<br />
devient le siège d’un épais tomentum.<br />
Tous <strong>les</strong> représentants de cette catégorie de Cactacées ont<br />
été réunis par Lemaire 1 dans un genre à part auquel il donna<br />
en 1839 le nom de Pilocereus, mais auquel le nom de Cephalocereus<br />
Pfeiffer 2 est antérieur d’un an.<br />
Les Nahuatls faisaient la distinction entre <strong>les</strong> Cierges<br />
ordinaires et <strong>les</strong> Cephalocereus ; ils désignaient ces derniers,<br />
lorsqu’ils étaient amplement pourvus de soies, sous le nom<br />
bien expressif de Lamanochtli (lama = vieillard, nochtli =<br />
Cactus), terme que <strong>les</strong> colons espagnols tra<strong>du</strong>isirent par<br />
Cabeza ou Barba de viejo, et qui a trait au cephalium dont<br />
la pilosité plus ou moins longue et souvent d’un blanc nei-<br />
1. C. lemaiRe. — Cactearum genera nova speciesque novæ, p. 6, Paris,<br />
1839. — Les Pilocereus, Revue horticole 1862. p. 265, — Histoire et révision<br />
<strong>du</strong> genre Pilocereus, Revue horticole 1863, p. 462.<br />
2. L. pFeiFFeR. — Allgemeine Gartenzeitung VI, p. 142, 1838.<br />
Allegemeine -><br />
Allgemeine
360 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
geux chez certaines formes, rappelle assez bien la chevelure<br />
ou la barbe d’un vieillard.<br />
moRphologie et caRactèRes botaniques. — Les Céphalocéréées,<br />
lorsqu’el<strong>les</strong> acquièrent leurs dimensions a<strong>du</strong>ltes,<br />
prennent en général l’allure de Cierges colomnaires bien<br />
érigés et pouvant parfois atteindre de fortes proportions ;<br />
certaines offrent une tige simple et unique (Cephalocereus<br />
Hoppenstedtii Schum.), d’autres au contraire se ramifient<br />
plus ou moins en candélabre (Cephalocereus leucocephalus<br />
Britt. et Rose).<br />
Les rameaux qui, suivant <strong>les</strong> espèces, partent soit d’un<br />
tronc régulier, soit d’une souche basse, sont habituellement<br />
cylindriques, droits, rigides, vigoureux ou parfois quelque<br />
peu flexueux à la manière de certains Cierges microgones,<br />
comme cela s’observe dans <strong>les</strong> variations d’allure <strong>du</strong> C. leucocephalus<br />
Britt. et Rose.<br />
Le mode d’inflorescence qui a servi à Lemaire pour établir<br />
son nouveau genre consiste, ainsi que l’expose le D r Weber<br />
dans sa monographie des Cactacées 1 , dans une modification<br />
plus ou moins profonde et persistante des aréo<strong>les</strong> de<br />
la partie florifère ; cel<strong>les</strong>-ci diffèrent de cel<strong>les</strong> de la partie<br />
stérile de la plante par le développement souvent considé-<br />
rable de la laine et des poils dont el<strong>les</strong> sont garnies et par<br />
la nature des aiguillons qui s’allongent et deviennent crini-<br />
formes.<br />
Le cephalium, dont le rôle évident est de constituer un<br />
appareil de protection pour l’inflorescence, n’occupe pas<br />
forcément le sommet de la tige, ainsi que l’indiquerait son<br />
nom ; étant soumis au mode particulier de la floraison de<br />
l’espèce, il se montre alors tantôt apical, tantôt latéral.<br />
Dans le premier cas, il peut fournir dans ses formes <strong>les</strong><br />
mieux développées un revêtement de soies ou de laines<br />
recouvrant le sommet de la tige d’une sorte de bonnet de<br />
fourrure (C. senilis Pfeiff.).<br />
1. A. webeR. — Article Pilocereus dans le Dictionnaire d’Horticulture<br />
de Bois, p. 964.
Fig. 96. — Cephalium de Cephalocereus chrysacanthus Britt. et Rose<br />
Environs de Tehuacan (État de Puebla).
362 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Dans le second cas, il peut être discontinu ou continu ;<br />
c’est ainsi que chez le C. chrysacanthus Britt. et Rose<br />
(fig. 96), il forme des touffes de laine blanche plus ou moins<br />
espacées <strong>les</strong> unes des autres, et chez le C. Hoppenstedtii<br />
Schum., une bande étroite, régulière, ininterrompue, qui<br />
parcourt de haut en bas une grande partie de la tige.<br />
Dans certains cas, le cephalium peut se ré<strong>du</strong>ire à des<br />
aiguillons à peine transformés, plus ou moins mélangés de<br />
poils, dont l’ensemble peut être ca<strong>du</strong>c et disparaître aux<br />
époques <strong>du</strong> repos végétatif ; c’est ce que montre par<br />
exemple le Pachycereus chrysomallus Britt. et Rose, dont le<br />
tomentum des aréo<strong>les</strong> tombe par petits flocons après la fruc-<br />
tification.<br />
Ces différentes constitutions <strong>du</strong> cephalium ont fait subdiviser<br />
<strong>les</strong> Céphalocéréées en deux catégories bien tranchées :<br />
1° cel<strong>les</strong> qui possèdent un cephalium constant, ce sont <strong>les</strong><br />
Cephalocereus ; 2° cel<strong>les</strong> dont le cephalium est interrompu,<br />
incomplet, rudimentaire et parfois ca<strong>du</strong>c.<br />
Le cephalium des Cephalocereus a été comparé à celui qui,<br />
chez <strong>les</strong> Cactacées globuleuses, caractérise <strong>les</strong> Discocactus<br />
et <strong>les</strong> Cactus, et chez <strong>les</strong> Echinocactées norma<strong>les</strong> à ce disque<br />
laineux couronnant l’apex des représentants de la série des<br />
Cephaloidei.<br />
Évidemment le cephalium, chez <strong>les</strong> Cephalocereus, ne<br />
constitue qu’un caractère secondaire, car si l’on se base<br />
uniquement sur son existence, on peut rattacher au même<br />
genre <strong>les</strong> Cephalocereus et <strong>les</strong> Pachycereus, et même le<br />
Malacocarpus Leninghausii Britt. et Rose <strong>du</strong> Brésil, considéré<br />
par certains auteurs comme devant plutôt appartenir<br />
au genre Echinocactus 1 .<br />
On a placé également dans ce groupe le Cephalocereus<br />
Tetazo Vaupel, dont <strong>les</strong> rameaux ne présentent aucune trace<br />
de pilosité ; cette espèce constitue vraisemblablement une<br />
forme intermédiaire ou de transition qui, selon le D r Weber,<br />
trouverait mieux sa place parmi <strong>les</strong> Cierges ordinaires.<br />
1. K. schumann a même créé pour cette forme sud-américaine,<br />
qu’il place parmi <strong>les</strong> Echinocactus, le sous-genre Notocactus.
chapitRe xiii 363<br />
C’est surtout sur la structure de la fleur et <strong>du</strong> fruit qu’est<br />
basé le genre Cephalocereus. La fleur a une conformation<br />
assez bien caractérisée ; elle est courte, charnue, tubuleuse<br />
ou subcampanulée ; <strong>les</strong> étamines sont filiformes, de<br />
moyenne grandeur, s’insèrent par gradins et laissent à la<br />
partie inférieure <strong>du</strong> tube floral un espace vide, sorte de<br />
cavité nectarique, que Lemaire appelle camera et qui est<br />
traversé par le style (fig. 97) ; mais cette dernière disposi-<br />
tion, comme le fait remarquer le D r Weber, n’est pas exclu-<br />
Fig. 97. — Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose.<br />
Fleur normalement épanouie et fleur sectionnée verticalement<br />
pour montrer sa structure interne.<br />
sive aux Cephalocereus, car elle se trouve également chez<br />
certains Cereus normaux.<br />
Le fruit est nu ou subquameux, de forme globuleuse ou<br />
ficiforme, tantôt charnu et donnant alors une pulpe comes-<br />
tible et savoureuse (C. chrysacanthus Britt. et Rose), tantôt<br />
plus ou moins sec et contenant une grande quantité de
364 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
graines ; ces dernières ont été utilisées comme céréa<strong>les</strong>,<br />
principalement aux époques où cel<strong>les</strong>-ci devenaient rares<br />
(C. Tetazo Vaupel).<br />
Le genre Pachycereus se distingue <strong>du</strong> genre Cephalocereus<br />
par son ovaire squameux et couvert de poils.<br />
On a encore rangé dans ce groupe le Lophocereus Schottii<br />
Britt. et Rose, mais ce dernier, quoique possédant chez la<br />
forme type décrite par Engelmann un cephalium des mieux<br />
conditionnés, présente des caractères botaniques différents et<br />
renferme des variétés très particulières qui le rapprochent<br />
de ce groupe très particulier de Cierges auxquels <strong>les</strong> indi-<br />
gènes donnent le nom de Caramballos et pour lequel, comme<br />
on l’a vu dans un chapitre précédent, Console créa un genre<br />
à part qu’il nomma Myrtillocactus 1 .<br />
vaRiabilité des spécimens. — Ainsi qu’on le constate<br />
dans la nature, beaucoup d’espèces de Cephalocereus sont<br />
sujettes à modifier leurs allures suivant <strong>les</strong> conditions de<br />
climat et de milieu. C’est ainsi qu’une même espèce, lors-<br />
qu’elle végète sur <strong>les</strong> hauteurs où le climat se montre plus<br />
froid et plus brusquement changeant, a tendance à pro<strong>du</strong>ire<br />
un cephalium plus touffu et plus laineux, tandis que ce der-<br />
nier s’amoindrit lorsque la plante qui le porte est soumise<br />
au régime plus clément des vallées.<br />
La nature des terrains ainsi que leur exposition influent<br />
également sur le port <strong>du</strong> végétal, ainsi que sur la consti-<br />
tution de ses tiges ; sur <strong>les</strong> sites abrupts ou boisés, la même<br />
espèce peut présenter des rameaux plus grê<strong>les</strong>, plus flexib<strong>les</strong><br />
et même quelque peu rampants, tandis que sur le sol des<br />
plateaux où l’ensemble de la plante peut se trouver exposée<br />
à des remous aériens fréquents, <strong>les</strong> tiges arrivent à acquérir<br />
une conformation plus robuste et mieux érigée.<br />
distRibution géogRaphique. — Les Cierges à cephalium<br />
sont originaires des régions tropica<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong> des<br />
deux Amériques ; on <strong>les</strong> rencontre au Mexique, aux Antil<strong>les</strong>,<br />
1. Dans l’Amérique <strong>du</strong> Sud, se trouve encore un autre genre pourvu<br />
de cephalium, le genre Espostoa Britt. et Rose.
chapitRe xiii 365<br />
au Brésil, au Pérou, en Bolivie ; ils habitent en général des<br />
régions de climat chaud ou tempéré, mais, néanmoins, dans<br />
l’Amérique <strong>du</strong> Sud, on peut en rencontrer des espèces<br />
confinées aux hautes altitudes où le régime climatérique<br />
peut, pendant une partie de l’année, être d’une âpreté<br />
extrême, tel est l’Espostoa lanata Britt. et Rose qui se rencontre<br />
végétant sur <strong>les</strong> hauts plateaux des Andes, <strong>du</strong> Pérou<br />
et de l’Ecuador, à une altitude pouvant aller jusqu’à<br />
2.250 mètres, sur un sol très sec et où la température, très<br />
basse pendant certaines saisons, est largement compensée<br />
par une très vive et éclatante lumière.<br />
Au point de vue botanique, ces Cactacées, en général<br />
d’assez grande stature, sont <strong>les</strong> plus résistantes et <strong>les</strong> mieux<br />
adaptées au froid que l’on connaisse ; el<strong>les</strong> laissent sous ce<br />
rapport loin derrière el<strong>les</strong> ces formes basses et ré<strong>du</strong>ites<br />
représentées par <strong>les</strong> Echinocereus et <strong>les</strong> Mamillariées<br />
adaptés aux parages élevés <strong>du</strong> Mexique et aux régions froides<br />
des Montagnes Rocheuses des États-Unis.<br />
constitution de la matièRe FibReuse utilisable. —<br />
D’après ce que l’on vient de voir, quelques espèces seule-<br />
ment sont aptes à pro<strong>du</strong>ire la fibre ayant une application<br />
in<strong>du</strong>strielle.<br />
La laine fournie par ces Cactacées, lorsqu’elle est suffi-<br />
samment longue et peu mélangée d’aiguillons, constitue<br />
d’emblée une matière première d’excellente qualité, pouvant<br />
être employée comme un succédané de ces fibres soyeuses<br />
que l’on nomme commercialement kapok. Elle peut, sui-<br />
vant l’espèce, atteindre une longueur de 5 centimètres ; elle<br />
est lustrée, blanche ou légèrement roussâtre, bien résistante<br />
et peu hygroscopique.<br />
Cette laine présente un avantage appréciable sur <strong>les</strong> laines<br />
anima<strong>les</strong> quant à son usage dans <strong>les</strong> pays chauds, car elle<br />
est beaucoup moins attaquée par <strong>les</strong> insectes ; de plus, se<br />
séchant rapidement lorsqu’elle a été mouillée, elle ne fer-<br />
mente que difficilement, même lorsqu’elle a subi un certain<br />
temps l’effet de la température et de l’humidité.<br />
Suffisamment longue, la fibre laineuse <strong>du</strong> cephalium a<br />
pu être filée comme le coton et servir aux époques préco-
366 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
lombiennes à la confection des tissus. On préparait encore<br />
avec cette laine végétale des sortes de feutres auxquels on<br />
mélangeait parfois une certaine quantité de poils d’origine<br />
animale ; un essai récent a démontré que, additionnée d’un<br />
quart de poil de lapin, la fibre fournie par le Cephalocereus<br />
leucocephalus donnait un pro<strong>du</strong>it susceptible d’être utilisé<br />
en chapellerie.<br />
Actuellement, la matière laineuse des Cephalocereus et<br />
des Pachycereus n’est plus guère employée par <strong>les</strong> indigènes<br />
que dans <strong>les</strong> rembourrages de coussins, d’oreillers, de ma-<br />
telas ; dans ces applications elle se comporte très bien, car,<br />
suffisamment souple et élastique, elle n’a pas l’inconvénient<br />
de se tasser, de se pelotonner ou de se ré<strong>du</strong>ire en poudre ;<br />
sous ce rapport, elle se montre supérieure à ces kapoks que,<br />
dans <strong>les</strong> mêmes localités, on retire des fruits de Bombacées.<br />
Ces laines de cephalium, lorsqu’el<strong>les</strong> sont employées dans<br />
<strong>les</strong> usages domestiques, peuvent se laver et se sécher faci-<br />
lement sans que l’on soit obligé de <strong>les</strong> sortir des enveloppes<br />
où el<strong>les</strong> sont contenues ; aussi, pour cette raison, <strong>les</strong><br />
emploie-t-on couramment dans certains villages des terres<br />
chaudes pour la confection de matelas servant à la literie<br />
des enfants.<br />
La fibre laineuse ne se récolte pas à toutes <strong>les</strong> saisons, car<br />
si elle reste attachée à la plante qui la pro<strong>du</strong>it, elle finit par<br />
subir un <strong>du</strong>rcissement qui lui fait perdre ses qualités de<br />
soup<strong>les</strong>se ; aussi <strong>les</strong> indigènes, afin d’avoir un pro<strong>du</strong>it tou-<br />
jours homogène, ont-ils soin d’en faire la récolte à une<br />
époque coïncidant avec la fin de la fructification.<br />
La laine, après sa récolte, ne subit guère de préparation ;<br />
c’est tout au plus si on lui donne un cardage sommaire afin<br />
d’en éliminer <strong>les</strong> aiguillons criniformes qu’elle pourrait avoir<br />
retenus.<br />
Si l’usage des laines fournies par <strong>les</strong> Cephalocereus et <strong>les</strong><br />
Pachycereus n’est pas plus connu et n’est pas venu jusqu’ici<br />
constituer un article commercial d’exportation, cela doit sur-<br />
tout s’attribuer à ce que <strong>les</strong> essences pro<strong>du</strong>ctives sont en<br />
général très localisées, et que, de plus, el<strong>les</strong> n’ont jamais<br />
fait l’objet d’une culture ni même d’une propagation de la<br />
part des indigènes, ceux-ci se contentant pour leurs besoins
Fig. 98. — Cephalocereus leucocephalus<br />
Britt. et Rose.<br />
Spécimen arborescent.<br />
Environs de Jalapa (État de Vera Cruz).
368 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
domestiques d’aller s’approvisionner de la matière laineuse<br />
aux endroits où <strong>les</strong> plantes pro<strong>du</strong>ctives croissent à l’état<br />
spontané.<br />
Néanmoins, étant données ses qualités et sa supério-<br />
rité sur <strong>les</strong> autres succédanés de pro<strong>du</strong>ction sauvage, cette<br />
matière textile mérite d’être prise en considération, surtout<br />
qu’elle provient de Cactacées ayant comme habitat des ter-<br />
rains stéri<strong>les</strong> et souvent fort escarpés où l’on ne peut établir<br />
de cultures.<br />
Les Cephalocereus et Pachycereus mexicains ne sont pas<br />
<strong>les</strong> seuls à avoir été exploités par <strong>les</strong> indigènes. Dombey si-<br />
gnalait, à la fin <strong>du</strong> xviii e siècle, la laine de certains Cierges<br />
employée dans l’Amérique méridionale ; cet explorateur en<br />
avait même fait parvenir des échantillons à Duhamel, secré-<br />
taire de l’Académie des Sciences 1 .<br />
Les espèces mexicaines de Cephalocereus sont :<br />
C. alensis Britt. et Rose (syn. : Pilocereus alensis Web.,<br />
Cereus alensis Berger). — État de Jalisco : Sierra del Alo ;<br />
C. chrysacanthus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus chrysacanthus<br />
Web., Cereus chrysacanthus Orcutt). — État de<br />
Puebla : environs de Tehuacan ; État de Oaxaca ;<br />
C. comètes Britt. et Rose (syn. : C. flavicomus Salm-Dyck,<br />
Pilocereus jubatus Salm-Dyck, P. flavicomus Rümpler,<br />
P. cometes Scheidw.). — État de San Luis Potosi ;<br />
C. Gaumeri Britt. et Rose. — État de Yucatan ;<br />
C. Hoppenstedtii Schum. (syn. : Pilocereus Hoppenstedtii<br />
Web., P. lateralis Web., P. Hagendorpi Regel, Cereus Hopenstedtii<br />
Berger). — État de Puebla : environs de Tehuacan ;<br />
État de Oaxaca ;<br />
C. leucocephalus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus leucocephalus<br />
Poselg., P. Houlletii Lem., P. Forsteri Lem.,<br />
P. Marschalleckianus Zeiss., Cereus Houlletii Berger, C. Forsteri<br />
Sencke). — Massif central <strong>du</strong> Mexique : États de Vera-<br />
Cruz, de Jalisco, de Michoacan, de Chihuahua, de Sonora ;<br />
1. Voir : abbé RozieR : Observations sur la Physique, XIX, pp. 252-<br />
254, Paris, 1782.<br />
Fôrsteri -><br />
Forsteri
24<br />
Fig. 99. — Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose<br />
à rameaux flexueux.<br />
Puerto Angel (État de Oaxaca).
Guadeloupe -><br />
Guadalupe<br />
370 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
C. macrocephalus Web. (syn. : Pilocereus macrocephalus<br />
Web., Cereus macrocephalus Berger). — État de Puebla :<br />
environs de Tehuacan ;<br />
C. Palmeri Rose (syn. : Cereus victoriensis Vaupel). —<br />
État de Mexico : près de Victoria ;<br />
C. polylophus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus polylophus<br />
Salm-Dyck, Cereus polylophus DC., C. angulosus Stieb.,<br />
C. Nickelsii Hort.). — État d’Hidalgo : vallée de Zimapan,<br />
Meztitlan, Tlacolula ;<br />
C. Purpursii Britt. et Rose. — État de Sinaloa : Mazatlan ;<br />
territoire de Tepic : Guadalupe ;<br />
C. Sartoriauus Rose. — État de Vera-Cruz ;<br />
C. scoparius Britt. et Rose (syn. : Pilocereus scoparius<br />
Poselg., P. Sterkmannii Hort., Cereus scoparius Berger). —<br />
Terres chaudes de l’État de Vera-Cruz : environ de la<br />
Soledad ;<br />
C. senilis Pfeiff. (syn. : Pilocereus senilis Lem., Cactus<br />
senilis Haw., Cactus bradypus Lehm., Cereus senilis DC.,<br />
Cephalophorus senilis Lem., Echinocactus senilis Beat.,<br />
E. Stap<strong>les</strong>iæ Tate, Melocactus bradypus Lehm.). — Massif<br />
central <strong>du</strong> Mexique, principalement dans la région d’Ixmiquilpan<br />
;<br />
C. Tetazo Vaupel (syn. : Pilocereus Tetezo Web., Cereus<br />
Tetazo Coult.). — État de Puebla : environs de Tehuacan ;<br />
État de Oaxaca.<br />
Les espèces mexicaines de Pachycereus sont au nombre<br />
de neuf :<br />
P. chrysomallus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus chrysomallus<br />
Lem., P. militaris Salm-Dyck, P. fulviceps Web.,<br />
Cephalocereus chrysomallus Schum., Cereus chrysomallus<br />
Hemsl., C. militaris Audot, C. fulviceps Berger). — État de<br />
Michoacan : District de Huetamo, vallée <strong>du</strong> Rio Balsas ;<br />
Pachycereus Columna-Trajani Britt. et Rose (syn. : Pilocereus<br />
Columna-Trajani Lem., P. lateribarbatus Pfeiffer,<br />
Cephalocereus Columna-Trajani Schum., C. Columna Lem.,
Fig. 100. — Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose.<br />
Tiges tombées sur le sol ayant donné naissance à de jeunes rameaux.<br />
Barranca <strong>du</strong> rio Santiago, environs de Guadalajarra (État de Jalisco).
Guanajuto -><br />
Guanajuato<br />
372 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Cereus Columna-Trajani Karw.). — Sud de l’État de Puebla :<br />
région de San Sebastian Zinacatepec ;<br />
P. Gaumeri Britt. et Rose 1 . — État de Yucatan : Hedo,<br />
Port Silam ;<br />
P. grandis Britt. et Rose (syn. : Cereus Bergerianus Vaupel).<br />
— État de Morelos ;<br />
P. marginatus Britt. et Rose (syn. : Cereus marginatus<br />
DC., C. gemmatus Zucc.). — États d’Hidalgo, Queretaro et<br />
Guanajuato ;<br />
P. Orcuttii Britt. et Rose (syn. : Cereus Orcuttii K. Brandeg.).<br />
— Territoire de Basse-Californie : Rosario ;<br />
P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose (syn. : Cereus Pectenaboriginum<br />
Engelm.). — États de Chihuahaca, Sonora, Colima<br />
et Basse-Californie ;<br />
Pachycereus Pringlei Britt. et Rose (syn. : P. calvus Britt.<br />
et Rose, P. Titan Britt. et Rose, Pilocereus Pringlei Web.,<br />
Cereus Pringlei Wats., C. calvus Engelm., C. Titan Engelm.).<br />
— États-Unis : Arizona ; Mexique : États de Sonora, Sinaloa,<br />
Basse-Californie ;<br />
P. ruficeps Britt. et Rose (syn. : Pilocereus ruficeps Web.,<br />
Cereus ruficeps Vaupel). — État de Puebla : environs de<br />
Tehuacan.<br />
Les Cephalocereus et <strong>les</strong> Pachycereus présentent une<br />
grande variabilité. C’est ainsi, par exemple, que le Pachycereus<br />
Columna-Trajani, qui fut signalé et décrit sommairement<br />
par Karwinski, dès 1837, paraît répondre à plu-<br />
sieurs types dont <strong>les</strong> caractères botaniques auraient été<br />
confon<strong>du</strong>s pour en former une seule espèce. L’auteur semble<br />
surtout s’être basé comme caractère le plus apparent, sur<br />
la forme colomnaire de la tige, il aurait alors été amené<br />
à confondre le Pachycereus ruficeps, <strong>les</strong> Cephalocereus Hoppenstedtii<br />
et Tetazo et plusieurs autres formes de Cierges spécia<strong>les</strong><br />
à la région et qui, lorsqu’el<strong>les</strong> croissent sur <strong>les</strong> flancs<br />
1. Ne pas confondre Cephalocereus Gaumeri Britt. et Rose et Pachycereus<br />
Gaumeri Britt. et Rose.
Fig. 101. — Cephalium de Cephalocereus<br />
leucocephalus Britt. et Rose.<br />
Barranca <strong>du</strong> rio Santiago (État de Jalisco).
374 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
des montagnes, ne se ramifient que fort peu et affectent<br />
presque toujours l’apparence d’une colonne remarquable<br />
par sa rectitude.<br />
Dans la région de San Sebastian Zinacatepec, où Kar-<br />
winski situe l’habitat <strong>du</strong> Pachycereus Columna-Trajani, on<br />
rencontre toute une série de ces Cierges peu ou point rami-<br />
fiés, formant d’assez vastes peuplements sur <strong>les</strong> lianes mon-<br />
tagneux et dont <strong>les</strong> tiges uniques émergent comme des po-<br />
teaux parfaitement dressés au sein de la végétation arbo-<br />
rescente dont ces sites sont plus ou moins garnis (fig. 15).<br />
Ce fait devient alors une cause facile de confusion qui rend<br />
difficile l’identification des espèces.<br />
Mais, en laissant de côté ces considérations d’un ordre<br />
purement systématique pour rentrer dans <strong>les</strong> limites de ce<br />
chapitre dont le but est de faire connaître <strong>les</strong> formes de Cac-<br />
tacées susceptib<strong>les</strong> de fournir des pro<strong>du</strong>its fibreux utili-<br />
sab<strong>les</strong> dans l’in<strong>du</strong>strie textile, deux espèces de Cephalocereus<br />
ont surtout, à cause de leur abondante pro<strong>du</strong>ction laineuse,<br />
été utilisées par <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> <strong>du</strong> Mexique :<br />
ce sont <strong>les</strong> Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose et<br />
Hoppenstedtii Schum.<br />
Cephalocereus leucocephalus Britt. et Rose (syn. : Pilocereus<br />
leucocephalus Poselg., P. Houlletii Lem., P. Forsteri<br />
Lem., P. Marschalleckianus Zeiss., Cereus Houlletii Berger,<br />
C. Forsteri Sencke). — Cette espèce se présente sous l’allure<br />
d’un Cierge bien ramifié, pouvant atteindre une hauteur de<br />
4 à 7 mètres chez <strong>les</strong> spécimens complètement a<strong>du</strong>ltes.<br />
Ce Cephalocereus varie notablement dans son allure suivant<br />
<strong>les</strong> conditions <strong>du</strong> milieu dans lequel le hasard l’a<br />
placé : il peut montrer des rameaux parfaitement droits et<br />
rectilignes qui atteignent un diamètre de 15 à 20 centimètres<br />
lorsqu’il se trouve dans des conditions d’isolement sur <strong>les</strong><br />
plateaux où il est exposé à des remous aériens à peu près<br />
constants (fig. 98). Mais, dans certaines circonstances, ces<br />
mêmes rameaux peuvent devenir plus grê<strong>les</strong>, flexueux et<br />
même quelque peu rampants et décombants au point de<br />
ressembler à ceux de la variété presque rigide <strong>du</strong> Nyctocereus<br />
serpentinus Britt. et Rose ; cette modification consti-<br />
Fôrsteri -><br />
Forsteri
Fig. 102. — Cephalocereus Hoppenstedtii<br />
Britt. et Rose.<br />
Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla
376 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tutionnelle s’observe principalement lorsqu’il croît sur <strong>les</strong><br />
pentes boisées et déclives des montagnes (fig. 99).<br />
Cette espèce présente une particularité commune avec<br />
le Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose, c’est d’émettre,<br />
lorsque ses rameaux tombent ou simplement se couchent<br />
sur le sol, des rejetons perpendiculaires à la tige ; il en<br />
résulte que <strong>les</strong> spécimens issus de ces bouturages et mar-<br />
cottages accidentels peuvent affecter une allure assez irré-<br />
gulière et assez désordonnée lorsque la plante vient à<br />
acquérir une certaine dimension (fig. 100).<br />
Les tiges sont d’un vert glaucescent, ont de sept à huit<br />
côtes épaisses arrondies à leur sommet, et sont séparées par<br />
des sillons aigus. Les aréo<strong>les</strong> sont garnies d’un <strong>du</strong>vet blanc<br />
et de longs poils soyeux de même couleur et dont l’ensemble<br />
constitue le cephalium et la matière in<strong>du</strong>striellement exploi-<br />
table.<br />
Le cephalium (fig. 101) est surtout latéral ; il offre une<br />
belle laine blanche persistante parmi laquelle apparaissent<br />
et souvent se dissimulent la fleur et le fruit. La fleur est<br />
longue de 8 centimètres environ, elle est subcampanulée,<br />
son tube est charnu et presque nu, ses divisions périgona<strong>les</strong><br />
sont recurvées et d’un rose livide ; <strong>les</strong> étamines, comme<br />
c’est le caractère des Cephalocereus, sont insérées par<br />
gradins ; le style est longuement exsert.<br />
Le fruit consiste en une baie globuleuse, écailleuse, de<br />
couleur verdâtre passant au rouge à la maturité ; sa pulpe<br />
est rouge.<br />
L’aire de dispersion de ce Cephalocereus est assez éten<strong>du</strong>e ;<br />
son centre paraît être à peu de chose près le même que celui<br />
<strong>du</strong> C. senilis, c’est-à-dire le massif central <strong>du</strong> Mexique, d’où<br />
il aurait rayonné au nord vers <strong>les</strong> États de Chihuahua et<br />
Sonora, à l’est dans l’État de Vera-Cruz où on le rencontre<br />
principalement auprès de Xalapa, à l’ouest dans <strong>les</strong> États<br />
<strong>du</strong> Michoacan et de Jalisco ; dans cette dernière région il se<br />
montre particulièrement abondant dans <strong>les</strong> sierras del Tigre<br />
et del Alo, ainsi que sur <strong>les</strong> flancs de la barranca <strong>du</strong><br />
rio Santiago, où <strong>les</strong> indigènes allaient jadis faire la récolte<br />
de la laine végétale que l’on utilisait dans <strong>les</strong> villages.
Fig. 103. — Bosquet de Cephalocereus Hoppenstedtii Schum.<br />
sur <strong>les</strong> versants montagneux.<br />
Environs de Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).
378 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Cette espèce parait préférer <strong>les</strong> versants ou <strong>les</strong> coteaux,<br />
escarpés et abrupts des montagnes où, à la saison sèche, ou<br />
la distingue facilement de très loin grâce à son cephalium<br />
d’un blanc éclatant.<br />
Cephalocereus Hoppenstedtii Schum. (syn. : Pilocereus<br />
lateralis Web., P. Hoppenstedtii Web., P. Hugendorpii Regel,<br />
Cereus Hoppenstedtii Berger). — Cette espèce se présente sous<br />
la forme d’une tige unique pouvant atteindre 8 à 10 mètres<br />
d’élévation, cylindrique ou parfois légèrement conique, dont<br />
la partie moyenne, souvent un peu renflée, peut atteindre<br />
un diamètre d’environ 40 centimètres. Cette tige, parfai-<br />
tement droite, ou tout au plus un peu recourbée à sa partie<br />
supérieure, est, dans la majorité des cas, complètement<br />
simple et sans ramification ; cependant, dans de très rares<br />
exceptions, comme parfois on peut en rencontrer dans <strong>les</strong><br />
bosquets de ces Cactacées, on trouve des spécimens pré-<br />
sentant des rudiments de rameaux ; ces derniers, proba-<br />
blement accidentels, se manifestent soit par une bifurcation<br />
de l’apex, soit par un bourgeon apparaissant sur le parcours<br />
de la tige, comme on peut le voir sur le côté gauche <strong>du</strong><br />
spécimen de la figure 102.<br />
Les côtes sont nombreuses, arrondies à leur sommet, <strong>les</strong><br />
sillons sont obtus, <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> nues et distantes <strong>les</strong> unes des<br />
autres d’environ 1 centimètre ; <strong>les</strong> aiguillons sont nombreux,<br />
blancs, subrigides, <strong>les</strong> supérieurs longs de 1 à 2 centi-<br />
mètres, <strong>les</strong> inférieurs beaucoup plus grands et pouvant<br />
atteindre un développement de 4 à 10 centimètres. Le<br />
cephalium est très caractéristique ; il est constitué par<br />
une longue bande laineuse de 10 à 20 centimètres de largeur<br />
qui s’étend régulièrement sur un des côtés de la tige, depuis<br />
le sommet jusqu’au moins la moitié de sa hauteur. La laine<br />
fournie par cette bande est très épaisse et très abondante ;<br />
elle est constituée par des éléments d’un blanc jaunâtre<br />
d’une longueur de 4 à 5 centimètres ; cette laine est entre-<br />
mêlée d’aiguillons criniformes de même couleur. Les fleurs<br />
apparaissent au sein de cette fourrure qu’el<strong>les</strong> dépassent à<br />
peine ; longues de 7 centimètres, charnues, el<strong>les</strong> sont d’un<br />
blanc jaunâtre, plus ou moins teintées de rose à l’extérieur.
Fig. 104. — Cephalocereus Hoppenstedtii Schum.<br />
surgissant de la végétation arborescente.<br />
San Antonio Nanahuatipa (État de Oaxaca)
380 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Le fruit constitue une baie ovoïde d’un diamètre de 2 à<br />
3 centimètres, d’un blanc pâle ; il contient une pulpe peu<br />
succulente.<br />
Le C. Hoppenstedtii paraît avoir une aire de dispersion<br />
assez restreinte ; jusqu’ici on ne le signale que dans le sud<br />
de l’État de Puebla et dans la partie nord-ouest de l’État<br />
de Oaxaca ; son centre de dissémination paraît être aux<br />
environs de la petite ville de Zapotitlan de las Salinas, où il<br />
forme des peuplements assez denses sur <strong>les</strong> flancs des ver-<br />
sants montagneux (fig. 103). On l’y rencontre en compagnie<br />
de plusieurs autres espèces de Cierges différemment ramifiés,<br />
tels par exemple <strong>les</strong> Cephalocereus Tetazo, Pachycereus<br />
ruficeps, Lemaireocereus Weberi, L. stellatus, Escontria<br />
Chotilla, etc.<br />
Ces deux Cephalocereus, que l’on exploite au Mexique<br />
pour l’abondance et la qualité de leur matière laineuse, sont<br />
susceptib<strong>les</strong> de fournir aux régions où ils habitent d’autres<br />
avantages très appréciab<strong>les</strong>, car, croissant de préférence sur<br />
<strong>les</strong> sols abrupts ou fortement inclinés, ils permettent sur ces<br />
parages, impropres non seulement aux cultures ordinaires<br />
mais aussi à l’établissement d’une végétation pérenne, de<br />
stabiliser une certaine couche d’humus qui, au moment des<br />
pluies orageuses, serait fatalement entraînée ; ils favorisent<br />
ainsi des conditions permettant à la végétation arborescente<br />
spontanée de prendre pied, d’où résultera un avantage pour<br />
la région. Ces faits s’observent très nettement dans <strong>les</strong> États<br />
de Puebla et de Oaxaca avec le Cephalocereus Hoppenstedtii,<br />
principalement dans la barranca de Tomelin où l’on voit,<br />
sur des sites très abrupts, une végétation arborescente des<br />
mieux fournies, parmi laquelle surgissent de nombreux<br />
Cierges colomnaires non ramifiés (fig. 104). Le même effet<br />
s’observe également avec le Cephalocereus leucocephalus<br />
dans l’État de Jalisco où, de place en place se fait jour,<br />
dans la barranca <strong>du</strong> rio Santiago et dans <strong>les</strong> ravins avoi-<br />
sinant le Valle de las playas, de nombreux spécimens de ce<br />
Cierge, dont le cephalium, d’un blanc éclatant vient, à la<br />
saison sèche, faire contraste sur la tonalité morne dont se<br />
revêtent <strong>les</strong> paysages à cette époque <strong>du</strong> repos de la nature.
CHAPITRE XIV<br />
DIFFÉRENTES AUTRES UTILISATIONS<br />
ÉCONOMIQUES DES CACTACÉES<br />
Cactacées pro<strong>du</strong>ctrices de graines alimentaires, de bois, de<br />
gommes. — Les Cardones et leurs principaux représentants :<br />
Cephalocereus Tetazo Vaupel, Lemaireocereus Weberi<br />
Britt. et Rose, Pachycereus Pringlei Britt. et Rose, P. Pectenaboriginum<br />
Britt. et Rose.<br />
A côté de ces Cierges dont l’utilisation de la fibre soyeuse<br />
fut l’objet d’une petite in<strong>du</strong>strie localisée seulement à<br />
quelques régions <strong>du</strong> Mexique, il existe d’autres espèces de<br />
Cactacées dont l’exploitation s’est plus généralisée et dont,<br />
aujourd’hui encore, on tire profit dans <strong>les</strong> régions avoisinant<br />
<strong>les</strong> bosquets de ces plantes. Tels sont ceux dont <strong>les</strong> fruits<br />
contenant une abondante quantité de graines, sont aptes à<br />
donner un pro<strong>du</strong>it alimentaire pouvant tenir lieu de<br />
Céréa<strong>les</strong>, ceux dont <strong>les</strong> tiges suffisamment lignifiées offrent<br />
un bois de bonne qualité trouvant son emploi dans <strong>les</strong><br />
usages ménagers, et enfin ceux dont on peut retirer une<br />
matière gommeuse susceptible de différentes applications.<br />
Ces utilisations, si el<strong>les</strong> ne constituent qu’une exploitation<br />
de second ordre en comparaison de ce que l’on a pu obtenir<br />
des Cactacées, méritent cependant d’être prises en consi-<br />
dération, car, en même temps qu’el<strong>les</strong> montrent tout le parti<br />
que <strong>les</strong> indigènes savaient tirer des plantes croissant en<br />
abondance dans leur pays, el<strong>les</strong> nous font également entre-<br />
voir d’autres ressources pouvant donner lieu, comme on le<br />
verra plus loin, à des applications plus appropriées aux<br />
nécessités présentes.
382 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
CACTACÉES A GRAINES ALIMENTAIRES<br />
Un certain nombre de représentants de la famille des<br />
Cactacées sont susceptib<strong>les</strong> de fournir des graines en<br />
suffisante abondance pour permettre leur utilisation comme<br />
succédanés des Céréa<strong>les</strong>, et servir alors à la préparation de<br />
farines plus ou moins panifiab<strong>les</strong>. La consommation des<br />
graines de Cactacées dans l’alimentation nationale était,<br />
aux temps précolombiens, assez répan<strong>du</strong>e dans une grande<br />
partie <strong>du</strong> Mexique, et cela aussi bien chez <strong>les</strong> populations<br />
civilisées que chez <strong>les</strong> tribus indiennes demeurées à l’état<br />
primitif.<br />
Les premières, à part la classe indigente, employaient<br />
surtout ces semences comme aliment de disette aux moments<br />
de l’année où <strong>les</strong> provisions de maïs commençaient à<br />
s’épuiser. Les secondes, qui ne se livraient pas à l’agriculture,<br />
comprenaient ces graines au nombre de cel<strong>les</strong><br />
qu’el<strong>les</strong> récoltaient dans la nature pour servir à leur nour-<br />
riture habituelle, et dont el<strong>les</strong> avaient coutume de s’appro-<br />
visionner régulièrement aux saisons propices.<br />
L’usage des graines de Cactacées dans un but alimentaire<br />
n’est pas complètement abandonné, et l’on peut encore, de<br />
nos jours, voir cette denrée occuper à certaines saisons une<br />
place sur <strong>les</strong> marchés villageois des confins des États de<br />
Puebla et Oaxaca. A ce sujet, il est bon de faire remarquer<br />
que toutes <strong>les</strong> Cactacées recherchées pour cet usage four-<br />
nissent leur récolte à l’époque de l’année où la saison est<br />
la plus sèche, tandis que <strong>les</strong> autres végétaux pro<strong>du</strong>cteurs de<br />
graines farineuses, tels que Légumineuses, Graminées et<br />
autres, n’offrent guère leurs pro<strong>du</strong>its que vers l’automne,<br />
après que des pluies copieuses ont fait apparaître une végé-<br />
tation normale, dans ces endroits en général peu fortunés<br />
qui sont le principal habitat des Cactacées.<br />
Il résulte de ces faits que <strong>les</strong> Cactacées n’étant pas sujettes,<br />
dans leur pro<strong>du</strong>ction, aux mêmes aléas que la végétation<br />
normale, peuvent assurer d’une façon constante des res-<br />
sources naturel<strong>les</strong> à une époque fixe, dans <strong>les</strong> contrées où<br />
l’on a à redouter ces disettes consécutives des grandes<br />
sécheresses.
chapitRe xiii 383<br />
Les fruits de Cactacées auxquels on a plus particu-<br />
lièrement recours pour la récolte des graines sont ceux que<br />
pro<strong>du</strong>isent <strong>les</strong> Opuntia (§ Platyopuntia), <strong>les</strong> Cierges arborescents<br />
et aussi parfois certaines grandes Echinocactées,<br />
tous ceux-ci étant, grâce au volume et à l’abondance de leurs<br />
fruits, <strong>les</strong> seuls qui puissent, dans de bonnes conditions de<br />
récolte, offrir une copieuse provision de semences.<br />
Dans le groupe des Platyopuntia, la graine fut, d’après ce<br />
que rapportent <strong>les</strong> anciens missionnaires, d’un usage cou-<br />
tumier chez <strong>les</strong> tribus nomades qui peuplaient autrefois <strong>les</strong><br />
plateaux et <strong>les</strong> montagnes <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique.<br />
Dans ces régions foncièrement désertiques où le Nopal<br />
est la plante sauvage la plus répan<strong>du</strong>e et la plus pro<strong>du</strong>ctive,<br />
<strong>les</strong> Indiens avaient soin, lorsqu’ils préparaient avec <strong>les</strong><br />
Tunas, la boisson que l’on nomme Colonche, ou la série de<br />
conserves dont il a été question au chapitre de l’exploitation<br />
des Opuntia, de mettre en réserve <strong>les</strong> graines qui devaient,<br />
dans la suite, faire partie de leur nourriture normale.<br />
Chez <strong>les</strong> Echinocactées, dont la plupart ne donnent qu’une<br />
fructification exempte de pulpe, on récoltait <strong>les</strong> fruits à<br />
l’époque de la maturité et on <strong>les</strong> laissait sécher de façon à<br />
conserver <strong>les</strong> graines que l’on extrayait ensuite à mesure<br />
des besoins.<br />
Les Cierges pouvaient fournir, comme <strong>les</strong> Opuntia, des<br />
fruits susceptib<strong>les</strong> de donner en même temps une pulpe et<br />
des graines comestib<strong>les</strong> ou, comme <strong>les</strong> Echinocactées, une<br />
baie à peu près sèche ne contenant que des semences.<br />
Les premiers de ces Cierges étaient représentés par ce que<br />
dans le langage vernaculaire on nomme Pitayos, et <strong>les</strong><br />
seconds Cardones, formes géantes dont <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> plus<br />
remarquab<strong>les</strong> seront décrites à la fin de ce chapitre.<br />
En somme, aux époques précolombiennes et dans toutes<br />
<strong>les</strong> zones désertiques <strong>du</strong> Mexique, <strong>les</strong> graines de Cactacées<br />
étaient l’objet d’une consommation coutumière chez <strong>les</strong><br />
tribus indiennes, qui mettaient alors à contribution <strong>les</strong><br />
espèces endémiques de la région qu’el<strong>les</strong> habitaient. C’est<br />
ainsi, comme on vient de le voir, que dans <strong>les</strong> steppes <strong>du</strong>
384 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
nord <strong>du</strong> Mexique, on avait recours aux Platyopuntia, et suite<br />
plateau central ainsi que sur ses deux versants où le<br />
climat est moins sec et moins rude, à différentes espèces<br />
de Cierges.<br />
Le traitement que <strong>les</strong> indigènes font subir aux graines de<br />
Cactacées pour <strong>les</strong> approprier à leur alimentation, est des<br />
plus simp<strong>les</strong> et est le même que celui employé pour <strong>les</strong><br />
autres graines récoltées à l’état sauvage. Après une expo-<br />
sition plus ou moins longue au soleil afin d’éliminer toute<br />
humidité provenant <strong>du</strong> fruit, <strong>les</strong> graines sont soumises dans<br />
une batée à une agitation rapide et à une ventilation afin de<br />
<strong>les</strong> débarrasser de la pulpe sèche et des matières étrangères<br />
qui peuvent y adhérer, puis, pour terminer, el<strong>les</strong> sont sou-<br />
mises à une légère torréfaction dans le but d’en assurer la<br />
conservation. La ré<strong>du</strong>ction à l’état de farine s’effectue tou-<br />
jours au moment de la consommation ; elle se pratique<br />
comme pour le maïs, c’est-à-dire en opérant la mouture sur<br />
la pierre plate que l’on nomme MÉtate, qui, plus ou moins<br />
modifiée de forme, est restée encore aujourd’hui d’un usage<br />
très courant dans tout le Mexique, surtout parmi <strong>les</strong> popu-<br />
lations rura<strong>les</strong>.<br />
Si la valeur nutritive des graines de Cactacées n’a pas fait<br />
jusqu’ici l’objet d’études spécia<strong>les</strong>, elle mérite cependant<br />
d’être prise en considération, car <strong>les</strong> Indiens, même <strong>les</strong> plus<br />
primitifs, ont su la reconnaître et même, semble-t-il, lui<br />
donner une préférence sur <strong>les</strong> autres graines sauvages qu’ils<br />
recherchaient pour leur nourriture. Un fait qui paraît bien<br />
le prouver est cette étrange et peu ragoûtante coutume mise<br />
en pratique chez <strong>les</strong> tribus sauvages habitant jadis la Basse-<br />
Californie et qui, d’après ce que rapportent <strong>les</strong> mission-<br />
naires, consistait, à l’époque où <strong>les</strong> Indiens se nourrissaient<br />
exclusivement de Pitayas, à extraire <strong>les</strong> graines contenues<br />
dans leurs excréments qu’ils avaient soin, en vue de cette<br />
récolte, de déposer sur des paquets d’herbe ou sur des pierres<br />
que l’on exposait au soleil afin de <strong>les</strong> sécher. Après cette<br />
dessiccation, <strong>les</strong> graines se détachaient d’el<strong>les</strong>-mêmes et<br />
pouvaient être nettoyées par le procédé de la bâtée exposé<br />
ci-dessus.
25<br />
Fig. 105. — Coupe longitudinale tangentielle <strong>du</strong> tronc d’un Opuntia Tapona Engelm.<br />
montrant l’écorce et la partie ligneuse réticulée.
386 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Le Père Clavijero mentionne le fait dans son histoire de<br />
la Basse-Californie et ajoute que <strong>les</strong> soldats espagnols quali-<br />
fièrent ironiquement cette opération de Segunda cosecha de<br />
pitayas 1 .<br />
Cette coutume, quoique des plus répugnantes, mérite<br />
cependant d’être relatée, car elle suffit bien à démontrer<br />
la valeur nutritive que l’instinct des Indiens primitifs avait<br />
su découvrir dans <strong>les</strong> graines de Cactacées.<br />
Du reste, ces mêmes Indiens consommaient encore<br />
d’autres graines de Cactacées, tel<strong>les</strong> que cel<strong>les</strong> que pro-<br />
<strong>du</strong>isent le Pachycereus Pringlei Britt. et Rose et le Ferocactus<br />
Peninsulæ Britt. et Rose, et pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils<br />
n’avaient pas besoin, comme moyen de récolte, d’avoir<br />
recours à un procédé aussi immonde, la première de ces<br />
Cactacées ayant une pulpe qu’ils n’appréciaient pas et le<br />
second un fruit complètement sec.<br />
CACTACÉES FOURNISSANT UN BOIS UTILISABLE<br />
Plusieurs espèces appartenant aux Opuntia et aux Cierges<br />
sont susceptib<strong>les</strong> d’offrir une lignification suffisamment<br />
complète de leurs tiges pour fournir parfois un bois d’excel-<br />
lente qualité, que <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> ont su mettre à<br />
profit dans leurs usages domestiques et dans leur petite<br />
in<strong>du</strong>strie. Aussi dans <strong>les</strong> régions à peu près stéri<strong>les</strong> où <strong>les</strong><br />
arbres de haute futaie sont généralement rares, a-t-on fré-<br />
quemment recours à la matière ligneuse que procurent <strong>les</strong><br />
sites peuplés de Cactacées.<br />
La nature de l’axe ligneux des Cactacées varie consi-<br />
dérablement, non seulement suivant <strong>les</strong> genres, mais aussi<br />
suivant <strong>les</strong> espèces ; tantôt elle constitue une substance<br />
nerveuse et ferme, tantôt au contraire molle et flexible ; de<br />
là une série de matériaux qui peuvent convenir à des usages<br />
différents.<br />
Chez <strong>les</strong> Opuntia, la constitution de la lignification est<br />
tout à fait particulière : elle se présente sous forme de fais-<br />
1. claviJeRo. — Historia de la Antigua o Baya California. Chap.<br />
XIX, p. 24.
Fig. 106. — Coupe longitudinale axiale <strong>du</strong> tronc d’un Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose<br />
montrant l’écorce, la partie ligneuse et le canal mé<strong>du</strong>laire.
388 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
ceaux fibreux qui se recourbent, s’entrecroisent et se soudent<br />
de façon à offrir au début un corps réticulé dont <strong>les</strong> mail<strong>les</strong><br />
se rétrécissent peu à peu par suite <strong>du</strong> développement, et<br />
disparaissent pour ne plus laisser finalement qu’une masse<br />
assez homogène (fig. 105).<br />
Chez <strong>les</strong> Cierges, <strong>les</strong> fibres, au lieu de fournir un pareil<br />
enchevêtrement, se disposent longitudinalement et parallèlement<br />
entre el<strong>les</strong>, de sorte qu’ils ont une texture ligneuse<br />
se rapprochant de celle des bois ordinaires (fig. 106).<br />
La matière ligneuse des Cactacées diffère par sa structure<br />
de celle des autres végétaux dont on a coutume d’utiliser le<br />
bois : celle-ci, au lieu de s’organiser par couches concentriques,<br />
résulte toujours de l’accolement de fibres qui<br />
d’abord apparaissent isolément par faisceaux dans <strong>les</strong> parties<br />
jeunes de la plante, mais qui, par suite de la croissance,<br />
augmentent de volume et finissent par se rejoindre en se<br />
soudant <strong>les</strong> uns aux autres, de façon à former un tube complet<br />
enserrant la partie mé<strong>du</strong>laire de la tige. A la base des<br />
rameaux et surtout dans la partie formant le tronc de la<br />
plante, <strong>les</strong> parois de ce tube, en s’épaississant, envahissent<br />
presque toute la tige pour ne plus laisser au centre de<br />
cette dernière qu’un canal mé<strong>du</strong>laire relativement étroit, et<br />
à la partie extérieure qu’une mince couche corticale.<br />
C’est ce que montrent d’une façon très nette <strong>les</strong> coupes<br />
transversa<strong>les</strong> de Platyopuntia, lorsque leurs artic<strong>les</strong>, d’abord<br />
comprimés, se sont modifiés pour prendre un contour cylindrique<br />
(fig. 107), et le fût des Cierges dès qu’il parvient à de<br />
fortes dimensions (fig. 108).<br />
Les bois fournis par <strong>les</strong> Cactacées trouvent, suivant leur<br />
constitution, différentes applications dans <strong>les</strong> usages domestiques<br />
; c’est ainsi que ceux de médiocre qualité conviennent<br />
pour le chauffage et ceux bien homogènes et de bonne dimension<br />
pour la charpente dans la construction des habitations<br />
et même dans certains cas pour des travaux d’art, emplois<br />
qui sont encore restés assez courants chez <strong>les</strong> populations<br />
rura<strong>les</strong> et qui motivent encore aujourd’hui une certaine<br />
exploitation forestière des régions boisées de Cactacées.
Fig. 107. — Section transversale <strong>du</strong> tronc complètement lignifié de<br />
l’Opuntia Tapona Engelm.
390 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La séparation <strong>du</strong> principe ligneux de la partie charnue à<br />
laquelle il est intimement lié, n’offre aucune difficulté et<br />
s’opère naturellement d’elle-même. Il suffit pour cela d’aban-<br />
donner la plante abattue sur le sol aux intempéries et aux<br />
ardeurs <strong>du</strong> soleil, après toutefois l’avoir débarrassée de ses<br />
parties jeunes qui pourraient, en entrant en végétation,<br />
entraver la dessication régulière. Dans ces conditions, la<br />
pulpe ne tarde guère à se dessécher et à tomber en pous-<br />
sière, laissant ainsi un bois à peu près exempt de matières<br />
étrangères, qu’il ne reste plus alors, pour sa facilité de<br />
transport, qu’à débiter sur place et à approprier aux usages<br />
auxquels on le destine.<br />
bois de combustion. — Les bois de Cactacées que l’on<br />
emploie de préférence dans le chauffage ménager, sont ceux<br />
que fournissent <strong>les</strong> Opuntia, car la structure réticulée de<br />
leur lignification est très favorable pour donner une flamme<br />
vive et peu fuligineuse.<br />
Les Cylindropuntia sont préférés aux Platyopuntia à cause<br />
de la conformation de leur axe ligneux, qui se présente sous<br />
forme de bûches assez régulières et de moyennes dimensions,<br />
ce qui convient alors pour <strong>les</strong> foyers rudimentaires dont <strong>les</strong><br />
indigènes font usage.<br />
Les espèces <strong>les</strong> plus particulièrement employées pour<br />
cet objet sont <strong>les</strong> O. Cholla Web., Alcahes Web., imbricata<br />
DC., etc., qui se rencontrent dans la nature, formant<br />
parfois, sur d’assez vastes éten<strong>du</strong>es, des buissons que <strong>les</strong><br />
bûcherons mexicains vont exploiter pour en apporter le<br />
pro<strong>du</strong>it sur <strong>les</strong> marchés.<br />
Les extrémités des tiges de Cylindropuntia, grâce à la<br />
texture bien ajourée de leur bois (fig. 109), donnent lieu<br />
lors de leur combustion à une longue flamme très éclai-<br />
rante, aussi <strong>les</strong> monteros <strong>les</strong> réservent-ils pour faire des<br />
torches dont ils se servent pendant leurs randonnées noc-<br />
turnes à travers <strong>les</strong> steppes.<br />
On utilise encore comme bois de chauffage ceux que pro-<br />
<strong>du</strong>isent certains de ces Cierges à tiges rameuses qui, dans<br />
nombre de localités, forment comme <strong>les</strong> Cylindropuntia
Fig. 108. — Coupe transversale de la moitié d’une bille de 45 centimètres de diamètre<br />
prélevée sur la partie lignifiée <strong>du</strong> tronc d’un Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.
392 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
d’importants peuplements ; tels sont <strong>les</strong> Machacrocereus<br />
gummosus Britt. et Rose, Acanthocereus pentagonus Britt.<br />
et Rose, Myrtillocactus geometrizans Console, Lophocereus<br />
Schottii Britt. et Rose.<br />
bois de constRuction, de chaRpente, de menuiseRie. —<br />
Les grands Cierges à tiges bien érigées, comme <strong>les</strong> Pitayos<br />
et <strong>les</strong> Cardones, fournissent un élément ligneux qui, suivant<br />
sa constitution, donne lieu à des catégories de bois trouvant<br />
leur utilisation particulière dans <strong>les</strong> constructions d’habi-<br />
tations et <strong>les</strong> travaux d’art.<br />
Les premiers, sauf quelques exceptions, donnent en<br />
général un tronc relativement court par rapport à leurs<br />
tiges qui sont peu ramifiées, droites et de moyenne grosseur ;<br />
il résulte de ce fait que leur axe ligneux fournit plutôt des<br />
tubes que des pièces massives ; ceux-ci peuvent alors sup-<br />
pléer <strong>les</strong> bambous dans un certain nombre de leurs appli-<br />
cations ménagères.<br />
Les seconds, qui sont <strong>les</strong> formes <strong>les</strong> plus corpulentes que<br />
comportent <strong>les</strong> Cierges, pro<strong>du</strong>isent une lignification beau-<br />
coup plus massive pouvant arriver à donner des bil<strong>les</strong> de<br />
bois qui, convenablement fen<strong>du</strong>es, pro<strong>du</strong>isent des planches<br />
de bonnes dimensions.<br />
Certains Pitayos, comme par exemple le Lemaireocereus<br />
Thurberi Britt. et Rose, grâce à la rectitude remarquable de<br />
leurs tiges, donnent des tubes ligneux longs parfois de<br />
plus de 2 mètres, dont on retire de bons avantages dans<br />
l’édification des habitations, dans <strong>les</strong> usages ménagers et<br />
dans <strong>les</strong> travaux agrico<strong>les</strong>. C’est ainsi que divisés longitu-<br />
dinalement en plusieurs segments, ils fournissent, grâce à<br />
leur texture particulière, d’excellentes lattes flexib<strong>les</strong> et bien<br />
résistantes que l’on emploie comme fermes pour soutenir<br />
<strong>les</strong> toitures de chaume, de palmes ou de tui<strong>les</strong>. Ces mêmes<br />
lattes, réunies par des liens, servent encore à confectionner<br />
ces sortes de claies repliab<strong>les</strong> que l’on désigne au Mexique<br />
sous le nom de Tapextle et qui font toujours partie <strong>du</strong><br />
mobilier sommaire des Indiens et des populations rura<strong>les</strong>.<br />
Ce tube de Pitayo coupé à dimension, soit entier, soit
Fig. 109. — Partie ligneuse de la tige<br />
d’un Opuntia (§ Cylindropuntia) imbricata DC.
394 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
fen<strong>du</strong> par le milieu, fournit des étuis ou des coffrets cylin-<br />
driques auxquels on a fréquemment recours pour la présen-<br />
tation et la conservation des objets délicats.<br />
Les rancheros mexicains emploient encore d’une façon<br />
assez courante <strong>les</strong> tubes de Pitayos dans leurs travaux agrico<strong>les</strong><br />
; ils s’en servent alors comme de bambous pour <strong>les</strong><br />
canalisations et <strong>les</strong> distributions d’eau dans l’irrigation des<br />
champs de cultures.<br />
Les Cardones, vu leurs proportions, sont susceptib<strong>les</strong> de<br />
fournir un élément ligneux beaucoup plus important et<br />
beaucoup plus massif que <strong>les</strong> Pitayos. Aussi est-ce à ceux-ci<br />
que l’on s’adresse de préférence lorsqu’il s’agit d’obtenir<br />
des tablettes ou des madriers que l’on emploie soit dans la<br />
construction pour faire <strong>les</strong> parois des habitations, soit dans<br />
<strong>les</strong> travaux d’art concernant la menuiserie ou l’ébénisterie,<br />
car certaines espèces sont capab<strong>les</strong> d’offrir un bois <strong>du</strong>r, bien<br />
homogène, et susceptible de recevoir un beau poli.<br />
La tige des Cardones donne, comme celle des Pitayos, un<br />
cylindre creux qui, grâce à l’épaisseur de sa paroi, peut être<br />
débité parallèlement à l’axe, de façon à fournir des tablettes<br />
de moyennes épaisseur et largeur, qui peuvent trouver un<br />
emploi approprié dans <strong>les</strong> travaux de charpente.<br />
Le tronc de ces Cierges fournit une bille de bois qui,<br />
suivant la dimension et le port de la plante, peut dépasser<br />
50 centimètres de diamètre sur une hauteur parfois de<br />
2 mètres.<br />
Les localités où <strong>les</strong> indigènes exploitent <strong>les</strong> bois de Cierges<br />
pour des travaux d’art, sont cel<strong>les</strong> qui sont situées à proxi-<br />
mité de ces endroits incultes où des bosquets de Cactacées<br />
couvrent, depuis des sièc<strong>les</strong>, d’assez grandes éten<strong>du</strong>es de<br />
terrain et où l’on peut facilement rencontrer des spécimens<br />
très âgés capab<strong>les</strong> de donner de bons matériaux, ou bien<br />
encore dans <strong>les</strong> pays où l’on emploie <strong>les</strong> Cierges comme<br />
clôture et où on est obligé, de temps en temps, de supprimer<br />
<strong>les</strong> sujets devenus trop encombrants par suite de leur déve-<br />
loppement.<br />
C’est ainsi que dans le sud-ouest des États-Unis et dans<br />
la partie nord-ouest <strong>du</strong> Mexique, <strong>les</strong> Indiens Pimas et
chapitRe xiv 395<br />
Opatas emploient en grande partie, dans l’édification de<br />
leurs cases, le bois qui leur est fourni par le Carnegiea<br />
gigantea Britt. et Rose.<br />
Sur le versant pacifique <strong>du</strong> Mexique on a recours pour<br />
<strong>les</strong> mêmes usages aux Pachycereus Pringlei Britt. et Rose,<br />
P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose et Lemaireocereus<br />
Thurberi Britt. et Rose.<br />
Sur le versant atlantique <strong>du</strong> Mexique, principalement dans<br />
le district de Tehuacan et dans la Basse-Mixtèque, différents<br />
Cierges sont employés ; tels sont toute la série des grandes<br />
espèces croissant dans <strong>les</strong> montagnes et <strong>les</strong> Lemaireocereus<br />
stellatus Britt. et Rose et Hollianus Britt. et Rose, que l’on<br />
cultive pour le fruit ou pour faire des clôtures ; mais c’est<br />
surtout, dans cette région où <strong>les</strong> Cierges forment de si<br />
remarquab<strong>les</strong> peuplements, au Lemaireocereus Weberi<br />
Britt. et Rose que l’on donne la préférence.<br />
Ce dernier, qui est le plus volumineux de tous ses congé-<br />
nères mexicains, donne, par ses tiges et par son tronc qui<br />
peut parfois acquérir 1 mètre de diamètre, une masse de bois<br />
considérable et qui, grâce à sa qualité, trouve un emploi<br />
courant dans <strong>les</strong> travaux de charpente ou de menuiserie.<br />
Sur le massif central, principalement dans <strong>les</strong> États de<br />
Queretaro, Jalisco et Michoacan, où <strong>les</strong> Cardones font à peu<br />
près défaut, on a parfois recours au Lemaireocereus queretaroensis<br />
Safford pour se procurer <strong>du</strong> bois ; ce Cierge, qui<br />
fait partie des Pitayos proprement dits, donne à la fois par<br />
ses rameaux bien érigés et par son tronc souvent très<br />
robuste, une nature de bois qui se rapproche assez de celle<br />
des Cardones, mais cette espèce étant surtout cultivée ou<br />
entretenue pour sa pro<strong>du</strong>ction fruitière, n’est que peu<br />
employée pour son bois que l’on ne prélève guère que sur<br />
des spécimens morts ou abattus par <strong>les</strong> ouragans.<br />
CACTACÉES PRODUCTRICES DE GOMMES<br />
La sève de Cactacées, chez bon nombre d’espèces, contient,<br />
en plus ou moins grande abondance, une matière muci-<br />
lagineuse qui, lorsqu’elle se concrète, fournit une gomme
396 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
insoluble à l’eau, que <strong>les</strong> indigènes utilisent dans nombre de<br />
cas pour leurs usages domestiques. Cette matière muci-<br />
lagineuse qui, jusqu’ici, n’a donné dans le pays où on la<br />
récolte, que des applications de médiocre importance, semble<br />
depuis peu, comme on le verra plus loin, être appelée à<br />
devenir un pro<strong>du</strong>it in<strong>du</strong>striel intéressant.<br />
Toutes <strong>les</strong> Cactacées ne la pro<strong>du</strong>isent pas ; elle semble<br />
surtout être propre à cel<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> tiges sont pourvues<br />
d’une ossature ligneuse, car à part quelques exceptions<br />
(Mamillariées Galactochylées), elle fait complètement défaut<br />
chez <strong>les</strong> Cactiers globuleux qui, comme on le sait, ont une<br />
sève tellement pure et limpide qu’elle peut servir dans cer-<br />
taines circonstances à remplacer l’eau potable.<br />
Les formes pro<strong>du</strong>ctives de cette gomme appartiennent<br />
donc aux genres Opuntia et Lemaireocereus.<br />
Chez le premier, on constate souvent que la matière<br />
mucilagineuse vient s’épancher à l’extérieur, en exsudat<br />
qui, au contact de l’air, se concrétionne en larmes, laissant<br />
alors une matière solide, légèrement translucide, d’un éclat<br />
lustré et de couleur plus ou moins blanchâtre ou jaunâtre.<br />
Cette matière concrétée, à laquelle <strong>les</strong> Espagnols don-<br />
nèrent le nom d’Alquitran de tierra, ne semble pas être,<br />
comme chez <strong>les</strong> autres arbres pro<strong>du</strong>cteurs de gomme, la<br />
conséquence d’une manifestation pathologique ou le résultat<br />
de la piqûre d’un insecte ; elle paraît au contraire être natu-<br />
relle et répondre à une modification biologique, survenant<br />
chez <strong>les</strong> Platyopuntia au moment où ils se constituent en<br />
tiges cylindriques fortement lignifiées. C’est <strong>du</strong> moins ce<br />
que paraissent indiquer certains spécimens quelque peu<br />
anormaux qui, au détriment de leurs artic<strong>les</strong> aplatis, se<br />
constituent en tronc allongé sur lequel on constate, plus<br />
que sur tout autre, d’abondants exsudats concrétés ; ces<br />
derniers, <strong>du</strong> reste, sont désignés par <strong>les</strong> indigènes sous le<br />
nom de Nopa<strong>les</strong> gomenos.<br />
Les indigènes emploient le mucilage des Platyopuntia sous<br />
ses deux états. La gomme exsudée et solide sert, comme tous<br />
<strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its à peu près similaires, à préparer des masti-<br />
catoires ou à être incorporée à différents ingrédients afin de
chapitRe xiv 397<br />
remplacer d’autres pro<strong>du</strong>ctions naturel<strong>les</strong> ne se rencontrant<br />
pas dans le pays. C’est ainsi, par exemple, que mélangée à<br />
de la graisse, on a pu, dans <strong>les</strong> petites in<strong>du</strong>stries de villages,<br />
fabriquer des cierges à bon marché qui ont toute l’appa-<br />
rence de ceux que l’on exécute d’ordinaire avec la cire<br />
d’abeille. Quant au mucilage extrait directement par l’ex-<br />
pression ou le broyage des artic<strong>les</strong>, il avait jadis nombre<br />
d’applications dans la médecine populaire.<br />
Le jus exprimé des artic<strong>les</strong> et concentré par la chaleur<br />
est mélangé à des matières inertes pour obtenir soit une<br />
substance plastique faisant l’office de mastic, soit un adhésif<br />
capable de coller <strong>les</strong> pièces de bois, ainsi que <strong>les</strong> Indiens de<br />
certaines régions ont coutume de le faire avec le suc retiré<br />
des bulbes d’Orchidacées ou encore avec celui d’une Com-<br />
posée vivace et frutescente que, dans le nord <strong>du</strong> Mexique, on<br />
désigne sous le nom vulgaire de Guayule (Parthenium argentatum<br />
A. Gray).<br />
La matière gommeuse des Cactacées était connue et<br />
employée depuis très longtemps, mais elle n’était pas sortie<br />
<strong>du</strong> domaine des applications restreintes que comportait<br />
l’utilisation indigène. Dombey, au xviii e siècle, signala cette<br />
gomme comme étant d’un emploi courant dans l’Amérique<br />
<strong>du</strong> Sud, et en envoya des échantillons à l’Académie des<br />
Sciences 1 ; Alzate, dans un Mémoire sur <strong>les</strong> Nopals, s’étonne<br />
que Dombey présente comme une nouveauté une chose<br />
connue depuis longtemps au Mexique, et ajoute que l’on<br />
pourrait appliquer cette substance à l’apprêt des tissus 2 .<br />
Récemment, Emmet S. Long 3 dit que la gomme obtenue<br />
des variétés inermes et épineuses des Platyopuntia ordinaires<br />
ressemble beaucoup à celle <strong>du</strong> Guayule et peut avantageusement<br />
lui être substituée dans <strong>les</strong> mélanges que l’on<br />
fait avec le caoutchouc dans le but d’améliorer ou de modi-<br />
fier ses propriétés. Il ajoute que par un traitement spécial<br />
suivi d’un raffinage, la substance mucilagineuse <strong>du</strong> Nopal<br />
1. B. sage. — Examen d’une substance gélatineuse recueillie par<br />
M. Dombey sur un Nopal, Paris, 1789.<br />
2. A. alzate. — Gaceta de literatura, 19 de abril 1791, réimprimé<br />
en 1831, II, p. 162-166.<br />
3. The Indian Rubber World, p. 709, 1 er Août 1920.
398 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
fournit une gomme de couleur ambrée ressemblant par ses<br />
propriétés physiques à celle <strong>du</strong> Guayule, quoique bien moins<br />
plastique. Celle-ci peut être pro<strong>du</strong>ite à un prix de revient<br />
permettant de concurrencer le caoutchouc brut et le Guayule.<br />
Avec cette gomme, qui est soluble dans le benzol et qui,<br />
dans cette solution, peut donner un pro<strong>du</strong>it très adhésif, on<br />
a pu réaliser un mélange composé de caoutchouc 50 0/0,<br />
gomme de Cactacée 40 0/0, ingrédients minéraux 10 0/0,<br />
avec lequel on obtient, après vulcanisation, des bandes ayant<br />
la même force de tension et d’élasticité que cel<strong>les</strong> fabriquées<br />
seulement avec <strong>du</strong> caoutchouc de plantation. En faisant<br />
varier la teneur des différents composants, on peut alors<br />
réaliser des pro<strong>du</strong>its pouvant s’adapter aux différents usages<br />
auxquels se prête le meilleur caoutchouc d’in<strong>du</strong>strie.<br />
L’auteur, ainsi que ceux qui ont assisté aux essais d’uti-<br />
lisation de cette gomme de Cactacée, concluent, d’après le<br />
Mémoire cité, que cette gomme est à tous points de vue<br />
égaie au Guayule et même, en certains cas, peut lui être<br />
supérieure en raison de la facilité avec laquelle elle se<br />
vulcanise et de la proportion dans laquelle elle peut rem-<br />
placer le caoutchouc brut sans nuire à la qualité <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />
fini.<br />
Les Cierges offrent également une gomme qui paraît,<br />
sinon identique, <strong>du</strong> moins analogue à celle que pro<strong>du</strong>isent<br />
<strong>les</strong> Platyopuntia et dont <strong>les</strong> indigènes ont su tirer un certain<br />
parti. C’est ainsi qu’en Basse-Californie, avec le Lemaireocereus<br />
Thurberi Britt. et Rose, ou Pitayo <strong>du</strong>lce, on a pu,<br />
comme on l’a vu au sujet de ce Cierge, retirer <strong>du</strong> suc exprimé<br />
des tiges, et après sa concentration à feu doux, une matière<br />
poisseuse dont <strong>les</strong> indigènes se sont servi pour faire un<br />
adhésif et même une poix d’excellente qualité, à laquelle <strong>les</strong><br />
marins espagnols ont eu jadis recours pour le colmatage de<br />
leurs navires.<br />
Le Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose, qui est si<br />
commun dans le sud de l’État de Puebla, où grâce à la recti-<br />
tude de ses tiges et à sa facile culture, on l’entretient pour<br />
faire des clôtures, fournit en très grande quantité un pro-<br />
<strong>du</strong>it mucilagineux qui paraît, plus que celui de toute autre<br />
espèce, devoir être exploité avec avantage pour l’in<strong>du</strong>strie<br />
de la gomme.
chapitRe xiv 399<br />
LES CARDONES<br />
Les Cierges auxquels, faute d’autres pro<strong>du</strong>ctions plus<br />
avantageuses, <strong>les</strong> populations mexicaines ont recours pour<br />
<strong>les</strong> usages domestiques qui viennent d’être exposés, appar-<br />
tiennent pour la plupart à ce groupe de formes géantes que<br />
dans la nomenclature populaire on désigne sous le nom de<br />
Cardones, désignation ayant trait au peu d’utilité de ces<br />
plantes.<br />
Les principa<strong>les</strong> espèces de ces Cardones que l’on exploite<br />
pour la pro<strong>du</strong>ction de leurs graines et de leur matière li-<br />
gneuse, sont <strong>les</strong> Cephalocereus Tetazo Vaupel, Lemaireocereus<br />
Weberi Britt. et Rose, Pachycereus Pringlei Britt. et<br />
Rose, P. Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />
Cephalocereus Tetazo Vaupel (syn. : Pilocereus Tetezo<br />
Web., Cereus Tetazo Coult.). — C’est une espèce qui peut<br />
atteindre une hauteur de 10 à 15 mètres ; elle présente une<br />
ramification très fournie ; ses tiges, d’un vert grisâtre, sont<br />
toujours bien érigées, peu divergentes <strong>les</strong> unes des autres,<br />
légèrement coniques et acuminées à l’extrémité (fig. 110).<br />
Les côtes sont au nombre de 10 à 12, el<strong>les</strong> sont peu proé-<br />
minentes et séparées <strong>les</strong> unes des autres par des sillons peu<br />
profonds. Les aréo<strong>les</strong> sont garnies d’un tomentum ca<strong>du</strong>c à<br />
éléments courts, feutrés, de couleur grisâtre, qui peuvent<br />
tout au plus figurer un rudiment de cephalium. Les faisceaux<br />
épineux se composent de 8 à 19 aiguillons assez courts, dont<br />
un central beaucoup mieux développé mesurant environ<br />
4 à 5 centimètres ; ces aiguillons sont droits, rigides, acicu-<br />
laires, acuminés et d’une coloration noirâtre. Les fleurs<br />
apparaissent au sommet des tiges ; el<strong>les</strong> sont d’une teinte<br />
verdâtre, longues de 6 centimètres, ne présentant aucune<br />
trace de pilosité ; sur leur tube inerme se soudent des<br />
squames linéaires charnues ; <strong>les</strong> sépa<strong>les</strong> sont arrondis, re-<br />
curvés ; <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> sont étalés et de couleur blanchâtre ; <strong>les</strong><br />
étamines sont courtes, insérées en gradins et laissent au-<br />
dessous de leur insertion un espace vide ; le style se termine<br />
au niveau <strong>du</strong> limbe. Le fruit est ficiforme, de couleur vert<br />
clair, long de 2 à 3 centimètres ; il renferme une pulpe
400 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
blanche contenant de très nombreuses graines qui sont<br />
comestib<strong>les</strong> et avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> indigènes, en temps de<br />
pénurie de céréa<strong>les</strong>, préparent une farine.<br />
Le fruit <strong>du</strong> Tetazo, en plus de ses graines, renferme une<br />
pulpe blanche légèrement sucrée qui se sèche facilement au<br />
soleil, comme on le fait pour certains fruits ; aussi <strong>les</strong> indi-<br />
gènes le conservent-ils ainsi et le consomment comme <strong>les</strong><br />
figues séchées ; il se vend couramment à sa saison sur <strong>les</strong><br />
marchés <strong>du</strong> sud de l’État de Puebla ; il sert alors pour faire<br />
des conserves ou pour en extraire <strong>les</strong> graines.<br />
Ce Cierge, par sa forme bien érigée et son peu de ramifi-<br />
cations, se confond par son aspect avec plusieurs autres<br />
Pachycereus et Cephalocereus qui se rencontrent dans la<br />
même région et qui souvent croissent en compagnie sur <strong>les</strong><br />
coteaux et <strong>les</strong> pentes des montagnes, où ils forment alors de<br />
très importants peuplements ; tels sont par exemple <strong>les</strong><br />
Pachycereus ruficeps Britt. et Rose, que <strong>les</strong> indigènes<br />
nomment faux Tetazo, le P. chrysomallus Britt. et Rose et<br />
le Cephalocereus Hoppenstedtii Britt. et Rose.<br />
L’éten<strong>du</strong>e de la zone de répartition <strong>du</strong> Cephalocereus<br />
Tetazo reste indéterminée, on sait seulement qu’il se rencontre<br />
en abondance sur <strong>les</strong> confins des États de Puebla et<br />
de Oaxaca, principalement dans <strong>les</strong> régions de Tehuacan,<br />
Chazumba, Los Cues, Tomelin, San Sebastian Zina-<br />
catepec, etc.<br />
Lemaireocereus Weberi Britt. et Rose (syn. Cereus Weberi<br />
Coult., C. candelabrum Web.). — Cette espèce est une des plus<br />
volumineuses que comportent <strong>les</strong> Cierges au Mexique,<br />
non par son élévation qui n’excède pas une dizaine de<br />
mètres, mais par son extension latérale, qui peut, chez<br />
<strong>les</strong> sujets très développés, couvrir une surface dont le<br />
diamètre arrive jusqu’au double de la hauteur de la plante.<br />
Ses tiges, d’un vert plus ou moins céru<strong>les</strong>cent, sont très<br />
vigoureuses ; el<strong>les</strong> ont environ une vingtaine de centimètres<br />
de section ; leur sommet est arrondi, quelque peu déprimé,<br />
couvert d’une laine épaisse d’où surgissent des aiguillons<br />
courts et étalés. El<strong>les</strong> ne se ramifient guère que vers leur
26<br />
Fig. 110. — Cephalocereus Tetazo Vaupel.<br />
Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).
402 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
base et après s’être brusquement recourbées, se disposent<br />
toujours parallèlement <strong>les</strong> unes aux autres, en partant d’un<br />
tronc droit et corpulent ayant parfois 1 mètre de diamètre<br />
sur une hauteur très variable, qui peut parfois, chez <strong>les</strong><br />
spécimens élancés, parvenir à 2 mètres (fig. 111).<br />
Il résulte de cet ensemble que la plante affecte, par la<br />
régularité de son port, un aspect tout à fait particulier, qui<br />
la fait facilement et à première vue distinguer des autres<br />
Cierges en compagnie desquels elle se rencontre d’habitude.<br />
Les tiges présentent neuf côtes fortement comprimées<br />
ayant une hauteur de 2 centimètres, séparées <strong>les</strong> unes des<br />
autres par de profonds sillons. Les aréo<strong>les</strong> se distancent de<br />
2 ou 3 centimètres ; el<strong>les</strong> sont ova<strong>les</strong> et garnies d’une pilo-<br />
sité laineuse formant coussinet. Les faisceaux épineux com-<br />
portent neuf aiguillons renflés à leur base, dont huit radiants<br />
et un central beaucoup plus développé. Les aiguillons supé-<br />
rieurs sont plus petits et ont 1 à 5 millimètres de longueur,<br />
tandis que ceux de la base atteignent 3 centimètres ; l’ai-<br />
guillon central rappelle quelque peu celui <strong>du</strong> Myrtillocactus<br />
geometrizans Console ; comme lui, il est comprimé en forme<br />
de stylet et mesure de 7 à 10 centimètres de long. Les fleurs,<br />
d’un blanc jaunâtre, apparaissent sur <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> latéra<strong>les</strong> ;<br />
leur longueur est de 8 à 10 centimètres. Le fruit est oblong,<br />
épineux, et atteint 6 à 7 centimètres dans son plus grand<br />
diamètre ; il est couvert de petites écail<strong>les</strong> qui portent à leur<br />
aisselle de la laine et de petits aiguillons ; ce fruit, lorsqu’il<br />
est arrivé à maturité, est presque sec et renferme une très<br />
grande quantité de graines qui sont, comme cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Cephalocereus<br />
Tetazo, récoltées par <strong>les</strong> indigènes pour subvenir,<br />
en temps de disette, à la pénurie de céréa<strong>les</strong>. Le bois fourni<br />
par <strong>les</strong> rameaux, et surtout par le tronc, est très compact,<br />
et, bien fen<strong>du</strong>, préparé par des professionnels, il peut fournir<br />
des planches de très bonne qualité qui trouvent leur emploi<br />
dans la menuiserie et l’ébénisterie.<br />
Dans l’État de Puebla, on s’en sert tout spécialement pour<br />
fabriquer <strong>les</strong> panneaux et <strong>les</strong> parties rigides des sel<strong>les</strong><br />
particulières à la région.<br />
Le Lemaireocereus Weberi est encore très couramment<br />
employé pour faire <strong>les</strong> clôtures délimitant <strong>les</strong> propriétés.
Fig. 111. — Lemaireocereus Weberi Coult.<br />
Zapotitlan de las Salinas (État de Puebla).
Cakteen -><br />
Kakteen<br />
404 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
A cause de ses vigoureux aiguillons, ce Cierge est désigné<br />
vernaculairement sous le nom de Cardon espinoso ; quant<br />
au nom spécifique proposé de candelaber, donné par<br />
Weber 1 , il a trait à la ramification de ce Cierge qui, lorsqu’il<br />
croît librement, affecte une forme de candélabre des plus<br />
parfaites.<br />
La répartition géographique de ce Cierge est à peu de<br />
chose près la même que celle de l’espèce précédente ; il est<br />
très répan<strong>du</strong> au sud de l’État de Puebla où on le rencontre<br />
auprès des petites vil<strong>les</strong> de Zapotitlan de las Salinas et de<br />
San Sebastian Zinacatepec.<br />
Pachycereus Pringlei Britt. et Rose (syn. : P. calvus Britt.<br />
et Rose, P. Titan Britt. et Rose, Cereus Pringlei Wats.,<br />
C. Titan Engelm., C. calvus Engelm., Pilocereus Pringlei<br />
Web.). — Ce Cierge est, avec le Carnegiea gigantea Britt. et<br />
Rose et le Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose,<br />
une des trois espèces gigantesques que l’on rencontre sur<br />
le versant pacifique <strong>du</strong> Mexique.<br />
La taille habituelle des spécimens a<strong>du</strong>ltes varie entre 8 et<br />
10 mètres, cependant elle peut parvenir parfois à une élé-<br />
vation beaucoup plus considérable sur le versant occidental<br />
de la Basse-Californie où il n’est pas rare de rencontrer,<br />
comme le montrent <strong>les</strong> figures 1 et 19, des spécimens dont la<br />
stature approche d’une vingtaine de mètres.<br />
Le port et l’allure <strong>du</strong> P. Pringlei sont assez variab<strong>les</strong> et<br />
paraissent dépendre, <strong>du</strong> moins en grande partie, d’influences<br />
loca<strong>les</strong> et climatériques. Si, parfois, certains spécimens de<br />
cette espèce peuvent ressembler au Lemaireocereus Weberi,<br />
ils sont cependant toujours infiniment moins rameux et<br />
l’on peut même en rencontrer mesurant 5 à 6 mètres d’élé-<br />
vation qui n’ont pas encore émis de ramification. Par contre,<br />
Certaines formes croissant au voisinage de la mer et princi-<br />
palement dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong> <strong>du</strong> Golfe de Californie, ont un aspect<br />
1. La description parue dans schumann : Gesamtbeschreibung der<br />
Kakteen, p. 106, 1897, porte candebabrum et non candelaber.
Fig. 112. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />
Variété peu épineuse et à tige renflée des climats insulaires.<br />
Île de la Catalana (Golfe de Californie).
406 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tout différent qui <strong>les</strong> rapproche, comme allure, de l’espèce<br />
ci-dessus mentionnée ; ils sont alors, dans leur ensemble,<br />
plus trapus et plus solides de complexion ; leurs rameaux<br />
sont plus épais, moins élancés ; le tronc qui <strong>les</strong> porte est<br />
presque toujours court, de sorte que l’ensemble de la plante<br />
a une tendance à prendre une extension latérale (fig. 112).<br />
Il résulte de ces faits que le P. Pringlei se montre assez<br />
variable dans sa conformation et qu’on peut lui différencier<br />
trois types assez bien définis :<br />
1° Une forme moyenne qui représente celle ayant servi à<br />
Watson en 1885 pour la description de son espèce et dont<br />
<strong>les</strong> échantillons avaient été récoltés par Pringle en Basse-<br />
Californie et qui paraît bien correspondre au Cereus calvus<br />
des notes manuscrites d’Engelmann ;<br />
2° Une autre beaucoup moins rameuse, mais à tiges plus<br />
élancées, habitant surtout le versant oriental de la pénin-<br />
sule californienne où, pour la première fois, elle a été ré-<br />
coltée et observée par Gabb depuis le cap San Lucas jusqu’à<br />
San Quintin et que Engelmann, dans ses mêmes notes, avait<br />
consignée sous le nom de Cereus Titan ;<br />
3° Une dernière forme beaucoup plus massive, moins<br />
élevée, à tronc très court, que l’on rencontre dans certaines<br />
î<strong>les</strong> <strong>du</strong> Golfe de Californie, tel<strong>les</strong> que la Tortuga, la Catalana,<br />
San Jose. Cette troisième forme se différencie encore et à<br />
première vue des précédentes par la coloration de ses tiges<br />
qui est d’un vert plus clair, par ses aiguillons plus aplatis et<br />
flexib<strong>les</strong>, par sa fleur et son fruit acquérant de plus grandes<br />
dimensions.<br />
Ces formes, qui ont toutes trois <strong>les</strong> mêmes caractères bota-<br />
niques, ne peuvent tout au plus constituer que des variétés<br />
car, entre el<strong>les</strong>, on rencontre toute une série de termes de<br />
transition.<br />
Chez la forme la plus communément répan<strong>du</strong>e, <strong>les</strong> tiges<br />
partent d’un tronc souvent bien développé et bien régulier ;<br />
el<strong>les</strong> ont un diamètre d’une vingtaine de centimètres ; tantôt<br />
el<strong>les</strong> s’élancent parallèlement, tantôt, au contraire, el<strong>les</strong> sont<br />
assez divergentes et peuvent même parfois prendre une<br />
allure désordonnée (fig. 113).
Fig. 113. — Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.<br />
Spécimen montrant l’allure désordonnée que peut prendre<br />
la ramification dans <strong>les</strong> endroits exposés aux intempéries.<br />
Plaines alluvia<strong>les</strong> des environs de la Paz (Basse-Californie).
408 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Leur sommet est complètement inerme et <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> qui<br />
l’occupent portent, au lieu d’aiguillons, un tomentum épais ;<br />
ce qui a valu à ce Cierge le nom vernaculaire de Cardon<br />
pelon.<br />
Les côtes sont au nombre d’une douzaine ; el<strong>les</strong> sont bien<br />
conformées et séparées par de profonds sillons. Les aréo<strong>les</strong><br />
sont confluentes ou tout au plus réunies par un sillon laineux.<br />
Les faisceaux épineux sont constitués par des aiguillons<br />
grisâtres longs de 2 à 3 centimètres ; ils se répartissent<br />
en 12 extérieurs et en 8 intérieurs, dont 4 occupant le centre<br />
sont plus développés. Les fleurs (fig. 114) sont courtes, trapues<br />
; leur tube est squameux et couvert d’une laine épaisse ;<br />
<strong>les</strong> péta<strong>les</strong> sont nombreux, étroits, lancéolés, de couleur<br />
blanche. Le fruit (fig. 115) est velu, laineux ; il s’ouvre en<br />
plusieurs valves irrégulières qui, en se desséchant, s’éparpillent<br />
en de nombreuses pelotes épineuses. Le fruit contient<br />
une pulpe insipide, blanche ou de couleur rosée ; <strong>les</strong> Indiens<br />
n’en faisaient pas cas et récoltaient seulement ses graines<br />
pour leur alimentation.<br />
Étant donnée l’abondance de principes pectiques que<br />
contient cette pulpe, <strong>les</strong> missionnaires eurent l’idée de l’utiliser<br />
en l’aromatisant, afin de préparer des gelées ou des<br />
confitures qui furent appréciées et que l’on prépare encore<br />
de nos jours dans quelques ranchos de la péninsule californienne<br />
; cette préparation culinaire est surtout employée<br />
dans la médecine familiale pour remplacer <strong>les</strong> gelées de<br />
coings dans le traitement des affectations dysentériformes.<br />
Les rancheros de la Basse-Californie utilisent comme pro<strong>du</strong>it<br />
fourrager <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits lorsque toutefois ces<br />
derniers, n’étant pas encore arrivés à maturité, peuvent être<br />
consommés sans danger pour le bétail. Les vaches laitières<br />
soumises à ce régime alimentaire donnent, assure-t-on, un<br />
lait très substantiel, ce qui n’a pas lieu avec <strong>les</strong> autres Cactacées<br />
(Platyopuntia, Echinocactées) employées aux mêmes<br />
fins dans le pays aux moments des grandes sécheresses. La<br />
floraison <strong>du</strong> P. Pringlei ayant lieu vers <strong>les</strong> mois d’avril et<br />
de mai, c’est-à-dire au moment de la sécheresse saisonnière,
Fig. 114. — Fleurs et bouton floral<br />
<strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose.
410 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
constitue donc un précieux appoint pour l’entretien en bon<br />
état <strong>du</strong> bétail mis en parcage dans <strong>les</strong> bosquets de ce Cierge.<br />
Ce Cardon procure encore d’autres avantages que <strong>les</strong> indigènes<br />
n’ont pas manqué de mettre à profit ; c’est ainsi,<br />
comme on l’a vu plus haut, qu’il donne avec son tronc et<br />
ses tiges, lorsqu’el<strong>les</strong> sont bien aoûtées, un bois très <strong>du</strong>r<br />
et de bonne qualité, que l’on met assez souvent à contribu-<br />
tion dans la construction et la menuiserie.<br />
Les tiges servent encore, comme on l’a mentionné au<br />
Chapitre des clôtures, à établir de solides et robustes haies<br />
vives pour l’entourage des propriétés (fig. 95).<br />
Le P. Pringlei a une répartition assez éten<strong>du</strong>e ; on le<br />
rencontre au Mexique, depuis <strong>les</strong> confins sud-ouest des<br />
États-Unis où il voisine avec le Carnegiea gigantea Britt. et<br />
Rose, jusqu’à l’isthme de Tehuantepec, et avec le Pachycereus<br />
Pecten-aboriginum Britt. et Rose ; la région où il<br />
paraît abonder davantage occupe surtout <strong>les</strong> États de<br />
Sonora, de Sinaloa et le territoire de la Basse-Californie.<br />
D’une façon générale, ce Cardon a son point d’élection<br />
sur <strong>les</strong> zones côtières ; cependant parfois on le rencontre par<br />
places dans l’intérieur <strong>du</strong> pays où quelquefois il a été trans-<br />
porté accidentellement ; c’est ainsi qu’on a pu le retrouver<br />
auprès de la petite ville d’Acatlan de Osorio (État de Puebla),<br />
située sur la partie supérieure <strong>du</strong> bassin <strong>du</strong> rio Balsas.<br />
Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose (syn. :<br />
Cereus Pecten-aboriginum Engelm. — Ce Cierge est désigné<br />
vernaculairement sous le nom de Hecho ; il ressemble assez<br />
comme morphologie générale à l’espèce précédente. Comme<br />
lui, il est médiocrement rameux et affecte des allures diffé-<br />
rentes suivant <strong>les</strong> conditions écologiques dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il<br />
se trouve ; il atteint chez <strong>les</strong> sujets <strong>les</strong> plus courants une hau-<br />
teur normale de 6 à 8 mètres, mais, dans certaines cir-<br />
constances, peut acquérir une stature beaucoup plus élevée<br />
(fig. 20).<br />
Les tiges sont vigoureuses, longues, assez rectilignes, peu<br />
ou point ramifiées ; el<strong>les</strong> présentent de 10 à 12 côtes hautes,<br />
obtuses, d’un vert foncé ou grisâtre suivant leur âge. Les
Fig. 115. — Fruit <strong>du</strong> Pachycereus Pringlei Britt. et Rose et fragment de son épicarpe<br />
montrant la desquamation des pelotes épineuses.
412 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
faisceaux épineux sont constitués par 8 à 12 aiguillons su-<br />
bulés, très forts, qui, selon leur position, peuvent être dressés<br />
ou infléchis, et de 1 à 3 centimètres de longueur ; ceux qui<br />
occupent la partie supérieure et centrale sont plus longs ;<br />
Fig. 116. — Faisceaux épineux <strong>du</strong> Pachycereus<br />
Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />
(Partie australe de la Basse-Californie).<br />
ces derniers parfois comprimés ; ils sont d’une couleur gri-<br />
sâtre et leur extrémité est noire (fig. 116). Les aréo<strong>les</strong> sont<br />
tomentueuses dans <strong>les</strong> parties jeunes, mais deviennent dans<br />
la suite glabres.
chapitRe xiv 413<br />
La fleur est infundibuliforme, de couleur violacée plus ou<br />
moins verdâtre par endroits ; elle est longue de 4 à 5 centi-<br />
mètres ; l’ovaire est squameux, laineux et épineux. Le fruit<br />
Fig. 117. — Fruit de Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />
constitue une baie sèche, qui est recouverte d’une toison<br />
épaisse constituée par de longs aiguillons flexib<strong>les</strong>, crini-<br />
formes, terminés par une pointe très acérée, ce qui donne à
414 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
ce fruit l’apparence d’une volumineuse châtaigne dont le<br />
diamètre dépasserait 10 centimètres (fig. 117).<br />
Ce fruit, lorsqu’il est complètement sec, est employé par<br />
Fig. 118. — Coupe de l’épicarpe <strong>du</strong> fruit <strong>du</strong> Pachycereus<br />
Pecten-aboriginum Britt. et Rose montrant<br />
l’insertion des aiguillons.<br />
<strong>les</strong> Indiens de Sonora et de Sinaloa, pour fabriquer des<br />
brosses à chevelure ; c’est même ce qui a valu au Cierge qui<br />
le pro<strong>du</strong>it le nom spécifique qui lui fut donné par Engel-<br />
mann. Pour se prêter à l’usage auquel on le destine, ce fruit
chapitRe xiv 415<br />
a besoin de subir une certaine préparation : on commence<br />
d’abord par supprimer par un flambage au feu ou plus sim-<br />
plement avec des ciseaux, <strong>les</strong> extrémités des crins qui sont<br />
vulnérantes ; puis on le soumet à l’eau chaude pour le ra-<br />
Fig. 119. — Brosse à chevelure des Indiens Cahita-yaquis confectionnée avec<br />
le fruit <strong>du</strong> Pachycereus Pecten-aboriginum Britt. et Rose.<br />
L’extrémité des aiguillons a été rognée et la partie basilaire <strong>du</strong> fruit<br />
a été débarrassée de ses piquants afin de pouvoir être saisie à la main.<br />
Guaymas (État de Sonora).<br />
mollir et lui donner une forme convenable ; enfin, pour que<br />
cette curieuse brosse, qui ressemble assez à cel<strong>les</strong> que l’on<br />
fabrique avec le chiendent, puisse être saisie à la main, on<br />
a soin de dénuder et d’étirer la base <strong>du</strong> fruit (fig. 119).
416 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La floraison de ce Cierge apparaît toujours à l’extrémité<br />
des rameaux ; elle est parfois très abondante et <strong>les</strong> fruits<br />
qui en résultent finissent parfois, lorsqu’ils ont atteint leur<br />
développement, par se toucher de façon à recouvrir d’un<br />
Fig. 120. — Fruit <strong>du</strong> Pachycereus Pecten-aboriginum<br />
Britt. et Rose, variété.<br />
(Basse-Californie).<br />
manchon épineux l’extrémité de la tige, qui paraît alors être<br />
pourvue d’un cephalium des mieux constitués.<br />
Le P. Pecten-aboriginum est remarquable par la grosseur<br />
de ses graines qui atteignent 4 millimètres de longueur
chapitRe xiv 417<br />
sur 2,5 de largeur ; el<strong>les</strong> sont d’un noir luisant et ne peuvent,<br />
d’après le D r Weber, être confon<strong>du</strong>es avec cel<strong>les</strong> des espèces<br />
jusqu’ici connues.<br />
Ce Cardon, comme le précédent, est utilisé par <strong>les</strong> indigènes<br />
pour sa matière ligneuse ; il sert également à établir<br />
des haies vives pour la clôture des propriétés.<br />
La pulpe de ses tiges contient un principe actif qui a été<br />
isolé et décrit par Hey sous le nom de pectinine 1 . Ce pro<strong>du</strong>it,<br />
d’après l’auteur, a une action physiologique très sem-<br />
blable à l’anhalonine que l’on extrait <strong>du</strong> Lophophora Williamsii<br />
Coult.; il est très virulent et pro<strong>du</strong>it des spasmes<br />
tétaniques.<br />
Le P. Pecten-aboriginum présente une variété qui, jusqu’ici,<br />
n’a été rencontrée que dans la partie australe de la<br />
péninsule californienne ; celle-ci se distingue de l’espèce type<br />
par son fruit dont <strong>les</strong> crins sétacés sont beaucoup plus<br />
touffus, mais par contre beaucoup plus courts, de sorte que<br />
ce fruit ne peut convenir à la fabrication de brosses ; <strong>du</strong><br />
reste lorsqu’il est sec il est peu consistant et se ré<strong>du</strong>it faci-<br />
lement en fragments (fig. 120). Ces faits sembleraient indi-<br />
quer que cette variété pourrait bien être le résultat d’un<br />
croisement naturel avec le P. Pringlei, ces deux espèces fleurissant<br />
à la même époque.<br />
L’aire de dispersion <strong>du</strong> P. Pecten-aboriginum Britt. et<br />
Rose occupe à peu près la même éten<strong>du</strong>e que celle <strong>du</strong><br />
P. Pringlei Britt. et Rose, car on rencontre cette espèce au<br />
Mexique depuis le nord des États de Sonora et de Chihuahua<br />
jusqu’aux frontières <strong>du</strong> Guatemala ; cependant, sur cette<br />
longue éten<strong>du</strong>e de côtes, il fait défaut sur une grande partie<br />
de la Basse-Californie où il ne se rencontre que tout à fait<br />
à la partie australe.<br />
1. Archiv der Pharmacie t. 239, p. 451 (1901).<br />
27
CHAPITRE XV<br />
CACTACÉES EMPLOYÉES COMME FOURRAGE<br />
ET COMME ENGRAIS VERT<br />
Historique. — Vue générale sur <strong>les</strong> Cactacées recherchées comme<br />
fourrage. — Les Platyopuntia et leur complément nutritif.<br />
— Valeur alimentaire de leurs artic<strong>les</strong> et de leurs fruits. —<br />
Les Echinocactées. — Fruits de Cylindropuntia et de Cierges.<br />
— Platyopuntia employés comme engrais vert.<br />
L’emploi des Cactacées comme plantes fourragères ne<br />
remonte pas à une époque très reculée, car <strong>les</strong> anciens Mexi-<br />
cains n’eurent pas besoin d’y recourir étant donné qu’ils ne<br />
connaissaient pas l’élevage des bestiaux. C’est donc aux<br />
colons espagnols qu’on doit l’initiative de cette entreprise<br />
qui, selon toute vraisemblance, a dû leur être révélée par<br />
l’instinct des animaux, au début des élevages effectués sur<br />
<strong>les</strong> vastes solitudes <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Mexique. Cette supposition<br />
paraît <strong>du</strong> moins se confirmer par l’attestation d’un mission-<br />
naire franciscain, le Père Arlegui 1 , lorsqu’il dit que sur <strong>les</strong><br />
grandes plaines des régions désertiques de Charcas, Mazapil,<br />
Saltillo et Zacatecas, où sont situés de nombreux bosquets<br />
de Nopals, on élève en liberté d’excellentes races de che-<br />
vaux, n’ayant guère comme pâture habituelle que des Nopals<br />
et des Biznagas.<br />
Un certain nombre de Cactacées, par la matière charnue<br />
dont sont constitués <strong>les</strong> tiges, <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits, offrent<br />
pour <strong>les</strong> herbivores un aliment sinon complet, <strong>du</strong> moins suf-<br />
fisant quand on l’emploie seul pour maintenir le bétail pen-<br />
1. Jose aRlegui. — Cronica de la Provincia de N. S. P. San Francisco<br />
de Zacatecas, Parte tercera, Capitulo 2, p. 134
420 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
dant de très longues périodes de sécheresse. Aussi, grâce à<br />
cela, <strong>les</strong> Cactacées furent-el<strong>les</strong> d’un grand secours pour<br />
l’élevage en liberté dans <strong>les</strong> régions désolées <strong>du</strong> Mexique,<br />
principalement aux époques où <strong>les</strong> voies de communications<br />
régulières n’existaient pour ainsi dire pas et où, par consé-<br />
quent, <strong>les</strong> transports de fourrages ordinaires ne pouvaient<br />
être effectués d’une façon économique.<br />
Les Cactacées auxquel<strong>les</strong> on a recours d’une façon cou-<br />
rante dans l’alimentation <strong>du</strong> bétail appartiennent tous aux<br />
Opuntiées, aux Echinocactées et aux Céréées.<br />
Chez <strong>les</strong> deux premières, la plante entière et sa pro<strong>du</strong>ction<br />
sont fourragères ; chez <strong>les</strong> Céréées, <strong>les</strong> fleurs et <strong>les</strong> fruits<br />
peuvent seuls être utilisés car, en général, chez ces derniers<br />
la masse charnue dont sont constituées <strong>les</strong> tiges est, soit<br />
toxique, soit douée d’une saveur amère qui répugne aux<br />
animaux. Il résulte donc de ce fait que l’emploi <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />
fourrager des Céréées n’est que momentané, tandis que <strong>les</strong><br />
Opuntiées et <strong>les</strong> Echinocactées peuvent être utilisées à<br />
n’importe quelle époque de l’année.<br />
Ce sont <strong>les</strong> Platyopuntia auxquels on a surtout recours<br />
comme plantes fourragères, et leur utilisation pour ce but<br />
s’est éten<strong>du</strong>e maintenant non seulement dans le pays d’ori-<br />
gine, mais encore dans <strong>les</strong> pays où la plante, s’étant natura-<br />
lisée, est devenue, dans la suite, l’objet d’une certaine<br />
culture, comme par exemple sur le littoral méditerranéen<br />
et principalement en Sicile.<br />
Aux États-Unis, l’usage des Platyopuntia dans l’alimentation<br />
<strong>du</strong> bétail est maintenant devenu chose courante dans<br />
nombre de régions méridiona<strong>les</strong>, où le sol est aride et où<br />
le climat est en général peu différent de celui des plaines<br />
de la région septentrionale <strong>du</strong> Mexique 1 .<br />
Pour ce qui est des raquettes de Platyopuntia, on donne<br />
la préférence à cel<strong>les</strong> qui proviennent des variétés inermes,<br />
1. Pour ce qui est des Opuntia utilisés dans cette région comme<br />
fourrage, consulter <strong>les</strong> travaux de D. GRIFFITHS et de HARE publiés<br />
dans U. S. Department of Agriculture, Bureau of plant in<strong>du</strong>stry, Bulletin<br />
n° 74, 1905 ; n° 102, 1907 ; n° 124, 1908 ; n° 140, 1909.
chapitRe xv 421<br />
afin de soustraire le tube digestif des animaux aux b<strong>les</strong>sures<br />
des aiguillons et des sétu<strong>les</strong> qui, en se fixant sur <strong>les</strong> mu-<br />
queuses de l’estomac et de l’intestin, pourraient occasionner<br />
de graves accidents inflammatoires. Mais comme ces variétés<br />
inermes sont plus délicates et réclament une culture plus<br />
soignée, on est obligé plus souvent d’utiliser <strong>les</strong> variétés épi-<br />
neuses, en ayant soin toutefois de leur faire subir un trai-<br />
tement qui a pour objet d’éliminer la cause vulnérante. Pour<br />
cela, on a recours soit à un broyage des aiguillons après le<br />
passage des artic<strong>les</strong> au coupe-racines, soit à un procédé plus<br />
pratique imaginé par <strong>les</strong> Américains, et qui consiste dans<br />
un flambage ou un grillage des aiguillons à l’aide d’une<br />
lampe chalumeau, opérations qui, lorsqu’el<strong>les</strong> sont exécutées<br />
à l’aide d’appareils appropriés, ne compliquent guère la ma-<br />
nutention des artic<strong>les</strong>.<br />
Les chevaux, grâce à leur dentition spéciale, peuvent,<br />
surtout lorsqu’ils sont élevés à l’état sauvage, manger sans<br />
risque de dommage des artic<strong>les</strong> très épineux ; mais <strong>les</strong><br />
boeufs, auxquels il manque <strong>les</strong> incisives supérieures, n’ar-<br />
rivent que difficilement à ce résultat, à moins toutefois qu’ils<br />
n’aient été entraînés par <strong>les</strong> exigences et <strong>les</strong> nécessités que<br />
comporte la vie à l’état sauvage.<br />
Les artic<strong>les</strong> de Platyopuntia, pour qu’ils aient toutes <strong>les</strong><br />
qualités voulues au point de vue alimentaire, doivent être<br />
prélevés avant la floraison, car la fructification épuise for-<br />
cément la plante, ainsi que cela a été mis en évidence par<br />
l’analyse chimique, qui a démontré que des raquettes<br />
d’Opuntia qui, avant la fructification, contenaient plus de<br />
2 grammes pour cent de suc, n’en avaient plus après cette<br />
dernière que 0 gr. 296 1 .<br />
Ils en résulte donc que <strong>les</strong> Opuntia soumis à la culture<br />
en vue de l’utilisation de leurs artic<strong>les</strong> comme matière four-<br />
ragère, ne peuvent guère servir à la pro<strong>du</strong>ction fruitière, et<br />
si la floraison vient à se pro<strong>du</strong>ire, elle doit être, autant que<br />
1. Ju<strong>les</strong> gRisaud. — Emploi des Opuntia dans l’alimentation <strong>du</strong><br />
bétail, Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation de France,<br />
p. 480, 1896.
422 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
possible, supprimée par un émondage, afin de prévenir une<br />
fructification qui aurait pour résultat d’amoindrir <strong>les</strong> ar-<br />
tic<strong>les</strong> en éléments nutritifs.<br />
Si <strong>les</strong> Platyopuntia constituent, par leurs artic<strong>les</strong> tendres,<br />
un fourrage permanent et toujours vert, offrant une pré-<br />
cieuse ressource pour l’élevage dans <strong>les</strong> régions arides<br />
impropres à l’agriculture et à l’existence permanente de<br />
prairies artificiel<strong>les</strong>, il ne faudrait pas pour cela en conclure<br />
que l’usage exclusif des artic<strong>les</strong> d’Opuntia dans l’alimentation<br />
<strong>du</strong> bétail soit suffisant pour permettre l’engraissement<br />
de ce dernier, car comme le montrent <strong>les</strong> faits observés, il<br />
faut pour atteindre ce résultat ajouter un complément nu-<br />
tritif. Dans <strong>les</strong> régions peuplées de Nopals, comme cel<strong>les</strong><br />
qui se rencontrent dans le nord <strong>du</strong> Mexique et où depuis la<br />
conquête espagnole on continue à entretenir de bonnes races<br />
de chevaux et de boeufs, la nature se charge elle-même de<br />
compenser la médiocrité substantielle des artic<strong>les</strong> de Platyopuntia.<br />
Ces troupeaux, laissés à leur propre initiative<br />
pour pourvoir à leur existence, trouvent à pied d’oeuvre,<br />
dans ces pays désolés, des plantes herbacées qui apparaissent<br />
aussitôt que des pluies ont eu lieu et couvrent momenta-<br />
nément le sol d’un abondant pâturage. A ces dernières<br />
viennent encore s’ajouter à certaine saison <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its four-<br />
ragers fournis par ces Légumineuses arborescentes qui font<br />
partie de la flore xérophile inhérente à ces solitudes, tels,<br />
par exemple, <strong>les</strong> Prosopis et <strong>les</strong> Acacia dont <strong>les</strong> gousses et<br />
même parfois le feuillage constituent une alimentation très<br />
substantielle pour <strong>les</strong> herbivores.<br />
Ces mêmes Platyopuntia peuvent également, au moment<br />
de la maturité de leurs fruits, concourir dans une bonne<br />
mesure à apporter leur complément à la régularité de la vie<br />
des bestiaux sur ces contrées dépourvues <strong>du</strong> confort per-<br />
manent.<br />
Dans <strong>les</strong> régions où l’on ne pratique pas ce genre d’éle-<br />
vage et ou le bétail est maintenu en parcage plus ou moins<br />
restreint, on a toujours soin, lorsqu’on emploie <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />
de Nopal comme nourriture fondamentale, d’y adjoindre des<br />
pro<strong>du</strong>its plus substantiels et plus nutritifs, comme par
chapitRe xv 423<br />
exemple ceux que fournissent <strong>les</strong> drêches et <strong>les</strong> tourteaux<br />
provenant <strong>du</strong> traitement in<strong>du</strong>striel des graines oléagineuses.<br />
C’est ainsi qu’aux États-Unis, on met à profit dans le Texas<br />
<strong>les</strong> tourteaux rési<strong>du</strong>els <strong>du</strong> traitement des graines de coton-<br />
nier ; la grande quantité de cendres que contiennent ces<br />
rési<strong>du</strong>s de fabrication, <strong>les</strong> font en outre considérer comme<br />
très favorab<strong>les</strong> à la constitution des os chez <strong>les</strong> herbivores.<br />
En somme, la valeur nutritive des artic<strong>les</strong> de Nopals, d’après<br />
<strong>les</strong> études que le professeur Chicoli a faites en Sicile, et qui<br />
ont été résumées dans le Mémoire de Grisard cité plus haut,<br />
ne peut à elle seule suffire à l’alimentation <strong>du</strong> bétail car,<br />
d’après cet auteur, environ une tonne d’artic<strong>les</strong> de Platyopuntia<br />
équivaut seulement, comme puissance nutritive, à<br />
celle de 100 kilogrammes de foin. Aussi, M. Chicoli pro-<br />
pose-t-il de faire consommer <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals en mélange<br />
avec des aliments plus riches, comme la paille, le<br />
foin, le son, le maïs, <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> de Vigne, de Mûrier,<br />
d’Orme, etc.<br />
En Algérie, où l’on emploie dans certaines régions <strong>les</strong><br />
artic<strong>les</strong> d’Opuntia, on a toujours soin d’y ajouter des gousses<br />
de Caroubier.<br />
Dans certains pays, on a avantage, suivant <strong>les</strong> conditions<br />
climatériques, à n’employer <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> d’Opuntia qu’à certaines<br />
époques de l’année ; c’est ainsi que le professeur<br />
Tacci, directeur de la Station zootechnique de Palerme,<br />
donne avec succès aux bovidés, de juin à octobre, une ration<br />
journalière composée, pour 100 kilogrammes de poids vif de<br />
l’animal, de :<br />
Raquettes de Nopals . . . . . . . . . 6 kilogrammes.<br />
Foin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 —<br />
Son . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 900 grammes.<br />
Les animaux que l’on avait soumis à ce régime se sont<br />
maintenus en bon état de force physique, et leur pro<strong>du</strong>ction<br />
de lait n’a pas subi de diminution.<br />
Comme raquettes à donner au bétail, il faut choisir cel<strong>les</strong><br />
qui sont bien constituées et rejeter cel<strong>les</strong> qui sont trop vieil<strong>les</strong><br />
ou trop jeunes, car <strong>les</strong> premières, par suite de leur lignifica-
424 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tion, sont peu digestives, et <strong>les</strong> secondes, étant très aqueuses,<br />
sont peu substantiel<strong>les</strong> et provoquent souvent des diarrhées<br />
chez <strong>les</strong> animaux qui <strong>les</strong> consomment. Ce sont <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de<br />
deuxième année qui paraissent convenir le mieux ; ceux-ci,<br />
en moyenne, comportent, d’après <strong>les</strong> résultats de l’analyse,<br />
de 89 à 91 0/0 d’eau et laissent par conséquent de 9 à 10 0/0<br />
de matière sèche dont la moitié seulement est assimilable<br />
par la digestion.<br />
Dans <strong>les</strong> sites sauvages où <strong>les</strong> colons espagnols établirent<br />
leurs premiers élevages de bestiaux, la haute teneur en eau<br />
des artic<strong>les</strong> n’avait pas <strong>les</strong> mêmes inconvénients que pour<br />
<strong>les</strong> animaux maintenus au régime de l’étable ; celle-ci, au<br />
contraire, était une chose absolument utile, car dans ces<br />
régions où l’eau de surface fait généralement défaut, le bétail<br />
trouvait alors dans la consommation des artic<strong>les</strong> jeunes,<br />
en même temps que sa nourriture, l’élément nécessaire pour<br />
étancher sa soif.<br />
Chez <strong>les</strong> Platyopuntia, <strong>les</strong> fruits peuvent, lorsqu’ils ne<br />
sont pas utilisés comme récolte fruitière pour la vente sur<br />
<strong>les</strong> marchés, servir très avantageusement d’aliment pour le<br />
bétail ; ils sont suffisamment nourrissants par leur pulpe et<br />
leurs graines pour constituer un pro<strong>du</strong>it assez riche pour<br />
être employé seul. Les ruminants se trouvent très bien de<br />
ce régime exclusif ; <strong>les</strong> vaches engraissent et donnent un<br />
lait substantiel et abondant, ainsi que l’ont démontré <strong>les</strong><br />
essais méthodiques pratiqués dans <strong>les</strong> pays où <strong>les</strong> Nopals<br />
ont été naturalisés et où on a su le mieux tirer parti de<br />
leurs avantages, comme par exemple en Sicile.<br />
En Sardaigne, on a préconisé le fruit <strong>du</strong> Figuier de Barbarie<br />
pour la nourriture des porcs, principalement pour<br />
l’élevage d’une petite race particulière au pays. Ce mode<br />
d’engraissement, pour ces derniers, a été cependant moins<br />
estimé en Sicile, car leur graisse prend, dit-on, une teinte<br />
rosée et une saveur spéciale qui la déprécie.<br />
La fructification des Nopals n’a lieu que pendant un certain<br />
temps. Aussi, pour conserver <strong>les</strong> fruits et <strong>les</strong> distribuer<br />
aux bestiaux en temps opportun, a-t-on, dans certains en-
chapitRe xv 425<br />
droits <strong>du</strong> Mexique, recours à la mise en silo, après un rapide<br />
séchage au soleil.<br />
Les fruits qui paraissent <strong>les</strong> meilleurs comme denrée<br />
fourragère sont ceux que l’on récolte sur des plantes sau-<br />
vages et qui, par conséquent, n’étant pas trop aqueux, con-<br />
tiennent par rapport à leur poids une plus grande quantité<br />
de graines et de matière solide.<br />
Les Echinocactées ou Biznagas donnent, avec l’importante<br />
masse charnue dont est constituée leur tige, un four-<br />
rage auquel on fait appel pour maintenir le bétail en temps<br />
de grande sécheresse. Mais ces plantes, de croissance très<br />
lente, n’ont pu faire jusqu’ici l’objet d’une culture ou même<br />
seulement d’un entretien méthodique qui puisse rivaliser avec<br />
ceux des Platyopuntia ; on n’y a donc surtout recours dans<br />
<strong>les</strong> élevages, qu’aux moments de pénurie fourragère et dans<br />
<strong>les</strong> endroits où <strong>les</strong> Nopals ne croissent pas en suffisante<br />
abondance.<br />
Les Echinocactées sont armées de très puissants aiguil-<br />
lons qui <strong>les</strong> protègent naturellement contre la dent des ani-<br />
maux. Comme ceux-ci, sauf de rares exceptions 1 , ne pourraient<br />
parvenir d’eux-mêmes à attaquer une nourriture<br />
aussi bien protégée, <strong>les</strong> indigènes, lorsqu’ils vont se pour-<br />
voir de Biznagas pour l’alimentation de leur bétail, commencent<br />
par la débarrasser de leur prodigieuse défense épi-<br />
neuse ; l’opération est simple et s’exécute avec rapidité en<br />
abattant dextrement, à l’aide d’un instrument tranchant,<br />
tous <strong>les</strong> sommets des côtes où sont implantés <strong>les</strong> faisceaux<br />
d’aiguillons. La masse ainsi ren<strong>du</strong>e inoffensive peut être alors<br />
facilement convoyée vers <strong>les</strong> endroits où elle sera débitée<br />
en menus fragments, au fur et à mesure de sa répartition<br />
au bétail.<br />
Quelquefois, au lieu de sacrifier en totalité ces Echino-<br />
1. Certains bovidés, guidés par leur instinct, ont trouvé le moyen<br />
de s’approprier ces Cactacées si puissamment protégés, sans s’exposer<br />
aux b<strong>les</strong>sures de leurs aiguillons, pour cela ils creusent la terre à la<br />
base de la plante, puis la renversent sur le sol ; la partie inférieure étant<br />
démunie d’aiguillons peut être alors facilement entamée
426 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
cactées dont la croissance est si lente, et qui demandent<br />
nombre d’années pour fournir des spécimens de dimension<br />
exploitable, on a recours à un procédé qui permet de conserver<br />
la plante en place. Ce procédé, qui a été exposé au<br />
chapitre des Echinocactées, consiste à prélever seulement<br />
une portion de la Biznaga et à laisser le reste se reconstituer<br />
par un processus naturel. On peut ainsi conserver sur leur<br />
terrain ces plantes dont l’existence constitue pour <strong>les</strong> régions<br />
foncièrement désertiques une garantie de sécurité pour le<br />
maintien <strong>du</strong> cheptel aux périodes diffici<strong>les</strong> des grandes disettes<br />
fourragères.<br />
Au point de vue alimentaire, <strong>les</strong> Echinocactées n’offrent<br />
qu’une valeur assez médiocre, car la pulpe, très chargée<br />
d’eau, ne contient que peu de principes nutritifs, et la pro<strong>du</strong>ction<br />
de graines que <strong>les</strong> Indiens employaient jadis à titre<br />
de céréa<strong>les</strong> pour leur usage personnel, n’est pas comme chez<br />
<strong>les</strong> Nopals en quantité suffisante pour compenser la médiocrité<br />
nutritive de la plante. L’expérience a montré d’une<br />
façon évidente que <strong>les</strong> bestiaux soumis au régime exclusif<br />
des Biznagas n’arrivent pas à engraisser et que <strong>les</strong> vaches<br />
qui en consomment la pulpe ne pro<strong>du</strong>isent qu’un lait clair<br />
et peu substantiel.<br />
Malgré ces côtés désavantageux, la pulpe des Echinocactées<br />
ne peut être considérée comme chose négligeable ou<br />
de peu d’intérêt lorsqu’il s’agit, pendant de désastreuses<br />
sécheresses, de conserver un cheptel dans <strong>les</strong> contrées torrides<br />
où le sol, de lui-même, ne peut pourvoir à une végétation<br />
fourragère constante.<br />
Dans ces régions déshéritées, <strong>les</strong> Echinocactées peuvent,<br />
en tous temps, constituer pour l’alimentation <strong>du</strong> bétail un<br />
fourrage vert de premier ordre, surtout si on a la possibilité<br />
de leur adjoindre des matières nutritives plus substantiel<strong>les</strong>.<br />
Leur pulpe gorgée d’eau est très appréciée des animaux qui<br />
s’en repaissent avec d’autant plus d’avidité qu’elle constitue<br />
alors une nourriture fraîche et hygiénique pour <strong>les</strong> contrées<br />
privées d’eau de surface et soumises presque constamment<br />
aux effets desséchants d’un soleil trop ardent. La pulpe des
chapitRe xv 427<br />
Biznagas a, en outre, sur celle des artic<strong>les</strong> de Platyopuntia,<br />
l’avantage de ne pas contenir une substance gommeuse pouvant,<br />
comme on l’a constaté, amener chez <strong>les</strong> animaux qui<br />
la consomment des engorgements et des troub<strong>les</strong> digestifs<br />
qui peuvent parfois présenter une certaine gravité.<br />
Un exemple de ce que l’on peut attendre des Biznagas<br />
comme matière fourragère en temps de disette, est fourni<br />
par l’usage qui en fut fait clans la partie australe de la<br />
péninsule californienne pendant le cours des années 1893-94,<br />
époque où, sur cette région assez restreinte et à peu près<br />
dépourvue de voies de communications, sévit une exceptionnelle<br />
sécheresse : pour ne pas laisser périr le bétail servant<br />
au ravitaillement de la population de la ville de La Paz<br />
et des mines <strong>du</strong> Triumfo, on fut obligé d’avoir recours aux<br />
Biznagas croissant dans la région ; mais cel<strong>les</strong>-ci, qui étaient<br />
représentées par le Ferocactus Peninsulæ Britt. et Rose,<br />
ne tardèrent pas, à la suite de récoltes exagérées, à disparaître<br />
dans toutes <strong>les</strong> localités avoisinantes. On fut alors<br />
obligé, pour continuer à subvenir aux besoins <strong>du</strong> bétail, de<br />
recourir aux Echinocactées que pro<strong>du</strong>isaient <strong>les</strong> î<strong>les</strong> inhabitées<br />
et qui, n’ayant pas été jusque-là exploitées, offraient<br />
alors des spécimens de grandes dimensions. Un certain<br />
nombre de petits voiliers qui, en temps ordinaire, étaient<br />
utilisés pour <strong>les</strong> pêches dans le golfe de Californie, s’équipèrent<br />
pour faire la récolte des Biznagas dans l’île de San<br />
José où el<strong>les</strong> se trouvaient en très grande abondance. Le<br />
pro<strong>du</strong>it de la récolte était alors débarqué aux baies de La<br />
Paz et de la Vantana, d’où on le dirigeait sur <strong>les</strong> différents<br />
ranchos faisant l’élevage <strong>du</strong> bétail. Grâce à l’exploitation de<br />
ce fourrage de fortune, <strong>les</strong> indigènes purent, sans trop de<br />
pertes, conserver l’intégrité de leur cheptel jusqu’au retour<br />
d’une période normale de pâturage.<br />
Les fruits d’autres espèces de Cactacées sont encore employés<br />
pour alimenter le bétail dans certaines régions arides<br />
<strong>du</strong> Mexique ; certains de ces fruits passent même pour être<br />
plus nutritifs que ceux de Nopals, mais, sauf exception,<br />
comme c’est le cas de ceux pro<strong>du</strong>its par <strong>les</strong> Cylindropuntia,
428 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
ils ne sont en général que de peu de <strong>du</strong>rée et correspondent<br />
à une saison fixe.<br />
Les Cylindropuntia donnent habituellement une grande<br />
quantité de fruits qui sont très souvent prolifères et peuvent<br />
même, dans beaucoup de cas, se transformer en rameaux,<br />
de sorte qu’ils peuvent subsister toute l’année. Une espèce<br />
est remarquable par la surabondance de sa fructification,<br />
c’est l’O. arbuscula Engelm., forme frutescente et de petite<br />
dimension que l’on rencontre en Sonora et dans le sud de<br />
l’Arizona. Ce Cylindropuntia pro<strong>du</strong>it une telle quantité de<br />
fruits, que <strong>les</strong> rameaux qui <strong>les</strong> supportent se rompent très<br />
souvent sous leur charge. Ces fruits sont très recherchés <strong>du</strong><br />
bétail abandonné en pâturage libre sur <strong>les</strong> savanes de la<br />
région.<br />
L’entretien en semi-culture de cette espèce, qui se développe<br />
assez rapidement sur <strong>les</strong> terrains <strong>les</strong> plus arides, semblerait<br />
devoir fournir de bons résultats, car par ses jeunes<br />
tiges et par ses grappes de fruits, elle donne un excellent<br />
fourrage. Malheureusement, <strong>les</strong> fruits de ce Cylindropuntia<br />
sont extrêmement pourvus de sétu<strong>les</strong>, ce qui rend leur emploi<br />
très dangereux, non seulement pour <strong>les</strong> animaux nourris<br />
à l’étable et par conséquent non accoutumés à <strong>les</strong> consommer,<br />
mais aussi pour ceux qui en font la récolte et la distribution<br />
au bétail. On a proposé de remédier à cet inconvénient<br />
en soumettant <strong>les</strong> fruits, aussitôt après leur récolte, à l’action<br />
d’un ventilateur basé à peu près sur le même principe<br />
que celui servant dans la meunerie à la séparation <strong>du</strong> son<br />
et de la farine ; cet appareil serait, assure-t-on, assez efficace<br />
pour éliminer <strong>les</strong> dangereuses sétu<strong>les</strong>.<br />
Dans la même région, mais sur une aire beaucoup plus<br />
éten<strong>du</strong>e, on rencontre un Cierge géant dont il a été parlé au<br />
chapitre précédent (Pachycereus Pringlei Britt. et Rose), qui<br />
pro<strong>du</strong>it des fleurs et des fruits très appréciés <strong>du</strong> bétail et<br />
que <strong>les</strong> rancheros ont coutume de donner en pâture dès que<br />
la saison de pro<strong>du</strong>ction est arrivée. Lorsque ce Cierge est<br />
abondant dans une région et forme de ces peuplements que<br />
l’on nomme Cardona<strong>les</strong>, il devient une grande ressource pour
chapitRe xv 429<br />
l’alimentation <strong>du</strong> bétail dans <strong>les</strong> contrées arides, car sa flo-<br />
raison et sa fructification ayant lieu en mai et juin, c’est-à-<br />
dire à une époque où sévissent des sécheresses plus ou<br />
moins rigoureuses, il permet de supporter avec succès cette<br />
période critique pour l’élevage. Les fleurs et <strong>les</strong> fruits <strong>du</strong><br />
P. Pringlei, comme on l’a constaté, sont très substantiels et<br />
constituent une nourriture très profitable au bétail, surtout<br />
aux vaches qui, lorsqu’el<strong>les</strong> en font usage même en temps<br />
de rude sécheresse, donnent un lait de très bonne qualité.<br />
Comme le bétail mis au pâturage dans <strong>les</strong> bosquets de ce<br />
Cierge ne pourrait atteindre <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its qui sont toujours<br />
situés au sommet des tiges de ce géant, <strong>les</strong> indigènes ont<br />
soin, pour <strong>les</strong> répartir à leur bétail, de <strong>les</strong> abattre sur le sol<br />
à l’aide d’une gaule, afin que le bétail puisse s’en repaître<br />
aisément.<br />
EMPLOI DES NOPALS COMME ENGRAIS VERT<br />
En terminant ce chapitre sur <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> applications<br />
que <strong>les</strong> Cactacées ont été appelées à fournir après la décou-<br />
verte de l’Amérique, il est nécessaire de donner un court<br />
aperçu sur l’utilisation de ces plantes comme engrais vert,<br />
dans <strong>les</strong> régions où la plante s’est naturalisée et est devenue<br />
l’objet d’une culture plus ou moins méthodique.<br />
De bonne heure après l’intro<strong>du</strong>ction et la propagation <strong>du</strong><br />
Figuier de Barbarie dans <strong>les</strong> régions <strong>du</strong> littoral méditerranéen,<br />
on a, suivant <strong>les</strong> besoins <strong>du</strong> pays, demandé à cette<br />
plante non seulement une pro<strong>du</strong>ction fruitière, mais encore<br />
toutes <strong>les</strong> ressources qu’elle était susceptible de rendre au<br />
sol et à l’agriculture de sa nouvelle patrie. C’est ainsi qu’en<br />
Sicile, par exemple, on s’en est servi pour transformer en<br />
de riches plantations de vignes <strong>les</strong> coulées de laves jus-<br />
qu’alors inferti<strong>les</strong> des contreforts de l’Etna.<br />
A ce sujet de Candolle dit 1 :<br />
« Parmi <strong>les</strong> conséquences pratiques qui résultent de la<br />
faculté avec laquelle ces Cactées reprennent de bouture, il<br />
1. de candolle. — Revue de la famille des Cactées, p. 105, 1829.
430 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
en est une qui mérite d’être mentionnée à cause de son<br />
importance : c’est la manière dont on se sert de l’Opuntia<br />
pour fertiliser <strong>les</strong> vieil<strong>les</strong> laves <strong>du</strong> pied de l’Etna. Dès qu’on<br />
y aperçoit une fissure, on y place un rameau ou article de<br />
l’Opuntia ; celui-ci y pousse des racines qui se nourrissent<br />
de l’eau que la pluie a pu y déposer, ou de la poussière et<br />
des débris organiques qui ont pu y former un peu de ter-<br />
reau. Ces racines, une fois développées, s’intro<strong>du</strong>isent dans<br />
<strong>les</strong> moindres petites fentes qu’el<strong>les</strong> rencontrent, <strong>les</strong> dilatent<br />
et finissent par diviser la lave en menus fragments. »<br />
Ces propriétés inhérentes aux Cactacées dans leur mode<br />
de conquête et de transformation des terrains voués à la<br />
stérilité, ont été amplement et d’une façon méthodique mises<br />
à contribution dans l’agriculture sicilienne.<br />
Les Platyopuntia, lorsqu’ils ont pris leur développement<br />
sur un sol quelconque, mais en général sec, forment une<br />
végétation pérenne tellement envahissante, qu’il est même<br />
souvent difficile de <strong>les</strong> faire disparaître. Lorsqu’on ne <strong>les</strong><br />
emploie pas comme fourrage, ils peuvent être utilisés très<br />
avantageusement pour fournir un bon engrais : il faut<br />
pour cela <strong>les</strong> ré<strong>du</strong>ire en fragments et <strong>les</strong> enterrer à une<br />
certaine profondeur ; ils subissent alors une fermentation<br />
qui anéantit toute velléité de reprise de la plante.<br />
C’est à ce procédé d’engrais que l’on a eu recours en<br />
Sicile, où <strong>les</strong> Platyopuntia ont été exploités avec le plus de<br />
succès.<br />
Dans ce pays, une des utilisations <strong>les</strong> plus dignes de<br />
remarque est celle qui consiste à se servir des artic<strong>les</strong><br />
d’Opuntia pour la fumure des vergers où l’on entretient des<br />
Figuiers, des Oliviers et des Amandiers. Pour cela, on em-<br />
ploie <strong>les</strong> variétés de mauvais rendements et dont <strong>les</strong> fruits<br />
ne sont que de médiocre qualité, ou encore <strong>les</strong> déchets pro-<br />
venant de la taille des plantations, lorsque la plante devient<br />
trop envahissante. On creuse au moment de l’été ou de la<br />
saison sèche, un fossé autour des arbres, <strong>les</strong> raquettes y sont<br />
jetées et recouvertes de terre.<br />
Dans certains endroits comme à Catane, par exemple, <strong>les</strong>
quatité -><br />
quantité<br />
chapitRe xv 431<br />
Oliviers et <strong>les</strong> Amandiers reçoivent en été des raquettes sim-<br />
plement entassées au pied de l’arbre.<br />
On a même, à Trapimi, employé avec succès <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />
d’Opuntia pour <strong>les</strong> cultures à sec des Cucurbitacées. Pour<br />
cela, on creuse une fosse au fond de laquelle on dépose une<br />
certaine quantité de raquettes, puis on recouvre le tout de<br />
terre sur laquelle on sème <strong>les</strong> Melons ; ce mode de fumure,<br />
comme on l’a constaté, réussit très bien pour <strong>les</strong> terrains<br />
calcaires, mais dans <strong>les</strong> terres fortes et argileuses, <strong>les</strong> résul-<br />
tats se sont montrés moins avantageux.<br />
Les raquettes d’Opuntia disposées en couches régulières,<br />
alternant avec d’autres éléments de fumier, régularisent la<br />
fermentation et donnent un compost pâteux très recherché<br />
pour la fumure des jardins et des champs.<br />
Quand on veut détruire une culture de Platyopuntia ou<br />
un endroit envahi par ces plantes, on accumule sur <strong>les</strong><br />
troncs coupés au ras <strong>du</strong> sol des artic<strong>les</strong> ré<strong>du</strong>its en morceaux ;<br />
la fermentation très active qui ne tarde pas à se pro<strong>du</strong>ire<br />
si le pays est un peu humide, détruit très rapidement la<br />
souche qu’il n’est plus besoin d’extraire ; on obtient ainsi<br />
une fumure sur place, dont pourra alors bénéficier une nou-<br />
velle plantation.
CHAPITRE XVI<br />
CULTURE DES CACTACÉES<br />
Généralités. — Cierges et Platyopuntia. — Nature des terrains<br />
à Cactacées. — Plantation, sélection et protection des bonnes<br />
variétés, recours à l’apiculture et à la vespiculture. — Asso-<br />
ciation d’espèces différentes sur un même terrain. — Xénie et<br />
éclaircissage.<br />
La culture méthodique des Cactacées fut pratiquée aux<br />
époques précolombiennes d’une façon régulière et même<br />
parfois intensive par nombre de populations sédentaires<br />
<strong>du</strong> Mexique.<br />
Les procédés de culture qui furent préconisés par <strong>les</strong><br />
anciens Mexicains, ont survécu en grande partie jusqu’à<br />
nos jours et cela sans trop de modifications ; on <strong>les</strong> retrouve<br />
mis en pratique par <strong>les</strong> populations rura<strong>les</strong> de la plupart<br />
des localités arides <strong>du</strong> plateau central <strong>du</strong> Mexique. Dans<br />
ces contrées peu propices pour l’entretien et la culture des<br />
arbres et des plantes vivaces économiques importées lors<br />
de la colonisation espagnole, ces Cactacées, grâce à leur<br />
caractère xérophytique, ont conservé toute leur ancienne<br />
importance comme essence fruitière ; el<strong>les</strong> sont alors restées<br />
l’objet d’une exploitation courante, car el<strong>les</strong> présentent sur<br />
<strong>les</strong> autres végétaux de vergers, l’appréciable avantage de<br />
fournir à une époque fixe de l’année, et quel que soit le<br />
degré de sécheresse, une ample récolte, ce qui est une<br />
garantie et une sécurité pour l’existence permanente dans<br />
<strong>les</strong> pays sujets aux disettes.<br />
cieRges et platyopuntia. — Les Cierges et <strong>les</strong> Platyopuntia,<br />
par suite de leur puissance pro<strong>du</strong>ctive, sont<br />
28
434 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
presque <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> Cactacées d’utilisation économique, sur<br />
<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> des procédés de culture aient été appliqués d’une<br />
façon méthodique.<br />
Les premiers, à part <strong>les</strong> Cierges grimpants, sont repré-<br />
sentés par des espèces bien fixées donnant toujours, par<br />
suite de l’absence de polymorphisme, des pro<strong>du</strong>its à peu<br />
près identiques ; leur culture devient alors plus facile et ne<br />
réclame que des soins culturaux assez rudimentaires qui<br />
ne consistent guère que dans le maintien de la plante en<br />
bonnes conditions de végétation.<br />
Il n’en est plus de même avec <strong>les</strong> Platyopuntia ou Nopals ;<br />
ceux-ci sont, comme on le sait, extrêmement polymorphes<br />
et offrent alors des variétés présentant de très grandes diffé-<br />
rences dans la valeur de leurs pro<strong>du</strong>its ; aussi est-ce surtout<br />
sur ces derniers, ainsi que sur <strong>les</strong> Cierges grimpants, que<br />
s’est exercée la sagacité des indigènes afin d’obtenir et de<br />
conserver des plants améliorés dont la pro<strong>du</strong>ction puisse<br />
avantageusement figurer sur <strong>les</strong> marchés.<br />
natuRe des teRRains a <strong>cactacées</strong>.— Quoique la majorité<br />
des Cactacées vivent dans <strong>les</strong> endroits <strong>les</strong> plus arides ou<br />
<strong>les</strong> plus stéri<strong>les</strong> et passent pour des végétaux s’alimentant<br />
surtout de l’atmosphère en n’empruntant que fort peu au<br />
sol, il ne faudrait pas en conclure que leur réseau radicu-<br />
laire, quelque ré<strong>du</strong>it qu’il puisse être, ne joue dans la<br />
biologie de la plante qu’un rôle tout à fait secondaire et<br />
ne lui serve seulement, comme on a pu le prétendre, que<br />
de moyen de fixation au sol.<br />
Il y a un fait incontestable et dûment démontré par<br />
l’observation : c’est que la nature <strong>du</strong> sol a une influence<br />
très marquée sur la qualité de la fructification, et ce fait<br />
se constate nettement dans la nature avec <strong>les</strong> Platyopuntia<br />
qui, lorsqu’ils croissent sur un sol pauvre et dépourvu<br />
d’humus, ne pro<strong>du</strong>isent que des fruits de très médiocre<br />
qualité.<br />
Là, lorsque sur une surface rocheuse et dépourvue de<br />
dépôts organiques, sont venus s’établir des halliers de ce
chapitRe xvi 435<br />
groupe de Cactacées, cel<strong>les</strong>-ci pour la plupart sont représentées<br />
par des formes sauvages ou en voie de régression,<br />
ne donnant en général que des fruits très peu savoureux<br />
et souvent à peine comestib<strong>les</strong>. Si cependant, parmi ce<br />
peuplement spontané, on arrive à découvrir quelques spécimens<br />
bien conformés et donnant de meilleurs fruits,<br />
c’est que ces sujets ont alors pris racine sur des accidents<br />
de terrain, où des dépôts de limon sont venus s’accumuler<br />
et combler <strong>les</strong> fissures de la roche d’un humus très riche.<br />
Les Cactacées en général, quoique végétant vigoureusement<br />
sur n’importe quel terrain, pourvu toutefois qu’il<br />
ne soit pas trop humide, réclament pour la qualité de leur<br />
fructification un sol léger assez spécial ; ce dernier doit être<br />
très meuble, d’un facile drainage et susceptible de s’amender<br />
de lui-même en emmagasinant <strong>les</strong> débris végétaux qui,<br />
au moment des orages, lui sont fournis naturellement par<br />
le ruissellement des eaux ou encore artificiellement par des<br />
irrigations pratiquées modérément à certaines époques de<br />
l’année.<br />
Les terres trop compactes et capab<strong>les</strong> de conserver l’eau<br />
à l’état stagnant sont funestes aux racines des Cactacées ;<br />
cel<strong>les</strong>-ci y pourrissent rapidement et déterminent un foyer<br />
de fermentation qui peut contaminer toute la plante et la<br />
faire périr.<br />
En résumé, <strong>les</strong> terrains qui semblent le mieux convenir<br />
pour <strong>les</strong> grandes cultures de Cactacées sont, en général,<br />
constitués par une argile calcaire sablonneuse ou pierreuse<br />
apte à se sécher rapidement après <strong>les</strong> pluies ou <strong>les</strong> irrigations,<br />
et en même temps à retenir mécaniquement tous <strong>les</strong><br />
éléments de fécondation à mesure qu’ils lui sont apportés.<br />
plantation, sélection et pRotection des bonnes vaRiétés.<br />
— Une plantation de Cactacées, à quelque genre que<br />
ces dernières appartiennent, se fait toujours, comme il a<br />
été dit à maintes reprises, par le bouturage de tiges bien<br />
sélectionnées ; la propagation par graines, en plus qu’elle<br />
est longue et assez délicate, expose <strong>les</strong> espèces à se mani-
436 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
fester par un grand nombre de variétés, en général orientées<br />
vers des formes plus ou moins sauvages.<br />
Pour établir une plantation de rapport, <strong>les</strong> indigènes on<br />
soin de prélever <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> portions de tiges qui<br />
doivent fournir la bouture, à un endroit convenable de la<br />
plante ; puis on <strong>les</strong> abandonne pendant un temps plus ou<br />
moins long dans un endroit sec, afin que la b<strong>les</strong>sure résultant<br />
de la section se cicatrice et que le tronçon de tige se<br />
desséchant un peu, entre en repos végétatif, ce qui lui<br />
assure des conditions favorab<strong>les</strong> pour une bonne reprise.<br />
Le bouturage a lieu soit en pépinière, soit directement à<br />
la place que le sujet doit occuper dans le champ de culture.<br />
Le dispositif de la plantation se fait en alignements, en<br />
quinconces ou en sujets isolés ; cela dépend des conditions<br />
dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on devra utiliser le terrain ; <strong>les</strong> alignements<br />
sont préconisés surtout dans le cas où l’on doit faire des<br />
clôtures ou encore des cloisonnements dans <strong>les</strong> terrains<br />
destinés à recevoir différentes cultures. Quant aux plantations<br />
isolées, el<strong>les</strong> sont plus spécialement employées pour<br />
<strong>les</strong> spécimens que l’on soumet au forçage ou tout au moins<br />
à une culture soignée ou surveillée.<br />
Suivant qu’il s’agit d’un Platyopuntia ou d’un Cierge, la<br />
prise de bouture ainsi que la plantation se font un peu<br />
différemment. Pour <strong>les</strong> Platyopuntia, on sectionne toujours<br />
un peu au-dessous de son étranglement, de façon à ce qu’il<br />
offre une partie pulpeuse de facile cicatrisation et une<br />
surface suffisante pour qu’au contact de la terre, puissent<br />
se pro<strong>du</strong>ire de rapides bourgeonnements radiculaires. Pour<br />
ces boutures, on choisit habituellement des artic<strong>les</strong> âgés<br />
d’environ deux ans ; ceux-ci, assez bien aoûtés, sont moins<br />
sujets aux accidents de pourriture ; ils conviennent donc<br />
mieux pour <strong>les</strong> plantations courantes.<br />
Cependant dans certains cas, et surtout lorsqu’on veut<br />
obtenir des plants perfectionnés, on a avantage à recourir<br />
au bouturage de très jeunes artic<strong>les</strong>. Pour obtenir ces<br />
derniers, on dépose des artic<strong>les</strong> de bonne constitution sur<br />
des claies ou on <strong>les</strong> suspend dans l’intérieur des habitations
chapitRe xvi 437<br />
jusqu’à ce qu’ils aient émis de jeunes pousses ; lorsque<br />
cel<strong>les</strong>-ci ont acquis une dimension convenable, on <strong>les</strong> sépare<br />
de l’article qui leur a donné naissance et on <strong>les</strong> bouture<br />
avec précaution. Ce procédé assez délicat, et qui demande<br />
à être entrepris par des professionnels bien exercés, rappelle<br />
quelque peu le système de bouturage naturel dont on a<br />
parlé au sujet <strong>du</strong> Lemaireocereus Hollianus Britt. et Rose ;<br />
c’est très probablement par sa mise en pratique que <strong>les</strong><br />
Indiens mixtéco-zapotèques ont pu arriver à obtenir la variété<br />
stérile nommée dans la suite Nopal de Castilla, qui joua un<br />
rôle important dans l’élevage de la Cochenille domestique.<br />
Pour <strong>les</strong> Cierges de plantation courante, la bouture est<br />
obtenue avec un tronçon de tige de 50 centimètres à 1 mètre<br />
de long ; ce dernier, après légère dessication, est planté à<br />
peu de profondeur et maintenu en position verticale à<br />
l’aide d’un tuteur, ou mieux encore, comme on l’a vu au<br />
chapitre des clôtures de Cactacées, à l’aide de son axe<br />
ligneux qu’on a eu soin de dénuder sur une certaine<br />
longueur, de façon à constituer un piquet permettant la<br />
fixation directe au sol.<br />
Lorsque <strong>les</strong> boutures de Cierges se sont bien enracinées,<br />
il n’y a plus guère besoin de s’occuper de la plante, sinon<br />
pour lui conserver la qualité de son sol et veiller à ce<br />
qu’aucune végétation sauvage ne vienne l’étouffer.<br />
Pour <strong>les</strong> Platyopuntia, la chose est différente et une<br />
surveillance est nécessaire, surtout si l’on a affaire à des<br />
variétés inermes. Ces dernières, quelque bien fixées qu’el<strong>les</strong><br />
paraissent être, ont toujours une certaine tendance à<br />
retourner au type primitif, c’est-à-dire à émettre des artic<strong>les</strong><br />
épineux. Aussi, <strong>les</strong> indigènes qui se livrent à la culture<br />
des Nopals fruitiers et même fourragers, ont toujours soin<br />
d’éliminer <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> épineux dès qu’ils commencent à<br />
apparaître sur la souche mère, car ces derniers représenteraient,<br />
d’après eux, des gourmands qui, plus vigoureux<br />
et plus vivaces que <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> inermes, ne manqueraient<br />
pas de se développer à leur détriment.<br />
Une fois la plantation bien établie, il reste à la maintenir
438 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
dans de bonnes conditions de rapport et cela suivant <strong>les</strong><br />
règ<strong>les</strong> reconnues par une longue expérience.<br />
Les Platyopuntia étant très polymorphes, il s’agit, pour<br />
conserver <strong>les</strong> bonnes variétés, de <strong>les</strong> soustraire surtout aux<br />
conséquences fâcheuses pouvant résulter d’un échange de<br />
pollen avec <strong>les</strong> formes dégénérées ou sauvages, qui fatale-<br />
ment ont lieu par l’intermédiaire des insectes. Les effets<br />
de ces croisements ne portent pas seulement sur <strong>les</strong><br />
semences, mais aussi, et d’une façon très évidente, sur<br />
l’ensemble <strong>du</strong> fruit qui subit alors une modification très<br />
notable dans sa qualité et dans sa dimension. Pour obvier<br />
aux inconvénients consécutifs à des fécondations croisées<br />
livrées au hasard, <strong>les</strong> indigènes ont grand soin d’éliminer<br />
toutes <strong>les</strong> mauvaises variétés de Nopals ayant pris pied<br />
à proximité <strong>du</strong> champ de culture, et pour arriver à un<br />
résultat encore plus certain, adjoignent très souvent à leurs<br />
plantations des élevages réguliers d’Hyménoptères melli-<br />
fères. Ces derniers, lorsqu’ils sont assez nombreux, assurent<br />
d’eux-mêmes, non seulement la fécondation normale des<br />
fleurs de toute la plantation, mais aussi interdisent son<br />
accès aux autres insectes qui, venant de loin, peuvent<br />
convoyer un pollen prélevé sur des formes sauvages.<br />
apicultuRe et vespicultuRe. — Les Hyménoptères que<br />
<strong>les</strong> indigènes mexicains ont coutume de domestiquer comme<br />
auxiliaires de leur agriculture, appartiennent aux Apidés<br />
et aux Vespidés.<br />
Les premières sont représentées par l’abeille domestique<br />
dont l’élevage sur le continent américain a vraisemblablement<br />
été importé par <strong>les</strong> colons espagnols et que l’on<br />
continue à entretenir encore aujourd’hui, <strong>du</strong> moins dans<br />
<strong>les</strong> plantations de Cactacées, à l’aide d’un système assez<br />
primitif de ruchers (fig. 121), et par plusieurs espèces de<br />
Mélipones se rencontrant à l’état sauvage dans le pays ;<br />
cel<strong>les</strong>-ci, suivant leur mode d’existence, sont entretenues<br />
dans des caisses ou des poteries que l’on dispose non<br />
en alignement comme <strong>les</strong> ruchers d’abeil<strong>les</strong> domestiques,
Fig. 121. — Plantation de Lemaireocereus queretaroensis Safford et de Hylocereus tricostatus<br />
Britt. et Rose dans la cour d’une habitation rurale indienne. Au premier plan on voit une<br />
récolte de courges (Lagenaria) séchant au soleil et au second plan un rucher indigène<br />
dont <strong>les</strong> ruches constituées par des troncs d’arbre évidés sont soutenues<br />
au-dessus <strong>du</strong> sol par des tréteaux et recouvertes par des tui<strong>les</strong>.<br />
Village de San Marcos près <strong>du</strong> lac de Zacoalco (État de Jalisco).
440 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
mais de place en place entre <strong>les</strong> rameaux des plants ; el<strong>les</strong><br />
fournissent, comme l’abeille domestique, une cire et un<br />
miel qui sont d’une utilisation courante dans tout le<br />
Mexique.<br />
Les secondes comprennent des guêpes de très moyenne<br />
dimension appartenant aux genres Polybia et Nectarinia qui<br />
construisent leurs nids en forme de cloche à l’aide d’un<br />
cartonnage constitué par des débris végétaux ; el<strong>les</strong> ne<br />
fabriquent pas de cire, mais donnent un miel de bonne<br />
qualité qui, comme celui des Mélipones, est très apprécié<br />
des indigènes.<br />
Le pro<strong>du</strong>it résultant de l’exploitation de ces différents<br />
élevages d’Hyménoptères, procure un bénéfice qui vient<br />
alors s’ajouter à celui de la récolte fruitière de la plantation.<br />
Si ces Vespidés ne pro<strong>du</strong>isent pas de cire comme <strong>les</strong><br />
Apidés, el<strong>les</strong> ont d’autres avantages qui compensent le<br />
manque de ce pro<strong>du</strong>it d’utilisation in<strong>du</strong>strielle, car el<strong>les</strong><br />
concourent dans une assez grande mesure au maintien de<br />
la propreté d’une plantation en mettant à profit, comme<br />
matériaux de nidification, tous <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its de désassimilation<br />
que peut fournir la plante. De plus, ces guêpes étant<br />
carnassières, détruisent nombre de parasites particuliers<br />
au végétal qui leur offre le vivre et le couvert ; el<strong>les</strong> sont, par<br />
ce fait, une défense efficace contre <strong>les</strong> envahissements de<br />
la Cochenille sauvage, qui, comme on le sait, est l’ennemi<br />
dont une plantation de Platyopuntia a le plus à redouter<br />
<strong>les</strong> méfaits.<br />
Certaines autres espèces de Vespidés de plus grande<br />
taille, quoique ne fournissant aucun pro<strong>du</strong>it d’utilisation<br />
économique, sont encore susceptib<strong>les</strong> d’apporter un concours<br />
précieux pour le maintien, en bonnes conditions,<br />
d’une plantation de Cactacées : tel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> Polystes qui,<br />
quoique désastreuses pour la plupart des arbres fruitiers,<br />
rendent cependant aux cultures de Nopals des services qui<br />
ne sont pas à dédaigner. Aussi <strong>les</strong> indigènes, au lieu de<br />
détruire <strong>les</strong> guêpiers que ces dernières viennent suspendre<br />
aux artic<strong>les</strong> des Platyopuntia, se contentent seulement d’en
chapitRe xvi 441<br />
limiter le nombre, car leur trop grande abondance pourrait<br />
devenir nuisible.<br />
Ces guêpes, très friandes de larves de Coléoptères, constituent<br />
des agents très efficaces pour la destruction de cel<strong>les</strong><br />
qui s’attaquent particulièrement au parenchyme des Cactacées.<br />
Étant pourvues de robustes mandibu<strong>les</strong>, el<strong>les</strong> peuvent<br />
facilement entamer <strong>les</strong> tiges et pénétrer dans leur<br />
intérieur pour y capturer leur proie ; la présence de ces<br />
nids de Polystes dans une plantation de Nopals est donc<br />
une chose avantageuse qui vient compléter l’oeuvre d’assainissement<br />
des petites guêpes mellifères, car, disposant de<br />
moyens plus puissants que ces dernières, el<strong>les</strong> sont à même<br />
de détruire <strong>les</strong> insectes qui s’attaquent aux parties profondes<br />
de la plante et d’enrayer ainsi leurs dégâts. Tel<strong>les</strong> sont par<br />
exemple <strong>les</strong> larves de deux espèces très voisines de Curculionidés<br />
(Cactophayus spinolæ Gyll et C. tahorei Gyll)<br />
que l’on considère comme parasites particuliers des Platyopuntia.<br />
Les larves de ces Coléoptères s’alimentant exclusivement<br />
de la pulpe des Nopals, creusent dans l’intérieur<br />
des artic<strong>les</strong> de profondes galeries, où el<strong>les</strong> subissent toutes<br />
leurs transformations ; el<strong>les</strong> laissent alors des cavités qui,<br />
dans la suite, peuvent devenir des foyers de pourriture<br />
qui ne manqueraient pas de compromettre l’existence des<br />
Nopals.<br />
Ces Polystes en même temps qu’el<strong>les</strong> dévorent <strong>les</strong> larves,<br />
utilisent <strong>les</strong> déchets que ces dernières ont laissés et <strong>les</strong><br />
mettent à profit comme matériaux de confection de leurs<br />
gâteaux alvéolaires ; il en résulte que <strong>les</strong> parties entamées<br />
par <strong>les</strong> larves, au lieu de tomber en pourriture, peuvent,<br />
grâce à l’action des guêpes, arriver à se cicatriser.<br />
Les nidifications des Polystes, contrairement à cel<strong>les</strong> des<br />
Hyménoptères dont on vient de parler, ne sont que momentanées<br />
et n’ont lieu que pendant une certaine saison de<br />
l’année.<br />
association de diFFéRentes <strong>cactacées</strong> économiques suR<br />
un même teRRain de cultuRe. — Dans <strong>les</strong> plantations de<br />
Cierges destinés à la pro<strong>du</strong>ction fruitière, on économise
442 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
parfois le terrain en associant sur le même endroit deux<br />
espèces différentes ne pro<strong>du</strong>isant pas leur récolte à la même<br />
époque. C’est ainsi que dans l’État de Jalisco, principale-<br />
ment dans la région connue sous le nom de Valle de las<br />
playas, où se fait en grand la culture des Pitayos pour<br />
l’exportation et la vente des fruits sur <strong>les</strong> marchés urbains<br />
de la contrée, on peut voir des plantations de Lemaireocereus<br />
queretaroensis Safford, sur le tronc et <strong>les</strong> rameaux<br />
desquels <strong>les</strong> indigènes font grimper des Pitahayos, c’est-àdire<br />
des Cierges rampants à tiges de section triangulaire<br />
(fig. 65).<br />
On réalise alors sur un même emplacement l’association<br />
d’un Cierge à tiges érigées avec un autre en grande partie<br />
épiphyte, <strong>les</strong> deux donnant à des époques différentes leur<br />
pro<strong>du</strong>ction fruitière, le premier à la saison sèche, le second<br />
pendant la saison des pluies.<br />
Dans cette combinaison de culture intensive, ces deux<br />
Cierges, au lieu de se nuire, paraissent au contraire, étant<br />
donné le régime climatérique de la contrée où ils végètent,<br />
se conditionner dans un mutualisme des plus avantageux<br />
pour leur pro<strong>du</strong>ction indivi<strong>du</strong>elle.<br />
xénie et éclaiRcissage. — Une chose des plus intéressantes<br />
à laquelle soient arrivés <strong>les</strong> indigènes s’adonnant à<br />
la culture des Cactacées, est l’application à certaines<br />
espèces de la xénie et de l’éclaircissage pour le perfection-<br />
nement des fruits.<br />
La xénie ne paraît, jusqu’à présent, avoir été mise en<br />
oeuvre que dans la culture des Cierges triangulaires et aussi<br />
parfois dans quelques plantations de Platyopuntia. Selon<br />
toute vraisemblance, cette pratique horticole a été révélée<br />
aux Indiens d’après <strong>les</strong> faits observés dans la nature à la<br />
suite de fécondations croisées, ayant lieu normalement<br />
entre différentes espèces ou variétés de floraison simultanée.<br />
La xénie sur <strong>les</strong> Cierges à tiges triangulaires se pratique<br />
avec l’Hylocereus tricostatus Britt. et Rose, qui, à cause<br />
de la surabondance de ses fruits savoureux et rafraîchis-
chapitRe xvi 443<br />
sants, est l’objet d’une culture et d’un entretien courants<br />
dans <strong>les</strong> jardins de la plupart des villages des États de<br />
Jalisco et de Michoacan. Dans <strong>les</strong> plantations de cette<br />
espèce qui se font habituellement sur <strong>les</strong> arbres ou plus<br />
couramment en palissade sur <strong>les</strong> murs et clôtures des<br />
propriétés, on entretient toujours une espèce à fruits peu<br />
avantageux qui paraît être une forme sauvage ou rustique<br />
de l’Hylocereus undatus Britt. et Rose, et dont l’influence,<br />
d’après l’affirmation de ceux qui s’adonnent à cette culture,<br />
aurait pour effet d’améliorer notablement la pro<strong>du</strong>ction<br />
dans sa qualité et dans sa dimension.<br />
Pour <strong>les</strong> Platyopuntia, la chose est un peu différente :<br />
au lieu d’associer une espèce sauvage et rustique à une<br />
bonne variété sélectionnée, ce qui, comme on l’a vu, aurait<br />
pour résultat de provoquer chez cette dernière une dégénérescence,<br />
on se sert au contraire d’espèces bien améliorées.<br />
C’est ainsi que, dans <strong>les</strong> contrées ou <strong>les</strong> Nopals sont l’objet<br />
d’une grande culture, comme par exemple l’État de San<br />
Luis Potosi, on entretient au sein de la plantation d’Opuntia<br />
Ficus-indica Mill., un certain nombre d’exemplaires d’O. leucotricha<br />
DC., ou de la variété inerme de l’O. robusta<br />
Wendl. dite Camueso. Ces derniers, qui donnent de bons<br />
fruits, auraient toujours, d’après l’affirmation des indigènes,<br />
un effet heureux sur la fructification des autres<br />
Nopals entretenus dans leur voisinage.<br />
Quant à l’éclaircissage pour augmenter le volume des<br />
fruits, il ne paraît avoir été pratiqué jusqu’ici que sur la<br />
variété à gros fruits de l’O. Ficus-indica Mill. que <strong>les</strong><br />
Nathuatls désignaient sous le nom de Zapotnochtli et que<br />
<strong>les</strong> colons espagnols appelèrent dans la suite Tuna mansa,<br />
Tuna rica casta ou encore Tuna de Castilla.<br />
Cette belle variété, qu’elle soit inerme ou épineuse, donne<br />
d’ordinaire, quand on la cultive sans trop grands soins, un<br />
fruit atteignant 8 à 9 centimètres de long, qui peut arriver<br />
à doubler de volume si on lui applique un procédé assez<br />
simple.<br />
Ce dernier consiste tantôt à supprimer une floraison en
444 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
totalité ou en partie lorsque la plante en a deux à l’année,<br />
tantôt à ré<strong>du</strong>ire par un émondage judicieux le nombre des<br />
fleurs lorsque ces dernières se montrent en trop grande<br />
quantité sur un article, de façon à ce qu’il puisse fournir<br />
en plus grande abondance <strong>les</strong> sucs indispensab<strong>les</strong> à l’ac-<br />
croissement des fruits restants. On obtient alors des fruits<br />
très aqueux, très savoureux et qui, comme dimension et<br />
qualité, peuvent jusqu’à un certain point rivaliser avec ceux<br />
que pro<strong>du</strong>isent <strong>les</strong> Pitahayos.<br />
Les Nopals que l’on soumet à ce traitement doivent en<br />
outre être entretenus sur une terre de bonne qualité, bien<br />
amendée par quelques binages et de légères fumures et<br />
aménagée de façon à pouvoir recevoir de sommaires irriga-<br />
tions lorsque <strong>les</strong> plants entrent en végétation saisonnière<br />
ou lorsque la sécheresse devient trop forte.<br />
Les fleurs provenant de l’émondage ne sont pas per<strong>du</strong>es ;<br />
on <strong>les</strong> utilise à titre de condiments dans la cuisine indigène,<br />
ou encore on <strong>les</strong> sèche afin d’en faire des infusions que la<br />
médecine populaire préconise comme tisanes anodines.<br />
Les Platyopuntia soumis à ce régime finissent par perdre<br />
en grande partie leur caractère xérophytique, leur culture<br />
devient donc aussi délicate que celle des autres arbres<br />
fruitiers que l’on parvient à entretenir dans <strong>les</strong> régions<br />
mexicaines peu favorisées sous le rapport <strong>du</strong> régime des<br />
pluies, et ne peuvent répondre aux nécessités des régions<br />
foncièrement arides.<br />
*<br />
* *
chapitRe xvi 445<br />
CULTURE DES CACTACÉES D’ORNEMENT<br />
Polymorphisme. — Hybridation. — Greffe. — Adaptation. —<br />
Multiplication horticole. — Principa<strong>les</strong> formes à fleurs<br />
ornementa<strong>les</strong> : Cierges ailés, Epiphyllum mexicains, Cierges<br />
rampants et serpentiformes, Reines de la nuit. — Espèces<br />
de pleine terre en pays froids : Opuntia vulgaris Mill.,<br />
O. Rafinesquiana Engelm., O. fragilis Haw., Echinocereus,<br />
Mamillariées et Echinocactées. — Formes monstrueuses. —<br />
Platyopuntia et élevage de la Cochenille.<br />
D’après <strong>les</strong> vagues renseignements fournis par <strong>les</strong> écri-<br />
vains de l’époque de la conquête espagnole, on voit que la<br />
culture des Cactacées comme plantes d’ornement paraît<br />
avoir été pratiquée d’une façon assez suivie par <strong>les</strong><br />
anciennes populations civilisées <strong>du</strong> Nouveau Continent.<br />
Certaines espèces de Cierges grimpants, de Cierges ailés,<br />
de Mamillaria et même d’Opuntia, avaient, par l’étrangeté<br />
de leur allure, par la beauté et le charme de leurs fleurs,<br />
attiré l’attention des Indiens et <strong>les</strong> avaient amenés à <strong>les</strong><br />
comprendre parmi <strong>les</strong> spécimens hortico<strong>les</strong> servant à la<br />
décoration des parterres, des rocail<strong>les</strong>, des clôtures de<br />
jardins et même de l’intérieur des habitations.<br />
Les Espagnols, lorsqu’ils eurent établi leur conquête<br />
américaine, loin de dédaigner ces plantes dont ils avaient<br />
appris à apprécier l’intérêt et la valeur aussi bien écono-<br />
mique qu’ornementale, s’efforcèrent d’en étendre la cul-<br />
ture non seulement dans leur domaine colonial, mais<br />
encore en Europe.<br />
Sans parler <strong>du</strong> fameux Nopal que l’on désigna alors<br />
sous le nom de Figuier des Indes et qui, au moment de<br />
la découverte de l’Amérique, fut importé à titre de plante<br />
économique dans la mère-patrie où il se naturalisa pour<br />
ainsi dire de lui-même et ne cessa depuis lors de gagner<br />
toutes <strong>les</strong> zones tropica<strong>les</strong> et subtropica<strong>les</strong> des climats secs<br />
<strong>du</strong> monde entier, nombre d’autres espèces sont venues<br />
occuper une place importante dans la flore des serres, des<br />
jardins d’hiver et même de pleine terre dans <strong>les</strong> endroits<br />
où le climat le permettait.
446 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
La culture horticole des Cactacées fut même très en<br />
vogue au cours <strong>du</strong> xviii e siècle et de la première moitié<br />
<strong>du</strong> xix e , période pendant laquelle des collections très importantes<br />
de ces plantes grasses se constituèrent dans presque<br />
tous <strong>les</strong> pays de l’Europe.<br />
Si ces cultures, en faisant décrire comme espèces dis-<br />
tinctes nombre de variétés, amenèrent la confusion dans<br />
l’étude botanique des représentants de la famille des Cac-<br />
tacées, el<strong>les</strong> eurent, <strong>du</strong> moins, l’avantage très appré-<br />
ciable de faire connaître <strong>les</strong> circonstances curieuses de la<br />
biologie de ces végétaux, en mettant en évidence le poly-<br />
morphisme de certaines espèces, leur facilité d’hybridation<br />
et la modalité de leur adaptation à des milieux très parti-<br />
culiers.<br />
Ces cultures hortico<strong>les</strong> eurent encore un avantage qui<br />
mérite d’être pris en considération : ce fut celui de démon-<br />
trer la facilité avec laquelle on peut effectuer des greffages<br />
chez <strong>les</strong> Cactacées, même entre sujets appartenant à des<br />
genres différents.<br />
La pratique de la greffe ne paraît pas voir été mise en<br />
usage dans l’ancienne agriculture mexicaine, <strong>du</strong> moins<br />
pour ce qui a trait aux cultures de Cactacées économiques,<br />
bien que certaines espèces aient pu, comme on l’a vu au<br />
sujet des Echinocactus, montrer dans la nature des<br />
exemp<strong>les</strong> de greffes accidentel<strong>les</strong>.<br />
Les cultures hortico<strong>les</strong>, au contraire, ont su tirer un<br />
profit très avantageux de la greffe et la mettre très large-<br />
ment à contribution, non seulement pour l’amélioration<br />
des espèces et des variétés, mais encore pour entretenir<br />
en bonne voie de végétation et amener à floraison<br />
<strong>les</strong> formes délicates ou adaptées à des conditions spécia<strong>les</strong>,<br />
qu’il était très difficile de réaliser sous le régime uniforme<br />
des cultures en serres.<br />
Presque toutes <strong>les</strong> espèces de Cactacées peuvent servir<br />
de porte-greffes ; cel<strong>les</strong> que l’on choisit de préférence pour<br />
ce but doivent appartenir aux spécimens <strong>les</strong> plus résistants<br />
et <strong>les</strong> mieux adaptés à un régime indifférent aux causes
chapitRe xvi 447<br />
extérieures ; aussi a-t-on plus particulièrement recours à<br />
certains types de Platyopuntia, de Cierges, de Mamillaria<br />
et même parfois de Pereskia, lorsqu’il s’agit de se servir<br />
d’un spécimen bien lignifié, se rapprochant de la végétation<br />
frutescente normale.<br />
Les fécondations croisées pratiquées artificiellement et<br />
non soumises au hasard, comme dans <strong>les</strong> cultures de plan-<br />
tations économiques, ont donné de remarquab<strong>les</strong> résultats ;<br />
el<strong>les</strong> ont permis, avec des plants issus de semis, d’obtenir<br />
une série de formes plus ou moins modifiées et améliorées,<br />
parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on en a pu sélectionner de remarqua-<br />
b<strong>les</strong> par la qualité de leur floraison et qu’il a été possible<br />
de conserver en <strong>les</strong> propageant par bouturage.<br />
C’est ainsi qu’avec <strong>les</strong> Cierges rampants, <strong>les</strong> Epiphyllum<br />
et ces Echinocactées appartenant au groupe aberrant des<br />
Astrophytum, on est arrivé à réaliser de nombreuses formes<br />
hybrides qui obtinrent un vif succès de curiosité dans <strong>les</strong><br />
cultures entreprises par <strong>les</strong> amateurs de Cactacées.<br />
Au point de vue purement floral, <strong>les</strong> plus beaux et <strong>les</strong><br />
plus remarquab<strong>les</strong> hybrides furent obtenus par la féconda-<br />
tion artificielle des fleurs <strong>du</strong> Nopalxochia phyllantoides<br />
Britt. et Rose avec le pollen des Heliocereus speciosus Britt.<br />
et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose et Cereus<br />
pteranthus Britt. et Rose.<br />
adaptation. — Certaines formes de Cactacées sont<br />
tellement bien adaptées à des conditions particulières d’exis-<br />
tence, qu’el<strong>les</strong> se montrent réfractaires aux procédés de<br />
culture horticole habituels, et si, parfois, ces spécimens<br />
extraordinaires ont pu, dans <strong>les</strong> collections de plantes<br />
vivantes, se maintenir en prospérité et parvenir à la florai-<br />
son et à la fructification, ce n’est que par la stricte<br />
observance des faits de la nature. Car à côté des espèces<br />
sylvico<strong>les</strong> qui végètent à peu près dans <strong>les</strong> mêmes cond-<br />
itions que <strong>les</strong> végétaux normaux et <strong>les</strong> Platyopuntia qui,<br />
grâce à leurs multip<strong>les</strong> formes de résistance, se montrent<br />
indifférents aux influences externes et s’accommodent à
448 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
presque tous <strong>les</strong> milieux, <strong>du</strong> moment qu’ils ne sont pas<br />
trop humides, bon nombre d’espèces se sont tellement<br />
adaptées à des régimes exclusifs, qu’il est impossible de<br />
<strong>les</strong> faire vivre si on ne <strong>les</strong> place pas dans <strong>les</strong> conditions<br />
écologiques auxquel<strong>les</strong> la nature <strong>les</strong> a conformées.<br />
Tel<strong>les</strong> sont par exemple ces petites formes de Cactacées<br />
globuleuses que l’on désigne sous <strong>les</strong> noms populaires de<br />
Peyotes et de Peyotillos, spécimens éminemment xérophytiques,<br />
croissant dans <strong>les</strong> plaines désertiques <strong>du</strong> nord <strong>du</strong><br />
Mexique et <strong>du</strong> sud des États-Unis et qui, pendant leur<br />
période de repos végétatif, arrivent à se soustraire aux<br />
rigueurs saisonnières d’un climat excessif par le curieux<br />
mécanisme d’un enfouissement spontané.<br />
Si ces Peyotes se trouvent soumis exclusivement au<br />
régime par trop clément des cultures de serres, on <strong>les</strong> voit<br />
d’abord pousser avec une certaine vigueur ; mais, au bout<br />
d’un temps plus ou moins long, ils s’anémient et finissent<br />
pas tomber en pourriture, à moins qu’on ait eu soin de<br />
<strong>les</strong> placer en terre légère, profonde, perméable, de prati-<br />
quer des arrosages très modérés pendant seulement quel-<br />
ques jours de l’année et de <strong>les</strong> conserver l’hiver dans un £<br />
terrain et une atmosphère rigoureusement secs, en leur<br />
donnant de la chaleur de fond ; ainsi traitées ces Cactacées<br />
peuvent vivre longtemps et se comporter comme dans la<br />
nature.<br />
Certains grands Cierges particuliers aux régions des<br />
crêtes montagneuses montrent également des phénomènes<br />
d’adaptation aussi curieux que ceux de ces végétaux xéro-<br />
phi<strong>les</strong>.<br />
Tels sont par exemple <strong>les</strong> Lemaireocereus Chende Britt.<br />
et Rose, et L. Chichipe Britt. et Rose, qui ne peuvent vivre<br />
et donner leurs pro<strong>du</strong>its que si on <strong>les</strong> soumet à des alter-<br />
natives presque journalières de vive lumière, de ventilation,<br />
de brumes et de rosées froides. Ces Cierges, déplacés de<br />
leur milieu habituel, comme on l’a maintes fois constaté<br />
non seulement dans <strong>les</strong> essais de culture mais aussi dans<br />
la nature, ne tardent pas à péricliter et même parfois à<br />
périr.
chapitRe xvi 449<br />
Certains Cierges à tiges décombantes sont spécialisés aux<br />
climats marins ; tels sont <strong>les</strong> Acanthocereus pentagonus<br />
Britt. et Rose et le Machærocereus gummosus Britt. et Rose<br />
qui, si on <strong>les</strong> change de leur habitat ordinaire, peuvent<br />
encore végéter vigoureusement, mais ne parviennent qu’ex-<br />
ceptionnellement à donner une pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />
Ce fait a été constaté il y a longtemps et d’une façon<br />
très nette avec le Machærocereus gummosus Britt. et Rose,<br />
espèce fort répan<strong>du</strong>e sur tout le littoral de la Péninsule<br />
Californienne. Ce Cierge, lorsqu’il croît sur <strong>les</strong> côtes ou<br />
dans <strong>les</strong> î<strong>les</strong>, donne des fruits souvent en très grande abon-<br />
dance ; mais s’il se trouve dans l’intérieur <strong>du</strong> pays ou dans<br />
un endroit non soumis à l’influence marine, sa pro<strong>du</strong>ction<br />
devient nulle ou à peu près, bien que la plante se main-<br />
tienne en touffes vigoureuses.<br />
En somme, le polymorphisme, l’hybridation entre espèces<br />
de floraison simultanée, et l’adaptation à des milieux très<br />
différents, sont des faits biologiques qui se montrent avec<br />
fréquence chez certains représentants des Cactacées, et<br />
que la culture de collections de plantes de cette famille est<br />
venue mettre en évidence.<br />
Si <strong>les</strong> deux premières ont été utilisées avec succès dans<br />
la pratique courante de l’horticulture, il n’en a pas été de<br />
même de la troisième, qui fut plutôt un échec ou une<br />
grande difficulté qu’on a pu tout au plus tourner par la<br />
greffe, lorsque <strong>les</strong> conditions de la nature auxquel<strong>les</strong> la<br />
plante s’est conformée n’ont pu être réalisées.<br />
Néanmoins, l’adaptation à des milieux très spécialisés<br />
est une chose dont on doit tenir compte lorsqu’il s’agit de<br />
faire des peuplements de Cactacées dans des contrées très<br />
arides, soit dans un but d’exploitation économique, soit<br />
simplement à des fins d’amélioration de terrains.<br />
multiplication en hoRticultuRe. — En horticulture,<br />
on emploie comme méthode courante de propagation des<br />
Cactacées, le bouturage et le semis.<br />
Le premier mode ne diffère guère dans le cas présent de<br />
29
450 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
celui qui a été exposé ci-dessus : son but est de conserver<br />
des formes suffisamment établies en vue de leur pro<strong>du</strong>c-<br />
tion économique.<br />
Le second, au contraire, au lieu de maintenir une forme<br />
bien établie, aura pour objet d’obtenir en peu de temps<br />
une grande quantité de sujets présentant, suivant le poly-<br />
morphisme des espèces, de plus ou moins nombreuses<br />
variétés sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il sera loisible, après sélection, d’ap-<br />
pliquer tous <strong>les</strong> procédés d’amélioration dont dispose la<br />
pratique horticole.<br />
Le moment le plus favorable, selon Labouret, pour faire<br />
en Europe <strong>les</strong> semis de Cactacées, est février et mars ; il<br />
permet aux jeunes sujets de se développer normalement et<br />
d’acquérir pendant le cours de l’été suivant une dimension<br />
suffisante qui leur permettra de passer l’hiver en entrant<br />
en repos végétatif. Les semis pratiqués à cette époque per-<br />
mettent également de désaisonner facilement <strong>les</strong> espèces<br />
quand on <strong>les</strong> transporte d’un hémisphère dans l’autre ;<br />
c’est ainsi que l’on a pu faire fleurir et fructifier en Europe<br />
des espèces de l’Amérique australe à une saison où el<strong>les</strong><br />
peuvent rencontrer toutes <strong>les</strong> conditions de grande lumière<br />
indispensab<strong>les</strong> à leurs besoins écologiques.<br />
Les semis doivent toujours être faits, d’après l’avis de<br />
Labouret, dans des terrines peu profondes au fond des-<br />
quel<strong>les</strong> on place des tessons ou des graviers afin d’éviter<br />
une trop grande humidité. Sur ces derniers, on étend une<br />
couche constituée par un mélange de terre de bruyère, de<br />
terreau de feuil<strong>les</strong> bien consommé, de sable, de terre de<br />
jardin et même, dans certains cas, de calcaire et d’argile,<br />
afin de réaliser un compost assez semblable à celui que<br />
retiennent <strong>les</strong> fissures des rochers et qui, dans la nature,<br />
constitue des points d’élection pour <strong>les</strong> peuplements spon-<br />
tanés de Cactacées. Cet humus artificiel doit être légère-<br />
ment tassé et humidifié au moment où l’on fait <strong>les</strong> semis ;<br />
<strong>les</strong> graines sont répan<strong>du</strong>es à sa surface en <strong>les</strong> fixant seule-<br />
ment à l’aide d’une légère pression des doigts ; il faut<br />
éviter de <strong>les</strong> enterrer complètement parce qu’el<strong>les</strong> germe-<br />
raient alors plus difficilement.
chapitRe xvi 451<br />
Après que <strong>les</strong> semis ont été faits, il faut maintenir la<br />
terre dans un état hygrométrique constant ; pour cela, on<br />
place chaque terrine sur une soucoupe remplie d’eau et<br />
l’on maintient le tout dans une enceinte vitrée dont la<br />
température doit être constante et ne pas baisser au-dessous<br />
de 10°. Dans ces conditions, <strong>les</strong> graines, suivant <strong>les</strong><br />
espèces, lèvent plus ou moins rapidement, quelques-unes<br />
en moins d’une quinzaine de jours, d’autres en un ou deux<br />
mois. Quand ces dernières sont en bonne voie de végétation,<br />
il faut <strong>les</strong> soumettre à des soins assi<strong>du</strong>s ; on supprime <strong>les</strong><br />
soucoupes remplies d’eau, mais on veille à ce que la terre<br />
conserve cependant un certain degré d’humidité et qu’elle<br />
ne soit pas envahie par <strong>les</strong> mousses, <strong>les</strong> lichens et autres<br />
végétaux susceptib<strong>les</strong> d’étouffer <strong>les</strong> semis.<br />
Les plantu<strong>les</strong> doivent encore être abritées contre l’action<br />
directe <strong>du</strong> soleil ; pour cela, on <strong>les</strong> place sous des châssis<br />
dont <strong>les</strong> vitres ont été ren<strong>du</strong>es opaques par un badigeonnage.<br />
Lorsque <strong>les</strong> jeunes plants commencent à prendre leur<br />
forme et à montrer leurs aiguillons, il faut procéder alors<br />
à leur transplantation et <strong>les</strong> disposer assez espacés dans de<br />
nouvel<strong>les</strong> terrines, jusqu’à ce qu’ils aient atteint une<br />
dimension suffisante pour être à nouveau transplantés et<br />
placés alors isolés. Cette dernière opération, pour être effectuée<br />
dans de bonnes conditions de vitalité, peut demander<br />
un an ou parfois beaucoup plus ; cela dépend de la rapidité<br />
de croissance inhérente aux espèces.<br />
Il est facile très souvent d’augmenter la croissance des<br />
jeunes sujets issus de semis et en même temps de leur<br />
donner une belle vigueur, en ayant recours à un greffage<br />
sur une espèce ou une variété très rustique. C’est ainsi, par<br />
exemple, qu’on a pu, dans <strong>les</strong> cultures courantes, augmenter<br />
très efficacement le développement de certains<br />
Epiphyllum en <strong>les</strong> greffant sur des variétés choisies de<br />
l’Opuntia Ficus-indica Mill. et même sur des Pereskia.<br />
Par la même opération, R. Roland-Gosselin (ex litteris)<br />
a obtenu un résultat très probant en greffant sur le
452 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Wilcoxia viperina Britt. et Rose de jeunes spécimens issus<br />
de semis <strong>du</strong> W. striata Britt. et Rose. Ce dernier qui,<br />
d’après ce qu’a montré la plantation par semis, ne s’accroît<br />
que de quelques millimètres par an, a donné sur son porte-<br />
greffe des tiges qui, dans le même laps de temps, ont atteint<br />
5 centimètres de long.<br />
Dans la nature, on observe parfois des cas analogues de<br />
vigorisation de jeunes sujets à la suite d’un greffage acci-<br />
dental ; on en a vu un exemple bien net au chapitre des<br />
Echinocactées, avec l’Echinocactus ingens Zucc., qui présente<br />
un fait identique lorsque, sur sa tige b<strong>les</strong>sée et<br />
cicatrisée, des graines sont tombées et sont arrivées à<br />
germer.<br />
Les greffons de Cactacées, lorsqu’ils ont atteint un bon<br />
développement, peuvent être détachés de leur porte-greffe<br />
et bouturés selon <strong>les</strong> procédés ordinaires ; on obtient de<br />
cette façon des indivi<strong>du</strong>s plus résistants et mieux adaptés<br />
à de nouveaux régimes de végétation.<br />
Pour la multiplication des Mamillariées et de certaines<br />
Echinocactées dont <strong>les</strong> côtes sont remplacées par des ali-<br />
gnements de mamelons, on a eu souvent recours au greffage<br />
et au bouturage de ces mamelons. L’opération est facile et<br />
s’effectue de la même manière qu’avec de simp<strong>les</strong> frag-<br />
ments de tiges ; elle devient seulement un peu délicate<br />
lorsqu’il s’agit d’espèces offrant des mamelons un peu sail-<br />
lants.<br />
Grâce à ces deux procédés, on a pu obtenir pour nombre<br />
d’espèces diffici<strong>les</strong> à entretenir en bonne végétation, des<br />
plants améliorés se pliant mieux au régime de culture en<br />
serre. Tel a été par exemple le cas <strong>du</strong> Lophophora Williamsii<br />
Coult., et, en général, des espèces que l’on comprend dans<br />
la catégorie des Peyotes.<br />
pRincipa<strong>les</strong> FoRmes de <strong>cactacées</strong> cultivées pouR leuRs<br />
FleuRs. — Les spécimens qui jouirent à un moment donné<br />
d’une si grande vogue dans l’horticulture en serres, appar-<br />
tiennent, surtout dans leurs formes marquantes, au groupe<br />
de Cierges que l’on désigna primitivement sous le nom de
chapitRe xvi 453<br />
Cierges ailés ou à feuil<strong>les</strong> de Scolopendre (Phyllocactus et<br />
Epiphyllum), aux Cierges rampants ou serpentiformes et<br />
à certains types de Cactiers globuleux.<br />
Ces Cactacées, pour la plupart originaires des Antil<strong>les</strong>,<br />
furent rapportées aussitôt après la découverte de l’Amé-<br />
rique, et constituèrent ainsi le point de départ des collec-<br />
tions de plantes grasses qui, pendant longtemps, excitèrent<br />
un si grand enthousiasme chez <strong>les</strong> amateurs de plantes<br />
exotiques curieuses.<br />
Cierges ailés. — De Candolle, Pfeiffer, Miquel, <strong>les</strong> rattachèrent<br />
au genre Cereus, et Pfeiffer, pour se conformer à la<br />
nomenclature horticole, en fit la section qu’il désigna sous<br />
le nom de Cerei alati.<br />
Bien avant, Necker, en 1791, en avait fait un genre<br />
spécial sous le nom de Phyllartus 1 et Haworth, en 1812,<br />
sous celui d’Epiphyllum 2 , nom proposé auparavant par<br />
Hermann pour grouper tous <strong>les</strong> Cactiers à tiges foliacées,<br />
y compris une grande partie des représentants <strong>du</strong> genre<br />
Rhipsalis.<br />
Labouret 3 institua pour ces plantes le genre Athrophyllum<br />
qu’il subdivisa en sous-genres Phyllocactus et<br />
Epiphyllum.<br />
Britton et Rose 4 ont réparti ces Cierges qu’ils groupent<br />
en une sous-tribu : Epiphyllanæ, en neuf genres :<br />
I° Zygocactus Schum.<br />
2° Epiphyllanthus Berger.<br />
3° Schlumbergera Lem.<br />
4° Epiphyllum Haw.<br />
5° Disocactus Lindl.<br />
6° Chiapasia Britt. et Rose.<br />
7° Eccremocactus Britt. et Rose.<br />
8° Nopalxochia Britt. et Rose.<br />
9° Wittia Schum.<br />
1. Elementa botanica, II, p. 85, 1790.<br />
2. Synopsis Plantarum succulentarum, p. 197, 1812.<br />
3. Monographie des Cactées, p. 406, 1853.<br />
4. The Cactaceæ. IV, p. 177, 1923.
454 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Les Cierges ailés sont des plantes affectant la forme d’ar-<br />
brisseaux, croissant en touffes plus ou moins fournies, à<br />
l’état épiphyte, semi-épiphyte ou encore saxicole, dans <strong>les</strong><br />
grandes forêts longeant <strong>les</strong> deux versants de l’Amérique<br />
tropicale.<br />
Les rameaux sont toujours fortement comprimés, conti-<br />
nus ou articulés ; ils possèdent une nervure médiane qui<br />
se lignifie avec l’âge, ce qui leur donne l’apparence d’une<br />
feuille charnue, dont le contour, suivant <strong>les</strong> espèces, se<br />
montre plus ou moins sinué ou découpé de profondes<br />
échancrures. Cette tige, à ses débuts, apparaît cylindrique<br />
ou légèrement polygonale ; elle ne prend que plus tard<br />
cette conformation comprimée qui est la caractéristique<br />
la plus apparente des Cierges ailés.<br />
La partie non comprimée peut s’allonger en conservant<br />
sa structure ; avec l’âge elle se lignifie même assez forte-<br />
ment chez certaines espèces (Epiphyllum oxypetalum<br />
Haw.).<br />
Ces Cierges forment sur <strong>les</strong> arbres, ou sur <strong>les</strong> rochers,<br />
des touffes plus ou moins puissantes dont <strong>les</strong> rameaux,<br />
toujours en forme de lanières, sont tantôt érigés, tantôt<br />
flexueux ou encore franchement décombants ; ils émettent<br />
souvent, comme <strong>les</strong> Cierges à section polygonale, des<br />
racines adventives qui partent alors de la partie inférieure<br />
d’une articulation.<br />
Les aréo<strong>les</strong> sont situées au fond des crénelures ou aux<br />
extrémités des artic<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont munies d’un tomentum<br />
constitué par des aiguillons rudimentaires qui sont protégés<br />
par de petites squames ca<strong>du</strong>ques. Les fleurs se<br />
développent dans <strong>les</strong> alvéo<strong>les</strong> au fond des crénelures ou au<br />
sommet des artic<strong>les</strong> ; el<strong>les</strong> sont infundibuliformes, habituellement<br />
grandes ; leur tube est cylindrique, plus ou<br />
moins long, parfois démesurément allongé (Epiphyllum<br />
Phyllanthus Haw.). Ce tube est tantôt droit, tantôt coudé<br />
ou recourbé ; il présente quelques squames foliacées ; cel<strong>les</strong>ci<br />
sont glabres, inermes. La teinte des fleurs varie entre<br />
le rouge vif, le rose, le blanc et le jaunâtre ; el<strong>les</strong> sont
chapitRe xvi 455<br />
suivant <strong>les</strong> espèces, diurnes, nocturnes, persistantes, éphé-<br />
mères. Les étamines sont nombreuses, soudées sur le tube ;<br />
le style est grêle, plus long que <strong>les</strong> étamines, et se termine<br />
par plusieurs divisions stigmatiques linéaires et rayon-<br />
nantes. Le fruit est ovoïde, inerme, lisse, côtelé ; quoique<br />
comestible et parfois de saveur parfumée, il ne paraît pas<br />
être l’objet d’une consommation régulière et recherchée,<br />
aussi ne le voit-on que tout à fait exceptionnellement figurer<br />
sur <strong>les</strong> marchés mexicains.<br />
Les Cierges ailés, à cause de leur magnifique floraison,<br />
ne furent l’objet d’une culture que comme plante à fleurs ;<br />
il n’est pas étonnant que leur fructification ait été consi-<br />
dérée comme tout à fait secondaire.<br />
Comme cette catégorie de Cierges est originaire des<br />
grandes forêts tropica<strong>les</strong> où par conséquent elle se trouve<br />
adaptée à des conditions biologiques analogues à cel<strong>les</strong><br />
des végétaux normaux, il en résulte que l’on a pu, avec<br />
elle, mettre en oeuvre, non sans un réel succès, <strong>les</strong> procédés<br />
habituels de sélection et de fécondation artificielle. Aussi,<br />
par suite de l’application judicieuse de ces procédés cou-<br />
rants en horticulture, est-on arrivé à créer de très nom-<br />
breuses variétés qui pendant longtemps excitèrent l’en-<br />
thousiasme des amateurs de plantes rares et curieuses.<br />
Les trois principaux Cierges au pollen desquels on ait<br />
eu surtout recours pour la fécondation des fleurs de ces<br />
Cierges ailés, furent <strong>les</strong> Heliocereus speciosus Britt. et Rose,<br />
Selenicereus grandiflorus Britt. et Rose, et S. pteranthus<br />
Britt. et Rose, espèces de même habitat et que l’on entre-<br />
tenait jadis avec un soin tout particulier dans <strong>les</strong> palissades<br />
de serre ou de jardins d’hiver 1 .<br />
Les fleurs fournies par <strong>les</strong> spécimens hybridés se sont<br />
sensiblement agrandies en même temps qu’el<strong>les</strong> se sont<br />
1. Les Heliocereus Britt. et Rose et Selenicereus Britt. et Rose<br />
appartiennent, avec <strong>les</strong> Wilmattea Britt. et Rose, Mediocactus Britt.<br />
et Rose. Deamia Britt. et Rose, Weberocereus Britt. et Rose, Werckleocereus<br />
Britt. et Rose, Aporocactus Lem. et Strophocactus Britt. et<br />
à la sous tribu des Hylocereaneæ de Britt. et Rose.
456 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
parées de coloris beaucoup plus vifs et plus riches que<br />
cel<strong>les</strong> provenant de formes naturel<strong>les</strong>.<br />
Au moment de la grande vogue de la culture des Cac-<br />
tacées, on comptait plusieurs centaines de variétés fournies<br />
par <strong>les</strong> Cierges ailés, et Simon, horticulteur parisien, n’en<br />
mentionne pas moins de trois cents dans son catalogue.<br />
Par leur morphologie et leur biologie, <strong>les</strong> Cierges ailés<br />
ne sont que la continuation à peu près ininterrompue des<br />
Cierges polygonaux ; la fleur, chez la majorité des espèces,<br />
est longuement tubulée ; quant aux tiges, comprimées et<br />
très aplaties, el<strong>les</strong> rappellent cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Selenicereus hamatus<br />
Britt. et Rose, cel<strong>les</strong> juvéni<strong>les</strong> de l’Heliocereus speciosus<br />
Britt. et Rose, et surtout cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Strophocactus Wittii<br />
Britt. et Rose, plante aberrante habitant <strong>les</strong> forêts humides<br />
<strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Brésil et que l’on a tour à tour rangée parmi <strong>les</strong><br />
Cierges polygonaux, <strong>les</strong> Cierges ailés et <strong>les</strong> Rhipsalis.<br />
Les Cerei alati ou Epiphyllaneæ doivent se répartir en<br />
deux grands groupes assez bien délimités, l’un de propor-<br />
tions plus fortes, dont la fleur est ordinairement grêle et<br />
allongée, à tube grêle, étamines abondantes et un peu iné-<br />
ga<strong>les</strong>, péta<strong>les</strong> habituellement nombreux, à limbe étalé et<br />
régulier, style filiforme, plus long que <strong>les</strong> étamines, stig-<br />
mates linéaires et rayonnants ; l’autre à tiges très rami-<br />
fiées, au lieu d’être presque continues, fragmentées en un<br />
grand nombre de petits artic<strong>les</strong> foliacés, inermes, lisses,<br />
ovoïdes, tronqués à leur sommet, denticulés ou crénelés<br />
sur leurs contours, à fleurs toutes de couleur rouge ou<br />
rosée, termina<strong>les</strong> et apparaissant au sommet des artic<strong>les</strong>,<br />
à tube habituellement assez court, souvent convexe à son<br />
orifice, à divisions pétaloïdes, à limbe plus ou moins oblique,<br />
quelquefois sublabié, à étamines formant deux séries dis-<br />
tinctes, l’extérieure insérée sur le tube, l’interne se soudant<br />
à leur base de façon à former un tube entourant le style ;<br />
ce dernier longuement exsert.<br />
Nous ne nous occuperons que <strong>du</strong> premier groupe qui<br />
comprend, au Mexique, comme représentants, <strong>les</strong> genres :<br />
Epiphyllum Haw., Nopalxochia Britt. et Rose, et Chiapasia<br />
Britt. et Rose.
chapitRe xvi 457<br />
Le genre Epiphyllum a six espèces au Mexique 1 , dont<br />
nous n’étudierons que <strong>les</strong> plus importantes.<br />
Epiphyllum Ackermannii Haw. (syn. : Phyllocactus<br />
Ackermannii Salm-Dyck, Cereus Ackermannii Otto, Cactus<br />
Ackermannii Lindl.). — Cette espèce est, par la splendeur<br />
et la <strong>du</strong>rée de sa floraison, une des formes <strong>les</strong> plus remar-<br />
quab<strong>les</strong> <strong>du</strong> groupe ; habituellement épiphyte dans la nature,<br />
elle croît sur <strong>les</strong> arbres des forêts en formant des touffes<br />
plus ou moins volumineuses de rameaux diffus, érigés ou<br />
pendants. Les rameaux, d’une longueur de près de 50 centi-<br />
mètres, partent d’une souche unique ; ils sont d’abord<br />
cylindriques ou subanguleux, puis deviennent comprimés<br />
et foliacés en présentant alors des bords profondément<br />
incisés ; leur couleur dans le jeune âge est d’un vert tendre<br />
passant parfois au brun pourpre vers <strong>les</strong> extrémités. Les<br />
aréo<strong>les</strong> qui occupent le fond des crénelures sont fréquem-<br />
ment munies d’aiguillons sétuleux que recouvre en partie<br />
une petite squamule. Les fleurs, d’une grande beauté, sont<br />
diurnes, inodores, d’une vive coloration coccinée ou écar-<br />
late ; el<strong>les</strong> restent plusieurs jours épanouies et présentent<br />
une corolle infundibuliforme qui, au moment de son com-<br />
plet épanouissement, peut atteindre un diamètre de 15 cen-<br />
timètres ; le tube, long de 4 à 5 centimètres, est glabre, de<br />
couleur verte ; il présente quelques squames rougeâtres.<br />
Les péta<strong>les</strong>, au nombre d’une douzaine, sont acuminés,<br />
<strong>les</strong> étamines et le style rouges et de même longueur ; le<br />
stigmate est blanc et présente 8 divisions.<br />
La floraison a lieu pendant une longue période ; elle<br />
débute en avril pour se terminer en septembre.<br />
Le fruit, d’environ 3 ou 4 centimètres dans sa plus<br />
grande dimension, est ovoïde, ombiliqué et rétréci à son<br />
sommet ; il présente 8 côtes aplaties et écailleuses ; sa pulpe<br />
est comestible et possède une saveur assez douce ayant un<br />
léger arôme de fraise.<br />
1. E. Ackermannii Haw., anguliger G. Don, caudatum Britt. et<br />
Rose, Darrahii Britt. et Rose, oxypetalum Haw., strictum Britt. et Rose.
458 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Quelques auteurs, dont Britton et Rose, considèrent cet<br />
Epiphyllum, non comme une espèce, mais comme le résultat<br />
d’une hybridation naturelle.<br />
L’aire de dispersion de l’E. Ackermannii est assez éten<strong>du</strong>e<br />
: elle paraît comprendre toute la forêt tropicale <strong>du</strong><br />
versant atlantique de l’Amérique, y compris <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong>.<br />
Au Mexique, le D r Weber le signale comme assez commun<br />
dans la forêt montagneuse des environs d’Orizaba ; Britton<br />
et Rose disent qu’on l’a trouvé près de Chiapas.<br />
Comme c’est une plante ornementale très cultivée et très<br />
appréciée, il est fort probable qu’elle est devenue subspon-<br />
tanée dans nombre de localités.<br />
Epiphyllum anguliger G. Don. (syn. : Phyllocactus anguliger<br />
Lem., P. serratus Brong.). — Cette espèce se présente<br />
sous un aspect tout particulier qui la fait distinguer à<br />
première vue de ses congénères ; elle forme des touffes très<br />
rameuses dont <strong>les</strong> tiges sont robustes, aplaties, épaisses,<br />
charnues, divariquées, remarquab<strong>les</strong> par leurs bords pro-<br />
fondément découpés en dents de scie, conformation qui a<br />
valu à cette espèce le nom vulgaire de Jarrana, ternie servant<br />
jadis à désigner une sorte de guitare à contours angu-<br />
leux.<br />
La tige de l’E. anguliger est, en général, très ramifiée,<br />
longue de 30 centimètres à 1 mètre, assez épaisse, très<br />
succulente ; à ses débuts elle est céréiforme, puis elle devient<br />
convexe enfin comprimée ; au fond de ses profondes décou-<br />
pures margina<strong>les</strong> apparaissent de véritab<strong>les</strong> aréo<strong>les</strong>, rondes,<br />
tomenteuses, sétigères, ce qui est un fait presque excep-<br />
tionnel dans ce groupe de plantes ; la squamule qui accom-<br />
pagne ce tomentum est très atrophiée et presque nulle.<br />
La fleur est blanche, longue d’environ 25 centimètres ; son<br />
tube est grêle et presque nu ; <strong>les</strong> sépa<strong>les</strong> sont lancéolés,<br />
linéaires, d’un jaune rosé, <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> blancs, satinés, trans-<br />
parents, largement lancéolés, acuminés, longs de 2 centi-<br />
mètres ; <strong>les</strong> étamines, le style et <strong>les</strong> stigmates sont blancs.<br />
Les fleurs ont une assez longue <strong>du</strong>rée, el<strong>les</strong> restent épa-
chapitRe xvi 459<br />
nouies une huitaine de jours ; el<strong>les</strong> exhalent un parfum<br />
doux et pénétrant qui rappelle celui <strong>du</strong> chèvrefeuille.<br />
Le fruit, ovoïde, subcosté, long de 3 à 4 centimètres, est<br />
blanc à sa maturité ; il est comestible et fait parfois son<br />
apparition sur <strong>les</strong> marchés concurremment à celui de l’Heliocereus<br />
speciosus Britt. et Rose.<br />
Cet Epiphyllum fleurit en automne contrairement à ses<br />
congénères dont la floraison est généralement printanière<br />
ou estivale.<br />
Cette espèce paraît être particulière au versant pacifique<br />
<strong>du</strong> Mexique où on la rencontre dans la grande forêt lon-<br />
geant la pente occidentale de la Sierra Madre de Sinaloa,<br />
Tepic, Jalisco, Colima, Guerrero.<br />
D’après Lemaire, elle a été intro<strong>du</strong>ite en Europe en 1846<br />
par Hartweg, qui, en se rendant <strong>du</strong> Mexique en Haute<br />
Californie, récolta cette intéressante espèce dans une forêt<br />
de chênes près de Matanejo, d’où il l’envoya à la Société<br />
royale d’Horticulture de Bruxel<strong>les</strong>, qui en distribua des<br />
indivi<strong>du</strong>s à ses membres en 1847.<br />
Epiphyllum oxypetalum Haw. (syn. : E. garnde Britt. et<br />
Rose, E. acuminatum Schum., Phyllocactus grandis Lem.,<br />
P., guyanensis Brong., P. latifrons Link, P. oxypetalus Link,<br />
P. acuminatus Schum., P. Purpusii Weingart, Cereus oxypetalus<br />
DC., C. latifrons Pfeiff.). — Cette remarquable<br />
espèce, qui est la forme géante <strong>du</strong> groupe des Cierges ailés,<br />
a un faciès tout à fait caractéristique qui permet de la<br />
reconnaître à première vue. Contrairement à ses congé-<br />
nères, elle est complètement terrestre et saxicole et dresse<br />
ses rameaux en s’appuyant sur <strong>les</strong> rochers ou <strong>les</strong> escarpe-<br />
ments qu’elle couvre et tapisse parfois entièrement de ses<br />
larges rameaux foliacés.<br />
La tige est élevée et peut atteindre 3 mètres ; elle est dans<br />
sa partie inférieure cylindrique ou subcomprimée, et dans<br />
sa partie supérieure dilatée en de larges lames foliacées<br />
atteignant parfois une largeur de plus de 20 centimètres.<br />
Les crénelures sont concaves, aiguës à leur sommet ; <strong>les</strong>
460 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
jeunes rameaux se développent aux crénelures et donnent<br />
souvent à la tige un aspect penné. Les aréo<strong>les</strong> sont petites<br />
et garnies d’une pilosité très fine que protège une squamule<br />
assez faible. Les fleurs, grandes, d’un blanc lustré, sont<br />
remarquab<strong>les</strong> par leur beauté ; el<strong>les</strong> sont nocturnes, très<br />
éphémères, ne <strong>du</strong>rant que quelques instants ; leur tube est<br />
long d’une vingtaine de centimètres ; la corolle a à peu<br />
près la même largeur au moment de son complet épanouis-<br />
sement. Les étamines sont nombreuses, blanches avec<br />
anthères jaunes ; le style épais, plus long que <strong>les</strong> étamines,<br />
présente 18 divisions linéaires, blanches, rayonnantes.<br />
On distingue chez cette espèce plusieurs variétés natu-<br />
rel<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> ont été décrites sous <strong>les</strong> noms de<br />
Phyllocactus latifrons Link, et de P. stenopetalus Först.<br />
Ces variétés se différencient surtout par la grandeur et le<br />
coloris de la fleur, et la plus ou moins grande dentelure<br />
des tiges.<br />
L’Epiphyllum oxypetalum a une aire de répartition géographique<br />
assez éten<strong>du</strong>e ; on le rencontre au Mexique, au<br />
Guatemala, à Cuba, au Venezuela, en Guyane, au Brésil.<br />
Nopalxochia phyllanthoides Britt. et Rose (syn. : Phyllocactus<br />
phyllanthoides Link, Cactus phyllanthoides DC.,<br />
C. elegans Link, C. speciosus Bonp., Epiphyllum speciosum<br />
Haw., E. phyllanthoides Sweet, Opuntia speciosa Steud.). —<br />
Les Nahuatls désignaient cette espèce sous <strong>les</strong> noms de<br />
Catzicnopalxochitl, Nopalquetzaltiquizi ou encore de<br />
Maquauhpatli, et <strong>les</strong> indigènes actuels le nomment Marta<br />
ou simplement Nopallilo.<br />
Les tiges de cette espèce atteignent 60 à 80 centimètres<br />
de longueur et <strong>les</strong> rameaux de 20 à 30 centimètres sur 3 à 4<br />
de largeur. Pendant la première jeunesse, ces rameaux<br />
portent souvent 3 à 4 ang<strong>les</strong> sinueux dont <strong>les</strong> aréo<strong>les</strong> sont<br />
garnies de quelques poils jaunâtres sétiformes qui recou-<br />
vrent la squamule. Les fleurs sont abondantes, de couleur<br />
rose, longues de 10 centimètres ; el<strong>les</strong> restent épanouies<br />
pendant plusieurs jours ; le tube est inerme, vert, long de
chapitRe xvi 461<br />
4 centimètres, parsemé de petites squames rouges. Les<br />
péta<strong>les</strong> extérieurs sont d’un rose intense, éten<strong>du</strong>s, acu-<br />
minés, <strong>les</strong> intérieurs blancs et se colorant de plus en plus<br />
<strong>du</strong> centre à la périphérie, plus allongés que <strong>les</strong> autres et<br />
se réfléchissant pour constituer le limbe. Les étamines sou-<br />
dées sur l’orifice <strong>du</strong> tube sont fasciculées, blanches, avec<br />
anthères de même couleur ; le style est grêle, blanc, un peu<br />
plus long que <strong>les</strong> étamines ; il se termine par un stigmate<br />
blanc présentant de 5 à 8 divisions. Le fruit, long de<br />
4 centimètres sur 2 de largeur, est nu, ovale, côtelé, de cou-<br />
leur pourpre foncée ; sa pulpe, de même teinte, est très<br />
succulente ; il met, d’après Labouret, 5 mois à parvenir à<br />
maturité.<br />
Cette espèce, grâce à sa belle et abondante floraison ainsi<br />
qu’à la facilité de sa culture et de sa multiplication, fut<br />
parmi <strong>les</strong> représentants des Cierges ailés la forme qui, à<br />
une certaine époque, obtint le plus grand succès comme<br />
plante vivante d’appartement.<br />
Labouret la signale comme se rencontrant dans presque<br />
toutes <strong>les</strong> habitations où quelques fleurs sont cultivées ; il<br />
ajoute qu’on la voit, même isolée, figurer sur la fenêtre de<br />
l’artisan dont le logis manque souvent des objets de pre-<br />
mière nécessité.<br />
Au point de vue horticole, c’est une des espèces qui a<br />
été le plus travaillée et sur laquelle, comme on l’a vu<br />
plus haut, on s’est ingénié à pratiquer le plus d’hybrida-<br />
tions.<br />
La médecine populaire en a tiré un certain parti comme<br />
émollient et adoucissant ; son suc peu actif est appliqué sur<br />
<strong>les</strong> brûlures et, en général, sur toutes <strong>les</strong> plaies afin d’en<br />
accélérer la cicatrisation.<br />
La répartition géographique <strong>du</strong> Nopalxochia phyllanthoides<br />
occupe une aire très éten<strong>du</strong>e ; on le rencontre à<br />
l’état sauvage en Colombie, dans l’Amérique centrale, aux<br />
Antil<strong>les</strong>, dans le sud <strong>du</strong> Mexique et principalement dans<br />
<strong>les</strong> forêts de Chiapas et de la côte de Vera-Cruz ; dans ce<br />
dernier pays, il semble, comme l’Epiphyllum Ackermannii,<br />
être surtout particulier au versant Atlantique.
462 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Chiapasia Nelsonii Britt. et Rose (syn. : Epiphyllum Nelsonii<br />
Britt. et Rose, Phyllocactus Nelsonii Vaupel, P. chiapensis<br />
J. Purpus). — Cette plante épiphyte est des plus<br />
curieuses car ses tiges sont dressées, toujours cylindriques<br />
et peuvent dépasser 1 m. de longueur, tandis que ses<br />
rameaux, longs de 10 à 15 cm. et larges de 3 à 4 centi-<br />
mètres, sont aplatis avec une base cylindrique et souvent<br />
pendants. Les bords de ces derniers sont crénelés, à aréo<strong>les</strong><br />
à peine visib<strong>les</strong>, garnies d’une pilosité cotonneuse avec<br />
quelques petites sétu<strong>les</strong> ca<strong>du</strong>ques. Les fleurs, en entonnoir,<br />
longues de 7 à 8 centimètres, sont d’un rouge carmin teinté<br />
de violet et souvent au nombre de plusieurs (jusqu’à 3)<br />
à l’extrémité des rameaux ; le tube, qui présente quelques<br />
petites écail<strong>les</strong>, est environ moitié plus court que le limbe<br />
dont <strong>les</strong> 8 pièces sont recourbées. Les étamines, longuement<br />
exsertes, sont au nombre d’une vingtaine, à filets rougeâtres<br />
à la base, blancs au sommet et à anthères blanches. Le<br />
style grêle, rouge, un peu plus long que <strong>les</strong> étamines, pré-<br />
sente 5 divisions blanches, recourbées.<br />
Le Chiapasia Nelsonii, dont <strong>les</strong> tiges semblent d’un Cierge<br />
serpentiforme et <strong>les</strong> rameaux d’un Epiphyllum, n’a été<br />
trouvé que dans l’État de Chiapas, aux environs de Chi-<br />
chairas, à une altitude de 900 à 1.800 mètres. C. Purpus l’a<br />
intro<strong>du</strong>it dans <strong>les</strong> cultures en 1913.<br />
Cierges rampants et serpentiformes. — Les Cierges<br />
rampants appartenant à ces formes que l’on nomme verna-<br />
culairement au Mexique Pitahayos, sont susceptib<strong>les</strong> de<br />
pro<strong>du</strong>ire une floraison des plus remarquab<strong>les</strong>, non seule-<br />
ment par sa beauté, mais aussi par sa dimension qui peut<br />
parfois dépasser 30 centimètres, tels sont <strong>les</strong> Heliocereus<br />
speciosus Britt. et Rose, Selenicereus grandiflorus Britt. et<br />
Rose, S. pteranthus Britt. et Rose, Hylocereus undatus Britt.<br />
et Rose, etc.<br />
Ces espèces ayant été décrites comme plantes fruitières,<br />
ne sont signalées ici comme plantes ornementa<strong>les</strong> qu’à titre<br />
de mention.
chapitRe xvi 463<br />
Il n’en est pas de même pour deux autres espèces de<br />
Cierges très différents l’un de l’autre et qu’en horticulture<br />
on désigne plus particulièrement sous le nom de Cactiers<br />
serpents ou serpentins (Cerei serpentini). Ces derniers sont<br />
à tiges cylindriques, flexueuses, parfois volubi<strong>les</strong> ou tom-<br />
bantes, en forme de lanières ou de fouet ; comme <strong>les</strong> précé-<br />
dents, ils ont été l’objet de cultures tout à fait spécia<strong>les</strong> et<br />
ont fourni des sujets porte-greffe et d’hybridation dont on<br />
a tiré des résultats remarquab<strong>les</strong>.<br />
Ces Cierges serpentiformes, dont deux espèces seulement<br />
ont été employées comme plantes ornementa<strong>les</strong>, sont le<br />
Nyctocereus serpentinus Britt. et Rose et l’Aporocactus<br />
flagelliformis Lem.<br />
Nyctocereus serpentinus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
serpentinus DC., C. ambiguus DC., C. splendens Salm-<br />
Dyck ; Echinocereus serpentinus Lem., E. splendens Lem.,<br />
Cactus serpentinus Lagasca et Rodriguez, C. ambiguus<br />
Bonp.). — Ce Cierge, qui n’a été connu botaniquement<br />
qu’en 1801 par une courte description de Lagasca et<br />
Rodriguez 1 , est un des spécimens de Cactacées le plus<br />
anciennement cultivé comme plante d’ornement.<br />
La tige est cylindrique, allongée, flexueuse, subérigée,<br />
subarticulée, souvent rameuse à partir de la base ; elle<br />
peut atteindre 5 à (5 mètres de longueur sur un diamètre<br />
de 3 à 5 centimètres ; elle présente 10 à 12 côtes compri-<br />
mées, obtuses, presque rectilignes ; <strong>les</strong> sillons s’effacent<br />
assez rapidement avec l’âge. Les aréo<strong>les</strong> sont surbaissées,<br />
petites, blanches, tomenteuses ; <strong>les</strong> faisceaux épineux sont<br />
constitués par des aiguillons droits, très grê<strong>les</strong>, rigides, de<br />
1 à 1,5 centimètres de longueur, au nombre de 9 à 12 exté-<br />
rieurs et 1 central ; ils sont roses en naissant et devien-<br />
nent dans la suite blancs ou quelquefois brunâtres. La fleur<br />
est grande, blanche, nocturne, très éphémère, ne <strong>du</strong>rant que<br />
quelques heures ; elle offre un limbe de 15 à 18 centimètres<br />
1. Ana<strong>les</strong> de Ciencias natura<strong>les</strong>, IV, p. 261, 1801.
aéro<strong>les</strong> -><br />
aréo<strong>les</strong><br />
464 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
de diamètre ; le tube, d’environ une douzaine de centimètres<br />
de long, est en partie garni d’aiguillons criniformes et de<br />
squames rougeâtres, pileuses ; l’ovaire, de couleur verte,<br />
porte des aréo<strong>les</strong> et des aiguillons. Les étamines sont blan-<br />
ches et présentent des anthères assez grandes et de couleur<br />
jaune ; le style est à peine plus long et a 7 divisions. Le<br />
fruit est oviforme, rouge, comestible, remarquable par la<br />
dimension de ses graines qui atteignent 6 millimètres de<br />
long sur 4 de large et qui sont, avec cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Pachycereus<br />
Pecten-aboriginum Britt. et Rose, <strong>les</strong> plus grandes que<br />
l’on connaisse chez <strong>les</strong> Cierges.<br />
Cette plante est assez variable dans l’allure de ses tiges,<br />
dans la coloration de ses aiguillons, dans <strong>les</strong> dimensions<br />
de ses fleurs ; c’est ainsi que la variété Cereus serpentinus<br />
strictior Walp. présente, d’après Förster, des tiges bien<br />
érigées qui ne commencent à devenir flexueuses qu’à partir<br />
d’une certaine hauteur ; cette variété paraît avoir été décrite<br />
par De Candolle sous le nom de Cereus ambiguus.<br />
D’autres variétés naturel<strong>les</strong> ont été décrites sous <strong>les</strong> noms<br />
de Cereus melanhalonius Hort., C. sabintarius Hort., etc.<br />
Dans <strong>les</strong> cultures, on a obtenu par fécondation artificielle<br />
un bon nombre de variétés et d’hybrides ; de plus le Nyctocereus<br />
serpentinus a fourni un excellent porte-greffe étant<br />
donné sa facilité d’entretien et son indifférence aux milieux<br />
dans <strong>les</strong>quels on le fait végéter.<br />
D’après <strong>les</strong> observations hortico<strong>les</strong> dont fait mention<br />
Labouret, ce Cierge fleurit fréquemment dans <strong>les</strong> cultures<br />
européennes entre juillet et octobre, surtout s’il a été placé<br />
en serre chaude près d’un mur ; de plus, il semble que sa<br />
végétation est d’autant plus abondante qu’elle est plus lente<br />
pendant la mauvaise saison et plus stimulée à partir <strong>du</strong><br />
printemps.<br />
Dans certains endroits <strong>du</strong> Mexique, on se sert de ce<br />
Cierge, et principalement de sa forme érigée, pour enclore<br />
<strong>les</strong> propriétés ; on obtient ainsi des haies vives qui revêtent<br />
un fort bel aspect le soir, au moment <strong>du</strong> fugace épanouis-<br />
sement des fleurs.
disperion -><br />
dispersion<br />
chapitRe xvi 465<br />
En somme, c’est une espèce très appréciée à cause de<br />
la magnificence de sa floraison ; <strong>les</strong> indigènes l’entretiennent<br />
très fréquemment comme plante à fleurs dans <strong>les</strong> jardins,<br />
<strong>les</strong> cours, <strong>les</strong> entrées et <strong>les</strong> vérandas des habitations ; elle<br />
est disposée alors en palissade ou associée à la végétation<br />
frutescente.<br />
Son aire de dispersion est difficile à établir d’une façon<br />
bien précise : on le rencontre à peu près dans toutes <strong>les</strong><br />
régions chaudes et tempérées <strong>du</strong> Mexique où dans bien des<br />
endroits il a dû devenir subspontané.<br />
Aporocactus flagelliformis Lem. (syn. : Cactus flagelliformis<br />
Lem., Cereus flagelliformis Mill.). — Comme le<br />
Nopalxochia phyllanthoides et l’espèce précédente, ce Cierge<br />
fut, à une certaine époque, l’objet d’une culture très courante,<br />
à cause de l’étrangeté de ses tiges, de l’abondance,<br />
de la beauté et de la constitution particulière de ses fleurs.<br />
On le cultivait alors dans des poteries suspen<strong>du</strong>es afin de<br />
donner libre cours à l’expansion de ses tiges flagelliformes.<br />
Les Nahuatls le désignaient sous le nom d’Huitzocuitlapilli<br />
(queue d’iguane) ; <strong>les</strong> indigènes actuels <strong>du</strong> Mexique lui<br />
donnent, suivant <strong>les</strong> localités, différents noms, tels que<br />
ceux de Junco, Junquillo, Cuerno, Floricuerno, Flor de<br />
latigo, Hierba de Alferecia. Aux Antil<strong>les</strong> françaises, il est<br />
connu sous le nom de Cactier queue de souris ; aux Antil<strong>les</strong><br />
anglaises, sous celui de Hornflower ; dans <strong>les</strong> cultures de<br />
jardin d’hiver en France on le nommait souvent Serpentine<br />
ou encore Cactus ou Cierge serpent.<br />
Ses tiges sont rampantes ou pendantes à la manière de<br />
cordelettes, quelquefois partiellement érigées, subarticulées,<br />
très rameuses, grê<strong>les</strong>, cylindriques ou légèrement anguleuses,<br />
pourvues de racines adventives ; el<strong>les</strong> atteignent une<br />
longueur de 30 à 40 centimètres sur un diamètre variant<br />
entre un peu moins de 1 centimètre et 2. El<strong>les</strong> présentent<br />
10 à 12 côtes médiocrement saillantes, tuberculées, et<br />
des aréo<strong>les</strong> assez rapprochées, faiblement tomenteuses. Les<br />
faisceaux épineux sont constitués par 8 à 12 aiguillons<br />
courts, rigides, subérigés, rayonnants, peu vulnérants, de<br />
30
466 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
couleur brune ou jaunâtre, souvent roses à leur naissance.<br />
Les fleurs ont une structure toute particulière et bien<br />
caractéristique ; el<strong>les</strong> sont nombreuses, d’un bel aspect,<br />
tubuleuses, d’un rose pourpré, longues d’environ 8 centimètres<br />
; <strong>les</strong> péta<strong>les</strong> extérieurs sont révolutés et réfléchis<br />
en collerette étagée, <strong>les</strong> internes sont droits ; le tube est<br />
grêle, <strong>les</strong> étamines exsertes, à anthère jaune soufre ; le style,<br />
plus court que <strong>les</strong> étamines, offre 5 divisions ; la corolle,<br />
d’environ 4 centimètres, se conserve épanouie pendant plusieurs<br />
jours. Le fruit, d’un diamètre de 4 centimètres, est<br />
globuleux et couvert d’aréo<strong>les</strong> sétigères d’un jaune verdâtre<br />
; sa pulpe est comestible et possède, d’après Labouret,<br />
une saveur rappelant celle de la prune.<br />
Ce Cierge présente un certain nombre d’espèces très<br />
affines qui furent décrites sous <strong>les</strong> noms d’Aporocactus leptophis<br />
Britt. et Rose (Mexique), A. flagriformis Lem.<br />
(Mexique), A. Martianus Britt. et Rose (Mexique central),<br />
A. Conzattii Britt. et Rose (État de Oaxaca : Cerro San<br />
Felipe).<br />
Ces formes se différencient entre el<strong>les</strong> par une allure plus<br />
ou moins décombante, grimpante, rampante ou encore radicante,<br />
par la gracilité ou la grosseur des tiges, par le nombre<br />
des côtes, par des aréo<strong>les</strong> à tomentum plus ou moins ré<strong>du</strong>it,<br />
par la dimension des fleurs, leur forme plus ou moins<br />
courbée et leur coloris qui peut alors varier entre le rouge<br />
purpurescent, le rouge cocciné et le rose clair, et par la<br />
formes des pièces <strong>du</strong> périanthe plus aiguës, acuminées ou<br />
apiculées au sommet.<br />
L’Aporocactus flagelliformis a fourni par la fécondation<br />
artificielle de ses fleurs avec le pollen de l’Heliocereus speciosus,<br />
plusieurs hybrides remarquab<strong>les</strong> qui obtinrent un<br />
vif succès au moment de la vogue des Cactacées en horticulture<br />
; tels furent ceux que l’on désigna sous <strong>les</strong> noms<br />
de Cereus flagelliformis variétés Funkii, Mallisonii, nothus,<br />
Scottii, Smithii, speciosus, etc.<br />
Ces hybrides, qui furent signalés et décrits dans <strong>les</strong> catalogues<br />
et publications hortico<strong>les</strong> de l’époque, tout en conser-
chapitRe xvi 467<br />
vant <strong>les</strong> caractères fondamentaux de l’Aporocactus flagelliformis,<br />
ont emprunté beaucoup dans leur allure et la nature<br />
de leur floraison à l’indivi<strong>du</strong> ayant fourni le pollen. Plus<br />
vigoureux que <strong>les</strong> formes dont ils dérivent, ils acquièrent<br />
un développement exubérant lorsqu’ils sont placés en bonne<br />
exposition et en palissade sur un mur ; ils donnent alors<br />
une quantité prodigieuse de fleurs qui se succèdent parfois<br />
toute une saison.<br />
Un des plus remarquab<strong>les</strong> parmi ces hybrides est, d’après<br />
Labouret, le Cereus Mallisonii Pfeiff. ; sa tige est cylindrique,<br />
dressée au début ; elle présente 7 côtes saillantes d’un vert<br />
lustré, rameuses ; <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> pousses sont rigides, d’un<br />
rouge pourpre et ce n’est que plus tard, en s’allongeant,<br />
qu’el<strong>les</strong> deviennent rampantes ou décombantes.<br />
Les fleurs apparaissent de juin à juillet, présentent un<br />
limbe de 12 à 14 centimètres de diamètre, sont isolées et<br />
naissent vers l’extrémité des rameaux ; leur couleur est<br />
d’un rouge vif, avec une strie rouge feu au milieu des<br />
péta<strong>les</strong> ; <strong>les</strong> étamines et le style sont semblab<strong>les</strong> à ceux de<br />
la forme typique de l’Aporocactus flagelliformis.<br />
L’Aporocactus flagelliformis était employé dans la médecine<br />
des Antil<strong>les</strong> ; l’infusion des fleurs servait à combattre<br />
<strong>les</strong> crises d’éclampsie et le suc des tiges servait comme<br />
anthelminthique, mais ce dernier emploi demandait à être<br />
administré avec précaution car ce suc est irritant pour <strong>les</strong><br />
voies digestives.<br />
Comme pour la précédente espèce, son aire de disper-<br />
sion est assez difficile à délimiter car on le rencontre dans<br />
nombre de localités rocheuses des deux Amériques où il<br />
se propage soit naturellement, soit accidentellement ; on l’a<br />
même signalé il y a longtemps comme se rencontrant à<br />
l’état sauvage en Arabie, où probablement il fut importé<br />
en même temps que l’Opuntia Ficus-indica et où, comme<br />
ce dernier, grâce à sa faculté d’adaptation, il est devenu<br />
subspontané.<br />
Ce Cierge, qui ne fait pas de véritab<strong>les</strong> peuplements, mais<br />
se rencontre le plus souvent à l’état sporadique, croît habi-
468 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tuellement parmi la végétation saxicole plus ou moins<br />
xérophile de n’importe quel<strong>les</strong> régions chaudes ou tem-<br />
pérées, depuis le niveau de la mer jusqu’à une altitude de<br />
2.000 mètres ; c’est ainsi qu’on le rencontre au Mexique sur<br />
<strong>les</strong> crêtes rocheuses des régions froides de Zimapan et de<br />
San José del Auro (État d’Hidalgo).<br />
<strong>les</strong> reines de la nuit. — Les Nyctocereus serpentinus<br />
Britt. et Rose, Selenicereus pteranthus Britt. et Rose,<br />
S. grandiflorus Britt. et Rose, Epiphyllum oxypetalum Haw.<br />
constituent, par la particularité de leur belle floraison, un<br />
groupe assez délimité, que <strong>les</strong> Mexicains, dans leur classifi-<br />
cation populaire, ont désigné sous la rubrique bien expres-<br />
sive de Reinas de la Noche.<br />
Ces quatre espèces, qui sont toutes d’allure grimpante<br />
mais appartiennent à trois genres différents de Cierges,<br />
offrent de grandes analogies dans la modalité de leur flo-<br />
raison. Leurs fleurs sont nocturnes, de très courte <strong>du</strong>rée et<br />
souvent d’épanouissement brusque, généralement abon-<br />
dantes, et se pro<strong>du</strong>isent avec régularité pendant tout le<br />
cours de la saison estivale. El<strong>les</strong> sont remarquab<strong>les</strong> par<br />
leur dimension, le galbe de leur structure, la délicatesse de<br />
leur coloris variant entre le blanc pur et le jaune d’or et<br />
parfois le parfum subtil qu’el<strong>les</strong> exhalent au moment de<br />
l’épanouissement. Ces Reines de la Nuit sont habituellement<br />
cultivées en association avec d’autres plantes vivaces grim-<br />
pantes, que l’on dispose d’ordinaire en palissade pour la<br />
parure murale des porches, des vérandas ou autres dépen-<br />
dances des habitations. Dans cette combinaison horticole,<br />
el<strong>les</strong> apportent par l’apparition subite de leurs éclatantes<br />
corol<strong>les</strong>, un charme inatten<strong>du</strong> et tout spécial qui <strong>les</strong> fait<br />
apprécier et qui leur a valu le terme pompeux sous lequel<br />
on comprend cette catégorie de Cierges à floraison nocturne.<br />
Quoique d’une grande fugacité, ces fleurs peuvent cepen-<br />
dant, grâce à un artifice assez simple, être conservées dans<br />
un parfait épanouissement pendant un temps assez long ;<br />
il suffit pour cela, au moment où el<strong>les</strong> commencent à s’en-<br />
tr’ouvrir, de <strong>les</strong> couper à leur point d’insertion sur l’ovaire,
chapitRe xvi 469<br />
puis de chausser la partie inférieure de leur tube dans<br />
<strong>du</strong> sable ou de la terre humide, ou encore de la placer<br />
dans un vase contenant un peu d’eau ; de cette façon la<br />
fleur s’épanouit complètement et conserve sa faculté d’ab-<br />
sorption pour le liquide vivifiant.<br />
Cette brusque décrépitude <strong>du</strong> limbe floral n’est pas<br />
toutefois un fait particulier aux Reines de la Nuit, car on<br />
peut encore l’observer à des degrés différents chez certains<br />
Pitahayos, dont le développement <strong>du</strong> fruit a lieu d’une<br />
façon rapide ; elle serait vraisemblablement <strong>du</strong>e à un arrêt<br />
soudain de la sève qui, déviée de la corolle, affluerait alors<br />
sur l’ovaire pour amener la prompte maturation <strong>du</strong> fruit.<br />
En résumé, <strong>les</strong> Reines de la Nuit, si on <strong>les</strong> envisage au<br />
point de vue de la nomenclature horticole indigène, consti-<br />
tuent parmi <strong>les</strong> autres Cierges grimpants un groupement<br />
assez rationnel. En effet, <strong>les</strong> Selenicereus hamatus Britt. et<br />
Rose et Heliocereus speciosus Britt. et Rose, qui sont<br />
employés aux mêmes fins décoratives, présentent une flo-<br />
raison de longue <strong>du</strong>rée, leurs rameaux sont nombreux et<br />
parfois très encombrants ; de ce fait ils doivent être<br />
employés seuls car ils peuvent étouffer la végétation envi-<br />
ronnante.<br />
Les espèces qui sont comprises dans ce groupe vernacu-<br />
laire, ont, à part l’Epiphyllum oxypetalum Haw., des tiges<br />
relativement grê<strong>les</strong> qui peuvent se dissimuler parmi <strong>les</strong><br />
différentes plantes auxquel<strong>les</strong> on <strong>les</strong> associe, et cela sans<br />
leur causer le moindre préjudice. Dans ces conditions, l’ap-<br />
parition subite de leurs fleurs aux coloris éclatants<br />
apporte, pendant <strong>les</strong> bel<strong>les</strong> nuits tropica<strong>les</strong>, une surprise<br />
florale qui vient, <strong>du</strong>rant quelques instants, égayer <strong>les</strong><br />
palissades de cette végétation sarmenteuse dont, au<br />
Mexique, <strong>les</strong> façades des habitations rura<strong>les</strong> sont assez<br />
souvent agrémentées.<br />
espèces de <strong>cactacées</strong> de Rocail<strong>les</strong> et de pleine teRRe<br />
en pays FRoids. — L’horticulture a encore tiré un parti<br />
avantageux des petites formes de Cactacées dans l’orne-
470 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
mentation des parterres ; pour cela, elle a mis à contribution<br />
<strong>les</strong> espèces naines que présentent certains Opuntia, Echinocereus,<br />
Mamillariées et même Echinocactées.<br />
Ces formes, dont quelques-unes pro<strong>du</strong>isent de très bel<strong>les</strong><br />
fleurs, conviennent très bien pour la garniture des rocail<strong>les</strong>,<br />
ou encore pour la bor<strong>du</strong>re des plates-bandes, el<strong>les</strong> se dispo-<br />
sent alors comme on le fait dans <strong>les</strong> jardins européens avec<br />
<strong>les</strong> Joubarbes ou autres Crassulacées.<br />
Ces formes naines sont, en général, très rustiques ; cer-<br />
taines même peuvent, sans inconvénient, affronter en pleine<br />
terre <strong>les</strong> effets d’hivers rigoureux.<br />
Tel est par exemple dans le groupe des Platyopuntia,<br />
l’Opuntia vulgaris Mill., espèce humifuse et de peu d’élévation<br />
qui, depuis longtemps, s’est naturalisée dans des<br />
contrées assez froides et humides de l’Europe moyenne.<br />
Cette plante adventice rappelle alors pour ces régions<br />
ce qu’est le Figuier de Barbarie pour <strong>les</strong> pays chauds et<br />
arides <strong>du</strong> littoral méditerranéen.<br />
Opuntia Rafinesquiana Engelm. (syn. : O. nana Vis.,<br />
O. italica Ten., O. intermedia Salm-Dyck, O. mesacantha<br />
Rafin., O. cæspitosa Rafin., O. Opuntia Karst., Cactus Opuntia<br />
L., C. compressus Salisb., C. humifusus Rafin.). — Ce<br />
Platyopuntia, dont la hauteur ne dépasse pas 30 à 50 centimètres,<br />
présente une tige prolifère, diffuse, couchée, avec<br />
artic<strong>les</strong> comprimés d’un vert clair, tantôt lisses tantôt ridés,<br />
suborbiculaires, d’un diamètre de 10 à 15 centimètres. Les<br />
aréo<strong>les</strong> sont espacées, généralement inermes, garnies seu-<br />
lement de sétu<strong>les</strong> parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on peut parfois voir<br />
apparaître un aiguillon rudimentaire. La fleur, large de 5<br />
à 6 centimètres, s’épanouit au soleil en une rosace de cou-<br />
leur jaune soufre. Le fruit, long de 3 centimètres, est<br />
ovoïde, de couleur rouge vif ou légèrement violacé.<br />
Ce Platyopuntia, comme <strong>du</strong> reste ses congénères, est très<br />
polymorphe et donne nombre de variétés qui furent décrites<br />
parfois comme espèces distinctes mais qui, comme le fait<br />
remarquer Labouret, retournent à un type uniforme, lors-
chapitRe xvi 471<br />
quel<strong>les</strong> se trouvent soumises au régime des cultures soi-<br />
gnées.<br />
L’O. Rafinesquiana est originaire des États-Unis où on<br />
le rencontre avec assez d’abondance depuis le nord <strong>du</strong><br />
Mexique jusqu’au Canada. En Europe, <strong>les</strong> zones où il s’est<br />
naturalisé et où il fait partie de la flore subspontanée com-<br />
prennent certaines parties de l’Allemagne, de l’Autriche,<br />
de la France, de l’Italie <strong>du</strong> nord, de la Suisse, de la<br />
Yougo-Slavie.<br />
C’est ainsi qu’on le rencontre à l’état sauvage dans <strong>les</strong><br />
cantons de Vaux, <strong>du</strong> Texin, dans quelques vallées bien<br />
exposées <strong>du</strong> Tyrol où, pendant <strong>les</strong> hivers rigoureux, la<br />
température arrive à descendre jusqu’à près de 10°.<br />
A côté de ce Platyopuntia d’allure rampante qui, de luimême,<br />
s’est naturalisé dans <strong>les</strong> régions froides où il a été<br />
transporté, il y a un certain nombre d’autres espèces origi-<br />
naires des mêmes contrées qui se montrent aussi résis-<br />
tantes aux basses températures : tel est l’O. fragilis Haw.<br />
qui se différencie aisément <strong>du</strong> précédent par la conforma-<br />
tion de ses artic<strong>les</strong> qui, au lieu d’être comprimés, sont<br />
globuleux ou cylindriques.<br />
Ce Nopal rastrero pro<strong>du</strong>it des fruits comestib<strong>les</strong> qui,<br />
quoique de qualité médiocre, sont cependant assez appré-<br />
ciés des Indiens de l’Arizona, de la Californie, de l’Utah ;<br />
ceux-ci <strong>les</strong> récoltent par grande quantité et <strong>les</strong> sèchent au<br />
soleil, afin de constituer une provision alimentaire de<br />
réserve, pour <strong>les</strong> moments diffici<strong>les</strong> de la saison hivernale.<br />
Au Mexique, <strong>les</strong> Indiens Papagos <strong>du</strong> nord de la Sonora<br />
récoltent ces fruits avant maturité et <strong>les</strong> emploient alors<br />
dans la condimentation de leur nourriture courante.<br />
Opuntia fragilis Haw. (syn. : O. brachgarthra Engelm.,<br />
Cactus fragilis Nutt.). — Ce Platyopuntia, éminemment<br />
humifuse, présente des tiges couchées ou tout au plus<br />
subérigées ; ses artic<strong>les</strong>, d’un vert lustré, sont courts, glo-<br />
buleux ou cylindriques. Les aréo<strong>les</strong>, assez espacées, sont<br />
convexes, garnies d’un tomentum blanchâtre et d’aiguillons
Wioming -><br />
Wyoming<br />
472 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
inégaux de même couleur. La fleur est jaune paille et le<br />
fruit sec, épineux, d’une longueur maximum de 2 centi-<br />
mètres.<br />
La floraison est peu abondante et <strong>les</strong> fruits arrivent<br />
rarement à maturité. Il résulte de ce fait que cette espèce<br />
se propage surtout dans la nature par une sorte de boutu-<br />
rage spontané ; ses artic<strong>les</strong>, que le moindre choc ou le<br />
moindre frôlement détache de la souche mère, peuvent être<br />
transportés à grande distance, soit par voie naturelle, soit<br />
en s’accrochant à l’aide de leurs aiguillons à tout ce qui<br />
passe à leur contact.<br />
L’aire de dispersion de l’O fragilis est assez éten<strong>du</strong>e ;<br />
on le rencontre en Colombie britannique, dans le Washing-<br />
ton, l’Orégon, le Colorado, le Kansas, l’Ouest de l’Arizona,<br />
le Nouveau Mexique, le Nord-ouest <strong>du</strong> Texas.<br />
Cette espèce, que l’on peut parfois rencontrer au Nord<br />
<strong>du</strong> Mexique, est, de tous <strong>les</strong> représentants de la famille<br />
des Cactacées, celle qui paraît le plus remonter vers <strong>les</strong><br />
régions septentriona<strong>les</strong>.<br />
Ces deux types d’Opuntia, auxquels se rattachent d’autres<br />
indivi<strong>du</strong>s plus ou moins nettement identifiés, font<br />
partie d’un groupe suffisamment caractérisé par son allure<br />
et que <strong>les</strong> Mexicains, dans leur nomenclature populaire,<br />
ont désigné sous la rubrique de Nopa<strong>les</strong> rastreros.<br />
Ce seraient vraisemblablement des formes de résistances<br />
assez bien fixées, dérivant alors de spécimens plus arbores-<br />
cents.<br />
Les Echinocereus, <strong>les</strong> Mamillariées et quelques Echinocactées<br />
fournissent également des cas analogues d’adap-<br />
tation aux régions froides et parfois humides.<br />
Tel est chez <strong>les</strong> premiers, cet Echinocereus viridiflorus<br />
Engelm. dont l’habitat remonte jusqu’au 40 e degré de<br />
latitude dans <strong>les</strong> Montagnes rocheuses et dont la disper-<br />
sion géographique comprend le Wyoming, l’ouest <strong>du</strong> Kansas,<br />
le Dakota-Sud, le Nouveau-Mexique et le Texas, vaste éten-<br />
<strong>du</strong>e de pays où <strong>les</strong> hivers sont normalement assez rigoureux.<br />
Cette espèce est considérée comme étant l’unique repré-
chapitRe xvi 473<br />
sentant des Cierges, pouvant atteindre une station aussi sep-<br />
tentrionale ; elle ressemble beaucoup, d’après le D r Weber,<br />
à l’E. pectinatus Engelm. que l’on rencontre dans l’État<br />
de San Luis Potosi et dans plusieurs endroits <strong>du</strong> plateau<br />
central <strong>du</strong> Mexique ; il n’en diffère guère que par la colo-<br />
ration plus foncée de ses aiguillons et sa fleur beaucoup<br />
plus ré<strong>du</strong>ite qui, au lieu d’être rose, est d’un jaune ver-<br />
dâtre.<br />
Dans <strong>les</strong> Mamillariées, deux espèces se rencontrent<br />
depuis le Texas jusque dans le Sud <strong>du</strong> Canada : ce sont <strong>les</strong><br />
Coryphanta vivipara Britt. et Rose, et le Neobesseya missouriensis<br />
Britt. et Rose.<br />
Quant aux Echinocactées, dont <strong>les</strong> représentants sont<br />
pour la plupart de régions chaudes et désertiques, el<strong>les</strong><br />
présentent quelques indivi<strong>du</strong>s qui ont pu se plier aux condi-<br />
tions climatiques des Montagnes rocheuses. Tel<strong>les</strong> <strong>les</strong> trois<br />
espèces de petites dimensions que l’on rencontre, à leur<br />
limite de dispersion septentrionale, dans l’Utah et le Nevada<br />
et qui sont figurées par <strong>les</strong> Sclerocactus Whippelii Britt. et<br />
Rose, Echinocactus polycepalus Engelm. et Bigel., et Pediocactus<br />
Simpsonii Britt. et Rose.<br />
En somme, <strong>les</strong> Cactacées globuleuses, dans nombre de<br />
cas, peuvent se montrer aussi résistantes à l’action des<br />
intempéries des zones froides que <strong>les</strong> Opuntia de formes<br />
naines.<br />
Au Mexique, plusieurs Mamillariées végètent vigoureu-<br />
sement à des altitudes pouvant dépasser 3.000 mètres, tels<br />
par exemple, parmi <strong>les</strong> plus anciennement connues, <strong>les</strong><br />
Neomamillaria amoena Britt. et Rose, Neomamillaria glochidiata<br />
Britt. et Rose, Mamillopsis senilis Web., etc. Dans<br />
ces régions élevées, le froid est parfois assez vif pendant la<br />
saison hivernale, <strong>les</strong> gelées y sont fréquentes et des neiges<br />
peuvent même recouvrir le sol pendant plusieurs jours.<br />
FoRmes monstRueuses de <strong>cactacées</strong>. — L’horticulture<br />
des Cactacées a mis en évidence sous le nom de cristations,<br />
une série de ces cas tératologiques qui peuvent parfois se
474 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
manifester chez certaines espèces et leur donner un aspect<br />
et une allure des plus étranges.<br />
Ces formes bizarres qui se caractérisent par des défor-<br />
mations et des torsions de l’appareil végétatif, ne sont pas<br />
le résultat de manoeuvres cultura<strong>les</strong>, mais bien au contraire<br />
des anomalies naturel<strong>les</strong> se rencontrant sur des indivi<strong>du</strong>s<br />
végétant à l’état sauvage et dont la multiplication a pu<br />
être faite sans difficulté par de simp<strong>les</strong> boutures.<br />
Aussi ces anomalies, dont la cause est restée jusqu’ici<br />
inconnue, méritent d’être signalées, car au moment de la<br />
grande vogue des cultures de Cactacées, el<strong>les</strong> excitèrent un<br />
certain enthousiasme qui amena, à titre de particularité<br />
curieuse, à en faire figurer des spécimens dans <strong>les</strong> collec-<br />
tions 1 .<br />
La cristation, chez <strong>les</strong> Cactacées, s’observe surtout chez<br />
certaines espèces de Céréées, d’Opuntia et de Neomamillaria.<br />
C’est dans le genre Cereus qu’on paraît l’avoir mentionnée<br />
pour la première fois et cela sur le Cereus peruvianus Mill.,<br />
qui est, comme on le sait, le premier spécimen de grand<br />
Cierge érigé intro<strong>du</strong>it en Europe aussitôt après la décou-<br />
verte de l’Amérique.<br />
Ce Cereus présente deux cas de monstruosités : la première,<br />
décrite sous le nom de C. peruvianus tortus, Salm-<br />
Dyck, ne diffère guère de la forme type que par des côtes<br />
qui au lieu d’être rectilignes sont contournées en spirale ;<br />
la seconde, C. peruvianus monstrosus DC. (syn. : Cactus<br />
abnormis Willd.), est une forme à cristation véritablement<br />
typique. Chez cette plante, <strong>les</strong> côtes sont découpées par de<br />
profonds sillons qui <strong>les</strong> répartissent en de nombreux mame-<br />
lons comprimés ; ceux-ci se développent souvent irréguliè-<br />
rement <strong>les</strong> uns sur <strong>les</strong> autres, de façon à donner aux tiges<br />
un aspect boursouflé ; <strong>les</strong> aiguillons sont atrophiés et attei-<br />
gnent tout au plus 1 centimètre.<br />
Dans ce type de monstruosité, on a distingué une variété<br />
1. Voir à ce sujet : FRancis peRot : Une plante unique, Bulletin de<br />
la Société d’Histoire naturelle d’Autun, p. 191, 1897.
Fig. 122. — Neomamillaria Karwinskiana Britt. et Rose<br />
Spécimen monstrueux.<br />
Jardin public de Oaxaca.
476 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
sous le nom de Cereus monstrosus minor Hort. (syn. :<br />
Cereus peruvianus monstrosus nanus Schum.), mais plus<br />
rameuse, de taille beaucoup plus ré<strong>du</strong>ite et à aiguillons<br />
encore plus courts.<br />
Le Lemaireocereus griseus Britt. et Rose (syn. : Cereus<br />
griseus Haw., C. eburneus Salm-Dyck) présente également<br />
deux cas bien nets de monstruosité : le premier est ana-<br />
logue à celui <strong>du</strong> Cereus peruvianus et a été désigné sous le<br />
nom de Cereus eburneus monstrosus Salm-Dyck ; l’autre,<br />
que l’on désigne sous le nom de cylindricus, présente une<br />
tige presque cylindrique, <strong>les</strong> côtes disparaissent complète-<br />
ment d’un côté, et ne sont indiquées sur la partie opposée<br />
que par des faisceaux d’aiguillons qui se réunissent en<br />
lignes presque spira<strong>les</strong>.<br />
Les Opuntia présentent également des déformations<br />
monstrueuses, el<strong>les</strong> sont même assez fréquentes chez plu-<br />
sieurs espèces de Cylindropuntia ; la torsion y porte alors<br />
plus particulièrement sur <strong>les</strong> organes de fructification ou<br />
sur <strong>les</strong> parties avoisinantes ; chez <strong>les</strong> Platyopuntia, la chose<br />
est à peu près la même, sauf cependant avec l’Opuntia<br />
microdasys Pfeiff. qui a pu montrer des altérations de forme<br />
généralisées à toute la plante, ce qui lui implique alors un<br />
aspect tout à fait étrange et désordonné.<br />
Chez <strong>les</strong> Neomamillaria, on signale une forme assez<br />
curieuse pro<strong>du</strong>ite par le N. Karwinskiana Britt. et Rose qui,<br />
au lieu de conserver sa structure globuleuse, s’allonge sur<br />
le sol en se contournant, de façon à ressembler à un serpent<br />
enroulé sur lui-même (fig. 122).<br />
Ces deux derniers spécimens de cristations ont été mis<br />
à profit par l’horticulture pour la garniture des plantations<br />
sur rocail<strong>les</strong>.<br />
<strong>les</strong> platyopuntia et l’élevage de la cochenille. —<br />
Pour conclure ce qui a trait à la culture des Cactacées, il<br />
est indispensable de mentionner ici une in<strong>du</strong>strie des plus<br />
intéressantes à laquelle celle-ci a donné lieu et qui consiste<br />
dans l’élevage de la Cochenille, le précieux insecte fournis-
chapitRe xvi 477<br />
sant la matière colorante écarlate que l’on désigne sous le<br />
nom de Carmin.<br />
Comme on le sait, cette Cochenille est le parasite dont<br />
<strong>les</strong> Opuntia ont le plus à souffrir ; aussi, pour son élevage<br />
économique et régulier, a-t-il fallu, par des procédés pure-<br />
ment culturaux, arriver à créer et à fixer des variétés de<br />
Platyopuntia suffisamment vigoureuses et résistantes pour<br />
qu’el<strong>les</strong> puissent fournir à l’insecte une copieuse subsis-<br />
tance sans en éprouver un épuisement appréciable. Aussi<br />
cette importante in<strong>du</strong>strie originaire <strong>du</strong> Mexique, qui pen-<br />
dant près de trois sièc<strong>les</strong> a fourni au monde entier un<br />
pro<strong>du</strong>it tinctorial incomparable, sera-t-elle développée dans<br />
le chapitre suivant.<br />
La Cochenille est un insecte hémiptère appartenant à la<br />
famille des Coccidées ; cette famille, bien avant que la<br />
Cochenille ne fut connue, fournissait déjà à l’in<strong>du</strong>strie<br />
européenne deux espèces pro<strong>du</strong>isant une matière tinctoriale<br />
d’un rouge écarlate. Ces deux insectes étaient alors connus<br />
sous le nom de Kermès, nom d’où l’on a fait dériver le terme<br />
carmin qui, dans la suite, fut appliqué au pro<strong>du</strong>it extractif<br />
de la Cochenille. L’un de ceux-ci, le Kermes ilicis Fab., se<br />
récoltait dans le midi de l’Europe sur le Chêne-Kermès<br />
(Quercus coccifera L.) ; l’autre, le Margarades polonicus L.,<br />
sur <strong>les</strong> racines <strong>du</strong> Scleranthus perennis L. (Illécébracées) et<br />
sur cel<strong>les</strong> de plusieurs espèces de Polygonum ; l’emploi de ce<br />
dernier était jadis assez courant dans l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale<br />
en Russie, en Pologne et en Allemagne.<br />
Ces deux espèces de Kermès, après avoir été recueillies,<br />
étaient soumises à la dessiccation et à la pulvérisation ; c’est<br />
sous cet état qu’on <strong>les</strong> livrait au commerce. Mais comme la<br />
récolte de ces insectes colorants s’effectuait sur des plantes<br />
sauvages, elle se trouvait par cela sujette à de nombreux<br />
aléas dans sa quantité et sa qualité.<br />
Il n’en était pas de même avec la Cochenille mexicaine<br />
qui, grâce à la technique de son élevage, pouvait assurer<br />
une pro<strong>du</strong>ction toujours constante et de qualité toujours<br />
égale, ce qui fit qu’elle ne tarda pas, lorsqu’elle fut connue,<br />
à supplanter tous <strong>les</strong> autres pro<strong>du</strong>its similaires.
CHAPITRE XVII<br />
LES NOPALS COCHENILLICOLES<br />
ET LEUR EXPLOITATION 1<br />
Relation historique sur la Cochenille. — L’insecte colorant :<br />
ses différentes formes, sa biologie, étymologies de ses<br />
dénominations, son principe tinctorial. — Opuntia servant à<br />
l’alimentation de la Cochenille : Nopals de San Gabriel et<br />
de Castilla. — Aménagement d’une nopalerie : préparation<br />
<strong>du</strong> sol, bouturage des plants, abris de protection. —<br />
Instruments servant au travail de la Cochenille. — Con<strong>du</strong>ite<br />
d’un élevage : mode d’ensemencement des essaims, leur<br />
surveillance, soins assi<strong>du</strong>s, récolte, procédés de traitement<br />
des récoltes en vue de leur conservation. — Catégories<br />
commercia<strong>les</strong> de Cochenil<strong>les</strong>. — Différents modes indigènes<br />
d’élevage. — Parasites et maladies de la Cochenille et des<br />
Opuntia. — Considérations généra<strong>les</strong> sur l’intérêt in<strong>du</strong>striel<br />
de la Cochenille. — Entreprises d’élevage de la Cochenille en<br />
dehors de son pays d’origine.<br />
RELATION HISTORIQUE<br />
La culture des Opuntiées pour l’élevage de la Cochenille<br />
constituait, aux époques précolombiennes, une entreprise<br />
agricole des plus prospères et des mieux ordonnées, qui<br />
témoignait de l’esprit appliqué et observateur que l’Indien<br />
a toujours su mettre en oeuvre lorsqu’il s’est agi d’obtenir<br />
le meilleur profit des richesses naturel<strong>les</strong> que son pays<br />
lui assurait.<br />
1. Ce chapitre a déjà paru, sous une forme plus résumée, dans le<br />
Journal de la Société des Américanistes de Paris, nouvelle série, VI, 1909
480 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
En effet, dans cette application des Cactacées à la zoo-<br />
technie, qu’Antonio de Ulloa comparait à la culture <strong>du</strong><br />
Mûrier pour l’é<strong>du</strong>cation <strong>du</strong> ver à soie 1 , la plante et son<br />
parasite n’étaient pas laissés au caprice <strong>du</strong> hasard, mais,<br />
bien au contraire, soumis à un régime qui eut pour consé-<br />
quence de <strong>les</strong> modifier et de <strong>les</strong> adapter l’un à l’autre,<br />
résultat qui permit de réaliser une exploitation poussée à<br />
un degré de perfection tel, qu’il n’y eut presque rien à<br />
ajouter comme technique lorsque <strong>les</strong> colons espagnols<br />
s’approprièrent l’in<strong>du</strong>strie.<br />
Quoique l’usage de la matière colorante fournie par la<br />
Cochenille fut général chez à peu près tous <strong>les</strong> peup<strong>les</strong><br />
habitant la vaste région qui devait, plus tard, former la<br />
vice-royauté de la Nouvelle-Espagne, l’élevage méthodique<br />
<strong>du</strong> précieux insecte était exclusivement limité au territoire<br />
montagneux de la région dite mixtéco-zapotèque. Les chro-<br />
niqueurs de la conquête qui ont fait plus ou moins mention<br />
de la Cochenille, s’accordent tous à reconnaître que cette<br />
exploitation, dont l’initiative devait remonter à une époque<br />
probablement assez reculée, ne s’étendait au-delà de cette<br />
contrée que sur <strong>les</strong> territoires voisins occupés par <strong>les</strong><br />
petites républiques de Tlaxcala et de Huejotzinco, et où,<br />
à leur arrivée, <strong>les</strong> conquistadores purent voir pour la<br />
première fois quelques Nopalerias 2 auprès des vil<strong>les</strong> de<br />
Cholula et de Huejotzinco.<br />
Herrera ajoute que l’exploitation de la Cochenille qui se<br />
faisait surtout le long de la vallée de Oaxaca sur un parcours<br />
de 25 lieues, s’étendait encore plus à l’ouest et qu’on pou-<br />
vait la retrouver sur la côte de Jamiltepec, mais que là,<br />
le pro<strong>du</strong>it était de qualité inférieure 3 .<br />
Avant l’établissement des Espagnols au Mexique, la<br />
1. antonio de ulloa. — Relacion historica del viage a la America<br />
meridional, II, p. 447. Madrid, 1748.<br />
2. Les Espagnols donnèrent le nom de Nopaleria à la plantation<br />
d’Opuntiées consacrée à l’élevage de la Cochenille, et celui de Nopalero<br />
au professionnel de cette in<strong>du</strong>strie.<br />
3. heRReRa. — Decada 4, libro 2, capitulo 8.
chapitRe xvii 481<br />
Cochenille constituait, principalement pour la nation mix-<br />
tèque, un article d’exportation et d’échange commercial.<br />
Les marchands voyageurs que ce peuple actif et foncière-<br />
ment commerçant entretenait pour le trafic des pro<strong>du</strong>its<br />
de son agriculture et de son in<strong>du</strong>strie, exportaient annuel-<br />
lement de grandes quantités de Cochenille qu’ils allaient<br />
négocier sur <strong>les</strong> marchés des centres civilisés <strong>les</strong> plus<br />
lointains, non seulement <strong>du</strong> Mexique, mais aussi de l’Amé-<br />
rique centrale. La ville servant, à cette époque ancienne,<br />
de centre et d’entrepôt pour le commerce de la Cochenille,<br />
était Nochistlan 1 . Cette cité dominait par sa situation <strong>les</strong><br />
principaux emplacements pro<strong>du</strong>cteurs de la Cochenille qui<br />
s’échelonnaient alors partie dans <strong>les</strong> ravins des environs,<br />
partie sur <strong>les</strong> terrains dépendant de la grande vallée<br />
de Oaxaca.<br />
Après une guerre malheureuse où <strong>les</strong> Mixtecs furent<br />
vaincus par <strong>les</strong> Aztecs, Nochistlan ne perdit pas sa desti-<br />
nation et son antique importance, mais elle fut, ainsi que<br />
l’atteste le Livre des tributs, soumise à payer annuellement<br />
au vainqueur une forte redevance en Cochenille.<br />
Les Espagnols ne connurent bien la Cochenille et son<br />
application aux arts qu’en 1518, c’est-à-dire quelques<br />
années après avoir achevé la conquête <strong>du</strong> pays ; ils en<br />
firent en 1523 la première importation en Europe.<br />
L’apparition sur le marché mondial de cette denrée qui<br />
venait révolutionner l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale en fournissant<br />
une matière colorante capable de rivaliser, par son éclat<br />
et sa solidité, avec cel<strong>les</strong> dont, jusqu’alors, on avait été<br />
tributaire des Orientaux, suscita un enthousiasme exagéré<br />
1. Nochistlan vient de Nochestli = cochenille, et Tlan = terre, localité,<br />
ou encore, suivant l’orthographe actuelle, de Nochtli = Cactus, et<br />
Ixtlan = à la vue. La première étymologie parait plus conforme à la<br />
toponimie ancienne car elle est la stricte tra<strong>du</strong>ction de Nun<strong>du</strong>co, nom<br />
mixtèque que portait la ville chez <strong>les</strong> autochtones (Nuhu = terre,<br />
village, n’<strong>du</strong>co = Cochenille , tandis que la seconde étymologie semble<br />
bien devoir s’adapter à une autre ville <strong>du</strong> Mexique portant la même<br />
dénomination et qui se trouve située dans une région de l’État de<br />
Zacatecas où se rencontrent de véritab<strong>les</strong> bosquets d’Opuntia sauvage,<br />
31
482 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
qui n’eut de comparable que celui que provoque toujours<br />
la découverte subite de riches mines de métaux précieux.<br />
Le Gouvernement des Indes ne songea plus dès lors qu’à<br />
amplifier l’entreprise mexicaine, afin d’en faire bénéficier<br />
une grande partie de son domaine colonial des deux Amé-<br />
riques. C’est ainsi que l’on vit des entreprises d’élevage<br />
régulier de Cochenille, venir successivement s’implanter<br />
au Guatemala, au Costa-Rica, au Hon<strong>du</strong>ras, en Colombie,<br />
au Pérou, etc. Mais ce bel élan d’enthousiasme ne répon-<br />
dit que très imparfaitement au résultat qu’on avait<br />
escompté ; par suite de causes multip<strong>les</strong>, la pro<strong>du</strong>ction se<br />
montra inférieure comme qualité à celle que l’on obtenait<br />
en région mixteco-zapotèque.<br />
Au Mexique, dans la riche et fertile vallée de Oaxaca,<br />
faisant partie <strong>du</strong> domaine concédé par le roi d’Espagne au<br />
conquistador Fernand Cortez, on augmenta l’éten<strong>du</strong>e des<br />
champs d’élevage déjà existants et on <strong>les</strong> plaça sous la<br />
dépendance des grandes haciendas que l’on avait, aussitôt<br />
après la conquête, établies auprès des vil<strong>les</strong> de Oaxaca,<br />
de Ocotlan, de Amatlan, de Miahuatlan, de Zimatlan, etc.<br />
A ce moment, Nochistlan commença à perdre de son<br />
importance ; son antique marché de Cochenille fut trans-<br />
féré à la ville naissante de Oaxaca qui, sous le nom provi-<br />
soire d’Atenquera, venait d’être fondée à l’endroit le plus<br />
avantageux de la grande vallée, afin d’y constituer la<br />
capitale de la province.<br />
En dehors de cette région, qui resta, jusqu’à la fin, le<br />
centre privilégié de l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille, on créa<br />
au Mexique de nouvel<strong>les</strong> nopaleries dans <strong>les</strong> provinces de<br />
Yucatan, <strong>du</strong> Michoacan et de la Nouvelle-Galice 1 . L’élevage<br />
de la Cochenille dans ces nouveaux territoires de natura-<br />
lisation, après avoir connu une certaine prospérité, ne put<br />
se continuer ; il dût même être peu à peu abandonné, soit<br />
que <strong>les</strong> soins minutieux et constants qu’il comportait aient<br />
1. Dans cette dernière province, qui forme aujourd’hui l’État de<br />
Jalisco, une ville : Autlan de la grana, indique encore par son nom<br />
l’un des centres de l’in<strong>du</strong>strie d’importation.
chapitRe xvii 483<br />
amené le découragement chez <strong>les</strong> éleveurs, soit encore que<br />
ces derniers y aient été contraints à la suite des vexations<br />
qu’ils eurent à subir de la part d’autorités gouvernemen-<br />
ta<strong>les</strong> dont l’intérêt était apparemment de faire revenir<br />
l’entreprise à son pays d’origine.<br />
Un exemple de la façon brusquée avec laquelle on pro-<br />
céda parfois à l’anéantissement des nopaleries, est<br />
raconté par de Humboldt au sujet des élevages de Cochenille<br />
dans la province <strong>du</strong> Yucatan. Dans cette contrée, où l’en-<br />
treprise cochenillicole paraît avoir joui d’une certaine<br />
prospérité pendant presque tout le cours <strong>du</strong> xviii e siècle,<br />
on vit dans une seule nuit tous <strong>les</strong> Nopals servant à l’entretien<br />
de la Cochenille être coupés et détruits. Comme expli-<br />
cation de cette violente mesure, <strong>les</strong> Indiens yucatèques<br />
accusèrent le gouvernement de s’être porté à cette extrémité<br />
afin de faire monter le prix d’une denrée dont il voulait<br />
conserver la propriété exclusive aux habitants de la Mix-<br />
teca. Les créo<strong>les</strong>, de leur côté, prétendirent que <strong>les</strong> indi-<br />
gènes, mécontents et irrités <strong>du</strong> prix modique que <strong>les</strong><br />
négociants fixaient à leur pro<strong>du</strong>ction, détruisirent à la fois,<br />
et d’un commun accord, l’insecte et son végétal nourri-<br />
cier 1 .<br />
Quel<strong>les</strong> que soient <strong>les</strong> raisons invoquées pour expliquer<br />
<strong>les</strong> mesures de restrictions qui ramenèrent l’élevage de la<br />
Cochenille à son point de départ, il semble plus vraisem-<br />
blable que ces mesures, si violentes qu’el<strong>les</strong> paraissent avoir<br />
été, ne furent pas uniquement dictées par un esprit de pur<br />
favoritisme provincial, mais bien au contraire par le souci<br />
justifié de sauvegarder toute la valeur d’une denrée qui,<br />
par ses qualités, avait conquis une réputation bien méritée,<br />
et que seuls <strong>les</strong> naturels <strong>du</strong> pays mixtèque étaient capab<strong>les</strong><br />
de pro<strong>du</strong>ire dans des conditions parfaites.<br />
C’est <strong>du</strong> moins ce que semble prouver <strong>les</strong> ordenanzas<br />
des deux vice-rois, Martin Enriquez et Luis Velasco. Ces<br />
édits, qui datent de la lin <strong>du</strong> xvi e siècle, avaient pour objet<br />
1. A. de humboldt. — Essai de la Nouvelle-Espagne, 2e Édition, III,<br />
p. 71, Paris, 1827.
484 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
principal de réprimer <strong>les</strong> fraudes que l’on pratiquait déjà<br />
sur <strong>les</strong> lots de Cochenil<strong>les</strong>, et ensuite de réglementer l’éle-<br />
vage de l’insecte colorant, de façon qu’il s’exécutât toujours<br />
suivant <strong>les</strong> méthodes reconnues <strong>les</strong> meilleures par l’obser-<br />
vation et l’expérience.<br />
Afin de conserver à la Nouvelle-Espagne le monopole<br />
d’une in<strong>du</strong>strie indigène aussi rémunératrice, le gouver-<br />
nement des vice-rois paraît s’être efforcé, par des lois très<br />
sévères, de tenir secrets, non seulement <strong>les</strong> procédés d’éle-<br />
vage de la Cochenille, mais aussi, et surtout, <strong>les</strong> sortes de<br />
Nopals qui étaient spécialement préconisées dans ce genre<br />
d’entreprise. Ce soin jaloux pour la conservation d’un pri-<br />
vilège, suffit à lui seul à expliquer <strong>les</strong> renseignements<br />
assez vagues que l’on trouve sur l’in<strong>du</strong>strie cochenillicole<br />
dans <strong>les</strong> relations des missionnaires et des chroniqueurs<br />
<strong>du</strong> début de la colonisation espagnole, écrivains qui, dans<br />
d’autres circonstances, nous ont légué des faits si bien<br />
documentés sur toutes <strong>les</strong> choses remarquab<strong>les</strong> de la Nou-<br />
velle-Espagne. Les seuls auteurs anciens qui ont contribué<br />
à faire connaître un peu la Cochenille, sont Acosta (1590),<br />
Gomara (1552), Herrera (1601) et, beaucoup plus tard,<br />
Antonio de Ulloa (1748).<br />
Ce silence sur une entreprise aussi remarquable explique<br />
encore <strong>les</strong> idées erronées et <strong>les</strong> absurdités qui, dans le but<br />
probable de dérouter <strong>les</strong> tentatives de concurrence étran-<br />
gère, eurent cours jusqu’au début <strong>du</strong> xviii e siècle, au sujet<br />
de la véritable nature de la Cochenille, certains auteurs<br />
étant allés même jusqu’à prétendre qu’elle n’était pas un<br />
insecte, mais une graine pro<strong>du</strong>ite par certaines plantes<br />
inconnues 1 .<br />
Quoique Ruuscher ait publié en 1729 un ouvrage som-<br />
maire sur la culture <strong>du</strong> Nopal et son élevage 2 , la question<br />
n’a commencé à sortir de la confusion où probablement<br />
1. Voir à ce sujet : pomet. — Histoire générale des drogues, Paris,<br />
1735, et RéaumuR. —Mémoires pour servir à l’histoire des insectes, 1738.<br />
2. RuuscheR. — Histoire Naturelle de la Cochenille justifiée par <strong>les</strong><br />
documents authentiques, Amsterdam, 1729.
chapitRe xvii 485<br />
on s’efforçait à dessein de l’entretenir qu’en 1777, époque<br />
où Thierry de Menouville, dans le but de propager cet<br />
élevage dans <strong>les</strong> Antil<strong>les</strong> françaises, entreprit, au prix de<br />
grandes difficultés, un rapide voyage dans l’intendance de<br />
Oaxaca, au retour <strong>du</strong>quel il commença ses premiers essais<br />
à Saint-Domingue.<br />
Avant Thierry de Menouville, dont la relation de voyage<br />
n’a été publiée qu’en 1786 1 , il n’existait que trois mémoires<br />
assez bien détaillés sur cette question : ceux de Francisco<br />
Ibanes de Corvera, Alcade de Zimatlan (1759), de Pantaleon<br />
Ruiz y Montoya, Alcade de Nejapa (1770), et de Coadyuva,<br />
missionnaire chez <strong>les</strong> Indiens Chonta<strong>les</strong>. Mais ces mémoires,<br />
malgré <strong>les</strong> intéressants détails qu’ils fournissaient sur <strong>les</strong><br />
différentes méthodes d’élevage usitées dans la région mix-<br />
téco-zapotèque, restèrent à peu près ignorés jusqu’en 1795,<br />
époque où Antonio Alzate <strong>les</strong> résuma dans son travail sur<br />
la Cochenille 2 .<br />
LA COCHENILLE<br />
ses diFFéRentes FoRmes. — Avant de commencer l’étude<br />
de l’in<strong>du</strong>strie cochenillicole et des Opuntia servant uniquement<br />
à l’élevage de la Cochenille, il est nécessaire de<br />
faire brièvement une description de cette dernière.<br />
La Cochenille (fig. 123) est un insecte appartenant à<br />
l’ordre des Hémiptères homoptères et à la famille des<br />
1. thieRRy de menouville. — Traité delà culture <strong>du</strong> Nopal et de<br />
l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille dans <strong>les</strong> colonies françaises de l’Amérique,<br />
précédé d’un voyage à Guaxaca. Paris, 1787.<br />
2. antonio alzate. — Memoria en que se trata del insecto o cochenilla,<br />
de su naturaleza y serie de sa vida, corno tambien del metodo<br />
para propagarla al estado en que se forma, uno de los ramos mas uti<strong>les</strong><br />
de comercio, escrita en 1777, Madrid 1795, réimprimé en 1831 dans la<br />
Gaceta de literatura de Mexico, en 1856 dans l’Apendice al Diccionario<br />
universal de Historia y Geografia de oRozco y beRRa, p. 418 (article<br />
grana), II, p. 448, en 1882 dans la Naturaleza Mexicana, VI, Apendice,<br />
p. 97.
486 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Coccidés. Chez ce groupe d’insectes, <strong>les</strong> sexes se différen-<br />
cient nettement l’un de l’autre lorsqu’ils sont a<strong>du</strong>ltes : <strong>les</strong><br />
mâ<strong>les</strong>, au sortir de la nymphose, sont ailés, tandis que <strong>les</strong><br />
Fig. 123. — Croquis schématique de la Cochenille,<br />
montrant en A le mâle ailé<br />
et en B et C la femelle aptère (faces dorsale et ventrale).<br />
femel<strong>les</strong>, depuis leur naissance jusqu’à la fin de leur vie,<br />
restent aptères.<br />
On a rangé la Cochenille tour à tour dans <strong>les</strong> genres<br />
Coccus L., Dactylopius Costa, Pseudococcus Westwood.<br />
In<strong>du</strong>striellement ou commercialement parlant, on dis-<br />
tingue deux sortes de Cochenil<strong>les</strong> capab<strong>les</strong> de fournir le<br />
principe colorant auquel on donne le nom de carmin.<br />
1° La Cochenille sauvage (Dactylopius [Coccus] tomentosus<br />
Lam., connue encore sous <strong>les</strong> noms vulgaires de
chapitRe xvii 487<br />
Grana sylvestre, de Cochenille sauvage ou cotonneuse ; <strong>les</strong><br />
Nahuatls la nommaient Ixquimiliuqui et Xalnochestli.<br />
2° La Cochenille domestique (Dactylopius Coccus Costa),<br />
qui est la véritable Cochenille recherchée dans le commerce<br />
et l’in<strong>du</strong>strie pour l’excellence de son principe tinctorial,<br />
désignée vulgairement sous <strong>les</strong> différents noms de Grana<br />
fina, Cochenille cultivée, farineuse, poudreuse, mixtèque,<br />
Graine d’écarlate, etc. ; c’est le Nochestli des Nahuatls que<br />
<strong>les</strong> Indiens mixtèques appelaient N’<strong>du</strong>co.<br />
Ces deux sortes de Cochenil<strong>les</strong>, qui ne sont peut-être que<br />
<strong>les</strong> variétés d’une seule et même espèce, ont cependant été<br />
considérées par certains entomologistes comme devant<br />
constituer deux espèces distinctes.<br />
Quoi qu’il en soit, el<strong>les</strong> se distinguent facilement l’une<br />
de l’autre à première vue.<br />
La Cochenille domestique, lorsqu’elle est parvenue à son<br />
entier développement, peut offrir un volume double de sa<br />
congénère sauvage ; de plus, son corps, au lieu d’être dissi-<br />
mulé comme chez cette dernière, sous un exsudat cireux<br />
long et filamenteux, lui donnant l’apparence d’un vague<br />
flocon de matière cotonneuse, se montre seulement sau-<br />
poudré d’un exsudat pulvérulent court et clairsemé à<br />
travers lequel on peut distinguer <strong>les</strong> formes de l’insecte,<br />
aspect qui, <strong>du</strong> reste, a motivé la spécification de Cochenille<br />
farineuse ou poudreuse.<br />
L’aire de dispersion de la Cochenille sauvage est consi-<br />
dérable ; elle s’étend non seulement aux deux Amériques,<br />
mais aussi à toutes <strong>les</strong> régions où l’on a vu <strong>les</strong> Opuntia<br />
devenir subspontanés ; c’est donc le parasite constant de ces<br />
plantes, et qui peut même leur être funeste lorsque le sujet<br />
appartient à une espèce ou à une variété délicate.<br />
Quant à la Cochenille domestique, quoique l’on ne<br />
connaisse pas exactement son lieu d’origine, elle passe pour<br />
être propre à l’état de Oaxaca. Ce qui tendrait à le prouver,<br />
est un passage <strong>du</strong> rapport de Ruiz de Montoya, où l’au-<br />
teur dit que dans un village situé à sept lieues de Nejapa,<br />
« on rencontre des Nopals très élevés et très épineux, sur<br />
Nahualts -><br />
Nahuatls
488 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
<strong>les</strong>quels on récolte sans ensemencement ni soins de pro-<br />
preté, une Cochenille très riche qui, depuis le commence-<br />
ment, se maintient sans autre aide que celle de la divine<br />
Providence ».<br />
D’un autre côté, de Humboldt, qui a séjourné au Mexique<br />
à l’époque où la Cochenille mixtèque était encore dans la<br />
plénitude d’une exploitation intense 1 , dit que la forme<br />
domestique ne se rencontre pas à l’état de liberté sur <strong>les</strong><br />
Nopals sauvages, <strong>du</strong> moins dans <strong>les</strong> endroits où sont situées<br />
<strong>les</strong> principa<strong>les</strong> nopaleries ; il en conclut qu’elle doit provenir<br />
de l’espèce sauvage, soit par voie de sélection artificielle,<br />
soit d’une façon toute naturelle. Dans le premier cas, un<br />
élevage très soigné et une alimentation sur <strong>les</strong> Nopals<br />
appropriés auraient, à la longue, amené de profondes modi-<br />
fications chez l’insecte ; dans le second cas, la variation<br />
aurait pu se pro<strong>du</strong>ire d’une façon toute spontanée, grâce<br />
au concours fortuit de conditions climatériques et de cir-<br />
constances particulières. Le témoignage de Ruiz de Mon-<br />
toya semblerait donc venir à l’appui de cette dernière<br />
supposition.<br />
L’aire ré<strong>du</strong>ite de dispersion de la Cochenille domestique<br />
s’explique facilement si l’on considère l’insuffisante pro-<br />
tection dont la nature a pourvu cet insecte et qui le<br />
condamne, pour ne pas périr, à se cantonner dans des lieux<br />
à climat tempéré et régulier ; c’est cette cause qui, en partie,<br />
a motivé le recours aux abris artificiels dans <strong>les</strong> nopaleries.<br />
Pour la Cochenille sauvage, la chose est différente : pour-<br />
vue d’une épaisse toison tomenteuse, elle peut affronter<br />
<strong>les</strong> intempéries sans en avoir guère à souffrir ; c’est ce qui<br />
lui a permis de pouvoir s’étendre à toutes <strong>les</strong> régions où<br />
il est possible aux Opuntiées de croître spontanément.<br />
1. Étant donnés <strong>les</strong> édits rigoureux interdisant l’accès des nopale-<br />
ries aux étrangers, de Humboldt, comme il le dit lui-même, n’a pu voir<br />
l’élevage de la Cochenille domestique ; néanmoins, grâce aux documents<br />
réunis par <strong>les</strong> soins <strong>du</strong> comte de Tepa et, aux renseignements qui lui<br />
avaient été fournis par des personnes ayant résidé dans l’intendance<br />
de Oaxaca, il a pu faire une étude comparative entre cette forme et la<br />
Cochenille sauvage qu’il avait étudiée dans l’Amérique <strong>du</strong> Sud.
chapitRe xvii 489<br />
Les deux sortes de Cochenil<strong>les</strong> donnent une matière colo-<br />
rante identique, mais celle-ci, toujours égale comme quan-<br />
tité et qualité chez la Cochenille domestique, peut varier<br />
considérablement chez <strong>les</strong> sujets sauvages. Ce fait s’ex-<br />
plique facilement par <strong>les</strong> soins que l’on donne à la Coche-<br />
nille cultivée et qui ont pour but de favoriser un dévelop-<br />
pement régulier en lui assurant une alimentation appro-<br />
priée et constante. Tandis que chez la Cochenille sauvage,<br />
le hasard seul intervenant, il peut se faire que, par suite de<br />
circonstances défavorab<strong>les</strong>, la pro<strong>du</strong>ction de la matière<br />
colorante se trouve plus ou moins sujette à des aléas.<br />
C’est ce qui se pro<strong>du</strong>irait, par exemple, chez une forme<br />
signalée dans un des édits <strong>du</strong> vice-roi Luis Velasco sous<br />
le nom de Salnochtle (Xalnochestli). Il est probable que<br />
cette dernière, qui se rencontre, dit-il, dans <strong>les</strong> provinces<br />
des Chichimèques 1 et au Michoacan, n’est qu’une variété<br />
de Cochenille sauvage, nourrie sur des Nopals impropres à<br />
fournir l’élément indispensable à l’élaboration <strong>du</strong> principe<br />
colorant.<br />
Du reste, Luis Velasco ne signale cette forme stérile,<br />
que pour dire qu’on en fait la récolte seulement dans le<br />
but de falsifier <strong>les</strong> lots de Cochenille domestique. Ce<br />
mélange frau<strong>du</strong>leux paraît s’être pratiqué de tout temps,<br />
et le Père Sahagun, qui fut un des érudits missionnaires<br />
<strong>du</strong> début de la colonisation espagnole, en apporte le témoi-<br />
gnage lorsqu’il dit : « Il existe aussi une fausse Cochenille<br />
qui se pro<strong>du</strong>it également sur <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> de la Tuna. On<br />
l’appelle Ixquimiliuqui, elle altère la bonne espèce et fait<br />
sécher <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> elle naît. On la recueille<br />
pour la mêler à la véritable, ce qui est une grosse fraude » 2 .<br />
Au point de vue de ceux qui pratiquent l’élevage de la<br />
véritable Cochenille de Oaxaca, la Cochenille sauvage est<br />
1. On donnait aux XVI e et XVII e sièc<strong>les</strong>, le nom de provinces chichimèques<br />
à toute la partie désertique nord <strong>du</strong> Mexique où vivaient des<br />
hordes d’Indiens nomades.<br />
2. beRnaRdino sahagun. — Histoire générale des choses de la Nouvelle<br />
Espagne, Livre XI, chap. XI, P- 778 (tra<strong>du</strong>ction JouRdanet).
490 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
considérée comme étant le pire ennemi des nopaleries ;<br />
aussi s’efforce-t-on de la détruire dès que l’on a constaté sa<br />
présence sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals.<br />
Considérée au point de vue zootechnique, la Cochenille<br />
domestique peut seule être l’objet d’une culture sérieuse<br />
car elle se répand sur <strong>les</strong> Nopals d’une façon très régulière<br />
en couvrant aussi uniformément que possible <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />
sur <strong>les</strong>quels on l’ensemence, ce qui, dans le travail courant<br />
et journalier que comporte un bon élevage, facilite beau-<br />
coup <strong>les</strong> opérations de surveillance et de nettoyage.<br />
La Cochenille sauvage ne présente pas le même caractère<br />
de régularité dans son essaimage ; elle se répartit souvent<br />
d’une manière fort capricieuse, laissant parfois beaucoup<br />
de places inoccupées, ou formant par endroits des amon-<br />
cellements de sujets qui se nuisent mutuellement dans<br />
leur développement et leur alimentation. De plus, infini-<br />
ment plus vorace que sa congénère, assure-t-on, elle épuise<br />
davantage la plante, tout en pro<strong>du</strong>isant une quantité<br />
moindre de principe colorant.<br />
Quoique n’étant pas l’objet d’une culture en véritable<br />
nopalerie, la Cochenille sauvage n’a pas été délaissée des<br />
indigènes mexicains ; on l’entretenait et la recueillait sur<br />
des Nopals plus ou moins cultivés, que l’on ensemençait<br />
ou qu’on laissait envahir spontanément par l’insecte ; lors-<br />
qu’elle était arrivée à son terme de croissance, on la récol-<br />
tait pour la vendre à des prix modiques, soit pour en faire<br />
usage dans la teinturerie locale, soit pour la livrer aux<br />
fraudeurs qui s’en servaient pour frelater <strong>les</strong> lots de Coche-<br />
nil<strong>les</strong> fines.<br />
D’après de Humboldt, cette Cochenille de qualité infé-<br />
rieure fut surtout l’objet d’une exploitation dans l’Amé-<br />
rique <strong>du</strong> Sud.<br />
biologie. — Les Cochenil<strong>les</strong> sont ovovivipares ; el<strong>les</strong><br />
naissent donc à l’état de larves ; ces dernières restent libres<br />
pendant quelques jours, puis vont se fixer à demeure à<br />
l’endroit qu’el<strong>les</strong> ont choisi pour y puiser leur subsistance.
chapitRe xvii 491<br />
Dans le cours de son évolution, le corps de la Cochenille<br />
passe par quatre phases assez nettes qui se manifestent<br />
chacune par une mue bien apparente. Les deux premières<br />
correspondent à des modifications de l’état larvaire ; la<br />
troisième à la nymphose et la dernière à l’apparition de<br />
l’insecte parfait apte à la repro<strong>du</strong>ction.<br />
Pendant leur période larvaire, <strong>les</strong> mâ<strong>les</strong> se distinguent<br />
de leurs femel<strong>les</strong> respectives, ce qui permet aux nopaleros<br />
de reconnaître et d’éliminer, dès le début, ceux de la forme<br />
sauvage, lorsqu’ils se sont fourvoyés dans <strong>les</strong> essaims<br />
d’élevage.<br />
La présence de ces mâ<strong>les</strong>, facilement reconnaissab<strong>les</strong> à<br />
leur livrée tomenteuse, constitue un sérieux inconvénient<br />
pour le maintien d’un élevage soigné, car, larves, ils épui-<br />
sent inutilement la plante nourricière, et, insectes parfaits,<br />
comme ils sont aptes à féconder <strong>les</strong> femel<strong>les</strong> de Coche-<br />
nil<strong>les</strong> fines, ils deviennent par là une cause de dégénéres-<br />
cence pour <strong>les</strong> sujets destinés à la propagation.<br />
Une fois pourvus d’ai<strong>les</strong>, c’est-à-dire parvenus à l’état<br />
a<strong>du</strong>lte, <strong>les</strong> mâ<strong>les</strong> ne prennent plus de nourriture et leur<br />
existence est, de ce fait, ré<strong>du</strong>ite à peu de temps ; leur rôle<br />
ne consiste plus alors qu’à voltiger pour rechercher <strong>les</strong><br />
femel<strong>les</strong> avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils s’accouplent à plusieurs reprises<br />
puis meurent aussitôt après.<br />
Les Cochenil<strong>les</strong> femel<strong>les</strong> restent aptères pendant toute la<br />
<strong>du</strong>rée de leur existence qui est, en moyenne, d’un peu<br />
moins de trois mois. El<strong>les</strong> subissent un nombre de mues<br />
égal à celui des mâ<strong>les</strong>, mais cel<strong>les</strong>-ci, à part un accroisse-<br />
ment de volume, ne leur apportent guère de modifications<br />
externes bien apparentes.<br />
Ces femel<strong>les</strong> restent toute leur vie dans l’immobilité la<br />
plus complète à la place choisie peu après leur naissance,<br />
position dans laquelle el<strong>les</strong> paraissent puiser leur nourri-<br />
ture d’une façon continue et qu’il leur est impossible<br />
d’abandonner sans courir le risque de périr par suite de<br />
la rupture de la trompe qui fait, à la fois, l’office de moyen<br />
de fixation et d’organe de succion.
492 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Après l’accouplement, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> femel<strong>les</strong> survivent<br />
un certain temps aux mâ<strong>les</strong> ; on <strong>les</strong> voit alors prendre<br />
un accroissement subit allant en s’accentuant jusqu’au<br />
moment de la ponte, qui viendra marquer le terme de leur<br />
courte existence.<br />
étymologies. — On a fait dériver le mot Cochenille <strong>du</strong><br />
latin coccineus signifiant rouge écarlate ; mais cela ne<br />
paraît pas être la véritable interprétation à laquelle on<br />
doive s’arrêter, car incontestablement Cochenille n’est<br />
qu’une adaptation française <strong>du</strong> terme espagnol Cochenilla,<br />
diminutif de Cochina (truie), nom qui, dans le langage<br />
populaire, s’applique, en pays espagnols, aux pucerons et<br />
en général à toutes <strong>les</strong> sortes d’invasions parasitaires rava-<br />
geant <strong>les</strong> végétaux de culture.<br />
Le terme nahuatl Nochestli dérive sans aucun doute<br />
possible de Nochtli = Cactus et Eztli = sang.<br />
Quant à Xalnochestli et Ixquimiliuqui, ces deux termes<br />
signifieraient Cochenille de terre ou de région aride ou<br />
stérile 1 .<br />
pRincipe tinctoRial. — La matière colorante fournie<br />
par la Cochenille est assez analogue comme teinte à celle<br />
que l’on peut retirer des fruits rouges de Nopals et même<br />
de beaucoup d’autres Cactacées, mais elle a l’avantage sur<br />
celle de ces dernières d’être beaucoup plus fixe et de ne pas<br />
s’altérer sensiblement sous l’action de la lumière.<br />
C’est très probablement à la combinaison de la substance<br />
tinctoriale avec <strong>les</strong> principes de l’organisme de l’insecte,<br />
que doit être attribuée, <strong>du</strong> moins en grande partie, la stabi-<br />
lité <strong>du</strong> carmin. En somme, la Cochenille, considérée au<br />
seul point de vue de matière tinctoriale, ne remplirait<br />
dans la nature que le rôle d’un transformateur et d’un<br />
1. Xalli — sable ou terrain désertique ; Nochestli = Cochenille, Ixqui<br />
de ixequi brûlé, torréfié, desséché ; Mil de Milli = semence ; Yuqui,<br />
suffixe impliquant l’idée de découvrir, de s’étendre (graine desséchée<br />
couvrant).
écartlate -><br />
écarlate<br />
chapitRe xvii 493<br />
condensateur pour une substance incolore contenue dans<br />
la sève de certaines variétés d’Opuntiées, substance qui,<br />
par des réactions de biochimie, aboutit chez le végétal au<br />
principe écarlate teintant le suc de la fleur ou <strong>du</strong> fruit et<br />
qui, dévié de son but naturel, vient subir des transforma-<br />
tions probablement identiques dans le corps de l’insecte<br />
parasite où elle s’accumule en s’associant avec <strong>les</strong> réserves<br />
physiologiques, pour constituer alors la matière tinctoriale<br />
connue sous le nom de carmin.<br />
OPUNTIA SERVANT À NOURRIR LA COCHENILLE<br />
Les Opuntiées cochenillico<strong>les</strong> étaient désignées par <strong>les</strong><br />
populations nahuat<strong>les</strong> sous <strong>les</strong> différentes dénominations<br />
de Nopalnochestli, de Nochesnopalli, de Tlapalnochtli, ou<br />
de Chahuiznopalli 1 ; mais cette dernière expression qui,<br />
suivant Alzate, était surtout employée par ceux qui culti-<br />
vaient <strong>les</strong> Platyopuntia pour leurs fruits, paraît bien n’avoir<br />
été, dans le langage courant, qu’un terme de désignation<br />
dépréciative.<br />
Quoique toutes <strong>les</strong> Opuntiées soient plus ou moins sus-<br />
ceptib<strong>les</strong> de fournir l’aliment à la Cochenille, un très petit<br />
nombre seulement convient pour un bon résultat dans le<br />
travail d’une nopalerie.<br />
Les qualités que doit présenter une Opuntiée pour se<br />
prêter aux bonnes conditions d’un élevage méthodique de<br />
Cochenil<strong>les</strong> sont :<br />
1° D’offrir des artic<strong>les</strong> assez tendres et assez gorgés de<br />
sucs pour que l’insecte, une fois fixé dans la situation<br />
qu’il lui est impossible d’abandonner, puisse y rencontrer<br />
sans effort et d’une façon ininterrompue une abondante et<br />
substantielle alimentation ;<br />
1. Nopalnochestli et son inversion Nochesnopalli signifient Nopal à<br />
cochenille (Nochestli = cochenille ; Tlapalnochtli = Cactus à couleur<br />
(Tlapalli = couleur rouge). Chahuistnopalli = Nopal à pucerons. Les<br />
Mexicains, encore actuellement, emploient le terme nahuatl plus ou<br />
moins castillanisé de Chahuistli, pour désigner la vermine qui envahit<br />
leurs maisons
494 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
2° Que l’épiderme de ces artic<strong>les</strong> soit bien homogène et<br />
assez délicat sur toute son éten<strong>du</strong>e pour que <strong>les</strong> essaims<br />
de Cochenil<strong>les</strong> s’y répartissent le plus régulièrement pos-<br />
sible et qu’ils puissent, tout en économisant la place,<br />
bénéficier utilement de toutes <strong>les</strong> ressources mises à leur<br />
portée sur la périphérie de la plante nourricière 1 ;<br />
3° Que le Nopal, après une saison d’élevage, ne présente<br />
que peu de signes d’épuisement afin que l’on puisse pro-<br />
céder à plusieurs élevages successifs sans que l’on soit<br />
obligé de mettre la plante au repos.<br />
Un autre caractère propre aux Opuntiées cochenillico<strong>les</strong><br />
est, selon Alzate, de ne donner qu’une fructification fort<br />
ré<strong>du</strong>ite ou <strong>du</strong> moins peu épuisante pour la plante, ce qui<br />
permet à cette dernière d’accumuler d’amp<strong>les</strong> réserves<br />
dans le parenchyme de ses jeunes tiges et par conséquent<br />
de n’avoir pas trop à souffrir des prélèvements nécessaires<br />
à la subsistance de son parasite.<br />
A ce sujet, Alzate dit qu’un fait digne d’être pris en<br />
considération, est que <strong>les</strong> Tunas de fructification très abondante<br />
périssent dès qu’el<strong>les</strong> deviennent la proie des Coche-<br />
nil<strong>les</strong>, et il ajoute : « Cela, je le tiens confirmé par<br />
l’expérience de nombre d’années et entre autres celle de<br />
1775, où j’ai vu beaucoup de Tunas très riches être<br />
détruites sans autre cause que celle d’avoir subi l’effet d’un<br />
envahissement de Cochenil<strong>les</strong> ».<br />
La nature de Opuntiées est donc une question capitale<br />
dans la con<strong>du</strong>ite méthodique d’un élevage de Cochenil<strong>les</strong><br />
domestiques. Aussi ne doit-on pas s’étonner que <strong>les</strong> nopa-<br />
leros <strong>du</strong> pays où cette in<strong>du</strong>strie prit naissance se soient<br />
efforcés de garder pour eux le secret sur <strong>les</strong> plantes sélec-<br />
tionnées dont ils se servaient.<br />
1. Souvent, lorsque <strong>les</strong> Opuntiées ont un épiderme trop épais ou<br />
trop coriace, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> ne peuvent se fixer qu’à la base des<br />
artic<strong>les</strong> ; là, soutirant <strong>les</strong> sucs destinés aux organes végétatifs, el<strong>les</strong><br />
<strong>les</strong> anémient et <strong>les</strong> font périr de dessiccation. Ce fait s’observe<br />
fréquemment avec la Cochenille sauvage dans <strong>les</strong> régions désertiques,<br />
principalement lorsqu’elle s’attaque à des Cylindropuntia.
chapitRe xvii 495<br />
Quoique Thierry de Menouville ait clairement spécifié<br />
<strong>les</strong> deux espèces exclusivement cultivées dans <strong>les</strong> nopaleries<br />
qu’il avait visitées aux environs de la ville de Oaxaca, la<br />
question de savoir quel<strong>les</strong> étaient <strong>les</strong> véritab<strong>les</strong> Opuntiées<br />
cochenillico<strong>les</strong> demeura longtemps incertaine et contro-<br />
versée.<br />
Alzate, à ce sujet, dit que cinq ou six sortes de Nopals<br />
peuvent seuls se montrer aptes à fournir <strong>les</strong> conditions<br />
requises pour un élevage régulier, mais, quoique connais-<br />
sant <strong>les</strong> faits relatés par le botaniste français qu’il<br />
cite incidemment dans son mémoire, il se garde bien de<br />
préciser quel<strong>les</strong> étaient <strong>les</strong> espèces que la pratique et l’ex-<br />
périence avaient fait de préférence adopter pour une fruc-<br />
tueuse entreprise.<br />
Certains auteurs ont préten<strong>du</strong> que c’était le Nopalea<br />
cochenillifera Salm-Dyck ; d’autres que c’était la variété<br />
inerme ou non, de l’Opuntia Ficus-indica Mill. que l’on<br />
cultivait pour le commerce de ses fruits.<br />
Ces deux Opuntiées ont bien, il est vrai, été employées<br />
pour l’alimentation de la Cochenille, mais ce fut toujours<br />
à défaut d’autres plus avantageuses.<br />
Le Nopalea cochenillifera, qui fut primitivement décrit<br />
par Linné sous le nom de Cactus cochenillifer, paraît avoir<br />
été quelque peu utilisé dans <strong>les</strong> nopaleries de la presqu’île<br />
yucatèque. Thierry de Menouville le rapporta de cette région<br />
et lui donna le nom de Cactier de Campêche pour le différencier<br />
des deux espèces qu’il avait observées et recueillies<br />
à Oaxaca.<br />
Ce Cactier de Campêche, qui n’est peut-être qu’une<br />
variété inerme <strong>du</strong> Nopalea Karwinskiana Schum. se rencontrant<br />
à l’état sauvage dans la forêt sèche côtière <strong>du</strong><br />
Mexique et de l’Amérique centrale, est beaucoup plus rus-<br />
tique que <strong>les</strong> Opuntiées cultivées dans <strong>les</strong> nopaleries de<br />
grand élevage, mais il se montre très inférieur à ces der-<br />
nières dans ses rendements, ainsi qu’il fut constaté dans<br />
<strong>les</strong> essais entrepris à Saint-Domingue.<br />
Quant à l’Opuntia Ficus-indica, il fut employé concur-
496 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
remment à une autre espèce importée de Oaxaca, dans <strong>les</strong><br />
élevages de Cochenil<strong>les</strong> que <strong>les</strong> Espagnols réussirent à éta-<br />
blir aux Canaries 1 . C’est probablement d’après un spécimen<br />
de cette provenance que De Candolle et Redouté, dans leur<br />
ouvrage sur <strong>les</strong> plantes grasses, ont fait figurer comme<br />
Opuntia cochenillicole, un article de Nopal épineux muni<br />
d’un fruit bien développé, article et fructification qui ne<br />
laissent aucun doute sur l’identité de ce spécimen avec la<br />
forme bien connue de l’Opuntia Ficus-indica.<br />
Dans l’État de Oaxaca, où l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille<br />
constitua pendant longtemps la principale et la plus<br />
fameuse exploitation des haciendas de la grande vallée,<br />
on sait, depuis le voyage de Thierry de Menouville, que <strong>les</strong><br />
éleveurs de l’insecte tinctorial n’employaient uniquement<br />
que deux sortes d’Opuntia, auxquels ils donnaient <strong>les</strong> noms<br />
de Nopal de Castilla et de Nopal de San Gabriel.<br />
José Maria Garcia, dans une étude sur la Cochenille de<br />
Oaxaca publiée en 1869 2 , donne une description de ces<br />
deux Nopals et indique en outre l’usage particulier auquel<br />
on <strong>les</strong> employait dans le travail méthodique de l’élevage,<br />
détail important qui n’avait pu être élucidé par Thierry<br />
de Menouville au cours de sa rapide visite aux nopaleries<br />
de Oaxaca. Il ajoute que l’on essaya aussi deux autres<br />
espèces de Nopals connus sous <strong>les</strong> noms de Costeno et<br />
Memelita, mais que ceux-ci, sur <strong>les</strong>quels il ne donne aucune<br />
indication permettant leur identification, furent abandon-<br />
nés après qu’on eut reconnu leur inutilité.<br />
Les Nopals de Castilla et de San Gabriel ne se rencontrent<br />
pas dans la nature : ce sont des variétés de deux<br />
espèces différentes qui ont été modifiées par la culture<br />
1. Consulter à ce sujet heRmann von honeggeR. — Einfiihrung und<br />
Cultur der Cochenille auf den Kanarischen Inseln, p. 10-19, Der zoologische<br />
Garten. Francfort, 1879.<br />
2. José maRia gaRcia. — Ligera descripción de la grana o cochenilla<br />
de Oaxaca, Boletín de la Sociedad de Geografía y Estadística de la<br />
República mexicana de Geografía y estadística, segunda Época, V,<br />
p. 265, Mexico, 1869.
chapitRe xvii 497<br />
afin de <strong>les</strong> adapter à l’usage exclusif auquel on <strong>les</strong> desti-<br />
nait. Ces deux Nopals sont maintenant bien identifiés grâce<br />
aux études entreprises par R. Roland-Gosselin qui a cultivé,<br />
à Villefranche-sur-Mer, des spécimens authentiques préle-<br />
vés dans une des dernières nopaleries encore existantes au<br />
village de San Pedro près de Ocotlan.<br />
Le premier de ces Nopals est inerme, le second au<br />
contraire pourvu d’aiguillons bien constitués.<br />
nopal de castilla. — Ce Platyopuntia est incontestablement<br />
une variété inerme de l’Opuntia Ficus-indica Mill.,<br />
mais elle est très différente de celle qui est bien connue<br />
pour la pro<strong>du</strong>ction de gros fruits et à laquelle <strong>les</strong> colons<br />
espagnols ont donné le nom de Tuna rica ou Tuna de Castilla,<br />
et <strong>les</strong> Nahuatls celui de Teonochtli ou encore, dans<br />
certaines régions, celui de Zapotnochtli 1 .<br />
Comme cette dernière variété, le Nopal de Castilla donne<br />
de grandes et épaisses raquettes qui peuvent atteindre,<br />
sur <strong>les</strong> spécimens de belle venue (fig. 124), jusqu’à 40 cen-<br />
timètres de longueur sur une épaisseur de 5 centimètres ;<br />
il est bien conformé et affecte en général un contour ova-<br />
laire très régulier ; sa teinte est d’un vert clair légèrement<br />
céru<strong>les</strong>cent ; ses artic<strong>les</strong>, d’après ce qu’on a observé, sont<br />
tout à fait stéri<strong>les</strong> et ne paraissent pas devoir donner de<br />
bourgeons floraux avortés.<br />
Thierry de Menouville, en parlant de cette Cactacée, dit :<br />
« On ne peut rien dire de ses fleurs et de ses fruits qui<br />
n’ont jamais été vus. Actuellement encore, <strong>les</strong> indigènes de<br />
Oaxaca affirment que dans <strong>les</strong> cultures de nopaleries on ne<br />
l’a jamais vu fleurir » 2 .<br />
1. Quoique dans le langage courant Tuna de Castilla et Nopal de<br />
Castilla peuvent être considérés comme synonymes, <strong>les</strong> indigènes leur<br />
attachent une signification très différente : le premier terme spécifie la<br />
plante fruitière, et le second la plante cochenillicole. C’est à une<br />
interprétation erronée que l’on doit attribuer, <strong>du</strong> moins en partie, <strong>les</strong><br />
confusions qui ont eu lieu au sujet de la détermination des espèces<br />
préconisées en cochenilliculture.<br />
2. Loc. cit., p. 294.<br />
32
498 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
En tout cas, un article bouturé en pleine terre et sans<br />
aucun abri à Villefranche-sur-Mer, par R. Roland-Gosselin,<br />
a donné, au bout de dix années de plantation, un exem-<br />
plaire de 1 mètre 50 de hauteur sans avoir, jusqu’à cette<br />
époque, offert la moindre velléité de floraison ; il a seule-<br />
ment émis de temps en temps quelques artic<strong>les</strong> épineux<br />
comme c’est <strong>du</strong> reste le fait des Opuntia classés dans le<br />
groupe des subinermes.<br />
Le D r Weber, peu de temps avant sa mort, ayant eu entre<br />
<strong>les</strong> mains un exemplaire de Nopal de Castilla, l’avait examiné<br />
et inscrit dans ses notes manuscrites sous le nom<br />
d’Opuntia splendida afin de se conformer à la spécification<br />
de Cactier splendide (Cactus splendi<strong>du</strong>s Lam.), exposé assez<br />
sommairement dans l’Encyclopédie méthodique de Panc-<br />
kouke (Agriculture, II, p. 549).<br />
En résumé, l’O. splendida Web. est une forme horticole<br />
complètement adaptée à un usage particulier qui doit s’ap-<br />
peler, ainsi que l’a fait R. Roland-Gosselin, O. Ficus-indica<br />
Mill. var. splendida Web. 1 . Comme cette variété ne pro<strong>du</strong>it<br />
ni fructification ni floraison, ses organes végétatifs ne peu-<br />
vent s’épuiser de ce fait ; il en résulte donc que tous <strong>les</strong><br />
sucs qu’elle élabore sont alors consacrés au développement<br />
intensif des tiges, dont la sève constitue la subsistance des<br />
Cochenil<strong>les</strong>.<br />
L’origine <strong>du</strong> terme Nopal de Castilla est fournie par<br />
Thierry de Menouville qui, dans son ouvrage (p. 279), dit :<br />
« Il est appelé de Castilla parce que tout ce qui vient de<br />
Castille est excellent et tout ce qui est excellent doit être de<br />
Castille ou porter le nom de Castille, tant ce peuple long-<br />
temps possesseur et habitant avec l’Aragonais de l’Amé-<br />
rique à l’exclusion des autres provinces d’Espagne, est<br />
habitué à une haute idée de sa patrie. »<br />
nopal de san gabRiel. — Cette plante est maintenant<br />
bien identifiée ; elle est, sans aucun doute possible, l’O. Her-<br />
1. R. Roland-gosselin. — Note sur <strong>les</strong> Opuntia cochenillico<strong>les</strong>,<br />
Bulletin <strong>du</strong> Muséum d’Histoire Naturelle, XV. p. 507, 1909, et Opuntia<br />
à Cochenille, Bulletin de la Société nationale d’acclimatation de France,<br />
p. 320. Paris, 1903.
Fig. 124. — Opuntia Ficus-Indica Mill., var. splendida Web. (Nopal de Castilla).<br />
Variété inerme et stérile de l’Opuntia Ficus-indica Mill. servant<br />
pour la régénération de la Cochenille domestique.<br />
Nopaleries de San Pedro, près de Ocotlan (État de Oaxaca).
500 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
nandezii DC. qui a été décrite et figurée par de Candolle 1 .<br />
D’après M. R. Roland-Gosselin ce serait l’Opuntia Hernandezii<br />
DC., var. typica Rol.-Goss.<br />
Le Nopal de San Gabriel, dont l’emploi rationnel en<br />
matière d’élevage doit remonter à une époque au moins<br />
aussi ancienne que le Nopal de Castilla, est très différent<br />
de ce dernier, il fleurit normalement et donne une fleur<br />
rose ; son fruit, de petite dimension, est d’un vert clair ;<br />
il est presque sec et ne renferme aucune pulpe comestible.<br />
Les artic<strong>les</strong>, lorsqu’ils ont atteint leur développement<br />
complet, sont beaucoup plus petits que ceux <strong>du</strong> Nopal de<br />
Castilla ; ils ne dépassent que fort rarement 25 centimètres,<br />
sont d’un vert foncé et munis d’aiguillons assez nombreux,<br />
ce qui leur assure une bonne défense contre beaucoup d’ani-<br />
maux destructeurs. De plus, ils présentent une particularité<br />
assez curieuse, c’est qu’au lieu de rester plans, ils ont une<br />
forte tendance à s’incurver sous l’action <strong>du</strong> soleil, de façon<br />
à pro<strong>du</strong>ire sur un côté une face concave, qui assure alors<br />
à la Cochenille une protection naturelle contre <strong>les</strong> désastres<br />
que peuvent occasionner la pluie ou la grêle (fig. 125).<br />
Le Nopal de San Gabriel est beaucoup plus rustique que<br />
le Nopal de Castilla ; il exige par conséquent moins de soins<br />
culturaux, et, grâce à sa bonne garniture épineuse, il con-<br />
stitue une plus grande sécurité pour <strong>les</strong> essaims de Coche-<br />
nil<strong>les</strong>.<br />
Dans <strong>les</strong> écrits des auteurs ayant traité de la culture des<br />
Opuntia cochenillico<strong>les</strong>, il n’est pas fait mention de l’origine<br />
<strong>du</strong> nom Nopal de San Gabriel, il est présumable que ce<br />
nom, qui est couramment employé dans tout le pays, tire<br />
son origine, comme le pensait le D r Weber, de l’époque<br />
où s’effectue, soit la floraison, soit la plantation, soit une<br />
opération quelconque de nopalerie. La Saint Gabriel tom-<br />
bant à la fin de mars, moment de l’année où débute plus<br />
ou moins la saison sèche, doit être une époque propice à<br />
l’exécution de certains travaux agrico<strong>les</strong>.<br />
1. P. de candolle. — Revue de la famille des Cactées, Paris, 1829, et<br />
Histoire des plantes grasses, Paris, 1799-1829.
Fig. 125. — Artic<strong>les</strong> de l’Opuntia Hernandezii DC.,<br />
var. typica Rol.-Goss.<br />
sur laquelle peut se développer eu abondance<br />
la Cochenille sauvage,<br />
sans que la plante paraisse en souffrir.
502 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Lorsque Thierry de Menouville parle de cet Opuntia, il<br />
dit que <strong>les</strong> Indiens le nomment simplement Nopal. Dans<br />
l’Encyclopédie méthodique où tout ce qui a trait aux Cactacées<br />
cochenillico<strong>les</strong> est emprunté à cet auteur, on en fait<br />
mention sous le nom de Nopal silvestre.<br />
Quoique l’un et l’autre de ces deux Platyopuntia soient<br />
susceptib<strong>les</strong> de se prêter à une é<strong>du</strong>cation complète de<br />
Cochenil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> nopaleros ne <strong>les</strong> emploient pas indifféremment,<br />
mais ont soin, au contraire, pour mettre à profit<br />
leurs propriétés respectives, d’assigner à chacun d’eux une<br />
destination particulière : dans la méthode d’élevage telle<br />
qu’elle fut organisée par la pratique d’une longue expérience,<br />
le Nopal de Castilla sert surtout comme régénérateur<br />
de la Cochenille, et celui de San Gabriel comme pro<strong>du</strong>cteur<br />
intensif.<br />
Le premier, riche en principes nutritifs, procure à l’insecte<br />
une alimentation plus substantielle qui, tout en lui<br />
permettant un développement dans de bonnes conditions,<br />
lui confère en même temps une amélioration et, par suite,<br />
une régénérescence au cas où il serait issu de générations<br />
appauvries par une alimentation de médiocre qualité.<br />
Par contre, ce Nopal se montre beaucoup moins avantageux<br />
sous d’autres rapports. C’est ainsi que, plus délicat,<br />
il reste épuisé un certain temps après un élevage et ne peut<br />
alors servir à un autre immédiat ; peu fourni comme<br />
ramification, il ne donne qu’un nombre assez restreint<br />
d’artic<strong>les</strong> à chaque plant, ce qui fait que son rendement<br />
à égalité de surface de champ de culture, se montre, d’après<br />
l’appréciation des éleveurs, environ moitié moindre que<br />
celui que donne le Nopal de San Gabriel.<br />
De plus, l’élevage sur le Nopal de Castilla est toujours<br />
onéreux, par suite des soins tout spéciaux qu’il réclame<br />
pour son entretien en bonne végétation et sa mise à l’abri<br />
des agents destructeurs. Aussi emploie-t-on la majeure<br />
partie de sa pro<strong>du</strong>ction pour faire ce que l’on appelle la<br />
graine, c’est-à-dire pour obtenir des Cochenil<strong>les</strong> de bonne<br />
constitution, dont la ponte servira aux élevages rémunéra-
léon diguet 503<br />
teurs qui doivent être faits sur des Nopals plus avantageux<br />
au point de vue économique.<br />
Sur le Nopal de San Gabriel, la Cochenille se développe<br />
en plus grande abondance et forme des essaims plus<br />
denses ; après une récolte, elle peut être plusieurs fois<br />
recommencée sur la même plante sans lui causer de préju-<br />
dice ; mais cependant, pour peu que l’on répète trop d’éle-<br />
vages successifs sur le même indivi<strong>du</strong>, on ne tarde pas à<br />
constater <strong>les</strong> signes d’une dégénérescence chez <strong>les</strong> Coche-<br />
nil<strong>les</strong>.<br />
Aussi, dans la con<strong>du</strong>ite méthodique telle qu’elle a été<br />
instituée pour <strong>les</strong> nopaleries de la vallée de Oaxaca, où l’on<br />
n’a guère à se préoccuper <strong>du</strong> climat qui y est plus tempéré<br />
et beaucoup plus régulier que dans le reste de la région<br />
mixteco-zapotèque, on a l’habitude sur <strong>les</strong> quatre récoltes<br />
annuel<strong>les</strong> que peut donner une même nopalerie, de n’en<br />
pratiquer qu’une seule sur le Nopal de Castilla.<br />
Le moment le plus propice pour cette opération de régé-<br />
nération, est dans le courant des mois de mars ou d’avril,<br />
époque de la saison sèche, où le Nopal de Castilla, plus<br />
gorgé de sucs que son congénère, a plus de chances que<br />
lui d’assurer une copieuse subsistance à un élevage.<br />
oRigine de l’emploi et de la cultuRe de ces deux<br />
opuntia. — Le recours à deux sortes d’Opuntia dans<br />
l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille domestique n’est, en somme,<br />
qu’une application des enseignements de la nature que l’in-<br />
digène a su coordonner et mettre à profit pour la réalisation<br />
de ses procédés d’élevage. C’est ce que fait ressortir d’une<br />
façon bien démonstrative <strong>les</strong> figures 126 et 127, prises sur<br />
des Opuntia de semi-culture envahis fortuitement par des<br />
Cochenil<strong>les</strong> sauvages.<br />
Dans la première, représentant un Opuntia épineux qui<br />
n’est vraisemblablement qu’une variété à artic<strong>les</strong> allongés<br />
de l’O. Ficus-indica, l’insecte parasite s’est développé librement<br />
et a pu, à la suite de générations successives, recou-<br />
vrir presque en totalité l’article nourricier sans que celui-ci<br />
semble en avoir souffert d’une façon bien appréciable. Dans
504 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
la seconde qui est celle d’un Opuntia inerme appartenant à<br />
la même espèce que le précédent, on voit un essaim de<br />
Cochenil<strong>les</strong> très bien développé sous le rapport de la corpulence<br />
des sujets, mais par contre peu avantagé sous celui<br />
de leur nombre.<br />
Ces deux exemp<strong>les</strong> puisés aux sources mêmes de la<br />
nature et sans qu’aucune intervention étrangère ne soit<br />
venue apporter de modifications au cours d’événements,<br />
permettent de se rendre compte de visu des effets distincts<br />
que <strong>les</strong> Opuntia épineux et inermes exercent sur le développement<br />
des Cochenil<strong>les</strong> ; ils font voir également quel<strong>les</strong><br />
furent <strong>les</strong> causes qui dictèrent l’emploi combiné des Nopals<br />
de San Gabriel et de Castilla, dans la con<strong>du</strong>ite raisonnée<br />
de l’in<strong>du</strong>strie cochenillicole, telle qu’elle fut instituée dans<br />
le pays où elle prit naissance.<br />
Quant au système de nopalerie usité en région mixtécozapotèque,<br />
il aurait été déterminé, d’après de Humboldt,<br />
par la nécessité de conserver une valeur toujours égale à la<br />
Cochenille domestique et en même temps de la préserver<br />
de son mélange avec la Cochenille sauvage. Mais ce ne<br />
sont pas là <strong>les</strong> causes uniques qui sont intervenues lorsqu’il<br />
s’est agi d’organiser la nopalerie d’une façon pratique et<br />
définitive. Il faut encore, et surtout, faire entrer en ligne<br />
de compte l’obligation qu’il y avait alors de se conformer<br />
aux principes d’une agriculture nationale. Cette dernière<br />
fut toujours chez <strong>les</strong> autochtones mexicains une entreprise<br />
essentiellement familiale qui comportait l’emploi de<br />
champs de culture aussi restreints que possible, pour qu’ils<br />
puissent tenir leur emplacement aux alentours des habitations,<br />
conditions qui permettaient à tous <strong>les</strong> membres<br />
d’une famille de collaborer utilement à un travail commun,<br />
sans se déranger pour cela des occupations domestiques<br />
journalières.<br />
Quoiqu’a priori, cette limitation de terrain puisse<br />
paraître d’un ordre secondaire lorsqu’il s’agit d’expliquer<br />
l’origine de la nopalerie mixtéco-zapotèque, il est certain<br />
que c’est grâce à son exiguïté que <strong>les</strong> indigènes ont été
Fig. 126. — Artic<strong>les</strong> et fruit d’un Opuntia épineux sur <strong>les</strong>quels se<br />
sont développés spontanément des essaims de Cochenil<strong>les</strong> sauvages.<br />
Environs d’Agaugueo (État de Michoacan)
506 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
amenés à compliquer <strong>les</strong> opérations et à recourir à deux<br />
sortes différentes pour entretenir toujours chez la Coche-<br />
nille sa même teneur en principe colorant. Ce qui le prouve<br />
bien, c’est que <strong>les</strong> Espagnols, lorsqu’ils installèrent l’élevage<br />
de la Cochenille dans le sud de la mère patrie et aux Î<strong>les</strong><br />
Canaries, arrivèrent, comme on le verra plus loin, à obtenir<br />
des résultats comparab<strong>les</strong> à l’élevage mixtéco-zapotèque,<br />
sans avoir recours à toutes <strong>les</strong> obligations assujettissantes<br />
qu’il comportait et cela grâce uniquement à l’éten<strong>du</strong>e de<br />
terrain dont ils se servirent.<br />
AMÉNAGEMENT D’UNE NOPALERIE<br />
pRépaRation <strong>du</strong> sol. — La plantation d’une nopalerie,<br />
que ce soit avec l’une ou l’autre espèce de Nopals, se fait<br />
toujours en plein air et on laisse <strong>les</strong> plants se développer<br />
librement jusqu’à ce qu’ils soient en état de recevoir <strong>les</strong><br />
élevages de Cochenil<strong>les</strong>.<br />
Une nopalerie, pour arriver à donner de bons résultats,<br />
demande à être établie avec beaucoup de soins ; tout doit<br />
être agencé et calculé en prévision des opérations qui doi-<br />
vent suivre. Car lorsque le nopalero aura commencé l’en-<br />
semencement de la Cochenille, il doit constamment s’occu-<br />
per de son entreprise soit pour entretenir <strong>les</strong> plantes en<br />
bonne condition de végétation, soit pour se défendre des<br />
causes qui peuvent entraver le bon fonctionnement de son<br />
élevage.<br />
La plantation de Nopals doit être enfermée dans une<br />
solide clôture afin d’en interdire l’accès aux animaux<br />
domestiques. Cette clôture doit être, autant que possible,<br />
faite avec des végétaux afin d’assurer la ventilation et<br />
d’empêcher la stagnation d’une atmosphère trop humide.<br />
En outre, on doit choisir pour cela des catégories de plantes<br />
impropres à donner asile aux animaux nuisib<strong>les</strong> ou à favo-<br />
riser leur pullulement. C’est ainsi, par exemple, que <strong>les</strong><br />
Platyopuntia cultivés pour leurs fruits, sur <strong>les</strong>quels peuvent<br />
se développer des Cochenil<strong>les</strong> sauvages, doivent être abso-<br />
lument proscrits.
Fig. 127. — Article d’Opuntia inerme sur lequel se sont développées<br />
spontanément des Cochenil<strong>les</strong> sauvages.<br />
Environs d’Agaugueo (État de Michoacan).
508 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Quand on emploie, comme cela est assez général au<br />
Mexique, des Cactacées pour faire <strong>les</strong> haies de clôture, on<br />
Fig. 128. — Lisière d’une plantation sous abri permanent<br />
d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss.<br />
(Nopal de San Gabriel).<br />
Village de San Pedro, près de Ocotlan (État de Oaxaca).<br />
se sert presque exclusivement, <strong>du</strong> moins dans la vallée<br />
de Oaxaca, <strong>du</strong> Pachycereus marginatus Britt. et Rose et <strong>du</strong><br />
Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose, deux espèces bien
Fig. 129. — Bouturage d’artic<strong>les</strong> d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss.<br />
(Nopal de San Gabriel)<br />
Environs de Ocotlan (État de Oaxaca)
510 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
différentes, qui réalisent, comme on l’a vu au chapitre des<br />
clôtures avec <strong>les</strong> Cactacées, <strong>les</strong> meilleures conditions de<br />
propreté. Le Chapistle, comme on le nomme simplement<br />
dans la région, présente en outre l’avantage de fournir de<br />
longs aiguillons qui trouvent leur emploi dans le travail<br />
de la nopalerie en servant d’éping<strong>les</strong> pour détruire et écra-<br />
ser <strong>les</strong> parasites.<br />
Lorsque l’enclos est bien établi et le sol bien défriché,<br />
on procède à la plantation des Opuntia destinés à la nourriture<br />
de la Cochenille. Pour cela, à l’aide d’une sorte de<br />
houe appelée dans le pays Coa ou mieux d’une charrue, on<br />
trace des sillons aussi droits et aussi parallè<strong>les</strong> que le<br />
permet la configuration <strong>du</strong> terrain, en <strong>les</strong> espaçant <strong>les</strong> uns<br />
des autres d’un peu moins de 1 mètre.<br />
Sur le parcours de ces sillons on pratique une série de<br />
petites excavations peu profondes et régulièrement espa-<br />
cées, qui serviront à recevoir <strong>les</strong> boutures de Nopals ; la<br />
profondeur de ces excavations variant suivant la qualité<br />
de la terre, on ne dépasse pas une dizaine de centimètres<br />
dans <strong>les</strong> terrains meub<strong>les</strong> et ferti<strong>les</strong> ; dans <strong>les</strong> sols pierreux,<br />
stéri<strong>les</strong> et argileux, on va jusqu’à vingt centimètres.<br />
boutuRage des plants. — Pour effectuer le bouturage<br />
des Nopals, on choisit, dans une ancienne plantation ou<br />
dans une pépinière, des artic<strong>les</strong> en excellent état de végé-<br />
tation, c’est-à-dire des artic<strong>les</strong> tendres, bien gorgés de sucs,<br />
propres, de belle venue et d’un vert foncé, que l’on sépare<br />
de leur point d’attache à l’aide d’un couteau bien affilé, en<br />
ayant soin de pratiquer une section nette au-dessous de<br />
leur étranglement.<br />
Les boutures ainsi recueillies sont ensuite déposées dans<br />
un endroit sec, pendant un temps qui peut varier, selon<br />
la saison, de un à trois mois. Dans ces conditions, el<strong>les</strong><br />
subissent un commencement de dessiccation <strong>les</strong> obligeant<br />
à entrer en repos végétatif, ce qui leur permettra, peu après<br />
leur plantation, de reprendre avec vigueur et sans crainte<br />
de la pourriture.<br />
Lorsque <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals sont plantés (fig. 129), on
chapitRe xvii 511<br />
<strong>les</strong> abandonne à eux-mêmes jusqu’à ce qu’ils aient fourni<br />
une ramification suffisamment bien conditionnée pour être<br />
en état de pourvoir avantageusement à un élevage de Coche-<br />
nil<strong>les</strong> (fig. 130).<br />
Pendant leur croissance, <strong>les</strong> boutures de Nopals ne récla-<br />
ment que peu de soins, une inspection effectuée de temps<br />
Fig. 130. — Plantation récente d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss.<br />
(Nopal de San Gabriel) avant l’établissement de l’abri.<br />
en temps est amplement suffisante. Il faut surtout veiller à<br />
ce que le sol ne devienne ni trop humide ni trop sec ; de<br />
plus, ont doit le sarcler de temps en temps afin d’éviter<br />
l’envahissement et l’étouffement par <strong>les</strong> mauvaises herbes<br />
et la végétation spontanée. Il est nécessaire également de<br />
prendre garde à ce que tous <strong>les</strong> sujets, pendant leur crois-<br />
sance, se développent normalement et que <strong>les</strong> nouveaux<br />
artic<strong>les</strong> qui surgissent des boutures ne se touchent pas
512 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
dans leur entrecroisement avec ceux de la plante voisine ;<br />
<strong>les</strong> plants qui offriraient une allure trop défectueuse ou<br />
trop désordonnée doivent être éliminés et remplacés.<br />
Les Nopals cochenillico<strong>les</strong> réclament, suivant <strong>les</strong> loca-<br />
lités, un temps plus ou moins long pour atteindre le moment<br />
de leur exploitation. Dans <strong>les</strong> régions assez chaudes, comme<br />
Fig. 131. — Tapextle ou abri permanent.<br />
Village de San Pedro près de Ocotlan (État de Oaxaca).<br />
la vallée de Oaxaca, on compte habituellement de un à deux<br />
ans ; mais dans <strong>les</strong> endroits plus élevés des montagnes,<br />
comme par exemple à Sosola, qui fut dans la Haute-Mix-<br />
tèque un centre de pro<strong>du</strong>ction de la Cochenille et où la<br />
température est soumise à des écarts assez brusques, la<br />
croissance des Opuntia est sujette à des arrêts ; elle est,<br />
par conséquent, moins rapide et peut alors réclamer jusqu’à<br />
trois ans.
Fig. 132. — Opuntia Ficus-indica Mill., var. splendida Web. (Nopal de Castilla<br />
ensemencé de Cochenil<strong>les</strong> et placé sous un abri permanent.<br />
33<br />
Environs de Ocotlan (État de Oaxaca).
514 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
abRis de pRotection. — Lorsque l’époque d’utilisation<br />
et de mise en oeuvre de la nopalerie est arrivée, on établit<br />
sur toute la plantation des systèmes de couvertures qui ont<br />
pour objet de préserver <strong>les</strong> essaims de Cochenil<strong>les</strong> contre<br />
l’action directe <strong>du</strong> soleil, de la pluie, de la grêle, des fortes<br />
rosées et <strong>du</strong> rayonnement nocturne. Ces abris ont en outre<br />
l’avantage, par leur ombre portée, de provoquer un léger<br />
étiolement des Opuntia et par là de conserver à leurs<br />
artic<strong>les</strong> une délicatesse d’épiderme apte à favoriser la<br />
régularité de répartition des jeunes Cochenil<strong>les</strong> au moment<br />
où el<strong>les</strong> viennent se fixer.<br />
On emploie deux sortes d’abris : un permanent et un<br />
mobile.<br />
L’abri permanent (fig. 131 et 132), consiste en une sorte<br />
de toiture appelée dans le pays Tapextle 1 , qui est confectionnée<br />
avec des branchages que l’on fixe, à l’aide de<br />
ligatures, sur des traverses soutenues à hauteur d’homme<br />
par des piquets de place en place dans la nopalerie. Ce<br />
genre de toiture, qui s’emploie pendant la saison sèche,<br />
tamise bien <strong>les</strong> rayons solaires et protège également contre<br />
<strong>les</strong> accidents que peuvent occasionner <strong>les</strong> intempéries ; il<br />
permet une circulation d’air suffisante pour dissiper sans<br />
brusquerie l’humidité.<br />
A la saison des pluies, où quotidiennement de violents<br />
orages ont lieu, on a presque exclusivement recours à l’abri<br />
mobile. Pour constituer ce dernier, on étend sur des arceaux<br />
fichés en terre (fig. 133), ces sortes de paillassons ou de<br />
nattes tressées que l’on désigne au Mexique sous le nom<br />
de Petates ou, à leur défaut, ces fortes toi<strong>les</strong> servant aux<br />
emballages. Ce système d’abri, qui préserve mieux contre<br />
<strong>les</strong> pluies torrentiel<strong>les</strong>, a en outre l’avantage de pouvoir<br />
1. On donne au Mexique le nom de Tapextle ou Tapescle (<strong>du</strong> nahualt<br />
Tlapextli = lit) à ces sortes de claies fabriquées avec des tiges droites et<br />
flexib<strong>les</strong> comme par exemple <strong>les</strong> tiges grê<strong>les</strong> de Bambou, que l’on<br />
réunit à l’aide de cordelettes de façon à pouvoir être roulées ou<br />
éten<strong>du</strong>es en tapis ; ces Tlapext<strong>les</strong>, suivant leur forme ou leur dimension,<br />
ont des usages multip<strong>les</strong> dans la vie domestique des indigènes.
chapitRe xvii 515<br />
se déplacer facilement pour permettre une exposition<br />
rapide au soleil au cas où une humidité trop forte vien-<br />
drait à se pro<strong>du</strong>ire sur la plantation.<br />
INSTRUMENTS SERVANT AU TRAVAIL<br />
DE LA COCHENILLE<br />
Si le travail pendant toute la <strong>du</strong>rée de l’élevage de la<br />
Cochenille est très méticuleux, par contre <strong>les</strong> outils et<br />
Fig. 133. — Arceaux servant à soutenir un abri mobile.<br />
De chaque côté on voit de nombreux artic<strong>les</strong> que l’on a insolés<br />
en vue d’une préparation au bouturage dans une autre nopalerie.<br />
ustensi<strong>les</strong> qui doivent servir aux opérations sont des plus<br />
simp<strong>les</strong> et des plus rudimentaires. Ils consistent :
516 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
1° En des sortes de petits paniers cylindriques en forme<br />
d’étuis, longs d’environ 10 centimètres sur 3 centimètres<br />
de diamètre, faits de feuil<strong>les</strong> de palmier tressées et dans<br />
<strong>les</strong>quels on place, au moment de la ponte, <strong>les</strong> mères Coche-<br />
nil<strong>les</strong> qui doivent servir à l’ensemencement des Nopals.<br />
Fig. 134. — Étui d’ensemencement pour la Cochenille<br />
employé dans <strong>les</strong> nopaleries de la vallée de Oaxaca.<br />
Ces étuis (fig. 134), sont garnis de Paxtle ou, autrement<br />
dit, de frondaisons de Tillandsia usneoides L. sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong><br />
<strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> effectueront leur ponte et où <strong>les</strong> nouveau-<br />
nés rencontreront la fraîcheur et l’humidité nécessaires<br />
pour vivre un certain temps avant d’aller se fixer sur <strong>les</strong><br />
Nopals ;<br />
2° Une sorte de pinceau fait habituellement avec la queue<br />
d’une moufette ou d’un écureuil, que l’on emmanche sur
Fig. 135. — Zilhuastle : brosse faite avec la base d’une<br />
feuille d’Agave, servant à la récolte de la Cochenille.
518 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
une tige de bois. Ce pinceau ou plutôt cette époussette,<br />
dont <strong>les</strong> poils sont très soyeux et de contact très doux,<br />
permet, sans b<strong>les</strong>ser <strong>les</strong> sujets de l’élevage, de <strong>les</strong> débar-<br />
rasser de leurs souillures, dont l’accumulation pourrait,<br />
tout en entravant leur développement, favoriser le pullu-<br />
lement de certains parasites. Ce pinceau est appelé Escobedilla<br />
(petit balai) ; il est surtout employé pour nettoyer<br />
<strong>les</strong> essaims de Cochenil<strong>les</strong> au moment de leur deuxième<br />
mue, c’est-à-dire à l’époque où l’insecte entre en nymphose.<br />
3° Le Zilhuastle ou Chilihuastl (fig. 135), sorte de brosse<br />
plate assez ingénieuse quoique très primitive, fabriquée à<br />
l’aide d’un fragment de base de feuille d’Agave, dont on a<br />
décortiqué seulement <strong>les</strong> fibres de la partie inférieure et<br />
taillé la partie restante de façon à constituer un manche.<br />
Cet instrument sert à brosser <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals au<br />
moment de la récolte pour arracher <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> qui y<br />
adhèrent ;<br />
4° Des aiguillons de Chapistle qui servent alors de poinçons<br />
ou d’éping<strong>les</strong> pour piquer, écraser et débarrasser <strong>les</strong><br />
essaims de Cochenil<strong>les</strong> des nombreux parasites qui sont<br />
venus s’y mêler ;<br />
5° Le Chilcalpetl ou bâtée, généralement en bois, servant<br />
à recueillir <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> au fur et à mesure que le<br />
Zilhuastle <strong>les</strong> fait tomber de l’article de Nopal.<br />
CONDUITE D’UN ÉLEVAGE DE COCHENILLES<br />
Lorsque la nopalerie est en état d’être mise en exploita-<br />
tion et que <strong>les</strong> abris ont été placés, on procède à l’ensemen-<br />
cement de la Cochenille. Pour cela, à l’aide d’aiguillons de<br />
Chapistle, on fixe sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> des Nopals <strong>les</strong> étuis garnis<br />
de Paxtle et dans <strong>les</strong>quels on a enfermé <strong>les</strong> mères Cochenil<strong>les</strong><br />
au moment de leur ponte (fig. 136).<br />
La Cochenille, comme on l’a vu plus haut, est ovovi-<br />
pare ; elle met, au dire des éleveurs, une quinzaine de jours<br />
à se débarrasser de la totalité de sa ponte. Les jeunes
Fig. 136. — Étuis d’ensemencement de Cochenil<strong>les</strong> fixés, sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />
d’Opuntia Hernandezii DC., var. typica Rol.-Goss. (Nopal de San Gabriel)<br />
au moyen d’aiguillons de Chapistle (Pereskiopsis Chapistle Britt. et Rose).
520 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Cochenil<strong>les</strong>, à mesure de leur naissance, restent quelque<br />
temps immobi<strong>les</strong>, puis se répandent sur le Paxtle, où el<strong>les</strong><br />
subissent un temps de repos pendant lequel el<strong>les</strong> se forti-<br />
fient avant d’aller se répartir aux endroits où el<strong>les</strong> doivent<br />
rencontrer leur subsistance 1 . À mesure que <strong>les</strong> jeunes<br />
Cochenil<strong>les</strong> s’échappent de leur étui d’incubation, el<strong>les</strong> vont<br />
se répandre sur la surface des artic<strong>les</strong> de Nopals, où, après<br />
avoir choisi un endroit à leur convenance, el<strong>les</strong> se fixent<br />
définitivement.<br />
Quoique ce procédé d’incubation artificielle donne <strong>les</strong><br />
meilleurs résultats, l’ensemencement des Cochenil<strong>les</strong> ne se<br />
fait pas toujours par l’intermédiaire des étuis incubateurs ;<br />
on laisse alors, au moment où l’on pratique la récolte, une<br />
partie des mères pondeuses sur place afin que le pro<strong>du</strong>it de<br />
leur ponte vienne peu à peu remplacer sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong>, <strong>les</strong><br />
Cochenil<strong>les</strong> que l’on avait d’abord éliminées. Ce procédé<br />
d’ensemencement, qui est beaucoup plus simple, mais par<br />
contre beaucoup moins avantageux et moins parfait pour<br />
la répartition régulière des essaims, était surtout usité par<br />
<strong>les</strong> Indiens ne disposant que de petites plantations de<br />
Nopals, ou encore par ceux qui entretenaient et récoltaient<br />
la Cochenille sauvage ; <strong>les</strong> nopaleros appelaient ce mode<br />
d’ensemencement desmadrar la grana.<br />
Un fait curieux et qui est digne d’être pris en considéra-<br />
tion, si l’on envisage <strong>les</strong> détails d’un élevage de Cochenil<strong>les</strong>,<br />
c’est que <strong>les</strong> nopaleros laissent <strong>les</strong> Araignées s’établir libre-<br />
ment sur toute l’éten<strong>du</strong>e de leur plantation. Le concours<br />
de ces animaux n’est pas, comme on l’a constaté, une<br />
chose négligeable dans la con<strong>du</strong>ite d’un bon élevage.<br />
Quoique <strong>les</strong> Araignées soient éminemment carnassières et<br />
fassent leur proie de n’importe quel insecte, el<strong>les</strong> ne s’atta-<br />
quent jamais aux Cochenil<strong>les</strong>, ce qui fait que leur présence<br />
sur une nopalerie est un événement très avantageux, car<br />
1. Alzate, qui avait eu fermé des pontes de Cochenil<strong>les</strong> dans des tubes<br />
de verre, constata que <strong>les</strong> jeunes Cochenil<strong>les</strong> pouvaient vivre une<br />
quinzaine de jours sans prendre de nourriture.
chapitRe xvii 521<br />
el<strong>les</strong> deviennent alors des auxiliaires précieux non seule-<br />
ment pour la défense, mais encore pour la régularisation de<br />
l’essaimage. Les toi<strong>les</strong> qu’el<strong>les</strong> tendent sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong><br />
constituent en tout temps des protections contre <strong>les</strong> enne-<br />
mis ailés ; de plus, <strong>les</strong> filaments de ces toi<strong>les</strong>, grâce à leur<br />
disposition symétrique, deviennent au moment de l’exode<br />
des jeunes, des cordeaux de direction qui, tout en détermi-<br />
nant la régularité de répartition, permettent à ces jeunes<br />
le passage sur un autre article, au cas où le premier n’offri-<br />
rait plus de place à leur convenance.<br />
L’essaimage complet de la Cochenille sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de<br />
Nopals <strong>du</strong>re environ deux semaines, ce qui correspond à<br />
la lente ponte des mères Cochenil<strong>les</strong> et en même temps à<br />
la dernière période de leur existence.<br />
Lorsque l’on voit qu’un article de la plante nourricière<br />
est suffisamment pourvu de sa quantité de naissains, on<br />
détache <strong>les</strong> étuis incubateurs et s’ils ne sont pas complè-<br />
tement débarrassés des pro<strong>du</strong>its de la ponte, on <strong>les</strong> reporte<br />
sur d’autres artic<strong>les</strong> non ensemencés ou incomplètement<br />
couverts.<br />
Une fois bien garnis de leur ensemencement, <strong>les</strong> plants<br />
de Nopals doivent être soumis à une surveillance des plus<br />
actives afin que tout s’accomplisse en bonne condition.<br />
Au moment où, chez <strong>les</strong> essaims de Cochenil<strong>les</strong>, vient à<br />
se pro<strong>du</strong>ire la seconde mue, on procède à un soigneux<br />
nettoyage de toute la surface des artic<strong>les</strong>, afin d’éliminer<br />
complètement <strong>les</strong> déchets de la mue précédente, <strong>les</strong> amas<br />
de déjections de l’insecte mêlés aux poussières et aux<br />
filaments de toi<strong>les</strong> d’Araignées, détritus qui, si on <strong>les</strong> lais-<br />
sait s’accumuler, nuiraient au développement normal des<br />
Cochenil<strong>les</strong>, en même temps qu’ils pourraient devenir des<br />
foyers d’infection propices au pullulement d’insectes nui-<br />
sib<strong>les</strong>.<br />
Après cette délicate opération que l’on effectue à l’aide<br />
de l’Escobedilla, et qui demande à être pratiquée avec<br />
précaution et dextérité pour ne pas endommager <strong>les</strong> frê<strong>les</strong><br />
élevages, le nopalero doit, chaque jour, faire une minu-
522 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
tieuse inspection, article par article, de tous <strong>les</strong> Nopals<br />
composant sa plantation, afin de <strong>les</strong> maintenir en parfait<br />
état de propreté, et ensuite d’opérer la destruction de tous<br />
<strong>les</strong> parasites qui ont pu s’y établir.<br />
Ce dernier travail, qui est fort minutieux et qui nécessite<br />
une patiente attention, consiste en une sorte d’échenillage<br />
fait à la main. Il s’exécute de la façon la plus simple<br />
à l’aide d’aiguillons de Chapistle qui servent alors de poin-<br />
çons pour piquer, écraser et extirper <strong>les</strong> parasites au fur<br />
et à mesure qu’on <strong>les</strong> découvre.<br />
Lorsque la quatrième mue a lieu, ce qui représente chez<br />
ces insectes la sortie de la nymphose, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> sont<br />
parvenues à leur état parfait. Les mâ<strong>les</strong> qui, jusqu’alors,<br />
vivaient mêlés aux femel<strong>les</strong> sur le même terrain et dont on<br />
ne pouvait guère commencer à <strong>les</strong> distinguer que lorsqu’ils<br />
étaient parvenus à l’état de nymphe, deviennent ailés et<br />
abandonnent définitivement la plante nourricière pour<br />
venir voltiger autour des femel<strong>les</strong> et procéder à leur fécon-<br />
dation ; ils ne prennent plus alors de nourriture et leur<br />
existence est de courte <strong>du</strong>rée.<br />
Le départ des mâ<strong>les</strong> qui représentaient environ la moitié<br />
de l’effectif des essaims, laisse plus de sève à la disposition<br />
des femel<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-ci, bénéficiant d’un regain de subsis-<br />
tance, augmentent rapidement de volume jusqu’à ce<br />
qu’el<strong>les</strong> arrivent au moment de cette ponte qui doit mar-<br />
quer le début <strong>du</strong> terme de leur vie.<br />
On reconnaît que <strong>les</strong> femel<strong>les</strong> sont prêtes à effectuer<br />
leur ponte à ce que quelques-unes, plus précoces que <strong>les</strong><br />
autres, émettent à l’extrémité de l’abdomen une goutte-<br />
lette de liquide coloré en rouge.<br />
L’apparition de cette gouttelette, que <strong>les</strong> nopaleros nom-<br />
ment limos, est l’indice <strong>du</strong> moment opportun où l’on doit,<br />
sans plus tarder, procéder à la récolte des Cochenil<strong>les</strong>, car<br />
si on laissait s’effectuer la ponte même en partie, l’insecte<br />
perdrait, comme on l’a vu plus haut, toute sa valeur mar-<br />
chande.
chapitRe xvii 523<br />
Récolte de la cochenille. — La récolte de l’insecte<br />
colorant s’exécute par un rapide brossage au Zilhuastle, sur<br />
toute l’éten<strong>du</strong>e des artic<strong>les</strong> couverts de Cochenil<strong>les</strong> ; cel<strong>les</strong>-<br />
ci, brusquement arrachées <strong>du</strong> point où el<strong>les</strong> étaient fixées,<br />
sont recueillies dans le Chilcalpetl, puis on réunit toute la<br />
récolte et on la répartit en deux lots dont l’un, le moins<br />
volumineux, est destiné à la propagation et l’autre à l’in-<br />
<strong>du</strong>strie tinctoriale.<br />
Le lot réservé à la propagation est réparti immédiatement<br />
dans <strong>les</strong> étuis incubateurs où <strong>les</strong> femel<strong>les</strong> pourront, en<br />
toute sécurité et commodité, procéder à leur ponte, grâce<br />
au Paxtle qui fournit l’humidité suffisante pour el<strong>les</strong> et leur<br />
génération.<br />
Le lot destiné au commerce doit subir un traitement<br />
particulier assurant sa conservation indéfinie.<br />
pRocédés de tRaitement pouR la conseRvation de la<br />
cochenille. — Si, après la récolte, on abandonnait la<br />
Cochenille à elle-même et en tas, elle ne tarderait pas à<br />
mourir en subissant une fermentation qui entraînerait sa<br />
pourriture et par suite la destruction de sa matière colo-<br />
rante. Aussi, pour obvier à cet inconvénient et assurer au<br />
pro<strong>du</strong>it une parfaite conservation, a-t-on soin de le sou-<br />
mettre à un traitement ayant pour objet de tuer brusque-<br />
ment la Cochenille en coagulant par la chaleur ses<br />
substances fermentescib<strong>les</strong>.<br />
Les différents procédés mis en pratique pour obtenir ce<br />
résultat sont : l’étuvage, l’eau chaude, la vapeur d’eau, la<br />
chaleur sèche.<br />
Pour le premier procédé, on emploie un four à chauffage<br />
intérieur, dont on a eu soin de modérer la température des<br />
parois par la projection d’une certaine quantité d’eau,<br />
opération qui a, en outre, pour effet de créer dans l’enceinte<br />
une atmosphère uniformément chaude et humide. On place<br />
alors dans le four ainsi préparé des lots de 20 ou 30 kilo-<br />
grammes de Cochenil<strong>les</strong> contenus dans des sacs en toile<br />
et on laisse le tout pendant le temps nécessaire pour que
524 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
la vapeur l’ait complètement pénétré, puis on défourne et<br />
on expose ces lots à l’air libre jusqu’à ce qu’ils aient per<strong>du</strong><br />
leur humidité.<br />
Pour l’étuvage à sec, on a recours au Temazcalli, sorte<br />
d’étuve assez vaste construite en maçonnerie dont <strong>les</strong><br />
Indiens se servaient jadis pour <strong>les</strong> bains de vapeur ; dans<br />
l’intérieur de cette sorte de chambre chaude, <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong><br />
ne sont plus placées en sacs, mais répan<strong>du</strong>es en couches<br />
peu épaisses, sur des nattes ou paillassons que l’on nomme<br />
dans le pays Petates ; l’opération peut ainsi se con<strong>du</strong>ire<br />
beaucoup plus régulièrement.<br />
Ces deux procédés d’étuvage permettent de conserver,<br />
<strong>du</strong> moins en partie, l’exsudat cireux et poudreux garnis-<br />
sant <strong>les</strong> segments abdominaux de l’insecte ; c’est un avan-<br />
tage qui, jusqu’à un certain point, permet de reconnaître<br />
à première vue si la Cochenille domestique a été mélangée<br />
avec la forme sauvage ; aussi le pro<strong>du</strong>it obtenu, auquel on<br />
donnait le nom de Grana jaspeada, était-il particulièrement<br />
apprécié des négociants.<br />
Le procédé de préparation par la vapeur ou par l’eau<br />
bouillante consiste à placer sur un récipient, où l’on main-<br />
tient de l’eau en ébullition, des sacs contenant de la Coche-<br />
nille ; lorsque la vapeur s’échappe à travers ces derniers,<br />
l’opération est terminée.<br />
Le procédé, plus expéditif, de l’eau bouillante, consiste à<br />
précipiter brusquement dans une bassine contenant de l’eau<br />
en ébullition, une certaine quantité de Cochenil<strong>les</strong> que<br />
’on agite à l’aide d’une palette ; puis, lorsque la Cochenille<br />
est devenue complètement noire, on la retire et on l’étend<br />
au soleil pendant un jour ou deux afin d’achever de la<br />
sécher.<br />
Ces deux procédés, moins parfaits que ceux de l’étuvage,<br />
fournissent un pro<strong>du</strong>it d’une teinte roussâtre, auquel on<br />
donne sur <strong>les</strong> marchés le nom de Grana renegrida.<br />
La troisième méthode, qui est celle de la chaleur sèche,<br />
donne ce que l’on appelle la Grana negra ; cette dernière,<br />
qui était surtout préparée par <strong>les</strong> Indiens ne disposant que
chapitRe xvii 525<br />
de faib<strong>les</strong> récoltes, était obtenue par deux procédés diffé-<br />
rents. Dans un de ces procédés, on mélangeait la Coche-<br />
nille avec de la cendre chaude avec laquelle on la mainte-<br />
nait en continuel état d’agitation ; lorsque la Cochenille<br />
était à peu près desséchée, on la séparait de la cendre par<br />
un passage au tamis. L’autre procédé consistait à chauffer<br />
directement l’insecte sur la plaque de terre cuite, désignée<br />
sous le nom de Comal, dont <strong>les</strong> indigènes se servent dans<br />
leurs usages domestiques pour la cuisson de ces galettes<br />
de maïs dont ils font leur alimentation courante.<br />
Ces derniers procédés, par trop primitifs, sont en outre<br />
assez défectueux, car ils ont souvent l’inconvénient de tor-<br />
réfier une partie des Cochenil<strong>les</strong> et de leur faire perdre<br />
par là de la valeur marchande.<br />
La coagulation de la Cochenille est indispensable non<br />
seulement pour sa propre conservation, mais aussi pour<br />
celle de son principe colorant, car ce dernier subissant alors<br />
une combinaison avec <strong>les</strong> matières grasses et <strong>les</strong> albumi-<br />
noïdes, acquiert une solidité qui lui permet de résister pour<br />
ainsi dire indéfiniment à l’action destructive <strong>du</strong> temps, de<br />
l’air et de la lumière.<br />
CATÉGORIES COMMERCIALES DE COCHENILLE<br />
Une fois desséchée, la Cochenille doit subir un triage au<br />
crible afin qu’elle puisse être, suivant sa dimension, répartie<br />
en quatre sortes commercia<strong>les</strong>.<br />
La première catégorie, qui est celle de choix, se nomme<br />
Engorda<strong>du</strong>ra ; elle représente l’insecte normalement et com-<br />
plètement développé. Les trois autres catégories sont cel<strong>les</strong><br />
qui sont dites : Media grana, Granilla et Mostacilla. Ces<br />
trois sortes se différencient par leur volume, la dernière<br />
étant la plus petite ainsi que l’indique sa dénomination<br />
diminutive de Mostacilla (petite graine de moutarde) ; elle<br />
représente un échantillonnage de Cochenil<strong>les</strong> atrophiées<br />
ou incomplètement développées
526 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
En plus de cette répartition commerciale, sur laquelle<br />
se fait l’empaquetage en vue de l’exportation et de la<br />
vente courante sur <strong>les</strong> marchés, on utilise comme sous-<br />
pro<strong>du</strong>its de l’élevage, deux sortes de déchets, qui trouvent<br />
encore leur utilisation dans l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale ; on<br />
désigne alors ces rési<strong>du</strong>s d’exploitation sous <strong>les</strong> noms de<br />
Zacatillo et de Tlazole.<br />
Le Zacatillo est fourni par <strong>les</strong> Cochenil<strong>les</strong> qui ont pon<strong>du</strong><br />
dans <strong>les</strong> étuis d’ensemencement ; ces dernières, quoique<br />
vidées à peu près complètement par leur ponte, conservent<br />
néanmoins, dans leurs téguments, encore une quantité<br />
appréciable de matière colorante ; le nom de Zacatillo vient<br />
de ce que l’on a récolté ce bas pro<strong>du</strong>it dans <strong>les</strong> boures de<br />
Paxtle ayant servi à garnir <strong>les</strong> étuis d’ensemencement<br />
(Zacatl = herbe, foin).<br />
Le dernier, qui est le Tlazole (Tlazolli = déchet, balayure),<br />
consiste dans tous <strong>les</strong> rési<strong>du</strong>s que le crible a retenus et qui<br />
sont constitués par des détritus de toutes sortes composés<br />
en majeure partie des mues et débris de Cochenil<strong>les</strong>, prin-<br />
cipalement des mâ<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> corps ont été retenus par<br />
<strong>les</strong> toi<strong>les</strong> d’Araignées : ce Tlazole contient encore une certaine<br />
quantité de matière colorante, ce qui lui permet une<br />
utilisation dans la petite in<strong>du</strong>strie tinctoriale de la localité.<br />
DIFFÉRENTS MODES DE CULTURE INDIGÈNE<br />
Les procédés d’exploitation de la Cochenille et de la<br />
culture de ses Nopals nourriciers, qui viennent d’être expo-<br />
sés, sont ceux que l’on pratiquait dans <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> nopa-<br />
leries de la vallée de Oaxaca. Dans d’autres régions de l’In-<br />
tendance de Oaxaca, où l’entreprise d’élevage de la Coche-<br />
nille était prospère, mais où le climat était loin de présenter<br />
la même uniformité, on était obligé de modifier <strong>les</strong><br />
méthodes d’élevage, afin de <strong>les</strong> adapter aux exigences<br />
régiona<strong>les</strong>.<br />
Dans son rapport daté <strong>du</strong> 21 février 1759, Francisco
chapitRe xvii 527<br />
Ibañez de Corvera, alcade-major de Zimathan, dit que, dans<br />
sa juridiction, on proportionne <strong>les</strong> procédés d’élevage aux<br />
conditions de terroir et de climat. C’est ainsi, affirme-t-il,<br />
que dans la région de Sosola, dont le climat peut parfois<br />
devenir momentanément assez rude, on ne pratique pas<br />
l’élevage de la Cochenille réservée à la propagation sur des<br />
plants maintenus en nopalerie, mais, bien au contraire, sur<br />
des artic<strong>les</strong> de Nopals séparés de la plante. Ces derniers<br />
sont d’abord enserrés, pendant une vingtaine de jours, dans<br />
des grottes ou dans des abris obscurs, afin de leur faire<br />
subir un léger étiolement ; puis on <strong>les</strong> place, suspen<strong>du</strong>s,<br />
sous des hangars couverts de chaume et on procède à leur<br />
ensemencement au mois de mai comme cela a lieu <strong>du</strong> reste<br />
dans <strong>les</strong> grandes nopaleries de la vallée de Oaxaca. Lorsque<br />
le moment de la ponte de cette Cochenille régénérée est<br />
arrivé, on la récolte pour la transporter sur des plants<br />
entretenus en nopalerie.<br />
Dans la région de Nejapa (Santo Domingo), <strong>du</strong> district<br />
de Jautepec, qui est la région la plus chaude où l’élevage<br />
de la Cochenille domestique ait été entreprise d’une façon<br />
courante, on laisse, comme on l’a vu d’après le rapport de<br />
Pantaleon Ruiz y Montoya, l’insecte colorant se développer<br />
spontanément et librement sur <strong>les</strong> Nopals, tout en ayant<br />
soin de pratiquer la surveillance assi<strong>du</strong>e que comporte un<br />
élevage aussi délicat.<br />
De Humboldt, dans son essai sur la Nouvelle Espagne,<br />
mentionne encore la coutume curieuse mise en usage par<br />
<strong>les</strong> indigènes habitant la Sierra d’Ixtepec, qui consiste à<br />
faire voyager la Cochenille afin de supprimer par des<br />
changements de climat l’emploi des abris protecteurs et<br />
le passage régénérateur de la Cochenille sur le Nopal de<br />
Castilla.<br />
Dans la région de cette sierra, de climat assez sec, où il<br />
ne pleut que pendant la période comprise entre décembre<br />
et avril, <strong>les</strong> Indiens placent <strong>les</strong> lots de Cochenil<strong>les</strong> destinées<br />
à la propagation et obtenues à la fin de la saison, de mai<br />
à août, en couches stratifiées sur des feuil<strong>les</strong> de palmier
528 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
qu’ils disposent dans de grandes corbeil<strong>les</strong> en jonc tressé,<br />
afin de pouvoir <strong>les</strong> transporter facilement et sans encombre<br />
à une autre station d’élevage située sur une sierra distante<br />
de neuf lieues de la ville de Oaxaca. Pendant le trajet, <strong>les</strong><br />
Cochenil<strong>les</strong> commencent leur ponte, de sorte qu’à l’arrivée<br />
à destination, on trouve sur la garniture des corbeil<strong>les</strong> de<br />
nombreux jeunes dont il n’y a plus qu’à faire la distribution<br />
dans <strong>les</strong> nopaleries aménagées à cet effet.<br />
A partir d’octobre, où a lieu la récolte, on fait subir un<br />
nouveau transport aux Cochenil<strong>les</strong> pondeuses et, cette fois,<br />
on <strong>les</strong> ensemence dans <strong>les</strong> nopaleries des vallées où le<br />
climat est, à cette saison, plus sec et plus clément que<br />
celui des montagnes.<br />
Un fait certain et qui a pu être reconnu par une longue<br />
expérience, c’est que la Cochenille, à quelque catégorie ou<br />
variété qu’elle appartienne, préfère pour sa nourriture des<br />
Nopals très gorgés de sucs et en même temps en bonne<br />
condition de végétation ; cela ne peut bien se réaliser en<br />
tout temps que sous des climats suffisamment chauds et<br />
réguliers. Par contre, dans <strong>les</strong> pays soumis à un régime<br />
climatérique un peu froid, la Cochenille acquiert une<br />
constitution meilleure, plus robuste et plus vigoureuse,<br />
mais avec cette restriction qu’elle s’y montre moins proli-<br />
fique.<br />
Aussi ce sont en grande partie ces considérations qui<br />
motivent le choix de la vallée de Oaxaca pour y établir<br />
l’entreprise en grand des nopaleries à Cochenil<strong>les</strong>, et où,<br />
selon de Humboldt, on pouvait, au commencement <strong>du</strong><br />
xix e siècle, voir des haciendas possédant jusqu’à 60.000<br />
plants de Nopals consacrés uniquement à l’é<strong>du</strong>cation de la<br />
Cochenille.<br />
En somme, il ressort de ces faits que ce sont <strong>les</strong> condi-<br />
tions climatériques, jointes aux considérations économi-<br />
ques, qui furent surtout <strong>les</strong> causes ayant dicté <strong>les</strong> différents<br />
modes employés dans l’é<strong>du</strong>cation de la Cochenille.<br />
Ce qui le prouve bien, c’est que <strong>les</strong> Espagnols, pour ne<br />
pas perdre le bénéfice d’une entreprise aussi fructueuse,
chapitRe xvii 529<br />
lorsqu’ils se virent contraints par <strong>les</strong> événements politiques<br />
à la transporter dans la mère patrie, eurent recours à des<br />
procédés tout différents et qui s’adaptaient alors avec leur<br />
système d’agriculture.<br />
Dans <strong>les</strong> élevages qui furent entrepris dans le sud de<br />
l’Espagne et aux Î<strong>les</strong> Canaries, on ne se conforma pas,<br />
comme l’apprend le mémoire de Hermann von Honegger<br />
cité plus haut, à l’emploi de ces nopaleries de surface<br />
limitée préconisées au Mexique, mais on utilisa <strong>les</strong> plan-<br />
tations d’Opuntia déjà existantes et dont on s’était servi<br />
jusqu’alors pour une pro<strong>du</strong>ction fruitière.<br />
Deux sortes d’Opuntia furent préconisées, mais ce ne<br />
fut pas, comme dans <strong>les</strong> élevages mixtèques, pour des des-<br />
tinations particulières.<br />
Ces deux espèces étaient l’O. Hernandezii DC., reconnu<br />
comme étant le plus avantageux pour une pro<strong>du</strong>ction<br />
intensive, et qui fut alors naturalisé à l’île Palma, et<br />
l’O. Ficus-indica Mill. que l’auteur, par suite d’une équivoque<br />
de dénomination, appelle O. Tuna Mill. Cultivé<br />
depuis longtemps dans le pays pour le commerce de ses<br />
fruits, l’O. Ficus-indica fut seulement, pour sa nouvelle<br />
application, sélectionné afin de réaliser une forme moins<br />
riche en fructification, mais, par contre, mieux conditionnée<br />
sous le rapport de la constitution de ses artic<strong>les</strong>.<br />
Le mode de récolte des Cochenil<strong>les</strong> fut également modi-<br />
fié ; au lieu de la faire sur la plante même, on coupait <strong>les</strong><br />
artic<strong>les</strong> chargés de Cochenil<strong>les</strong>, puis, lorsqu’on <strong>les</strong> avait<br />
dépouillés de leurs essaims, ils étaient rejetés ou, pour ne<br />
pas <strong>les</strong> perdre, on s’en servait, après <strong>les</strong> avoir ré<strong>du</strong>its en<br />
fragments, comme fourrage pour le bétail ou comme<br />
engrais vert pour améliorer <strong>les</strong> terrains trop arides.<br />
Ce procédé, quelque brutal et peu économique qu’il puisse<br />
paraître à première vue, avait l’avantage de supprimer le<br />
séjour régénérateur d’une génération de Cochenil<strong>les</strong> sur le<br />
Nopal de Castilla, car il permettait d’offrir aux essaims de<br />
Cochenil<strong>les</strong> des artic<strong>les</strong> nourriciers toujours neufs et<br />
n’ayant pas subi d’épuisement par <strong>les</strong> effets d’élevages<br />
successifs.<br />
34
530 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
PARASITES ET MALADIES DES COCHENILLES<br />
ET DES OPUNTIA<br />
Les élevages de Cochenil<strong>les</strong> sont sujets à de nombreuses<br />
causes de dommages qui, si on n’y prend garde et si on n’y<br />
remédie pas, peuvent compromettre sérieusement le succès<br />
de l’entreprise.<br />
Les causes de destruction qui peuvent surgir au cours des<br />
opérations, et qui menacent aussi bien la Cochenille que la<br />
plante sur laquelle elle vit, sont variées et comportent non<br />
seulement des destructeurs éventuels, mais aussi et surtout<br />
des agents de parasitisme et de transmission d’affections<br />
morbides.<br />
Outre le bétail et <strong>les</strong> animaux domestiques, tels que<br />
chiens et pou<strong>les</strong>, dont l’accès aux nopaleries peut entraîner<br />
de sérieux dégâts, il y a encore <strong>les</strong> animaux sauvages<br />
comme <strong>les</strong> petits rongeurs, <strong>les</strong> oiseaux insectivores, <strong>les</strong><br />
lézards, etc., dont <strong>les</strong> déprédations peuvent occasionner de<br />
sérieux préjudices ; mais leurs méfaits, dont on peut se<br />
préserver par des clôtures bien conditionnées et des pièges<br />
faci<strong>les</strong> à réaliser, ne sont que peu de chose en comparaison<br />
de ce que la nopalerie a à redouter des insectes et des<br />
maladies.<br />
Les insectes, soit à l’état larvaire, soit à l’état parfait,<br />
peuvent causer des dégâts considérab<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> effets met-<br />
tent en péril tout un élevage.<br />
Tous ces ennemis de petite taille sont parfaitement<br />
connus des éleveurs qui <strong>les</strong> désignent chacun par une<br />
dénomination vernaculaire spéciale, tels sont <strong>les</strong> Surron,<br />
Milba, Seno, Cabresto, Agugilla, Telero, Giceritu, etc.<br />
A cette liste, il faut encore, et surtout, ajouter la Coche-<br />
nille sauvage qui est peut-être le parasite dont on redoute<br />
le plus <strong>les</strong> méfaits. Lorsque cette Cochenille sauvage s’in-<br />
tro<strong>du</strong>it clans une nopalerie à côté de celle qui est soumise<br />
à l’élevage, elle ne tarde pas à la faire disparaître, non en<br />
la dévorant comme on a pu le prétendre, mais en la faisant
Araignése -><br />
Araignées<br />
chapitRe xvii 531<br />
périr par suite de privation de subsistance. Plus précoce et<br />
plus vorace, la Cochenille sauvage épuise promptement <strong>les</strong><br />
sucs des Nopals améliorés par la culture, de sorte que la<br />
plante ne pouvant plus fournir ses sucs en quantité suffi-<br />
sante à la Cochenille domestique, celle-ci dépérit et meurt<br />
d’inanition.<br />
En plus des parasites, le nopalero a encore à combattre<br />
certaines maladies qui peuvent parfois, dans <strong>les</strong> essaims<br />
de Cochenil<strong>les</strong>, revêtir un caractère épidémique. Les deux<br />
affections qui sont le plus à redouter sont cel<strong>les</strong> que l’on<br />
désigne sous <strong>les</strong> noms de Choreo et de Chamusco.<br />
Le Choreo, ainsi que son nom l’indique, est une sorte<br />
de diarrhée qui amène l’épuisement complet de l’insecte et<br />
le tue à bref délai, en le laissant ré<strong>du</strong>it à ses uniques tégu-<br />
ments externes.<br />
Dans la seconde affection, qui est celle <strong>du</strong> Chamusco,<br />
la Cochenille diminue de volume en prenant progressive-<br />
ment une teinte noirâtre, puis meurt complètement recro-<br />
quevillée.<br />
Ces deux maladies se pro<strong>du</strong>isent plus particulièrement à<br />
la saison des pluies ; el<strong>les</strong> paraissent être surtout occa-<br />
sionnées par la stagnation d’une atmosphère humide sous<br />
<strong>les</strong> abris.<br />
Contre <strong>les</strong> ravages <strong>du</strong> parasitisme et <strong>les</strong> affections mor-<br />
bides de la Cochenille, il n’y a d’autre moyen de préser-<br />
vation efficace que la destruction immédiate des parasites<br />
et des Cochenil<strong>les</strong> contaminées aussitôt que leur présence<br />
a été constatée. Cette élimination s’exécute à l’aide d’épines<br />
de Chapistle qui permettent d’extirper et de supprimer<br />
facilement toutes <strong>les</strong> causes de destruction qui se four-<br />
voient parmi <strong>les</strong> élevages.<br />
On peut, jusqu’à un certain point, comme on l’a vu plus<br />
haut, se mettre à l’abri des insectes nuisib<strong>les</strong> ailés en lais-<br />
sant <strong>les</strong> Araignées développer leur toile sous <strong>les</strong> abris et<br />
entre <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> de Nopals.<br />
Les Opuntia cochenillico<strong>les</strong> sont, eux aussi, sujets à un<br />
certain nombre d’ennemis qui s’attaquent surtout aux
532 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
racines. Ces derniers sont, pour la plupart, des larves de<br />
Coléoptères ; aussi doit-on <strong>les</strong> rechercher et <strong>les</strong> détruire<br />
chaque fois que l’on pratique l’ameublissement <strong>du</strong> sol.<br />
Une affection morbide très grave, qui atteint <strong>les</strong> Opuntia<br />
et particulièrement ceux des nopaleries, est celle qui se<br />
déclare subitement sur certains plants et <strong>les</strong> font rapide-<br />
ment tomber en pourriture. Cette affection, qui est sûre-<br />
ment d’origine bactérienne, débute habituellement par <strong>les</strong><br />
racines et envahit progressivement toute la plante dont elle<br />
transforme le parenchyme en une bouillie noirâtre.<br />
Cette maladie, qui peut tuer un Nopal en l’espace de très<br />
peu de temps, se pro<strong>du</strong>it habituellement dans <strong>les</strong> terres<br />
devenues trop humides par suite d’un drainage naturel<br />
insuffisant ; elle paraît surtout être la conséquence de b<strong>les</strong>-<br />
sures faites aux racines par <strong>les</strong> larves de Coléoptères.<br />
On ne connaît d’autres procédés pratiques pour com-<br />
battre radicalement cette décomposition qui pourrait<br />
s’étendre de proche en proche à toute la plantation, que<br />
l’extirpation et la destruction par le feu des sujets conta-<br />
minés, puis l’écobuage de la partie <strong>du</strong> sol où ils végétaient.<br />
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L’INTÉRÊT<br />
INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DE LA COCHENILLE<br />
Le travail courant d’un élevage de Cochenille était,<br />
comme on le voit, fort méticuleux et fort absorbant pour<br />
celui qui s’y livrait, car la moindre incurie ou la moindre<br />
négligence de sa part pouvait entraîner des pertes irrépa-<br />
rab<strong>les</strong>.<br />
Aussi cette entreprise représentait-elle une véritable<br />
occupation familiale à laquelle devaient prendre part non<br />
seulement celui qui en avait la charge, mais tous ceux qui<br />
composaient sa famille ; car, outre l’élevage pur et simple,<br />
il y avait encore l’inspection quotidienne de chaque article<br />
de Nopal pour la recherche et l’extermination des parasites,<br />
opération délicate et indispensable qui réclamait de fré-
chapitRe xvii 533<br />
quentes visites d’inspection et qui, souvent, obligeait à des<br />
stations plus ou moins prolongées au pied de chaque plant.<br />
L’ancienne in<strong>du</strong>strie agricole des Indiens mixtèques prit,<br />
sous la domination espagnole, un essor considérable et<br />
devint rapidement, pour la colonie de la Nouvelle-Espagne,<br />
une source de grande richesse, car elle fournissait alors à<br />
l’exportation une denrée coloniale dont l’importance équi-<br />
valait, toute proportion gardée, à celle d’une exploitation<br />
minière.<br />
Pour ce qui est de l’estimation de la pro<strong>du</strong>ction annuelle<br />
dans <strong>les</strong> différentes provinces où l’on exploitait l’élevage de<br />
la Cochenille, on ne possède que de vagues renseignements<br />
qui ne permettent guère de faire une évaluation sérieuse,<br />
sauf cependant pour la province de Oaxaca où <strong>les</strong> chiffres<br />
ont été conservés et publiés.<br />
D’après de Humboldt, qui visita le Mexique au moment<br />
où cette in<strong>du</strong>strie, aujourd’hui abandonnée, était encore<br />
dans toute la splendeur de sa prospérité, la quantité de<br />
Cochenille fournie à l’Europe par la seule intendance de<br />
Oaxaca pouvait être évaluée, année commune, à 32.000 arrobas,<br />
c’est-à-dire à environ 350.000 kilogrammes.<br />
Orozco y Berra donne, dans le supplément de son Diccionario<br />
de Historia y Geografìa (I, p. 558), à l’article Cochenilla<br />
mixteca, un tableau des chiffres officiels de la pro<strong>du</strong>ction<br />
de la Cochenille, année par année, qui représente<br />
le dernier siècle de la grande exploitation.<br />
Il résulte de la moyenne de ces chiffres relevés dans le<br />
registre de l’Administration principale de rentas de Oaxaca,<br />
pendant le cours de quatre-vingt-seize années, que l’on<br />
arrive à une estimation de 300.000 kilogrammes, c’est-à-dire<br />
à une quantité sensiblement la même que celle donnée par<br />
de Humboldt.<br />
Il en résulte que la pro<strong>du</strong>ction annuelle de la Cochenille<br />
fut une source de revenus très importante, non seulement<br />
pour la province pro<strong>du</strong>ctrice, mais aussi pour le Gouver-<br />
nement espagnol, car la Cochenille se négociait sur la place<br />
de Oaxaca à raison de 90 piastres l’arrobe.
534 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
Elle payait à cette ville un droit d’exportation de 13 pias-<br />
tres, et à Vera-Cruz, qui était le port aménagé pour l’expé-<br />
dition de cette denrée en Europe, un autre droit de<br />
8 piastres par arrobe. Joints à cela différents frais que com-<br />
portaient la manutention pour le dernier transport et<br />
ensuite l’expertise ren<strong>du</strong>e obligatoire par <strong>les</strong> lois afin de<br />
sauvegarder la qualité de la marchandise, cette denrée<br />
arrivait à atteindre, ren<strong>du</strong>e à destination en Espagne, la<br />
valeur de 130 piastres l’arrobe, c’est-à-dire presque le<br />
double de ce qu’elle se négociait sur le marché de Oaxaca.<br />
Cet élevage de la Cochenille qui, pendant près de trois<br />
sièc<strong>les</strong>, constitua l’entreprise la plus remarquable de l’ex-<br />
ploitation des haciendas de la riche et fertile vallée de<br />
Oaxaca, connut, dès qu’elle passa aux mains des Espagnols,<br />
une ère de prospérité vraiment inouïe, qui alla en s’accen-<br />
tuant jusqu’à ce qu’elle eut atteint le niveau élevé où elle<br />
se maintint jusqu’au commencent <strong>du</strong> xix e siècle.<br />
A partir de cette époque, elle commença à péricliter et à<br />
subir <strong>les</strong> vicissitudes qui la con<strong>du</strong>isirent peu à peu à la<br />
déchéance et à la ruine complète où elle se trouve aujourd’hui,<br />
et qui furent la conséquence des graves événements<br />
politiques ayant amené le désarroi dans l’exploitation commerciale<br />
des colonies espagno<strong>les</strong> de l’Amérique.<br />
Ce furent d’abord <strong>les</strong> guerres ruineuses que l’Espagne<br />
eut à soutenir avec l’Angleterre et ensuite avec la France, et<br />
qui, pendant un certain temps, interrompirent le commerce<br />
interocéanique. Ensuite vint la proclamation de l’Indépendance<br />
<strong>du</strong> Mexique, qui fit perdre à l’Espagne une de ses<br />
plus pro<strong>du</strong>ctives colonies et celle où se faisait surtout, et<br />
dans <strong>les</strong> meilleures conditions, l’élevage de la Cochenille.<br />
Pour ne pas abandonner le monopole si avantageux de<br />
cette entreprise, l’Espagne <strong>du</strong>t alors transporter et établir<br />
l’élevage de la Cochenille dans la mère-patrie au détriment<br />
<strong>du</strong> pays d’origine, qui, ne pouvant faire d’exportation, se<br />
trouva ré<strong>du</strong>it aux simp<strong>les</strong> ressources qu’il avait jadis, le<br />
marché mondial lui étant désormais fermé par la concurrence<br />
des nouvel<strong>les</strong> exploitations.
chapitRe xvii 535<br />
Les nopaleries mixtéco-zapotèques qui, jusqu’alors,<br />
n’avaient pas connu de rivalité, purent néanmoins survivre<br />
grâce à leur antique renommée ; el<strong>les</strong> <strong>du</strong>rèrent jusqu’à ce<br />
ue la découverte des matières colorantes artificiel<strong>les</strong> vint<br />
irrémédiablement <strong>les</strong> ré<strong>du</strong>ire à néant.<br />
Aujourd’hui, l’antique et rémunératrice exploitation de<br />
la vallée de Oaxaca n’est plus qu’un vague souvenir qui<br />
n’était tout au plus conservé, il y a une vingtaine d’années,<br />
que par quelques petites nopaleries que <strong>les</strong> indigènes<br />
entretenaient au village de San Pedro, auprès de Ocotlan, et<br />
dont la pro<strong>du</strong>ction en Cochenille suffisait amplement aux<br />
besoins de la petite in<strong>du</strong>strie de la localité qui, malgré le<br />
cours des événements, avait pu se maintenir.<br />
ENTREPRISE DE L’ÉLEVAGE DE LA COCHENILLE<br />
EN DEHORS DE SON PAYS D’ORIGINE<br />
Les incomparab<strong>les</strong> qualités qu’offrait jadis la Cochenille<br />
comme matière colorante et dont l’in<strong>du</strong>strie mondiale était<br />
tributaire de l’Espagne, incita à entreprendre son élevage<br />
dans <strong>les</strong> régions situées dans <strong>les</strong> pays chauds ou tempérés.<br />
Le Portugal, la Hollande, l’Angleterre, l’Italie, la France,<br />
firent des efforts pour réaliser cette entreprise soit sur leur<br />
propre sol, soit surtout dans leur domaine colonial.<br />
Le Portugal en fit des élevages au Brésil, la Hollande<br />
dans ses possessions des î<strong>les</strong> de la Sonde, l’Italie dans la<br />
partie insulaire de son territoire, l’Angleterre en Australie<br />
et dans l’Inde. Pour ce dernier pays, on sait, d’après de<br />
Humboldt, que Nelson, en 1795, transporta de Rio-de-<br />
Janeiro des Cochenil<strong>les</strong> vivantes, avec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on créa<br />
des nopaleries aux environs de Calcutta, de Chittagong et de<br />
Madras ; mais on ignore si <strong>les</strong> insectes transportés étaient<br />
vraiment la Cochenille fine ou simplement une de ses<br />
variétés quelconques plus ou moins sauvages recueillie sur<br />
des Opuntia brésiliens.<br />
Pour ce qui est de la France, Thierry de Menouville,
536 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
avocat et botaniste <strong>du</strong> roi, désireux de faire bénéficier de<br />
cette fructueuse entreprise la colonie de Saint-Domingue,<br />
où il résidait, entreprit, en 1777, un voyage au Mexique et<br />
pénétra, non sans difficulté, dans la province de Oaxaca<br />
d’où il rapporta des échantillons et de précieux renseignements<br />
techniques sur l’intéressante in<strong>du</strong>strie dont il espérait<br />
doter son pays. A son retour à Saint-Domingue, il<br />
entreprit auprès de Port-au-Prince ses premiers essais<br />
d’élevage dont <strong>les</strong> résultats furent encourageants ; mais,<br />
par suite de sa mort et ensuite de la révolution qui éclata<br />
dans le pays et d’où résulta pour la France la perte de sa<br />
plus belle colonie des Antil<strong>les</strong>, l’entreprise fut abandonnée.<br />
En 1806, une tentative pour l’élevage de la Cochenille<br />
fut essayée dans le sud de la France : un chirurgien de la<br />
marine française, nommé Sourceylier, réussit à apporter<br />
<strong>du</strong> Mexique en Europe des Cochenil<strong>les</strong> vivantes ; il <strong>les</strong> remit<br />
au professeur de botanique de Toulon, mais <strong>les</strong> essais que<br />
l’on fit ne donnèrent aucun résultat.<br />
Vers 1830, une tentative de naturalisation de Cochenil<strong>les</strong><br />
fut essayée en Corse par Bélaire, et une autre en 1834<br />
en Algérie par Loze, chirurgien de la Marine ; aucune de<br />
ces deux entreprises ne réussit.<br />
Vers la même époque et peu de temps après l’indépendance<br />
définitive <strong>du</strong> Mexique, <strong>les</strong> Espagnols importèrent des<br />
Cochenil<strong>les</strong> vivantes en Europe afin d’en faire un élevage<br />
en grand dans le sud de leur pays et aux Î<strong>les</strong> Canaries, ce<br />
qui leur permit de conserver <strong>du</strong> moins en partie le monopole<br />
de la pro<strong>du</strong>ction de la Cochenille, que la perte de leur<br />
colonie avait compromis.<br />
Mais <strong>les</strong> habitants, qui ne comprenaient pas l’intérêt de<br />
l’élevage d’un insecte qu’ils considéraient comme le parasite<br />
nuisible d’une plante fruitière, et contre lequel ils<br />
avaient toujours lutté, s’opposèrent, au début, à cette innovation,<br />
la considérant désastreuse pour une pro<strong>du</strong>ction<br />
fruitière, qui était depuis longtemps une ressource précieuse<br />
dans l’alimentation des classes pauvres. Ce fut seulement<br />
après <strong>les</strong> résultats obtenus par quelques agricul-
chapitRe xvii 537<br />
teurs plus éclairés, que <strong>les</strong> habitants des Canaries finirent<br />
par se rendre compte que <strong>les</strong> profits que l’on pouvait retirer<br />
de l’Opuntia étaient plus avantageux pour eux avec l’éle-<br />
vage <strong>du</strong> parasite qu’avec la récolte des fruits telle qu’on<br />
l’avait jusqu’alors pratiquée. Aussi, à partir de ce moment,<br />
l’élevage de la Cochenille prit un rapide essor que <strong>les</strong><br />
chiffres officiels d’exportation accusent clairement : en<br />
1831, le pro<strong>du</strong>it récolté n’était que de 4 kil. ; en 1832 de<br />
60 kil. ; en 1833, 660 kil. ; en 1838 de 9.000 kil., et en 1850<br />
il atteignait le chiffre de 400.000 kil., c’est-à-dire à un<br />
maximum plus élevé que la moyenne obtenue annuellement<br />
dans la vallée de Oaxaca.<br />
En 1834, plusieurs pieds de Nopals chargés de leurs<br />
insectes furent transportés aux environs de Malaga, puis à<br />
Cadix et à Valence ; le succès dans ces nouveaux pays répon-<br />
dit à ce que l’on escomptait, car, d’après l’estimation com-<br />
merciale, la Cochenille récoltée sur ces nouveaux terroirs<br />
de naturalisation arrivait, assure-t-on, à rivaliser avec<br />
celle qui était exportée des régions mixtéco-zapotèques.<br />
Les résultats obtenus par l’Espagne furent suffisamment<br />
concluants pour encourager la reprise des tentatives que<br />
jusqu’alors on avait faites sans succès en France. Simon-<br />
net, pharmacien à Alger, résolut de mettre à profit <strong>les</strong><br />
connaissances qu’un séjour d’une année en Espagne, dans<br />
<strong>les</strong> environs de Valence, lui avait permis d’acquérir sur la<br />
technique de l’élevage de la Cochenille. Il pensa que ce<br />
serait rendre un grand service à la France que de propager<br />
dans sa colonie <strong>du</strong> nord de l’Afrique la pro<strong>du</strong>ction de cette<br />
denrée pour laquelle elle dépensait annuellement, pour <strong>les</strong><br />
besoins de son in<strong>du</strong>strie, une somme estimée à 9 ou 10 mil-<br />
lions. Bravant <strong>les</strong> lois espagno<strong>les</strong> qui, comme au Mexique,<br />
prononçaient <strong>les</strong> peines <strong>les</strong> plus sévères contre quiconque<br />
exporterait de la Cochenille vivante, il partit de Valence<br />
muni de tout ce qui était nécessaire à l’exécution de son<br />
projet. Ses premiers essais ne furent pas heureux mais, ne<br />
perdant pas courage, il arriva, par sa persévérance, à sur-<br />
monter toutes <strong>les</strong> difficultés. Son principal insuccès, comme<br />
il le reconnut rapidement, provenait de ce qu’il avait eu
538 <strong>les</strong> <strong>cactacées</strong> uti<strong>les</strong> <strong>du</strong> <strong>mexique</strong><br />
recours à des Nopals impropres aux bonnes conditions de<br />
subsistance de la Cochenille. Se servant alors de variétés<br />
d’Opuntia employées en Espagne, il réussit à obtenir en<br />
1840 une petite récolte de 500 gr. qui fut reconnue de la<br />
meilleure qualité.<br />
A son instigation, plusieurs agronomes d’Algérie s’inté-<br />
ressèrent à l’affaire et installèrent des nopaleries auprès<br />
d’Alger, Bône et Oran ; une nopalerie modèle fut même<br />
créée au jardin d’essais <strong>du</strong> Hamma par <strong>les</strong> soins de<br />
Hardy, son directeur, et Loze, pharmacien de la<br />
marine, fut chargé de la direction technique. En 1847, un<br />
lot de Cochenille, prélevé sur <strong>les</strong> récoltes de 1843 et 1846,<br />
fut envoyé à Marseille par <strong>les</strong> soins <strong>du</strong> Ministère de la<br />
guerre afin de déterminer la valeur marchande <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />
des élevages algériens : la Cochenille fut reconnue<br />
identique aux meilleures sortes que l’on employait dans<br />
l’in<strong>du</strong>strie tinctoriale. Depuis lors, l’élevage de la Cochenille<br />
alla en progressant ; en 1853 on pouvait déjà compter, rien<br />
que dans la seule province d’Alger, quatorze nopaleries<br />
mettant en oeuvre 61.600 plants d’Opuntia cochenillico<strong>les</strong>.<br />
Mais cette fructueuse in<strong>du</strong>strie, que l’on avait réussi,<br />
après tant d’efforts, à implanter en dehors de son pays<br />
d’origine, <strong>du</strong>t, comme <strong>du</strong> reste dans <strong>les</strong> autres pays pro-<br />
<strong>du</strong>cteurs, être complètement abandonnée à la suite de la<br />
découverte des matières colorantes artificiel<strong>les</strong> et principa-<br />
lement de l’alizarine de synthèse. Cette dernière, en venant<br />
supplanter le carmin, acheva de ruiner la remarquable<br />
entreprise dont l’in<strong>du</strong>strie mondiale fut redevable à la<br />
conquête <strong>du</strong> Mexique et qui, pendant trois sièc<strong>les</strong>, fournit<br />
une matière tinctoriale pouvant, par sa facilité d’applica-<br />
tion, lutter avantageusement avec <strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its similaires<br />
d’origine végétale que l’on obtenait avec l’orseille, la<br />
garance, le Kermès (Kermes ilicis Fab.) parasite <strong>du</strong> Quercus<br />
coccifera L. et le Margarades polonicus L. vivant sur<br />
<strong>les</strong> racines <strong>du</strong> Scleranthus perennis L.
TABLE ALPHABÉTIQUE<br />
Les noms scientifiques de Cactacées sont en italique, <strong>les</strong> noms<br />
vulgaires et <strong>les</strong> noms de pro<strong>du</strong>its en romain.<br />
A<br />
Pages<br />
Abrojos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38<br />
Acanthocereus pentagonus . . . 147, 152<br />
178, 180, 201, 392, 449<br />
Agave Cactus . . . . . . . . . . . . . . . . 91<br />
Aguardiente . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142<br />
Alcaejal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101<br />
Alcaes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 101<br />
Alfilerillo . . . . . . . . 28, 38, 88, 94, 101<br />
Alicoches . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 145<br />
Alquitran de terra . . . . . . . . . . . . . . 396<br />
Anhalonium . . . . . . . . . . 245, 322, 323<br />
— areolosum . . . . . . . . . . 324<br />
— aselliforme . . . . . . . . . 318<br />
— Engelmannii . . . . . . . . 323<br />
— fissipe<strong>du</strong>m . . . . . . . . . 324<br />
— fissuratum . . . . . . . . . 323<br />
— Jourdanicum. . . . 240, 290<br />
— Kotschoubeyanum . . . 324<br />
— Lewinii . . . . . . . . 245, 291<br />
— prismaticum . . . . . . . . 324<br />
— retusum . . . . . . . . . . . 324<br />
— sulcatum . . . . . . . . . . . 324<br />
— trigonum . . . . . . . . . . . 325<br />
— turbiniforme . . . . . . . . 325<br />
Aporocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />
— Consaltii. . . . . . . . . . . 466<br />
— flagelliformis . . . . . 33, 34<br />
195, 212, 317, 463, 465, 467<br />
— flagriformis . . . . . . . . 466<br />
— leptophis. . . . . . . . . . . 466<br />
— Martianus . . . . . . . . . . 466<br />
Arbol de las palas . . . . . . . . . . 101, 102<br />
— de quebra<strong>du</strong>ras . . . . . . . 101, 102<br />
— de solda<strong>du</strong>ras . . . . . . . . 101, 102<br />
Pages<br />
Ariocarpus . . . . . 38, 245, 289, 293, 309<br />
— aselliformis . . . . . . . . 318<br />
— fissuratus . . . . . . . 131,323<br />
— Kotschoubeyanus . . . . 324<br />
— Lloydii . . . . . . . . . . . . 323<br />
— retusus . . . . . . . . 324, 325<br />
— sulcatus . . . . . . . . . . . 324<br />
— trigonus . . . . . . . . . . . 325<br />
— Williamsii . . . . . . 245, 290<br />
Astrophytum . . . 246, 247, 282, 283, 284<br />
285, 447<br />
— Asterias . . . 240, 282, 283<br />
— capricorne . 247, 283, 284<br />
— myriostigma . . . . 240, 246<br />
247, 282, 283, 284, 285<br />
— ornatum . . . 247, 249, 283<br />
284, 285<br />
— — glabrescens . 284<br />
Athrophyllum . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
Atlatonochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />
Azcatnochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />
B<br />
Baboso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346<br />
Barba de viejo . . . . . . . . . . . . . . . . 359<br />
Barrel Cactus . . . . . . . . . . . . . . . . . 269<br />
Bischop’s cap . . . . . . . . . . . . . . . . . 285<br />
Biznaga . . . 37, 38, 39, 43, 44, 235, 242<br />
245, 252, 254, 256, 264, 265, 266, 267<br />
268, 272, 273, 274, 275, 276, 281, 293<br />
294, 295, 419, 425, 426, 427<br />
Biznaga de Agua . . . . . . . . . . . . . . 255<br />
Biznaga de Cuernos . . . . . . . . . . . . 255<br />
Biznaga de Dulce . . . . . . . . . . . . . . 255
540 table alphabétique<br />
Pages<br />
Biznaga de Ganchos . . . . . . . . . . . . 260<br />
Biznaga grande . . . . . . . . . . . . . . . 255<br />
Biznaguita . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256<br />
C<br />
Cabeza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359<br />
Cactacée à feuil<strong>les</strong> de Scolopendre 145,146<br />
Cactier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102<br />
— à fruits feuillés . . . . . . . . . . 196<br />
— à mamelons . . . . . . . . . . . . 305<br />
— couronné . . . . . . . . . . . . . . 236<br />
— de Campêche . . . . . . . . . . . 495<br />
— globuleux . . . . . . . . . . . . . . 310<br />
— Queue de souris . . . . . . . . . 465<br />
— splendide . . . . . . . . . . . . . . 498<br />
Cactus . . . . . . . . . . . . . . 236, 238, 257<br />
— abnormis . . . . . . . . . . . . . . 474<br />
— Ackermannii . . . . . . . . . . . . 457<br />
— ambiguus . . . . . . . . . . . . . . 463<br />
— Bisnaga . . . . . . . . . . . . . . . 39<br />
— bradipus . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— cochenillifer . . . . . . . . . . . . 495<br />
— compressus . . . . . . . . . . . . . 470<br />
— disciformis . . . . . . . . . . . . . 325<br />
— elegans . . . . . . . . . . . . . . . . 460<br />
— flagelliformis . . . . . . . . . . . 465<br />
— fragilis . . . . . . . . . . . . . . . . 471<br />
— grandiflorus . . . . . . . . . . . . 213<br />
— humifusus . . . . . . . . . . . . . . 470<br />
— Kotschoubeyi . . . . . . . . . . . 324<br />
— Melocactus . . . . . . . . . . . . . 236<br />
— mensarum . . . . . . . . . . . . . . 195<br />
— micromeris . . . . . . . . . . . . . 326<br />
— Opuntia . . . . . . . . . . . . . . . 470<br />
— pentagonus . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— phyllantoides . . . . . . . . . . . 470<br />
— prismaticus . . . . . . . . . . . . . 324<br />
— Roseanus . . . . . . . . . . . . . . 317<br />
— Salvador . . . . . . . . . . . . . . . 257<br />
— senilis . . . . . . . . . . . . . . . . . 327<br />
— serpentinas . . . . . . . . . . . . . 463<br />
— speciosissimus . . . . . . . . . . 208<br />
— speciosius . . . . . . 208, 213, 458<br />
— splendi<strong>du</strong>s . . . . . . . . . . . . . 498<br />
— triangularis . . . . . . . . . . . . 200<br />
— turbinatus . . . . . . . . . . . . . . 325<br />
— Visnaga . . . . . . . . . . . . . . . 274<br />
Pages<br />
Cactus Serpent . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Calicoche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285<br />
Camueso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 443<br />
Cantaro Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . 294<br />
— divin . . . . . . . . . . . . . . . . . 293<br />
Carambullo 38, 144, 147, 223, 224, 226<br />
230, 364<br />
Carambuyo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223<br />
Cardasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
Cardindo . . . . . . . . . . . . . . . . 144, 148<br />
Cardo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144, 148<br />
Cardon 38, 46, 54, 66, 76, 144, 147, 148<br />
189, 338, 350, 352, 356, 381, 382<br />
392, 394, 395, 399, 408, 419<br />
— espinoso . . . . . . . . . . . 69, 404<br />
— pelon . . . . . . . . . . . . . 68, 408<br />
Carnegiea gigantea . 52, 150, 153, 189<br />
190, 191, 192, 395, 404, 408<br />
Cephalocereus . . 33, 144, 146, 148, 359<br />
362, 363, 364, 366, 368<br />
372, 374, 376, 380, 400<br />
— alensis . . . . . . . . . 368<br />
— chrysacanthus . . . 146<br />
361, 362, 363, 368<br />
— chrysomallus . . . . 370<br />
— Columna . . . . . . . . 370<br />
— Columna-Trajani . 370<br />
— cometes . . . . . . . . 368<br />
— flavicomus . . . . . . 368<br />
— Gaumeri . . . . 368, 372<br />
— Hoppenstedtii . 33, 150<br />
360, 362, 368, 372, 374, 375<br />
377, 378, 379, 380, 400<br />
— leucocephalus . . 33, 35<br />
360, 363, 366, 367, 368<br />
369, 371, 373, 374, 380<br />
— macrocephalus . . . 370<br />
— Palmeri . . . . . . . . 370<br />
— polylophus . . . . . . 370<br />
— Purpusii . . . . . . . . 370<br />
— Sartorianus . . . . . 370<br />
— scoparius . . . . . . . 370<br />
— senilis 33, 360, 370, 376<br />
— Tetazo . . . 63, 362, 364<br />
370, 372, 380, 381, 399<br />
400, 401, 402<br />
— senilis . . . . . . . . . . 370<br />
Cereus . . 16, 28, 38, 143, 144, 145, 148<br />
236, 363, 453, 474
table alphabétique 541<br />
Pages<br />
Cereus Ackermannii . . . . . . . . . . . . 457<br />
— acutangulus . . . . . . . . . . . . 180<br />
— altensis . . . . . . . . . . . . . . . . 368<br />
— ambiguus . . . . . . . . . . 463, 464<br />
— angulosus . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— Antoinii . . . . . . . . . . . . . . . 215<br />
— aquicaulensis . . . . . . . . . . . 226<br />
— bavosus . . . . . . . . . . . . . . . 346<br />
— baxaniensis . . . . . . . . . . . . 180<br />
— Bergerianus . . . . . . . . . . . . 372<br />
— bifrons . . . . . . . . . . . . . . . . 208<br />
— brachiatus . . . . . . . . . . . . . 346<br />
— brevispinulus . . . . . . . . . . . 215<br />
— callicoche . . . . . . . . . . . . . . 283<br />
— calvus . . . . . . . . . 372, 404, 406<br />
— candelaber . . . . . . . . . . . . . 404<br />
— candelabrum . . . . . . . . . . . 400<br />
— Chende . . . . . . . . . . . . . . . . 184<br />
— Chichipe . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />
— Chiotilla . . . . . . . . . . . . . . . 181<br />
— chrysacanthus . . . . . . . . . . 368<br />
— chrysomalus . . . . . . . . . . . . 370<br />
— Cochal . . . . . . . . . . . . . . . . 232<br />
— Columna-Trajani . . . . . . . . 372<br />
— compressus . . . . . . . . . . . . . 200<br />
— Cumengei . . . . . . . . . . . . . . 174<br />
— cupulatus . . . . . . . . . . . . . . 342<br />
— degradatispinus . . . . . . . . . 346<br />
— Diguetii . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />
— Donkelaari . . . . . . . . . . . . . 214<br />
— Dussii . . . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— Dyckii . . . . . . . . . . . . . . . . . 166<br />
— eburneus . . . . . . . . . . . 155, 476<br />
— — cylindricus . . . . . . 476<br />
— — monstrosus. . . . . . 476<br />
— e<strong>du</strong>lis . . . . . . . . . . . . . . . . . 155<br />
— flagelliformis . . . . . . . . . . . 465<br />
— — Funkii . . . . . . 466<br />
— — Mallisonii . . . 466<br />
— — nothus . . . . . . 466<br />
— — Scottii . . . . . . 466<br />
— — Smithii . . . . . 466<br />
— — speciosus . . . 466<br />
— flexuosus . . . . . . . . . . . . . . 178<br />
— Försteri . . . . . . . . . . . . . . . 368<br />
— × fulgi<strong>du</strong>s . . . . . . . . . . . . . . 215<br />
— fulviceps . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— Garambello . . . . . . . . . . . . 226<br />
— gemmatus . . . . . . . . . . 342, 372<br />
Pages<br />
Cereus geometrizans . . . . . . . 226, 234<br />
— giganteas . . . . . . . . . . . . . . 189<br />
— Gladiator . . . . . . . . . . . . . . 226<br />
— grandiflorus . . . . . . . . . . . . 213<br />
— Greggii . . . . . . . . . . . . . . . . 219<br />
— — transmontanus . . . 220<br />
— griseus . . . . . . . . . . . . 155, 479<br />
— gummosus. . . . . . . . . . . . . . 174<br />
— hamatus . . . . . . . . . . . . . . . 216<br />
— Hollianus . . . . . . . . . . . . . . 346<br />
— Hoppenstedtii . . . . . . . 368, 378<br />
— Houlletii . . . . . . . . . . . 368, 374<br />
— incrustatus . . . . . . . . . . . . . 342<br />
— inermis . . . . . . . . . . . . . . . . 283<br />
— latifrons . . . . . . . . . . . . . . . 459<br />
— Macdonaldiæ . . . . . . . . . . . 214<br />
— macrocephalus . . . . . . . . . . 370<br />
— Mælenii . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— × Mallisonii . . . . . . . . . . . . 467<br />
— marginatus . . . . . . . . . 342, 372<br />
— × Maynardæ . . . . . . . . 214, 215<br />
— melanhalonius . . . . . . . . . . 464<br />
— militaris . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— Mirbelii . . . . . . . . . . . . . . . 342<br />
— mixtecensis . . . . . . . . . . . . . 186<br />
— monstrosus minor . . . . . . . . 476<br />
— Nickelsii . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— niti<strong>du</strong>s . . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— nycticalus . . . . . . . . . . . . . . 215<br />
— Ocamponis . . . . . . . . . . . . . 202<br />
— Ophites . . . . . . . . . . . . . . . . 214<br />
— Orcuttii . . . . . . . . . . . . . . . . 372<br />
— oxypetalus . . . . . . . . . . . . . 459<br />
— Palmeri . . . . . . . . . . . . . . . 230<br />
— Pecten-aboriginum . . . 372, 410<br />
— pentagonus . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— peruvianus . . . . . . 72, 474, 476<br />
— — monstrosus. . . . 474<br />
— — — nanus 476<br />
— — — tortus 474<br />
— Pitajaya . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— polylophus . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— Poselgeri . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— Pottsii . . . . . . . . . . . . . . . . . 219<br />
— Princeps . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— Pringlei . . . . . . . . . . . 372, 404<br />
— prismaticus . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— pteranthus . . . . . . . . . . . . . 215<br />
— pugioniferus . . . . . . . . . . . . 226
542 table alphabétique<br />
Pages<br />
Cereus quadrangulispinus . . . . . . . 226<br />
— queretaroensis . . . . . . . . . . 160<br />
— ramosus . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— resupinatus . . . . . . . . . . . . . 155<br />
— rosaceus . . . . . . . . . . . . . . . 215<br />
— rostratus . . . . . . . . . . . . . . . 216<br />
— ruficeps . . . . . . . . . . . . . . . 372<br />
— sabintarius . . . . . . . . . . . . . 464<br />
— Sargentianus . . . . . . . . . . . 230<br />
— Schenckii . . . . . . . . . . . . . . 230<br />
— Schottii . . . . . . . . . . . . 224, 230<br />
— scoparius . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— senilis . . . . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— serpentinus . . . . . . . . . . . . . 463<br />
— — strictior . . . . . . 464<br />
— Sirul . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— speciosissimus . . . . . . . . . . 208<br />
— speciosus . . . . . . . . . . . . . . 208<br />
— splendens . . . . . . . . . . . . . . 463<br />
— stellatus . . . . . . . . . . . . . . . 166<br />
— striatus . . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />
— Testudo . . . . . . . . . . . . . . . . 217<br />
— Tetazo . . . . . . . . . . . . . 370, 399<br />
— Thurberi . . . . . . . . . . . . . . . 168<br />
— Titan . . . . . . . . . . 372, 404, 406<br />
— Tonelianus . . . . . . . . . . . . . 166<br />
— triangularis . . . . . . . . . . . . 200<br />
— tricostatus . . . . . . . . . . . . . 204<br />
— tuberosus . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— un<strong>du</strong>latus . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— Uranos . . . . . . . . . . . . . . . . 214<br />
— variabilis . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— Vasmeri . . . . . . . . . . . . . . . 180<br />
— victoriensis . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— viperinus . . . . . . . . . . . . . . 220<br />
— Weberi . . . . . . . . . . . . . . . . 400<br />
Cerexus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143<br />
Chahuiznopalli . . . . . . . . . . . . . . . . 493<br />
Chapistle . 339, 510, 518, 519, 522, 531<br />
Chardon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79<br />
— en flambeau . . . . . . . . . . . 144<br />
— indien . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
Chaucle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325<br />
Chende . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />
Chiapasia . . . . . . . . . . . . . . . . 453, 456<br />
— Netsonii . . . . . . . . . . . . . 462<br />
Chichipe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />
Chichituna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188<br />
Chicotl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306<br />
Chilito <strong>du</strong>lce . . . . . . . . . . . . . . . . . 306<br />
Pages<br />
Chiotilla . . . . . . . . . . . . . . . . . 181, 184<br />
Chiotilo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181<br />
Chiriocillo . . . . . . . . . . . . . . . . . 88, 94<br />
Cholla . . . . . . . . . . . . . 28, 32, 38, 101<br />
Chumbera. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
Cierge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144<br />
— Serpent . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Cina . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232, 233<br />
Cirio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144<br />
Clavellina . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 101<br />
Clavele de Carambullo . . . . . . . . . . 224<br />
Cleistocactus . . . . . . . . . . . . . 102, 144<br />
Clilnochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />
Coanochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33<br />
Coapetla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156<br />
Cobbler’s thumb . . . . . . . . . . . . . . 325<br />
Cochemiea Halei . . . . . . . . . . . . . . 317<br />
— Pondii . . . . . . . . . . . . . 317<br />
— Poselgeri 308, 317, 318, 319<br />
321<br />
— Roseana . . . . . . . . . . . 317<br />
— setispina . . . . . . . . . . . 317<br />
Colonche . . . . . 139, 140, 141, 142, 383<br />
Come<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37<br />
Comitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 30<br />
Corona del Señor . . . . . . . . . . . . . . 256<br />
Coryphantha clava . . . . . . . . . . . . . 313<br />
— cornifera . . . . . . . . . 312<br />
— <strong>du</strong>rangensis . . . . . . . 312<br />
— erecta . . . . . . . . . . . . 313<br />
— macromeris . . . . . . . 312<br />
— Muehlenpfordtii . . . . 312<br />
— octacantha . . . . . . . . 313<br />
— Ottonis . . . . . . . . . . . 313<br />
— pycnacantha . . . . . . . 312<br />
— raphidacantha . . . . . 313<br />
— sulcolanata . . . . . . . . 313<br />
— vivipara . . 305, 313, 473<br />
Costeno . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 496<br />
Cotzicnopalxochitl . . . . . . 32, 108, 460<br />
Cotzonochtli. . . . . . . . . . . . . . . . . . 186<br />
Cuerno . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Cylindropuntia . . 28, 29, 32, 38, 55, 56<br />
60, 68, 85, 91, 94, 95, 96, 98, 101, 166<br />
306, 356, 358, 390, 427, 428, 476, 494<br />
D<br />
Deamia . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217, 435<br />
— Testudo . . . . . . . . . . . . . . . 217<br />
Devil’s root . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
table alphabétique 543<br />
Pages<br />
Discocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362<br />
Disocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
Dolichothele longimamma . . . 131, 316<br />
— — sphærica .316<br />
— sphærica . . . . . . . . . . 131<br />
Dulce de Biznaga . . . . . . . . . . . . . . 275<br />
— de Carambullo . . . . . . . . . . . 226<br />
Duraznillo . . . . . . . . . . . . . . . 118, 119<br />
E<br />
Eccremocactus . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
Echinocactus . . . 34, 36, 37, 41, 43, 53<br />
60, 68, 102, 143, 235, 252<br />
258, 273, 308, 362<br />
— acanthodes . . . . . . . . 270<br />
— arizonicus . . . . . . . . . 269<br />
— Asterias . . . . . . . . . . 283<br />
— aulacogonus . . . . . . . 273<br />
— bicolor . . . . . . . 242, 258<br />
— californicus . . . . . . . 270<br />
— capricornis . . . . . . . . 284<br />
— corynacanthus . . . . . 273<br />
— Coulteri . . . . . . . . . . 262<br />
— cylindraceus . . . . . . . 270<br />
— Diguetii . . . . . . . . . . 266<br />
— disciformis . . . . . . . . 325<br />
— electracanthus . 262, 265<br />
— Emoryi . . . . . . . . . . . 269<br />
— Falconeri . . . . . . . . . 269<br />
— flexispinus . . . . . . . . 279<br />
— Galeottii . . . . . . . . . . 273<br />
— Ghiesbrechtii . . . . . . 283<br />
— Grusonii . . . . . . . . . . 258<br />
— Haageanus . . . . 273, 283<br />
— hæmatacanthus . . . . . 258<br />
— helianthodiscus . . . . 325<br />
— helophorus . . . . . . . . 273<br />
— heterochromus . . . . . 258<br />
— holopterus . . . . . . . . 283<br />
— horizontalonius . . . . 258<br />
— hystricacanthus . . . . 264<br />
— Hystrix . . . 262, 264, 273<br />
— ingeris 45, 242, 243, 250<br />
251, 253, 258, 262, 273<br />
274, 452<br />
— Jourdanianus . . 245, 290<br />
— Karwinskii . . . . . . . . 273<br />
— lancifer . . . . . . . . . . . 262<br />
Pages<br />
Echinocactus leucacanthus . . . . . . 218<br />
— Lewinii . . . . . . . . . . . 245<br />
— macracanthus . . . . . . 273<br />
— macrodiscus . . . . . . . 265<br />
— — decolor. 266<br />
— — lævior . 266<br />
— — multiflorus<br />
. . . . . . . . . . . . 266<br />
— Mælenii . . . . . . . . . . 218<br />
— melocactiformis 262, 264<br />
— micromeris . . . . . . . . 326<br />
— minax . . . . . . . . . . . . 273<br />
— microspermus . . . . . . 257<br />
— Mirbelii . . . . . . . . . . 283<br />
— myriostigma . . . . . . . 283<br />
— ornatus . . . . . . . . . . . 283<br />
— oxypterus . . . . . . . . . 262<br />
— pectinatus . . . . . . . . . 473<br />
— Peninsulæ . . . . . . . . . 270<br />
— pilosus . . . . . . . . . . . 258<br />
— platyceros . . . . . . . . . 273<br />
— polycephalus . . 238, 260<br />
261, 262, 473<br />
— porrectus . . . . . . . . . 218<br />
— pycnoxyphus . . . . . . . 264<br />
— senilis . . . . . . . . . . . . 370<br />
— Stap<strong>les</strong>iæ . . . . . . . . . 370<br />
— subporrectus . . . . . . . 218<br />
— theloideus . . . . . . . . . 218<br />
— tortus . . . . . . . . . . . . 283<br />
— turbiniformis . . . . . . 325<br />
— un<strong>du</strong>latus . . . . . . . . . 279<br />
— Williamsii . . . . . . . . . 290<br />
— Wislizenii . . . . . . . . . 269<br />
— — albispinus . 269<br />
— — decipiens . 269<br />
— — Lecontei . . 269<br />
— — rectispinus 270<br />
Echinocereus . . . 18, 38, 60, 66, 96, 98<br />
144, 145, 146, 306, 327<br />
365, 445, 470, 472<br />
— Emoryi . . . . . . . . . . . 269<br />
— Poselgeri . . . . . . . . . 218<br />
— serpentinus . . . . . . . . 463<br />
— splendens . . . . . . . . . 463<br />
— tuberosus . . . . . . . . . 218<br />
— viridiflorus . . . . 145, 472<br />
Echinofossulocactus . . . . . . . . . . . . . .279<br />
— coptogonus . . . . . . . . 279
544 table alphabétique<br />
Pages<br />
Echinofossulocactus crispatus . . . . 246<br />
256, 279, 280<br />
— Mirbelii . . . . . 283<br />
— oxypterus . . . . 262<br />
— turbiniformis . 325<br />
Echinomastus intertextus . . . . 280, 281<br />
— — dasyacanthus.<br />
. . . . . . 281<br />
— unguispinus . . . . . . . 281<br />
Echinomelocactus . . . . . . . . . 143, 236<br />
— arborescens . . . 144<br />
Echinopsis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144<br />
— Haageana . . . . . . . . . . 283<br />
— leucantha . . . . . . . . . . 281<br />
Ensade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
Epiphyllanthus . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
Epiphyllum . 18, 28, 53, 64, 144, 196, 208<br />
209, 212, 445, 447, 451<br />
453, 456, 457, 458, 459<br />
462<br />
— Ackermannii . . 30,146, 212<br />
213, 457, 458, 461<br />
— acuminatum . . . . . . . . 459<br />
— anguliger . . . 146,457,458<br />
— caudatum . . . . . . . . . . 457<br />
— Darrahii . . . . . . . . . . . 457<br />
— grande . . . . . . . . . . . . 459<br />
— Nelsonii . . . . . . . . . . . . .462<br />
— oxypetalum . 146, 454, 457<br />
459, 460, 468, 469<br />
— phyllanthoides . . . . . . 460<br />
— Phyllanthus . . . . . . . . 454<br />
— speciosum . . . . . . . . . . 460<br />
— strictum . . . . . . . . . . . 459<br />
Epithelanta micromeris . 281, 307, 326<br />
327<br />
Escontria Chiotilla . . 150, 153, 181, 182,<br />
188, 380<br />
Espostoa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 364<br />
— lanata . . . . . . . . . . . . . . . 365<br />
F<br />
Faux Tetazo . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400<br />
Ferocactus . 264, 265, 266, 268, 269, 270<br />
272<br />
— acanthodes . . . . . . . . . 270<br />
— chrysacanthus . . . . . . . 270<br />
— Covillei . . . . . . . . . . . . 44<br />
Pages<br />
Ferocactus Diguetii . 61, 237, 238, 259<br />
262, 266, 267, 268<br />
— Echidne . . . . . . . . . . . . 259<br />
— flavovirens . . 238, 239, 250<br />
258, 259, 260<br />
— glaucescens . . . . . . . . . 259<br />
— hamatacantus . 242, 260, 261<br />
— latispinus . . . 246, 256, 261<br />
— macrodiscus 255, 259, 261<br />
262, 264, 265, 266, 276<br />
— melocactiformis . . 255, 259<br />
262, 263, 264, 274, 276<br />
— nobilis . . 239,240,241, 259<br />
261<br />
— Peninsulæ . . . 44, 261, 262<br />
268, 270, 271, 272, 386, 427<br />
— rectispinus . . . . . . . . . . 270<br />
— robustus 238, 240, 250, 258<br />
— uncinatus . . . . . . . . . . . 261<br />
— viridescens . . . . . . . . . 261<br />
— Wislizenii 44, 240, 262, 269<br />
272, 313<br />
Fico de India . . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
Figuier à raquettes . . . . . . . . . . . . . 121<br />
— de Barbarie . . . 75,121,126,127<br />
334, 424, 429, 470<br />
— des Chrétiens . . . . . . . . . . . 121<br />
— des Francs . . . . . . . . . . 79, 121<br />
— des Indes . . . . . . . . . . . . . . 445<br />
— des Indes occidenta<strong>les</strong> . . . . 122<br />
— des Maures . . . . . . . . . . . . 122<br />
— d’Inde . . . . 79,121,122,124,126<br />
146, 154<br />
— <strong>du</strong> Diable . . . . . . . . . . . . . . 122<br />
— indien . . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
Flor de latigo . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Floricuerno . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Fraise <strong>du</strong> désert . . . . . . . . . . . . . . . 145<br />
G<br />
Grusonia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80<br />
H<br />
Hamatocactus . . . . . . . . . . . . . . . . 262<br />
Hecho. . . . . . . . . . . . . . . . . 69, 70, 410<br />
Heliocereus . . . . . . . . . . . . . . 206, 453<br />
— elegantissimus . . . . . . 210<br />
292 -> 262
Faute de<br />
Diguet<br />
Pages<br />
Heliocereus Schrankii . . . . . . . . . . 210<br />
— speciosus . 34, 64, 74, 206<br />
208, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 447<br />
455, 456, 459, 462, 466, 469<br />
Hematocactus setispinus . . . . . . . . 262<br />
Hickenia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257<br />
Hierba de Alferecía . . . . . . . . . . . . 465<br />
Hicouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />
Higo de Mauro . . . . . . . . . . . . . 121,122<br />
Higuera Chumba . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
Ho . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />
Homalocephala texensis . 246, 256, 262<br />
Hornflower. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Huatari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />
Hueycomitl . . . . . . . . . . . 37, 255, 274<br />
Huitzli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36<br />
Huitzocuitlapilli . . . . . . . . . . . . 34, 465<br />
Huiznahuac . . . . . . . 34, 235, 293, 296<br />
Hylocereus Napoleonis . . . . . . . . . 200<br />
— Ocamponis . . . . . 200, 202<br />
— triangularis . . 64,152, 200<br />
201, 202<br />
— tricostatus . . 199, 200, 203<br />
204, 205, 206, 207, 209<br />
— trigonus . . . . . . . . . . . . . .200<br />
— un<strong>du</strong>latus . . . . 195, 206, 208<br />
443, 462<br />
I<br />
Intacxoconochtli . . . . . . . . . . . . . . 27<br />
J<br />
Jacamatraca . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />
Jarrana . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146, 458<br />
Jonocostle . . . . . . . . . . . . . . . . 32, 120<br />
Joutouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />
Junco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Junquillo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
K<br />
Kamaba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />
Karnous enn N’ sarra . . . . . . . . . . . 121<br />
L<br />
Lamanochtli . . . . . . . . . . . . 32, 33, 359<br />
Lemaireocereus 147, 153, 396<br />
35<br />
table alphabétique 545<br />
Pages<br />
Lemaireocereus Chende . 150, 153, 181<br />
183, 184, 186, 188, 189<br />
226, 448<br />
— Chichipe . 150, 151, 153<br />
181, 185, 186, 187, 189<br />
226, 448<br />
— Cumengei . . . . . . . 174<br />
— gummosus. . . . . . . 174<br />
— griseus . . . 33, 34, 153<br />
155, 157, 158, 159, 160<br />
168, 181, 340, 350, 476<br />
— Hollianus . 71, 340, 346<br />
347, 348, 349, 350, 376<br />
387, 395, 398, 437<br />
— mixtecensis . . . . . . 186<br />
— Pecten-aboriginum 340<br />
— queretaroensis . . . 150<br />
153, 160, 161, 162, 163<br />
165, 168, 204, 209, 340<br />
352, 395, 439, 442<br />
— stellatus . . 32, 153,166<br />
167, 168, 169, 181, 340<br />
350, 351, 380, 395<br />
— Thurberi . . . 47,69,148<br />
150, 153, 168, 170, 171<br />
172, 173, 176, 190, 340<br />
352, 392, 395, 398<br />
— Weberi . . . . 19,52,147<br />
150, 340, 350, 353, 380, 381<br />
395, 399, 400, 402, 403, 404<br />
Lepidocereus . . . . . . . . . . . . . . . . . 190<br />
Leuchtenbergia . . . . . . . 255, 291, 293<br />
— principis . . . . 292, 293<br />
Lima de Biznaga . . . . . . . . . . 242, 204<br />
Living rock . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324<br />
Lophocereus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224<br />
— autralis . . . . . . . . . . . 230<br />
— Sargentianus . . . 230, 303<br />
— Schottii . 38, 226, 229, 230<br />
231, 232, 233, 303<br />
364, 392<br />
— — australis . . . 232<br />
Lophophora . . . . . . . . . . . 38, 245, 293<br />
— Lewinii . . . . 245, 291, 302<br />
— Williamsii . . . 131,245,286<br />
289, 290, 291, 300<br />
302, 323, 417, 452<br />
— — Lewinii . . 286
546 table alphabétique<br />
M<br />
Pages<br />
Machærocereus flexuosus. . 147, 149, 178<br />
— gummosus. . 47, 67, 69<br />
131, 147, 148, 152, 153, 174, 175, 176<br />
177, 179, 180, 303, 318, 392, 449<br />
Mahuenia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80<br />
Malacocarpus . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— Leninghausenii . . . . 362<br />
— napinus. . . . . . . . . . 218<br />
Mamillaria . . . 18, 36, 37, 53, 60, 68, 98<br />
145, 236, 280, 305, 445, 447<br />
— aloides . . . . . . . . . . . . . 324<br />
— aselliformis . . . . . . . . . 318<br />
— disciformis . . . . . . . . . 325<br />
— fissurata . . . . . . . . . . . 323<br />
— furfuracea . . . . . . . . . . 324<br />
— Greggii . . . . . . . . . . . . 326<br />
— Lewinii . . . . . . . . 245, 290<br />
— longimamma giganthothele<br />
. . 316<br />
— — hexacentra .316<br />
— longihamata . . . . . . . . 317<br />
— Mælenii . . . . . . . . . . . . 218<br />
— micromeris . . . . . . . . . 326<br />
— pectinifera . . . . . . . . . . 321<br />
— Poselgeri . . . . . . . . . . . 317<br />
— Radliana . . . . . . . . . . . 317<br />
— Roseana . . . . . . . . . . . 317<br />
— senilis . 318, 326, 327, 331<br />
— Simpsonii . . . . . . . . . . 281<br />
— turbinata . . . . . . . . . . . 325<br />
— uberiformis . . . . . . . . . 316<br />
— Williamsii . . . . . . 245, 290<br />
Mamillopsis . . . . . . . . . . 318, 326, 327<br />
— senilis . 306, 326, 327, 328<br />
329, 473<br />
Manca caballo . . . . . . . . . . . . . . . . 256<br />
Maquauhpatli . . . . . . . . . . . . . . . . . 460<br />
Marta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460<br />
Mediocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />
Melcocha . . . . . . . . . . . . 136, 137, 138<br />
Melecar<strong>du</strong>us Indiæ occi<strong>du</strong>æ . . 143, 236<br />
Melocactus . . . . . . . . . . . 102, 143, 236<br />
— bradypus . . . . . . . . . . . 370<br />
— ingens . . . . . . . . . . . . . 273<br />
Memelita . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 496<br />
Metzollin . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 37<br />
Mezcal button . . . . . . . . . . . . . . . . 289<br />
Pages<br />
Miel de Tuna . . . . . . . . . 136, 137, 138<br />
Myrtillocactus . . . . . . . . . . . . 224, 234<br />
— Cochal . . . . . . 226, 234<br />
— geometrizans . . . 34, 38<br />
131, 224, 225, 226, 227<br />
228, 230, 392, 402<br />
— Schenckii . . . . . . . . 226<br />
N<br />
Neobesseya missouriensis . 305, 312, 473<br />
Neolloydia conoidea . . . . . . . . . . . 312<br />
Neomamillaria . . . . . . . . . . . . 472, 476<br />
— amoena . . . . . . 314, 473<br />
— applanata . . . . . . . . 315<br />
— candida . . . . . . . . . 314<br />
— Celsiana . . . . . . . . . 315<br />
— coronaria . . . . 308, 314<br />
— dicipiens . . . . . . . . . 314<br />
— discolor . . . . . . . . . 314<br />
— echinaria . . . . . . . . 314<br />
— elegans . . . . . . . . . . 315<br />
— elongata . . . . . . . . . 308<br />
— formosa . . . . . . . . . 315<br />
— fragilis . . . . . . . . . . 308<br />
— glochidiata . . . 314, 473<br />
— Goodridgei . . . . . . . 314<br />
— gracilis . . . . . . . . . . 310<br />
— Karwinskiana . 315, 352<br />
475, 476<br />
— lasiacantha . . . 308, 314<br />
— magnimamma . 306, 315<br />
— meiacantha . . . . . . . 315<br />
— melanocentra . 308, 315<br />
— Mystax . . . . . . . . . . 315<br />
— — maschalacantha<br />
. . . . . . . . 308<br />
— plumosa . . . . . . . . . 314<br />
— polyedra . . . . . . . . . 316<br />
— polythele. . . . . . . . . 314<br />
— prolifera . . . . . . . . . 314<br />
— rhodantha . . . . . . . . 314<br />
— Schelhasei . . . . . . . 314<br />
— Schiedeana . . . . . . . 314<br />
— sempervivi . . . . . . . 316<br />
— sphacelata . 308, 310, 314<br />
— spinosissima . . 309, 315<br />
— tetracantha . . . . . . . 315<br />
— vetula . . . . . . . 306, 315
table alphabétique 547<br />
Pages<br />
Nexcome<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281<br />
Nexcomitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281<br />
Noble Leuchtenbergia . . . . . . . . . . 293<br />
Nochesnopalli . . . . . . . . . . . . . . . . 493<br />
Nochpalli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28<br />
Nochoctli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139<br />
Nochtli . . . . . . . . . . . . . 27, 34, 37, 293<br />
Nochxochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />
Nopal . . 16, 30, 37, 39, 46, 52, 54, 65, 75<br />
101, 148, 154, 252, 310 , 358, 383<br />
419, 422, 423, 424, 426, 427, 431<br />
437, 438, 440, 441, 443, 444, 445<br />
483, 484, 502<br />
— Caldillo . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />
— camueso . . . . . 114, 115, 116, 117<br />
— Canuto . . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />
— cardon . . . . . . . . . . . . . . . . . 111<br />
— Cardona . . . . . . . . . . . . . . . . 66<br />
— Cascaron . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />
— Chamacuero . . . . . . . . . . . . . 21<br />
— chaveno . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />
— cimaron . . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />
— de Castilla 437, 443, 479, 496, 497<br />
498, 499, 500, 502, 503, 504, 513<br />
527, 529<br />
— de San Gabriel.. 479, 496, 500, 502<br />
503, 504, 508, 509, 511, 519<br />
— <strong>du</strong>raznillo . . . . . . . . . . . . . . 118<br />
— gigantillo . . . . . . . . . . . . . . 112<br />
— gomeno . . . . . . . . . . . 396, 423<br />
— Harton . . . . . . . . . . . . 112, 113<br />
— montese . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />
— rastrero . . . . 66,103,104,105,126<br />
218, 330, 356, 471, 472<br />
— Sirgo . . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />
Nopalea . . . . . 16, 27, 80, 101, 146, 352<br />
— cochenillifera . . . . . . . 82, 495<br />
— Karwinskiana . 80, 81, 82, 334<br />
355, 495<br />
Nopalli . . . . . . . . . . . . . 28, 34, 37, 101<br />
Nopallilo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30<br />
Nopallito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30<br />
Nopalnochestli . . . . . . . . . . . . . 30, 493<br />
Xopalquetzaltiquizi . . . . . . . . . . . . 460<br />
Nopalxochia . . . . . . . . . . . . . . 453, 465<br />
— phyllanthoides . . 146, 447<br />
460, 461, 465<br />
Nopalxochilquetzaltic . . . . . . . . . . 30<br />
Notocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362<br />
Pages<br />
Nyctocereus serpentinus . . 33, 194, 195<br />
331, 374, 403, 464, 468<br />
O<br />
Opuntia . . . 16, 27, 28, 30, 32, 33, 36, 37<br />
41, 42, 60, 66, 68, 70, 72, 79, 82<br />
85, 114, 118, 132, 133, 143, 146<br />
150, 218, 224, 248, 282, 334, 335<br />
354, 358, 382, 386, 390, 396, 420<br />
421, 422, 423, 430, 431, 445, 470<br />
472, 473, 474, 476, 477, 479, 481<br />
485, 487, 493, 497, 498, 500, 501<br />
503, 504, 505, 507, 512, 514, 529<br />
531, 532, 535, 537, 538<br />
— Alcahes. . . . . . . . . . . . . . . . 390<br />
— Amyclæa . . . . . . . . . . . 105, 125<br />
— arbuscula . . . . 56, 91, 100, 428<br />
— brachyarthra . . . . . . . . . . . 471<br />
— cæspitosa . . . . . . . . . . . . . . 470<br />
— Camuessa . . . . . . . . . . . . . . 114<br />
— Cardona . . . . . 65, 70, 105, 108<br />
111, 112, 113, 114, 142, 334<br />
— Chapistle . . . . . . . . . . . . . . 337<br />
— Cholla . . . . . . . 62, 95, 96, 390<br />
— Condettii . . . . . . . . . . . . . . 111<br />
— decumana . . . . . . . . . . . . . . 125<br />
— Dillenii . . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />
— elongata . . . . . . . . . . . . . . . 125<br />
— Engelmannii . . . . . . . . . . . . 105<br />
— Ficus-indica . . . 30, 32, 79, 102<br />
105, 108, 111, 121, 123, 124, 125<br />
224, 334, 335, 443, 451, 467, 495<br />
497, 499, 503, 529<br />
— — splendida . . . . . . . 498<br />
499, 513<br />
— flavicans . . . . . . . . . . . . . . . 114<br />
— fragilis . . . . . . . 56, 145, 310, 445<br />
471, 472<br />
— Grahamii . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— Hernandezii . . . . . . . . 500, 527<br />
— — typica . . . 500, 501<br />
507, 509, 511, 519<br />
— imbrícala . . . . . . 32, 33, 96, 97<br />
390, 393<br />
— intermedia . . . . . . . . . . . . . 470<br />
— invicta . . . . . . . . . . . . . . . . 96<br />
— italica . . . . . . . . . . . . . . . . . 470
548 table alphabétique<br />
Pages<br />
Opuntia Joconostle . . 32, 105, 107, 111<br />
120<br />
— lanceolata . . . . . . . . . . . . 105<br />
— Larreyi . . . . . . . . . . . . . . . 114<br />
— leptocaulis . . . . 29, 34, 36, 96<br />
— leucotricha . . 36, 111, 118, 119<br />
120, 263, 443<br />
— linguiformis . . . . . . . . . . . 106<br />
— macrorhiza . . . . . . . . . . . . 218<br />
— maxima . . . . . . . . . . . . . . . 105<br />
— mesacantha . . . . . . . . . . . 470<br />
— microdasys . . . . . . . . 108, 476<br />
— nana . . . . . . . . . . . . . . . . . 470<br />
— Opuntia . . . . . . . . . . 145, 470<br />
— orbiculata . . . 34, 36, 108, 142<br />
— pilifera . . . . . . . . . . . . . . . . 36<br />
— Pottsii . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— pubescens . . . . . . . . . . . . . 31<br />
— Rafinesquiana . 445, 470, 471<br />
— Rastrera . . . . . . . . . . 103, 104<br />
— robusta . . . . . . 51,111,114,115<br />
116, 117, 118<br />
— — Camueso . . . . . . . 443<br />
— sp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21<br />
— spathulata . . . . . . . . . . . . 336<br />
— speciosa . . . . . . . . . . . . . . 460<br />
— splendida . . . . . . . . . . . . . 498<br />
— streptacantha . . . . . . . 65, 114<br />
— Tapona . . . . 32, 43, 55,105,111<br />
125, 385, 389<br />
— Tuna . . 105, 108, 126, 334,429<br />
— tunicata . . . . . . . . 96, 99, 358<br />
— vulgaris . . . . . . . . . . 445, 470<br />
Organito do vivora . . . . . . . . . . . . . 221<br />
Organo . . . . . . . . . 16, 38, 144, 147, 342<br />
P<br />
Pachycereus . . 66, 70, 80, 147, 148, 153<br />
359, 362, 364, 366, 368, 370<br />
372, 400<br />
— calvus . . . . . . . . 372, 404<br />
— chrysomallus . . 362, 370<br />
400<br />
— Columma-Trajani . . . 150<br />
370, 372, 374<br />
— Gaumeri . . . . . . . . . . 372<br />
— grandis . . . . . . . . . . . 372<br />
Pages<br />
Pachycereus marginatus . . . 74, 147, 340<br />
341, 342, 343, 344, 345 346<br />
348, 350, 355, 356, 372, 508<br />
— Orcuttii . . . . . . . . . . . 372<br />
— Pecten-aboriginum 54, 68<br />
69, 70, 73, 80, 131, 303<br />
352, 372, 381, 395, 399<br />
404, 408, 412, 413, 414<br />
415, 416, 417, 464<br />
— Pringlei . . . 17, 50, 52, 54<br />
61, 62, 67, 68, 69, 70, 71, 80<br />
150, 190, 340, 352, 357<br />
372, 381, 386, 391, 395<br />
399, 404, 405, 406, 407<br />
408, 409, 410, 411, 417<br />
428, 429<br />
— queretaroensis . . . . . 160<br />
— ruficeps . . 150, 191, 372<br />
380, 400<br />
— Titan . . . . . . . . . 372, 404<br />
Patilon . . . . . . . . . . . . . . . . 88, 90, 337<br />
Pediocactus Simpsonii . . 280, 281, 307<br />
473<br />
Pelecyphora . . . . . . . . . . . . . . 309, 318<br />
— asselliformis . . . . 318,320<br />
— — pectinata 320<br />
— micromeris . . . . . . . . 326<br />
— pectinata . . . . . . . . . 321<br />
Peniocereus . . . . . . . . . . . . . . 218, 219<br />
— Greggii . 218, 219, 220, 221<br />
Pereskia . . . . . . . . 54, 82, 85, 447, 451<br />
— crassicaulis . . . . . . . . . . . 336<br />
— opuntiæflora . . . . . . . . .85, 338<br />
— Pititache . . . . . . . . . . . . . . 85<br />
— rotundifolia . . . . . . . . . . . . 85<br />
— spathulata . . . . . . . . . 85, 336<br />
Pereskiopsis . . . 54, 79, 82, 88, 292, 336<br />
337, 352<br />
— aquosa . . 86, 87, 89, 91,92<br />
93, 100, 121, 210<br />
— Chapistle . . . . . 36, 336, 337<br />
339, 355, 508, 519<br />
— opuntiæflora . . . . . . . 338<br />
— Pititache . . . . . . . . 83, 85<br />
— rotundifolia . . . . . . 84, 85<br />
— spathulata . . . 88, 90, 330<br />
Pereskopuntia . . . . . . . . . . . . . . . . 82<br />
Peyotl zacatecensis . . . . . 245, 289 302<br />
Peyot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296, 297
table alphabétique 549<br />
Pages<br />
Peyote 38, 245, 246, 250, 256, 287, 288<br />
291, 292, 295, 296, 297, 298, 299<br />
300, 301, 302, 303, 311, 317, 322<br />
331, 448, 452<br />
— Seni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .291<br />
Peyotillo . 245, 256, 288, 303, 317, 331<br />
448<br />
Peyolt . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 289, 295<br />
Peyutl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 289<br />
Pezuna de venado . . . . . . . . . . . . . . 324<br />
Phellosperma tetrancistra . . . . . . . 315<br />
Phyllartus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
Phyllocactus. . . . . . . . . . . . . . 102, 453<br />
— Ackermannii . . . . . . . 457<br />
— acuminatus . . . . . . . . 459<br />
— anguliger . . . . . . . . . . 458<br />
— chiapensis . . . . . . . . . 462<br />
— grandis . . . . . . . . . . . 459<br />
— guyanensis . . . . . . . . . 459<br />
— latifrons . . . . . . . 459, 460<br />
— Nelsonii . . . . . . . . . . . 462<br />
— oxypetalus . . . . . . . . . 459<br />
— phyllanthoides . . . . . . 460<br />
— Purpusii . . . . . . . . . . 459<br />
— serratus . . . . . . . . . . . 458<br />
— stenopetalus . . . . . . . 460<br />
Pilocereus . . . . . . . . . . . . 54, 226, 359<br />
— alensis . . . . . . . . . . . . . 368<br />
— chrysacanthus . . . . . . . 368<br />
— chrysomallus . . . . . . . . 370<br />
— Columna-Trajani . . . . . 370<br />
— cometes . . . . . . . . . . . . 368<br />
— Engelmannii . . . . . . . . . 189<br />
— flavicomus . . . . . . . . . . 368<br />
— Försteri . . . . . . . . 368, 374<br />
— fulviceps . . . . . . . . . . . . 370<br />
— giganteas . . . . . . . . . . . 189<br />
— Hagendorpii . . . . . 368, 378<br />
— Hoppenstedtii . . . . 368, 378<br />
— Houlletii . . . . . . . . . . 368, 374<br />
— jubatus . . . . . . . . . . . . . 368<br />
— lateralis . . . . . . . . 368, 378<br />
— lateribarbatus. . . . . . . . 370<br />
— leucocephalus . . . . 368, 374<br />
— macrocephalus . . . . . . . 370<br />
— Marschalleckianus 368, 374<br />
— militaris . . . . . . . . . . . . 370<br />
— polylophus . . . . . . . . . . 370<br />
— Pringlei . . . . . . . . . . . . 372<br />
— ruficeps . . . . . . . . . . . . 372<br />
Pages<br />
Pilocereus Sargentianus . . . . . . . . . 230<br />
— Schottii . . . . . . . . . . . . . 230<br />
— scoparius . . . . . . . . . . . 370<br />
— senilis . . . . . . . . . . . . . . 370<br />
— Sterkmannii . . . . . . . . . 370<br />
— Tetezo . . . . . . . . . . 370, 399<br />
— Thurberi . . . . . . . . . . . . 168<br />
Pitaya . . . . . 48, 152, 154, 162, 164, 384<br />
— agria . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176<br />
— de agua . . . . . . . . . . . . . . . . 210<br />
Pitahaya . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />
— de agua . . . . . . . . . . . . . . . 210<br />
— del cerro . . . . . . . . . . . . . . 210<br />
— de Sayula . . . . . . . . . . . . . 210<br />
— del volcan . . . . . . . . . . . . . 210<br />
Pitahayta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />
Pitayta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />
Pitahayo 38, 152, 155, 442, 444, 462, 469<br />
Pitajillo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />
Pitayo . 32, 38, 47, 74, 145, 147, 148, 152<br />
153, 154, 155, 158, 164, 168, 1/2<br />
174, 176, 177, 180, 181, 189, 192<br />
196, 197, 198, 200, 201, 202, 204<br />
206, 215, 218, 220, 338, 352, 383<br />
392, 394, 395<br />
— agrio . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153<br />
— de mayo . 153, 155, 156, 158, 198<br />
— de Mitla . . . . . . . . . . . . . . . . 155<br />
— de Queretaro . . . . . 153,160,198<br />
— <strong>du</strong>lce . . . 153, 168, 174, 190, 398<br />
— xoconostle 32, 153,
550 table alphabétique<br />
Pages<br />
Quauchcuezplacuitlapilli . . . . . . . . 34<br />
Queso de Tuna . . . . . . . . 136, 138, 139<br />
Quionochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182<br />
R<br />
Reina de la noche . . . . . . . . . . 194, 468<br />
Reine de la nuit . . . . . . . . . . . 468, 469<br />
Rhipsalis . . 15, 18, 53, 64, 224, 453, 456<br />
— Cassytha . . . . . . . . . . . . . 15<br />
S<br />
Sacred mushroom . . . . . . . . . . . . . . 289<br />
Sahuaro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />
Sahueso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />
Sasaluistli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29<br />
Schlumbergera . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
Sclerocactus Whipplei . . 261, 262, 473<br />
Selenicereus . . . . . . . . . . 206, 208, 455<br />
— grandiflorus 131,194,195<br />
208, 212, 213<br />
214, 215, 216<br />
303, 447, 455<br />
462, 468<br />
— — affinis . . . 214<br />
— — Macdonaldiæ<br />
. . . 214<br />
— — albispinus . .214<br />
— — callicanthus<br />
. . 215<br />
— hamatus . 34, 04, 193, 208<br />
216, 217, 218, 219, 456, 469<br />
— pteranthus . 194, 208, 215<br />
216, 447, 462<br />
408<br />
— — armata . . . 216<br />
— — gracilior . 210<br />
— — viridior . . 216<br />
— vagans . . . . . . 33, 35, 195<br />
Serpentine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465<br />
Sinita . . . . . . . . . . . . . . . 232, 233, 234<br />
Soconoscle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32<br />
Solisia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322<br />
Starfisch Cactus . . . . . . . . . . . . . . . 285<br />
Stenocereus stellatus . . . . . . . . . . . 160<br />
Strasberrycactus . . . . . . . . . . . . . . . 145<br />
Stromatocactus . . . . . . . . . . . . . . . . 245<br />
— Kotschoubeyi . . . . . 324<br />
Pages<br />
Strombocactus disciformis . . . 281, 325<br />
326<br />
Strophocactus. . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />
— Wittii . . . . . . . . . . . . 196<br />
T<br />
Tacinga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80<br />
Tamale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276<br />
Tasajillo . . . . . . . . . . . . 28, 88, 94, 101<br />
Tasajo . . . . . . . . . . . . . . . . 28, 38, 101<br />
Tecome<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37<br />
Tenchalote . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 101<br />
Tenochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30, 32<br />
Tenopalli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30, 32<br />
Teocomitl . . . . . . . . . . . . . 37, 293, 295<br />
Teohuiznahuac . . . . . . . . . . . . . . . . 294<br />
Teonochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 497<br />
Tepenexcoinitl . . . . . . . . . . . . 256, 280<br />
Tepenopalli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32<br />
Tepepoa . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 230<br />
Tepequinochtli . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />
Tepexcoinitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37<br />
Thelocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— leucacanthus . . . . . . . . 218<br />
Tiscome<strong>les</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . 37, 281<br />
Tiscomitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281<br />
Tlapalnochtli . . . . . . . . 27, 32, 33, 493<br />
Tocahuiztli . . . . . . . . . . . . . . . . 36, 108<br />
Tortilla de Carambullo . . . . . . . . . . 226<br />
Trimpanilla . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120<br />
Tuna . . . . . 37, 38, 46, 48, 131, 133, 154<br />
155, 156, 383, 489, 494<br />
— amarilla . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— Alfajayuca . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— americana . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— barbona . . . . . . . . . . . . . . . . . 230<br />
— blanca . . . . . . . . . . . . . . 120, 126<br />
— camuesa . . . . . . . . . . . . . . . . 114<br />
— Cardona . . . . . . . . . . . . . . 65, 111<br />
— colorada . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— de agua . . . . . . . . 88, 94, 96, 210<br />
— de Castilla . . . . . . . . 30, 126, 497<br />
— <strong>du</strong>raznilla . . . . . . . . . . . 118, 120<br />
— Joconostle . . . . . . . . . . . . . . . 121<br />
— mansa . . . . . . . . . . . . . . 126, 443<br />
— — pelona . . . . . . . . . . . . . 125<br />
— maranjada . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— mexicana . . . . . . . . . . . . . . . . 126
table alphabétique 551<br />
Pages<br />
Tuna morada . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— passada . . . . . . . . . . . . . . . . . 135<br />
— pelona . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— pintadera . . . . . . . . . . . . . 34, 142<br />
— ranchera . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— rastrera . . . . . . . . . . . . . . . . . 103<br />
— rica . . . . . . . . . . . . . . . . . 30, 497<br />
— casta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 443<br />
— tapona . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
— teca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126<br />
Tzacuanochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />
Tzazahuistli . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 36<br />
V<br />
Visnaga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235<br />
W<br />
Weberocereus . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />
Werckleocereus . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />
Wilcoxia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
— Diguetii . . . . . . . . . . 219, 222<br />
— papillosa . . . . . . . . . 219, 223<br />
— Poselgeri . . . . . 218, 219, 223<br />
ERRATA<br />
Pages<br />
Wilcoxia striata . . . . 74, 219, 222, 452<br />
— viperina . . 219, 220, 221, 222<br />
223, 452<br />
Willmattea . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455<br />
Wittia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
Wohoki . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291<br />
X<br />
Xoalacatl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34<br />
Xochilalacatl . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />
Xochilquetzaltic . . . . . . . . . . . . . . . 145<br />
Xochinochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . 27<br />
Xoconochtli . . . . . . . . . . . . 30, 32, 166<br />
Xoconostle . . . . . . . . . . . . . . . . 32, 120<br />
Z<br />
Zacamatraca . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />
Zacanochtli . . . . . . . . . . . . 27, 32, 101<br />
Zacasil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
Zacaxochitl . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218<br />
Zapotnochtli . . . . 30, 152, 155, 443, 497<br />
Zoconochtli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32<br />
Zygocactus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453<br />
p. 37, 38, 39, 43, 44, au lieu de : Bisnaga, lire : Biznaga.<br />
p. 30, 1 re ligne, au lieu de : Nopalnocheztli, lire : Nopalnochestli.<br />
p. 53, note 1, le Bulletin of Plants In<strong>du</strong>stry est de 1907 et non de 1910.<br />
p. 145, 14 e ligne, lire : où el<strong>les</strong> sont exposées et adaptées,<br />
et avant dernière ligne, au lieu de : Xochilquezaltic, lire : Xochilquetzaltic.<br />
p. 218, note 1, dernière ligne, au lieu de : Zacaxochil, lire : Zacaxochitl.<br />
p. 220 , 24 e ligne, au lieu de : transmontana, lire : transmontanas.<br />
p. 245, en note, 3 e ligne, au lieu de : Jourdanianum, lire : Jourdanicum,<br />
et au lieu de : Jourdianus, lire : Jourdanianus.<br />
p. 247, 3 e ligne, au lieu de : capricormis, lire : capricorne.<br />
p. 285, 8 e ligne, au lieu de : ornatus, lire : ornatum.<br />
p. 316, 7 e et 8 e lignes, au lieu de : Mamillariées, lire : Eumamillariées.<br />
p. 447, 21 e ligne, au lieu de : phyllantoides, lire : phyllanthoides.<br />
et 23 e ligne, supprimer : Cereus.<br />
p. 460, 26 e ligne, au lieu de : Catzicnopalxochitl, lire : Cotzicnopalxochitl.
ROUEN<br />
IMPRIMERIE LECERF FILS<br />
1928