Famille royale

Retour sur la vie incroyable de la reine Elizabeth II

La monarque qui a régné le plus longtemps dans l'histoire britannique est décédée ce jeudi 8 septembre. Vogue revient sur sa vie et son héritage extraordinaires.
reine elizabeth II
Princess Elizabeth, the future Queen Elizabeth II, in the state apartments at Buckingham Palace during her engagement to Prince Philip, Duke of Edinburgh, July 1947. (Photo by Hulton Archive/Getty Images)Hulton Archive/Getty Images

La reine Elizabeth II est décédée ce jeudi 8 septembre dans son château de Balmoral, en Écosse, entourée de ses enfants, dont son fils aîné, le nouveau roi Charles III. Elle avait 96 ans. 

Au cours de ses 70 ans de règne, la reine a été aimée et vénérée dans le monde entier. Elle a traversé un siècle agité et quelques tempêtes personnelles avec grâce et équanimité. Elle a été témoin de l'histoire en train de se faire et en a elle-même fait partie. Sa connaissance des événements mondiaux, de la politique et des structures du pouvoir était inégalée. Symbole de stabilité pour beaucoup de Britanniques, ces derniers la considéraient comme un membre à part entière de leur famille. Elle préservait néanmoins son monde intérieur avec la force des monarques qui ont construit la Grande-Bretagne, restant à bien des égards impénétrable jusqu'à la fin.

Les parents de la reine Elizabeth et sa jeunesse

Elizabeth Alexandra Mary (Elizabeth était le prénom de sa mère, Alexandra celui de son arrière-grand-mère et Mary celui de sa grand-mère) fait ses débuts officiels dans Vogue en août 1927. Assise sur les genoux de sa grand-mère, la reine Mary, épouse de George V, la jeune Elizabeth affiche un sourire radieux devant l’objectif du photographe mondain Marcus Adams.

La princesse Elizabeth grandit dans un foyer heureux. Son père, le prince Albert, connu pour sa timidité et son bégaiement, est le deuxième fils du roi George V et de la reine Mary. Le frère aîné d’Albert, le très glamour David, duc de Windsor, est le futur roi du Royaume-Uni. Aussi, personne ne s'inquiète vraiment lorsque Albert tombe follement amoureux d’une jeune noble écossaise, Elizabeth Bowes Lyon. Elle deviendra pourtant la première reine consort depuis des siècles à ne pas être née de la royauté lorsque Albert accède contre toute attente au trône sous le nom de George VI. Elle est la fille du comte de Strathmore et Kinghorne, et vivait à Glamis, un impressionnant château du XIe siècle aux murs de pierre et aux tourelles grises. 

Comme le note le British Vogue, celle que l’on surnommera plus tard “Queen Mum” est “la neuvième de dix enfants et a reçu la meilleure formation sociale qui soit, celle de faire partie d'une grande famille qui aime faire la fête en permanence. À cinq ans, elle rencontre le futur roi, qui en a alors dix. Ses sœurs aînées ont toutes fait de bons mariages, mais sans sensation.”

La Première Guerre mondiale transforme Glamis en hôpital de guerre et coûte la vie à Fergus, le frère adoré de Lady Elizabeth. Lorsqu'un incendie se déclare au château, c'est elle qui a la présence d’esprit d'appeler les pompiers et d’organiser des relais pour mettre en sécurité les trésors du château. “En 1919, lorsqu'elle fait ses débuts dans la société, note le British Vogue, certains trouvent qu'elle est la meilleure danseuse parmi les débutantes. Et quand sa mère tombe malade, elle joue le rôle de maîtresse de maison lors d'une fête à laquelle assiste son futur mari, qu'elle a déjà rencontré par l'intermédiaire de son amie, la princesse royale Mary, la sœur d’Albert. Bertie, comme le surnomme sa famille, est sous le charme, bien qu'une génération plus tôt, on aurait attendu de lui qu'il épouse une compatriote royale. Mais Lady Elizabeth est un bon parti, et Bertie, prince du pays, lui demande trois fois sa main avant qu’elle n’accepte. (Elle avait d'abord refusé car elle avait “peur de ne plus jamais être libre de penser, de parler et d'agir” comme elle le souhaitait). Lorsqu'elle accepte finalement d’épouser le prince, Sir Henry Chatham note dans son journal qu’“il n'y a pas un homme dans toute l'Angleterre qui n'envie pas ce dernier”.

Le couple se marie en avril 1923 à l'abbaye de Westminster. La princesse Elizabeth naît en 1926 à Mayfair et la princesse Margaret en 1930 à Glamis.

La duchesse d'York (la future reine)  avec ses filles les princesses Elizabeth et Margaret dans le jardin de la loge royale à Windsor.

Hulton Deutsch/Getty Images

Le photographe Marcus Adams réalise également un portrait de la jeune Elizabeth pour le numéro de mai 1928 du British Vogue. La princesse arbore alors un visage d’ange auréolé de boucles blondes et porte un collier de corail.

Icône de style depuis son plus jeune âge

Le 1er novembre 1932, Elizabeth est saluée pour avoir, par inadvertance, lancé la mode du “jaune maïs” aux États-Unis. Comme le rapporte le British Vogue, la princesse Elizabeth et sa petite sœur Margaret “ont popularisé un style élégant et épuré auprès de la jeune génération”. Un style vestimentaire unique qui guidera la reine à toutes les étapes de sa vie et qui brillera par sa continuité et sa stabilité.

La princesse Elizabeth pose avec son Corgi en 1936.

Photo: Getty Images

Toujours selon le British Vogue, Elizabeth et Margaret “s'habillent de manière simple et élégante, et les petites filles du monde entier veulent s'habiller aussi simplement et aussi élégamment qu'elles. Lorsqu’elles se rendent à Balmoral, par exemple, les princesses portent de vrais kilts, frangés et attachés avec une énorme épingle à nourrice, et des pull-overs de couleur vive”. Quant à leurs robes de soirée, “elles sortent tout droit de vos magazines préférés, avec leurs petits corsages serrés et leurs jupons évasés”.

“Pendant les treize premières années de sa vie”, note le British Vogue, “la princesse Elizabeth a été une icône de mode pour les fillettes du monde entier. Ses looks d’enfants ont été enviés par toutes les mamans d'Angleterre et copiés dans des milliers de crèches. La coupe de son nouveau manteau ou l'inclinaison de son chapeau ont presque autant d'influence sur la mode que les crinolines de la reine ou les coiffes de la duchesse de Kent.”

“Au Royaume-Uni, explique le British Vogue, les sœurs sont invariablement habillées de la même façon jusqu'à ce que l'aînée fasse ses débuts. Avant cela, Elizabeth se voit donc obligée de porter “les mêmes vêtements classiques et conservateurs que sa sœur”. La jeune princesse est principalement vêtue de couleurs pâles, le bleu étant sa préféré, mais ose des chandails jaunes avec ses kilts en tartan Royal Stuart.

Le prince David a été le premier à renoncer à tout pour une belle Américaine

Formé dès l'enfance pour devenir roi et servir son pays, l'oncle d’Elizabeth, David, succombe au glamour fragile de la jet-set incarné par Wallis Simpson, une roturière américaine deux fois divorcée dont il tombe amoureux et pour laquelle il renonce à son trône. C'est ainsi que son jeune frère Bertie se retrouve couronné roi sous le nom de George VI en 1937.

“Le peuple londonien attend impatiemment le grand jour”, s'extasie Johnny McMullin, journaliste pour le Vogue américain et confident de Wallis Simpson. “Même s’il est vrai que ce trône aurait dû revenir à quelqu’un d’autre, écrit-il avec une pointe de regret. Mais par une nuit de décembre, le roi Édouard embarque à bord d’un bateau amarré à Portsmouth et prend la mer dans la nuit, faisant ainsi “la mauvaise chose de la bonne manière” et ce chapitre est clos, à la mode anglaise.” Et de poursuivre : “Les comédiens sont différents, mais la pièce est la même. Sauront-ils nous divertir ? Et à quoi ressemblera cette nouvelle cour ? Naturellement, la société attend impatiemment de le savoir.”

“Quand George V est décédé et que Mrs Simpson a fait son apparition” écrit la romancière Rebecca West dans Vogue quarante ans plus tard, “la reine Mary a dû penser qu’elle avait échoué : elle avait réussi à faire de Buckingham Palace un havre pour son mari, mais pas pour ses enfants”.

“Ils n’étaient pas très populaires, ils le savaient”, note sans ambages Rebecca West au sujet des parents de la reine. “La duchesse d’York n’était pas de sang royal et ils ne faisaient pas autorité parmi leurs cercles. Ils étaient des gens simples et timides, ils aimaient leur vie privée… Les époux d’York ont accepté d’être roi et reine par sens du devoir.”

Une photo du carrosse d'or prise en mai 1937. Construit en 1762, il a été utilisé à chaque couronnement depuis George IV.

Science & Society Picture Library/Getty Images

“Sans mièvrerie”, indique Rebecca West au sujet de George VI, “c’était un homme doux. Il ne se sentait pas chez lui dans ce monde cruel mais il s’est montré digne. Les efforts le faisaient bégayer mais son expression restait éloquente”.

Les parents de la reine n’avaient peut-être pas le glamour et le clinquant des Windsor mais ce ne sont pas non plus des traits que partageaient le roi George V et la reine Mary. Témoins du chaos que pouvaient semer le chic et le sulfureux, les nouveaux souverains ont érigé la banalité en vertu, se présentant comme une famille nucléaire soudée avec une vie domestique confortable à laquelle de nombreux Britanniques de classe moyenne pouvaient s'identifier. Mais quand la nation rêvait d’histoires de Cendrillon, de faste et de cérémonies en grande pompe, la famille royale savait se montrer à la hauteur.

Vogue a couvert le couronnement de la reine avec force détails : les pairs de la Chambre des lords disposaient chacun de 50 centimètres de siège, les membres de la Chambre des communes de seulement 18 centimètres ; et comme les 7 000 autres invités de l’abbaye ne pouvaient pas “faire des allers-retours aux toilettes”, les invités “comme les gardes qui jalonnent le parcours devaient se contenter de mets sans eau après six heures la veille au soir”.

La princesse Elizabeth a déjà l'affection de tous

L’année du sacre de ses parents, Vogue a décrit la princesse Elizabeth comme “l’enfant la plus célèbre au monde, qui se partage l’affection du public anglais avec Shirley Temple… Elle aime lire les lettres que ses fans lui adressent, n’a pas du tout le trac, doit s’excuser pour ses réponses trop pleines d’esprit, n’a pas été sur-éduquée et sait ce qui l’attend”.

La reine et la princesse Elizabeth après le couronnement de George VI, 1937.

Daily Herald Archive/Getty Images

À l’âge de 13 ans, on dit de la princesse qu’elle est “très sûre d’elle”. Elle a troqué ses perles de corail pour un bracelet de diamant que son père, le roi George VI, lui a offert pour cet anniversaire important ; sa mère lui a donné ses premiers longs bas de soie. “Elle a son propre salon au palais de Buckingham”, commente Vogue, "fait ses propres commandes de fleurs, choisit les menus et envoie les invitations pour ses fêtes. Elle est aussi marraine d'une œuvre de charité.”

Une adolescence pendant la Seconde Guerre Mondiale

Au moment où Vogue fait paraître son numéro du 15 février 1943, cette vie d'insouciance a pris fin. La Grande-Bretagne est entrée en guerre et quand la princesse Elizabeth pose pour Cecil Beaton dans Vogue, elle porte une casquette militaire et, sur le revers de son costume en tweed, l’insigne sertie de diamants des Grenadier Guards dont elle est colonel honoraire (“c’est la première femme de l’histoire à commander un régiment supérieur de gardes à pied”).

La princesse Elizabeth d'Angleterre en 1945.

Apic/Getty Images

Selon le British Vogue, elle “savait manier le fusil à six coups” et à l’occasion d’un dîner de charité organisé à Windsor Castle, “elle a chanté en duo, fait des claquettes, donné un solo de piano et guidé une chorale”.

La jeune princesse se préparait manifestement aux rigueurs d’une vie de service. “Guide zélée, elle a obtenu ses certificats de premiers soins et d'infirmière à domicile, et suit aujourd’hui une formation de sauveteur”, poursuit le British Vogue. “Elle prête main-forte aux pompiers du palais, rencontre des diplomates avec ses parents, inspecte les aérodromes et participe à des émissions de radio pour les enfants de l'empire. Ayant suivi un cursus scolaire sans faille, qui comprend des cours d’histoire dispensés par le vice-doyen d’Eton, c’est une jolie jeune fille qui enchaîne les matières avec une grande facilité.”

Pour célébrer la majorité de la princesse, Vogue publie son portrait à l’aquarelle par la princesse Marina of Kent, l’élégante veuve de l’oncle de la princesse, le prince George et duc de Kent, brusquement décédé dans un accident d’avion l’année précédente.

Le couturier Norman Hartnell habille la famille royale

Cecil Beaton tire de nouveau le portrait de la jeune femme dans un numéro paru après la guerre, le 1er mars 1946. “L'héritière présomptive au trône de Grande-Bretagne et le beau symbole de la relève de la Grande-Bretagne” a 19 ans et se dit “prête à entamer une tournée de l’Amérique et des pays du Commonwealth”. Elle est cette fois-ci photographiée contre l’un des célèbres décors de Beaton, agrandi à partir des détails d'un tableau de Fragonard, et porte une robe en tulle flottant brodée de papillons confectionnée par Norman Hartnell. Le créateur de mode britannique avait déjà habillé la jeune princesse d’une robe volumineuse à volants de tulle à l’occasion du mariage de son oncle, le duc de Gloucester, avec Lady Alice Douglas Scott en 1935. Elle y était demoiselle d’honneur.

La princesse Margaret, à gauche, et la princesse Elizabeth, future reine Elizabeth II, à droite, en 1946.

Universal History Archive/Getty Images

La mère de la princesse, alors duchesse d'York, était tellement impressionnée par les robes spectaculaires que Norman Hartnell avait créées pour ses filles, qu'elle lui a elle-même passé commande. (La reine Mary lui a également réclamé quelques modèles mais lorsque la facture est arrivée, elle l'a renvoyée : elle considérait qu'il s'était sous-vendu et insistait pour lui payer une guinée supplémentaire par robe).

Les somptueuses tenues de soirée, dignes de peintures de Winterhalter, et les robes de jour pastel à larges volants que Hartnell a conçues pour la mère de la princesse Elizabeth lui accorderont l’image douce et romantiquement désuète qui la suivra comme reine puis reine-mère. Parmi les moments mode de Hartnell et de sa cliente de marque, on se rappelle une visite d'État de George VI et de la reine Elizabeth en France en juillet 1938.

La mère de la reine, la comtesse de Strathmore, disparaît brusquement en juin cette année-là et l’impressionnante garde-robe imaginée par Hartnell, dans une déclinaison de teintes pastel, est jugée inappropriée compte tenu des circonstances. Mais plutôt que de repenser la collection en noir de deuil, le très théâtral Hartnell a découvert un précédent qui fait du blanc un symbole du deuil royal. Il recrée l’intégralité des tenues dans cette nuance, qui ressort particulièrement lumineuse dans les photos de presse comme à la télévision. Ainsi parée, la petite silhouette devient instantanément reconnaissable parmi la foule, influençant les créateurs de haute couture parisiens et marquant les premiers pas du style que la reine allait adopter pour le restant de sa longue vie. (Elle est morte le 30 mars 2002 à l’âge de 101 ans.) Mais les plus grandes prouesses mode de Norman Hartnell étaient encore à venir (elle lui vaudront par ailleurs d’être fait chevalier).

Un mariage d'amour avec le Prince Philip

En 1938, le fringant prince Philippe de Grèce et du Danemark entre au Britannia Royal Naval College de Dartmouth, où il remporte le King's Dirk en tant que meilleur cadet de sa promotion. (En tant qu'aspirant à bord de divers croiseurs et cuirassés, il est cité à l’ordre du jour et nommé commandant en second du destroyer Wallace). C’est à Dartmouth qu’il rencontre la jeune princesse Elizabeth, alors âgée de 13 ans, et sa sœur Margaret. L’aînée est saisie par le jeune homme que Ray Livingstone Murphy, rédacteur de Vogue (et biographe de Lord Mountbatten), décrit comme “grand, blond, avec des épaules d'athlète, un menton ferme et des yeux francs”. La jeune princesse et l’élégant lieutenant entament une correspondance, elle garde une photo de lui sur son bureau, et leur idylle commence à petits pas.

Elizabeth et Philip scellent finalement leur union le 20 novembre 1947. “Leur mariage est un événement et un spectacle à part entière. Elizabeth et Philip sont entourés par tous les attributs possibles et inimaginables de l'Église et de la royauté britannique : autel recouvert d’or, carrosses en verre, retentissement de trompettes, diadèmes et cavalerie de la Household Cavalry. C’est une vraie démonstration de force de la royauté britannique, de son histoire et de ses traditions”, note le British Vogue dans son numéro de janvier 1948. Feliks Topolski, un peintre expressionniste, immortalise l’événement à travers une série d'esquisses sublimes, publiées dans l’édition américaine de Vogue et saisissant avec de vifs traits de couleurs, les silhouettes de personnalités telles que la reine Mary avec son chapeau signature (une toque).

La princesse Elizabeth et le prince Philip, duc d'Édimbourg, au palais de Buckingham, peu avant leur mariage en 1947.

Hulton Archive/Getty Images

Le jour de l’événement, Elizabeth porte une robe en satin brodée de motifs feuillus en perles, dessinée par Norman Hartnell et inspirée par la toile Le Printemps (1478-1482) de Botticelli. Les fleurs découpées parsemant le textile se retrouvent au niveau du voile de la mariée et donnent à son look des airs romantiques et glamour, dont le but est de trancher avec le contexte morose et austère de l’époque (le Royaume-Uni sortait tout juste de la Seconde Guerre). Elizabeth opte alors également pour des épaulettes bien définies (comme le veut la tradition), à la différence de sa sœur Margaret, qui adopte à l’époque des épaulettes plus douces, notamment celles imaginées par Christian Dior dans sa collection New Look.

La princesse Elizabeth et le prince Philip, duc d'Édimbourg, au palais de Buckingham après leur mariage, le 20 novembre 1947.

Hulton Archive/Getty Images

“Tout le monde était au courant : le mariage d'Elizabeth et de Philip était un mariage d'amour. Tout comme celui de ses ancêtres, la reine Victoria et le prince consort”, écrit l’historien Alfred Lestie Rowe dans un article de Vogue. La trajectoire d’Albert de Saxe-Cobourg-Gotha est pourtant assez singulière, poursuit le journaliste. Malgré son statut d’outsider, le prince réussit en effet à transformer le paysage culturel du pays. Il est notamment à l'origine de la première Exposition universelle (tenue en 1851 à Londres) et a également soutenu (et donné son nom) au futur Victoria and Albert Museum et au Royal Albert Hall. Ses goûts artistiques se rapprochent de ceux du grand public britannique. Et en 1958 par exemple, il commande un Jubilate Deo au compositeur Benjamin Britten, et demande à Feliks Topolski de réaliser une peinture de 30 mètres de long sur le couronnement de la reine, à Buckingham Palace.

Si Albert est ainsi porté sur les arts, le prince Philip, en revanche, est toujours animé par un seul et unique but : soutenir sa femme et participer à la consolidation de la monarchie. “Quand il m’a embauché, la première chose qu’il m’a dite”, raconte Michael Parker (le premier secrétaire privé de Philip) à la journaliste Fiammetta Rocco, “c’est que son travail consistait à, premièrement, ne jamais laisser tomber sa femme. Deuxièmement, à ne jamais laisser tomber sa femme. Et troisièmement, à ne jamais laisser tomber sa femme.”

L'ascension au trône 

Un rôle qui devient crucial quelques années plus tard, lorsque George VI (un gros fumeur) meurt d'une thrombose coronaire à 56 ans et qu’Elizabeth doit monter sur le trône. Nous sommes en 1953, six ans après son mariage. L'événement fait l’effet d’une bombe pour le prince qui a pris goût aux joies de la vie de famille dans la résidence royale de Clarence House et doit renoncer à sa carrière dans la marine pour se consacrer à la vie publique. Un rôle qu’il honorera en bonne et due forme au fil des années, l’homme ayant été mécène, président et membre assidu de près de 800 organisations au cours de sa carrière. Quand il prend officiellement sa retraite en 2017, le prince consort peut en effet se targuer d’avoir 22 219 projets solo à son actif et, bien sûr, beaucoup plus si on compte ceux qu’il a soutenus avec sa femme.

Quand cette dernière monte sur le trône, “l’événement suscite alors un engouement au-delà des frontières du Royaume-Uni et des pays du Commonweath”, comme le rapporte Vogue en 1953. “La jeune reine jouit d’une belle popularité, car le monde entier a pu la voir grandir. Son couronnement incarne l’idée de continuité dans le temps et le sentiment de sécurité qui va avec. La cérémonie, qui s'est déroulée dans l'abbaye de Westminster le 2 juin, est l’une des plus anciennes cérémonies célébrées actuellement dans le monde occidental : le couronnement des rois et reines du Royaume-Uni a lieu pratiquement de la même manière et au même endroit depuis près de 900 ans. À travers cet événement, la reine célèbre non seulement la monarchie et son attachement à la tradition, mais elle entérine aussi une promesse : celle de devenir et d’incarner maintenant Elizabeth II, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, d'Irlande du Nord et des autres royaumes du Commonwealth.”

La reine Elizabeth II dans le carrosse en route pour le couronnement à l'abbaye de Westminster en 1953.

Photo: Getty Images

Les responsabilités qui incombent désormais à la jeune femme sont devenues immenses. “Peut-on vraiment mesurer le poids de la Couronne dans la vie de quelqu’un ?”, se demande Elizabeth Bowen dans le numéro de Vogue dédié au couronnement d’Elizabeth. Une chose est sûre : ce jour-là, peu de gens peuvent imaginer l'étendue, la puissance et la longévité de son règne. Norman Hartnell s’était chargé de donner à la reine une tenue à la hauteur de ses nouvelles fonctions royales. En satin blanc brodé de fils de soie et de perles, la robe du couronnement met à l’honneur des motifs reprenant les symboles des pays du Royaume-Uni et des autres États du Commonwealth, comme la rose Tudor d'Angleterre, le chardon d'Écosse, le trèfle irlandais et le poireau du Pays de Galles. (Pour l’anecdote, Norman Hartnell a fait pression pour remplacer le poireau par une jonquille, sans succès. Ses brodeuses ont cependant fait un travail remarquable en représentant le poireau avec des fils aux nuances mauves et vert tendre).

La reine a visité plus d'une centaine de pays

Norman Hartnell a continué à collaborer avec Elizabeth II par la suite. Sir Hardy Amies, Sir Ian Thomas, Stuart Parvin, et plus récemment Angela Kelly, ont alors rejoint le cortège des créateurs ayant défini le style de la reine. Ils se sont illustrés en imaginant des ensembles colorés et des chapeaux afin que la reine se distingue de la foule, ou encore des robes de soirée spécialement conçues pour mettre en valeur les ordres et les bijoux de la famille royale (ou encore, pour rendre subtilement hommage aux pays qu’elle visitait : broderies de fleurs d'acacia pour l'Australie, de feuilles d'érable pour le Canada, de coquelicots de Californie pour rendre visite aux Reagan, ou encore broderies vert et blanc, comme les couleurs du drapeau pakistanais).

La reine Elizabeth II arrive à l'aéroport d'Aberdeen avec ses corgis en 1974.

Photo: Getty Images

Les visites à l’étranger ont en effet été nombreuses lors de son règne. En 1957, Vogue se réjouit de la visite d’Elizabeth II et de prince Philip aux États-Unis. "Leur présence a donné à l’automne une saveur particulière et un éclat qui survivra à leur départ. Il y a non seulement du romantisme et de la curiosité dans l’air, mais aussi et surtout un vrai respect pour cette jeune reine à peine sortie de la vingtaine et qui accomplit déjà, avec courage, intelligence et sensibilité, un travail extrêmement compliqué et éprouvant.”

En 1963, Vogue relatait également le voyage du couple dans les Îles des Antipodes et donnait aux lecteurs un aperçu des obligations liées à de telles visites officielles : “La reine a assisté à la tonte de moutons, à des ateliers de poterie, de tissage de tapis, et s'est rendue à l'opéra dans une robe blanche, mettant particulièrement en valeur le coup de soleil acquis plus tôt lors d’une balade en bateau. ‘Le bush australien, on s’y attache’, dit-elle.”

Dix ans plus tard, en 1973, Elizabeth II assiste au mariage de sa fille, la princesse Anne, avec le “captain” Mark Phillips, puis au mariage de son fils, Charles, avec Diana Spencer. La suite, on la connaît. Entretemps, pour célébrer le Jubilé d'argent, Vogue US publiait dans son numéro de mai 1977 un portrait de la reine par Andy Warhol et demandait à l'écrivaine Rebecca West, 84 ans, de se pencher sur son règne. "Elle est un tiers monarque, un tiers mythe, un tiers femme.”

Traduction par Julie Ackermann, Sarah Mandois et Sandra Proutry-Skrzypek.

Article initialement publié  sur Vogue US

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