Cinéma

Charlotte Le Bon nous parle de son premier film, nommé aux César

La comédienne dévoile une nouvelle corde à son arc en passant derrière la caméra. Falcon Lake, son premier film, présenté à Cannes, est nommé aux César dans la catégorie Meilleur Premier Film. Entretien.
Charlotte Le Bon Cannes 2022
Dominique Charriau / Getty Images

Quel lieu aussi palpitant, et symbolique, que le Festival de Cannes pour présenter un film. Et quand c'est un premier film, le geste est encore plus immense. Cette année, Charlotte Le Bon fait partie de ces jeunes premières qui défendaient leur bébé devant le public, exigeant, de Cannes. Voici son Falcon Lake, sélectionné à la Quinzaine des Réalisatrices, et nommé pour le César du Meilleur Premier Film, où elle nous offre une belle histoire d'adolescence, teintée de mélancolie et de fantômes. L'actrice et réalisatrice aux multiples dons revient sur cette aventure déterminante et profondément intime.

Tête-à-tête avec Charlotte Le Bon

Vogue : Vous présentez votre premier film à Cannes. Que ressentez-vous ?

Charlotte Le Bon : Je suis à la fois très excitée et fébrile. C'est très confus. J'ai l'impression que je pourrais pleurer à n'importe quel moment, puis éclater de rire juste après.

Votre film parle d'adolescence. Qu'avez-vous tiré de votre propre expérience pour sa réalisation ?

Je n'ai pas de souvenirs particulièrement lumineux de mon adolescence. Je n'arrivais pas à trouver de groupe social où je me sentais bien ou auquel je pouvais m'identifier. J'avais l'impression que mes amis pouvaient m'abandonner à n'importe quel moment. J'ai vécu énormément de solitude et il y avait une certaine mélancolie qui m’accompagnait. Au cinéma, j'en avais marre de voir que des films joyeux, un peu mièvres, sur cet âge, ou alors tout l'inverse : des images de l'adolescence difficile avec de la drogue, de la prostitution... Je trouvais qu'il manquait un entre-deux et c'est cela que j'ai voulu exploiter dans mon film. L'adolescence, c'est aussi une certaine ambivalence : il y a des moments grisants où l'on se sent complètement emportés et euphoriques, et il y a aussi ce sentiment pesant qui nous accompagne et qu'on n'arrive pas forcément à identifier.

Tandem Films

Chloé vous ressemble beaucoup finalement ?

Oui mais Bastien me ressemble aussi dans son désir de vouloir appartenir à un groupe, de vouloir impressionner (même si lui y arrive mieux que moi dans le film). J'ai aussi été dans la position de l'amoureux transit de Chloé qui joue un peu et apprend à se connaître à travers l'autre. C'était important de pouvoir m'identifier aux deux personnages sinon je crois que je n'aurais pas pu écrire un film honnête.

Que diriez-vous à la Charlotte que vous étiez adolescente ?

Adolescente, j'étais en conflit avec ma mélancolie, j'essayais de m'en débarrasser. J'avais envie d'être l'une de ces adolescente qui était cool, légère et joyeuse. Aujourd'hui, je lui dirais que cette mélancolie va devenir une force, éventuellement une muse, et qu'elle me permettra de raconter des histoires.

Que diriez-vous à quelqu'un qui ne vous connaît pas et ne connaît pas le film pour lui donner envie d'aller le voir ?

C'est un film universel sur l'amour et les fantômes. Si vous n'aimez pas ces deux choses là, vous avez une vie triste.

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Quels sont les cinéastes qui vous ont inspirée ?

Il y en a pleins. Pour ce film, il y avait surtout Andrea Arnold avec Amercain Honey. Take Shelter de Jeff Nichols aussi pour l'ambiance à mi-chemin entre la réalité et la folie de quelqu'un. My Summer of Love de Pawel Pawlikowski avec Emily Blunt. Les films de Sofia Coppola aussi évidemment.

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu de la part d'une actrice ?

On m'a déjà dit que dans ce milieu, il ne faut jamais croire quand on te dit que tu es nulle, mais ne jamais croire non plus quand on te dit que tu es bonne. Je pense que c'est un très bon conseil.

D'un réalisateur ?
Jalil Lespert m'a toujours dit de me faire confiance. C'est très précieux. C'était la première fois que je rencontrais un réalisateur qui me laissait suffisamment de liberté et ça m'a permis de m'assumer.

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Vous avez la sensation qu'on a essayé de vous mettre dans des cases ?

Oui, mais on fait tous ça de toute façon. J'ai été mise dans la case de la fille rigolote et pétillante, et je trouvais souvent que les personnages qu'on me proposait manquaient de profondeur. Je n'avais pas nécessairement de plaisir à les incarner. J'avoue que pour Chloé, j'ai écrit un personnage que j'aurais aimé jouer à l'âge de Sarah. Ce sentiment de frustration que j'ai pu vivre sur certains plateaux m'a aussi donné cette envie et cette force pour passer derrière la caméra et de créer mes propres personnages.

Où trouve-t-on la force d'aller à l'encontre de ce que l'on peut nous proposer et d'être là où l'on n'est pas attendu ?

Je pense que c'est une envie qui nous habite ou qui ne nous habite pas. Pour moi, c'était une évidence. Après le tournage de mon court-métrage, j'ai su que je voulais en faire mon métier et que je voulais faire un long-métrage. Il faut garder la tête froide et se dire que ça va être difficile, qu'on va se faire refuser notre projet, que certains vont dire que ce n'est pas bien... Mais ce n'est pas grave, tant qu'on y croit. Il faut garder le cap. Si on aime notre projet et qu'on le porte, peu importe ce que les gens pourront dire dessus. C'est juste de l'espoir.

Avec quelle actrice rêveriez-vous de jouer ?

Olivia Colman.

Quel acteur ?

Daniel Day-Lewis. Mais je serais super intimidée et je pense que je jouerais très mal. Ou Mark Ruffalo aussi.

La chose la plus folle qui vous soit arrivée à Cannes ?

Le fait d'être sélectionnée. C'était vraiment trop beau pour être vrai.

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