Les quatre reines qui grandirent à Brignoles

Au XIIIe siècle, les quatre filles du comte Raimond Bérenger ont épousé les rois de France, d’Angleterre, du Saint Empire et de Naples.

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André PEYREGNE Publié le 01/09/2019 à 18:00, mis à jour le 20/09/2019 à 13:39
Le Palais des comtes de Provence à Brignoles. Photo DR

Lorsque, par les chaudes journées d’été, on gravit les rues du vieux Brignoles et qu’on se dirige vers le haut de la cité, on tombe immanquablement sur la façade simple et noble du Palais des comtes de Provence.

C’est là que les comtes résidaient en été. Là aussi que les comtesses venaient accoucher. Cela valut à la cité de Brignoles le surnom de "nourrice et demeure des enfants de la couronne".

Lorsque les comtes arrivaient de leur résidence principale d’Aix, les Brignolais leur fournissaient le mobilier et le linge. C’était un honneur pour eux d’accueillir leurs souverains. Ils récupéraient leurs biens à la fin du séjour.

Le mariage de Marguerite et de Louis IX. Sur l’image de droite, pendant la nuit de noces, le roi prie et ne touche pas à sa femme. Photo DR.

Une épouse recherchée en Provence

Au début du XIVe siècle, le comte de Provence s’appelle Raimond Béranger IV. Il règne sur un territoire couvrant nos actuels départements du Var, des Alpes-de-Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes. Son épouse est Béatrice de Savoie.

Ils ont quatre filles: Marguerite, Éléonore, Sancie, Béatrice. Toutes sont nées à Brignoles ou, en tout cas, y ont passé leur enfance, y ont été élevées, y ont grandi. Toutes quatre deviendront reines.

Lors de l’été 1233, Raimond Béranger remarqua la venue en Provence d’un certain Gilles de Flagy, émissaire du jeune roi Louis IX – le futur roi Saint Louis –, qui était alors âgé de 19 ans.

Il apprit que le souverain, désireux de renforcer l’influence de la France en Provence, cherchait à trouver une épouse dans cette région.

Aurait-il jeté son dévolu sur sa fille aînée, se demanda Raimond Béranger? Cela l’inquiéta : d’abord parce que sa fille aînée n’avait que 12 ans, ensuite parce qu’il se sentait incapable de réunir la dot convenant à un mariage royal.

Il serait obligé de mettre en gage ses propres revenus, son château de Tarascon, son palais de Brignoles. Il était partagé entre l’honneur de voir sa fille devenir reine et l’horreur d’être ruiné.

Mariage d’Eléonore et d’Henri III d’Angleterre. Photo DR.

Quelques mois s’écoulent. Rien ne se passe. Raimond Béranger est soulagé.

Puis un jour Gilles de Flavy revient : le roi a fait son choix, il demande sa fille en mariage. C’était comme si le ciel tombait sur sa tête. Dépassé par l’événement, il chargea son conseiller Romée de Fréjus de s’occuper de l’affaire. On n’a aucune idée des formalités qu’il faut accomplir lorsqu’on veut marier sa fille à un roi !

Il faut d’abord demander au pape une autorisation de consanguinité – car Marguerite de Provence faisait, par sa mère, partie de la même famille que Louis IX. Une fois l’autorisation papale obtenue, il faut régler le problème de la dot.

Cela n’est pas une mince affaire ! Romée de Villeneuve s’avéra un fin négociateur. Il obtint que la dot, qui s’élevait à 8 000 marcs, soit payée à crédit. Le 30 avril 1234, le comte et la comtesse de Provence signèrent une reconnaissance de dette de la somme en question, mirent en gage leur château de Tarascon ainsi que les revenus du comte.

Le 17 mai 1234, le comte paya un premier acompte de 2000 marcs. Cela permit aux émissaires du roi Jean de Nesle et Gauthier Cornut de repartir avec Marguerite et de l’amener sur les lieux du mariage.a cathédrale de Canterbury le lundi 

Béatrice, quatrième fille. Photo DR.

Une cérémonie fastueuse

Le mariage eut lieu dix jours plus tard, le 27 mai 1234, en la cathédrale de Sens. La cérémonie est fastueuse. Les plus hautes personnalités françaises sont présentes.

Mais le jeune souverain s’avérera d’une délicatesse extrême vis-à-vis de sa femme qui est encore une enfant. Il ne l’approchera pas au cours de sa nuit de noces et passera son temps en prières. Le lendemain, 28 mai, Marguerite est couronnée.

L’aînée des quatre filles de Raimond Béranger est reine de France. Que vont, à présent, devenir les trois autres? 

En 1235, les relations entre l’Angleterre et la France sont, comme toujours, conflictuelles. Le roi d’Angleterre Henri III cherche à constituer un réseau d’alliance dans le sud de la France.

Il charge une des ses connaissances, l’évêque de Valence Guillaume de Savoie, de lui trouver une épouse dans cette région. Celui-ci pense à sa propre nièce, Éléonore, qui n’est autre que la seconde fille de Raimond Béranger, âgée de 14 ans.

Les tractations se déroulent en octobre 1235. Les comtes de Provence se déclarent incapables de payer une nouvelle dot. Le roi d’Angleterre accepte – du moment qu’il va devenir le beau-frère du roi de France ! En 1236, Guillaume de Savoie amène Éléonore en Angleterre pour la présenter au roi. Le mariage eut lieu en la cathédrale de Canterbury le lundi  14 janvier 1236. Henri III, lui aussi connu pour sa piété, organisa de grandes cérémonies religieuses. Éléonore fut couronnée reine le dimanche suivant.

Sancie, troisième fille de Raimond Béranger. Photo DR.

Peu à peu, Éléonore exerce une forte autorité sur la cour d’Angleterre. Vis-à-vis de ses sœurs, elle est restée très "famille". Lorsque son beau-frère Richard de Cornouailles perd son épouse, elle songe à le marier avec sa sœur Sancie.

Richard de Cornouailles, frère du roi Henri III, passe pour être l’un des hommes les plus riches d’Angleterre et d’Europe. C’est un magnifique parti ! Et les deux sœurs brignolaises se rejoindront sous les frimas d’Angleterre!

Les tractations durent une année. Le mariage a eu lieu en la cathédrale de Westminster le 23 novembre 1243. Sancie a 15 ans. La cérémonie nuptiale est démesurée. On parle d’un dîner de… trente mille couverts ! Richard devenant roi du Saint Empire Romain-Germanique le 17 mai 1257, son épouse Sancie est couronnée avec lui. La voici reine comme ses sœurs aînées.

Henri III d’Angleterre, qui a épousé Eléonore. Photo DR.

Son père lui lègue le comté de Provence

Reste à présent la cadette, Béatrice. Pour assurer son avenir, son père Raimond Béranger décide de lui léguer le comté de Provence. Lorsqu’il meurt, elle n’a que 11 ans. Il n’aura pas eu le bonheur de la voir devenir reine.

Car elle aussi accédera à ce titre. Elle épousera à l’âge de 17 ans, le 31 janvier 1246 à Aix-en-Provence, le frère du roi de France Louis IX, Charles, âgé de 19 ans. Les tractations ont été menées au plus haut niveau par Blanche de Castille, mère de Charles et de Saint Louis, et par le pape Innocent IV.

40 navires et 1.500 hommes

Charles, personnage ambitieux est arrivé en Provence avec ses troupes pour mater toute idée de révolte des autres comtes du sud de la France qui voyaient ce mariage d’un mauvais œil – le comte de Toulouse en particulier.

En 1265, poussé par le pape, il s’embarque avec quarante navires et mille cinq cents hommes, pour aller conquérir le sud de l’Italie. Le 6 janvier 1266, il est couronné roi des Deux Siciles, et son épouse Béatrice avec lui. Le Royaume des Deux Siciles est aussi appelé Royaume de Naples. Cette fois-ci, les quatre sœurs de Provence ont épousé des rois.

Comme tous les pères du monde, Raimond Béranger souhaitait le meilleur pour ses enfants. En est-il beaucoup dont les quatre filles sont devenues reines ?

Raimond Béranger, père des quatre reines. Photo DR.

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