Wallis Simpson et Édouard VIII, une histoire d'amour qui n'en était pas (vraiment) une

Cet été, VANITY FAIR détricote les grandes romances de l’Histoire. On aime raconter celle-ci comme l’une des amours les plus folles et passionnées du XXe siècle. Édouard VIII a renoncé à tout — et surtout à son trône – pour épouser Wallis Simpson. Mais la sulfureuse Américaine méritait-elle autant de sacrifices ?
Et si Wallis Simpson navait jamais aim Édouard VIII
Robert Siegler / Ina

« Mais quel idiot ! Mais quel idiot ! » Hurlant comme une furie, Wallis Simpson vient de jeter son verre de whisky, qui s’est brisé en mille morceaux. En villégiature chez des amis dans le Sud de la France, elle a laissé son Édouard à Londres, sans se douter qu’il choisirait ce moment pour abdiquer. Quelques jours plus tôt, les adieux avaient été déchirants, surtout pour lui. Elle s’était résignée à fuir, du moins quelques temps, pour échapper à la folie médiatique. Édouard avait pleuré, lui avait dit qu’il ne « l’abandonnerait jamais ». On raconte donc que c’est loin de son futur mari que l’impétueuse Wallis aurait appris la terrible nouvelle. À la radio, comme n’importe quel sujet, comme le monde entier. Nous sommes le 11 décembre 1936, la BBC a installé un micro dans l’une des salles du château de Windsor. À 22 heures précises, on annonce l’allocution de « Son Altesse royale le prince Édouard ». En effet, il n’est déjà plus roi. Les Britanniques sont scotchés à leur poste. « Vous connaissez tous les raisons qui m’ont poussé à renoncer au trône », dit le souverain déchu. Son règne a été le plus court de l’histoire monarchique – après celui de son lointain aïeul Édouard V – il doit s’en expliquer. Wallis Simpson connaît mieux que quiconque la cause de cette décision : c’est elle. Mais voilà, maintenant que tout est fait, qu’Édouard a prêté serment au nouveau roi, son frère Bertie, elle le regrette. Elle devra donc l’épouser alors qu’il n’a plus rien, ni couronne, ni palais. Pourtant, elle ne peut plus faire marche arrière : elle devra se marier à cet homme qu’elle n’aime pas. L’a-t-elle d’ailleurs un jour aimé ?

Selon l’experte ès dynasties royales, Isabelle Rivière, Wallis n’aimait pas Édouard, bien qu’elle l’appréciât beaucoup. Ses sentiments envers son amant étaient plutôt d’ordre maternel. Le prince était fragile et délicat ; les femmes qui l’entouraient – il eut d’ailleurs de nombreuses liaisons durant sa jeunesse – avaient tendance à le couver.

Les histoires d’amour commencent mal…

Contrairement à ce que laisse entendre la légende – et le nombre de fictions que celle-ci a nourri –, il n’y a pas eu de coup de foudre entre Wallis et Édouard. Ils se rencontrent par l’intermédiaire d’une amie commune, la célèbre Thelma, vicomtesse Furness, figure incontournable du gotha. La fantasque aristo invite les Simpson – Américains récemment installés à Londres mais peu habitués à l’étiquette british – à une réception. Son amant, le prince de Galles, y est également convié. Mais aurait-elle dû le placer à côté de cette Wallis à la réputation sulfureuse ? Ils rient ensemble toute la soirée, mais le lendemain, ils se sont déjà oubliés. Thelma part quelques semaines aux États-Unis, elle écrit à son amie Barbara Cartland : « J’ai demandé à Wallis de s’occuper du "petit homme". Il sera entre de bonnes mains avec elle. » Elle ne pensait pas si bien dire. Durant son absence, le prince et la milliardaire se fréquentent régulièrement, passent des week-ends au Fort Belvédère, souvent au vu et au su du mari cocu.

Et si Wallis Simpson n’avait jamais aimé Édouard VIII ?

Hulton Archive/Getty Images

Si ce n’est l’amour ou la passion, qu’est-ce qui a poussé Wallis à s’attacher à Édouard ? Cette Américaine arriviste n’était pas stratège, mais plutôt opportuniste, explique Isabelle Rivière. Elle avait beaucoup souffert de son enfance désargentée et se jetait facilement dans les bras d’hommes qui pouvaient lui garantir la sécurité. Elle quitte ainsi son premier mari, Earl Winfield Spencer Jr., officier de marine alcoolique, pour Ernest Simpson, dirigeant d’une grande entreprise maritime. Mais Édouard lui promet encore plus de bijoux, de fourrures et de robes Schiaparelli. Tous ces trésors lui font envie. C’est cette réputation de divorcée cupide qui fera d’elle la bête noire des Windsor et qui l’empêchera d’épouser le roi. Wallis ne voulait d’ailleurs pas se faire passer la bague au doigt. Elle s’était simplement fantasmée en maîtresse royale, en femme murmurant à l’oreille d’un puissant et profitant de ses privilèges.

La mariée était en noir

Avant qu’Édouard VIII abdique, Wallis Simpson avait voulu tout arrêter, le quitter et s’en retourner avec Ernest. Elle écrit à son amant pour le convaincre que toute cette histoire ne mènera qu’à « un désastre ». Mais c’est déjà trop tard. Il devient duc de Windsor, elle simple duchesse. Ils s’exilent en Indre-et-Loire, dans le château de Candé, propriété d’un riche industriel, Charles Bedaux. Ils s’y marient le 3 juin 1937. Ce jour-là, Wallis n’a pas le cœur à la fête. Elle sourit peu sur les photos. Isabelle Rivière précise même qu’avant la cérémonie, elle aurait appelé Édouard « Sir », comme si elle venait de le rencontrer, allant même jusqu’à le gratifier d’une révérence que l’on ne réserve habituellement qu’au roi.

Pour autant, Wallis Simpson ne détestera pas son existence avec Édouard. Il était son complice, celui avec qui elle passait ses journées d*’otium* qui ne se partageaient qu’entre lectures, loisirs, soirées et autres mondanités. Certains diront qu’elle n’a jamais cessé d’aimer son second époux, Ernest, avec qui elle gardait une intense et intime correspondance. D’autres lui prêteront même un nouvel amant, un certain Guy Marcus Trundle, vendeur d’automobiles, Casanova invétéré. Mais l’adultère ne sera jamais confirmé.

Ces derniers éléments viendront nourrir la légende Wallis Simpson, l’ambitieuse qui a fait trembler la couronne d’Angleterre. Celle qui ne supportera jamais d’avoir été privée du prédicat d’Altesse royale (alors qu’Édouard l’avait conservé). Son fantôme semble encore hanter les Windsor. Ainsi, durant son annus horribilis en 1992, où elle avait vu le mariage de trois de ses enfants se briser, Élisabeth II n’avait de cesse de se ressasser l'histoire de Wallis et Édouard, romance qui n'avait vraiment pas été rose.

Et si Wallis Simpson n’avait jamais aimé Édouard VIII ?

Ann Ronan Picture Library / Photo12 / AFP