Qui est George Soros, et pourquoi est-il devenu la bête noire de l’extrême droite et des complotistes ?

Voilà des années que ce milliardaire devenu philanthrope est la cible des complotistes et de plusieurs mouvements politiques d’extrême droite. Plus d'une fois, George Soros a reçu à son domicile un colis piégé, comme autant de preuves de la haine nourrie à son égard. Mais pourquoi est-il si dénigré ?
Qui est George Soros et pourquoi estil devenu la bête noire de lextrême droit et des complotistes
Jasper Juinen/Bloomberg via Getty Images

À l’instar de Barack Obama, Hillary Clinton, des bureaux new-yorkais de CNN et de la femme politique Maxine Waters, George Soros a lui aussi été visé par un colis piégé, envoyé le 22 octobre 2018 à son domicile du comté de Westchester. Leur point commun ? Tous sont démocrates. Si Obama et Clinton n’ont plus besoin d’être présentés, George Soros, lui, reste encore un parfait inconnu pour une majeure partie de la population. Pourtant, il cristallise depuis des années la tension politique constante qui règne entre les démocrates et l’extrême droite américain, de par son soutien financier à diverses causes libérales, aux États-Unis comme ailleurs.

Les dents longues...

George Soros, né György Schwartz, voit le jour le 12 août 1930 à Budapest. Il n’a que 13 ans quand la Hongrie est envahie par l’Allemagne nazie, et n’échappe à la déportation que grâce à la protection d’un employé du ministère, qui le fait passer pour son filleul. Soros fuit l’occupation soviétique en 1947 lorsqu’il émigre au Royaume-Uni et entreprend des études d’économie. Neuf ans plus tard, il s’envole pour les États-Unis où il décroche un job d'analyste, avant de devenir très vite l’un des petits génies les plus en vue de Wall Street. Fonds offshore, société de gestion, spéculations et paradis fiscaux deviennent le quotidien du financier aux dents longues, qui sera même condamné pour délit d’initié à la fin des années 80.

... mais la main sur le cœur

S’il s’est illustré dans diverses opérations financières de grandes envergures, c’est pourtant à travers son œuvre philanthropique que George Soros est désormais reconnu par ses pairs. En 1979, il fonde l’Open Society Institute, qui deviendra l’Open Society Foundations en 2010, un réseau de fondations qui a pour objectif de promouvoir « la gouvernance démocratique, les droits de l’homme et des réformes économiques, sociales et légales », nous apprend sa fiche Wikipedia. Depuis 1984, Soros a injecté dans sa « super-fondation » plus de 30 milliards de dollars, qui est aujourd’hui le second organisme philanthropique mondial, derrière celui de Bill et Melinda Gates. La politique, l’immigration, la dépénalisation de la drogue, la cause LGBT+… « Georges Soros et ses improbables croisades », comme le titre le Time en septembre 1997, est partout.

Qui est George Soros, et pourquoi est-il devenu la bête noire de l’extrême droit et des complotistes ?

Politiquement, Soros est très clair : il soutient la cause démocrate. Généreux donateur, il a financé à hauteur de plusieurs millions de dollars les campagnes de John Kerry (opposé à George W. Bush en 2004) et Hillary Clinton (contre Donald Trump en 2016), et soutient également financièrement une cinquantaine d’organisations liées à la Women’s March. Pour les mouvements de droite et d’extrême droite américains, il est l’homme à abattre, le « croque-mitaine » haï des conservateurs, « le maître des marionnettes » qui manipule les politiques à travers le monde.

Car ce mouvement « anti-Soros » est international. En mai, l’Open Society Foundations a annoncé cesser ses activités en Hongrie, où elle était présente depuis 1984, citant un « environnement politique et légal de plus en plus répressif ». Un pays avec lequel le philanthrope entretient depuis des années une relation compliquée, tout comme avec le reste de l’Europe de l’Est. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán considère Soros comme un « ennemi public [...] ayant détruit la vie de millions d’Européens », alors même que le milliardaire a investi plus de 400 millions de dollars dans son pays natal.

Ange ou démon ?

Depuis les années 90, George Soros est aussi la bête noire des complotistes, qui l’accusent de tous les maux : il aurait orchestré les violences de Charlottesville, planifié l’arrivée massive de migrants à la frontière sud des États-Unis et serait même derrière la propagation du virus Ebola. Plus effrayant encore, on accuse le milliardaire d’avoir été un SS nazi, alors que Soros est d’origine juive. Une théorie du complot relayée par l’actrice américaine Roseanne Barr… et par Donald Trump Jr., qui avait retweeté cette dernière.

Celui qui aime à se décrire comme un « homme d’État sans État » est ainsi devenu le bouc émissaire d’une frange toujours plus extrême de la population, qui compte aussi bien des politiques, des polémistes, que de simples amateurs de théories du complot et autres nationalistes bas du front. Toujours plus bruyants, de plus en plus menaçants, les opposants de George Soros semblent ainsi vouloir faire taire à tout prix celui dont la fortune et les convictions politiques dérangent. À 88 ans, ce dernier ne semble pour autant pas prêt à prendre sa retraite, colis piégé ou pas.