Aucune adaptation de « Ça » ne nous traumatisera plus que celle de 1990

Retour sur la première adaptation du roman de Stephen King, portée par la performance de Tim Curry, qui a marqué toute une génération.
Ça  pourquoi la première adaptation du roman de Stephen King restera ingale
DR

Un drap qui se soulève, dévoilant furtivement le visage souriant d’un clown… N’importe quel enfant ou pré-adolescent, tombé nez à nez avec Pennywise, se souviendra de cette image. Car bien avant qu’Andres Muschetti ne s’attaque à ce classique de Stephen King – publié en 1986 –, le roman avait eu droit à une adaptation en 1990 sous la forme d’une mini-série. Rien qu'aux États-Unis, 30 millions de spectateurs ont regardé Georgie disparaître dans une bouche d’égout, appâté par les doux mots du clown. Trois ans plus tard — années 90 oblige, la temporalité était différente —, c'est au tour de l'Hexagone de découvrir “Il” est revenu en prime-time sur M6, et aux jeunes spectateurs français d'être traumatisés.

Souvenirs d'enfance mis à part, Ça - Il est revenu tient plus du téléfilm Lifetime que du chef-d'œuvre. On y suit toujours le club des loosers, six enfants de la bourgade de Derry, hanté par une force surnaturelle prenant la forme d’un clown dansant. Si l’adaptation cinématographique divise l’histoire en deux parties – l’enfance, et le retour de la bande dans leur ville natale quand Pennywise fait de nouvelles victimes –, sa version cathodique fonctionne tout le long sur le mode du flashback. Avec du recul, le téléfilm apparaît parfois risible et lent, miné par des effets spéciaux très surannés. Bref, une simple bouchée de nostalgie pour la tranche plus âgée des millennials. Mais un point le rend supérieur aux récentes adaptations : l’interprétation de Tim Curry.

Qui aurait imaginé la star du Rocky Horror Picture Show se trimbaler dans ce costume de cirque ? Personne, avant de le voir à l’œuvre. Pourtant, il y a bien du Frank N. Furter dans cette performance grand-guignolesque de clown autant accro aux petits enfants qu’aux jeux de mots douteux. Une performance tout en physicalité, fonctionnant sur le décalage entre les mimiques d'amuseur public du personnage (le rire gras, les ballons, le nez rouge etc) et ses intentions peu catholiques. Son costume somme toute ordinaire lui permet ainsi de jouer sur les deux tableaux — à la manière d'un pédophile cherchant à capturer sa proie — , là où le Ça interprété par Bill Skarsgård, avec ses canines aiguisées et son front disproportionné, ne laisse place à aucune ambiguïté.

Le Pennywise version Tim Curry est de ces créatures qui hantent autant les cauchemars des enfants, à qui l'on somme de ne pas parler aux inconnus, que ceux des parents. Cette approche réaliste, au plus près du quotidien, était d'ailleurs celle du comédien : « Nous avions une autre version de ce maquillage avec davantage de prothèses. C'était très effrayant et magnifiquement exécuté, mais cela faisait tout le travail. Pour moi, un litre de sang est bien moins horrifiant que de voir le regard de quelqu'un changer au moment où il a décidé de tuer. On sacrifie parfois l'élément humain », expliquait-il dans une interview. C'est d'ailleurs le défaut dont souffre Ça - chapitre 2, en salles le 11 septembre : le transformer en simple machine à tuer, étouffer la performance de son acteur sous une masse d'effets spéciaux, et même le reléguer au second plan pour faire défiler toute une myriade de créatures. Pennywise est une icône de l'horreur, et le téléfilm de 1990 l'avait compris mieux que personne...