Catherine Ringer : 5 histoires folles sur sa vie d'avant les Rita Mitsouko

Catherine Ringer tient sa fougue et sa verve légendaires d'une enfance et d'un début de carrière tumultueux.
Catherine Ringer en 1987.
Catherine Ringer en 1987.Frank PERRY / AFP

Plus de quarante ans de carrière, une verve, un pas de danse et un chignon, parfois troqué en tresse, reconnaissables entre mille. Avant les Rita Mitsouko, Catherine Ringer a vécu mille vies. Retour sur la jeunesse tumultueuse d'une artiste hors normes.

Enfance artistique et souvenirs du père

Née en 1957 à Suresne, Catherine Ringer est la fille d'une architecte, Jeanine Ettlinger, et d'un peintre juif né en Pologne, Sam Ringer. Biberonnée à l'art, la jeune fille s'intéresse aussi de près à l'histoire de son père, déporté dans une dizaine de camps de concentration. Plus tôt cette année, elle a organisé la vente d'une partie de ses peintures, dessins et gravures.

À cette occasion, elle racontait ses souvenirs d'enfance au Parisien : « [Mon père] ne racontait rien. En 1967-1968, il n’arrivait pas à percer, il a eu une mauvaise période. Toutes les nuits, il avait des cauchemars qui remontaient de la guerre, il pleurait. Il est devenu fou, il pensait que des gens avec une main dans la poche tenaient un revolver pour le tuer. » Seuls et sa folle appétence pour les arts plastiques sont parvenus à apaiser ses démons : « C’était un enragé de travail, confiait sa fille au Parisien. Il a dessiné jusqu’au bout. Il a posé son crayon un jour, disant “Je ne peux plus”, et il est mort dans la nuit, à la maison [en 1986, ndlr]. ». Elle a consacré deux chansons à son parcours : C'était un homme et Le Petit Train.

À la maison, la playlist est éclectique. La Callas, Oum Kalthoum, Georges Brassens, « sur lequel la petite Catherine apprend la flûte », relate Libération. À 8 ans, Catherine Ringer a déjà l'aura des enfants dont on sait qu'ils capteront la lumière. Elle commence une courte carrière d'enfant-mannequin et pose pour des magazines de mode, comme celui du Printemps. Quelques mois plus tard, elle décroche un rôle dans un téléfilm réalisé par Marianne Oswald, Les Deux Coquines. À 13 ans, Catherine Ringer quitte le cocon familial et ne tarde pas à délaisser le cursus scolaire traditionnel pour vivre, déjà, la vie d'artiste.

Les débuts pluridisciplinaires

Sur scène, sa carrière débute avec du théâtre musical expérimental et la pratique de la danse. Elle travaille avec Michael Lonsdale, Michel Puig et découvre son talent pour la danse auprès de la chorégraphe Marcia Moretto, à qui elle dédiera le titre phare de sa carrière : Marcia Baïla. Élève et professeure dansent ensemble, en public, à plusieurs reprises. En parallèle, l'artiste en herbe fait quelques apparitions à la télévision, notamment en prêtant son grain de voix singulier pour des doublages et des voix off.

L'adolescence chahutée par les violences

« J'ai été victime pendant très longtemps, disons de 13 ans et demi à 20 ans, à peu près, d'un pervers narcissique qui m'a entraînée dans les zones pornographiques, dans le viol, etc », révélait la chanteuse sur le plateau de C à vous en 2017. Elle se décrivait comme une « petite jeune un peu abandonnée par des parents qui ne connaissaient rien à ça et qui étaient vraiment loin de tout ça ».

En toile de fond, elle dressait le portrait sans concessions d'une société où les grands prêcheurs de la liberté des mœurs ont ouvert la porte aux pires dérives : « Il faut dire qu'on vivait une époque, dans les années 70, où je ne suis pas la seule à avoir vécu ça. On se disait : “On va se libérer, vive l'amour libre”. Et donc : “Vas-y, tu as 15 ans mais tiens, lis donc Emmanuelle. Et on va faire comme Emmanuelle, tu vas devenir l'esclave d'un mec qui a 45 ans. Je te donne à lui…” » Catherine Ringer ne s'est pas étendue sur les détails des agressions subies, expliquant seulement qu'elle avait « beaucoup souffert, beaucoup pleuré, eu beaucoup de séquelles ». Brièvement, elle a décrit son agresseur comme un homme ayant lui-même subi des violences dans le cadre de son éducation catholique. Il aurait également contribué à ses débuts en tant que « chanteuse professionnelle ».

Un passage dans l'industrie du porno

La période qu'elle décrivait dans l'émission précède le moment où elle a joué dans plusieurs films pornographiques, autour de la vingtaine. Les cassettes VHS de ces productions sont ressorties en 1986. Les crédits mentionnés sur les jaquettes renvoyaient alors nommément la jeune femme au nom Mitsouko et Rita Mitsouko. La chanteuse n'a pas hésité à attaquer en justice les éditeurs. Sa demande a été déboutée, les cassettes sont restées en vente.

Invitée sur le plateau de l'émission Mon Zénith à moi en 1986, elle est exposée aux commentaires méprisants de Serge Gainsbourg, qui la qualifie de « pute baisée par la caméra », sans même la regarder dans les yeux. Sans perdre son calme, l'actrice se livre à un exercice de pédagogie : « Non, ça n'est pas le même métier. Je n'avais pas de clients […]. » Serge Gainsbourg n'en démord pas : « Vous êtes dégueulasse », assène-t-il, toujours sans un regard. Réponse de l'intéressée ? « Oui c'est dégueulasse, si vous voulez. C'est l'aventure moderne. […] Arrêtez de me faire la morale alors que vous êtes le dégueulasse type. »

Plus tard, elle décide de raconter son expérience dans l'industrie du porno avec ses propres mots, dans l'émission Sexy Folies présentée par Mireille Dumas. Elle compare cette période de sa vie à un « service militaire », se souvenait de « situations violentes, difficiles où son image personnelle […] est réduite à néant » et confiait avoir eu le sentiment d'être réduite à un « paquet de viande ».

La rencontre décisive avec Fred Chichin

1979. Catherine Ringer est chanteuse dans la comédie musicale Flashes rouges de Marc'O et Geneviève Hervé. Fred Chichin, lui, rejoint la troupe en tant que musicien. Le tandem de scène devient un couple à la vie et se lance dans la grande aventure : les Rita Mitsouko sont nés, combinaison du parfum Gerlain Mitsouko et d'un hommage à la strip-teaseuse Rita Renoir. Le premier single, Minuit dansant, sort quatre ans plus tard.

Catherine Ringer et Fred Chichin à La Cigale en 1987.

AFP