L'effet spectaculaire de l'IRA sur la réindustrialisation aux Etats-Unis
Selon des statistiques fédérales, l'Inflation reduction act américain a provoqué une explosion des annonces d'investissements industriels dans le pays. Des Etats largement désindustrialisés depuis des décennies en bénéficient.
Voilà plus de quarante ans que l’Amérique maugréait sur son déclin industriel, sur les délocalisations en Asie et au Mexique, et sur la mort des bastions ouvriers. Mais les nouveaux chiffres publiés début juin par le Census Bureau, l’office des recensements, mettent un terme à la sinistrose. Ils révèlent que les investissements en nouveaux bâtiments et installations industrielles ont pratiquement doublé depuis un an aux Etats-Unis, atteignant 180 milliards de dollars.
Sur cette somme, 70 milliards ont été engagés dans la construction de sites et d’usines depuis neuf mois, précisément depuis la promulgation, en aout 2022, du fameux Inflation Reduction Act (IRA), une loi qui offre plus de 391 milliards de dollars d’aide fiscales aux entreprises américaines ou étrangères liées aux énergies renouvelables désireuses d’augmenter leurs activités et leurs production en Amérique du Nord.
La courbe d’augmentation des investissements, une véritable falaise depuis l’automne dernier, force l’admiration des analystes du secteur. «Ce qui s’est produit depuis le lancement de l’IRA confirme une évidence, se réjouit Aaron Brickman, l’un des dirigeants du programme "énergie propres et développement économique" à l’Institut RMI. Les Etats-Unis sont devenus la destination la plus attractive pour les capitaux mondiaux du secteur des énergies renouvelables et de la cleantech ».
Le Texas, l'Etat du solaire
Autre bonne nouvelle : la majorité des quelques 100 nouveaux projets industriels attribués à l’IRA devraient être implantés dans la fameuse "Rust Belt"», une ligne d’anciens bastions industriels déchus qui s’étend, à l’Est du Mississipi, de la région des grands lacs, creuset de l’automobile et de la métallurgie, à la Pennsylvanie et l’Ohio et aux Etat du Sud tels l’Alabama, la Géorgie, la Caroline du Sud et le Texas, un Etat en passe de devenir numéro 1 de l’industrie solaire.
Ironiquement, les élus de ces Etats sudistes conservateurs et pro Trump, se voulaient, pour des raisons prétendument idéologiques, les détracteurs les plus acharnés du plan industriel de Joe Biden au Congrès, alors qu’au niveau local, leurs gouverneurs rivalisaient d’incitations pour attirer les industriels dans leur nouvelle "battery belt". La Caroline du Sud, ou l’automobile emploie 75 000 salariés, se veut aujourd’hui le nouveau Detroit de la voiture électrique. Quant à la Géorgie, destinataire d’une part importante de ces investissements, elle n’a cessé de faire valoir la qualité de ses universités et la formation de sa main d’œuvre, le manque d’emprise locale de l’UAW, le syndicat si puissant dans le Nord industriel, et son attractive fiscalité locale.
Rush des Coréens, des Allemands... et même des Chinois
Tant d’arguments, ajoutés aux subventions de l’IRA, particulièrement pour les prochains méga sites de batteries, ne séduisent pas seulement les industriels américains. Les Sud-coréens, leader du secteur après la Chine, sont à l’origine de 20% des annonces de nouvelles constructions, et, forts de 30% du montant des investissements aux Etats-Unis, se placent à égalité avec les entreprises américaines depuis le lancement de l’IRA. Le japonais Panasonic, pour sa part, engage 4 milliards de dollars pour une usine de batterie dans le Kansas et a annoncé en mai l’ouverture de deux nouveaux sites avant 2030. Au mois de mars, Volkswagen a promis 7,1 milliards et 25 nouveaux modèles de voitures électriques avant 2030.
Et même les Chinois viennent créer des emplois aux Etats-Unis. Après la Joint-venture de 3,5 milliards de dollars entre Ford et le géant des batteries CATL, Gotion investit 2,4 milliards dans une usine dans le Michigan, JA Solar annonce la fabrication de panneaux en Arizona, et Hounen Solar s’installe en Caroline du Sud, pour profiter eux aussi de la révolution verte américaine.