Entre Alain Finkielkraut et Camille Froidevaux-Metterie, le choc de deux mondes sur France Culture

Samedi 4 décembre dans son émission “Répliques”, le philosophe recevait l’autrice d’“Un corps à soi” et l’essayiste Jean-Michel Delacomptée pour parler féminisme. Un débat dont l’autrice sort gagnante, tant les arguments des penseurs semblaient tout droit issus d’un passé bien macho.

Camille Froidevaux-Metterie.

Camille Froidevaux-Metterie. Photo Jean-François Robert pour Télérama

Par Laurence Le Saux

Publié le 06 décembre 2021 à 19h00

Le choc des idées était aussi palpable que l’incompréhension régnant dans Répliques, samedi sur France Culture. Alain Finkielkraut y recevait la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, autrice d’Un corps à soi (éd. du Seuil), et l’essayiste Jean-Michel Delacomptée, auteur de l’ouvrage Les Hommes et les Femmes. Notes sur l’esprit du temps (éd. Fayard). « Le féminisme qui depuis #MeToo fait l’actualité se présente comme un projet global de transformation de la société tout entière, posait le producteur en introduction. Que penser d’une telle ambition ? Faut-il s’en inquiéter ou s’en réjouir ? Et résister ou l’accompagner ? » Sur la même ligne conservatrice que lui, Jean-Michel Delacomptée se montrait d’emblée complètement hors sujet : « Je ne trouve aucun sentiment dans tout ça, je ne vois pas où est la littérature, la poésie… » Et Alain Finkielkraut d’assurer qu’il n’y a aujourd’hui « plus de bastion masculin » : « On a eu une femme cheffe de service de l’armée, on a des femmes architectes, cheffes de service dans les hopitaux, ambassadeurs… […] Ce sont des changements spectaculaires. Peut-on continuer à parler d’ordonnancement patriarcal dans notre société ? »

D’un calme olympien, profitant d’un espace où le temps est largement distribué entre les invités, Camille Froidevaux-Metterie rappelait que « la situation de minoration privée et d’exploitation intime des femmes continue de perdurer au-delà même de leur émancipation sociale ». Tout en pointant la façon méprisante de ses interlocuteurs de parler de « néoféminisme », comme s’il existait un féminisme « ancien » respectable, et un plus moderne détestable, à jeter aux orties. « En tant qu’homme et père de famille, je me sens continuellement agressé par ce mouvement », lâchait Jean-Michel Delacomptée, invoquant la nécessité de parler aussi du « corps de l’homme », tout aussi important pour lui dans le débat public que celui de la femme. « Dès la puberté, le corps féminin est immédiatement synonyme de discrimination et de violence », rappelait son interlocutrice.

Avec une admirable constance, la philosophe faisait face à des arguments d’une triste pauvreté. Alain Finkielkraut assurant par exemple que « tous les hommes se souviennent de surprises-parties où il se sont fait rembarrer par des femmes […] Pourquoi faire croire que l’humiliation est seulement du côté des femmes ? » Camille Froidevaux-Metterie rappelant, comme s’il le fallait encore, cette évidence : « La grande différence, c’est que les femmes belles ou laides subissent des injures sexistes ou des agressions. » L’auditeur, lui, entendait deux mondes se faisant la sourde oreille. L’un figé dans le passé, niant l’emprise actuelle du patriarcat et ses effets délétères ; l’autre en pleine évolution, attendant une vraie révolution.

À (ré)écouter
Répliques du samedi 4 décembre 2021.

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