La pieuvre dans ses œuvres

La pieuvre géante du Pacifique fait figure de monstre marin. Elle peut faire 40 kg pour 5 mètres de longueur... © Getty Images

Pour mieux comprendre le comportement des pieuvres, David Scheel, professeur de biologie marine à l’université d’Anchorage (Alaska), a décidé d’en adopter une et de la placer dans un vaste aquarium, au milieu de son salon !

La pieuvre fait partie de ces membres du monde animal qui parviennent à nous fasciner tout en nous effrayant légèrement. Pourtant, même si elle est issue des angoissantes profondeurs marines et dotée d’une apparence physique pour le moins particulière, la pieuvre n’en n’est pas moins un animal passionnant à observer.

Intelligence octuplée

Une pieuvre commune possède environ 500 millions de neurones, de ce fait, elle se rapproche de l’intelligence reconnue chez certains mammifères, comme les chiens. Contrairement à l’homme, qui possède autour des 85 milliards de neurones, ceux de la pieuvre sont, pour la plupart, situés dans les tentacules et non dans le cerveau. «Les bras ont leurs propres capteurs et contrôleurs. Ils ont non seulement le sens du toucher, mais aussi la capacité de sentir ou goûter les produits chimiques», détaille l’Australien Peter Godfrey-Smith, philosophe des sciences, au Nouvel Observateur. «Chaque ventouse sur un bras de pieuvre a peut-être 10.000 neurones pour prendre en charge le goût et le toucher.»

Pieuvre pragmatique

L’intelligence de la pieuvre n’est pas qu’une affaire de sens accrus. L’animal est également très débrouillard et fait partie du petit 1 % d’animaux capables de se servir d’outils. La pieuvre noix de coco (Amphioctopus marginatus), par exemple, est capable d’utiliser des outils et de manipuler des objets, ce qui est assez rare parmi les créatures marines. Son nom vient de sa tendance à ramasser et à transporter des coquilles de noix de coco pour en faire des abris.

Qui est qui ?

Il n’est pas rare que l’on prenne la pieuvre pour un poulpe que l’on qualifie lui-même parfois de calamar… En réalité, pieuvre et poulpe sont deux noms différents pour désigner le même animal, à savoir un mollusque appartenant à la classe des céphalopodes et à l’ordre des octopodes (pour huit pieds). «Le poulpe (ou la pieuvre) a huit bras et un corps entièrement mou, à l’exception de son bec.» Si le terme «poulpe» nous vient de «polypus» qui signifie plusieurs pieds, en grec, celui de pieuvre a été emprunté aux pêcheurs de l’île de Guernesey par Victor Hugo. Le calamar, quant à lui, est également un mollusque, mais il fait partie du super-ordre des décapodiformes, comprenez des animaux pourvus de dix «bras». Enfin, tandis que le calamar évolue en pleine mer, la pieuvre est une adepte des fonds marins.

Sacrifice ultime

Dans le monde des pieuvres, la reproduction est un acte doux-amer. Cette espèce ne se reproduit en effet qu’une seule fois au cours de son existence et semble, ensuite, se laisser mourir. Si le mâle cesse de s’alimenter après l’accouplement, la femelle, elle, a encore du pain sur la planche. Elle doit trouver un abri où accrocher ses plusieurs milliers d’oeufs en grappes et, ensuite, ne plus les quitter jusqu’à l’éclosion. Non seulement elle les protège en permanence des éventuels prédateurs, les maintient aérés grâce à des jets d’eau, mais les nourrit également en puisant dans ses propres réserves, sans se sustenter elle-même. Lorsque les bébés pieuvres sont prêts pour le grand bain, leur mère est alors trop faible pour les suivre et doit se résigner à mourir.

Pieuvre à records

Alors que la pieuvre classique pèse environ 8 kg pour plus ou moins 1 mètre de longueur, le poids de la pieuvre dite la Géante du Pacifique peut osciller entre 25 et 40 kg pour près de 5 mètres de longueur. Le Guinness World Records répertorie même le plus gros spécimen qui pèse 136 kg pour une envergure de bras de 9,8 mètres. Autre particularité, la géante de la bande possède une espérance de vie variant de trois à cinq ans, tandis que sa cousine «commune» n’a que deux ans environ pour profiter de l’existence.

Dans tes rêves !

Grâce à de petites cellules pigmentées présentes sur sa peau, la pieuvre est capable de faire varier les motifs à la surface de son corps. Forcément, cette aptitude lui offre la possibilité de se camoufler en cas de danger ou lors de sa chasse. Ces changements de couleurs lui permettent également de communiquer avec ses congénères : lorsqu’elle est stressée, sa couleur n’est pas la même que quand elle est agressive. Plus fou encore, ces mutations colorimétriques interviendraient également durant son sommeil. Des chercheurs de l’Institut des sciences et technologies d’Okinawa en sont donc venus à la conclusion que la pieuvre… rêve ! «En phase calme, l’animal apparaît blanc et immobile. Mais ce repos est rythmé par des périodes très similaires à l’éveil, toutes les heures et pendant une minute : c’est le sommeil actif», indique Sciences et Avenir. «Elle pourrait revivre, pendant son sommeil, des expériences passées et reproduire ainsi les motifs associés… un peu comme dans un rêve !»

Le saviez-vous ?

  • La pieuvre possède trois coeurs qui pompent un sang bleuvert. Elle utilise le cuivre comme molécule porteuse d’oxygène à la place du fer, qui rend notre sang rouge.
  • Les pieuvres peuvent se reconnaître entre elles à conditions de «toper» dans le tentacule de leur semblable.
  • En 2021, «La Sagesse de la pieuvre» a obtenu l’Oscar du Meilleur film documentaire.
  • Les pieuvres aiment se divertir par pur plaisir. Certaines, détenues en laboratoire, ont été observées en train de jouer avec des flacons. Le jeu consiste à jeter l’objet dans un courant d’eau, afin de le faire sortir par la valve d’entrée de l’aquarium, pour le regarder rebondir.

Cet article est paru dans le Télépro du 10/08/2023.

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