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Paris«Oeuvre artistique» ou délit? Orelsan est rejugé

Le rappeur Orelsan, au tribunal de Versailles, mercredi.

«Ironie» et «mauvais goût» ou provocation à la violence envers les femmes? Le rappeur Orelsan, jugé une troisième fois pour les textes de huit de ses chansons, a défendu mercredi à Versailles sa «liberté de création».

«C'est la bitch la moins moche de son bled paumé, donc tous les gars du coin rêvent de la dégommer...» Le président de la cour lit doctement les passages litigieux, interprétés lors d'un concert à Paris, en mai 2009.

Le magistrat versaillais poursuit, monocorde: «Si t'es gourmande, j'te fais la rondelle à la margarine». Orelsan écoute sagement. Derrière lui, les représentantes des cinq associations féministes qui le poursuivent.

Quand il prend la parole, le rappeur de 33 ans, Aurélien Cotentin de son vrai nom, défend des textes «ironiques», qui ne représentent que «3% du concert», placés dans la bouche d'un «personnage», «un gars à côté de la plaque».

Le président: «J'ai pas l'accent rappeur, j'en suis désolé». Orelsan, accoudé à la barre, jean baskets: «La façon dont vous scandez le texte, ça le rend super grave!»

«Y'a la liberté de création», assène le rappeur, dont le premier film est sorti la semaine dernière au cinéma. «On peut pas juger autrement qu'en disant que c'est un personnage de fiction.»

Condamné en 2013

Pour certains des passages litigieux, l'artiste avait été condamné en 2013 à 1000 euros d'amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris.

Les juges avaient considéré la phrase «les féministes me persécutent (...), comme si c'était d'ma faute si les meufs c'est des putes», comme une injure sexiste. Pour «renseigne-toi sur les pansements et les poussettes, j'peux t'faire un enfant et t'casser le nez sur un coup d'tête», ainsi que «ferme ta gueule ou tu vas te faire marie-trintigner (...)», Orelsan avait été reconnu coupable de «provocation à la violence à l'égard d'un groupe de personnes en raison de leur sexe».

Jugement cassé

Mais en 2014, la cour d'appel de Paris avait jugé les poursuites prescrites, sans se prononcer sur le fond. La cour de cassation avait enfin annulé cette décision en juin et ordonné un troisième procès.

Mercredi, la question de la prescription a été rapidement évoquée, l'avocat général comme les parties civiles rappelant qu'une commission rogatoire du juge l'avait interrompue.

«C'est pas votre rôle de juger si c'est de bon ou de mauvais goût, à partir du moment où c'est une oeuvre artistique», poursuit le rappeur. Le président: «La cour n'est pas là pour sauvegarder la morale mais bien la légalité».

Il «n'incite pas à la violence»

Orelsan répète qu'il n'a «jamais» tenu les propos litigieux en dehors de ses chansons: «Ce n'est pas du tout ce que je pense».

«Une femme, tous les trois jours, décède sous les coups d'un homme», rappelle le président. «Jamais personne n'a été incité» à la violence, rétorque Cotentin.

Le président évoque l'expression «marie-trintigner»: «Est-ce que c'est pas une sorte de blanc-seing à vos auditeurs hommes?» Orelsan plaide «l'humour et l'hyperbole d'hyper mauvais goût». Un peu plus tard: «On ne peut pas faire que des oeuvres qui soient du Walt Disney, quoi!»

«Les mots tuent»

«Les mots tuent, ils peuvent inciter aussi», lance Michelle Perrot, 87 ans, historienne, féministe, citée comme témoin. «Je suis d'accord avec le combat des gens qui ont porté plainte», répond Orelsan. Le président complète: «Mais on ne parle pas la même langue, c'est ça?»

«Pute», «chienne», «truie»... L'avocat des associations, Me Alain Weber, fait valoir que les textes incriminés visent «les femmes, comme une catégorie générale».

«Vous vous êtes trompés de combat!», s'emporte l'avocat du rappeur, Me Simon Tahar, dénonçant des poursuites sur la base d'extraits «sélectionné».

L'avocat général ne formule pas de réquisitions, s'en remettant à la cour. «Si jamais j'étais condamné, lâche le rappeur, les gens seraient dans l'incompréhension totale.».

Réponse le 18 février.

AFP