Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°923, daté janvier 2024.
Bar, sole, lotte… Les fêtes de fin d'année étaient une bonne occasion de laisser de côté chapon et gibier pour mettre à l'honneur le poisson dans nos assiettes. Avec raison, car il possède de multiples vertus nutritionnelles. Mais sa chair délicate et iodée séduit aussi tout au long de l'année. Les Français en consomment en moyenne 33,5 kg par habitant et par an. Avec une préférence, en matière de poisson frais, pour le saumon, le cabillaud et le lieu noir. Toutefois, tout n'est pas toujours bon dans le poisson. La pollution des océans ainsi que le mode d'élevage sont à prendre en compte. Revue de détails.
Une bonne source d'iode et de vitamine D…
Certains poissons apportent de grandes quantités d'iode, indispensable à la fabrication des hormones thyroïdiennes. C'est le cas de l'églefin qui en fournit 260 microgrammes pour 100 g, soit presque deux fois plus que les apports nutritionnels conseillés (fixés à 150 µg par jour pour un adulte), du mulet (190 µg/100 g) ou encore du cabillaud (110 µg/100 g). Consommer du poisson contribue aussi aux apports en vitamine D, qui, outre des actions sur le métabolisme osseux, régule la transmission nerveuse, la contraction musculaire et le système immunitaire. L'espadon en renferme 16,6 µg/100 g (l'équivalent des apports quotidiens conseillés chez l'adulte) ; la sardine, 7,56 µg/100 g et le saumon fumé, 5,45 µg/100 g.
… et de nombreux autres nutriments
La chair de poisson est une source appréciable de phosphore (240 mg/100 g de cabillaud cuit à la vapeur), de potassium, de zinc (0,58 mg/100 g de sole rôtie), de cuivre et de sélénium (50 µg /100 g de rouget-barbet). Pour 100 g de sardines à l'huile, comptez également 1,97 mg de fer, 333 mg de calcium, 1,44 mg de vitamine E et 13,6 µg de vitamine B12.
Leurs acides gras, protecteurs de nombreuses affections
Les poissons dits bleus (ou gras, hareng, sardines, saumon, etc.) sont intéressants pour leur richesse en oméga 3. Un pavé de saumon d'élevage couvre les besoins journaliers recommandés en acide eicosapentaénoïque (EPA) et en acide docosahexaénoïque (DHA). Ainsi, la consommation de deux boîtes de sardines par semaine pendant un an permettrait de prévenir l'apparition du diabète de type 2, quand celle de 175 grammes de poissons gras par semaine diviserait par six le risque d'accident cardio-vasculaire et de décès lié à une maladie cardiaque chez les personnes ayant une maladie cardio-vasculaire ou celles ayant un risque élevé d'en être atteintes. Par ailleurs, avoir un taux sanguin élevé d'oméga 3 de type DHA diminuerait de 49 % le risque de développer la maladie d'Alzheimer chez les personnes les plus à risque.
Varier les espèces
En raison de la pollution des océans, de nombreuses espèces de poissons renferment des contaminants chimiques. Les dioxines et les PCB (polychlorobihényles, des composés aromatiques utilisés pour l'isolation électrique et pour leurs propriétés ignifugeantes, et qui, même s'ils sont interdits depuis 1987, persistent dans l'environnement) se retrouvent préférentiellement dans les poissons les plus gras, comme les anguilles et d'autres dits bioaccumulateurs (barbeau, brème, carpe, silure). Le méthylmercure est quant à lui présent dans les poissons prédateurs sauvages tels que le thon, la lotte ou la dorade. Ces polluants étant préférentiellement stockés dans les graisses, les poissons maigres (cabillaud, julienne, merlan, lieu noir, carrelet) ont moins de risque d'être contaminés.
D'ailleurs, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) recommande de varier les espèces et les lieux d'approvisionnement, ce qui permet également de préserver la biodiversité marine. Préférez si possible les petits poissons aux stocks abondants (sardine, anchois, maquereau… ), ceux issus de la pêche à la ligne ou au casier, ou encore pratiquée par des bateaux de taille petite ou moyenne (moins de 25 mètres).
Plus de vigilance avec le poisson cru
Les préparations de poissons sauvages marins crus (ceviche, sushis, hareng saur, anchois marinés, etc.) peuvent être contaminées par un ver de la famille des Anisakidae (Anisakis ou Pseudoterranova). Celui-ci se fixe lors de son ingestion aux muqueuses digestives de l'humain, entraînant une parasitose (anisakidose) à l'origine de douleurs abdominales, de vomissements, d'ulcères voire d'allergies. Les stocker pendant sept jours dans un congélateur domestique est le plus sûr moyen de tuer les parasites.
On peut aussi privilégier les poissons d'élevage, pour lesquels le risque d'infestation par les Anisakidae est considéré comme très faible lorsque les poissons sont nourris avec des produits non issus de la faune sauvage.
"Plutôt frais que congelés", par Vanessa Gouyot, diététicienne-nutritionniste à Levallois-Perret
"La consommation de poissons dits bleus (gras) permet de rééquilibrer le ratio oméga 3/oméga 6 de notre alimentation, lequel est aujourd'hui de 1 pour 20 lorsqu'il devrait être de 1 pour 4. On les choisit plutôt frais car la congélation dégrade leurs acides gras. Les poissons d'élevage renferment moins de polluants mais certains sont plus gras. Un pavé de saumon peut ainsi apporter jusqu'à 20 à 25 % de lipides. A contrario, le saumon sauvage a une chair plus ferme mais qui renferme plus de substances toxiques. Mieux vaut alors se tourner vers celui d'Alaska où les eaux sont moins polluées."