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Jean-Eric Vergne : "La Formule e m'a éveillé à l'écologie"

Entre deux séances d’essais sur le circuit de Londres dans le cadre de la finale de la saison 9 du championnat de Formule e (les 29 et 30 juillet 2023), le pilote français Jean-Éric Vergne a accordé un entretien à Sciences et Avenir pour expliquer sa vision de la discipline automobile la plus engagée dans une démarche durable.

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VERGNE Jean-Eric (fra), DS Penske Formula E Team, Spark-DS, DS E-Tense FE23, portrait during the 2023 Hankook London ePrix, 12th meeting of the 2022-23 ABB FIA Formula E World Championship, on the ExCeL London from July 29 to 30, 2023 in London, United Kingdom

Jean-Eric Vergne au ePrix de Londres en juillet 2023

GREGORY LENORMAND / DPPI / DPPI via AFP

Ancien pilote de Formule 1 avec 58 Grand-Prix, double champion du monde de Formule e, Jean-Éric Vergne termine la saison 9 à la 5e place du classement pilotes après un week-end de courses difficile : abandon sur problème technique lors de la première course le samedi 29 juillet et dernière position à un tour du leader le dimanche 30. Après avoir participé à l’intégralité des 9 saisons de la discipline, il est l’un des meilleurs témoins de son évolution et de ce qu’elle représente.

Sciences et Avenir : Le pilotage d’une Formule e, électrique, est-il différent de celui d’une Formule 1 ?

Jean-Éric Vergne : Non, il n'y a pas vraiment de différence, parce que les voitures thermiques actuelles fournissent également énormément de couple, ce qui est la caractéristique des moteurs électriques. Donc, à partir du moment où l’on a de la puissance sur les roues arrière, qu’elle vienne d'un moteur électrique ou thermique, cela ne change pas grand-chose. Les différences sont ailleurs. D’abord parce que la réglementation technique de la F1 fait qu'il y a une nouvelle voiture tous les ans. Les budgets sont aussi beaucoup plus conséquents : environ 160 millions d’euros pour une équipe de F1 contre 15 pour nous en Formule e. Nous avons tous la même voiture, avec le même châssis, la même aérodynamique, le même système de freinage, la même batterie. La seule chose qui diffère entre les différents constructeurs, c’est le moteur électrique, le "power train", dans son ensemble c’est-à-dire le hardware et le software (les pièces mécaniques et les programmes informatiques pour les contrôler, ndlr). En Formule 1, tout est conçu par l'équipe, que ce soit les suspensions, le châssis, l'aérodynamisme, et les moteurs sont produits par des manufacturiers, Renault - qui fournit Alpine -, Mercedes et Ferrari.

Vous participez au championnat de Formule e depuis sa première édition : comment avez-vous vécu les progrès techniques des trois générations de voitures qui se sont succédé ?

Il y a une grosse évolution entre la première génération de Formule e et la deuxième : avec la première, nous avions deux voitures pour une course (car l’autonomie de la batterie ne permettait pas de couvrir toute la distance, ndlr). On rentrait au stand au milieu de la course pour sauter d’une voiture à l'autre. La deuxième a été un énorme progrès car la capacité de la batterie a plus que doublé, de même pour la puissance. Et cette année, avec la "Gen3", l’évolution est encore conséquente : on a beaucoup plus de puissance dans une voiture plus légère. L'évolution aérodynamique de la voiture, en revanche, n'est pas vraiment celle que j’espérais, j'aurais aimé avoir une voiture avec plus d’adhérence et plus d'aérodynamisme et ce n'est pas vraiment le cas. Il y aura encore de belles évolutions à venir, notamment en termes de puissance. Encore faudra-t-il pouvoir la passer. Si vous avez 1000 chevaux sur une voiture mais pas assez d’adhérence pour la passer au sol, vous ne pouvez jamais être à fond. La puissance c'est bien quand vous avez la voiture adéquate.

Est-ce que vous participez au transfert de technologies de la piste à la route ?

Je suis ambassadeur de DS et de la technologie électrique "e-tense" qui est embarquée dans les DS4 et les DS7 et qui le sera sur une nouvelle gamme qui est en train d’arriver. Elle bénéficie du développement du hardware fait pour nous en Formule e, et plus encore du software. En particulier pour ce qui concerne la récupération de d'énergie : comment faire pour consommer moins, récupérer plus d'énergie. En course, on le fait en fonction du pilote pour aller plus vite dans l’objectif de gagner des courses. Nous travaillons avec DS pour adapter le software dans leurs voitures pour que le conducteur puisse adopter une conduite plus économique et plus responsable. Nous avons fait des vidéos explicatives pour expliquer comment techniquement faire pour allonger la distance que l’on peut parcourir avec une charge ou, pour les trajets maison/ bureau, comment revenir à la maison avec plus d'énergie que le jour d'avant.

Les pilotes engagés en Formule e ont-ils un engagement écologique plus prononcé que dans les autres disciplines ?

Je ne vais parler que pour mon cas personnel. Quand je suis arrivé en Formule e, j'avais absolument aucune conscience écologique. Et le fait de travailler sur les technologies électriques, sur les batteries, sur la manière de récupérer l’énergie durant le week-end de course m'a un peu éveillé sur cette question. Aujourd’hui, clairement je suis beaucoup plus conscient des enjeux que je ne l’étais auparavant.

Est-ce que vous pensez que l'avenir de la course automobile passe forcément par l'électrique ?

Pas forcément, mais le plus important dans ce qu'on fait, pour moi, c'est que les jeunes fans, ceux qui ont 10, 12, 15 ans, regardent la Formule e en se disant "oui, c'est super cool, ce sont les voitures de l'avenir". C'est un peu comme si pour nous, à leur âge, on voyait les voitures volantes ! Et tous ces jeunes-là, qui adorent l'électrique par la Formule e, par le sport, voudront forcément une voiture électrique quand ils auront l'âge de s'acheter une voiture, parce que ce sera rentré dans les mœurs. Ce ne sont pas les fans de 40 ou 50 ans qu’il faut persuader que l'électrique est une bonne chose, mais la prochaine génération. C’est elle qui va vraiment tourner la page de l'histoire et qui va nous aider à aller de l'avant. Ce n’est pas nous. Nous, nous pouvons juste commencer à écrire la page, à les aider et à eux de la tourner.

Le bruit du moteur dans le dos, ne vous manque-t-il pas ?

Évidemment que ça manque ! Mais mon enfant lui va venir sur les courses de Formule e, il va voir de plus en plus de voitures électriques, et les bruits de moteurs sont des bruits qu’on ne connaîtra plus. S’ils ne connaissent pas ce bruit, il ne pourra pas leur manquer.

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