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Archéologie

Tombeau de Toutankhamon : la découverte du siècle a été faite en Egypte il y a 100 ans

Des milliers d’objets ruisselant d’or, un trésor archéologique comme le monde n’en avait jamais vu. Il y a un siècle, en novembre 1922, l’anglais Howard Carter révélait l’existence du tombeau de Toutankhamon dans la Vallée des Rois, en Egypte. Retour sur la chronologie de cette découverte mythique dont le centenaire est célébré en cette année 2022. 

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Lors de la découverte du cercueil d'or de Toutankhamon en 1925, et après son transfert dans l'antichambre du tombeau, Howard Carter retire patiemment la résine et les onguents durcis recouvrant le précieux sarcophage du pharaon 

Lors de la découverte du cercueil d'or de Toutankhamon en 1925, et après son transfert dans l'antichambre du tombeau, Howard Carter retire patiemment la résine et les onguents durcis recouvrant le précieux sarcophage du pharaon 

Crédits: Harry Burton/Griffith Institute/ University of Oxford

 "Nous nous tenions presque pour vaincus, prêts à aller tenter notre chance ailleurs, quand avec un coup de pioche, nous fîmes une découverte qui surpassait nos rêves les plus fous !" L’auteur de ces paroles ? L’égyptologue britannique Howard Carter, en novembre 1922, alors qu’il pense effectuer son dernier automne de fouilles dans la Vallée des rois en Egypte…

Le 4 novembre 1922, il y a exactement 100 ans, l’archéologue - qui travaille depuis déjà huit ans dans cette célèbre Vallée - note dans son journal : "Lorsque j’arrivais sur le chantier, un silence inhabituel me fit comprendre que quelque chose venait de se passer"… Une phrase aux résonances prophétiques quand on sait désormais que ledit « coup de pioche » avait permis de dégager la première marche d’un escalier qui allait conduire le Britannique et ses ouvriers à la plus extraordinaire découverte archéologique du XXe siècle. Celle du tombeau de Toutankhamon, un pharaon du Nouvel Empire (1335-1327 av. J.C) mort à l’âge de 19 ans, inhumé au milieu d’un trésor éblouissant d’objets précieux et de joyaux !

Une sépulture à laquelle le jeune scientifique, arrivé sur les rives du Nil en 1890 à l’âge de 17 ans, n’aurait même pas osé rêver. Célibataire invétéré, travailleur acharné, il va pendant des années faire retourner des milliers de tonnes de sable brûlant en collaborant avec William Flinders-Petrie (1853-1942), à Tel Amarna, l’antique cité d’Akhénaton -le père de Toutankhamon-, ou encore dans le temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari. Toutefois, dès 1907, Howard Carter rêve de posséder sa propre concession. Et il lorgne sur celle que détient l’Américain Theodore Davis (1837-1915) dans la nécropole thébaine. Là où se situe la Vallée des rois. Cette concession, il finit par l’obtenir en 1914 grâce au soutien de Lord Carnavon, plus précisément George Edward Stanhope Molyneux Herbert, 5e comte de Carnavon, un mécène.

La légende veut qu'un jeune porteur d’eau a vu, le premier, la marche dégagée vers le tombeau de Toutankhamon

De son côté, après douze ans de travaux, Theodore Davis a écumé la Vallée des rois en mettant au jour un grand nombre de tombes, - celles de Thoutmosis IV, d’Hatchepsout, de Siptah, de Youya et Touyou, ou d’Horemheb-, et il en est certain, « la Vallée » n’a plus rien à livrer… Un point de vue que partage également le Français Gaston Maspero, alors directeur du département des Antiquités, au Caire.  Mais voilà, Howard Carter est convaincu du contraire. Il a même un but très précis : retrouver la tombe d’un dénommé Toutankhamon dont quelques éléments -des jarres couvertes d’inscription et un fragment de tasse- ont été collectés au fil des ans au milieu de débris.

Hélas, la première guerre mondiale vient interrompre ses projets, et Howard Carter doit attendre l’automne 1917 pour reprendre les fouilles. Il décide alors au milieu des montagnes de gravats qui jonchent la vallée, de prendre comme point de départ un secteur peu exploré formé par les tombes de Ramsès II, de Merenptah et de Ramsès VI. Or c’est en déblayant la base de cette dernière que sont dégagées d’anciennes cabanes d’ouvriers signalant la proximité d’une autre tombe : taillée dans le roc, une marche apparait ! La légende veut que ce soit un jeune porteur d’eau qui l’ait vue le premier.

"Merveilleuse découverte dans la Vallée. Tombe superbe avec sceaux intacts. Attends votre arrivée pour ouvrir"

"Je n’osais pas croire que nous avions enfin trouvé", expliquera Howard Carter. Dans un état de fébrilité et de nervosité que l’on peut aisément imaginer, un escalier de seize marches est entièrement dégagé. Le 5 novembre, à l’aplomb de la roche apparaissent alors les restes d’une porte scellée recouverte de plâtre. Des sceaux de la nécropole royale y sont apposés : Anubis, le dieu à tête de chacal, y domine les 9 ennemis de l’Egypte. Suspectant une découverte majeure, Carter décide d’attendre la venue sur place de Lord Carnavon, alors en Grande-Bretagne. Il lui fait parvenir ce message : "Merveilleuse découverte dans la Vallée. Tombe superbe avec sceaux intacts. Attends votre arrivée pour ouvrir".

Pour l’aider en attendant, Carter fait appel à Arthur Callender (1875-1936), un égyptologue qui l’avait déjà assisté par le passé. Le 5e comte de Carnavon et sa fille Lady Evelyn Herbert arrivent à Louxor quelques jours plus tard. Le 24 novembre, l’examen précis de la porte scellée permet d’identifier des sceaux au nom de… Toutankhamon ! Cette fois, Carter en est sûr. Il a trouvé l’entrée du caveau tant recherché. Mais des traces d’antiques passages sont décelées. Le tombeau a-t-il été pillé ? Dans l’escalier, quantité de débris de poteries au nom de différents pharaons laissent un instant penser que la découverte pourrait être celle d’une cachette plutôt que d’une tombe. La porte est néanmoins débloquée et un corridor en pente apparaît.

En novembre 1922, l\'égyptologue Howard Carter (1874-1939) et Lord Carnavon (1866-1923), le financier des fouilles, entrent pour la première fois dans le tombeau du pharaon Toutankhamon et y découvrent un véritable trésor. Ici, la couverture de l\'évènement par la revue \

En novembre 1922, l'égyptologue Howard Carter (1874-1939) et Lord Carnavon (1866-1923), le financier des fouilles, entrent pour la première fois dans le tombeau du pharaon Toutankhamon et y découvrent un véritable trésor. Ici, la couverture de l'évènement par la revue "Domenica cel Corriere" de 1922, illustrée par Achille Beltrame.

"Vous voyez quelque chose?"...."Je vois des merveilles !"

"Le 26 novembre devait s’avérer être le plus beau jour de ma vie", écrit Carter dans son journal. A une dizaine de mètres, alors que tous sont dans un état d’excitation absolu, une seconde porte scellée est rencontrée. Elle aussi porteuse de sceaux de la nécropole royale. Howard Carter y pratique alors une petite ouverture dans le coin supérieur gauche, puis place une bougie devant l’ouverture afin de voir s’il décèle quelque chose. Anxieux, légèrement en retrait, Callender, Lord Carnavon et sa fille lui demandent : "Vous voyez quelque chose ?". Abasourdi par ce qu’il voit danser à la lueur de la flamme, Carter reste interdit devant l’éclat de l’or et le scintillement des objets devinés dans l’obscurité : "Je vois des merveilles", répond-il.

"Nous n’avions rêvé pareille chose : toute une salle remplie d’objets empilés les uns sur les autres avec une profusion apparemment inépuisable". La pièce qui sera plus tard baptisée antichambre vient d’être découverte. Au milieu de parfums de fleurs qui flottent encore dans l’air, des trônes en bois dorés, des lits à têtes d’animaux, des statues noires et or au regard de calcite, des coffres incrustés, des chars aux roues dorées… Partout par centaines, des objets empilés sont serrés les uns contre les autres. Mais il n’y a ni sarcophage, ni momie. En fait, Carnavon et Carter ne sont qu’au seuil de la découverte du siècle. Chacun des deux ignorent en cet instant qu’il faudra encore 10 éprouvantes années pour dégager la totalité de la tombe baptisée KV 62 (King Valley 62), et classer, restaurer et étudier les 5398 objets qu’elle recèle !

Partout des objets incrustés d’or !

Néanmoins, tout au long du mois de novembre 1922, l’installation de l’électricité est faite dans le tombeau et sa découverte rendue officielle. Le magazine américain Times s’étant vu accorder l’exclusivité de l’histoire, Carter, connu pour son caractère bourru, s’aliène la presse internationale furieuse de ce privilège. Ainsi, après l’euphorie des premières semaines, les difficultés s’accumulent.

Tout d’abord, le service des Antiquités égyptiennes décide de modifier la règle du partage. Plus question d’un 50/50 entre l’Etat et les fouilleurs, comme cela se faisait jusque-là. L’Egypte pourra récupérer la totalité des découvertes, ce qui enrage Lord Carnavon qui escomptait récupérer une partie de son investissement financier. La reprise des fouilles se fera néanmoins dès la mi-décembre 1922 avec l’arrivée du photographe Harry Burton (1879-1940), à qui l’on doit les plus beaux clichés de cette découverte exceptionnelle. Au même moment, les premiers objets quittent l’antichambre en direction de la tombe voisine de Sethi II (KV15), transformée pour l’occasion en laboratoire de restauration. Tous ce qui sera extrait de la tombe de Toutankhamon y transitera systématiquement avant d’être envoyé au musée du Caire. Sept semaines sont nécessaires pour vider l’antichambre.

Mais le 17 février 1923, a lieu une autre grande découverte : celle de la chambre funéraire. En présence de Lord Carnavon, d’Evelyn Herbert et de quelques personnalités officielles, une nouvelle porte scellée est abattue débouchant sur un véritable mur en or ! "Nous nous trouvions bien à l’entrée de la chambre du roi, écrit Howard Carter. Une des grandes chapelles dans lesquelles on déposait les rois (5m sur 03,30m et 2,70m de haut) remplit presque toute la pièce. Elle est recouverte d’or de haut en bas".

Contrairement à l’antichambre, les murs de la chambre funéraire sont recouverts de fresques. Et à son extrémité, se trouve une autre pièce remplie elle aussi de trésors. "Partout des objets incrustés d’or et de pâte de verre. Je ne sais plus combien de temps nous restâmes à contempler ces merveilles, raconte Howard Carter. C’était une expérience qu’aucun de nous ne pourrait oublier. Lorsque 3 heures plus tard, nous sortîmes à la lueur du jour, la vallée n’était plus la même. Jamais nous ne l’avions tant aimée. Elle venait de nous faire vivre un rêve". Hélas, un rêve assez bref pour Lord Carnavon qui meurt le 4 avril 1923. Une disparition tragique, qui sera à l’origine, avec quelques autres décès, de la légende de la « malédiction de Toutankhamon » qui voudrait que tous ceux ayant côtoyé peu ou prou le pharaon soient morts de façon mystérieuse (lire encadré).

Howard Carter ouvrant les portes de la seconde chapelle en bois doré, à l\'intérieur de la chambre funéraire. Derrière lui, Lord Carnavon et un des ouvriers égyptiens ayant participé aux découvertes. Crédit : Crédits: Harry Burton/Griffith Institute/ University of Oxford

Howard Carter ouvrant les portes de la seconde chapelle en bois doré, à l'intérieur de la chambre funéraire. Derrière lui, Lord Carnavon et un des ouvriers égyptiens ayant participé aux découvertes.

Octobre 1925 : le 3e cercueil se révèle être en or massif !

Malgré tout, sur le terrain, les travaux se poursuivent sans relâche. Dans le tombeau où les chapelles en bois plaqués d’or sont emboîtées les unes dans les autres, les démontages ont débuté. Ces trésors uniques doivent être extraits avec le plus grand soin. Jusqu’à ce que la quatrième chapelle livre un somptueux sarcophage en quartzite. A chacun des angles, sculptées, peuvent être admirées les déesses Isis, Nephtys, Slekis et Neith protégeant le défunt de leurs ailes déployées. Ce n’est qu’en février 1924 que la dalle en granit de 1250 kg recouvrant le sarcophage en pierre sera soulevée grâce à la mise en place d’un système de levier, révélant la présence d’un premier cercueil en bois doré.

L’or flamboie sous les éclairages. Un an plus tard, en 1925, le couvercle extérieur est retiré. Enchâssé telle une poupée-russe, un 2e cercueil recouvert d’épaisses feuilles d’or incrustées de pâtes de verre colorées "imitant le jaspe rouge, le lapis-lazuli et la turquoise" est extrait. Mais c’est le 18 octobre 1925 qu’a lieu un des plus importants moments d’émerveillement de toute l’exploration du tombeau. Long de 1,85 m, le 3e cercueil se révèle être en or massif ! En raison de l’exiguïté des lieux, et pour pouvoir travailler dans de meilleures conditions, les précieux futs sont transportés dans l’antichambre pour être examinés.

Toute la beauté de la découverte apparaît alors dans son intégralité "quand cette pièce unique et merveilleuse, masse fabuleuse d’or sculpté de 2,5 à 3 cm d’épaisseur, resplendit devant nous", poursuit Howard Carter. Sur le masque chatoyant, modelé dans le métal précieux, se trouvent les emblèmes du pouvoir du pharaon : Nekhebet le vautour et Bruto le serpent, pour les deux royaumes sur lesquels il avait régné. "Au menton, la traditionnelle barbe d’Osiris, en or massif et en verre aux couleurs de lapis-lazuli. Autour du cou, un collier triple composé de disques d’or jaune et rouge ainsi que de faïence bleue ; enfin un scarabée de résine noire reposait entre ses mains fixées au cou par des courroies souples incrustées d’or. Dans ses mains le fouet et la crosse, autres emblèmes d’Osiris".

Le 28 octobre 1925, "sous nos yeux, occupant tout l’intérieur du cercueil d’or, gisait une impressionnante momie sur le corps de laquelle on avait répandu des onguents, noircis et durcis par le temps". La momie subira une « autopsie » dans la tombe de Sethi II où elle avait été transportée, et où elle restera jusqu’au 19 novembre 1925. Au milieu des bandelettes seront recueillies près de 143 pièces d’orfèvreries - amulettes protectrices et bijoux. Le 31 décembre 1925, cercueils et masques d’or sont transportés au Caire. Débutée en 1922, la découverte et l’étude du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter ne s’achèvera qu’en 1932. Quant à son inestimable trésor, il sera exposé pour la première fois dans sa totalité dans le nouveau Grand Musée Egyptien (GEM), du Caire, à jamais son écrin.

La Malédiction de Toutankhamon
Ce mythe étonnamment populaire reflète sans doute l’incroyable fascination qu’a exercée sur le public la découverte du tombeau de Toutankhamon, en novembre 1922. En effet, quelques temps après l’ouverture de la sépulture du jeune souverain égyptien, une vingtaine de personnes ayant côtoyées sa momie décèdent dans des circonstances présentées comme mystérieuses. Adepte de spiritisme, Arthur Conan Doyle (1859-1930) est l’un des premiers à propager l’idée de « malédiction », à commencer par la mort du financier des royales fouilles archéologiques lui-même, l’anglais Lord Carnavon. Dès avril 1923, cinq mois à peine après la mise au jour de la tombe inviolée, son décès initie une succession de disparitions rapidement associées à une « malédiction de Toutankhamon », qui se transformera en « malédiction des pharaons »!  En fait, l’homme âgé de 57 ans a été victime d’une grave infection due à une piqûre d’insecte. Quant aux autres personnes intimement impliquées dans l’ouverture de la tombe (archéologues, photographes, gardes et ouvriers), -y compris Howard Carter, le découvreur du tombeau- elles atteindront tranquillement la soixantaine et plus….
L\'acteur Christopher Lee, dans \
L'acteur Christopher Lee, dans "La malédiction des pharaons" (1959), de Terence Fischer.

La propre fille de Lord Carnavon, Lady Evelyn Herbert, entrée dans le royal caveau aux côtés de son père, vivra jusqu’en 1980. L’explication des décès « mystérieux » a finalement été livrée en 1985. En étudiant la momie d’un autre pharaon, Ramsès II, les analyses ont révélé la présence de nombreux champignons. Or – Howard Carter l’écrit lui-même -, le tombeau de Toutankhamon en était plein.
Les spores (conidies) soulevées par les pas des visiteurs ainsi que ceux présents sur les parois de la chambre funéraire (close depuis des milliers d’années), ont sans doute été à l’origine d’une maladie infectieuse bien connue des archéologues et des spéléologues : l’histoplasmose. Pneumonie aigue, cette affection respiratoire aux symptômes proches de la tuberculose est provoquée par l’inhalation du champignon Histoplasma capsulatum. Il est vrai qu’une « malédiction des champignons » aurait connu un moins grand succès !

 

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