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Coupe du monde de rugby 2023 / XV de France - Imanol Harinordoquy : "Avec ce masque je ne voyais absolument rien, je n'aurais pas pu jouer demi de mêlée"

Par Marc Duzan
Publié le Mis à jour
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Consultant Midi Olympique, Imanol Harinordoquy (82 sélections en équipe de France de 2002 à 2012), analyse le jeu des Bleus, met une pièce sur Louis Bielle-Biarrey pour les phases finales et aborde, non sans humour, le cas Dupont. 

Le match face à la Namibie, remporté 96-0 par les Bleus, a-t-il vraiment eu une utilité ?

Ce genre de match fait partie de l’histoire des Coupes du monde. En phase de poules, il y a toujours eu des rencontres relevées, et d’autres pas du tout… Mais quand je vois le sérieux, la consistance et la justesse technique des joueurs du XV de France au Vélodrome, je me dis que ce match a au moins permis aux Bleus de se faire plaisir et de faire plaisir à leurs supporters.

Comment ça ?

Certains essais, c’était de la Play Station ! Magnifique ! […] Sur la pelouse du Vélodrome, les joueurs se sont régalés et ça s’est vu : il y avait de beaux sourires sur leurs visages.

D’accord.

En fait, ce match prouve que le XV de France est capable de construire des rencontres à l’anglo-saxonne, sans trous d’air et en étant sérieux pendant 80 minutes. Les Namibiens ont en effet passé la soirée sous leurs poteaux…

Vous aviez affronté la Namibie en 2007. Quelle impression vous avait alors laissé cette équipe ?

On avait marqué 80 points (87-10), je crois… Cette rencontre venait juste après le match d’ouverture (perdu face à l’Argentine au Stade de France, NDLR) et les joueurs avaient donc envie de montrer autre chose. On avait marqué beaucoup d’essais. Je me souviens d’une ambiance de dingue, à Toulouse.

Restiez-vous sur votre faim, quant au jeu des Bleus, avant le match de jeudi ?

Ils avaient été un peu empruntés contre les All Blacks : j’imagine ici que la pression du match d’ouverture n’y était pas étrangère. Et puis, face à l’Uruguay, on était juste tombé sur une opposition à laquelle on ne s’attendait pas. Jeudi soir, l’adversaire avait beau être faible, encore fallait-il être capable de se faire les bonnes passes dans le bon tempo. Je me répète mais certains enchaînements, au Vélodrome, ont vraiment été incroyables.

Et globalement, prenez-vous du plaisir devant cette Coupe du monde ?

Moi, je ne kiffe jamais trop les phases de poules… C’est souvent disparate, déséquilibré… La Coupe du monde, c’est comme le Top 14 : ça devient vraiment intéressant quand les matchs sont éliminatoires. C’est là où la tension est à son maximum, là où les équipes se révèlent et jouent leur meilleur rugby. Ce Mondial va vraiment commencer au moment des quarts de finale, en somme.

Sur l’aile gauche, Louis Bielle-Biarrey a semble-t-il marqué des points face à la Namibie. Quelle opinion avez-vous de l’attaquant bordelais ?

Je l’ai trouvé fantastique au Vélodrome, jeudi soir. Bielle-Biarrey, il va à 10 000 (sic), réalise des gestes de grande classe… On sent qu’il peut faire des différences à tout moment et n’a pas fini de nous surprendre. Comme on dit, il a pris le maillot et ne semble pas décidé à le rendre.

Selon vous, qui occupera ce poste d’ailier gauche lors des gros matchs du XV de France, ces prochaines semaines ?

La question, c’est de connaître la forme du moment et de ce que j’ai vu jusqu’à présent, Louis Bielle-Biarrey marque des points sur chaque match. Je le vois bien garder sa place de titulaire.

En troisième ligne, le retour à la compétition d’Anthony Jelonch place aussi Fabien Galthié face à un choix douloureux. Selon vous, quelle sera la troisième ligne tricolore face à l’Italie et en quart de finale ?

Je ne suis pas sélectionneur… Il y en quelques millions dans le pays, c’est largement suffisant…

Vous avez néanmoins un avis…

Il est évident que Charles Ollivon et Grégory Alldritt débuteront. La troisième place se jouera donc entre François Cros et Anthony Jelonch. Et là, c’est franchement un choix cornélien… Il faut surveiller la dimension que semble prendre Anthony Jelonch sur chacune de ses sorties. J’ai lu que certains l’avaient trouvé un peu "emprunté" lors de son retour face à l’Uruguay… Bon…

Quoi ?

En général, quand tu reprends après t’être fait les croisés, tu joues quarante minutes en Espoirs et basta ! Lui, il s’est cogné un match international et a fait le job, contre l’Uruguay. Et jeudi soir, face à la Namibie, il est un peu plus monté en puissance, distribuant même deux ou trois tampons sévères…

Quid de François Cros, à présent ?

Il est tellement précieux sur les tâches obscures… Il a par exemple réalisé 17 plaquages sans en rater un seul contre la Namibie… Stratégiquement, il amènera aussi son intelligence dans le jeu et sa bonne connaissance de l’alignement. Entre Jelonch et lui, c’est le choix du roi… Je souhaite bonne chance à Fabien Galthié… (rires)

Êtes-vous favorable à un banc de touche à cinq ou six avants ? Il y a débat au sein du staff tricolore…

Moi, l’option des six avants me plaît bien. Mais parce que l’incroyable polyvalence de Sekou Macalou le permet. […] J’ai aussi l’impression que placer six avants sur le banc de touche montre à l’adversaire que tu es prêt au combat et qu’il y laissera des plumes, à l’heure de jeu. Le message envoyé est fort.

Dupont ? Tu te rétablis plus rapidement au milieu de tes copains

L’Italie sera l’autre gros morceau de cette poule A. Quelle opinion avez-vous de cette équipe ? Faut-il s’en inquiéter ou sera-ce une formalité ?

S’inquiéter, non. Une formalité ? Non plus. […] La sélection italienne progresse. Elle possède des individualités intéressantes, tient le ballon sur de longues séquences et pratique un beau rugby. Va-t-on leur laisser l’initiative comme dans le dernier Tournoi des 6 Nations ? Ça nous avait joué des tours, ce jour-là… À Rome, on avait été sanctionné à 18 reprises par l’arbitre (Matthew Carley)…

Abordons le cas Dupont, si vous le voulez bien. Est-il important qu’il retrouve le groupe France ces jours prochains ?

Son retour, même blessé, est déjà très important pour le groupe. Et pour lui, cela n’a rien d’anodin. Même s’il faut laisser faire mère nature, même s’il ne faut pas aller plus vite que la musique, je suis certain que tu te rétablis plus rapidement au milieu de tes copains. Il n’y a qu’à voir ce qu’a réalisé Anthony Jelonch cet été, après sa lourde blessure au genou. Le contexte te booste. Et puis, en restant impliqué dans le quotidien des Bleus, Antoine Dupont aura ainsi l’impression de ne pas sortir de la compétition.

Avez-vous déjà connu ce genre de blessure, dans votre carrière ?

Oui. En 2010, peu avant que l’on affronte le Munster en demi-finale de Champions Cup (avec le Biarritz olympique, NDLR)… On m’avait tout pété dans cette zone… Les sinus, l’os malaire, les zygomatiques… Tout… Et ça fait mal, vous pouvez me croire…

Antoine Dupont ne pourra jouer avec un masque, le règlement de World Rugby l’interdit. Vous l’aviez pourtant fait, vous…

Oui ! C’est une longue histoire !

Imanol Harinordoquy face au Munster le 2 mai 2010 en demi-finale de H-Cup.
Imanol Harinordoquy face au Munster le 2 mai 2010 en demi-finale de H-Cup.

Pouvez-vous nous la rappeler ?

Même dans les films, ce genre de trucs n’existe pas… Je m’étais faire un masque thermo-moulé en PVC chez un éminent spécialiste. Avec ça, c’était nickel. Je ne sentais rien sur les contacts, je voyais très bien le terrain et me suis entraîné normalement toute la semaine. Pourtant, mon opération n’avait eu lieu qu’une semaine plus tôt !

Et alors ?

Les Irlandais du Munster étaient au courant de ma fracture et de mon opération. Ils savaient que j’avais prévu de jouer avec une protection et ont donc demandé à l’arbitre de vérifier tout ça… La veille du match, celui-ci est venu me voir à l’hôtel, a demandé à voir le masque en question et ne l’a pas validé. C’était déjà interdit par le règlement car cela pouvait s’avérer dangereux, pour les adversaires.

Qu’avez-vous fait, alors ?

On s’est retrouvé à 23 heures en train de fabriquer un masque avec de la mousse, du strap et tout ce que l’on avait sous la main… Ce n’était pas du tout adapté. On aurait dit un masque de gladiateur et derrière ça, je ne voyais absolument rien. Je n’aurais pas pu jouer demi de mêlée, quoi… Mon ouvreur n’aurait pas reçu un seul bon ballon…

Était-ce douloureux ?

Le jour du match, non. Les Irlandais m’avaient pourtant collé un énorme manche (sic) en plein visage au coup d’envoi… (rires) Là, j’ai entendu "crac" et me suis dit : "Bon c’est parti". J’ai débranché le cerveau, laissé faire l’adrénaline et terminé la rencontre.

L’avez-vous gardé, ce masque ?

Oui. Je l’ai même récemment posté sur les réseaux sociaux avec ce commentaire : "Si ça peut servir à quelqu’un…"

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