Frédéric Mitterrand : mort d'un inclassable de la politique

Avec un patronyme si lourd à porter, Frédéric Mitterrand avait choisi de se démarquer. Ce sera un fil conducteur tout au long de sa vie, qui s'est achevée ce jeudi 21 mars, après une lutte de "plusieurs mois contre un cancer agressif", selon sa famille.

Neveu du président socialiste, il admire de Gaulle dès l'enfance. Dans l'ombre de François Mitterrand, Frédéric Mitterrand qualifiait leur relation de "compliquée". "Il était un intellectuel extraordinaire, un homme qui accordait une place considérable à l'esprit", confiait-il.

"Donc je pense qu'il me reconnaissait certaines qualités, et qu'il me reprochait de ne pas les utiliser assez, racontait-il sur Europe 1. Quand je faisais des émissions de variétés, que j'adorais faire, ça l'agaçait beaucoup. Il me disait : 'Tu ferais mieux de faire des émissions littéraires'". 

Tour à tour, exploitant de cinéma, animateur-producteur de télévision, réalisateur de documentaires et de films... Frédéric Mitterrand aura fait du monde de la Culture, la partie centrale de sa carrière politique.

De la villa Médicis au ministère de la Culture

En 2007, Nicolas Sarkozy le distingue et lui confie un poste d'influence : la villa Médicis, cette résidence d'artistes financée par l'État français à Rome. Mais Frédéric Mitterrand rêve tellement du ministère de la Culture, qu'un an plus tard, il annonce lui-même que le président l'a choisi pour ce portefeuille. Malgré cette gaffe, il prendra la tête du ministère de 2009 à 2012, chargé d'une mission sensible : réécrire la loi Hadopi, sur le téléchargement illégal qui a fait chuter avant lui Christine Albanel.

À ceux qui y voient une trahison politique en intégrant le gouvernement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Frédéric Mitterrand répond que celui qui est alors président de la République "a bien été ministre au temps de Mitterrand", lorsqu'il était en charge du Budget au sein du cabinet d'Édouard Balladur (1993-1995). Frédéric Mitterrand cultive le secret, marque de fabrique de la famille, autour de son bord politique. "François Mitterrand quand il ne voulait pas répondre ne répondait pas. Je suis pareil", répondait-il.

Un livre polémique

Mais l'homme de télévision a du mal à éviter les chausse-trappes de la politique. Il nourrit lui-même les polémiques lorsqu'il défend le rappeur Orelsan ou le réalisateur Roman Polanski, accusé de viols. C'est son livre La mauvaise vie, écrit en 2005, avant son entrée au gouvernement qui l'éclabousse. Frédéric Mitterrand y reconnaît avoir fait du tourisme sexuel en Asie, l'opposition réclame sa tête.

Il réplique : "Je condamne absolument le tourisme sexuel qui est une honte, je condamne la pédophilie à laquelle je n'ai jamais participé d'aucune manière", expliquait-il en précisant que ce récit n'était pas "totalement autobiographique".

Avec le soutien de Nicolas Sarkozy, il tient bon jusqu'à la fin du quinquennat. Il regrettera pourtant de ne pas avoir pu réformer l'administration de la Culture. Inclassable, il jugeait que François Fillon était un bon candidat à l'Élysée et pourtant il encourageait François Hollande à se représenter. 

L'une de ses dernières interventions médiatiques aura lieu sur l'antenne de RTL quand, le 12 janvier dernier, il salua l'arrivée de Rachida Dati au sein de ce ministère qu'il connaissait si bien. Éternel inclassable, Frédéric Mitterrand cultivait avant tout une farouche liberté d'esprit.