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Tennis

Rafael Nadal et Roger Federer, une rivalité légendaire qui naissait il y a 20 ans jour pour jour

Rafael Nadal et Roger Federer

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Par Christine Hanquet

Ce 28 mars 2004, les spectateurs venus assister au deuxième tour du tournoi de Miami ignorent qu’ils vont vivre un événement historique. Cet affrontement entre deux jeunes joueurs européens, on en parle encore aujourd’hui.

D’un côté, il y a Roger Federer, 22 ans, numéro un mondial depuis quelques semaines, déjà apprécié pour son élégance et sa précision. De l’autre côté, un gamin aux cheveux longs, vêtu d’un débardeur et d’un pantacourt. Rafael Nadal est 34e mondial, ce qui est très bien, à 17 ans. Mais il n'est pas encore célèbre.

Et pourtant, c’est lui, l’Espagnol, qui gagne ce jour-là. En un peu plus d’une heure, il inflige un cinglant 6/3-6/3 à son aîné de cinq ans. Et son statut change immédiatement. Il était le gaucher au look étonnant; il devient le coupeur de têtes et le grand espoir du tennis mondial.

TENNIS-FRA-ROLAND-GARROS

Un an plus tard, les deux hommes se rencontrent pour la deuxième fois, toujours à Miami. Et en finale. Nadal gagne les deux premières manches, et passe à deux points du gain de la rencontre. Mais il finit par s’incliner. Federer renverse la situation. On a compris que ces deux-là nous offriraient dorénavant des duels épiques.

Au fil de ces quinze ans de face-à-face, quelques-uns de leurs matches sont en effet entrés dans la légende. Et leur rivalité est l’une des plus belles de l’histoire du sport. De tous les sports…

Rares sont les duels (entre hommes, pas entre équipes) qui ont fini par porter un nom. Une rencontre entre Roger Federer et Rafael Nadal, cela s’appelle un "Fedal". Ce qui lie les deux champions à tout jamais.

Il y en a eu quarante, des Fedal. Ils sont beaucoup moins nombreux que les Nadal / Djokovic (59), mais plus mythiques. Parce qu’ils sont arrivés plus tôt. Parce qu’ils ont opposé deux joueurs charismatiques, aimés du public, et qui se respectaient. Parce qu’ils étaient souvent de très haut niveau. Parce qu’ils proposaient de complètes oppositions de style. C’est très (trop) caricatural, mais un Fedal est souvent considéré comme le rendez-vous de l’artiste et du guerrier.

Avantage Nadal

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De ces quarante matches, Rafael Nadal en a gagné 24, et Roger Federer 16. La différence est importante, et elle est due à la quasi-invincibilité de l’Espagnol sur terre battue. Sur cette surface, il mène 14 à 2.

Tout cela avait fait dire à Martina Navratilova, il y a quelques années : "Federer est le meilleur joueur de tous les temps, mais Nadal est le meilleur des deux". C’était avant que Novak Djokovic ne vienne se mêler à la lutte pour le titre de "GOAT" (Greatest Of All Time), et ne dépasse ses deux rivaux au nombre de victoires dans les épreuves majeures.

Sur les autres surfaces, plus rapides, le Suisse mène 14 à 10. Dans les finales de tournois du Grand Chelem, Nadal repasse devant. Il a gagné 6 fois sur 9. Pendant trois ans, ils se sont systématiquement retrouvés tous les deux en finales de Roland-Garros puis de Wimbledon. Aucun autre duo n’a fait preuve d’une aussi grande régularité dans l’histoire.

Federer, longtemps dominé par son rival, a fini par trouver la solution. Il a gagné six de leurs sept dernières confrontations. Dont la quarantième et ultime, à Wimbledon, en 2019. On ne saura jamais ce qu’un match entre eux à l’US Open aurait donné, puisqu’ils n’ont pas eu l’occasion de se croiser à New York.

Leurs trois plus grands matches

Wimbledon 2008. Forcément.

Ce duel est considéré par beaucoup d’observateurs comme le plus beau moment de tennis de tous les temps.

Douze mois plus tôt, Roger Federer avait gagné la finale de Wimbledon, face à Rafael Nadal, mais de toute justesse, en cinq sets de très haut niveau. Quelques années plus tard, le Majorquin racontera, dans le livre "Rafa", les larmes qu’il avait versées après ce match. "Cette défaite m’avait démoli. J’avais pleuré dans les vestiaires pendant une demi-heure. Des larmes de déception et de colère contre moi-même. J’avais lâché mentalement, en fin de rencontre. C’était si bête, si insensé. Exactement ce qu’il ne fallait jamais faire dans un grand match."

Nadal n’a plus souvent lâché mentalement, par la suite. Au contraire, il est devenu le joueur le plus fort, dans les moments de grande tension. Le meilleur combattant du circuit. Et cet échec de 2007 l’a rendu encore plus fort.

En 2008, dans la même situation, en finale de Wimbledon face à Federer, il s’apprête à jouer ce qu’il qualifie de "plus grand match de sa vie". Et cette fois, il refuse de laisser passer sa chance. 6/4-6/4-6/7-6/7-9/7, le score indique l’âpreté de la bagarre, et montre à quel point Federer s’est battu avant de céder. Ce match "pop-corn" a duré près de cinq heures, s’est terminé dans la pénombre, et est entré dans l’histoire.

"Rafa" s’est donc imposé dans le jardin londonien de son rival. L’inverse n’est pas arrivé. "Rodger" n’a jamais réussi à prendre le dessus sur la terre battue parisienne. Juste avant ces retrouvailles sur gazon, il avait même subi l’une des pires défaites de sa carrière, en finale de Roland-Garros, 6/1-6/3-6/0.

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Le "Fedal" suivant arrive une fois de plus en finale d’un Grand Chelem, l’Australian Open 2009. Et Nadal gagne encore en cinq sets. Cela commence à faire beaucoup pour Federer, qui craque nerveusement lors des discours d’après-match. Le vainqueur, presque gêné, tente de l’aider à sécher ses larmes. Voilà peut-être le vrai début de leur grande complicité.

Rome 2006. Le jour le plus long.

La finale de ce Masters 1000 dure cinq heures et cinq minutes. Jamais les deux champions ne se sont battus l'un contre l'autre aussi longtemps que ce jour-là. Non, Nadal n’a pas toujours vaincu facilement Federer sur terre battue. Ici, il a même eu un break de retard dans le dernier set, avant d’émerger, au jeu décisif.

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Australian Open 2017. La surprise.

Les années ont passé. Les deux joueurs ont maintenant 35 ans et 30 ans. Ils ne sont plus les meilleurs en Grand Chelem. Ils n’en ont d’ailleurs plus gagné aucun depuis deux ans. Roger Federer commence à souffrir de pépins physiques, lui qui avait été relativement épargné jusqu’à présent. Il a loupé une partie de la saison précédente. Comme Rafael Nadal, d’ailleurs.

Ils restent des grands champions, qui pensent toujours être capables de gagner les plus tournois les plus importants. Et ils ont raison. Les voilà une fois de plus en finale, l’un contre l’autre. Le bras-de-fer tient en haleine les spectateurs et les téléspectateurs du monde entier pendant cinq sets, encore. Le Suisse l’emporte, et fait taire ceux qui ne croyaient plus en lui. Cela fait quatre ans et demi qu’il n’avait pas gagné de Grand Chelem.

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Des amis pour la vie ?

Leurs duels ont souvent été intenses et magnifiques. On peut dès lors imaginer à quel point la déception du perdant a chaque fois dû être difficile à vivre. De quoi détester son bourreau...

Et pourtant, il n’y a jamais eu d’amertume ou de haine entre eux. Il est difficile de trouver des exemples d’autres sportifs qui ont réagi avec autant de cœur, d’intelligence, et de fair-play.

Federer et Nadal se sont respectés, compris, apprécié. Ils ont été une source d’émulation, de progrès, l’un pour l’autre. Seuls au sommet, ils auraient certainement eu un palmarès plus beau encore, forgé avant "l’ère Djokovic". Mais cela n’a jamais été une raison suffisante pour se détester.

Peut-on parler d’amitié ? C’est compliqué, si l’on considère que des amis partent forcément en vacances ensemble ou s’improvisent des petits dîners. Ce que la distance, la famille, le métier, ont rendu difficile, et ce qu’ils n’ont sans doute jamais recherché. Mais le lien qui les unit est tout aussi fort. Ce sont deux hommes qui ont vécu des aventures uniques, publiques, mais dont ils sont seuls à pouvoir ressentir la saveur et les difficultés. Cela s’appelle aussi de l’amitié, après tout.

Assez récemment, Nadal a demandé à Federer, lors d’une conversation vidéo, quel avait été son partenaire de double préféré, pendant sa carrière. La réponse a fusé : "Je pensais que c’était ma femme, jusqu’à ce que tu apparaisses"…

Leur grande complicité a été particulièrement flagrante dans une vidéo, vue maintes et maintes fois, mais qui fait toujours plaisir. Il s’agit de leur fameux fou rire, lors de l’enregistrement d’une promo pour un événement caritatif, il y a une quinzaine d’années…

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L'adieu aux larmes

Quand il comprend, pendant l’été 2022, que plus jamais il ne pourra se débarrasser de sa blessure au genou, et retrouver un niveau digne de son talent, Roger Federer décide de faire ses adieux au tennis. Et il en parle à sa famille et à son équipe. La première personne qu’il prévient ensuite, c’est Rafael Nadal. Il compte bientôt annoncer sa future retraite à tout le monde, puis faire ses adieux à la Laver Cup. Mais il n’envisage pas de quitter la scène sans son adversaire le plus coriace à ses côtés. Et vraiment "à ses côtés", puisque tout se terminera par un double, lors de ce tournoi-exhibition.

L’émotion est à son comble. Federer pleure; et Nadal pleure encore plus que lui. L’image est incroyable, et elle fait le tour du monde...

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