Patrimoine
© TIZIANA FABI – AFP
Il y a 850 ans, la première pierre de la tour de Pise était posée. Devenu depuis l’un des monuments les plus célèbres d’Italie, si ce n'est du monde, le campanile a menacé de s’effondrer dès sa construction. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Verra-t-on un jour la tour de Pise s’écrouler ?
Avec le Colisée, le Panthéon, Venise et Pompéi, c’est un des "big five" d’Italie, parmi les sites touristiques les plus visités du pays. La tour de Pise fête ses 850 ans. Le 9 août 1173, la première pierre du campanile de la cathédrale de Pise était posée. Car la fameuse tour n’est pas simplement une tour, elle est avant tout un clocher destiné à accueillir un carillon. D’ailleurs, son intérieur est creux, preuve s’il en est qu’elle n’a été prévue que pour ce seul usage. Erigé dix ans après le début de la construction de la cathédrale, le bâtiment est impressionnant, et pas seulement parce qu’il penche.
Faite en marbre de Carrare, la tour est haute de huit étages, son point culminant est à près de 57 mètres sur l’un de ses côtés. Elle est une représentante majeure de l’Art Roman italien. Résolument moderne pour son temps, l’édifice circulaire a pourtant connu l’évolution des styles, son décor mêle Roman et Renaissance. Car il a fallu deux siècles pour l’achever, tant sa construction fut périlleuse.
En fait, c’est très rapidement après la pose de ses premières pierres que l’édifice a commencé à s’incliner. En 1178, en pleine construction du deuxième étage, les architectes se rendent compte que quelque chose ne va pas. Leur ouvrage n’est pas droit. Le chantier sera vite interrompu, non pas à cause du problème, mais bien à cause des nombreuses guerres coûteuses dans lesquelles la république de Pise est engagée. Une pause d’une cinquantaine d’années qui permet au sous-sol de se tasser et d’assurer plus de stabilité. Sans cette interruption, il y a fort à parier que la tour se serait écroulée avant même son inauguration.
Durant les 199 ans que va prendre sa construction, il a fallu plusieurs fois corriger le tir pour tenter de redresser la tour, sans succès. L’ajout des étages supérieurs, puis des cloches de plusieurs tonnes, n’a fait qu’empirer l’inclinaison. Tout au long de son histoire, le campanile s’est un peu plus rapproché du sol, lentement mais sûrement. De quoi craindre un écroulement.
Mais même si on le voulait, on ne pourrait pas réellement remettre la tour droite. Comme les architectes ont essayé de compenser la pente, elle a un côté plus grand que l’autre, ce qui fait que redressée, elle nous paraîtrait biscornue. Elle n’est en fait pas réellement cylindrique, mais a une légère forme de banane. De toute manière, aucun projet de redressement du monument n’est à l’ordre du jour. Les autorités italiennes considèrent depuis longtemps que son inclinaison est la raison de sa célébrité, et de son classement sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Mais pourquoi la tour de Pise est-elle penchée ? En fait, le problème est en sous-sol, chose que l’on mettra des siècles à comprendre. Pise se situe sur une plaine alluviale, au sol instable. Les fondations du campanile ne sont pas assez profondes, et l’ensemble de marbre, bien qu’il soit vide, pèse environ 14.500 tonnes. En réalité la tour s’enfonce dans le sol centimètre par centimètre.
Elle a survécu à quatre tremblements de terre. A n’importe quel autre endroit, elle se serait écroulée, mais grâce au sol meuble auquel elle doit son inclinaison, elle a résisté aux secousses. Cependant, le danger de chute a bel et bien été réel durant toute son histoire. En 1993 et en 2000, il a fallu la redresser, car son inclinaison devenait trop sévère, de 4,5 m par rapport à la verticale. Les travaux avaient coûté plus de 28 millions d’euros, mais l’avaient redressée de 41 cm.
Pise fait donc tout pour la sauvegarde de son emblème. Garder sa tour suffisamment penchée, mais pas trop. En 2008, les spécialistes déclaraient que la tour était assurée de rester en l’état durant au moins trois siècles supplémentaires. Dix ans plus tard, les calculs montraient qu’elle s’était même légèrement redressée d’elle-même de quelque 4 petits centimètres supplémentaires. Un phénomène qui pourrait être en partie dû à la chaleur. "La tour a tendance à se déformer et à réduire sa pente en été, quand il fait chaud, parce qu’elle penche vers le sud, de sorte que sa face sud est chauffée et que la pierre se dilate. Et en se dilatant, elle se redresse", expliquait alors Nunziante Squeglia, professeur d’ingénierie à l’Université de Pise.
La chute de la tour de Pise, 850 ans après le début de sa construction, ne semble donc pas être au programme. Les touristes pourront continuer encore longtemps à prendre la pose emblématique devant leur objectif, bras en avant, comme pour l'empêcher à jamais de s'écrouler.
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