*Mercredi, Yvon Lambert et David Arsenault seront des invités des émissions Le 5 à 7 et l'Antichambre

MONTRÉAL – « Cette nuit, Yvon buvait du champagne au Studio 54 entouré de gens riches et superficiels. Ce soir, il sert de la bière et des oeufs dans le vinaigre Chez Pépère à des gens modestes, mais authentiques. »

Cet extrait, raconté par David Arsenault, dans la biographie Yvon Lambert, un Glorieux au cœur de la dynastie dépeint à merveille l’univers attirant de l’ancien numéro 11 du Canadien de Montréal. 

Car oui, les grandes vedettes comme Guy Lafleur, Serge Savard et Ken Dryden ont eu droit à leur biographie. Mais, pour bien saisir l’une des plus grandes dynasties sportives, il était judicieux d’y pénétrer via l’œil de Lambert. Lui qui symbolise, en quelque sorte, l’homme du peuple qui s’est taillé une place de choix dans ce vestiaire grâce à son acharnement et malgré ses travers. Dire qu’Yvon Lambert ne savait pas patiner avant l’âge de 13 ans et qu’il ne rêvait pas tant à la LNH dans sa jeunesse. 

« Une fois à l’extérieur de l’aréna, il se met à pleurer. Les mots de (Maurice) Filion le touchent profondément. Jamais dans sa vie, il n’avait reçu une telle marque de confiance. Jamais il n’a songé, ne serait-ce qu’une seconde, qu’il pourrait un jour gagner sa vie en jouant au hockey », relate l’auteur à propos de son ascension improbable.  

La biographie d'Yvon Lambert de David ArsenaultPlus de 40 ans après avoir savouré quatre conquêtes consécutives de la coupe Stanley avec le Tricolore, l’entraîneur Scotty Bowman reconnaît que, sans des joueurs comme lui, cette équipe ne se serait peut-être pas transformée en dynastie. 

Sympathique, ricaneur et toujours prêt à se sacrifier, Lambert était un coéquipier adoré. C’est d’ailleurs l’image que les partisans du Canadien retiennent, encore aujourd’hui, de lui. Pourtant, son enfance n’a pas été facile. Uniquement le destin tragique de son jeune frère aurait été suffisant pour lui enlever une partie de sa grande joie de vivre.

Même si tout n’est pas rose sur cette ferme de Saint-Germain-de-Grantham, on s’attache à la famille d’Yvon dès les premières pages. La relation de très peu de mots avec son père attendrira bien des lecteurs. 

Dès qu’il se lance, tardivement, dans le hockey, son parcours étonne et fascine. Les détails du récit nous donnent presque l’impression d’enfiler de vieux patins auprès de Lambert. Il n’y a que ses parents qui tardent à s’en émouvoir. « Marcel et Juliette ne démontrent aucun intérêt pour la passion grandissante de leur fils », relate l’auteur en nous faisant sourciller. 

Ce sont finalement les Red Wings de Detroit qui ont jugé bon de le repêcher en 1970. Sans vous dévoiler le savoureux punch, sachez que Lambert était loin de sauter au plafond quand il a su qu’il appartenait désormais au Canadien. 

Les chapitres qui nous amènent au cœur de la fabuleuse époque du CH se dévorent au rythme des tactiques détestables de Bowman qui font grincer des dents ainsi que des sublimes tours joués par Guy Lapointe, le grand complice de Lambert. Ce serait dommage de tous vous les dévoiler, mais citons celui du sifflet que Lapointe utilisait, en cachette, durant un entraînement ce qui mettait Bowman en beau fusil ! Yvon Lambert

Les fervents du Canadien seront ravis d’apprendre comment ce club a détrôné les intimidants Flyers de Philadelphie. La description de la mise en échec célèbre de Larry Robinson donne des frissons. 

Et, bien sûr, l’un des points culminants demeure le but mémorable de Lambert que l’auteur décortique avec doigté. Dans une ère où l’instantanéité règne, ça apaise de le voir prendre tout le temps nécessaire pour décrire ce moment. 

C’était une récompense parfaite pour celui qui a payé le prix, sans rechigner, pour ses coéquipiers plus talentueux. Un exemple ? La fois où son bras gauche était violet du poignet à l’épaule, conséquence « du pire cross check que j’aie jamais mangé ! » de la part de Bob Dailey, un défenseur des Canucks de Vancouver. 

Sa personnalité et son style de jeu d’une grande abnégation touchent les partisans au fil de sa carrière parsemée de succès collectif. « Yvon peine à croire ce qu’il vit. Enfant, la LNH lui semblait inatteignable. Le voilà en train de fêter un championnat, à quatre jours de ses 26 ans », peut-on lire dans le livre après sa première embrassade avec la coupe Stanley. 

Il développera, chez le Canadien, une superbe chimie avec Mario Tremblay et Doug Risebrough, un trio surnommé la Kid Line

Mario Tremblay, Doug Risebrough et Yvon Lambert« Bowman avait été à ce point épaté qu’il déclare après la rencontre qu’il s’agit de l’une des meilleures présences par un trio du Canadien depuis des années », a même dit l’entraîneur à la poigne de fer.    

Par contre, tout n’est pas rose dans la vie de Lambert et la biographie ne contourne pas cette réalité. Souvent au détriment de sa famille, l’alcool accapare une grande place dans sa vie et il a évité le pire plus d’une fois. 

Lambert ne nie pas son problème et, à l’image du reste de la biographie, il l’aborde avec franchise quand l’auteur lui cède la « plume » à la fin du bouquin. 

« Après une ou deux rencontres, je savais que j’avais une histoire en or. Yvon a été tellement généreux, transparent, authentique, sincère et touchant », a confié Arsenault avec reconnaissance. 

C’était avant même de savoir que Lambert avait mangé en présence de Vladimir Poutine et qu’il y avait des liens intrigants, remontant à sa carrière de joueur, avec Gordie Howe, le père de Sidney Crosby, le père de Wade Redden et un certain Ronald (Ron) Fournier. Et que dire des pages durant lesquelles Arsenault raconte des souvenirs privilégiés de Lambert avec Henri Richard, Yvan Cournoyer et Guy Lafleur comme si vous étiez à la taverne avec eux. 

Cette lecture divertissante et touchante est fidèle au héros de cette biographie qui se remet, heureusement, de trois attaques du cancer. Elle réchauffera le cœur à bien des gens à commencer par les fidèles du CH. 

Wayne Gretzky et Yvon Lambert