Michel-Edouard Leclerc, président de l’Association des Centres Distributeurs Leclerc

À l’heure où ses concurrents multiplient les alliances pour mieux aborder les négociations 2015, le porte-parole du groupement Leclerc est sur la brèche pour défendre la stratégie de son enseigne. Un exercice dans lequel MEL excelle…

« Notre difficulté est de rester dans l’état d’esprit d’un challenger à l’heure où nous devenons numéro un de la distribution en France. » Cette confidence de Michel-Edouard Leclerc (MEL) faite en mars dernier au micro de France Culture lors d’une série d’entretiens prend aujourd’hui une autre saveur. Six mois plus tard, le groupement Leclerc n’est plus en mesure de revendiquer la place de première centrale d’achats française.

Les alliances récemment scellées entre Système U et Auchan d’une part, et entre Casino et Intermarché d’autre part, font de ces structures les nouveaux mastodontes de la distribution alimentaire avec respectivement 21,4 % et 25,8 % de part de marché. Du coup, Leclerc est relégué au quatrième rang de peu derrière Carrefour. Une position que n’avait certainement pas imaginé MEL.

Ce classement, purement théorique dans les faits, peut-il l’inquiéter outre mesure ? Officiellement, Michel-Edouard Leclerc s’est bien gardé de commenter cette actualité. En fin communicant, il sait que ces rapprochements viennent accréditer sa stratégie sur les prix bas. Il préfère revêtir son habit de chevalier blanc pour défendre, envers et contre tous, le pouvoir d’achat des Français. Sauf que la situation s’est particulièrement tendue. Dans ce contexte déflationniste, les distributeurs sont mis à l’index, Leclerc en tête ! « Avant de crier au loup, il est quand même important de rappeler que les prix ont augmenté pendant 10 ans, a précisé MEL sur le plateau du Grand Journal de Canal + le 8 octobre dernier. Cette baisse peut faire du bien au pouvoir d’achat des consommateurs qui tirent la croissance. »

Le monde agricole et l’industrie agroalimentaire ont notamment pris pour cible le chantre des prix bas. « Vous ne nous ferez pas porter le chapeau », se défend le fils d’Édouard Leclerc à qui veut l’entendre et qui prend le temps d’argumenter ses positions sur son blog. Le porte-parole de Leclerc joue un exercice d’équilibriste dans sa communication en ménageant les filières agricoles et les PME tout en se montrant ferme sur sa stratégie commerciale. « Si vous voulez que l’État nous interdise de vendre moins cher, je n’ai rien contre. Je ne suis pas un ultra-libéral. Mais malgré toute cette pression, je n’augmenterai pas les prix », conclut MEL sur Canal +.

L’attaque de Géant Casino

D’autant que le groupement subit également une attaque en règle du groupe Casino. En dynamitant les prix de vente, Géant a clairement bouleversé la donne. Sur le premier semestre 2014, la chaîne d’hypers du groupe de Jean-Charles Naouri a ravi la place de l’enseigne la moins chère à Leclerc dans les liquides selon les indices de Rayon Boissons.

Cette guerre des prix exacerbée ne fait pas que des heureux chez Leclerc et occasionne même quel­ques fissures au sein du Galec, la centrale nationale de Leclerc. Le patron de la direction alimentaire, Jean-Claude Pénicaud, adhérent à Luçon (85) a démissionné de son poste en raison de désaccords avec certains de ses collègues lors de la préparation des négociations commerciales.

Ambassadeur de Leclerc, MEL doit donc enfiler son costume de conciliateur et de sage en interne. « Ma force est de fédérer tous les salariés et les cadres du mouvement sur des projets », expliquait le président de l’ADCLec sur France Culture. Toujours « vert » comme il se définit lui-même, le porte-parole de Leclerc n’est pas près de perdre son âme de challenger et de combattant.

Yves Denjean