Christine Ockrent : La guerre du Liban et le JT de 20H, 40 ans après

La journaliste Christine Ockrent, invitée de l'émission 9h10 le 12 mai 2023 ©Radio France - Grégoire Nicolet/France Inter
La journaliste Christine Ockrent, invitée de l'émission 9h10 le 12 mai 2023 ©Radio France - Grégoire Nicolet/France Inter
vidéo
La journaliste Christine Ockrent, invitée de l'émission 9h10 le 12 mai 2023 ©Radio France - Grégoire Nicolet/France Inter
Publicité

Christine Ockrent monte sur scène. L'ex-reine du 20H d'Antenne 2 replonge dans l’actualité des années 1980 rythmée notamment par la guerre civile au Liban. Cette guerre que Wajdi Mouawad, son metteur en scène, a fui, enfant.

Quand on était petit, Christine Ockrent présentait le journal de 20h sur Antenne 2, c'était entre 1981 à 1985. Il n’y avait que trois chaînes. La deuxième chaîne réunissait alors 20 millions de Français par jour. On l’appelait « la reine Christine ». Elle est la première femme titulaire et rédactrice en chef du 20h.

À force de dîner avec elle, elle est devenue un membre à part entière de nos familles. Le dramaturge Wajdi Mouawad, enfant, a fui la guerre au Liban avec sa mère, et chaque soir, c’était Christine Ockrent qui lui donnait des nouvelles de son pays.

Publicité

Wajdi Mouawad a été extrêmement marqué par sa présence au 20 h et, 40 ans après, il remet la journaliste sur scène pour jouer pour la toute première fois son propre rôle tous les soirs à Paris, au Théâtre de la Colline dans une pièce qui s'intitule "Mère". Jusqu'au 4 juin elle tourne en France, en Belgique.

C'est l'histoire d'une famille libanaise qui fuit la guerre du Liban à la fin des années 1970-80. À ce moment-là, notre metteur en scène est enfant et n'a que 10 ans. Dans sa vie, Christine Ockrent a joué un très grand rôle. Il vivait dans un petit appartement du 15ᵉ arrondissement avec sa mère. Ils pensaient vraiment être arrivés à Paris pour trois mois, mais restent finalement trois ans, et ne sont jamais retournés au Liban.

Il reste hanté par la guerre, il ne vit qu'à travers la hantise de la guerre à une époque où il n'y avait ni téléphone portable, ni réseaux sociaux, ni chaîne d'information continue. La seule source d'information pour cette famille étant alors le 20 h de Christine Ockrent à travers laquelle il fait revivre sa propre histoire. Wajdi Mouawad lui fait dire quelques mots sur sa propre mère, des phrases très belles qui font réfléchir à une forme de déshumanisation quand on raconte la vie des victimes de la guerre en général, en plus de raconter comment on médiatise à l'époque une guerre, telle que celle du Liban.

Souvenirs de la médiatisation de la guerre du Liban (1975-1990)

À cette occasion, la journaliste est venue raconter ses années de 20h à une époque où les méthodes de travail et le temps de l'information étaient tout autres : "Il faut bien se rendre compte qu'à l'époque, il n'y avait pas autant de satellites et les images nous parvenaient très tard, parfois avec une journée de retard. Tout allait beaucoup moins vite que notre temps numérique présent où la technologie a pris le dessus. C'était loin d'être le cas à l'époque, et en rédaction quand on préparait le journal, on avait davantage de temps pour contextualiser l'événement. Ce décalage-là était d'autant plus important pour nous à Antenne 2 qu'on a vécu plusieurs épisodes extrêmement douloureux. Il s'agit donc, dans cette pièce, de mettre en scène toutes ces questions que les rédactions se posaient et se posent encore, avec les moyens qui sont les leur aujourd'hui, la restitution des dépêches, la contextualisation du fait d'actualité quand il s'agissait de rendre compte de la réalité auprès du public".

La pièce adapte en particulier deux épisodes très marquants dans l'histoire de la couverture au Liban. Le massacre de Sabra et Chatila du 18 septembre 1982, où elle redonne vie à la conférence de rédaction telle qu'elle s'était déroulée à l'époque, posant au passage la question de la décision de diffuser ou pas les images. L'autre événement extrêmement traumatisant abordé sur scène est l'affaire des otages du Liban retenus au Liban. Les prises d'otages qui avaient commencé en 1982 et qui s'étaient égrennées jusqu'en 1986, avant qu'il soient progressivement libérés en 1988.

Expliquer sur scène comment on médiatise la guerre

Une pièce qui pose aussi une vraie question sur la méditaitsation même de la guerre, comment dans une rédaction les journalistes réfléchissent à la structrue d'une émission, comment ils se décident à ne parler ou pas que de la guerre : "Ce sont des questions qu'on se pose quotidiennement dans une rédaction et tout le talent de Wajdi Mouawad est d'arriver en plus à reproduire sur scène cette friction entre l'époque d'alors et l'époque d'aujourd'hui, la manière dont la guerre, dont la violence transperce la vie des gens qui ne se débarrassent jamais vraiment de ce sombre souvenir, au point de le porter toute leur vie durant, y compris dans les relations au sein d'une famille".

🎧 La suite à écouter….

L'équipe

pixel