Chloé Delaume : "Le regard social sur la maladie mentale devrait être très différent"

L'écrivaine Chloé Delaume, juillet 2023 ©AFP - Joel Saget
L'écrivaine Chloé Delaume, juillet 2023 ©AFP - Joel Saget
L'écrivaine Chloé Delaume, juillet 2023 ©AFP - Joel Saget
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Dans son dernier roman "Pauvre folle", Chloé Delaume couche sur le papier ces blessures de l'enfance qui se rejouent dans les histoires d'amour. Elle poursuit ainsi une autobiographie à peine déguisée sous les traits de Clotilde, une héroïne à la cinquantaine bousculée par la révolution #MeToo.

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L'œuvre de Chloé Delaume, pour l'essentiel autobiographique, est centrée sur la pratique de la littérature expérimentale et la problématique de l'autofiction. Après Le Cœur synthétique (Prix Médicis 2020), elle livre en cette rentrée littéraire "Pauvre folle" (éditions du Seuil), un ouvrage-autopsy le temps d'un trajet de train, qui concentre aussi les questionnements d'une femme sur sa féminité et sa banale identité d'hétérosexuelle.

L'héroïne, c'est Clotilde Mélisse, écrivaine, féministe, femme bipolaire dont le père, en tuant sa mère et en pointant une arme sur elle, a créé les multiples voix qui s'agitent dans sa tête. Clotilde, elle, a renoncé aux hommes jusqu'à ce qu'elle croise Guillaume, réalisateur qui se dit lui-même pédé.

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Un livre sur les relations amoureuses, à l'ère post MeToo

Dans le sillon de ses précédentes publications, Chloé Delaume engage une réflexion sur les nouveaux possibles de l'amour, et se désespère que tout ce qui s’est passé depuis #Metoo n’ait produit que peu d’effet dans l’intimité des rapports hétérosexuels : que faut-il faire ? Renoncer à l’amour hétérosexuel ? Renoncer au sexe avec les hommes ? Est-ce qu'on peut être super féministe en 2023, et toujours avoir des relations hétérosexuelles ?

Pour l'autrice, quand on est hétéra (hétéro femme), on est en dissonance cognitive. Elle explique : "D'un côté, on ne les supporte plus très bien et de l'autre, il y a la crinoline qui pousse et on aimerait bien trouver, peut-être pas l'âme sœur parce que je ne suis pas sûre que ça existe, mais en tout cas, un partenaire potentiel et c'est difficile parce que c'est en opposition tout le temps."

Un livre où il est question de santé mentale

Dans Jusqu'ici tout va bien, il est aussi question de folie parce que c'est le titre du livre, "Pauvre folle". Chloé Delaume écrit dedans qu'une personne sur quatre est sous psychotropes en France et selon l'OMS, une personne sur quatre sera touchée par un trouble psychique au cours de sa vie en France. Quand on pense que ces troubles touchent aussi l'entourage, c'est un sujet qui nous concerne absolument tous, et qui reste pourtant souvent tabou.

Pour Chloé Delaume, il y a la terreur que cela suscite pour les autres, mais d'abord pour soi : "Déjà parce que ce n'est jamais très sécurisant de se dire qu'on est zinzin. Et c'est surtout le regard des autres qui joue. Je crois que le regard social sur la maladie mentale devrait être très différent, en sachant qu'on est dans un pays effectivement où tout le monde est dépressif."

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Comme son héroïne, Chloé Delaume est bipolaire. Elle explique que le diagnostic compte beaucoup : "Le jour où j'ai compris que ce n'était pas un trait de caractère que d'avoir envie de se flinguer régulièrement et en parallèle, monter aux rideaux." Elle ajoute : "Le raptus suicidaire, c'est extrêmement pénible. C'est effectivement tapi dans l'ombre, ça vous saisit, ça vous grignote et soudain, vous avez l'envie impétueuse d'en finir. Et ça, c'est très, très difficile à vivre. Il n'y a pas que les bipolaires qui ont le raptus dans leur pathologie."

Dans le livre, elle parle des médicaments comme d'un exosquelette.

Des conflits de générations

Le livre raconte donc l'histoire d'une femme proche de la cinquantaine avec un passé traumatisant, des histoires d'amour post-MeToo qu'elle ne sait pas bien gérer, et propose des réflexions sur la résilience. Mais il y a aussi la question du conflit générationnel qui traverse tout le livre. Chloé Delaume dit le ressentir. Il y a pas mal de domaines dans lesquels elle se sent un peu dépassée, pour lesquels il faut qu'elle fasse un effort. Elle a eu par exemple du mal à comprendre ce que signifiait le fait d'être pansexuel, ou encore sur le sujet de l'appropriation culturelle, où elle se dit moins au taquet que ses amis trentenaires.

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Dans le livre, elle mesure aussi la différence entre une génération féministe où elle se sentait un peu seule, à la fin des années 1990-début 2000, et où elle a beaucoup investi la sexualité, et la génération féministe actuelle. Elle a été prostituée à un moment, en tant qu'arme politique. Elle parle aussi d'hyper-féminité. Pour elle, ce n'était pas une erreur et elle a pour principe de ne jamais rien regretter. Elle explique la différence entre cette époque et ce qui se passe aujourd'hui : "Dans les années 1990, on est sur le pro-sex, on est sur l'empowerment par la sexualité. Le regard est beaucoup plus puritain aujourd'hui, je trouve."

Question qui fâche : les jeunes sont-ils de vieux boomers ?

Les jeunes sont-ils des personnes âgées ? Internet est-il un truc de vieux ? Gala est par exemple le tout premier média français sur TikTok avec 8,5 millions d'abonnés.

Samuel Étienne, invité de Jusqu'ici tout va bien, est journaliste et animateur radio. Il succède en 2016 à Julien Lepers à la tête de "Questions pour un champion" sur France 3... émission peu connue a priori par les internautes de la Gen Z qui ont boudé le petit écran depuis longtemps. Pourtant, il se lance en 2020 dans le streaming sur la plateforme Twitch, le réseau social des gamers où la moyenne d'âge est de 21 ans, pour animer une revue de presse quotidienne, et ça fonctionne. Ils sont de plus en plus d'hommes et de femmes de télévision à investir ces nouveaux canaux d'information.

Des jeunes en quête d'informations

Pour le journaliste, les jeunes et les vieux ont le même intérêt pour l'information :  "Quand je suis arrivé sur Twitch il y a trois ans, l'idée, c'était de vendre la meilleure source d'information possible, pour moi la presse écrite quotidienne. Moi, je suis un paradoxe parce que je suis un journaliste audiovisuel, mais qui ne s'informe qu'en lisant la presse écrite du matin. Pour moi, c'est la source d'informations pour plein de raisons. Et donc je suis venu en vendant cette presse et en disant 'regardez, lisez-la cette presse !'"

Samuel Étienne ajoute : "Il y a l'exposé brut des faits. Moi, c'est ce que je fais le matin, je vais voir les faits. Et puis je dis : 'maintenant, parlons-en, discutons.' Et là, c'est la passion. Parce que Twitch, c'est l'interactivité, c'est des milliers de personnes en face qui réagissent en temps réel. Il y a l'exposé des faits, et des gens qui disent : 'moi, je ne suis pas d'accord. Mon avis, ce n'est pas ça.' Et puis après on discute et c'est la passion. Et c'est ça qui est passionnant dans l'info. Donc on a une génération, on va dire les 18-30 ans, qui sont sur Twitch très présents, qui sont avides d'informations. Juste, parfois, ils ne s'informent pas forcément au bon endroit. Donc moi, je ne suis pas pour un exposé brut des faits. Je le fais d'un côté, mais après, justement, il y a l'échange."

Écoutez La question qui fâche...

Programmation musicale

  • David Walters, Soul tropical
  • Caroline Polachek, Welcome to my island
  • Clou, Jusqu'ici tout va bien
À réécouter : Chloé Delaume
Le grand entretien
51 min
L'Heure bleue
54 min

Programmation musicale

  • David Walters

    Soul tropical

    Album Soul tropical (2023)

    Label HEAVENLY SWEETNESS

  • CLOU

    Jusqu'ici tout va bien

    Album Jusqu'ici tout va bien (2020)

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