Le génie de Claude Monet et de Pablo Picasso, avec l'historienne de l'art Cécile Debray

Cécile Debray au musée Picasso ©Maxppp - TERESA SUAREZ
Cécile Debray au musée Picasso ©Maxppp - TERESA SUAREZ
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Cécile Debray au musée Picasso ©Maxppp - TERESA SUAREZ
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Ali Baddou reçoit l'historienne de l'art Cécile Debray, présidente du musée Picasso Paris et l'une de nos grandes spécialistes de l'art moderne, en particulier de deux œuvres qui ont marqué l'histoire de la peinture : "Les Nymphéas" de Claude Monet et le "Guernica" de Pablo Picasso.

Nous voici dans un premier temps au musée de l'Orangerie à Paris, dans le jardin des Tuileries, au bord de la place de la Concorde pour se plonger dans Les Nymphéas de Claude Monet, le peintre le plus célèbre de son temps. Dans ce musée, nous pénétrons dans une sorte de bulle silencieuse totalement dédiée à la contemplation d'une œuvre unique conçue par le peintre impressionniste, et dont l'œuvre qui y repose est connue pour incarner l'une des plus grandes œuvres visuelles immersives. Claude Monet a construit une gigantesque peinture humaniste qui forme presque le signe de l'infini de part ces deux pièces ovales accolées, où nous sommes comme plongés dans l'étang de Giverny et sublimés à travers cette monumentale peinture.

C'est en 1927 que sont installés les Nymphéas à l'Orangerie dans une incompréhension totale, puisque cela intervient à un moment très particulier : nous sommes juste après la Première Guerre mondiale. Il offre ses tableaux en tant que dernier maître de l'impressionnisme. Frustré de ne pas avoir participé à l'effort de guerre, le peintre fait ce geste d'offrir à la France cet ensemble de tableaux, qu'il lie intimement avec l'histoire de la Première Guerre mondiale.

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Les Nymphéas de l'Orangerie : œuvre de paix et sixtine de l’impressionnisme

Il y a une forme de solennité à travers les Nymphéas de Monet, comme si on entrait dans un lieu de méditation sacré qui immortalise les technicités artistiques du peintre, notamment cette difficulté suprême de saisir un élément totalement mobile, et totalement mouvant à la fois, de capter la sensation du temps qui passe. Cécile Debray explique : "Quand Claude Monet a imaginé cet ensemble, c'était pour lui l'aboutissement de son parcours de peintre et l'expression d'une obsession, celle de saisir l'acte-même de la vision dans le simple reflet d'un arbre dans l'eau, ou comment les herbes folles qui poussent au fond de l'étang sont vues à travers l'eau. C'est une œuvre qui est au bord de l'abstraction, une œuvre fondatrice à travers cette idée du rien."

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Monet se met à l'ouvrage pendant la Première Guerre mondiale, au moment où le monde entier plonge dans la tragédie, et les paysages auxquels il est attaché sont déchiquetés par les bombardements, ce qu'il ne manque pas d'immortaliser par son œuvre. "Les corps sont déchiquetés également dans les tranchées, les maisons deviennent des ruines. Cette sorte d'apocalypse, même visuelle pour un peintre, est perçue par l'ensemble du monde, et quand Monet, enfermé dans son atelier, parachève cette œuvre de peinture, au sortir de la guerre, elle est vécue comme une œuvre troublante, presque angoissante. Il y voit un effet réconfortant et un acte de contemplation qui pouvait évoquer la Renaissance et la paix d'après-guerre."

"C'est une œuvre de paix qui viendrait recoudre les cicatrices d'une France meurtrie par la guerre. L'inspiration d'un nouveau départ après le terrible effondrement du monde au sortir de la guerre et augmenter les imaginaires."

"Guernica" de Pablo Picasso : dépeindre les ravages de la guerre

Le peintre espagnol était lui aussi porteur d'une force visuelle humaniste à nul autre pareil. Son Guernica présente un tout autre rapport à la guerre, un autre mode d'immersion à travers un tableau monumental qui consistait à réagir par les arts face aux premiers signes avant-coureurs du second conflit mondial : "C'est vraiment le premier signe peint du conflit mondial qui se profile. Un tableau qui représente et hurle pour tout le monde les ravages de la guerre avec des formes parfois incompréhensibles. Picasso démontre par cette peinture qu'il est le géant de l'art moderne. La puissance de sa peinture vient au service d'un des actes politiques en soutien d'un peuple martyr qui va être extrêmement puissant à travers un langage humaniste allégorique (le taureau, le cheval, les femmes hurlantes…). Il est très frappant de voir comment aujourd'hui, dans le monde de conflits que l'on vit, et qui à l'époque de la Seconde Guerre mondiale a fait le tour du monde, est porté par l'ensemble des militants de la paix aujourd'hui avec la guerre en Ukraine."

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