Jean-Noël Jeanneney : "L'avantage d'être historien, c'est qu'on connaît un peu le prix de la moyenne durée, de la longue durée"

Jean-Noël Jeanneney à la Bibliothèque nationale de France en 2005 ©AFP - ERIC FEFERBERG
Jean-Noël Jeanneney à la Bibliothèque nationale de France en 2005 ©AFP - ERIC FEFERBERG
Jean-Noël Jeanneney à la Bibliothèque nationale de France en 2005 ©AFP - ERIC FEFERBERG
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L'historien, qui fut Secrétaire d'état et a dirigé Radio France ou la Bibliothèque nationale de France, se raconte et rappelle quelques-uns de ses souvenirs, son histoire familiale, ou ses rencontres avec les deux grandes figures que furent le général de Gaulle et François Mitterrand.

Avec

Historien, producteur de Concordance des temps depuis des années, Jean-Noël Jeanneney, né en 1942 à Grenoble dans une famille de 8 enfants, a d'abord enseigné à Nanterre ou à Sciences Po, devenant plus tard un spécialiste de ce qu'on appelle l'histoire des médias. Les médias, autre écosystème fondamental de ce parcours puisqu'il a par la suite dirigé Radio France et la chaîne Histoire. 

Il y a aussi Jean-Noël Jeanneney politique, proche du Parti socialiste, deux fois secrétaire d'État sous François Mitterrand. Politique régionale également, avec des attaches en Franche-Comté. Et bien sûr politique culturelle avec notamment cette présidence de la mission du bicentenaire de la Révolution et de la Bibliothèque nationale de France. 

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Enfin, Jean-Noël Jeanneney écrit sans cesse, beaucoup, de façon polymorphe. Des livres d'histoire, des documentaires, des pièces de théâtre... Tout cela fait beaucoup d'identités, de films qui se mêlent souvent, et que cette Masterclasse essaye de tirer de façon la plus exhaustive possible, de façon très classique. 

la rencontre avec Mitterrand le 10 mai 1981

"Je me suis inscrit sur les listes de soutien à François Mitterrand en 74 comme universitaire, et en 81. Et puis, il y avait une jeune femme, des amis qui habitaient au-dessus chez nous rue de Bièvre. Nous avons fait amitié et elle connaissait bien la famille Mitterrand. Et le soir du 10 mai 1981, je suis sorti dans la rue vers une heure du matin pour respirer un peu d'air après avoir été à la Bastille pour fêter tout ça. Elle est sortie, elle m'a dit "Tu ne veux pas venir chez Mitterrand ?". J'ai dit "je veux bien". Effectivement, on a fait quelques mètres et elle m'a conduit à l'intérieur de la cour où Mitterrand venait de revenir après avoir été au Parti socialiste. Je me suis dit là, ça fera une page dans mes mémoires. Evidemment, il s'était mis une sorte de casquette bleue, prenait un air... Ce qui m'a frappé, c'était la volonté qu'il avait, tout en clignant un tout petit peu des yeux quand il y avait un peu d'émotion, de marquer que c'était une sorte d'évidence qu'il soit là. J'ai dit "Monsieur le président de la République", en mettant un peu d'ostentation. 

l'expérience au gouvernement

"J'ai été passionné et j'ai adoré ça. D'abord parce que pour un historien, quelqu'un qui avait été formé aux choses de la République, assister au conseil des ministres, même au bout de la table, voir comment ça se passait... c'était très, très, très important et très, très précieux. Je me suis dit très vite que j'allais essayer de tirer le maximum du bref temps - tout est toujours bref dans ce cas-là - pour voir quelle était la latitude d'action, de liberté qui pouvait être donnée à un secrétaire d'État, ce qui est un petit ministère. J'ai d'abord été au Commerce extérieur, ensuite à la Communication. Au Commerce extérieur, c'était magnifique. J'ai tourné tout autour du monde. Je n'avais pas les très grands pays qui étaient réservés aux ministres de plein exercice, mais j'allais dans toute une série de petits pays où l'on pouvait développer le commerce extérieur. J'allais à Bruxelles, j'étais en France pour essayer de pousser ça."

la présidence de Radio France

"Je n'ai pas un tempérament nostalgique, mais franchement, c'était merveilleux. C'était merveilleux d'être chargé de la radio. Je dirais que c'est même encore mieux que la télévision. Parce qu'il y a beaucoup de narcissisme à la radio, dont il faut s'occuper, dont il faut organiser les volutes, mais à la télévision, c'est bien pire. Tandis qu'a la radio, il y a moins d'enjeux financiers."

la création des Nuits de France Culture

"J'ai fait les Nuits de France Culture parce qu'avant, ça s'arrêtait avec la Marseillaise, à une heure : tous les insomniaques écoutaient la Marseillaise, se dressaient à côté de leur lit, puis se recouchaient, très tristes. Et donc, vous comprenez bien que c'était un peu dommage. On a fait les Nuits de France Culture, on a conservé ce que France Culture pouvait avoir de vivant."

de l'inactivité

"Je sais ne rien faire, bien sûr. Mais qu'est-ce que c'est ne rien faire, on fait toujours quelque chose. Si vous voulez dire ne pas avoir un emploi du temps serré, de se donner des libertés, des moments... Oui, oui, j'aime beaucoup ça. Mais enfin, au bout d'un moment, je m'en lasse."

Pour aller plus loin

Masterclasse enregistrée le samedi 10 octobre 2020, à la Bibliothèque de l'Abbé Grégoire, lors des 23ème Rendez-Vous de l'Histoire de Blois intitulées Gouverner.

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