La salamandre à l’épreuve du feu

On a longtemps raconté que la salamandre naissait du feu. En vérité, elle apprécie les endroits humides, comme les vieilles souches près des cours d'eau.  ©Getty - Paul Starosta
On a longtemps raconté que la salamandre naissait du feu. En vérité, elle apprécie les endroits humides, comme les vieilles souches près des cours d'eau. ©Getty - Paul Starosta
On a longtemps raconté que la salamandre naissait du feu. En vérité, elle apprécie les endroits humides, comme les vieilles souches près des cours d'eau. ©Getty - Paul Starosta
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La salamandre avait une réputation étonnante ; celle de traverser les flammes. Ce pouvoir prétendu lui a entre autres valu d'être un symbole royal. Mais la science découlant beaucoup de l’observation, quelques représentantes de l’espèce passèrent aussi sur le gril au nom du savoir.

La chronique du jour est consacrée à la salamandre, plus exactement à la salamandre tachetée. Salamandra salamandra, de son joli nom latin.

Cette salamandre est un petit amphibien familier de nos campagnes et de nos forêts. Elle a la peau lisse et froide, elle est longue d'une quinzaine de centimètres, elle est noire tachetée de jaune vif, d'où son nom. Quelle beauté cette salamandre ! Comme tous ses cousins amphibiens elle dépend du milieu aquatique, ses œufs étant sensibles à la dessiccation.

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Paradoxalement pour un animal lié à l'humidité, la salamandre avait dans le passé la réputation de pouvoir traverser le feu sans dommages. On prétendait même qu’elle était engendrée par le feu ! C’est en tout cas ce que racontait en 1590 Joachim Camerarius le Jeune qui était médecin et botaniste, et qui écrivait : « Voyez la salamandre qui traverse les flammes ».

Forte de ce pouvoir exceptionnel, la salamandre a été choisie par un de nos rois les plus flamboyants, François 1er, qui la prit pour emblème comme en témoigne la salamandre sculptée au-dessus de la porte d’honneur du château d’Amboise.

On peut également l'admirer dans les caissons des plafonds de Chambord. C'est dire si elle occupait dans les symboles de cette époque une place de choix, la toute première place !

Un peu plus tard, l’École d’artillerie de Fontainebleau a repris la même image de la bête environnée de flammes, avec pour légende : « Nous aussi sommes à l’épreuve du feu ». Forte de ce symbolisme, la salamandre a même réussi l'exploit de donner son nom à une marque d'appareils de chauffage, marque déposée en 1889 et désormais recherchée des chineurs.

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Mais bien avant l'époque glorieuse de ces symboles, un animal cracheur de feu, qui avait tout du dragon, était déjà dénommé salamandre. Il s’agissait en fait d'une créature légendaire des bestiaires médiévaux, créature qui était réputée prendre des bains de feu. D’ailleurs celle de François 1er a des petits airs de dragon.

Et pourtant, elle brûle... 

Alors, est-ce pour avoir porté le même nom que notre jolie petite salamandre noire et jaune fut considérée incombustible ? Ou bien est-ce, plus simplement, que des salamandres hibernant dans le bois mort se retrouvèrent quelquefois brutalement réveillées par un départ de feu dans une cheminée dont elles se sauvaient vivement ?

En tout cas, cette histoire d’animal ignifuge intrigua le physicien Pierre-Louis Moreau de Maupertuis. Au XVIIIe siècle, il se chargea de tester cette superstition. 

Écoutons Maupertuis : « Toute fabuleuse que paraît l’histoire de l’animal incombustible, je voulus la vérifier, et quelque honte qu’ait le physicien en faisant une expérience ridicule, c’est à ce prix qu’il doit acheter le droit de détruire des opinions consacrées par […] les anciens ». Maupertuis n'hésite pas. Il met des salamandres au feu et constate qu’elles y brûlent bel et bien, puis rédige son protocole. Une magnifique leçon de science, mais il faut admettre qu'elle était quand même bien cruelle.

Aujourd'hui notre jolie salamandre, dépourvue de sa légende, est retombée dans l'anonymat. Dommage car elle mérite vraiment d'être connue.

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