A Bussang, un Théâtre du Peuple ouvert sur la nature

Le fond de scène ouvert sur l'extérieur du Théâtre du Peuple, à Bussang, dans les Vosges ©Radio France - Sophie-Catherine Gallet
Le fond de scène ouvert sur l'extérieur du Théâtre du Peuple, à Bussang, dans les Vosges ©Radio France - Sophie-Catherine Gallet
Le fond de scène ouvert sur l'extérieur du Théâtre du Peuple, à Bussang, dans les Vosges ©Radio France - Sophie-Catherine Gallet
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Dans les montagnes vosgiennes, à une heure de Nancy et non loin de la frontière avec l’Allemagne, on trouve un théâtre bien particulier, dont le fond de scène s'ouvre sur la forêt environnante.

Dans le petit village de Bussang on trouve un théâtre fondé en 1895 par Maurice Pottecher. Un théâtre rare, dont la réputation a dépassé les frontières de la Lorraine : il est reconnu comme un lieu essentiel d’un théâtre libre, exigeant, et populaire.

Dans ce petit village entouré par les arbres et le silence, chaque été est une fête ! La saison du Théâtre du peuple reprend …

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On marche quelques pas sur une route qui monte, un peu en-dehors du village ; on longe un pré, deux, et, sur la droite, on découvre une bâtisse entièrement en bois … C’est le résultat de plusieurs constructions successives : le théâtre a d’abord été une simple scène, délimitée par un cadre en bois, qui établissait une limite entre le réel et le jeu - entre la nature et la mise en scène. Peu à peu, cette scène minimaliste se dote de murs et de plafonds, toujours intégralement en bois ; et sans crier gare, naît une salle de théâtre, une construction aux allures d’un chalet suisse oublié dans les Vosges …

A l’intérieur, le bois est décoré, les poutres apparentes. Un matériau qui se confond soudain avec le bois de la forêt extérieure, quand le fond de la scène s’ouvre … Car c’est là, peut-être, la plus grande spécificité de cette salle : le fond de scène s’ouvre sur la forêt !

C’est une possibilité qui est utilisée à chaque représentation. Elle permet de prolonger la mise en scène et de la confondre avec la nature, que la forêt ne soit qu’un décor réaliste ou que les acteurs s’en emparent pour y déplacer le jeu. Cette ouverture porte l’art dans le réel, et réciproquement … C’est une irruption de l’imprévu qui bouleverse le spectateur et vient apporter à tous les spectacles présentés ici une respiration, une épaisseur particulière …

Sur le fronton de la scène sont gravés quelques mots : "Par l'art, pour l'humanité". Une devise qui vient souligner la corrélation, la volonté de liaison entre l’art et le réel, l’art et tous les hommes.

Une volonté qui se répercute dans le nom du théâtre, le "Théâtre du peuple". Un nom à la symbolique politique évidente, qui n’était peut-être pourtant pas exactement ce que recherchait son fondateur, Maurice Pottecher, comme il le déclare lors d’un entretien, en 1949.

Et il en advint une belle histoire, même si la portée politique aura peut-être prévalu, un peu, par ce nom, sur l’ambition artistique de Pottecher. Pourtant, ce lieu majestueux et unique est bien proche aussi du théâtre populaire défendu par Jean Vilar.

Car il y a dans l’ambition de Pottecher une volonté de rendre l’art accessible à tous, tout comme de le remettre au centre de la vie. Cette ambition s’inscrit dans un élan collectif : le tout début du XXème siècle se montre désireux d’ouvrir l’art, et plus particulièrement le théâtre, vers un public plus large.

Il y avait donc une ambition non seulement d’ouvrir les portes du théâtre, mais aussi de créer un théâtre qui parle à tous. Un lieu, un théâtre, mais aussi des histoires qui plairaient autant au public élitiste et mondain qu’à celui qui n’a pas l’habitude de la scène !

Une ligne de conduite qu’on retrouve dans la programmation sous l’égide de Pottecher : des pièces d’auteurs classiques à ses propres pièces, puis à d’autres auteurs contemporains, tout un panel théâtral est proposé, avec pour axe principal la mise en relief de valeurs humanistes, une forme de transcendance des hommes par l’art.

Une ambition éditoriale qui se poursuit aujourd’hui, dans ce théâtre à l’allure inchangée, en pleine nature vosgienne, d’où l’on ressortira ébahi par la liberté folle qui émane de ce lieu ; sous un ciel encore épargné par la pollution lumineuse où les étoiles pourraient presque nous guider pour rentrer chez nous …

Archive diffusée : extrait d'un entretien avec Maurice Pottecher, enregistré en 1949 par la RDF