RAVEL Maurice

(1875-1937) Epoque moderne

Homme discret, proche des enfants et des animaux, Maurice Ravel aimait les choses parfaites. Son métier infaillible stimulait son imagination, car il fut aussi rigoureux qu’original. Orchestrateur incomparable, il fut aussi le plus populaire des grands musiciens français du XXe siècle. Notamment grâce à son Boléro qui demeure un tube absolu.

Ravel en 10 dates

  • 1875 : Naissance à Ciboure
  • 1902 : Pavane pour une infante défunte créée par Ricardo Viñes
  • 1905 : Suite à son échec au Prix de Rome, « l’Affaire Ravel » éclate dans la presse
  • 1912 : création de Daphnis et Chloé au Châtelet
  • 1920 : Ravel refuse la Légion d’honneur
  • 1921 : Il s’installe au Belvédère de Montfort-l’Amaury
  • 1928 : création du Boléro à l’Opéra Garnier
  • 1932 : création de ses deux concertos pour piano
  • 1933 : début de sa maladie
  • 1937 : mort le 28 décembre

Reconnaissant volontiers avoir du génie, Ravel ajoutait néanmoins qu’en travaillant autant que lui, on arriverait au même résultat. « Je préfère la conscience à la sincérité, mère de tant d’œuvres bavardes et imparfaites », disait-il.

Maurice Ravel est né à Ciboure, dans une petite maison du port qui fait face à Saint-Jean-de-Luz, le 7 mars 1875, d’un père savoyard et d’une mère basquaise. Trois mois plus tard, la famille s’installe à Paris. Trois ans après naît Édouard, un frère auquel il restera très attaché toute sa vie. Maurice Ravel a une enfance heureuse. Il commence le piano à six ans et prend aussi des cours d’harmonie et de contrepoint.

A lire aussi

 

Ravel entre au Conservatoire de Paris en 1889 et se lie avec le pianiste Ricardo Viñes auquel il dédiera son Menuet antique et ses Oiseaux tristes. Tous deux rejoignent le groupe des Apaches formé de poètes et de musiciens « voyous » et défendront à ce titre Pelléas et Mélisande à la création de l’opéra de Debussy. Il entre dans la classe d’André Gedalge et étudie la composition avec Gabriel Fauré. Les premières œuvres de Ravel ne font pas sensation et l’ouverture Shéhérazade essuie même quelques sifflets, mais le compositeur trouve très vite son langage fait de raffinement et de virtuosité. Dans son univers, l’Orient et l’Espagne tiennent une place de choix, sans parler d’un climat à la fois sensuel, fantastique et mystérieux qui lui est propre.

 

Contrairement à Debussy qui est un moderne, Ravel reste un classique. Attaché à la mélodie et au langage tonal, il s’inspire de tout ce qui le fascine (jazz, musique tsigane, valse viennoise, Chabrier, Mozart) pour faire du pur Ravel.

Maurice Ravel se présente au Prix de Rome et va échouer cinq fois à l’exception d’un second prix en 1901. La cinquième fois, sa candidature est refusée : « Monsieur Ravel peut bien nous considérer comme des pompiers, il ne nous prendra pas impunément pour des imbéciles. » C’est alors qu’éclate l’Affaire Ravel qui va le rendre célèbre du jour au lendemain. Devenu directeur du Conservatoire, Gabriel Fauré prend parti pour son ancien élève. Debussy s’agace de ce nouveau venu à qui on le compare désormais. Il le décrit comme « un fakir charmeur qui fait pousser des fleurs autour d’une chaise ». Si Debussy a la dent dure pour la plupart de ses collègues, Ravel admire le vrai talent et se trompe rarement. Sur Erik Satie : « Un novateur, un pionnier, voire un extrémiste plutôt qu’un auteur de chefs-d’œuvre substantiels ». Sur Sibelius : « Un compositeur aux couleurs et aux sentiments forts ». Sur Stravinsky : « Avec de vieilles formes, il trouve quelque chose de neuf. »

A lire aussi

 

Quant à lui, d’œuvre en œuvre, Ravel s’affirme toujours plus sophistiqué et toujours plus original : Quatuor, Sonatine, Rhapsodie espagnole, Ma Mère l’Oye, Gaspard de la Nuit. L’année qui précède le scandale du Sacre du printemps de Stravinsky (1913) – œuvre qu’il défend vigoureusement – il présente Daphnis et Chloé au théâtre du Châtelet lors de la saison des Ballets Russes et obtient un succès mitigé pour ce qui demeure probablement son chef-d’œuvre orchestral.

A lire aussi

 

Lorsque la Grande Guerre éclate, Ravel veut prendre part au combat, mais il est exempté à cause de son trop faible gabarit (48 kg pour 1,61 m). Il insiste tant qu’il est envoyé comme conducteur de camion sanitaire à Verdun en 1916. Atteint de dysenterie, il est opéré puis démobilisé l’année suivante. Au début de l’année 1917, la mort de sa mère l’anéantit et le laisse inconsolé.

 

Maurice Ravel refuse d’adhérer à la Ligue nationale pour la défense de la musique française. En matière d’art, Ravel est patriote mais pas chauvin. Il revendique écrire de la « musique française » mais ne veut pas se priver de Schönberg au motif qu’il est autrichien.

Après la guerre et la disparition de sa mère, Ravel a du mal à composer. Il va néanmoins rendre hommage à ses amis tombés au champ d’honneur en leur dédiant à chacun l’une des pièces de son Tombeau de Couperin. Il va aussi dépeindre l’écroulement d’un monde disparu avec le conflit mondial dans La Valse. Diaghilev qui a commandé l’œuvre la refuse : « C’est un chef-d’œuvre, mais ce n’est pas un ballet. » Quant à l’attachement pour sa mère, il transparaît dans L’enfant et les sortilèges, sur un argument de Colette, qui sera créé à l’Opéra de Monte-Carlo.

 

« Le Belvédère », la maison de Ravel à Montfort-l’Amaury (78)

 

Depuis la mort de Debussy en 1918, Maurice Ravel est le compositeur français le plus célèbre au monde. En 1920, il refuse la Légion d’Honneur. L’occasion pour Erik Satie de lui décocher une pique assassine : « Maurice Ravel refuse la Légion d’honneur, mais toute sa musique l’accepte. » En 1921, Ravel achète une petite maison, le Belvédère, à Montfort-l’Amaury et s’y installe. C’est aujourd’hui un musée que l’on peut visiter. Reconnu comme l’un des plus grands orchestrateurs de tous les temps, il habille somptueusement les Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Et lorsque certains chicaneurs lui reprochent une esthétique « artificielle », il met les rieurs de son côté en leur répondant : « Pourquoi ne pas admettre que je sois naturellement artificiel ? »

 

Au faîte de sa popularité, Ravel effectue en 1928 une tournée aux États-Unis au cours de laquelle il est accueilli comme un chef d’État. Il encourage Gershwin et enjoint les Américains de reconnaître le jazz comme leur musique classique.

Dans les dernières années de sa vie, Ravel effectue un tournant et se livre à un « dépouillement poussé à l’extrême ». Ainsi il compose le Boléro « vide de toute musique » pour son amie Ida Rubinstein. Sur un rythme immuable, il imagine un long crescendo instrumental qui annonce la musique répétitive. À la création, une femme crie « Au fou ! » et Ravel répond : « En voilà au moins une qui a compris. » Il travaille pendant quatre ans à sa Sonate pour violon et piano, « dont trois à ôter les notes inutiles ».

A lire aussi

 

En 1932, son Concerto pour la main gauche écrit pour le pianiste manchot Paul Wittgenstein et son Concerto en sol créé par Marguerite Long sous sa direction font sensation. Mais l’année suivante, suite à un accident de taxi, il est atteint d’une maladie cérébrale dégénérative. Il ne peut plus ni écrire ni jouer. Le soir du 28 décembre 1937, alors que son élève Manuel Rosenthal dirige son Enfant et les sortilèges, Ravel s’éteint sans bruit.

Dans une esquisse autobiographique, il aura ainsi livré l’un des secrets de son art en citant Mozart : « La musique peut tout entreprendre, tout oser et tout peindre pourvu qu’elle charme et reste enfin toujours de la musique. »

 

 

Longtemps, Maurice Ravel fut le compositeur le plus prolifique de la SACEM avec la chanson « My Way » / « Comme d’habitude ». Ses droits d’auteurs ont donné lieu à un feuilleton financier digne de Rouletabille.

À la mort de Ravel, c’est son frère Édouard qui hérita de ses biens et fut son ayant-droit. Il eut l’idée de tout léguer à un Prix Nobel de la musique mais se ravisa et nomma son infirmière légataire universelle. À la mort de cette dernière, c’est son mari, Alexandre Taverne, qui hérita du pactole. Un procès des petits-neveux de Ravel tenta d’invalider l’héritage en vain. Un directeur financier de la SACEM démissionna pour devenir le conseiller juridique de Taverne. Il l’incita à créer une société off-shore. Pendant des années la manne des droits Ravel fit autant rêver que le trésor de l’Atlantide. Depuis le 2 mai 2016, la plupart de ses œuvres sont dans le domaine public, en France et dans la quasi-totalité des pays du monde.

 

Olivier Bellamy

 

Plus de compositeurs