BORODINE Alexandre

(1833-1887) Epoque romantique

Si le catalogue de Borodine comprend bien peu de partitions, elles n’en sont pas moins presque toutes des chefs-d’œuvre. A la veille du XXe siècle, elles représentent une étape essentielle dans l’histoire de la musique russe symphonique et lyrique.

Alexandre Borodine en 10 dates :

  • 1833 : Naissance à Saint-Pétersbourg
  • 1867 : Symphonie n°1
  • 1869 : Début de la composition du Prince Igor
  • 1876 : Achèvement de la Symphonie n°2
  • 1877 : Rencontre déterminante avec Franz Liszt
  • 1879 : Création des Danses Polovtsiennes
  • 1880 : Dans les steppes de l’Asie Centrale
  • 1881 : Quatuor à cordes n°2
  • 1885 : Petite Suite pour piano
  • 1887 : Mort à Saint-Pétersbourg

 

Quand la chimie rencontre la musique… Borodine se considéra avant tout comme un musicien amateur

Fils d’un prince caucasien et d’une mère russe, Alexandre Borodine eut à choisir entre la musique et… la chimie ! Manquant à plusieurs reprises de faire sauter le domicile familial, il se consacra avec une passion – tout aussi explosive – à l’étude du piano, du violoncelle et de la flûte. Quelques partitions auraient été composées avant son dixième anniversaire.

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Après ses études, il mène de front les carrières de scientifique et de compositeur. Diverses pièces de musique de chambre et mélodies ainsi que sa nomination, en 1856, en tant que médecin dans un hôpital de l’armée de terre en témoignent. Au cours d’une garde, il rencontre un jeune officier : Modeste Moussorgski. Installé à Heidelberg, en Allemagne, en 1859 puis à Paris, l’année suivante, Borodine fit la connaissance d’artistes et de scientifiques avec lesquels il noue de solides amitiés.

En 1861, il se fiance avec la pianiste Ekaterina Protopopova. Au début des années 1860, Borodine est avant tout un scientifique et un musicien encore “amateur”. Son écriture influencée par celles de Mendelssohn et de Schumann évolue rapidement. En 1862, il rencontre Mily Balakirev, l’un des membres du futur Groupe des Cinq avec Modeste Moussorgski, César Cui et Nikolaï Rimski-Korsakov. Grâce à Balakirev, il compose une Première Symphonie achevée en 1867.

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L’ancienne Russie fascine les musiciens du Groupe des Cinq qui veulent fonder une école nationale, déliée des influences germaniques et italiennes

En 1869, Borodine franchit une étape considérable : la composition d’un premier opéra ! Il ne se doute pas qu’il travaillera jusqu’à la fin de sa vie à la composition du Prince Igor, partition qui demeurera toutefois inachevée. En parallèle à l’écriture de l’opéra, il se lance dans l’écriture de sa Symphonie n°2, son œuvre qui est, aujourd’hui encore, la plus jouée hors de Russie. Il en termine la composition en 1876. La pâte orchestrale est originale et remarquable par la clarté des idées musicales, la maîtrise du souffle et d’une harmonie qui utilise à merveille les dissonances orientalisantes. La musique de Borodine synthétise, en effet, les trois dimensions – slave, occidentale et orientale – de l’écriture novatrice du Groupe des Cinq. A cette synthèse s’ajoute le métissage entre les formes romantiques européennes avec les sources populaires, si présentes en Russie.

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Au cours des années 1870, de nombreuses nouvelles pièces voient le jour : des mélodies sont composées ainsi que la mise en chantier d’un Premier Quatuor à cordes. Il n’est achevé qu’en 1879. En 1877, la création de la Symphonie n°2 est un échec. Un échec compensé par une rencontre essentielle dans la vie du compositeur, celle de Franz Liszt, en Allemagne. Les encouragements de son illustre aîné marquent profondément Borodine. Ils se reverront longuement à d’autres reprises. Liszt admire l’œuvre du jeune russe qui se décrit comme un musicien “du dimanche”. A quoi, son aîné lui répond finement : « le dimanche est un jour de fête ! ».

Le Prince Igor de Borodine, mise en scène Yuri Lyubimov, direction Vassily Sinaisky (Bolshoi Theatre Moscou, 2013)

 

La lente gestation du Prince Igor se nourrit de nouvelles partitions. Des chefs-d’œuvre pour la plupart

En 1879, Borodine fait donner des extraits du Prince Igor. Avec l’aide d’Anatoli Liadov, il en orchestre les Danses Polovtsiennes en une nuit. Le succès est au rendez-vous. Il est encore plus considérable avec la composition suivante : Dans les steppes de l’Asie Centrale. Datée de 1880, l’étonnante partition célèbre le 25e anniversaire du règne d’Alexandre II ainsi que les conquêtes de la Russie en Orient. L’écriture suggère le mouvement d’une caravane indigène accompagnée par l’armée russe. Borodine dédia la partition à Liszt, rendant ainsi hommage au créateur d’un nouveau genre musical : le poème symphonique. En 1881, Borodine termine l’écriture de son Deuxième Quatuor à cordes qui connaît, lui aussi, une prodigieuse notoriété.

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Au début des années 1880, la musique de Borodine est plus jouée en France et en Belgique qu’en Russie même !

Le catalogue du musicien s’enrichit de nouvelles partitions, notamment pour le piano. La Petite Suite de 1885 est si prisée que les pianistes Ricardo Vines et le jeune Serge Rachmaninov l’interprètent régulièrement en récital. Borodine bénéficie du mécénat de la riche comtesse de Mercy-Argenteau. Musiciens, éditeurs et producteurs attendent impatiemment que le compositeur achève son opéra Le Prince Igor. Il n’en est qu’au deuxième acte, retardé par ses nombreuses activités. En outre, il doit veiller à la santé déclinante de son épouse atteinte de tuberculose. Le 15 février 1887, Borodine participe à un bal costumé. Il meurt, foudroyé par une attaque. Il a cinquante-quatre ans. Son épouse décède quatre mois plus tard.

L’achèvement du Prince Igor fut réalisé par Rimski-Korsakov et Alexandre Glazounov. Le premier orchestra et le second compléta ce qui manquait à l’ouvrage. La création de l’opéra eut lieu au Théâtre Mariinski, deux ans-et-demi après la mort de Borodine. Une création entachée de nombreuses coupes qui ne furent rétablies que dans les années 1990.

 

Stéphane Friédérich

 

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