Les mouches aussi ont du goût
Tout comme les humains, les drosophiles sont capables de détecter et d’éviter les aliments contaminés grâce à des neurones du goût.
Lumière verte le matin et le soir, rouge l’après-midi : un choix lié à une différence d’activité chez la drosophile.
Pas besoin de montre pour avoir une notion du temps : cyanobactéries, animaux, champignons ou plantes, tous possèdent une horloge biologique calée sur un rythme d’environ vingt-quatre heures. Dans les années 1990, Jeffrey Hall, Michael Rosbash et Michael Young ont montré que, grâce à l’accumulation et la dégradation de protéines photosensibles, les animaux synchronisaient leur horloge interne avec la durée du jour (les trois chercheurs ont reçu le prix Nobel en 2017 pour cette découverte). Or la lumière naturelle n’a pas la même intensité, ni la même couleur en fonction de l’heure. Sheyum Syed, de l’université de Miami, et ses collègues ont d’ailleurs observé que l’attirance de la drosophile – la mouche du vinaigre – pour un éclairage plutôt vert, bleu ou rouge variait au cours de la journée. Les chercheurs ont démontré que cette préférence était dictée par l’horloge interne.
Ils ont d’abord enregistré le déplacement de mouches placées dans des tubes recouverts de filtres de chacune des trois couleurs. Ils se sont ainsi rendu compte que si elles évitaient systématiquement la lumière bleue (la plus énergétique, qui, comme les ultraviolets, peut provoquer des mutations de l’ADN), les mouches préféraient une lumière verte le matin et le soir mais un éclairage rouge l’après-midi. Pour en savoir plus, ils ont alors observé le comportement de drosophiles mutées ayant une horloge biologique non fonctionnelle ou déréglée en réponse à ces filtres de couleur. Les premières restaient toute la journée dans la section verte du tube, tandis que les secondes alternaient entre les parties verte et rouge, mais à un rythme anormal, démontrant ainsi le rôle fondamental de l’horloge biologique. Mais comment les drosophiles captent et traitent-elles l’information de couleur ?
La mouche possède de nombreuses protéines photosensibles dans ses yeux composés, mais aussi dans les ocelles – des yeux simples situés sur le dessus de la tête – et dans ses antennes. En étudiant des mouches mutées, Sheyum Syed et son équipe ont montré que la perception du vert mettait en jeu la rhodopsine 1, un pigment de la rétine. Pour le rouge, ce sont les protéines TRPA1 et PYR situées dans les antennes, qui sont impliquées. En effet, les drosophiles dont les antennes étaient sectionnées exprimaient tout au long de la journée une préférence invariable pour le vert. Le choix entre une lumière rouge ou verte implique donc différents capteurs qui activent les neurones de l’horloge biologique, qui à leur tour modulent la préférence de la mouche pour telle ou telle couleur.
Quel peut être l’intérêt d’un tel comportement ? Qu’une drosophile préfère le vert n’a en soit rien d’étonnant, son environnement naturel – herbes hautes, feuilles – étant majoritairement vert. Les mouches sont d’ailleurs dichromates, c’est-à-dire qu’elles perçoivent l’environnement en nuances de verts et de bleus. L’animal perçoit ainsi le rouge comme un vert peu intense. Pour Sheyum Syed et ses collègues, le choix de la lumière rouge ne résulterait donc pas d’une préférence chromatique, mais plutôt du choix d’un éclairage moins intense l’après-midi, période la plus chaude de la journée. L’équipe américaine a d’ailleurs montré que l’insecte réduisait ses déplacements en milieu de journée, faisant en quelque sorte la « sieste ». Or en 2006, Indrani Ganguly-Fitzgerald, de l’université de San Diego, et ses collègues avaient montré que ce repos était fondamental pour la drosophile, car il lui permet de mémoriser ses interactions avec ses différents partenaires. Rouge au repos, vert en activité : le comportement d’une mouche a donc son code couleur.
S. Lazopulo et al., Daytime colour preference in Drosophila depends on the circadian clock and TRP channels, Nature, vol. 574, pp. 108-111, 2019.
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