Couverture fascicule

Goyet Florence, la Nouvelle, 1870-1925

[compte-rendu]

Année 1995 67-1 pp. 246-249
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246 CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE

, Paris, P.U.F. (Écriture), 1993, 262 pages. ISBN 2-13-045340-6

« Les lecteurs de nouvelles savent intuitivement qu'ils ont affaire à un genre [...]. L'hypothèse qui sous-tend le présent ouvrage est que les lecteurs ont raison » : Florence Goyet veut établir la solidité de cette hypothèse. La variété des thèmes, des procédés stylistiques utilisés dans le récit court sont indéniables, mais « la stratégie qui met en œuvre ces thèmes et ces procédés est très constante à une époque donnée ». L'hypothèse retenue par FI. Goyet a beau se vouloir simplement conforme à ce que dit le sens commun, elle tranche sur la plupart des ouvrages traitant de la nouvelle. Plutôt que la constance du genre, c'est en effet son éva- nescence qui frappe les commentateurs. À la limite, pour la critique, la nouvelle en tant que telle « n'existe pas » (W. Pabst). Or le récit court a bel et bien une forme « classique ». La fin du XIXe siècle est « l'âge de la nouvelle ». Elle est alors partout, notamment dans la presse, qui en consomme d'énormes quantités. L'époque est aussi celle d'une « avalanche de chefs- d'œuvre ». FI. Goyet s'appuie sur des auteurs aussi différents que possible, mais tous reconnus comme des maîtres. Le corpus choisi comprend l'œuvre nouvellistique complète de Čexov, Maupassant, Henry James, Akutagawa Ryûnosuke. La méthode suivie est « résolument inductive » : FI. Goyet refuse toute distinction a priori entre les sous-genres de la nouvelle (short story et « nouvelle », rasskaz et povesť, etc.).

Contre l'idée, traditionnelle mais vivace, selon laquelle la nouvelle est un récit sans artifice, FI. Goyet repère en elle une « débauche de moyens », dont l'articulation constitue la structure du genre. La nouvelle est bien un genre « économique », et on a eu raison d'insister sur le petit nombre des personnages et des événements qu'elle met en scène. Mais ces quelques éléments sont toujours caractérisés avec outrance. Dans la nouvelle, tout est prodigieux. Les personnages sont campés à très gros traits ; l'hyperbole, la comparaison avec des éléments non humains reviennent constamment. On aurait tort, précise FI. Goyet, de prendre la caractérisation paroxystique des héros et des situations pour une simple série de clichés, dont le lecteur devrait désamorcer l'outrance, et ne retenir que la saveur populaire. En fait, les éléments prodigieux sont les seuls dont le lecteur dispose, et celui-ci est vite amené à redonner tout son sens à une expression comme « il ne dormait jamais » (dans L'amante di grami- gna de Verga). Dans le monde raréfié de la nouvelle, les éléments mis en valeur occultent tout le reste, et sont à prendre au pied de la lettre. Ce trait est réparable aussi bien chez les auteurs les plus subtils, tel H. James, que chez un Maupassant. Même les sujets les plus simples (Skučnaja istorija de Čexov) sont traités de manière prodigieuse. Le recours à des comparants supra-humains confère à la nouvelle une capacité particulière à exprimer le fantastique « moderne ». Le lecteur, habitué au traitement outrancier du matériau narratif, se laisse glisser de la caractérisation prodigieuse au prodige proprement dit, du monde normal dans le fantastique.

Les personnages sans nuances de la nouvelle classique, représentants exemplaires de leur catégorie (le Grand Écrivain, le Provincial ridicule, etc.), de même que les situations, sont pris dans une structure antithétique. « Tout se passe comme si la nouvelle, par le biais de la caractéristique paroxystique, "chargeait" ses éléments narratifs comme autant de pôles magnétiques. » Ce qui compte ici, c'est la tension qui s'établit entre les deux pôles. Le plaisir de la nouvelle passe par la reconnaissance de cette symétrie : c'est elle qui fait du texte justement une nouvelle. Sans la tension qu'elle crée, il n'y aurait pas ce nœud dramatique propre au genre. Mais également, c'est cette structure qui permet au texte d'être court : l'antithèse dispense de toute justification, de tout développement, de toute transition. Il suffit, dit FI. Goyet, que la nouvelle pose la relation antithétique pour qu'elle apparaisse justifiée et naturelle, parce que les deux pôles « sont déjà saisis par l'esprit comme deux opposés, deux faces d'un même phénomène ». Cette structure binaire ne produit pas forcément de retournement narratif (Wendepunkt), comme le pense Tieck, et après lui tout un courant de la théorie contemporaine. FI. Goyet s'attache à montrer que la présence ou l'absence de retournement a peu d'importance, du point de vue de la structure profonde de la nouvelle : dans un cas comme dans l'autre en effet, la tension électrique demeure. Cette opposition fondamentale peut prendre diverses formes à la surface du texte (chez Čexov, par exemple, elle transparaît souvent dans la dichotomie kazałoś '/okazałoś*). Il s'agit là d'un élément structurel, essentiel à

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