Le «bon » bâtard de Louis XIV : le comte de Toulouse

Qu'apporte Saint-Simon à l'historien et comment mettre en œuvre dans une démarche historienne les éléments contenus dans les foisonnants mémoires du petit duc ainsi que dans les écrits complémentaires qu'il nous a laissés ? Ces interrogations, qui concernent Saint-Simon mais pas seulement lui, nourrissent les remarques présentées à propos du comte de Toulouse.

Elles impliquent une interrogation préalable sur l'usage des mémoires par l'historien. Il s'agit en effet d'un document de type particulier. L'Encyclopédie en donne la définition suivante : «terme aujourd'hui très usité, pour signifier des histoires écrites par des personnes qui ont eu part aux affaires ou qui en ont été les témoins oculaires. Ces sortes d'ouvrages, outre quantité d'événements publics et généraux, contiennent les particularités de la vie ou les principales actions de leurs auteurs... On nous a donné aussi une foule de livres sous ce titre. Il y a contre tous les écrits en ce genre une prévention générale, qu'il est très difficile de déraciner de l'esprit des lecteurs, c'est que les auteurs de ces mémoires, obligés de parler d'eux-mêmes presque à chaque page, ayent assez dépouillé l' amour-propre & les autres intérêts personnels pour ne jamais altérer la vérité ; car il arrive que dans des mémoires contemporains partis de diverses mains, on rencontre souvent des faits & des sentiments absolument contradic¬ toires ».

Les mémoires doivent donc être considérés à la fois comme une source primaire et comme une source secondaire. Source primaire, ils ont une vertu informative en raison des données qu'ils comportent mais aussi, comme toute source primaire, ils doivent être saisis de manière critique car les faits évoqués peuvent être transformés/déformés ou donnés de manière inexacte. La chose est assez fréquente chez Saint-Simon, surtout compte tenu de certains des préjugés qui sont à l'œuvre dans son texte. On trouve ainsi beaucoup de généalogies fantaisistes où d'honnêtes et solides nobles, qui certes n'atteignent pas les sommets de l'ordre, sont renvoyés avec entrain dans une roture infamante comme le marquis de Bray réduit à être un fils de cabaretier. Ou bien on peut évoquer l'image donnée d'un Louis XIV au seuil de la mort, victime d'un entourage avide et contraint de rédiger un testament contraire à ses sentiments profonds. Source secondaire, les mémoires sont aussi le regard qu'un individu jette sur le monde qui l'entoure, regard qui apprend autant, sinon plus, sur les cadres de pensée du personnage et sur le personnage lui-même, que sur le monde qui l'entoure. D'où un essentiel travail de déconstruction/reconstruction qui est d'autant plus indispensable dans le cas de Saint-Simon que ce dernier fait preuve

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