XXXIV IMAGES DU «CAFFÈ NUOVO»

«Je ne puis obtenir au café du Palais Ruspoli, en payant bien à chaque fois, de faire essuyer la table sur laquelle on me sert : les garçons servent comme par grâce; ils sé regardent comme les plus malheureux des hommes d'être obligés de remuer. Tout cela n'empêche pas les Romains de citer cet antre comme le premier café de l'Europe, parce qu'il a dix-sept salles enfumées qui occupent tout le rez- de-chaussée d'un grand palais... Il y a là des bustes, des marbres, des fenêtres grillées sur un jardin rempli d'orangers chargés d'oranges. Tout ce grandiose, couvert de toiles d'araignée et de poussière, jette l'âme dans le tragique», écrit Stendhal dans Rome, Naples et Florence en J817K

II y avait cinq ans à peine que le «Caffè nuovo» concurrençait le célèbre Veneziano, ouvert un siècle auparavant, non loin de là sur le Corso, en face du Palais Colonna di Sciarra2. En 18123, en effet, Antonio Bagnoli, un cafetier romain établi depuis quelques années déjà à Piazza San Lorenzo in Lucina, sous le Palais Fiano4, avait loué en association avec Gaetano Petocchi Γ« appartamento terreno» du Palais Ruspoli. Le prince était revenu à Rome en 1805, après un long séjour à la cour des Habsbourg, au service de laquelle il se trouvait avec le titre de conseiller d'Etat. Cette année-là, le trône de François II avait vacillé sous les coups répétés des revers militaires : capitulation d'Ulm, entrée à Vienne de Napoléon que rien ne semblait pouvoir arrêter. Même le Pape s'était soumis en se rendant à Paris pour le Sacre. Désormais, l'Europe vit à l'heure du blocus continental. Rome est frappée économiquement et politiquement. En 1809, Pie VII est emmené prisonnier à Savone. Les Français occupent la Ville éternelle et projettent de lui rendre son éclat en la