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Bertrand Lavier : « Cette exposition parle de la disparition et de la renaissance »

Bertrand Lavier, galerie Kamel Mennour, rue du pont de Lodi, Paris, le 7 décembre 2023
L’artiste devant «Smeg » (2023). © Manuel Lagos Cid / Paris Match
Anaël Pigeat

À la galerie Mennour, à Paris, l’artiste français Bertrand Lavier présente ses « chantiers » en cours.

Ses œuvres sont devenues des icônes, exposées du Centre Pompidou à la Fondation Fosun à Shanghai : « Giulietta », la ­voiture rouge accidentée, ou bien les « Walt ­Disney Productions », images de dessins animés transformées en sculptures. Depuis une cinquantaine d’années, Bertrand Lavier ne cesse d’ouvrir de nouveaux « chantiers », des séries auxquelles il revient de temps à autre. De glissements en glissements, il a construit une œuvre conceptuelle enjouée et en prise avec les réalités du monde.

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Paris Match. Que signifie le titre de votre exposition “Allegoria” ?
Bertrand Lavier.
C’est un titre générique qui pourrait convenir à beaucoup de mes expositions ! L’allégorie, c’est donner prise de façon concrète à des choses abstraites. Cette exposition parle de la disparition et de la renaissance, deux grands thèmes dont les œuvres sont des allégories. Et puis il y a un jeu de mots très privé : je vis avec l’artiste Gloria Friedmann et cela ressemble aussi à “Allez Gloria !”.

«Aronde » (2023)
«Aronde » (2023) © Paris Match

Avec “Aronde”, vous ouvrez un nouveau chantier. C’est une Simca recouverte d’une couche de peinture rouge… couleur de pomme d’amour. Est-ce une façon de revisiter votre célèbre “Giulietta” ?
Pendant le vernissage, une dame m’a dit cette chose très jolie : une aronde est une hirondelle qui a perdu ses ailes. Périodiquement j’ai peint des voitures, comme j’ai peint des pianos. On me met souvent dans la lignée de Marcel Duchamp, mais je voulais faire l’inverse du ready-made qui est froid. “Giulietta” crée un sentiment d’effroi, même si je me suis efforcé de choisir une voiture dans laquelle il n’y a pas eu de mort. Elle est pour moi aux antipodes de l’urinoir de Duchamp. L’Aronde était vouée à la disparition, et la peinture rouge, totalement d’aujourd’hui, la fait renaître.

Un tango

Pour reprendre la forme de certains de vos titres, ici, c’est “présent-passé” ou bien même “présent surpassé” ! Tout votre travail semble jouer avec les vitesses du temps.
Avec “Aronde”, on a accès à une forme d’apesanteur, ce que j’appelle le court-circuit, que j’essaie d’approcher le plus souvent dans mon travail. Le grand écart entre les chromes rouillés de cette épave et la flamboyance de la couleur nous partage entre la nostalgie et le sentiment d’une nouvelle vie – peut-être celle de l’œuvre d’art.

« Inclusion 19/21 » (2023)
« Inclusion 19/21 » (2023) Paris Match / © Manuel Lagos Cid

Avec “Inclusion 19 / 21”, vous tirez ainsi la peinture du côté de la sculpture : vous avez coulé une nature morte du XIXe siècle et une abstraction des années 1950 dans des blocs de verre acrylique. Vous vous moquez ou vous les améliorez ?
Objectivement, cela les améliore ! J’ai choisi ces tableaux comme des clichés de peintures des XIXe et XXe siècles. Ce type d’inclusions existait déjà dans le passé pour magnifier une fleur ou un bijou. Ici, un autre phénomène s’opère : le mécanisme du jugement esthétique se trouve perturbé par ce traitement.

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Ces deux objets sont disposés en ­quinconce. On dirait qu’ils dansent.
Absolument. Je me suis limité à un ­diptyque, ce qui me semblait mieux les mettre en valeur. Et ils sont en effet en train d’exécuter une sorte de tango.

 Est-ce que la couleur montre ou est-ce qu’elle cache ? 

Bertrand Lavier

On dit souvent de vous que vous êtes peintre, parce que vous avez recouvert un certain nombre d’objets d’une épaisse couche de ­couleur à la touche très visible. C’est le cas du frigo “Smeg”, qui est transformé par le bleu dont vous l’avez peint.
C’est un modèle qui date de 2023, mais dont le design est contemporain de l’Aronde dans les années 1950, et du tableau abstrait dont nous parlions. Est-ce que la couleur montre ou est-ce qu’elle cache ? Je me suis amusé à ce jeu depuis de nombreuses années, en particulier avec mes objets “fauves” : comme les peintres fauves au début du XXe siècle, je change les réalités par les couleurs. Il y a évidemment une part d’humour dans tout cela.

Quel est ce bleu ? Celui d’un rideau de velours dans un tableau de Vermeer ?
J’aime beaucoup ce bleu. C’est le bleu qui permettrait à ce frigo de sortir de la cuisine pour entrer dans le salon ! La couleur a plusieurs vertus. C’est une exposition sur la couleur et la peinture.

«Allegoria», de Bertrand Lavier, jusqu’au 3février 2024, à la galerie Mennour (Paris VIe ).
«Allegoria», de Bertrand Lavier, jusqu’au 3février 2024, à la galerie Mennour (Paris VIe ). © DR

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