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Nicolas Sarkozy et Carla Bruni : comme si de rien n’était

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, en mai 2022, à Cannes.
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, en mai 2022, à Cannes. © ImageSpace / Sipa USA/SIPA
Laurence Ferrari, Benjamin Locoge , Mis à jour le

L’ancien président a été condamné le 17 mai à trois ans de prison, dont un an ferme. Une décision choc. Mais le combat n’est pas terminé pour Nicolas Sarkozy et Carla Bruni-Sarkozy, qui font front. Récit.

Ce sera long. Mais ils iront jusqu’au bout de la chaîne judiciaire, afin de laver l’affront qui, estiment-ils, leur est fait. Ce mercredi 17 mai, Carla Bruni et Nicolas ­Sarkozy n’imaginaient pas que la sanction serait plus lourde qu’en première instance : trois ans de prison dont un an ferme, aménageable sous forme de bracelet électronique, peine assortie de trois ans d’interdiction des droits civiques.

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« Nous sommes habitués à cet acharnement, a confié l’ancienne ­première dame à ses proches. Mais les juges ne nous abattront pas. Au contraire, nous montrerons que la ­justice ­française va vraiment très mal, elle qui condamne un homme sur la base d’une écoute entre lui et son avocat ! » Quand il s’agit de défendre son époux, la chanteuse emploie toujours le « nous ». Par amour. Par solidarité.

Se ressourcer au Cap nègre et éviter les gorilles

Mais en attendant il faut faire front, continuer de vivre comme si de rien n’était avec cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Attendue au Festival de Cannes, Carla Bruni ne se dérobe pas. Loin de là.

Carla Bruni-Sarkozy, le 2 mai 2023, à l'hôtel Majestic de Cannes, avant le dîner offert par Kering.
Carla Bruni-Sarkozy, le 2 mai 2023, à l'hôtel Majestic de Cannes, avant le dîner offert par Kering. Paris Match / © Vincent Capman

Avec Nicolas Sarkozy, elle a pris la direction de sa demeure de vacances au cap Nègre, dans le Sud, leur base pour ces quelques jours du long week-end de l’Ascension. Le 19 mai, elle apparaît sur le tapis rouge dans une magnifique robe Celine afin d’assister à la projection du nouveau film de Jonathan Glazer, « The Zone of Interest ».

Deux jours plus tard, elle assiste au dîner Women in Motion, donné par Kering, qui consacre cette année la comédienne tout juste ­oscarisée Michelle Yeoh. Entre-temps, elle a eu envie de sortir cette chanson composée il y a quelques années déjà sur la justice. Mais elle s’est ravisée, préférant poster sur ses réseaux sociaux une reprise du « Gorille », de Georges Brassens, sorte ­d’exutoire. Le Sétois y ­tournait en ridicule un ­certain juge qui a fait trancher le cou d’un innocent… Le message est-il clair ?

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Pourvoi en cassation immédiat pour tracer sa route

Pour l’ancien président de la République, le coup a été rude. Lorsqu’il s’installe au premier rang du tribunal, le 17 mai, la salle lambrissée de chêne clair de la cour d’appel de Paris se fige un instant.

Il y a, bien sûr, la prestance symbolique de l’ancien chef de l’État, jugé aux côtés de son avocat Thierry Herzog et du magistrat Gilbert ­Azibert. Mais aussi le poids des absents, dont la mémoire plane dans l’esprit des vivants : Hervé Temime, disparu le 10 avril, et Pierre Haïk, parti fin février, deux avocats très liés à Nicolas Sarkozy. C’est l’épouse du second, Me ­Jacqueline Laffont, qui défend ­l’ancien ­président ce jour-là. Sophie Clément, présidente de la chambre, entame l’audience par un hommage aux deux ténors du barreau. Puis sa voix se fait moins amène à la lecture du jugement.

Nicolas Sarkozy et son avocate, Jacqueline Laffont, arrivent à la cour d’appel de Paris pour entendrele jugement dans le cadre de l’affaire des écoutes dite « Bismuth », le 17 mai 2023.
Nicolas Sarkozy et son avocate, Jacqueline Laffont, arrivent à la cour d’appel de Paris pour entendrele jugement dans le cadre de l’affaire des écoutes dite « Bismuth », le 17 mai 2023. ABACA / © Lafargue Raphael

Inédite pour un ancien chef de l’État, cette ­sanction est une infamie pour Nicolas ­Sarkozy, qui décide aussitôt de se pourvoir en cassation, ce qui a pour effet de suspendre la peine.

Alors que les ­journalistes et le public quittent la salle d’audience, il réunit ­brièvement autour de lui ses avocats et les membres de son équipe pour les galvaniser, comme à son ­habitude. « Il nous a bluffés par son sang-froid, son énergie, sa hauteur de vue et son recul sur les choses », confie l’un d’eux. Il est déjà dans l’après, dans le combat, car il a décidé, une fois pour toutes, que cela n’entraverait pas sa vie et sa liberté. Il trace sa route. »

 J’ai tout de suite su qu’il s’agirait d’un combat de longue haleine pour faire ­triompher non pas seulement ma cause, mais les principes essentiels de notre démocratie. 

Nicolas Sarkozy

À nos confrères du « Figaro », Nicolas Sarkozy ­confirmera le surlendemain ne pas avoir été surpris par la ­lourdeur de la sentence : « J’ai tout de suite su qu’il s’agirait d’un combat de longue haleine pour faire ­triompher non pas seulement ma cause, mais les principes essentiels de notre démocratie, qui ont été foulés aux pieds. »

Le ­parcours juridique qui s’annonce risque de s’étirer sur des années… Au-delà de la Cour de cassation se dessine la ­perspective d’un appel à la Cour européenne des droits de l’homme, qui proscrit dans sa jurisprudence toute ­utilisation d’écoutes entre un avocat et son client. Pour l’ancien président comme pour les défenseurs, ­présents en nombre dans la salle le jour du jugement en signe de ­solidarité, la question de la confidentialité de ces échanges est ­centrale.

L’affaire dite « Bismuth » est en effet née d’interceptions de conversations téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat et ami de longue date Thierry Herzog. Or, à la surprise générale, ces écoutes ont été validées par la Cour de cassation. Une hérésie aux yeux des juristes puisque cette même cour s’est contredite à plusieurs reprises sur le sujet, donnant lieu à une jurisprudence fluctuante.

Nicolas Sarkozy v. la justice indépendante

Il n’empêche, c’est cette même juridiction qui reprendra le dossier dans un délai de quinze à dix-huit mois. La défense de ­Nicolas ­Sarkozy espère, après avoir dénoncé un dossier vide de preuves et une ­décision stupéfiante, que l’on en revienne au droit, et plus que cela : à une justice impartiale. L’a-t-elle vraiment été jusqu’ici ?

L’exhumation des propos tenus en 2009 dans le journal « Le Monde » par la présidente de la cour d’appel, Sophie Clément, entretient le doute. Alors juge d’instruction, elle s’y insurge contre la réforme de la justice un temps envisagée, puis abandonnée, par le président Sarkozy : « Si la réforme voit le jour, je changerai de poste, pour en choisir un où je peux encore me lever et ­applaudir quand on parle d’indépendance de la justice. » Avant d’ajouter : « Museler les juges, c’est un fantasme d’homme politique. »

Sur BFMTV, le soir du 17 mai, le journaliste Olivier ­Truchot interroge Me ­Jacqueline Laffont sur ces déclarations passées. Ni l’avocate ni son équipe ne les avaient relevées. Elle remercie le journaliste en direct, regrettant dans un ­sourire n’avoir pas eu connaissance de ces informations plus tôt. La scène est si intense qu’Olivier Truchot se sent dans l’obligation de préciser qu’il ne travaille pas pour la défense de Nicolas Sarkozy. Il nous raconte avoir découvert l’article en ­question en à peine trois clics sur ­Internet.

Pour autant, ces quelques phrases auraient-elles pu permettre de mettre en cause l’impartialité de Sophie Clément ? La défense de l’ancien président s’indigne : « On ne s’amuse pas à fouiller dans les poubelles des juges. Ce serait d’une totale indignité. » ­Nicolas ­Sarkozy regrette pour sa part que la magistrate n’ait pas d’elle-même décidé de se déporter de ce dossier après l’avoir publiquement critiqué.

 Un ­magistrat a le droit de critiquer une réforme de la justice. Mais un justiciable n’aurait pas le droit de critiquer une décision qui le concerne !

L'entourage de Nicolas Sarkozy

Dans « Le Figaro », il affirme : « Si un juge soutenant mes idées politiques avait été désigné, quel scandale immense cela aurait provoqué ! ­L’inverse devrait susciter la même indignation. La jurisprudence de la Cour ­européenne des droits de l’homme dit qu’il suffit que ­l’accusé ait un doute raisonnable sur l’impartialité de son juge pour que celui-ci se déporte. » Ces ­propos susciteront un communiqué du premier ­président de la cour d’appel de Paris regrettant « la mise en cause personnelle d’une magistrate, pour ­discréditer une décision de ­justice rendue ­collégialement, après des débats contradictoires ». Réplique de ­l’entourage de l’ex-chef de l’État : « Un ­magistrat a le droit de critiquer une réforme de la justice. Mais un justiciable n’aurait pas le droit de critiquer une décision qui le concerne ! La liberté d’expression est un principe sacré. Les justiciables en sont-ils dépourvus dès lors qu’ils sont jugés ? »

Escapade à New York en famille

Comme toujours, Nicolas Sarkozy, pudique, sait qu’il peut compter sur les siens dans cette énième épreuve judiciaire. Redoutant l’échéance, Carla Bruni avait insisté pour qu’ils partent quelques jours plus tôt pour assister en famille à la remise de diplôme de son fils Aurélien à New York. Nicolas Sarkozy était ravi de voir la fierté de son épouse, l’occasion aussi de faire découvrir ­l’Amérique à ­Giulia, leur fille de 11 ans. En parlant politique avec l’ancien ­président, Raphaël Enthoven, le père d’Aurélien, qui avait ­également fait le déplacement, a pu constater qu’ils ne sont d’accord sur quasiment rien. ­

 Il a une capacité de mobilisation personnelle face à ­l’adversité qui est très forte. 

Franck Louvrier

Manhattan leur offrait un court répit avant la dure ­sentence… « Une fois de plus, il a la volonté de passer à autre chose, dit l’un de ses proches. Carla et lui ont décidé conjointement que cela ­n’aurait aucune incidence sur leur quotidien. » « C’est bien simple, nous expliquait Carla en janvier 2022, nous ne parlons pas des affaires judiciaires entre nous. »

Franck Louvrier, qui a accompagné la ­carrière de Nicolas Sarkozy depuis la ­mairie de Neuilly-sur-Seine jusqu’à l’Élysée, confirme : « Il a une capacité de mobilisation personnelle, d’engagement face à ­l’adversité qui est très forte. Que ce soit dans ce ­combat judiciaire ou, en 1993, dans la prise d’otages de l’école de Neuilly, il prend ­énormément sur lui. Là, il est ­d’autant plus mobilisé qu’il s’agit de défendre la vérité. »

Le plus difficile, ce sont les conséquences de cet opprobre sur sa famille, ses amis et collaborateurs, tous impactés. « Nicolas et Carla ont le sentiment d’être un couple à abattre, raconte un de leurs intimes. Face à l’adversité, l’un comme l’autre savent ­trouver les ressources pour affronter les tempêtes. Aussi injustes leur semblent-elles. »

Tourner la page Sarkozy : une famille politique plus très solidaire

« Dans des épreuves comme celle-ci, note Franck Louvrier, il se montre assez solitaire, réfléchi, pour emmagasiner de la force. Il écoute beaucoup. » L’actuel maire de La Baule porte un regard mitigé sur sa famille politique. Certes, les amis se sont manifestés : Éric Ciotti, le patron des LR, Xavier Bertrand, Olivier Marleix, Gérald Darmanin, avec qui Nicolas ­Sarkozy doit déjeuner cette semaine, ou même Bruno Le Maire, qui lui a passé un coup de fil chaleureux. Mais la phrase « Il faut tourner la page ­Sarkozy », de Bruno Retailleau, n’est toujours pas passée. « La fidélité est le premier critère après la compétence, c’est un degré de jugement indispensable ; sans fidélité, on ne peut pas affronter les épreuves », cingle Louvrier.

Comme il le fait régulièrement et pas seulement lors des coups durs, ­Emmanuel Macron a aussi appelé son ­prédécesseur pour une conversation amicale, « sans jamais évoquer le fond du dossier », précise-t-on à l’Élysée.

L’autre dimension de ces affaires à répétition est la ­désacralisation totale de la fonction présidentielle. « C’est la fin du politique, constate, amer, Franck ­Louvrier. Qui va vouloir se présenter à une élection lorsqu’on sait qu’on peut être écouté avec son avocat et que l’on risque en ­permanence un procès ? Les maires sont ­obligés de ­travailler avec plusieurs avocats : des ­pénalistes, des ­spécialistes du droit civil, de l’urbanisme… C’est sans fin ! »

« Il faut continuer à se battre, confie un membre du cercle rapproché de Nicolas Sarkozy. Que faire d’autre ? On ne va pas s’excuser. Normalement ­l’infraction qui lui est reprochée, à savoir “­corruption et trafic ­d’influence”, peut être punie de dix ans de ­prison. Alors pourquoi “seulement” trois ans de prison dont un an de ­bracelet si ce n’est pour ­l’humilier ? » ­

Certains ­magistrats ­estiment que la mention « peine ­aménageable à ­domicile sous forme de bracelet ­électronique » empêche de facto tout juge ­d’application des peines de céder à la ­tentation de transformer cette ­condamnation en ­prison ferme.

La seule ligne rouge que Nicolas ­Sarkozy s’empêche de franchir, c’est de faire de cette bataille un ­combat politique comme le lui demandent ceux qui l’arrêtent dans la rue : « Il faut ­revenir, il faut y aller. » Cela, il ne l’envisage pas. Même si des rumeurs l’ont annoncé à ­Matignon, le boxeur fait savoir à qui veut l’entendre qu’il n’est pas ­question pour lui de remonter sur le ring politique. Le combat qu’il mène désormais, c’est le combat de sa vie.

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