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Anna Mouglalis “Chanel m’a donné la liberté”

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Le 17 avril, dans le lagon de l’hôtel Le Saint-Géran, Anna taquine le rouget. Elle a passé quelques jours sur l’île avec sa mère, Saül et Jules.

Le 17 avril, dans le lagon de l’hôtel Le Saint-Géran, Anna taquine le rouget. Elle a passé quelques jours sur l’île avec sa mère, Saül et Jules.
© Jacques Lange
interview Arnaud Bizot

Elle est l’égérie de la marque et sera Coco pour le Festival de Cannes. Et, comme son modèle, elle parle sans tabou.

Midi et demi pile à La Rotonde, boulevard Montparnasse, qu’elle fréquentait dans son adolescence avec des copines. Elle habite aujourd’hui dans le quartier avec son compagnon Samuel Benchetrit, acteur et metteur en scène, leur fille Saül, 2 ans, et Jules, 11 ans, le fils que Samuel a eu avec Marie Trintignant . Elle vient à scooter parce que « le deux-roues, c’est une concentration, on ne peut pas arriver endormi à un rendez-vous ». Le scooter est aussi une « sensation forte », semblable à l’ivresse les plongeons acrobatiques de son enfance, des figures arrière de 10 mètres de haut. C’est enfin une vitesse, comme l’avion qu’elle aime pour le décollage, le nez toujours au hublot. Justement, elle rentre de l’île Maurice, quelques jours de vacances avec sa mère, Saül et Jules. Elle a quatre épaisseurs de vêtements, « là-bas il faisait si chaud », dont trois vont disparaître à mesure que le soleil réchauffe la terrasse. Trois verres de sancerre blanc feront le reste. Elle attaque une sole meunière, sa voix voilée prend tout de suite possession des lieux.

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Paris Match. Tout d’abord, bon anniversaire : c’était dimanche dernier, 31 ans. Avez-vous été comblée ?
Anna Mouglalis . J’ai reçu des preuves d’amour et un joli dessin de Saül.

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“Coco Chanel et Igor Stravinsky”, un film de Jan Kounen, clôt le Festival de Cannes.
C’est l’autre cadeau ! J’incarne Coco à l’âge de 37 ans, époque où elle a hébergé le compositeur chez elle, à Garches, avec femme et enfants. Mécène de Stravinsky, qui est à la rue, elle finance les soins de sa femme tuberculeuse et les études de leurs enfants. Elle fait en sorte, sans le lui dire, que “Le sacre du printemps”, qui a fait scandale en 1913, soit remonté en 1920. C’est un an avant la naissance du No 5, son parfum aussi révolutionnaire que “Le sacre”.

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Vous êtes l’égérie Chanel depuis six ans. Qu’aimez-vous chez cette femme ?
C’était une punk ! Une impératrice de l’antagonisme, une féministe, un mot que les femmes dites intelligentes semblent combattre aujourd’hui comme si c’était une insulte. Les femmes qui choisissent, qui travaillent, c’est elle. Mais le vrai chef-d’œuvre de Coco Chanel, c’est sa vie. Voluptueuse, solitaire, malheureuse.

Vous êtes la compagne, très heureuse selon toute apparence, de Samuel Benchetrit. On en parle deux secondes ?
Alors juste pour dire que lorsqu’on vit une vraie rencontre, une véritable histoire d’amour, on sait encore mieux qu’on est tout seul. Cela n’est pas une idée triste, mais au contraire très joyeuse. Le vrai cadeau que vous faites à l’autre et que l’autre vous offre, c’est d’être renvoyé à soi-même. C’est ça, pour moi, l’âme sœur.

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Vous avez eu Saül ensemble, premier roi d’Israël choisi par le prophète Samuel...
J’ai choisi le prénom ! Pour tout dire, c’est Jules qui m’a donné envie de faire un enfant, je n’y pensais vraiment pas avant. C’est lui qui m’a rendue mère. Je pensais avoir un garçon. Une fille, ça m’a donné le vertige. Tout ce qu’on demande de nos jours à une femme, c’est difficile. Mais je me suis réenchantée d’en être une. Pendant ma grossesse, je me suis plongée dans Marina Tsvetaïeva, Emilie Dickinson, et replongée dans Yourcenar.

Saül est un prénom masculin...
Dieu ne demandait que des hommes. Il est temps qu’il demande des femmes !

L’autre homme de votre vie, si j’ose dire, s’appelle Karl Lagerfeld...
C’est l’être le plus curieux, le plus vivant que je connaisse. Finalement, il est son propre interlocuteur ! Lorsque j’étais mannequin, j’avais peur d’être une arnaque. J’avais l’impression qu’il fallait que je compose pour correspondre. Karl m’a laissé une liberté infinie. Il m’a appris qu’il n’est plus question d’être belle ou moche, mais d’être honnête. Avec lui, je me suis incarnée. Cela m’évite beaucoup de mouvements de mèche ! Ce milieu et cet homme, que l’on peut penser superficiels, sont en réalité d’une étendue immense.

Actrice et image Chanel, c’est compatible ?
Chanel, c’est comme une histoire de cinéma. J’ai été initiée au luxe, à la volupté, mais surtout à l’exigence. On veut me faire avouer que c’est pesant, pénible, ou que je fais ça pour l’argent. L’argent me permet de choisir mes films. Je n’ai aucune ambiguïté avec ça. Aucune honte. J’ai quitté Nantes, la maison, à 16 ans, pour l’autonomie. C’est ma nature. Enfant, je ne concevais pas de ne pas écrire ma vie. Pour ça, il faut être ailleurs. Et puis le travail est pour moi une façon de vivre. Je ne suis pas une contemplative.

Précisément. Actrice, Chanel et maintenant réalisatrice. Vous allez diriger un film, “Le gars”. De quoi s’agit-il ?
J’en ai écrit le scénario pendant ma grossesse, en m’inspirant d’un conte populaire russe, “Vampire”. Un anthropophage et nécrophage en cavale rencontre une jeune vierge dans un village des bassins miniers du nord de la France. Emu par elle, il décide de ne pas la croquer mais décime toute sa famille. C’est une initiation amoureuse dont Samuel ­tiendra le rôle principal.

Vous avez également réalisé un court-métrage de quinze minutes pour Canal +, dans le cadre des X-plicite films, qui passera en juin. Vous faites des films pornographiques ?
C’est une série en quatre épisodes à laquelle ont aussi participé Zoe Cassavetes, Bianca Lee et Tonie Marshall. Un regard de femmes sur le désir féminin, sur la sexualité féminine. La pornographie me dégoûte, ces jeunes filles d’à peine 15 ans qui se baladent quasiment en string... Le film est sur la tristesse de ça. La pornographie n’est que verbale. Elle traduit la misère sexuelle, le désir castrateur des mots, l’impossibilité d’une rencontre. Dans un bar, trois filles déchaînées et une autre davantage sur la réserve se jettent sur un homme [Samuel Benchetrit]. La seule image pornographique, c’est le doigt d’une des filles qui s’enfonce entre deux doigts de la main de l’homme, posée sur la table.

Vous avez pris plaisir à tourner ?
C’est une joie comme je n’en ai pas eu depuis longtemps. J’ai une bonne expérience de plateau et, lorsque j’en ai l’occasion, j’aime participer, aider à monter un travelling, regarder le cadre. Les acteurs parlent souvent de l’attente interminable... C’est enivrant, un plateau. Quelle promesse inouïe, à partir d’un scénario, d’inventer ! Je suis transportée par les fictions. Une vie en deux heures ! Tout est histoire d’échelle, de rythme.

Que représentez-vous pour vous-même, à part vous ruer sur mon saint-marcellin ?
Je me représente comme rien, je ne me représente même pas ! J’essaie d’être à ce que je fais. Une cohérence, peut-être. J’invente ma continuité.

La reconnaissance ?
J’ai tendance à la nier. C’est important, bien sûr. Cela nourrit l’acteur, il en a besoin, mais je suis plus proche de l’insatisfaction. Cela peut paraître une minauderie, mais le doute n’a pas de limite. Je m’apprivoise, je réfléchis. Malheureusement, il paraît que les actrices qui réfléchissent sont des emmerdeuses !

C’est quoi, votre petite bague ­dorée ?
Un os humain sculpté, une tête de mort, une vanité pour se rappeler toujours celle de l’existence.

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