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André Bercoff : "Le jour où je deviens un investisseur arabe"

André Bercoff
André Bercoff © DR
Catherine Schwaab

J’écris des papiers pour « Actuel », où l’on pratique parfois le « journalisme masqué ». Au printemps 1980, je suggère de me faire passer pour l’agent d’un émir désireux d’investir en France. Banco. Je choisis le Bordelais, car j’adore son vin.

Je passe une petite annonce dans « Sud Ouest » : « Importante société du Golfe cherche à investir dans le Bordelais dans les domaines viticoles, immobiliers, commerciaux, techniques… Contacter son représentant Mohammed Zakher qui sera présent sur place à telles dates, via sa mère Mme Zakher, qui fera suivre les demandes de rendez-vous. » En réalité, c’est Christiane, une fille du journal, qui réceptionne. Après quelques jours, des centaines de demandes lui parviennent. « Ils t’attendent. » Je débarque en costume. Ni limousine ni djellaba, je prends une suite dans un hôtel pas trop luxueux et… je m’affuble d’une moustache postiche. Pendant une semaine défileront dans ma suite des commerçants, des vignerons, des propriétaires de châteaux. Je ne parle qu’anglais avec un fort accent arabe. Christiane traduit. Je ne tourne pas autour du pot : « You have the culture, we have the money, we are going to make a great joint-venture ! » (Vous avez la culture, nous avons l’argent, on va faire une super-association capitalistique.)

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Le sujet fera la couverture d'"Actuel"

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Deux bijoutiers viennent me voir, ils m’invitent à déjeuner. Je les entends se concerter : « Il faudra lui servir un couscous », « Déconne pas, il est pas algérien, il est du golfe Persique ; là-bas on n’en mange pas », « T’es sûr ? Mais un bicot, c’est un bicot ! » Je me pince pour ne pas rire. Un peu plus tard, je demande à visiter des châteaux car « un émir souhaite faire une acquisition pour loger ses 25 épouses ». « Pas de problème, nous avons cela », me répondent mes interlocuteurs. Je leur précise qu’il faut une salle de bains pour chaque chambre, un silence gêné s’installe. Ils concluront par : « Faites-nous le chèque, nous les ferons aménager. » Certaines personnes n’ont rien à me vendre. Elles veulent juste passer un quart d’heure avec un milliardaire. C’est touchant. A l’époque, ce n’est pas la crise. On rêve d’une manne de pétrodollars qui changera la vie, mais on n’a pas peur de la ruine. Le sujet fera la couverture d’« Actuel » et 10 pages. A Bordeaux, les gens seront plutôt déçus. Plus de trente années plus tard, il en est qui m’en parlent encore… 

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