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Nathalie Rheims : l'âme d’une guerrière

Nathalie Rheims : l'âme d’une guerrière
Nathalie Rheims : l'âme d’une guerrière © Sipa press
Erik Orsenna, de l’Académie française

Dans « Les reins et les cœurs », la romancière raconte avec courage sa lutte contre la maladie. Un combat homérique qui a bouleversé l’académicien.

«Homère a tout compris car il a tout raconté, me répétait ma mère. N’oublie jamais, il n’y a que deux sortes de livres, et deux seulement : ceux qui disent un combat, comme “L’Iliade”. Et ceux qui nous emportent dans un voyage, comme “L’Odyssée”. » Eh bien voici un récit, un bref et formidable récit qui rassemble les deux sortes. « L’Iliade » et « L’Odyssée » réunies. Un combat et un voyage en moins de deux cents courtes pages. Les reins et les cœurs. Le filtre et la pompe. Jamais, je redis jamais, je n’ai lu portrait si précis et si profond de cette hydraulique qu’on appelle la vie. Jamais, jamais je n’ai pénétré si loin dans ces secrets du corps qui sont aussi ceux des familles.

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Il était une fois une malédiction. Un gène qui prend son temps mais peu à peu détruit les reins. Les reins des mères et de leurs filles car seules les femmes sont atteintes. Comment vivre cette tragédie, qui est aussi celle de la menace ? L’affronter ? La nier ? Alors, et c’est là l’une des forces de ce livre, peut-être la principale, des personnages surgissent, chacun singulier et tous bouleversants. Voici une mère, vingt-cinq ans durant enchaînée à une machine. Voici une sœur, quelque temps éloignée et soudain plus proche que nul autre être sur terre. Voici un Léo, un présent si présent. Vous rappelez-vous que présent est synonyme de cadeau, et sans doute le plus beau ? Et puis voici un ange, un héros, une divinité du don comme Artémis est déesse de la Fertilité. Et tous ces personnages entrent dans la danse.

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Qu’adviendra-t-il de nous si la médecine ne se contente plus de réparer mais se met à améliorer ? 

Oui, c’est une danse qui est ici racontée. Une danse, tout près de la mort et pour cela même la plus proche voisine de la vie, c’est-à-dire de l’essentiel : cette force étrange qui nous retient de sombrer. Une danse du froid glaçant et de la chaleur innommable d’une main tendue, d’un regard bleu, une ronde où se passent le témoin l’angoisse et l’espérance. Qu’est-ce qu’une greffe ? Quel est l’ennemi ? Cette partie de corps en nous qui n’est pas nous et que notre corps rejette ? Ou ce gène maléfique ?

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Le souffle coupé, vous tournez les pages. Vous n’allez pas pleurer, puisque celle qui raconte se tient digne, infiniment. Je vous l’ai dit : il s’agit d’une danse. Non d’un essai. Et pourtant... Chemin de croix faisant, Nathalie Rheims aborde toutes les avancées qui sont en train de bouleverser notre identité même. Qu’adviendra-t-il de nous si la médecine ne se contente plus de réparer mais se met à améliorer ? Selon quels critères ? Et l’insuffisance rénale dont la source génétique est mince par rapport aux désastres d’un diabète qui explose ? Où trouverons-nous toujours plus de reins ? Allons-nous mettre sous dialyse le tiers de nos sociétés ? Il se trouve que, travaillant pour l’Institut Pasteur et vivant avec une angéiologue, je suis au fait de ces questions. Je peux donc affirmer la haute pertinence des interrogations ici soulevées.

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Depuis vingt ans, Nathalie Rheims poursuit son enquête sur le métier de vivre. Libre, étrange, particulière, exigeante. La vérité s’accompagne toujours de courage. Et plus le courage de l’auteur est grand, plus le lecteur avance, malgré ses peurs. C’est dire ce que je dois à cette Iliade mêlée d’Odyssée. Respect et gratitude, Nathalie Rheims. 

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