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Jean-Edern Hallier. Dix ans après, il intrigue toujours.

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© Parismatch.com
Jacques-Marie Bourget , Mis à jour le

On s'apprête à célébrer l'anniversaire de la mort de l'écrivain-journaliste-polémiste. Une biographie revient en détail sur sa vie tumultueuse où le faux le dispute au vraisemblable. « La mise à mort de Jean-Edern Hallier », de Dominique Lacout et Christian Lançon, Presses de la Renaissance, 432 pages, 21 euros.

Jean-Edern Hallier a été assassiné ! Cela nous manquait : même mort JEH bouge encore. On savait déjà que, vivant, il a été torturé a continuo par une cellule élyséenne spécialement mobilisée contre lui pour protéger les secrets du prince Mitterrand. Mais dans leur livre « La mise à mort de Jean-Edern Hallier », l'enquête de Dominique Lacout et Christian Lançon suggère une fin de l'artiste en forme de crime : le 12 janvier 1997, l'écrivain aveugle ne serait pas mort d'une simple chute de vélo.Comme tous les gens trop vieux, j'ai d'abord croisé Jean-Edern Hallier en mai 1968. Comme on le dit d'une fille, c'était un homme des rues, son tapin étant de vendre à la criée « L'Idiot », son journal intelligent. Sur le trottoir, il ajoutait la fumée de son cigare aux gaz des C.r.s. avant de regagner sa Ferrari, garée non loin du front et en double file. Les marxistes à la mode, et qui vont devenir les maîtres libéraux-libertaires d'aujourd'hui, donnent la leçon. S'accrochent à leurs pavés comme des bernard-l'ermite, avec la plage en dessous. Dans la chienlit, Hallier a du mal à ajouter au chaos son bordel intime. Puisque la révolution ne veut pas de lui, il file à Deauville avec sa dernière essence qui, dans ces jours-là, se confond à l'existence.Le 17 janvier 1991, à Bagdad, après une nuit Technicolor, je descends mesurer l'ambiance dans l'abri antiatomique de l'hôtel Rachid. Et bute du bout du pied contre quelque chose de mou étalé comme le duc de Guise. Ma torche éclaire un visage à l'œil unique et surpris : Jean-Edern. Comme Malraux ou Hemingway, il est venu voir la guerre de près, le meilleur moyen de la décrire. De la détester. JEH, réputé traître et menteur, devient un ami sans mensonges ni trahisons.Dans leur enquête, Lançon et Lacout reprennent par le bon bout tous les dossiers de Jean-Edern. Ceux constitués par notre dernier grand polémiste pour alimenter sa querelle contre le président de la République, où les documents se liquéfient en nitroglycérine. Sa façon à lui de fréquenter Nobel. La moulinette d'Hallier passe dans son tamis l'énigmatique « Résistance » de Mitterrand, son saut de haie des jardins de l'Observatoire, Mazarine, la fille cachée, et autres turpitudes.L'histoire de cette « mise à mort » est un réquisitoire contre les agents de l'ordre et ceux qui les commandent. Pièces et témoignages en main, ils exposent les traquenards tendus à l'imprécateur. Dans le lot, on trouve même une première tentative de meurtre. Les auteurs parlent aussi des dérives de leur héros, parfois explosives quand, fou de jalousie, JEH fait sauter la cage d'escalier de Régis Debray. Héros mort, donc, d'une chute de bicyclette qui ne laisse aucune trace sur ses mains. Avec un corps maquillé à la morgue, rapatrié à Paris par un ambulancier solitaire qui va mettre sept heures pour faire 202 kilomètres… Jusqu'à l'appartement de l'avenue de la Grande-Armée où le coffre de l'écrivain a été vidé, pillé. La veille de sa mort, Jean-Edern, qui avait arrêté de boire et de fumer, m'avait dit : « Il y a vingt ans que je ne me suis pas senti aussi bien… Bientôt nous allons faire des voyages où on ne nous attend pas. »Pour nulle part il est parti seul. Après avoir croisé Sarkozy, alors au plus creux de la vague, dans le hall de l'hôtel Normandy. Et dit à ses amis : « Vous verrez, ce type finira par revenir. Il les baisera tous ! » Hallier est mort en politique, hélas. Alors que son meilleur terrain était la littérature.

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« La mise à mort de Jean-Edern Hallier », de Dominique Lacout et Christian Lançon, Presses de la Renaissance, 432 pages, 21 euros.

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