LES PLUS LUS
Publicité
Publicité

Dans les archives de Match - Boris Vian, mort et renaissance d’un poète

boris vian
Boris Vian, lors de la première "Nuit de la poésie", dans le cadre du Festival de Paris au Théâtre Sarah Bernhardt, en juin 1956. © Izis / Paris Match
Clément Mathieu , Mis à jour le

Boris Vian aurait eu 100 ans ce mardi 10 mars. L'écrivain-musicien est mort trop tôt, à 39 ans, sans rien connaître du rayonnement qui est aujourd’hui le sien... Avec Rétro Match, suivez l’actualité à travers les archives de Paris Match.

Le matin du 23 juin 1959, peu après 10h, François Gragnon remonte les Champs-Élysées. Le photographe de Match se rend à deux pas de là, rue Pierre Charron où notre magazine a longtemps résidé, lorsqu’il voit filer les véhicules des secours. Réflexe du reporter, Gragnon suit les sirènes et finit devant le cinéma Le Marbeuf, au numéro 34 de la rue du même nom. « Mon Oncle » de Tati est à l’affiche, mais ce matin, on donne une projection privée. La toute première de « J’irai cracher sur vos tombes ». Boris Vian s’y est rendu à contre-coeur. L'adaptation de son livre s’est faite sans lui, « presque contre lui », écrira Match. Dès les premières minutes, l’auteur fulmine contre la trahison de son oeuvre. Il se lève, mais retombe aussitôt dans son fauteuil. Depuis sa jeunesse, Boris Vian souffrait d’une insuffisance aortique, un mal grandissant comme le nénuphar dans la poitrine de Chloé, qui épuisait son coeur et lui coupait le souffle, au point de taire sa trompette. Devant Le Marbeuf, on emmène sur une civière un corps caché par un plaid. François Gragnon prend des photos. Sous le linceul improvisé, c’est Boris Vian qu'on emporte.

Publicité
Le corps de Boris Vian est emporté par les secours. L'auteur est mort d'un arrêt cardiaque lors de la projection du film « J'irai cracher sur vos tombes » au cinéma Marbeuf à Paris, le 23 juin 1959.
Le corps de Boris Vian est emporté par les secours. L'auteur est mort d'un arrêt cardiaque lors de la projection du film « J'irai cracher sur vos tombes » au cinéma Marbeuf à Paris, le 23 juin 1959. © François Gragnon / Paris Match
Le corps de Boris Vian est emporté par les secours. L'auteur est mort d'un arrêt cardiaque lors de la projection du film « J'irai cracher sur vos tombes » au cinéma Marbeuf à Paris, le 23 juin 1959.
Le corps de Boris Vian est emporté par les secours. L'auteur est mort d'un arrêt cardiaque lors de la projection du film « J'irai cracher sur vos tombes » au cinéma Marbeuf à Paris, le 23 juin 1959. © François Gragnon / Paris Match

Boris Vian aurait eu 100 ans, mardi 10 mars 2020. L'écrivain-musicien est mort trop tôt, à 39 ans, sans rien connaître du rayonnement qui est aujourd’hui le sien. Auteur presque confidentiel de son vivant, Boris Vian a connu la renommée par le scandale de « J’irai cracher sur vos tombes ». Publié en novembre 1946, écrit sous le pseudonyme de Vernon Sullivan et présenté comme « traduit de l'américain » par Boris Vian, le roman est un thriller cru et outrancier, érotique et violent sur l'Amérique ségrégationniste, un « exercice » de Série Noire composé en quatorze jours selon la propre légende de son auteur. Le succès est énorme, le scandale aussi, la réaction des censeurs tout autant. Le livre est interdit, son « traducteur », une fois la supercherie éventée, est condamné pour outrage aux bonnes mœurs, puis amnistié, publié à nouveau, interdit à nouveau…

La suite après cette publicité

Boris Vian publiera trois autres Vernon Sullivan, mais les romans signés de son nom, comme « L'écume des jours » ou « L’arrache-coeur », ne trouveront que difficilement un éditeur. Le milieu littéraire n’a pas apprécié la plaisanterie. L’auteur vivra de la chanson, avec aussi beaucoup de difficulté et un nouveau scandale, « Le déserteur »... La réhabilitation viendra au cours de la décennie suivante, comme le montre cet article de Match publié en 1965, intitulé « Boris Vian sort du purgatoire ». Le centenaire de Boris Vian sera célébré au long de l’année 2020, avec une importante programmation d'événements, détaillée sur le site CentenaireBorisVian.com

La suite après cette publicité

Voici le reportage consacré à la réhabilitation de l’auteur qu’était Boris Vian, publié dans Paris Match en 1956…

Découvrez Rétro Match, l'actualité à travers les archives de Match...

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

Paris Match n°830, 6 mars 1965

Boris Vian sort du purgatoire

Par Guillaume Hanoteau

Six ans après sa mort l'édition, le cinéma, les disques font découvrir au grand public que le mystificateur de Saint-Germain-des-Prés était un grand écrivain.

Boris Vian au bar Le Tabou à Saint-Germain-des-Prés, en 1945.
Boris Vian au bar Le Tabou à Saint-Germain-des-Prés, en 1945. © Serge DE SAZO/Gamma-Rapho via Getty Images

Boris Vian, qui ne croyait pas au ciel, aura connu un heureux purgatoire. Le purgatoire, chez les écrivains d'un certain renom, est cette période qui succède à leur mort et pendant laquelle le public les délaisse avant de les adopter pour toujours ou de les rejeter à jamais. André Gide y séjourne présentement. Valéry vient d'en sortir à peine. Jean Giraudoux y a un pied. Vian, mort à trente-neuf ans, surtout connu comme étant l'auteur de « J'irai cracher sur vos tombes », semblait voué à une longue attente et ses amis s'apprêtaient à veiller seuls sa mémoire lorsque l'invraisemblable s'est produit. Avec cette soudaineté qu'il mettait à apparaître dans les surprises-parties où on ne l'attendait pas, Boris Vian est ressuscité d'entre les défunts, transfiguré.

La collection « Classiques du XXe siècle » lui consacre un livre. Jean-Jacques Pauvert publie son æuvre entière. « Le Terrain vague » réédite son premier roman « Vercoquin et le Plancton ». Cent mille exemplaires de l'Écume de nos jours » et de « l'Automne à Pékin » viennent d'être vendus en Livre de poche. Les maisons de disques s'en mêlent. Jacques Canetti a rassemblé en un coffret de trois disques les plus s belles chansons de Vian et les a confiées au talent de Serge Reggiani, de Magali Noël, de Pierre Brusseur et de Marie-Josée Casanova, tandis que chez ADES parnis sait « Pas avec le dos de la Q.I.R. » présenté par Yves Robert, chanté par Cécile Moulin. On a tout à coup fait cette stupéfiante découverte : Boris Vian n'était pas le farceur, le monteur de canulars, le joueur de trompette que l'on avait cru, mais un grand écrivain.

Avec le recul de l'histoire, on a aujourd'hui le sentiment que « Le Tabou » fut un phare qui, pendant des lustres, éclaira Saint-Germain-des-Prés, Or il n'en est rien. La cave de la rue Dauphine dura à peine l'espace d'une saison et elle ne reçut qu'une seule fois la visite de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir. Un jeune homme blond et pâle, que ses amis appelaient « Bison ravi », lui, y venait chaque soir ou presque. C'était un ingénieur sorti de Centrale et devenu trompettiste de jazz. Mais c'était surtout le traducteur de Vernon Sullivan, américain hypothétique. Ce canular avait vu le jour un an plus tôt, en 1946. La France, privée pendant quatre années de littérature et de films yankees, venait de découvrir « La Série Noire ».

On s'était arraché « Pas d'orchidées pour Miss Blandish » de J. H. Chase, premier titre de la collection. Un jeune éditeur, Jean d'Halluin, dont la maison « Le Scorpion » était encore toute fraîche, fut jaloux de ce succès remporté par Gallimard et partit à la recherche d’un thriller de la même qualité. Mais un soir il rencontre Boris Vian qui lui dit : Pourquoi s'adresser à un Américain ? En quinze jours, moi, je t'en écris un. Boris se trompait. Il ne mit que dix jours – du 5 au 15 août 1946 – pour rédiger « J'irai cracher sur vos tombes ». Le titre fut trouvé par Michèle Léglise, la première femme de Vian, mais celui-ci prétendait toujours qu'il l'avait emprunté à la Bible, sans jamais indiquer le verset. Et le roman parut comme étant de Vernon Sullivan, écrivain persécuté dans son propre pays. Quant à Boris, il ne revendiqua que le rôle de traducteur. Ce fut cependant lui et son éditeur qui payèrent les cent mille francs d'amende infligés par la justice française au mystérieux Sullivan, son livre avant fait scandale et ayant indigné un certain M. Parker, père de famille et gardien des bonnes moeurs. Boris s'en vengera en donnant le nom de Dan Parker au héros du second roman de Vernon Sullivan « Les morts ont tous la même peau », un noir assassin et sadique.

Boris Vian a pris soin de dresser lui-même son portrait au lendemain de sa naissance : « En fait, j'avais la tête de la Victoire de Samothrace. D'un coup, ma physionomie se transforma et je me suis mis à ressembler à Boris Vian ; d'où mon nom. » Il ne faut pas attacher trop d'importance à cette autobiographie. Vian était le nom de son père, d'origine provençale. Vian étant une contraction de Viana. Quant à son prénom de Boris, qui lui valut d'être souvent pris pour un slave, ses parents le lui donnèrent parce que ces syllabes flattaient leurs oreilles. Son enfance fut sans histoire. Il naquit le 10 mars 1920 à Ville-d'Avray, en Seine-et-Oise. Ses parents, qui possédaient une fabrique de bronzes d'art, vivaient dans l'aisance. Boris, ses deux frères et sa soeur, jouèrent dans le jardin d'une vaste maison sise à Ville-d'Avray, rue Pradier, et l'été dans une maison de campagne à Landemer, près de Cherbourg. Mais Vian devait écrire beaucoup plus tard.

« La vie c'est comme une dent. D'abord, on n'y a pas pensé. On s'est contenté de mâcher. Et puis ca se gâte soudain. Ça vous fait mal et on y tient. » Boris eut très vite mal à cette dent-là. A dix ans, il souffrit d'une insuffisance valvulaire de l'aorte. C'était héréditaire. Son père, au même âge, avait été frappé par la même crise. Désormais, et jusqu'à sa mort, les médecins avaient conseillé à Boris de vivre au ralenti. Mais a-t-on le temps de vivre ainsi quand on se sait menacé ? Vian? Vian alla au lycée Hoche à Versailles et au lycée Condorcet à Paris. Il passa ses bachots et entra à l'Ecole Centrale.

Et cependant deux événements importants s'étaient déjà passés dans sa vie lorsqu'il fut admis en cette école d'ingénieurs. En 1938, il avait découvert Duke Ellington au cours d'une soirée de concert donnée par le grand pianiste de jazz à Paris et s'était mis à jouer lui-même de la trompette. Il avait aussi, en cet avant-guerre finissant, goûté aux premières joies des surprise-parties. Il y avait même pris goût et, pour faire rire ses copains, il avait écrit, sans songer à la postérité, un petit livre consacré à leur gloire : « Vercoquin et le Plancton ».

Boris Vian félicite Duke Ellington après son concert au Club Saint-Germain-des-Prés, avec Juliette Gréco and Anne-Marie Cazalis, en juillet 1948.
Boris Vian félicite Duke Ellington après son concert au Club Saint-Germain-des-Prés, avec Juliette Gréco and Anne-Marie Cazalis, en juillet 1948. © Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images

J'avais la tête de la Victoire de Samothrace

Cette oeuvre que l'on ne saurait placer toutes les mains, contient même une théorie de la surprise-party avec des divisions : A. Surprise Party bien organisé ; B. Surprise-party mal organisée - et des sous-divisions : a. la surprise party a lieu chez vous ; b. chez un ami ; c. chez un inconnu.
« Vercoquin et le Plancton » contient aussi une partie plus sérieuse, si l'on peut dire la description du consortium national de l'unification, ou C.N.U., chargé de rédiger «... de petits fascicules gris souris qui tentaient de régler toutes les formes de l'activité humaine. On les appela des « nanthons . Ils tentaient orgueilleusement d'organiser la production et de protéger les consommateurs ». En quelque sorte, les premiers balbutiements de la planification.

Vian a dit : « Les humoristes sont tristes parce que, dans leur rire, résonne toujours le grelot d'un prophète, Et cependant, ce C.N.U. et ses « nanthons », qui ne ser. vaient jamais à rien parce qu'il fallait des anndes pour les déchiffrer et parce que quand on pouvait enfin lan déchiffrer ils étaient dépassés, n'étaient pas sortis de son imagination.

Boris n'avait en qu'à peindre en forçant certains détails l'Association française de normalisation, ou APNOR, ou, à la sortie de Centrale, il était entré grâce à son diplôme d'ingénieur.

Mais ce Vercoquin frondeur n'aurait peut-être Januals connu l'encre d'imprimerie si les Vian n'avaient pas eu à Ville-d'Avray comme voisin Jean Rostand, et et celui-ci n'avait pas cu un fils de l'âge de Boris Paul.

Ce Paul avait couru avec les Vian les surprise-partien et était devenu un des héros de Vercoquin Moun lo nom de Corneille. Il montra le manuscrit à son père qui daigna rire et qui, à son tour, le confia à Queneau. Et ce fut ainsi que « Vercoquin et le Plancton, au de ou simple divertissement d'étudiant, parut à la prava N.R.F., dans la collection « La plume au vent.

« Vercoquin et le Planchon » eut, en 1917, beaucoup moins de retentissement que « J'irai cracher sur vos tombes » Néanmoins une brillante carrière d'écrivain semblait s'ouvrir devant Boris, A la N.R.F., on lui promit le Prix de la Pléiade pour son prochain roman, Vian se mit aussitôt au travail et écrivit « L'écume de nos jours », dont Queneau a dit : « C'est la plus belle histoire d'amour contemporaine. »

Cette histoire, dont chaque détail donnait le son du vrai, et dont le héros ressemblait comme un frère à Boris, se déroulait dans un Paris fantastique et entièrement inventé par l'auteur.

Découvert par son voisin, Jean Rostand

Pour se promener à travers ce Paris, on pouvait emprunter des souterrains allant des Champs-Elysées à la Bastille. « Le souterrain était bordé des deux côtés par une rangée de volières de grandes dimensions, où les Arrangeurs urbains entreposaient les pigeons-de-rechange pour les squares et les monuments. Il y avait aussi des pépinières de moineaux, et des pépiements de petits moineaux. Les gens ne descendaient pas souvent dedans parce que les ailes de tous ces oiseaux faisaient un courant d'air terrible où volaient de minuscules plumes blanches et bleues. » Dans « L'écume de nos jours », Vian plaisantait aussi gentiment Jean-Paul Sartre, alors à l'apogée de sa gloire existentialiste. Il l'appelait Jean Sol Partre, et lui prêtait comme oeuvre « Paradoxe sur le dégueulis et choix préalable avant le haut-de-cour », et comme disciple, la grande duchesse de Beauvoir. Hélas ! Malgré les efforts de Queneau pour le faire lire, « L'écume de nos jours » n'eut aucun succès et, à la suite d'une trahison de dernière minute, n'obtint pas le Prix de la Pléiade.

ne malédiction semblait désormais peser sur Vian. Il était l'auteur de « J'irai cracher sur vos tombes » ; il ne pouvait être que cela, on ne prendrait jamais au sérieux ses autres livres. Et la critique ne prêta aucune attention à ses romans suivants : « L'Automne à Pékin », « L'Herbe rouge », « L'Arrache-coeur ». Au théâtre, même échec. « L'Equarrissage pour tous », aux Noctambules, fut mal accueilli.

Dans un village détruit par la guerre, une seule maison était restée debout. On la faisait sauter à la dynamite parce qu'elle ne respectait pas l'alignement. Mais ce vaudeville poétique venait trop tôt. Le théâtre de l'absurde, le théâtre d'Ionesco et de Beckett n'étaient pas encore à la mode, Vian avait renoncé à sa carrière d'ingénieur, sa santé lui interdisait de jouer de la trompette, et il fallait vivre. Il se mit à traduire. Il traduisit, non pour son plaisir, mais pour manger, les oeuvres les plus disparates : des « Série noire », mais aussi les cinq cents pages des Mémoires du général Bradley. Il dut les traduire en toute hâte, le bras posé sur des coussins et en se faisant masser la main toutes les heures par son épouse.
Il écrivit des chansons. Il lança la science-fiction et les premiers couplets du rock-and-roll. Il fut directeur artistique d'une maison de disques. Toutes ces tâches secondaires et alimentaires qui le détournaient de son oeuvre véritable, Boris Vian, en dépit de sa santé chaque jour chancelante, les accepta sans jamais se plaindre.

Sa première chanson : « Que tu es impatiente : la Mort. »

Il avait épousé en secondes noces une danseuse danoise, Ursula Kubler, qu'il avait rencontrée à un cocktail donné dans les jardins de la N.R.F., rue Sébastien Bottin. Il habitait un appartement étrange, emprunté aux anciennes coulisses du Moulin-Rouge. Pour y parvenir, il fallait suivre une longue pièce obscure. Boris, qui aimait travailler le bois et qui possédait un atelier de menuiserie, l'avait aménagé de ses propres mains. Ce fut là qu'il eut l'idée d'interpréter lui-même ses chansons : « Le Déserteur », « Je suis snob », « Le Cinématographe » ou encore ce « Que tu es impatiente, la Mort » qui se termine par ces vers :

« La mort est revenue ce soir / Avec sa robe d'iris noir / La mort est revenue chez moi / On a frappé. Ouvrez la porte... La voilà. / Elle brûlait comme une lampe / Dans une nuit près de la mer / Elle brûlait comme un feu rouge / À l'arrière d'un camion sourd sur les chemins / Que tu es impatiente, la Mort… »

Et on le vit, tout de noir vêtu, plus pâle encore qu'à l'accoutumée, sur la scène des Trois Baudets et à la Fontaine des Quatre Saisons. Il allait peut-être faire une la Mouloudji ou à la Léo Ferré.

Mais une fois encore la vie ne le voulut pas. Son mal s'aggrava. Il dut abandonner ses espoirs et se cantonner dans des activités plus paisibles. Mais n'avait-il pas chanté : Que tu es impatiente, la Mort...

Les dernières années devaient être illuminée par une grande joie de Boris Vian, une joie que lui procura le collège de pataphysique.

L'enterrement de Boris Vian au cimetière de Ville d'Avray, le 26 juin 1959. Au premier plan, Georges Brassens.
L'enterrement de Boris Vian au cimetière de Ville d'Avray, le 26 juin 1959. Au premier plan, Georges Brassens. © François Gragnon / Paris Match
L'enterrement de Boris Vian au cimetière de Ville d'Avray, le 26 juin 1959. 
L'enterrement de Boris Vian au cimetière de Ville d'Avray, le 26 juin 1959. © Jean Tesseyre / Paris Match

Avec Queneau et Clair au Collège de Pataphysique

La pataphysique ou science des solutions imaginaires est née d'une œuvre posthume d'Alfred Jarry, l'auteur d'Ubu », écrite en 1898 : « Les gestes et opinions du docteur Faustroll. »

Aujourd'hui, Raymond Queneau, René Clair, Jean Ferry sont les membres les plus éminents de son collège.

Le 13 avril 1950, la sous-commission de la Cantonade assista à une représentation de « l'Equarrissage pour tous ». Elle en sortit ravie et estima Vian digne de faire partie du collège. Il y fut admis officiellement et selon les rites le 8 juin 1952.

Il devait très activement participer aux travaux de cette association. Ce qui lui valut le très haut grade de Transcendant Satrape et la publication dans la revue de pataphysique de sa pièce jusqu'alors inédite : « Les Bâtisseurs d'empires ».

Mais le matin du 23 juin 1959, un matin chaud et ensoleillé, Boris Vian se rendit à une projection privée du film tiré de son roman « J'irai cracher sur vos tombes ». Il en avait vendu les droits, mais l'oeuvre cinématographique avait été tournée en dehors de lui, et presque contre lui.

La séance venait à peine de commencer lorsqu'on entendit un râle. Boris Vian s'était effondré dans son fauteuil. On fit venir les pompiers. Ils tentèrent de le ranimer avec un masque à oxygène. On envoya prévenir Ursula. Lorsqu'elle arriva, Boris était étendu sur un canapé dans l'entrée : il avait déjà cessé de vivre. Son enterrement eut lieu trois jours plus tard à Ville d'Avray, près de son père. Seule la mère de Boris Vian était en noir. Pour se conformer à la volonté du mort, ses amis n'avaient pas pris le deuil.

Au cimetière, il se produisit un incident ridicule et macabre, mais qui aurait ravi Boris. Les croque-morts vinrent à manquer. On les attendit longtemps. Puis ce furent quelques camarades qui portèrent le cercueil et le descendirent en terre. Un crut que cette tombe s'était refermée pour de longues années, que seuls quelques intimes lui rendraient visite ainsi qu'à une oeuvre belle, mais insolite et parfois difficile. Et puis toutes les prévisions furent déjouées. La renommée se souvint de Boris Vian qu'elle avait pendant si longtemps négligé. Elle vint à lui malheureusement, avec six ans de retard.

Boris Vian, lors de la première "Nuit de la poésie", dans le cadre du Festival de Paris au Théâtre Sarah Bernhardt, en juin 1956.
Boris Vian, lors de la première "Nuit de la poésie", dans le cadre du Festival de Paris au Théâtre Sarah Bernhardt, en juin 1956. © Izis / Paris Match

Contenus sponsorisés

Publicité