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Guillaume Gallienne: "L'histoire de la vraie Maryline m'a bouleversé"

Guillaume Gallienne offre un rôle magnifique Adeline d’Hermy dans « Maryline »
Guillaume Gallienne offre un rôle magnifique Adeline d’Hermy dans « Maryline » © Audoin Desforges
Un entretien avec Benjamin Locoge , Mis à jour le

Guillaume Gallienne offre un rôle magnifique à la comédienne Adeline d’Hermy dans « Maryline », son deuxième long-métrage. Pour mieux continuer à s’inventer des vies.

En 2014, il avait raflé la mise : 6,5 millions d’entrées pour son premier film « Les garçons et Guillaume, à table  ! » et cinq César dans la foulée, dont celui du meilleur film. Guillaume Gallienne aurait pu prendre les pleins pouvoirs, écrire une comédie dans la même veine. Mais non ! Le garçon décida de retourner au théâtre, endossant le rôle de Lucrèce Borgia à la Comédie-Française. Incarnant la meurtrière près de 200 fois, il alla jusqu’au bout de l’épuisante transformation, suscitant l’admiration de la profession. Mais Guillaume avait une idée en tête depuis longtemps : celle de raconter l’histoire d’une jeune femme qui monte à Paris pour devenir comédienne. Et se heurtera à son manque d’aisance, son incapacité à dire les choses. Voilà donc « Maryline », deuxième réalisation du comédien qui offre une partition de velours à Adeline d’Hermy, l’une de ses partenaires au sein de la troupe du Français. Difficile de ne pas voir des parallèles entre le parcours du cinéaste et celui de son héroïne. Guillaume Gallienne signe un film inspiré sur le regard des autres, le langage, le monde du théâtre et des comédiens, mais aussi, même s’il s’en défend, sur lui-même.

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Paris Match. Avec “Maryline”, vous racontez l’histoire d’une jeune femme qui monte à Paris pour réussir. Et qui se prend des murs. Un peu l’opposé de votre parcours ?
Guillaume Gallienne. A priori oui, parce que Maryline est une taiseuse, humble. Elle vient d’un milieu modeste, elle a grandi dans une famille de province qui ne recevait jamais personne et vivait les volets clos. Quand j’ai rencontré la vraie Maryline, il y a quinze ans, j’ai été bouleversé par son histoire. J’ai été très ému par cette femme parce que son histoire était douloureuse, mais aussi parce qu’elle était extraordinairement lumineuse. Enfin, c’est ce que j’ai retenu d’elle et c’est ce que j’en ai fait.

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C’est aussi un film sur la parole, l’éloquence. Est-ce ce qui vous a permis d’avancer dans la vie ?
Oui et non. Cela a été une arme que j’ai saisie très jeune. Tellement jeune que mes parents m’avaient emmené chez un pédopsychiatre pour voir si je n’avais pas un problème de précocité. Ou si j’étais surdoué. Heureusement ils sont tombés sur un type brillant qui leur a dit : “Foutez-lui la paix, certains développent le langage, d’autres développent d’autres trucs, tout va bien.” Mais c’est la curiosité des autres qui m’a permis d’avancer dans la vie. Pas l’éloquence. L’aisance verbale a toujours été une défense chez moi, pas un moteur.

Adeline d’Hermy
« Maryline », deuxième réalisation du comédien offre une partition de velours à Adeline d’Hermy © Audoin Desforges

Alors est-ce que, comme Maryline, le théâtre vous a appris à communiquer ?
Non, le théâtre m’a permis de m’accepter. Les psys aussi. J’ai commencé à faire du théâtre pour surtout ne pas être moi. Et je me suis rendu compte que je fais du théâtre pour être moi. L’un des handicaps de Maryline, c’est qu’elle n’est pas armée pour affronter ce milieu-là. Elle est confrontée à des metteurs en scène qui fantasment sur elle mais qui la distribuent mal, la pire chose que l’on puisse faire à un comédien… Or, elle a un instinct d’actrice dingue. Mais, dans la vie, comme dans une carrière, il faut un regard, une bienveillance pour que tout cela se révèle enfin. C’est ce que j’ai vécu avec tous mes maîtres, de Christian Crozet à Alain Françon en passant par Daniel Mesguich. Et c’est ce qu’elle vit avec les personnages de Xavier Beauvois, Vanessa Paradis ou Eric Ruf. Au-delà du déterminisme, le film montre aussi que l’on est choisi pour ce qu’on est. Quand elle rencontre Beauvois dans un café, elle est absolument elle-même. C’est ce qui l’émeut, elle ne compose rien. Il ne prend pas cette femme en pitié, il est désarmé.

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Avez-vous déjà provoqué de tels sentiments chez un metteur en scène ?
Je me souviens de Mesguich au Conservatoire à qui je dis un jour : “Non mais ça, je ne pourrais pas le jouer, je suis trop précieux.” Il s’est mis dans une colère noire : “Mais dans ‘précieux’, il y a ‘rare’ ! C’est indispensable d’être rare dans ce métier !” Au-delà de sa colère, j’ai retenu le décloisonnement. Il a retiré l’étiquette que j’avais accepté qu’on me colle.

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Se faire violer et mourir tous les soirs, ce n’est pas facile. Jouer une femme, ce n’est pas facile. Se retrouver à être concave alors qu’on est convexe, ce n’est pas facile. 

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La vérité d’un acteur, justement, c’est d’éviter les étiquettes ? D’être capable de tout jouer ?
Il y a autant de vérités qu’il y a d’acteurs. Moi, je ne me sens pas capable de tout jouer. J’ai envie de creuser certains rôles, d’autres au contraire ne m’attirent pas.

Vous avez accepté de jouer Lucrèce Borgia, une femme, à la Comédie-Française pendant trois saisons. Pour aller au bout de quelque chose ?
Et cela a été une vraie douleur. Je me suis un peu pris le mur. Pas du tout en scène où c’était très bien, mais avant et après, c’était invivable. Se faire violer et mourir tous les soirs, ce n’est pas facile. Jouer une femme, ce n’est pas facile. Se retrouver à être concave alors qu’on est convexe, ce n’est pas facile. Lucrèce n’est pas un costume que l’on range dans sa loge, comme si de rien n’était. Et à la fois c’était touchant, les gens me disaient qu’ils oubliaient totalement que j’étais un homme. Mais à la fin, comment vous dire, j’avais besoin d’autre chose. Donc là, rideau ! Pendant un moment.

Vous dressez un tableau assez triste de l’addiction à l’alcool dans le monde du théâtre. C’est quelque chose que vous connaissez ?
L’addiction est très présente dans ma vie. Mais je n’ai pas envie d’en parler plus que ça. C’est quelque chose qui me peine.

Votre personnage se sort de son addiction.
Certes mais, comme elle dit, “c’est dur”…

Dans la vie a-t-on besoin de quelqu’un pour s’en sortir ?
Oui, oui, oui, oui. Tout le monde, tout le temps, quel que soit le niveau, l’échelle. Il faut de la bienveillance.

Pourtant c’est une notion presque désuète dans un monde qui aime l’ironie et le cynisme.
Raison de plus, c’est même essentiel ! C’est la presse qui ne veut pas entendre parler de la bienveillance. Le danger, c’est que tout le monde peut s’emparer d’un haut-parleur. Donc, dans ce flot de désinformations, il est très difficile pour un journaliste d’éviter de tomber dans le colportage du bad buzz.

Vous craignez en ce moment que votre promo soit parasitée par un bad buzz ?
Ah moi, ça va, je l’ai eu mon bad buzz, c’est fait, je n’ai plus envie d’en parler. Je ne vais pas remettre un jeton dans la machine. Mais non, je n’ai pas peur pour le film.

Votre mise en scène de “La Cenerentola” à l’Opéra de Paris s’est fait descendre par la critique…
Je suis un des rares metteurs en scène qui n’a pas été hué à la première ! Quand Stéphane Lissner me l’a proposé, je savais que ça serait compliqué. Mais j’ai lu des critiques intéressantes. En revanche, quand elles commencent par “Guillaume Gallienne cet acteur rigolo”, là, c’est merci et au revoir. Mais je ne me fous pas de la critique. Je serais intéressé de savoir par exemple ce qu’un Philippe Lançon pense de mon travail.

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J’ai aussi envie d’arrêter le storytelling sur ma personne. Il y a beaucoup de Maryline dans le monde, alors que des privilégiés comme moi, il n’y en a pas tant que ça

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Après le triomphe des “Garçons et Guillaume, à table !” avez-vous eu du mal avec le succès ?
Oui. Cela a été compliqué pour ma femme et mon fils. Parce que, quand je faisais des courses avec mon gamin, les gens m’abordaient comme si on se connaissait. Au bout d’un moment on joue un personnage au lieu d’être soi-même. C’est ce que Proust disait de la duchesse de Guermantes : “Elle allumait son regard pour toute la soirée.” A force d’allumer pour toute la soirée, il y a eu des moments où ma femme et mon fils ont eu besoin de me ramener parmi les vivants ! [Il rit.]

C’est pour eux que vous partez aux Etats-Unis ? Dès janvier, vous allez donner des cours à l’université de Princeton…
Je pars dès le mois de décembre avec un bonheur non dissimulé ! Je m’étais toujours juré que je quitterais le Français au bout de vingt ans. Sauf qu’Eric Ruf est administrateur, je l’aime et j’ai envie de resigner cinq ans avec lui. Mais j’ai besoin de partir un peu pour revenir la fleur au fusil. Parce que, après “Lucrèce Borgia”, mon désir a été quand même très égratigné. Et j’ai aussi envie d’arrêter le storytelling sur ma personne. Il y a beaucoup de Maryline dans le monde, alors que des privilégiés comme moi, il n’y en a pas tant que ça. Je préfère parler de ceux qui ont moins les atouts et les armes. A titre personnel, les six mois qui arrivent sont pour ma femme, mon fils et mes étudiants. Après, j’ai un projet de film qui s’appelle “Place au théâtre”, donc si j’écris, j’écris. Mais ce n’est pas l’idée première… 

« Maryline », de Guillaume Gallienne, en salle le 15 novembre.

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