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Henri Loyrette, la vie d’après

Henri Loyrette, la vie d’après
Henri Loyrette, la vie d’après © François Berthier/Paris Match
Anaël Pigeat

Il a présidé pendant douze ans aux destinées du Louvre et on le voyait déjà ministre. Aujourd’hui, il se bat pour le rayonnement international de la culture française.

Son existence entière a été marquée par le Louvre qu’il a présidé et marqué de son sceau entre 2001 et 2013. Henri Loyrette fréquentait le musée enfant puisque ses grands-parents résidaient en face, et semble encore tout entier habité par cette maison, au point de se dire bouleversé par ce qu’il considère comme la dénaturation récente de la salle où l’artiste américain Cy Twombly a peint un somptueux plafond en 2010 : « Je ne me suis jamais prononcé sur le Louvre jusqu’à présent, mais là il y a quelque chose qui est proprement incompréhensible », dit-il ému. Le 8 mars dernier, l’homme est même sorti de sa réserve habituelle, comme le rapporte « Le Quotidien de l’art », pour soutenir l’assignation du Louvre devant le tribunal par la Fondation Cy Twombly.

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Avec Cy Twombly, en 2010. L'artiste américain a peint pour le Louvre le plafond de la salle des bronzes.
Avec Cy Twombly, en 2010. L'artiste américain a peint pour le Louvre le plafond de la salle des bronzes. © Hubert Fanthomme/Paris Match

A l’heure où l’on s’interroge sur le nom du prochain président du musée, le désaveu qu’il a exprimé à l’égard de son successeur dans cette affaire n’est pas passé inaperçu. Henri Loyrette est un homme puissant et discret, voire secret, qui a toujours su s’entourer. Pierre Rosenberg et Michel Laclotte sont les aînés qui ont compté pour lui. De nombreux conservateurs ont à leur tour fait leurs armes à ses côtés. « Je n’ai pas le goût d’enseigner mais j’ai toujours aimé mettre le pied à l’étrier à des plus jeunes, comme Laurence des Cars, aujourd’hui présidente du musée d’Orsay, Sébastien Allard, le directeur du département des peintures au Louvre, ou encore Sophie Makariou, présidente du musée Guimet. C’est un de mes plaisirs et une de mes fiertés. »

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Les musées sont devenus de véritables caisses de résonance du monde contemporain

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Il affirme qu’il n’est pas un politique. Certains pensent pourtant l’inverse et le voyaient déjà ministre de la Culture. « On me l’a proposé une fois, mais je savais que je n’étais pas fait pour cela », dit-il. En 2013, à 60 ans, il créé la surprise générale en annonçant ne pas briguer de nouveau mandat à la tête du musée. « Entre Orsay et le Louvre, cela faisait vingt ans que je dirigeais de grandes institutions. Le département des arts de l’Islam et le Louvre-Lens étaient inaugurés, et le Louvre-Abu Dhabi était sur de bons rails. C’était le moment de revenir à la recherche – même si je n’ai jamais séparé ces différentes activités. » En douze années de présidence, Henri Loyrette a porté haut le modèle du musée universel. Un regret ? Ne pas avoir pu créer un département sur les chrétientés d’Orient, de l’Ethiopie à la Russie. Et son avis sur les restitutions ? « C’est un sujet capital que j’ai vu apparaître, sur lequel nous avons travaillé, et qui doit être traité avec mesure et justice. Les musées sont devenus de véritables caisses de résonance du monde contemporain. »

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Depuis son départ du Louvre, Henri Loyrette a exercé plusieurs fonctions, parmi lesquelles le rôle de conseiller pour les musées auprès de la Fondation Aga Khan, qui fut notamment jusqu’à l’année dernière très engagée dans la préservation du domaine de Chantilly, et dont la très belle collection des arts de l’Islam est visible à l’Aga Khan Museum de Toronto. Il préside également la Cité internationale des arts, une résidence pour artistes inaugurée en 1965 quai de l’Hôtel-de-Ville et à Montmartre, à laquelle il a entrepris, avec Bénédicte Alliot, sa directrice, de rendre son rayonnement et sa dimension utopique originelle : « Travailler pour la Cité des arts, c’est aussi regarder les jeunes artistes au travail et réfléchir à la carte du monde car la cité est un lieu d’hospitalité qui joue un véritable rôle de diplomatie culturelle. » Lui qui a radicalement transformé le mécénat au Louvre, et qui fut président de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial entre 2013 et 2015, a également su faire partager son enthousiasme pour ce lieu à des partenaires prestigieux comme la fondation Art Explora et l’Académie des beaux-arts dont il fait partie.

Cet été au palais des Papes, il s’apprête à ouvrir une exposition de Yan Pei-Ming

Spécialiste du XIXe siècle, Henri Loyrette a aussi le goût de l’art contemporain, qu’il a introduit au musée d’Orsay, puis au Louvre à travers une politique de cartes blanches et de commandes pérennes – parmi lesquelles celles passées à Cy Twombly. Le samedi on aperçoit régulièrement sa haute silhouette dans les galeries du Marais. Les artistes auxquels il s’intéresse, Anselm Kiefer, François Morellet ou Sarkis, ont en commun leur ancrage dans l’histoire de l’art. Cet été au palais des Papes, il s’apprête à ouvrir une exposition de Yan Pei-Ming dont il est proche depuis longtemps. Et il prépare à la Fondation Boghossian à Bruxelles une exposition, « Icons », qui cristallisera ses idées sur l’image et ses sources primitives : une recherche engagée dans sa jeunesse à la Villa Médicis, à l’époque où il a envisagé de rejoindre les équipes du Centre Pompidou naissant.

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Il raconte volontiers que ses goûts n’ont pas varié, notamment Ingres, depuis une exposition vue au Petit Palais en 1967, et les peintres suisses – une partie de sa famille est zurichoise. Sans oublier Gauguin, dont l’œuvre pourrait faire l’objet d’une exposition à Houston et en Australie. « Mais c’est Degas qui est le “point central” de mes travaux », dit-il en laissant entendre qu’il prépare un livre sur la façon dont ce peintre a accompagné sa vie. Dans son exposition « Degas à l’Opéra » au musée d’Orsay en 2019, tout un monde de peintres, d’écrivains et de musiciens se dessinait – une vision de l’histoire où les arts se mêlent. A peine notre conversation s’achève-t-elle qu’Henri Loyrette ne tarde pas à se remettre à l’étude d’un épisode du voyage de Degas en Italie : « On retrouve le bras tendu d’un moine de Giotto sous la forme d’une danseuse, bien des années plus tard… » remarque-t-il, animé par l’idée de retracer la mémoire des gestes et des images…

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